Nations Unies

CCPR/C/135/D/3740/2020

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

26 janvier 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 3740/2020 * , ** , ***

Communication s oumise par :

Andreas Dafnis (représenté par un conseil, Electra Leda Koutra)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

Grèce

Date de la communication :

20 avril 2020 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 5 mai 2020 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

19 juillet 2022

Objet :

Conditions de détention ; absence de soins médicaux adéquats ; droit à la vie ; peine ou traitement inhumain ou dégradant ; respect de la dignité ; vie de famille ; droit à la liberté

Question(s) de procédure :

Recevabilité ; épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Néant

Article(s) du Pacte :

2 (par. 1 et 3), 6 (par. 1), 7, 9 (par. 1), 10, 15, 17 et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

5 (par. 2 b))

1.1L’auteur de la communication est Andreas Dafnis, de nationalité grecque, né en 1962. Il purge actuellement une peine de réclusion à perpétuité à la prison d’Alikarnassos, en Crète (Grèce), et affirme que sa détention porte atteinte aux droits qu’il tient des articles 2 (par. 1 et 3), 6, 7, 9, 10, 15, 17 et 26 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour la Grèce le 5 mai 1997. L’auteur est représenté par un conseil.

1.2Le 9 juillet 2020, le Comité, agissant en vertu de l’article 94 de son règlement intérieur et par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de veiller à ce que l’auteur ait accès aux soins et aux médicaments nécessités par son état de santé.

1.3Le 30 septembre 2021, le Comité, agissant en vertu de l’article 94 de son règlement intérieur et par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a réitéré sa demande.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est un homme d’affaires qui purge depuis décembre 2010 une peine de réclusion à perpétuité pour meurtre. Il souffre d’une pathologie rare, l’hyperhomocystéinémie, qui lui a valu de faire de multiples AVC ischémiques plus ou moins graves pendant sa détention. En outre, il est malvoyant, partiellement paralysé (il est hémiparétique du côté droit) et atteint d’une cardiopathie hypertensive, d’une maladie du foie et de problèmes dentaires chroniques. Il a souffert de troubles bipolaires qui ont nécessité plusieurs séjours en établissement psychiatrique avant son incarcération. Son taux d’invalidité global était de 50 % en 2013, de 75 % en 2016 et de 90 % en 2018.

2.2En raison de ses troubles mentaux, l’auteur a purgé les sept premières années de sa peine à l’unité hospitalière psychiatrique de Korydallos. En septembre 2017, son état de santé s’est aggravé et il a été transféré à l’unité hospitalière sécurisée de Korydallos. Il a commencé à faire des AVC ischémiques, dont un accident majeur qui l’a laissé hémiparétique du côté droit. Comme il a chaque fois été hospitalisé trop tard, il est devenu totalement aveugle de l’œil droit et n’a plus qu’une très faible vision de l’œil gauche. Les repas qui lui sont servis en prison ne sont pas adaptés à son état de santé, qui nécessite un régime alimentaire spécial. Étant donné que les AVC ischémiques peuvent s’avérer mortels en cas d’hospitalisation tardive, l’unité hospitalière sécurisée a estimé qu’elle ne pouvait pas correctement prendre en charge l’auteur et a recommandé qu’il soit hospitalisé.

2.3Le 20 juin 2018, l’auteur a déposé une demande de libération conditionnelle au titre de l’article 110A (par. 3) du Code pénal, arguant de son état de santé et du fait que les conditions de détention à l’unité hospitalière sécurisée ne répondaient pas à ses besoins et mettaient sa vie en péril, car un autre AVC ischémique pourrait lui être fatal.

2.4Le 8 octobre 2018, la Cour d’appel du Pirée a débouté l’auteur au motif que son taux d’invalidité de 90 % ne résultait pas d’une seule maladie grave et était dû pour moitié à ses troubles mentaux.

2.5En février 2020, l’auteur a été transféré à la prison d’Alikarnassos, en Crète, où il partage une cellule avec un autre détenu. Il soutient que son transfert soudain est une mesure de représailles due au fait qu’il a sollicité l’administration de l’unité hospitalière sécurisée et saisi une juridiction supranationale pour faire valoir ses droits.

2.6L’auteur soutient que, à Alikarnassos, il partage avec un autre détenu une cellule de 9 mètres carrés (m2) conçue pour une seule personne, avec dans un coin une latrine qui n’est pas séparée par une cloison et où il n’y a pas d’eau courante pendant la majeure partie de la journée. L’auteur affirme que son codétenu et lui partagent moins de 2 m2 effectifs d’espace personnel. Outre qu’elle est surpeuplée, la prison ne contient pas d’espace non-fumeurs et les conditions d’hygiène y sont déplorables. Les cellules sont infestées de cafards, de punaises de lit et de souris et sentent les latrines et les ordures. Comme elle est proche de l’aéroport d’Héraklion, de nombreux détenus souffrent de problèmes auditifs, de psychonévroses et de troubles du sommeil. L’auteur fait valoir que ses conditions de détention sont incompatibles avec son état de santé. Son handicap visuel l’empêche de se rendre seul jusqu’aux douches et aux lavabos communs pour utiliser l’eau courante, et les repas servis, outre qu’ils n’ont qu’une faible valeur nutritionnelle, sont contre-indiqués pour sa santé.

2.7L’auteur soutient que, malgré sa vulnérabilité, rien n’a été fait pour le protéger contre la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19). En outre, le Gouvernement n’a pris aucune mesure pour désengorger les prisons, les autorités pénitentiaires n’ont pas imposé de règles de distanciation physique ni mis des masques et des désinfectants pour les mains à la disposition des détenus pour empêcher la propagation de la maladie, et aucune politique cohérente n’a été adoptée en ce qui concerne le traitement et l’isolement des cas suspects.

2.8Dans des observations complémentaires datées des 3 et 5 juillet 2020, l’auteur déclare que, le 29 juin 2020, il a fait plusieurs AVC et a été conduit au service des urgences de l’hôpital général universitaire Venizeleio, à Héraklion. Le médecin a diagnostiqué une leucoencéphalopathie microvasculaire aiguë, c’est-à-dire un problème de circulation du sang dans le cerveau, et a dit à l’auteur que les dommages causés par les AVC n’avaient pas pu être évités parce qu’il avait été hospitalisé trop tard. Le médecin a aussi constaté chez l’auteur une hémiparésie de la main et de la jambe à un degré de deux sur cinq. Sur instructions des autorités, l’auteur a quitté l’hôpital pour être ramené à la prison d’Alikarnassos.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur soutient que ses conditions de détention mettent sa vie en danger, notamment parce que les repas sont inadaptés à son état de santé, que, malgré ses handicaps, il ne bénéficie pas de l’aide d’un accompagnant, que les conditions d’hygiène et d’assainissement sont mauvaises, que la prison n’a pas de personnel médical spécialisé, que les cellules sont surpeuplées et qu’aucune mesure ou initiative n’a été prise pour désengorger les prisons dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Il affirme que l’État partie aurait dû savoir que sa détention mettrait sa vie en danger compte tenu de ses problèmes médicaux et du fait qu’il est admis qu’il ne peut être traité en milieu carcéral. Selon lui, par une série d’omissions en ce qui concerne les soins dont il a besoin, notamment des retards dans son hospitalisation ayant mis sa vie en péril, l’État partie a porté atteinte au droit à la vie garanti par l’article 6 du Pacte.

3.2L’auteur soutient que les conditions générales de sa détention en violation des droits qu’il tient de l’article 10 du Pacte sont manifestement inhumaines et humiliantes. Il renvoie à la jurisprudence du Comité, qui a conclu que la surpopulation carcérale, le manque de lumière naturelle et d’aération, la mauvaise qualité de la nourriture et l’inadéquation des services médicaux en prison constituaient des violations de l’article 10 (par. 1) du Pacte. Il fait valoir qu’étant donné sa situation particulière de personne lourdement handicapée, les conditions déplorables dans lesquelles il est détenu lui causent une détresse physique et mentale qui constitue un traitement inhumain et dégradant et donc une violation de l’article 7 du Pacte. En outre, l’impossibilité de faire réexaminer sa condamnation à la réclusion à perpétuité après presque dix ans de détention le place dans une situation humiliante, ce qui est incompatible avec l’obligation de respecter la dignité humaine et constitue donc une violation de l’article 7 du Pacte, lu conjointement avec l’article 2.

3.3L’auteur soutient que son lourd handicap et son incapacité à s’occuper dignement de lui‑même sont des faits établis. Sa détention constitue donc une violation de l’article 9 du Pacte en ce qu’elle est disproportionnée, inutile et arbitraire, en particulier dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Elle ne sert plus les objectifs de réhabilitation et de réinsertion sociale mais est uniquement punitive. L’auteur soutient également que sa détention est arbitraire et constitue une violation de l’article 9 du Pacte en ce qu’elle est contraire à la disposition du droit interne relative à la libération conditionnelle des détenus handicapés.

3.4L’auteur avance que, lorsqu’elle a rejeté la demande de libération conditionnelle qu’il avait présentée en vertu de l’article 110 A du Code pénal, la Cour d’appel du Pirée a interprété la loi de mauvaise foi. L’article 110 A dispose que toute personne invalide à 67 %, ou invalide à 50 % et incapable de subvenir à ses propres besoins, doit être libérée sans conditions. Il n’exige pas que l’invalidité soit entièrement due à une seule maladie grave. L’auteur affirme donc que l’État partie a enfreint le principe de légalité garanti à l’article 15 du Pacte.

3.5L’auteur allègue que, à la différence des autres mesures adoptées dans le contexte de la pandémie de COVID-19, les restrictions à son droit de bénéficier de permissions et de recevoir des visites ne sont pas prescrites par la loi et enfreignent le Code pénitentiaire. Il considère que, en l’absence d’alternatives, ces restrictions sont disproportionnées et violent le droit à la vie privée et à la vie de famille qu’il tient de l’article 17 du Pacte.

3.6Contrairement au reste de la population, les détenus n’ont bénéficié d’aucune mesure de prévention des risques liés à la COVID-19. L’auteur soutient que sa qualité de détenu le rend victime de discrimination dans l’accès aux soins médicaux, en violation de l’article 26 du Pacte. Le principe d’égalité, qui implique que toutes les personnes soient traitées sur un pied d’égalité compte tenu de leur situation, exige qu’en raison de ses handicaps il bénéficie d’une protection spéciale.

3.7L’auteur invoque les droits susmentionnés en conjonction avec ceux garantis à l’article 2 (par. 1 et 3 a) et b)) du Pacte parce qu’il ne dispose d’aucun recours concret et utile permettant de mettre fin à ses conditions de détention. Il soutient que les procureurs qui supervisent les prisons donnent rarement suite aux signalements et aux plaintes présentés conformément à l’article 567 du Code de procédure pénale et que, lorsqu’ils le font, ils nient toute responsabilité et pointent du doigt des problèmes structurels sur lesquels ils affirment n’avoir aucun contrôle, comme la surpopulation carcérale ou l’inadéquation des installations. L’auteur avance que l’introduction d’une action civile en dommages-intérêts est une démarche qui, outre qu’elle est lourde, n’est pas un recours utile pour mettre fin à ses conditions de détention. Il s’est prévalu en vain du recours prévu à l’article 110 A du Code pénal pour obtenir sa libération conditionnelle. L’absence de recours permettant aux détenus de dénoncer leurs conditions de détention a été constatée dans des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et dans les observations finales du Comité contre la torture sur le septième rapport périodique de la Grèce.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 4 janvier 2021, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. S’agissant des conditions de détention de l’auteur, l’État partie soutient que, à l’unité hospitalière psychiatrique de Korydallos, l’intéressé était détenu dans une cellule double de 9,5 m2 chauffée, éclairée et équipée de toilettes. Dans cette unité psychiatrique, les détenus avaient accès à des douches communes, à des repas adaptés à leur état de santé et à un service médical, où ils pouvaient consulter le personnel soignant présent en permanence ou les médecins pendant leurs heures de visite. L’auteur recevait un accompagnement psychologique et participait à des activités récréatives. À l’unité psychiatrique de Korydallos, il a d’abord partagé une cellule de 42,60 m2 avec deux autres détenus, puis une cellule de 8,4 m2 avec un autre détenu. Pendant son hospitalisation, son état de santé est resté stable, mais il a fait plusieurs AVC, dont un qui s’est traduit par une perte d’acuité visuelle. Il a subi tous les examens médicaux nécessaires et des médicaments lui ont été prescrits. L’État partie indique qu’au centre de détention de Korydallos I, l’auteur a partagé avec trois codétenus plusieurs cellules dont la plus grande faisait 31,5 m2, puis avec deux codétenus des cellules de 9,5 m2 comportant des toilettes et un lavabo séparés par un paravent. Ces cellules sont équipées du chauffage central et de l’eau chaude et ont de grandes fenêtres, et les détenus peuvent prendre rendez-vous au service médical pour consulter les médecins pendant leurs heures de visite. L’État partie fait observer que, pendant sa détention dans cet établissement, l’auteur n’a jamais demandé à être entendu par le procureur et a fait le choix de ne pas participer aux activités récréatives proposées. Le 24 février 2020, pour des raisons tenant à l’administration du centre de détention de Korydallos, l’auteur a été transféré à la prison d’Alikarnassos, qui compte actuellement 240 détenus pour une capacité totale de 210. L’auteur partage avec un codétenu une cellule de 8,58 m2 équipée d’une petite latrine au sol et comportant une fenêtre qui laisse entrer l’air et la lumière naturelle. Aucune cellule n’est alimentée en eau chaude. À son arrivée, l’auteur a passé une visite médicale puis a été conduit dans un hôpital voisin pour les examens et les soins dont il avait besoin. Il reçoit les médicaments que son état de santé nécessite.

4.2En ce qui concerne la recevabilité, l’État partie fait observer que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes, car il n’a pas déposé plainte auprès des conseils de prison compétents pour dénoncer ses conditions de détention et l’absence de soins adéquats. L’article 6 du Code pénitentiaire dispose que les détenus peuvent saisir le conseil de la prison pour contester une décision ou un acte qu’ils considèrent comme illégal et, s’ils sont déboutés, saisir le tribunal de l’application des peines. L’État partie fait valoir que dans des affaires comparables concernant des conditions de détention, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que cette procédure était un recours efficace et suffisant. En outre, l’auteur aurait pu se prévaloir de l’article 572 du Code de procédure pénale pour porter plainte auprès du procureur du tribunal correctionnel, le magistrat chargé de superviser et contrôler les établissements pénitentiaires et le traitement des détenus. L’État partie affirme qu’une action en dommages-intérêts fondée sur l’article 105 de la loi d’introduction au Code civil est aussi un recours que l’auteur n’a pas exercé. Cet article oblige l’État partie à verser une indemnisation à raison des actes ou omissions illicites imputables à tout organe de l’État agissant dans l’exercice de la puissance publique. Pour que cette obligation prenne effet, la juridiction administrative doit conclure que l’acte ou l’omission porte atteinte à un droit protégé par la législation nationale (par exemple le Code pénitentiaire) ou par le Pacte. La victime peut demander une indemnisation au titre du préjudice tant matériel que moral. L’État partie avance que l’auteur n’a pas fait appel de la décision par laquelle la Cour d’appel du Pirée a rejeté sa demande de libération conditionnelle alors que l’article 110A (par. 4) du Code pénal lui permettait de se pourvoir en cassation. L’État partie relève que, le 18 octobre 2019, l’auteur a saisi la Cour européenne des droits de l’homme, qui a déclaré sa requête irrecevable au motif, notamment, que les recours internes n’avaient pas été épuisés.

4.3L’État partie soutient que les griefs que l’auteur tire de l’article 15 du Pacte devraient être déclarés irrecevables en ce qu’ils impliquent un réexamen des faits et des éléments de preuve. Il fait observer que la Cour d’appel du Pirée a interprété l’article 110 A du Code pénal à la lumière des divers faits et éléments de preuve pertinents et que son appréciation ne saurait être considérée comme manifestement arbitraire ou représentant un déni de justice.

4.4En ce qui concerne le fond de la communication et le grief de violation de l’article 2 (par. 1 et 3 a) et b)) du Pacte, l’État partie avance que, comme il l’a démontré plus haut, il a fait le nécessaire pour garantir le respect des droits que l’auteur tient du Pacte et est doté de mécanismes judiciaires et administratifs compétents pour examiner les allégations de violation des droits consacrés par cet instrument.

4.5L’État partie avance que l’argument de l’exposition à un danger de mort grave et imminent constitutive d’une violation de l’article 6 du Pacte est infondé. L’auteur reçoit gratuitement les médicaments prescrits et peut, au besoin et s’il en fait la demande, se rendre à l’infirmerie pour une consultation. Il a été hospitalisé chaque fois que c’était nécessaire. En ce qui concerne les mesures prises pour empêcher la propagation de la COVID-19, l’État partie signale que les autorités de la prison d’Alikarnassos ont suivi à la lettre les mesures prescrites par le Gouvernement et ont établi un protocole pour faire face aux cas suspects. La prison a reçu des équipements de protection. Les nouveaux arrivants sont placés en quarantaine et la température du personnel est contrôlée. Aucun cas de COVID-19 n’a été signalé.

4.6L’État partie soutient que l’auteur est traité avec humanité, dans le respect de l’article 10 du Pacte. Il est détenu dans des conditions satisfaisantes qui ne sont pas constitutives d’un traitement inhumain ou dégradant au regard de l’article 7 du Pacte. En prison, il n’a subi aucune épreuve autre que celles inhérentes à la privation de liberté. Les normes minimales de détention sont respectées, y compris en ce qui concerne les soins et traitements médicaux. En outre, l’auteur a toujours disposé d’un espace personnel supérieur à 4 m2, soit supérieur au minimum établi par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

4.7En ce qui concerne le grief de violation de l’article 9 du Pacte, l’État partie soutient que l’auteur a été arrêté dans le respect des procédures légales. Il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt, a été informé des raisons de son arrestation et n’a pas passé plus de temps en détention provisoire que la loi le permet. En outre, il a eu accès à un avocat et a eu la possibilité de contester la légalité de sa détention. Il purge actuellement une peine de réclusion à perpétuité imposée par la Cour d’appel à jury mixte de Nauplie. Selon l’État partie, toutes les informations qui précèdent attestent que la détention de l’auteur n’est pas arbitraire ni contraire aux dispositions de l’article 9 du Pacte.

4.8L’État partie soutient que les griefs que l’auteur tire de l’article 15 du Pacte sont dénués tant de fondement que de pertinence. Ce n’est pas parce que l’intéressé conteste l’interprétation que la Cour d’appel a faite de l’article 110 A du Code pénal qu’il y a eu violation de l’article 15 du Pacte ou atteinte au principe de légalité.

4.9En ce qui concerne le grief selon lequel les mesures prises dans le contexte de la pandémie de COVID-19 ont entraîné une violation de l’article 17 du Pacte, l’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas fait l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille ou son domicile. En outre, le 4 mars 2020, le conseil de la prison d’Alikarnassos a autorisé la fiancée de l’auteur à rendre visite à celui-ci. L’État partie réaffirme que tous les .établissements pénitentiaires mentionnés dans la communication ont pris les mesures sanitaires prescrites par les autorités dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

4.10L’État partie fait valoir que les griefs tirés de l’article 26 du Pacte sont vagues et infondés en ce que l’auteur n’a été soumis à aucune discrimination quelle qu’elle soit. Il rappelle que les différences de traitement fondées sur les motifs énoncés à l’article 26 du Pacte ne sont pas nécessairement constitutives de discrimination si elles reposent sur des critères raisonnables et objectifs et visent un but légitime au regard du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 1er juin 2021, l’auteur a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie.

5.2En ce qui concerne l’allégation d’irrecevabilité formulée par l’État partie, l’auteur avance que les recours mentionnés par celui-ci ne sont ni disponibles ni utiles et n’offrent aucune perspective raisonnable de succès dans un délai acceptable. Partant, il n’avait pas l’obligation de les épuiser. L’absence de recours utile permettant aux détenus de dénoncer leurs conditions de détention a été reconnue par l’État partie lui-même et constatée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme. L’auteur réaffirme qu’il est rarement donné suite aux signalements effectués au titre de l’article 572 du Code de procédure pénale et de l’article 6 du Code pénitentiaire. En outre, les procureurs, qui sont chargés à la fois de superviser le traitement des détenus et d’enquêter sur leurs plaintes, ne sont manifestement pas impartiaux. Les arrêts sur lesquels l’État partie s’appuie pour arguer de l’efficacité de ces recours ont été rendus il y a plus de quinze ans et ne sont pas représentatifs de la jurisprudence actuelle de la Cour en la matière.

5.3L’auteur estime que l’action en dommages-intérêts prévue à l’article 105 de la loi d’introduction au Code civil est un recours purement indemnitaire qui n’est pas utile, au regard de l’article 2 du Pacte, pour mettre rapidement fin à ses conditions de détention et protéger son droit à la vie. Il fait valoir que ce recours n’a jamais abouti à la constatation d’une violation du Pacte ou de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (la Convention européenne des droits de l’homme) résultant des conditions de détention dans l’État partie.

5.4En ce qui concerne l’efficacité des recours internes, l’auteur ne s’est pas pourvu en cassation contre la décision de la Cour d’appel du Pirée parce qu’il estime que ce recours serait futile puisque son invalidité ne satisfait pas aux conditions prescrites par l’article 110 A (par. 3) du Code pénal tel qu’interprété par les tribunaux grecs . En décembre 2020, après dix ans de détention, l’auteur a présenté une autre demande au titre de l’article 110 A, à laquelle le procureur de Crète orientale s’est opposé pour les mêmes motifs que ceux invoqués par la Cour d’appel. Il réaffirme que ce recours n’est pas utile et que la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la procédure était excessivement longue.

5.5L’auteur affirme que la requête dont il a saisi la Cour européenne des droits de l’homme ne portait pas sur les mêmes faits et n’alléguait pas les mêmes griefs que la communication, qui concerne principalement ses conditions de détention à la prison d’Alikarnassos dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Il ajoute que sa requête a été déclarée irrecevable par la Cour et n’est donc pas en cours d’examen devant une autre instance internationale.

5.6L’auteur conteste fermement l’argument selon lequel les autorités pénitentiaires d’Alikarnassos ont réagi adéquatement face à la pandémie de COVID-19. La distribution occasionnelle d’un antiseptique léger est loin de répondre aux normes internationales. En outre, dans le contexte de la pandémie, l’État partie a limité les hospitalisations et restreint l’exercice du droit de bénéficier de permissions et de recevoir des visites, mais n’a rien fait pour désengorger les prisons ou réduire autrement le risque d’infection des détenus. L’auteur soutient que les mesures prises ne sont pas conformes aux principes de légalité, de proportionnalité et de nécessité et ne tiennent pas compte des besoins particuliers des détenus handicapés face à la pandémie de COVID-19.

5.7L’auteur réaffirme que l’État partie a arbitrairement porté atteinte à son droit à la vie en ne lui fournissant pas l’assistance médicale nécessaire et en rejetant sa demande de libération conditionnelle alors qu’il savait parfaitement que sa vie était menacée par un danger réel et imminent. Il fait valoir que la lenteur avec laquelle les autorités réagissent lorsqu’il fait un AVC réduit considérablement ses chances de survie et que l’État partie n’a d’ailleurs pas fourni de copie de son dossier médical afin de prouver qu’il est correctement soigné. Enfin, il conteste l’allégation de l’État partie selon laquelle il n’y avait eu aucun cas de COVID-19 à la prison d’Alikarnassos au moment où il a soumis ses observations.

5.8L’auteur réitère ses observations concernant les griefs qu’il tire des articles 7 et 10 du Pacte. Il renvoie aux constatations et aux rapports des mécanismes régionaux et internationaux de défense des droits de l’homme, qui confirment que, contrairement à ce que l’État partie soutient, les conditions de détention et les soins de santé fournis aux détenus, en particulier dans les prisons de Korydallos et d’Alikarnassos, sont insatisfaisants. Il renvoie à un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans une affaire qui concernait aussi un détenu handicapé, aux termes duquel détenir une personne handicapée dans des conditions inadaptées à son état revenait à soumettre l’intéressé à une épreuve dépassant le niveau inévitable de souffrance inhérent à la privation de liberté.

5.9L’auteur soutient que l’État partie n’a pas abordé le fond des griefs qu’il tire de l’article 9 du Pacte et a donc passé sous silence la jurisprudence du Comité relative aux conditions dans lesquelles une privation de liberté peut constituer une détention arbitraire.

5.10En ce qui concerne les observations que l’État partie a formulées au sujet des griefs qu’il tire l’article 15 du Pacte, l’auteur fait valoir que l’article 110 A du Code pénal a fait l’objet de deux interprétations différentes. Selon la première interprétation, qui suit la lettre de la loi, le condamné doit bénéficier d’une libération conditionnelle si son taux d’invalidité est supérieur à 80 %. Selon la seconde, suivie par l’ensemble des tribunaux l’État partie depuis 2018, il faut que ce taux d’invalidité soit dû à une seule maladie grave pour que la libération conditionnelle soit accordée, ce qui exclut que le cumul de plusieurs maladies puisse être lourdement handicapant. L’auteur réaffirme qu’il considère que cette seconde interprétation relève de la mauvaise foi.

5.11L’auteur réaffirme qu’il a y eu violation de l’article 17 du Pacte en ce que la suspension des visites et des permissions face à la pandémie n’était pas prescrite par la loi. Les détenus ne se sont pas vu proposer d’autres moyens de communiquer avec leurs proches, mais comme les mesures n’ont pas été annoncées officiellement, elles ne pouvaient pas être formellement contestées.

5.12L’auteur fait observer que l’État partie n’a pas abordé le fond des griefs qu’il tire de l’article 26 du Pacte. Il soulève en outre un nouveau grief, à savoir qu’il n’a pas été vacciné contre la COVID-19 parce qu’il est en détention. Il soutient que les personnes de son âge qui sont dans le même état de santé que lui mais ne sont pas incarcérées peuvent prendre rendez‑vous pour se faire vacciner, alors qu’il a été privé de cette possibilité.

5.13L’auteur avance que, bien que le Comité ait demandé à l’État partie de prendre des mesures provisoires pour lui garantir l’accès aux services de santé et aux médicaments dont il a besoin, l’État partie n’a pas pris les mesures demandées, par exemple en le transférant dans un environnement compatible avec son état santé. Le 24 août 2020, après que les autorités pénitentiaires ont voulu placer un troisième détenu dans sa cellule, pourtant destinée à une seule personne, il a adressé un signalement au Médiateur pour se plaindre que l’État partie n’avait pas donné suite à la demande de mesures provisoires du Comité.

5.14Le 29 septembre 2021, après l’apparition des premiers cas de COVID-19 dans la prison d’Alikarnassos, l’auteur a présenté des commentaires supplémentaires sur les observations de l’État partie. Il soutient qu’il a été testé négatif, mais a quand même été soumis à une quarantaine dans sa cellule, avec son codétenu qui avait été testé positif. Il ajoute que, le 27 septembre 2021, la Crète a été secouée par un violent séisme. Les habitants n’étaient plus en sécurité chez eux et l’armée et les services de protection civile ont dressé des tentes vers lesquelles ils ont été évacués. À l’exception de ceux qui étaient en quarantaine, parmi lesquels l’auteur, tous les détenus de la prison d’Alikarnassos ont été conduits à l’extérieur, dans la cour. Les autorités n’ont pas suffisamment pris soin des détenus en quarantaine. L’auteur craint que, par suite du séisme, sa cellule s’effondre, et que le stress résultant de cette situation lui cause un nouvel AVC. Il demande au Comité de modifier la demande de mesures provisoires présentée à l’État partie le 9 juillet 2020 et de recommander sa libération, la situation actuelle l’exposant à un risque de préjudice irréparable.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Dans une note verbale du 9 novembre 2021, l’État partie a présenté des observations complémentaires sur la recevabilité et le fond de la communication. Il réaffirme que l’auteur avait à sa disposition plusieurs recours utiles qu’il était tenu d’épuiser, à savoir le signalement au conseil de la prison prévu à l’article 6 du Code pénitentiaire, le dépôt d’une plainte auprès du procureur du tribunal correctionnel et l’introduction d’un pourvoi en cassation contre la décision de la Cour d’appel du Pirée et contre la décision de même effet de la Cour d’appel de Crète orientale, que l’auteur n’indique pas avoir contestée. L’auteur aurait pu engager une procédure en référé devant les tribunaux civils, conformément au Code de procédure civile, pour parer au danger imminent pour sa santé qu’il allègue.

6.2L’État partie réitère ses commentaires concernant les soins de santé dispensés à l’auteur. L’intéressé a été admis à l’hôpital Venizeleio d’Héraklion à quatre reprises au cours des trois mois précédant la présentation par l’État partie de ses observations. Il s’est aussi régulièrement rendu au service médical, où il a d’ailleurs encore des rendez-vous prévus, pour consulter les neurologues, chirurgiens et ophtalmologues de service. L’État partie indique que, contrairement à ce qu’il avance, l’auteur a été vacciné contre la COVID-19 le 13 juillet 2021, comme le confirme le médecin de la prison. Lorsque son codétenu a été testé positif, l’auteur a été placé en quarantaine pendant dix jours et le personnel soignant a vérifié chaque jour qu’il n’avait pas de symptômes. Son placement en quarantaine ne l’a pas exposé à un risque de dommage irréparable à sa santé.

6.3L’État partie signale que, après le séisme survenu près d’Héraklion le 27 septembre 2021, les autorités ont immédiatement inspecté la prison d’Alikarnassos et ont constaté que les détenus étaient indemnes et que les bâtiments n’avaient pas été endommagés. L’État partie conteste les allégations selon lesquelles les conditions de détention dans la prison d’Alikarnassos sont dégradantes, faisant valoir qu’aucun élément de preuve ne vient les étayer et que l’auteur n’en a pas fait part aux autorités compétentes.

6.4Pour ce qui est des divers rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants auxquels l’auteur renvoie, l’État partie fait valoir que la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le seul fait d’invoquer des rapports du Comité ne suffisait pas à étayer les griefs d’un requérant concernant certains aspects de sa détention. De surcroît, ces rapports sont antérieurs de plusieurs années à la présentation de la communication.

6.5L’État partie conclut que, si elles ne sont pas totalement satisfaisantes, les conditions de détention de l’auteur telles qu’il les a décrites dans ses observations initiales ne sont pas insatisfaisantes au point d’être constitutives d’un traitement inhumain ou dégradant au regard de l’article 7 du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

7.2Le Comité note que, le 23 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’homme, siégeant en formation de juge unique, a estimé que la requête de l’auteur était irrecevable. Étant donné que l’affaire n’est pas en cours d’examen devant la Cour, le Comité considère que l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif ne l’empêche pas d’examiner les griefs de l’auteur quant au fond.

7.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication devrait être jugée irrecevable au motif que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes faute d’avoir : a) effectué un signalement auprès du conseil de la prison concerné puis interjeté appel auprès du tribunal de l’application des peines en vertu de l’article 6 du Code pénitentiaire ; b) porté plainte auprès du procureur du tribunal correctionnel en vertu de l’article 5 du même Code ; c) intenté une action en dommages-intérêts en vertu de l’article 105 de la loi d’introduction au Code civil ; et d) intenté une action en référé devant les tribunaux civils.

7.4Le Comité note que, selon l’auteur, les procédures pouvant être engagées auprès du conseil de la prison ou du procureur général ne sont pas des recours utiles car il y est rarement donné suite et elles n’offrent aucune perspective raisonnable d’amélioration des conditions de détention. Il note que, selon l’État partie, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé qu’il s’agissait au contraire de recours susceptibles de permettre à une personne d’obtenir l’amélioration de ses conditions de détention. Il note que l’auteur argue que les arrêts de la Cour invoqués par l’État partie comme confirmant l’utilité de ces recours ne sont plus d’actualité. Il note également que l’État partie n’a pas fourni d’informations supplémentaires concrètes venant réfuter les allégations de l’auteur. Il constate de plus que, si la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que les procédures prévues à l’article 572 du Code de procédure pénale et à l’article 6 du Code pénitentiaire étaient des recours utiles pour les détenus se plaignant de circonstances particulières qui les touchaient personnellement et auxquelles les autorités pénitentiaires pouvaient mettre un terme, elle a néanmoins jugé que ces recours n’étaient d’aucune utilité pour les requérants qui se plaignaient d’être personnellement affectés par les conditions générales de détention dans la prison.

7.5Le Comité note que l’auteur soutient que l’introduction d’une action en dommages‑intérêts en vertu de l’article 105 de la loi d’introduction au Code civil ne constituerait pas un recoursutile et rapide de nature à mettre fin à ses conditions de détention et que ce recours n’a jamais conduit les tribunaux à constater que des conditions de détention étaient constitutives d’une violation du Pacte. Il note également que l’État partie soutient que l’action en dommages-intérêts est un recours approprié et utile qui permet à la fois de faire constater la violation de droits consacrés par le Pacte et d’obtenir une indemnisation, et que la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que c’était un recours utile pour dénoncer d’éventuelles violations du Code pénitentiaire et de la Convention européenne des droits de l’homme, qui est directement applicable dans l’ordre juridique interne. Le Comité constate que l’État partie n’a pas fourni d’informations concrètes venant réfuter les allégations de l’auteur concernant le manque de rapidité, et en particulier le manque d’efficacité, de ce recours. Il constate également que, selon la Cour européenne des droits de l’homme, l’action en dommages-intérêts prévue à l’article 105 de la loi d’introduction au Code civil est un recours purement indemnitaire qui, partant, est efficace si le demandeur a été libéré, mais pas s’il est incarcéré. Le Comité note en outre que la Cour européenne a considéré que c’était un recours inefficace s’agissant de permettre aux détenus d’obtenir une amélioration de leurs conditions de détention.

7.6En l’absence d’autres informations dans le dossier qui permettraient d’établir l’efficacité des recours prévus à l’article 572 du Code de procédure pénale, à l’article 6 du Code pénitentiaire et à l’article 105 de la loi d’introduction au Code civil, le Comité estime que, en l’espèce, l’État partie n’a pas démontré comment ces recours auraient permis d’améliorer rapidement les conditions de détention de l’auteur.

7.7Le Comité note que l’État partie affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes faute de s’être pourvu en cassation contre la décision de la Cour d’appel du Pirée. Il note également que l’auteur soutient qu’un tel pourvoi serait vain et n’offrirait aucune perspective raisonnable de succès étant donné que son handicap ne répond pas aux conditions établies par la jurisprudence relative à l’article 110 A du Code pénal, sans compter que la procédure est excessivement longue. Il constate également que l’État partie n’a fourni aucune information venant réfuter les arguments de l’auteur quant à l’efficacité de ce recours et renvoie à sa jurisprudence selon laquelle, aux fins de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif, les recours internes doivent être non seulement disponibles mais aussi utiles, sachant que leur utilité dépend entre autres choses de la nature de la violation dénoncée. Le Comité rappelle que l’auteur d’une communication doit se prévaloir de tous les recours judiciaires ou administratifs qui lui offrent des perspectives raisonnables d’obtenir réparation. Il rappelle également qu’il n’est pas nécessaire d’épuiser les recours internes s’ils n’ont objectivement aucune chance d’aboutir, par exemple dans les cas où la législation interne applicable entraînerait nécessairement le rejet de la demande ou lorsque la jurisprudence établie des plus hautes instances judiciaires exclut toute issue positive. Étant donné que le dossier ne contient aucune information permettant d’établir qu’un pourvoi en cassation contre la décision de la Cour d’appel du Pirée aurait été efficace, le Comité estime que, en l’espèce, l’État partie n’a pas montré comment ce recours aurait été utile pour mettre rapidement fin aux conditions de détention de l’auteur. Il considère que l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ne l’empêche pas d’examiner les griefs que l’auteur tire des articles 6, 7, 9 et 10 du Pacte.

7.8En ce qui concerne le grief de violation de l’article 7 du Pacte lu conjointement avec l’article 2 tenant au fait que l’auteur n’aurait pu obtenir le réexamen de sa condamnation à perpétuité après presque dix ans passés en détention (par. 3.2), le Comité note que l’auteur a pu demander sa libération conditionnelle en deux occasions en vertu des dispositions de l’article 110 A du Code pénal grec et considère donc que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ce grief aux fins de la recevabilité. Il déclare donc cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.9En ce qui concerne l’article 17 du Pacte, le Comité estime que l’auteur n’a pas fourni suffisamment d’arguments ni d’éléments factuels pour étayer le grief de violation du droit à la vie privée et n’a pas expliqué pourquoi les restrictions à son droit de recevoir des visites et de bénéficier de permissions étaient illégales, disproportionnées et arbitraires. Il prend note du grief que l’auteur tire de l’article 26 du Pacte, à savoir que sa qualité de détenu lui vaut d’être victime de discrimination dans l’accès aux soins de santé, notamment la vaccination contre la COVID-19. Le Comité prend note également de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a fait l’objet d’aucune discrimination et a été vacciné contre la COVID‑19 le 13 juillet 2021. En conséquence, et en l’absence d’autres informations pertinentes dans le dossier, le Comité estime que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ces griefs aux fins de la recevabilité. Il déclare donc cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.10Le Comité prend note du grief que l’auteur tire de l’article 15 du Pacte, à savoir que la Cour d’appel du Pirée, pour rejeter sa demande de libération conditionnelle, a interprété l’article 110 A du Code pénal de manière arbitraire et illégale. Il prend note également de l’argument de l’État partie, selon lequel la décision de la Cour était pleinement motivée et fondée sur l’évaluation de divers faits et éléments de preuve et ne saurait donc être considérée comme manifestement arbitraire ou constitutive d’un déni de justice. Le Comité note que l’État partie fait valoir qu’il a jusqu’à présent déclaré irrecevables les communications impliquant qu’il procède à un nouvel examen des faits et des éléments de preuve.

7.11Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle c’est aux juridictions des États parties qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, ou la manière dont la législation interne a été appliquée, à moins qu’il ne soit établi que cette appréciation, ou cette application, a été clairement arbitraire ou manifestement entachée d’erreur ou a constitué un déni de justice. Il a examiné les informations fournies par les parties, en particulier la décision de la Cour d’appel du Pirée et la recommandation du procureur de Crète orientale, et estime que l’une et l’autre étaient fondées sur la jurisprudence des tribunaux nationaux concernant l’article 110A du Code pénal et qu’il n’apparaît pas que, en l’espèce, cette disposition a été interprétée arbitrairement. Il estime par conséquent que l’auteur n’a pas suffisamment étayé le grief de violation de l’article 15 du Pacte et déclare ce grief irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.12Le Comité note que l’auteur allègue une violation distincte de l’article 2 (par. 1 et 3)) du Pacte. Il rappelle sa jurisprudence selon laquelle les dispositions de l’article 2 du Pacte énoncent une obligation générale à la charge des États parties et ne peuvent être invoquées séparément dans une communication présentée en vertu du Protocole facultatif. Par conséquent, il estime que les griefs formulés par l’auteur au titre de l’article 2 (par. 1 et 3) du Pacte sont irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.13Le Comité considère que les dispositions de l’article 2 ne peuvent pas être invoquées conjointement avec d’autres dispositions du Pacte dans une communication présentée en vertu du Protocole facultatif, sauf lorsque le manquement de l’État partie aux obligations que lui impose l’article 2 est la cause immédiate d’une violation distincte du Pacte qui affecte directement la personne qui se dit lésée. Il note toutefois que l’auteur a déjà invoqué une violation des droits qu’il tient des articles 6, 7, 9 et 10 du Pacte, et il ne considère pas qu’examiner si l’État partie a également manqué aux obligations générales que lui impose l’article 2 (par. 1) du Pacte lu conjointement avec les articles 6, 7, 9 et 10 serait différent d’examiner s’il y a eu violation des droits que l’auteur tient des articles 6, 7, 9 et 10. En conséquence, le Comité considère que les griefs que l’auteur tire de l’article 2 (par. 1) du Pacte, lu conjointement avec les articles 2 (par. 3), 6, 7, 9, 10, 17 et 26, sont irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.14En l’absence d’autre obstacle à la recevabilité, le Comité déclare la communication recevable pour ce qui est des griefs concernant les conditions générales de sa détention que l’auteur tire des articles 6, 7, 9 et 10 du Pacte, lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3), et il va les examiner au fond.

Examen au fond

8.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

8.2Le Comité prend note des griefs que l’auteur tire de l’article 6 (par. 1) du Pacte, à savoir que les conditions de sa détention mettent sa vie en danger, notamment parce que les repas sont inadaptés à son état de santé, que les conditions d’hygiène et d’assainissement sont mauvaises, que la prison n’a pas de personnel médical spécialisé, que, malgré son handicap, aucun accompagnant n’est présent pour l’aider à sortir de sa cellule, que les cellules sont suroccupées et qu’aucune mesure ni initiative n’a été prise pour désengorger les prisons dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Il note que l’auteur soutient que l’État partie a été informé que son incarcération dans un environnement médicalement inadapté l’exposait à un danger mortel en ce que tout retard dans son hospitalisation pourrait s’avérer fatal. Il note dans le même temps que, selon l’État partie, l’auteur se voit régulièrement dispenser des médicaments et des soins par l’infirmerie, ce qui a également été le cas pendant qu’il était en quarantaine, et qu’il est conduit à l’hôpital chaque fois que c’est nécessaire.

8.3Le Comité constate que plusieurs médecins ont déclaré que l’auteur ne pouvait pas être correctement pris en charge pour son hyperhomocystéinémie dans l’établissement dans lequel il était détenu parce que ses AVC ischémiques récurrents nécessitaient une intervention rapide en milieu hospitalier. Il constate que les médecins ont indiqué que l’état de santé de l’auteur s’était détérioré en détention et que l’intéressé courrait un risque grave et concret de mort si, à cause d’une hospitalisation tardive, il n’était pas correctement soigné. Il rappelle que, en tout état de cause, l’État partie a l’obligation de protéger la vie des détenus et de garantir leur bien-être et, partant, de surveiller régulièrement l’état de santé de toutes les personnes incarcérées et de fournir à celles-ci les soins médicaux dont elles ont besoin. Il constate que, malgré l’avis des médecins de l’unité hospitalière sécurisée de la prison de Korydallos, qui ont insisté sur le fait que l’auteur devait être pris en charge d’urgence et recommandé son hospitalisation, l’intéressé a été transféré à la prison d’Alikarnassos, où il a fait un AVC ischémique le 29 juin 2020, subissant ainsi un préjudice supplémentaire en raison de son hospitalisation tardive. Le Comité considère que l’État partie connaissait les problèmes de santé de l’auteur et savait que, faute de soins médicaux spécialisés en prison, il devrait être hospitalisé d’urgence, ce qui pourrait lui coûter la vie. Le Comité constate de surcroît que l’État partie n’a pas contesté l’allégation selon laquelle, étant donné son handicap et l’absence d’accompagnant, l’auteur n’a pas accès aux douches ni à l’eau chaude, dont sa cellule est dépourvue. Il rappelle que les personnes présentant un handicap, y compris psychosocial ou intellectuel, ont elles-aussi droit à des mesures spécifiques de protection propres à garantir leur jouissance effective du droit à la vie, sur la base de l’égalité avec les autres. Il estime qu’il ressort des informations figurant au dossier que, bien que l’auteur se soit vu dispenser des médicaments, l’absence de soins médicaux spécialisés dans les prisons a retardé son accès aux soins et aggravé son état de santé de façon disproportionnée du fait de son handicap. En l’absence d’autres informations sur les mesures prises par l’État partie pour s’acquitter de son obligation de protéger la vie de l’auteur et compte tenu de la gravité de l’état de santé de celui-ci, qui est attestée par des documents médicaux, le Comité conclut que, dans les circonstances particulières de l’espèce, il y a eu violation des droits que l’auteur tient de l’article 6 (par. 1) du Pacte.

8.4En ce qui concerne les conditions de détention en général, le Comité fait observer que certaines normes minimales doivent être respectées quel que soit le niveau de développement de l’État partie. Notamment, conformément aux règles  10, 12, 17, 19 et 20 de l’Ensemble de règles minima des Nations  Unies pour le traitement des détenus, chaque détenu doit bénéficier d’une surface minimale au sol et d’un certain volume d’air, pouvoir accéder à des installations sanitaires adéquates, se voir fournir une tenue qui n’est pas dégradante ni humiliante, disposer d’un lit individuel et recevoir une alimentation ayant une valeur nutritive suffisant au maintien de sa santé et de ses forces. Or, les informations versées au dossier montrent que, en l’espèce, les normes relatives à la surface minimale au sol, au volume d’air et aux installations sanitaires ne sont pas respectées, en particulier à la prison de Korydallos I et à la prison d’Alikarnassos. Le Comité constate que l’État partie reconnaît que les conditions de détention de l’auteur ne sont pas totalement satisfaisantes et que la prison d’Alikarnassos est surpeuplée et ne nie pas que l’auteur doit partager un espace de 2 m2 avec son codétenu.

8.5Le Comité rappelle que les personnes privées de liberté ne doivent pas subir de privation ou de contrainte autres que celles qui sont inhérentes à la privation de liberté. Cela étant, pour entrer dans le champ d’application de l’article 10 du Pacte, le traitement inhumain doit avoir un degré minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum dépend de toutes les circonstances, comme la nature et le contexte du traitement, sa durée, ses conséquences physiques et psychologiques et, dans certains cas, le sexe, l’âge et l’état de santé de la victime ou autre circonstance qui lui est propre. Les autorités pénitentiaires sont spécifiquement tenues, entre autres, de fournir aux détenus les services médicaux nécessaires et des installations sanitaires adéquates, et de prévenir la surpopulation.Le Comité constate que, compte tenu du handicap visuel et de la mobilité réduite de l’auteur, les installations sanitaires à la disposition de l’intéressé, àsavoir une latrine au sol, ne répondent pas aux normes minimales pertinentes. Ilconstate également que ces conditions générales de détention, depuis l’absence d’accès en temps voulu à des soins médicaux appropriés jusqu’aux cellules suroccupées et aux installations sanitaires inadéquates, ont causé des difficultés disproportionnées à l’auteur en tant que personne handicapée, en aggravant ses souffrances physiques et psychologiques. Le Comité considère que les conditions de détention de l’auteur portent atteinte à son droit d’être traité avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine, et qu’elles sont donc contraires à l’article 10 (par. 1) du Pacte, une disposition visant expressément la situation des personnes privées de liberté et qui étend à ces personnes les garanties générales énoncées à l’article 7. Sur la base des informations dont il est saisi, le Comité conclut que les conditions de détention de l’auteur, telles que décrites par celui-ci et reconnues par l’État partie, constituent une violation du droit de ne pas être soumis à un traitement inhumain ou dégradant qu’il tient de l’article 7 du Pacte. Pour ces raisons, et eu égard aux conséquences disproportionnées qu’ont eues ces conditions de détention pour l’auteur en raison de ses multiples handicaps, le Comité conclut que les circonstances de la détention de l’auteur constituent une violation des articles 7 et 10 (par. 1) du Pacte.

8.6Le Comité rappelle que les États parties doivent veiller à ce que toute personne dispose de recours accessibles et utiles pour faire valoir les droits énoncés dans le Pacte. Il renvoie à son observation no 31 (2004), sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, aux termes de laquelle les États parties doivent mettre en place des mécanismes juridictionnels et administratifs appropriés pour examiner les plaintes faisant état de ces violations.En l’espèce, les informations dont dispose le Comité indiquent que l’auteur n’a pas eu accès à un recours utile qui aurait permis d’examiner les conditions de sa détention et de les améliorer pour qu’il reçoive les soins que son état de santé nécessitait d’urgence. En conséquence, et eu égard à ces circonstances particulières, le Comité conclut que les droits que l’auteur tenait des articles6 (par. 1), 7 et 10 du Pacte, lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3), ont été violés.

8.7Ayant constaté une violation des articles 6 (par. 1), 7 et 10 du Pacte, le Comité n’examinera pas séparément les griefs que l’auteur tire de l’article 9 (par. 1).

9.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits que l’auteur tient des articles 6 (par. 1), 7 et 10 du Pacte, lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3).

10.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, il est tenu, entre autres, de prendre des mesures appropriées pour : a) faire en sorte que l’auteur ait en permanence un accès effectif aux soins médicaux nécessités par ses besoins et son état de santé et qu’il soit détenu dans des conditions adaptées à ses handicaps ; et, en outre, b) indemniser adéquatement l’auteur pour les violations commises. L’État partie est également tenu de prendre les mesures nécessaires pour que des violations analogues ne se reproduisent pas. À cette fin, il devrait établir un recours utile permettant aux détenus de se plaindre de leurs conditions de détention et de l’insuffisance des soins médicaux dont ils bénéficient.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile lorsque la réalité d’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles‑ci publiques.

Annexe

Opinion individuelle (dissidente) de José Manuel Santos Pais

1. Je regrette de ne pouvoir m’associer à la majorité dans les présentes constatations. L’auteur n’ayant pas épuisé les recours internes, sa communication n’aurait pas dû être déclarée recevable. À supposer qu’elle le soit, je n’aurais pas constaté une violation des droits que l’auteur tient des articles 6, 7, 9 et 10 du Pacte.

2. L’auteur reproche à l’État partie une série d’omissions en ce qui concerne ses soins médicaux, notamment des retards dans son hospitalisation qui ont mis sa vie en danger en violation de l’article 6 du Pacte (par. 3.1). Il se plaint également des conditions générales de sa détention, qu’il considère comme manifestement inhumaines et humiliantes, en particulier parce qu’il est lourdement handicapé, et il soutient que ces conditions lui causent une détresse physique et psychologique constitutive d’un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 7 (par. 3.2). Il considère que sa détention est disproportionnée, inutile et arbitraire, en particulier dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et eu égard à son lourd handicap et son incapacité de s’occuper dignement de lui-même (par. 3.3). La majorité du Comité a été sensible à certains de ces arguments en raison des problèmes de santé que connaît l’auteur, mais si on les examine de plus près, ces arguments semblent manquer de cohérence.

3. La communication de l’auteur est motivée par son intention d’obtenir une libération conditionnelle (par. 3.4). L’auteur a été condamné à la réclusion à perpétuité pour meurtre et il est détenu depuis décembre 2010 (par. 2.1). Il souffre de troubles bipolaires qui ont nécessité plusieurs séjours en établissement psychiatrique avant son incarcération. Il a purgé les sept premières années de sa peine à l’unité hospitalière psychiatrique de Korydallos en raison de ses troubles mentaux (par. 2.2). En octobre 2018, la Cour d’appel du Pirée a rejeté sa demande de libération conditionnelle, au motif que son taux d’invalidité de 90 % ne résultait pas d’une seule maladie grave mais était dû pour moitié à sa maladie mentale (par. 2.4). La raison sous-jacente de ce rejet semble donc avoir été le danger que l’auteur pouvait représenter pour la société.

4.L’auteur n’a pas interjeté appel de la décision de la Cour d’appel du Pirée alors qu’il aurait pu se pourvoir en cassation (par. 4.2 et 6.1). Il n’a pas non plus déposé de plainte auprès du conseil de la prison au sujet de son traitement et des conditions de sa détention, et il n’a pas saisi le tribunal de l’application des peines ni porté plainte auprès du procureur du tribunal correctionnel, qui est chargé de la supervision et du contrôle des établissements pénitentiaires et du traitement des détenus. L’auteur n’a donc pas épuisé les recours internes et le Comité n’aurait pas dû déclarer sa communication recevable (art. 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif). Le raisonnement de la majorité à cet égard (par. 7.7) ne semble guère convaincant. Quelle preuve de l’efficacité du pourvoi en cassation l’État partie aurait-il dû fournir, puisque l’auteur n’a tout simplement pas expliqué pourquoi il considère que ce recours serait futile et s’est contenté d’affirmer que la Cour d’appel a interprété la loi de mauvaise foi (par. 3.4, 5.4 et 5.10) ? La majorité elle-même conclut d’ailleurs à l’irrecevabilité de ce dernier grief (par. 7.9 et 7.10).

5. Il est exact que l’auteur allègue souffrir d’hyperhomocystéinémie, qui aurait été la cause d’AVC ischémiques pendant sa détention, qu’il est malvoyant, est partiellement paralysé et est atteint d’une cardiopathie hypertensive, d’une maladie du foie et de problèmes dentaires chroniques. Son taux d’invalidité globale était de 90 % en 2018 (par. 2.1). L’auteur avait donc d’autant plus de raisons, étant donné son état de santé, d’épuiser les recours internes, ce qu’il n’a pas fait. Les doutes de l’auteur quant à l’utilité des recours internes ne le dispensaient pas de faire preuve de la diligence voulue et de les exercer.

6. Je souscris à la préoccupation qui sous-tend la décision de la majorité, à savoir que le transfèrement de l’auteur à la prison d’Alikarnassos, en Crète, peut avoir aggravé son état de santé, en particulier en ce qui concerne l’accès à des soins spécialisés hors de la prison (par. 2.8). J’hésite toutefois à conclure que le transfèrement de l’auteur est une raison suffisante pour tenir l’État partie responsable de son état de santé actuel, car la détérioration de celui-ci semble surtout être dû à sa santé déclinante et pas nécessairement à son transfèrement dans des unités sanitaires spécialisées. De plus, j’hésiterais également à conclure que la solution aux problèmes de santé que connaît l’auteur en raison de ses handicaps consiste à le faire bénéficier d’une libération conditionnelle (par. 5.7), à faire réexaminer sa condamnation à la réclusion à perpétuité (par. 3.2) ou à le placer dans un hôpital psychiatrique ou un centre de soins du type de ceux dans lesquels il a été déjà placé pendant sept ans (par. 2.2). À cet égard, l’État partie non seulement répond pour les réfuter aux allégations de l’auteur concernant les conditions de sa détention dans les divers établissements dans lesquels il a été détenu, mais il décrit également les tests, procédures et examens médicaux que l’auteur a subis et les médicaments qui lui ont été dispensés gratuitement (par. 4.1, 4.5, 4.6, 4.9, 6.2 et 6.3). Il n’y a donc pas eu violation des articles 6, 7 et 10 du Pacte.

7. L’État partie fait valoir que les procédures légales ont été observées lorsque l’auteur a été placé en détention, que les droits de la défense ont été respectés tout au long du procès pénal et que l’auteur purge actuellement une peine de réclusion à perpétuité prononcée par un tribunal régulièrement constitué (par. 4.7). La détention de l’auteur n’est donc ni inutile, ni arbitraire, ni disproportionnée et ne constitue pas une violation de l’article 9 du Pacte.

8. Je n’aurais donc pas conclu à une violation des droits que l’auteur tient des articles 6, 7, 9 et 10 du Pacte.