Nations Unies

CCPR/C/132/D/3162/2018

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

7 juin 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 3162/2018 * , **

Communication soumise par :

Camille Iriana Thompson (représentée par un conseil, Douglas A. Ewen)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteure

État partie :

Nouvelle-Zélande

Date de la communication :

21 février 2017 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 27 mars 2018 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

2 juillet 2021

Objet :

Indemnisation pour arrestation et détention illégales

Question(s) de procédure :

Néant

Question(s) de fond :

Détention arbitraire ; recours utile

Article(s) du Pacte :

2 (par. 3) lu conjointement avec l’article 9 (par. 1) ; et 9 (par. 1 et 5)

Article(s) du Protocole facultatif :

Néant

1.L’auteure de la communication est Camille Iriana Thompson, de nationalité néo‑zélandaise, née le 28 septembre 1986. Elle affirme que l’État partie a violé les droits qu’elle tient de l’article 2 (par. 3), lu conjointement avec l’article 9 (par. 1), et de l’article 9 (par. 1 et 5) du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 26 août 1989. L’auteure est représentée par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1Le 28 juillet 2010, l’auteure a été condamnée pour une infraction dont la nature n’a pas été précisée à cent heures de travail d’intérêt général et à neuf mois de supervision par des agents de probation. Le 15 mai 2012, un agent de probation a présenté au tribunal de district de Wellington une demande d’annulation de la peine de travail d’intérêt général. L’examen de cette demande, débuté le 6 juin 2012, a été renvoyé par le juge au 25 juin 2012 parce que le tribunal n’avait pas reçu la preuve de sa notification. Les 9 juin et 23 juillet 2012, l’examen de la demande a de nouveau été ajourné, pour le même motif.

2.2Le 18 juillet 2012, l’auteure a comparu devant le tribunal de district de Wellington pour répondre d’autres accusations, dont la nature n’a pas été précisée, et a été condamnée à quinze mois de supervision intensive. Un agent de l’administration pénitentiaire a demandé au juge d’examiner simultanément la demande d’annulation de la peine de travail d’intérêt général précédemment prononcée contre l’auteure. Le juge a accepté, fait droit à la demande d’annulation et annulé la peine de travail d’intérêt général. Plus tard le même jour, les faits pour lesquels l’auteure avait été condamnée ont été consignés dans le système électronique de gestion des affaires du tribunal. Une ordonnance condamnant l’auteure à quinze mois de supervision intensive a été préparée et signée par le greffier. Toutefois, à cause d’une erreur manifeste d’écriture, la condamnation à une peine de travail d’intérêt général liée à la précédente infraction n’a pas été annulée, ni dans le compte rendu ni dans le système électronique de gestion des affaires.

2.3Le 23 juillet 2012, la demande d’annulation de la peine de travail d’intérêt général a de nouveau été examinée, par un autre juge du tribunal de district de Wellington. Ce juge n’était pas au courant que cette peine avait été annulée cinq jours auparavant. L’auteure ne s’étant pas présentée, le juge a délivré un mandat d’arrêt à son encontre.

2.4Le 31 juillet 2012, à 18 h 50, l’auteure a été arrêtée en vertu de ce mandat. À son arrivée au poste de police, elle a été fouillée et gardée à vue jusqu’au lendemain. Le lendemain matin, 1er août 2012, elle a comparu à 10 h 12 devant le tribunal de district de Wellington, à la suite de quoi elle a été rapidement remise en liberté par le président du tribunal. Elle avait passé environ quinze heures et vingt-deux minutes en détention.

2.5L’auteure a cherché à se faire indemniser pour son arrestation et sa détention. Le 24 août 2012, elle a adressé une demande en ce sens au Bureau des affaires juridiques de la Couronne, demandant qu’une solution amiable soit trouvée ; elle a envoyé un rappel le 26 février 2013. L’auteure affirme qu’elle n’a reçu aucune réponse.

2.6Le 10 avril 2013, l’auteure a engagé une action civile en dommages-intérêts devant la Haute Cour de Nouvelle-Zélande. Les juges des tribunaux de district jouissant de l’immunité de la juridiction civile lorsqu’ils agissent dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions judiciaires, l’auteure a désigné l’Attorney general comme défendeur. Elle demandait à être indemnisée au titre de la responsabilité civile pour détention illégale, manquement à une obligation légale, négligence par le personnel du tribunal, négligence systémique liée au manque de formation appropriée du personnel du tribunal, et arrestation et détention arbitraires en violation de l’article 22 de la loi de 1990 sur Charte des droits néo‑zélandaise. Cette disposition prévoit que « [n]ul ne peut être arbitrairement arrêté ou détenu ». Le 24 septembre 2014, la Haute Cour a rejeté les demandes de l’auteure. Les demandes d’indemnisation pour détention illégale, manquement à une obligation légale, négligence et négligence systémique ont été rejetées au motif que l’article 6 (par. 5) de la loi de 1950 sur les procédures de la Couronne (Crown Proceedings Act 1950) interdit toute action en responsabilité civile contre la Couronne à raison d’actes ou d’omissions judiciaires. La demande d’indemnisation pour arrestation et détention arbitraires a été rejetée au motif que la détention de l’auteure n’était pas illégale puisque l’arrestation avait été effectuée en vertu d’un mandat délivré par un juge. Si la base factuelle ayant donné lieu à la délivrance du mandat était erronée, la juge concernée avait agi sur la base d’une hypothèse raisonnable fondée sur les éléments dont elle avait connaissance.

2.7Le 23 mai 2016, la Cour d’appel a rejeté l’appel interjeté par l’auteure contre la décision de la Haute Cour. Toutefois, dans sa décision, la Cour d’appel a annulé la conclusion de la Haute Cour selon laquelle l’auteure n’avait pas été arrêtée et détenue illégalement et arbitrairement. La Cour d’appel a estimé que l’arrestation et la détention de l’auteure étaient arbitraires et illégales, pour deux raisons : a) lorsque le mandat avait été délivré, il n’existait plus de demande visant à ce que l’auteure soit amenée devant le tribunal ; et b) la juge avait délivré le mandat de sa propre initiative et non à la demande d’un agent de probation, comme l’exigeait l’article 72 (par. 3) de la loi relative aux peines. La Cour d’appel a donc conclu qu’il y avait eu violation des droits que l’auteure tenait de l’article 22 de la loi sur la Charte des droits.

2.8La Cour d’appel a néanmoins considéré que l’auteure n’avait pas droit à une indemnisation pour sa détention illégale, à moins que la Couronne ne juge approprié de procéder à un versement à titre gracieux. La Cour d’appel a noté que la cause immédiate ou effective de l’arrestation et de la détention illégales de l’auteure était la délivrance du mandat, qui était un acte judiciaire. Elle a ensuite considéré que, selon l’arrêt rendu par la Cour suprême dans une affaire distincte, Attorney-General v. Chapman, la responsabilité de l’État ne pouvait pas être engagée à raison d’actes judiciaires ayant entraîné une violation de la loi sur la Charte des droits. La Cour d’appel a rappelé que dans l’affaire Attorney-General v. Chapman, la Cour suprême avait jugé que : a) l’immunité de poursuites garantie par la common law s’appliquait aux actes accomplis dans l’exercice de bonne foide fonctions judiciaires ; b) le pouvoir judiciaire était indépendant de la branche exécutive, et ses membres n’étaient pas des employés ni des agents de la Couronne ; c) en vertu du principe de l’immunité judiciaire, la Couronne ne pouvait pas être tenue responsable des actes des personnes exerçant des fonctions de nature judiciaire ; d) par principe, accepter les demandes d’indemnisation pour violation judiciaire de la loi sur la Charte des droits serait « aussi préjudiciable à l’indépendance de la magistrature que d’autoriser les plaintes visant personnellement un juge » ; e) il n’était pas nécessaire d’accorder d’indemnisation financière pour des actes judiciaires, compte tenu des voies de recours existantes, telles que le régime d’indemnisation à titre gracieux ouvert aux personnes ayant purgé tout ou partie d’une peine d’emprisonnement avant que la déclaration de culpabilité soit annulée en appel, et la procédure de requête en habeas corpus ouverte aux personnes se disant victimes d’une violation de l’article 22 de la loi sur la Charte des droits. La Cour d’appel a admis qu’il ne semblait pas satisfaisant que l’auteure n’ait pas droit à des dommages-intérêts pour le temps passé en détention illégale, mais elle a estimé que la loi ne prévoyait pas une telle réparation.

2.9Le 17 juin 2016, l’auteure a demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la Cour d’appel devant la Cour suprême. Le 7 octobre 2016, la Cour suprême a rejeté sa demande, considérant que celle-ci était régie par l’arrêt qu’elle avait rendu peu avant dans l’affaire Attorney-General v. Chapman, dont l’auteure n’avait pas suffisamment distingué sa propre affaire. L’auteure soutient qu’elle a épuisé les recours internes.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure affirme qu’en l’arrêtant et en la détenant arbitrairement puis en refusant de l’indemniser, l’État partie a violé les droits qu’elle tenait de l’article 2 (par. 3), lu conjointement avec l’article 9 (par. 1), et de l’article 9 (par. 1 et 5), du Pacte. La Cour d’appel a reconnu que l’arrestation de l’auteure et sa détention du 31 juillet 2012 au 1er août 2012 avaient été arbitraires et illégales. Par conséquent, son arrestation et sa détention constituent une violation de l’article 9 (par. 1) du Pacte.

3.2Le refus de l’État partie d’indemniser l’auteure constitue une violation de l’article 9 (par. 5) du Pacte. La Cour d’appel a considéré à tort qu’il y avait incompatibilité entre la nécessité d’assurer l’indépendance de la magistrature et les droits en matière d’équité du procès des personnes accusées d’une infraction pénale. Or il n’y a pas d’incompatibilité, car ces deux garanties coexistent harmonieusement.

3.3Les juridictions nationales se sont appuyées à tort sur l’arrêt rendu par la Cour suprême dans l’affaire Attorney-General v. Chapman car, dans cette affaire, le demandeur n’a pas été disculpé après avoir été injustement déclaré coupable et l’État partie n’avait donc pas l’obligation de l’indemniser en vertu de l’article 14 (par. 6) du Pacte. L’État partie a formulé une réserve à l’article 14 (par. 6) du Pacte, indiquant qu’il « se réserve le droit de ne pas appliquer le paragraphe 6 de l’article 14 dans la mesure où il estime non satisfaisant le système actuel qui consiste à accorder une indemnité à titre gracieux aux victimes d’erreurs judiciaires ». Si l’article 14 (par. 6) du Pacte était peut-être applicable dans l’affaire Attorney ‑ General v. Chapman, il ne l’est pas dans le cas de l’auteure, ce qui impose à l’État partie des obligations au titre de l’article 9 (par. 5) du Pacte.

3.4En outre, la règle énoncée dans l’arrêt Attorney-General v. Chapman est une règle de common law et non une disposition législative. Elle est incompatible avec la jurisprudence antérieure (Simpson v. Attorney-General (affaire Baigent)), dans laquelle la Cour d’appel a confirmé que la promulgation de la loi de 1990 sur la Charte des droits exigeait qu’un recours utile soit assuré.

3.5En n’indemnisant pas l’auteure, l’État partie a commis une violation grave et continue du Pacte et du droit international coutumier, selon la formulation adoptée dans les articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite de la Commission du droit international.

3.6Non seulement l’auteure a été privée de l’indemnisation à laquelle elle a droit au titre de l’article 9 (par. 5) du Pacte, mais elle n’a bénéficié à ce jour d’aucune autre réparation pour la détention et l’arrestation arbitraires et illégales qu’elle a subies. Il en résulte une violation de l’article 2 (par. 3), lu conjointement avec l’article 9, du Pacte. À ce jour, personne, au Ministère de la justice, ne lui a présenté ne serait-ce que des excuses pour son arrestation et sa détention. Elle n’a disposé d’aucun recours contre la délivrance du mandat. De plus, ce mandat a été délivré ex parte, et elle n’en avait donc pas connaissance. Une demande de contrôle judiciaire ou d’habeas corpus, bien que théoriquement disponible, n’aurait pu être rédigée et déposée, et encore moins examinée et tranchée par la Haute Cour, avant que l’illégalité de la détention de l’auteure devienne manifeste. Compte tenu de la nature théorique de ces recours, ils ne sauraient être considérés comme utiles au sens de l’article 2 (par. 3) du Pacte. L’auteure n’aurait pas pu porter plainte contre le juge en vertu de la loi relative au commissaire à la déontologie judiciaire et au comité de déontologie judiciaire de 2004. L’article 16 (par. 1 f)) de cette loi dispose que celle-ci ne s’applique pas à une décision judiciaire ou à l’exercice d’une fonction judiciaire dont il est ou il était possible de faire appel ou de demander le réexamen. La loi ne prévoit pas de recours pour les personnes qui ont été lésées par la conduite d’un juge. Tout au plus, elle peut donner lieu à une recommandation dans laquelle il est suggéré à l’Attorney general que la conduite du juge justifie sa révocation. Si l’auteure avait obtenu une indemnisation, elle aurait probablement reçu, eu égard aux décisions comparables prises par les juridictions supérieures, plus de 20 000 dollars néo-zélandais, outre le remboursement de ses frais de justice.

3.7Dans une autre lettre, datée du 14 août 2018, l’auteure indique qu’à titre de réparation, elle souhaite recevoir une indemnisation de 20 000 dollars néo-zélandais (soit environ 14 384 dollars É.-U.), ainsi que les intérêts échus depuis la date de la violation. La législation néo‑zélandaise prévoit que le mépris le plus complet d’une obligation légale peut donner lieu à l’octroi de dommages-intérêts exemplaires. Les manquements continus, conscients et flagrants à l’obligation énoncée à l’article 9 (par. 5) du Pacte témoignent d’un tel mépris. Toutefois, dans le cadre d’une procédure engagée devant le Comité, des dommages‑intérêts exemplaires peuvent, sur le plan paradigmatique, être considérés comme inappropriés. L’auteure reconnaît que c’est à l’État partie qu’il appartiendra de définir le montant de l’indemnisation si le Comité constate que ses droits ont été violés. Elle demande également que des excuses en bonne et due forme lui soient présentées et le remboursement de ses frais de justice. Elle demande en outre au Comité de déclarer que l’État partie devrait mettre son droit interne (notamment en modifiant la loi néo-zélandaise de 1990 sur la Charte des droits) en conformité avec l’obligation que lui fait le Pacte d’accorder une indemnisation en cas d’arrestation et de détention illégales, même lorsque ces arrestation et détention sont imputables à l’appareil judiciaire.

Observations de l’État partie sur le fond

4.1Dans ses observations en date du 26 septembre 2018, l’État partie rappelle les faits de l’espèce et admet que l’arrestation et la détention illégales et arbitraires de l’auteure ont constitué une violation des droits garantis à celle-ci par l’article 9 (par. 1) du Pacte. Les juridictions nationales ont déjà établi cette violation, dans l’arrêt de la Cour d’appel. L’auteure a passé une nuit en détention en exécution d’un mandat d’arrêt non valide parce que résultant d’une erreur judiciaire. Elle a passé approximativement quinze heures et vingt‑deux minutes en détention.

4.2Mis à part la violation de l’article 9 (par. 1) du Pacte, déjà établie par les juridictions nationales, l’État partie soutient que la communication est sans fondement. Il n’a pas violé les droits que l’auteure tenait des articles 2 (par. 3) et 9 (par. 5) du Pacte. L’auteure a bénéficié d’un recours utile contre la violation de l’article 9 (par. 1) du Pacte. Pour les raisons qui sont expliquées ci-dessous, l’absence d’un droit à réparation opposable dans les circonstances très particulières de l’espèce ne constitue pas une violation des droits que l’auteure tenait de l’article 9 (par. 5) du Pacte, qui doit être lu de manière à prévenir l’érosion de l’indépendance de la magistrature. Il convient de faire une lecture restrictive de l’article 9 (par. 5) du Pacte pour que les autres droits qui nécessitent un système juridique équitable et objectif, notamment ceux énoncés à l’article 14 du Pacte, ne soient pas affaiblis du fait de l’érosion de l’indépendance de la magistrature.

4.3Des recours, notamment un droit opposable à des dommages-intérêts de droit public lorsque la violation est commise par la branche exécutive de l’État, sont ouverts aux personnes qui ont été victimes de détention arbitraire en violation de l’article 22 de la loi sur la Charte des droits. Ces recours ont été instaurés par les tribunaux afin de donner effet à l’article 2 (par. 3) du Pacte. Toutefois, la Cour suprême a conclu, dans l’affaire Attorney ‑ General v. Chapman , que la voie de recours consistant à demander des dommages‑intérêts n’était pas disponible dans le cas d’un acte contraire à la loi résultant d’une erreur judiciaire. La Cour suprême a conclu que la disponibilité d’un tel recours affaiblirait l’indépendance de la magistrature en Nouvelle-Zélande, ce qui aurait des conséquences pour d’autres intérêts protégés comme le droit à un procès équitable. L’affaire de l’auteure entrait dans le cadre étroit des circonstances dans lesquelles un recours en dommages‑intérêts n’était pas disponible. Il existe toutefois d’autres voies de recours utiles en cas d’erreur judiciaire, de sorte qu’un recours en dommages-intérêts n’est pas nécessaire.

4.4En l’espèce, bien qu’un recours en dommages-intérêts ne lui soit pas ouvert, l’auteure a bénéficié d’un recours utile, et l’État partie n’a pas commis de violation de l’article 2 (par. 3) du Pacte. L’auteure a été arrêtée en exécution d’un mandat non valide dans la soirée du 31 juillet 2012, en dehors des heures d’audience du tribunal de district. Elle a été jugée par le tribunal de district le lendemain matin et a été immédiatement remise en liberté, dès que l’erreur ayant conduit à la délivrance du mandat a été constatée. L’auteure a donc bénéficié d’une réparation appropriée puisqu’elle a été libérée rapidement dès que cela a été possible. Si elle n’avait pas été libérée, elle aurait pu déposer un recours en habeas corpus, mais comme elle a été remise en liberté rapidement, elle n’a pas eu besoin d’exercer ce recours. L’auteure a également obtenu que la Cour d’appel déclare que les droits qu’elle tenait de l’article 22 de la loi sur la Charte des droits avaient été violés. La constatation judiciaire de la violation d’un droit protégé, et donc la confirmation des droits invoqués par le demandeur, constitue en droit néo‑zélandais une forme de réparation importante.

4.5L’État partie donne des précisions sur la décision de la Cour suprême dans l’affaire Attorney ‑ General v. Chapman . M. Chapman a été déclaré coupable d’infraction sexuelle et condamné à six ans d’emprisonnement. Il a fait appel de sa condamnation devant la Cour d’appel. L’aide judiciaire lui ayant été refusée, son appel a été rejeté sans qu’il ait été entendu, en vertu de procédures que le Conseil privé a ultérieurement jugées illégales et contraires à la loi sur la Charte des droits. À l’issue d’un nouvel appel, la reconnaissance de culpabilité de M. Chapman a été annulée, et il a finalement été remis en liberté sans nouveau procès, un témoin clef ayant refusé de témoigner. Il a alors intenté une action en dommages‑intérêts contre l’Attorney general pour les violations de ses droits commises par les juges qui avaient rejeté son premier appel.

4.6La Cour suprême a admis que le rejet du premier appel de M. Chapman du fait du système illégal d’aide judiciaire avait constitué une violation de ses droits à un procès équitable et au respect des principes de la justice naturelle garantis par la loi sur la Charte des droits. Toutefois, la Cour a également estimé que M. Chapman ne pouvait introduire une action en dommages-intérêts contre l’Attorney general en vertu de la loi sur la Charte des droits. Le principal argument était qu’admettre un recours de cette nature serait « aussi préjudiciable à ces considérations d’intérêt public que d’autoriser les actions visant personnellement des juges ». La Cour a pris note de la position bien établie en common law selon laquelle les juges des juridictions supérieures ont toujours bénéficié d’une immunité personnelle de poursuites, et a fait observer que la Couronne ne pouvait être tenue indirectement responsable des actions des juges. L’indépendance du pouvoir judiciaire à l’égard de l’exécutif, dans une constitution consacrant la séparation des pouvoirs, implique que les juges ne peuvent pas être des employés ou des agents de la Couronne agissant au nom de celle-ci.

4.7La Cour suprême a poursuivi en indiquant que parmi les différentes raisons justifiant l’immunité personnelle des juges, les trois principales ayant motivé la décision de ne pas autoriser les actions en dommages-intérêts de droit public à raison des violations de la loi sur la Charte des droits résultant d’actes juridictionnels étaient les suivantes: a) l’importance du principe de l’irrévocabilité des jugements, b) la nécessité de protéger et de promouvoir l’indépendance de la magistrature ; et c) l’existence d’autres recours disponibles en cas de violation de la loi sur la Charte des droits par les juridictions (notamment la procédure d’appel). La Cour a ensuite examiné tour à tour chacun de ces trois éléments.

4.8S’agissant de l’irrévocabilité des jugements, la Cour a expliqué que si l’on autorisait l’introduction d’actions civiles contre l’État au motif que le juge avait porté atteinte aux droits du plaignant, des contestations indirectes seraient introduites, avec les conséquences mêmes que l’immunité personnelle des juges visait à éviter. Il s’ensuivrait un risque de harcèlement par le système judiciaire et de perte de confiance dans le fonctionnement effectif de l’état de droit. Une immunité institutionnelle est donc nécessaire au maintien de la confiance du public dans l’administration juste et efficace de la justice.

4.9S’agissant de la nécessité de promouvoir et de protéger l’indépendance de la magistrature, la Cour a indiqué que dans l’exercice de ses obligations au titre de la loi sur la Charte des droits, l’appareil judiciaire devait toujours agir et être perçu comme agissant sans subir d’influences extérieures, en particulier du pouvoir exécutif. Si la responsabilité du pouvoir exécutif pouvait être engagée du fait d’atteintes judiciaires aux droits, les citoyens parties à une procédure judiciaire et les observateurs pourraient craindre que la perspective d’un procès empêche le juge d’agir en toute indépendance. Le juge pourrait être indirectement incité à limiter le risque de demandes fondées sur la responsabilité de l’État, et la confiance du public dans l’administration efficace de la justice s’en trouverait diminuée. La Cour a en outre déclaré que si l’on autorisait de telles demandes, les juges seraient pressés par le Gouvernement défendeur de témoigner dans des procédures engagées du fait de leurs actions. Il n’est pas souhaitable que les juges soient amenés à être entendus sur leur propre conduite, et une telle perspective pourrait suffire à donner à penser que les juges peuvent être influencés dans leurs décisions par la crainte que celles-ci puissent être ultérieurement remises en cause.

4.10La Cour suprême a également estimé que l’on serait mal avisé de supposer que les demandes liées à la conduite des juges seraient rares. Même s’il est impossible d’intenter une action visant personnellement un juge, les procédures engagées contre des juges par des justiciables mécontents sont fréquentes, de même que les demandes répétées et vaines de récusation. Il arrive également que des juges soient personnellement l’objet de harcèlement. La Cour a conclu que si l’on autorisait les plaintes contre la conduite des juges, les plaignants potentiels ne manqueraient pas. La Cour a estimé qu’il serait illusoire de penser que de telles plaintes n’auraient pas d’incidence sur le comportement des juges. Même si, en règle générale, l’État se porterait garant pour eux, cela porterait néanmoins atteinte à l’indépendance de la magistrature.

4.11La Cour suprême a également estimé qu’autoriser de telles actions impliquerait que le pouvoir exécutif doive se défendre dans des actions engagées contre la conduite des juges. Il serait demandé à ceux-ci de coopérer à la défense de l’État. Pour un observateur extérieur, le pouvoir exécutif semblerait prend la défense du juge, et le juge venir en aide au Gouvernement. Rendre l’Attorney general, qui est un membre du Gouvernement, responsable financièrement de l’activité juridictionnelle impliquerait que dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, les juges agissent au nom du pouvoir exécutif. Du point de vue constitutionnel, le Gouvernement ne peut pas intervenir dans l’administration de la justice sans porter atteinte aux conventions. Si toutefois le pouvoir exécutif était désormais tenu de verser une indemnisation à raison des actes illicites des juges, cela entraînerait probablement des pressions politiques, directes ou indirectes, visant à ce que les juges rendent compte à l’exécutif. C’est pour ces raisons que la Cour a conclu qu’« autoriser les demandes d’indemnisation pour violation judiciaire de la loi sur la Charte des droits serait aussi préjudiciable à l’indépendance de la magistrature qu’autoriser les plaintes visant les juges personnellement ».

4.12La Cour a ensuite expliqué que les spécificités suivantes du système de justice néo‑zélandais permettaient de prévenir les violations des droits et d’offrir des réparations appropriées lorsque que telles violations se produisaient : a) appel, examen ou révision des décisions ; b) action civile en dommages-intérêts à raison d’actes des fonctionnaires judiciaires ne relevant pas de leurs fonctions judiciaires ; c) poursuites pénales pour corruption dans l’exercice de fonctions judiciaires ; d) procédures de révocation en cas d’incapacité ou de faute grave d’un fonctionnaire judiciaire ; e) régime prévu par la loi de 2004 relative au commissaire à la déontologie judiciaire et au comité de déontologie judiciaire concernant les enquêtes sur les plaintes visant des juges et leur traitement selon le degré de gravité tel qu’évalué par le commissaire.

4.13La Cour suprême a donc conclu que les raisons pour lesquelles les juges devaient bénéficier de l’immunité personnelle justifiaient également d’exclure la responsabilité de la Couronne pour les violations judiciaires de la loi sur la Charte des droits. La Cour a estimé que loin de renforcer la protection des droits, autoriser le versement de dommages-intérêts par l’exécutif pour les violations judiciaires « aurait un effet destructeur sur l’administration de la justice en Nouvelle-Zélande et, en définitive, sur la protection des droits de l’homme dans notre système de justice ». En outre, le versement d’une indemnisation n’est pas nécessaire pour assurer un recours utile contre ces violations.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant le fond

5.1Dans ses commentaires en date du 23 novembre 2018, l’auteure cite une opinion dissidente formulée dans l’affaire Attorney-General v. Chapman . Le juge auteur de cette opinion a estimé qu’autoriser les recours en dommages-intérêts contre l’État en cas de violation judiciaire de la loi sur la Charte des droits ne compromettrait pas le principe de l’indépendance de la magistrature. L’auteure cite également une opinion concordante formulée dans la même affaire, dont l’auteur soulignait qu’il y avait peu de chance qu’une erreur judiciaire susceptible d’être corrigée en appel nécessite un recours en indemnisation. L’auteure soutient que dans son cas, il lui était impossible de faire appel pour obtenir que l’acte illicite soit corrigé. La Cour d’appel avait d’ailleurs admis qu’un tel recours ne lui était pas ouvert. Dans l’affaire Attorney-General v. Chapman, le raisonnement de la majorité de la Cour est empreint de l’idée que l’on doit accorder peu de poids aux obligations internationales de l’État partie, y compris celles découlant du Pacte, à moins qu’elles soient incorporées dans le droit interne dans les termes les plus clairs.

5.2Le Comité a antérieurement établi que la responsabilité de l’État était engagée par la prolongation judiciaire d’une détention par ailleurs légale et autorisée. La Cour de justice de l’Union européenne a rejeté l’idée que la reconnaissance d’une responsabilité de l’État pourrait remettre en cause l’indépendance du pouvoir judiciaire. De même, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a rejeté l’idée que l’obligation fondamentale incombant à l’État de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire et l’immunité de poursuites dont jouissent les magistrats à titre personnel exonéraient l’État de l’obligation d’indemnisation. Les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature confirment également l’existence d’un droit à indemnisation par l’État des violations judiciaires. En outre, la Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats a souligné qu’aussi bien la magistrature que le ministère public étaient des institutions de l’État et que leurs actes ou omissions engageaient donc directement la responsabilité de l’État. Le principe de la responsabilité des juges pour leur conduite est également mentionné dans le préambule des Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire, qui sont applicables en Nouvelle-Zélande. Ni l’indépendance ni la responsabilité des juges ne sont une fin en soi. En l’absence de responsabilité, l’indépendance de la magistrature serait dangereusement affaiblie.

5.3La pratique des autres États n’étaye pas l’affirmation de l’État partie selon laquelle il peut y avoir des exceptions à l’obligation d’indemniser prévue à l’article 9 (par. 5) du Pacte. L’État partie a été incapable d’identifier une pratique uniforme ou dominante des États étayant l’argument selon lequel l’immunité de poursuites de l’État pour des actes juridictionnels serait indispensable à l’indépendance de la justice. Dans l’affaire Köbler c. Republik Österreich portée devant la Cour de justice de l’Union européenne, il n’y a pas eu consensus des États sur la question de la responsabilité de l’État du fait des actes juridictionnels. Dans les pays de common law, dont fait partie la Nouvelle-Zélande, les dispositions constitutionnelles traitant des recours utiles sont interprétées comme engageant la responsabilité de l’État en cas de violation judiciaire. Au Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, des recours en indemnisation sont disponibles en cas de violation judiciaire. L’État partie pouvait légiférer pour mettre en place un régime d’indemnisation comme l’a fait le Parlement du Royaume-Uni. Il ne l’a pas encore fait et des violations de l’obligation énoncée à l’article 9 (par. 5) du Pacte risquent de continuer de se produire.

5.4Contrairement à ce qu’avancent l’État partie et ses juridictions, la possibilité d’introduire un recours en habeas corpus ne constitue pas une réparation au sens de l’article 9 (par. 5) du Pacte. Au mieux, un tel recours permettrait d’atténuer le préjudice causé. L’argument de la Cour suprême selon lequel une action contre l’État pour erreur judicaire pourrait contraindre l’institution judiciaire à participer à des procès au détriment de son image d’indépendance est fallacieux. Il n’est pas plus nécessaire qu’un juge participe à une procédure engagée pour violation de l’article 9 du Pacte qu’il n’est nécessaire que les juges jouent un rôle actif dans une procédure d’appel contre l’un de leurs jugements. En appel, la cour cherche à identifier l’erreur qui demande réparation, et lorsqu’une erreur est établie, on cherche à déterminer l’existence d’un dommage. Ce processus ne nécessite pas qu’un fonctionnaire judiciaire appuie la défense de l’État ou témoigne dans une procédure d’appel. Par sa nature, L’examen s’intéressera moins à l’acte juridictionnel en cause qu’aux conséquences que cet acte a eu pour la partie lésée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité note que l’État partie ne conteste pas la recevabilité de la communication et ne nie pas que l’auteure a satisfait aux prescriptions de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif et épuisé tous les recours internes disponibles. Le Comité note également que l’auteure a soulevé les griefs qu’elle tire des dispositions du Pacte devant la Cour d’appel et la Cour suprême de Nouvelle-Zélande. Par conséquent, le Comité estime que l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ne fait pas obstacle à l’examen de la communication.

6.4Le Comité considère que l’auteure a suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, les griefs qu’elle tire de l’article 2 (par. 3) du Pacte, lu conjointement avec l’article 9 (par. 1 et 5). Il les déclare donc recevables et va les examiner au fond.

Examen au fond

7.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2Le Comité note que dans le cadre des procédures internes, la Cour d’appel a jugé que l’arrestation et la détention de l’auteure avaient été à la fois illégales et arbitraires. Il note également que l’État partie reconnaît avoir violé les droits garantis à l’auteure par l’article 9 (par. 1) du Pacte en l’arrêtant et la détenant arbitrairement et illégalement durant environ quinze heures et vingt-deux minutes les 31 juillet et 1er août 2012. Les deux parties n’étant pas en désaccord sur ce point, le Comité accepte leur position selon laquelle les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits garantis à l’auteure par l’article 9 (par. 1) du Pacte.

7.3Le Comité note également que l’auteure affirme qu’en vertu de l’article 9 (par. 5) du Pacte, elle a droit à réparation pour l’arrestation et la détention qu’elle a subies. Le Comité rappelle que l’article 9 (par. 5) fait obligation aux États parties d’établir le cadre juridique dans lequel une réparation peut être accordée aux victimes d’une arrestation ou d’une détention arbitraire, à titre de droit opposable et non pas à titre gracieux ou discrétionnaire. La réparation ne doit pas seulement exister en théorie, elle doit être réelle et le versement de l’indemnité doit être effectué dans un délai raisonnable. L’article 9 (par. 5) du Pacte ne spécifie pas la forme précise de la procédure, qui peut être un recours contre l’État lui-même ou contre des agents de l’État responsables individuellement de la violation, pour autant que ce soit un recours utile. Il n’exige pas qu’une procédure unique soit mise en place pour assurer l’indemnisation pour toutes les formes d’arrestation illégale mais dispose seulement qu’un système efficace de procédures doit exister afin d’offrir une indemnisation dans tous les cas visés par le paragraphe 5. Le paragraphe 5 n’oblige pas les États parties à indemniser les victimes de leur propre initiative mais leur permet de laisser l’engagement de la procédure d’indemnisation à l’initiative de la victime.

7.4Le Comité note que si la législation interne de l’État partie et la common law prévoient généralement une indemnisation en cas d’arrestation ou de détention illégale, il existe une exception, à savoir qu’une indemnisation n’est pas requise lorsqu’il y a eu violation de la loi sur la Charte des droits par le pouvoir judiciaire. Le Comité observe que l’auteure a entrepris de sa propre initiative des démarches auprès des autorités nationales dans le but d’obtenir réparation, sans succès. Le Comité note que l’État partie fait valoir que l’auteure a obtenu une réparation appropriée parce qu’elle a été remise en liberté rapidement dès que cela a été possible et que si elle n’avait pas été libérée, elle aurait eu accès au recours en habeas corpus. Le Comité relève que l’auteure a passé moins d’un jour plein en détention et qu’elle a été rapidement remise en liberté une fois découverte l’erreur qui avait amené son arrestation. Le Comité fait toutefois observer que libérer une personne détenue illégalement − quel que soit le temps passé en détention − ne suffit pas à s’acquitter de l’obligation incombant à l’État partie d’accorder réparation au sens de l’article 9 (par. 5) du Pacte.

7.5Le Comité prend note des arguments détaillés avancés par l’État partie et par ses juridictions selon lesquels le versement d’une indemnisation en cas de violation de droits du fait d’actes juridictionnels porterait atteinte au principe de l’indépendance de la magistrature. Néanmoins, il observe que le libellé clair de l’article 9 (par. 5) du Pacte n’autorise pas d’exceptions à l’obligation faite aux États parties d’indemniser les victimes d’arrestation ou de détention arbitraire. Le Comité considère donc que, même en l’espèce, où l’arrestation et la détention de l’auteure ont été le résultat d’une erreur involontaire des autorités de l’État partie, qui ont rapidement remis l’auteure en liberté lorsqu’elles ont découvert cette erreur, l’obligation de verser une indemnisation en application de l’article 9 (par. 5) du Pacte demeure.

7.6En ce qui concerne les arguments de l’État partie concernant le risque qu’une obligation d’indemnisation non limitée ait des répercussions négatives sur la capacité des juges à prendre leurs décisions, le Comité fait également observer que l’obligation visée à l’article 9 (par. 5) du Pacte n’exige pas l’établissement de la responsabilité individuelle des juges ou d’autres agents de l’État. Le Comité rappelle en outre que l’indemnisation exigée par l’article 9 (par. 5) du Pacte vise spécifiquement les préjudices d’ordre financier et non financier découlant de l’arrestation ou de la détention illégale. Le Comité considère donc que l’article 9 (par. 5) a pour objet de permettre aux victimes d’obtenir réparation du préjudice subi et non d’imputer la responsabilité de ce préjudice aux acteurs étatiques. Il estime par conséquent que dans les cas où une erreur du pouvoir judiciaire entraîne une arrestation ou une détention illégale ou arbitraire, l’indemnisation de la victime ne devrait pas porter atteinte à l’indépendance de la magistrature mais au contraire renforcer le principe de responsabilité et la confiance dans les autorités judiciaires en réparant un tort.

7.7Compte tenu des conclusions qui précèdent, le Comité ne juge pas nécessaire d’examiner le grief que l’auteure tire de l’article 2 (par. 3) du Pacte, lu conjointement avec l’article 9 (par. 1).

8.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits que l’auteure tenait de l’article 9 (par. 1 et 5) du Pacte.

9.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteure un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, entre autres, d’offrir à l’auteure une indemnisation appropriée. Il est également tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour que des violations analogues ne se reproduisent pas, notamment en revoyant ses lois, règlements ou pratiques afin que les personnes qui ont été arrêtées ou détenues illégalement en raison d’actes ou d’omissions de la justice puissent demander une indemnisation appropriée, conformément à l’obligation énoncée dans le Pacte.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent-quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.