Nations Unies

CCPR/C/131/D/2574/2015

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

30 avril 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2574/2015*, **

Communication présentée par:

UlugbekErsaliev(non représenté par un conseil)

Victime(s) présumée(s):

L’auteur

État partie:

Ouzbékistan

Date de la communication:

24 juillet 2014 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 25 février 2015 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

22 mars 2021

Objet:

Tenue d’un piquet non autorisé

Question(s) de procédure:

Aucune

Question(s) de fond:

Restrictions abusives au droit à la liberté d’expression

Article(s) du Pacte:

19 et 21

Article(s) du Protocole facultatif:

Néant

1.L’auteur de la communication est UlugbekErsaliev, de nationalité ouzbèke, né en 1964. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient de l’article 21 du Pacte. Bien que l’auteur ne fasse pas expressément mention de l’article 19 du Pacte, la communication semble soulever des questions au regard de cet article également. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 28 décembre 1995. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 13 février 2013, l’auteur a demandé l’autorisation de manifester pendant deux heures (piquet individuel) le 26 février 2013 devant le Département des huissiers de justice à Tachkent. Il voulait dénoncer le fait que les huissiers de justice n’avaient pas exécuté une décision judiciaire rendue en sa faveur, à la suite de son refus de verser un pot-de-vin à un huissier.

2.2Le 5 avril 2013, le Bureau du maire de Tachkent a informé l’auteur que sa demande avait été transmise au Département municipal des affaires intérieures pour décision. L’auteur note que, selon la législation nationale, les autorisations relatives à la tenue d’une manifestation devraient être accordées par le Bureau du maire et non par la police. Il affirme qu’en transmettant sa demande, le Bureau du maire a tenté de l’intimider et de l’amener à retirer cette demande. De plus, le Département municipal des affaires intérieures ne lui a pas adressé de réponse écrite ; un agent l’a appelé par téléphone et l’a informé oralement, devant le bâtiment du Département des affaires intérieures, du fait que sa demande avait été rejetée.

2.3L’auteur a introduit un recours contre la réponse du Bureau du maire devant le tribunal municipal de Tachkent le 23 avril 2013. Le tribunal municipal a transmis son recours au Président du tribunal interdistricts Mirzo-Oulougbeksky, qui l’a rejeté le 27 septembre 2013. L’auteur a fait appel de cette décision auprès du tribunal municipal de Tachkent le 28 octobre 2013. Son appel a été rejeté par le tribunal municipal le 19 novembre 2013. Le recours suivant qu’il a déposé le 11 décembre 2013 devant le Président du tribunal municipal de Tachkent au titre de la procédure de contrôle a été rejeté le 20 janvier 2014.

2.4Le 23 janvier 2014, l’auteur a introduit un recours au titre de la procédure de contrôle devant la Cour suprême et, le 19 mars 2014, devant la présidence de la Cour suprême. Les deux recours ont été rejetés le 25 avril et le 26 juin 2014, respectivement.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que le Bureau du maire aurait dû rendre une décision motivée pour répondre à sa demande de tenue d’un piquet et non transmettre celle-ci à la police. En ne prenant pas elles-mêmes la décision, les autorités de l’État partie ont violé son droit à la liberté de réunion pacifique, protégé par l’article 21 du Pacte.

3.2La communication semble également soulever des questions au regard de l’article 19 du Pacte, bien que cet article ne soit pas expressément invoqué par l’auteur. L’auteur affirme que le Bureau du maire a transmis sa demande de tenue d’un piquet à la police afin de l’intimider et de faire pression sur lui pour qu’il retire cette demande et, par conséquent, pour l’empêcher de dénoncer la corruption qui régnerait au Département des huissiers de justice.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans des notes verbales datées des 15 et 19 mai 2015, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond. Il affirme que la communication tout entière, y compris spécialement le passage concernant la prétendue non-exécution d’une décision judiciaire rendue en faveur de l’auteur, des actes illicites de l’huissier de justice, M. P., et de la violation du droit de l’auteur à la liberté de réunion pacifique, est irrecevable car non étayée.

4.2L’ordonnance d’injonction de payer rendue le 6 avril 2012 par le tribunal interdistricts Mirzo‑Oulougbeksky, ordonnant le recouvrement en faveur de l’auteur d’une créance auprès de Mme K., agent d’une coopérative de crédit, a donné lieu à l’ouverture d’une procédure d’exécution par le Département des huissiers de justice le 3 août 2012.

4.3À la suite d’un certain nombre de mesures, la créance a été recouvrée auprès de la débitrice (notamment par la vente de ses biens et une saisie sur sa pension de retraite) et l’argent a été transféré sur le compte bancaire de l’auteur. Le 12 mai 2014, Mme K. est décédée et il a été mis fins à la procédure d’exécution.

4.4L’ordonnance d’injonction de payer rendue le 29 octobre 2012 par le tribunal interdistricts Ouchtepinsky, ordonnant le recouvrement en faveur de l’auteur d’une créance auprès de Mme S., agent d’une autre coopérative de crédit, Sharq Yulduzi, a donné lieu à l’ouverture d’une procédure d’exécution par le Département des huissiers de justice le 17 décembre 2012.

4.5L’État partie souligne que, outre l’auteur, 343 autres personnes semblent avoir été des créditeurs de Sharq Yulduzi. Le Département des huissiers de justice a reçu les ordonnances d’injonction de payer (y compris en ce qui concerne l’auteur) rendues par les tribunaux civils interdistricts en faveur de 344 plaignants. Afin de faire exécuter l’ordonnance en faveur de l’auteur, un huissier de justice a tenté à plusieurs reprises de joindre la débitrice à l’adresse officielle de la coopérative de crédit, mais il est apparu que celle-ci ne menait aucune activité commerciale à cette adresse. L’huissier de justice a dûment consigné ce fait dans un rapport.

4.6Il a également été découvert que, conformément à une déclaration du 17 septembre 2011 de la Banque centrale, la licence de Sharq Yulduzi avait expiré. Toutefois, la question de sa liquidation n’avait pas été réglée. Dans le même temps, une procédure pénale avait été ouverte contre les dirigeants de Sharq Yulduzi. Pendant le procès, le statut de victime a été reconnu à 344 personnes. Les biens confisqués et les créances recouvrées représentaient ensemble une somme de 866,6 millions de sum.

4.7L’huissier de justice a saisi le tribunal d’une demande de clarification concernant la procédure d’exécution.

4.8Le 8 octobre 2013, les 170 millions de sum qui avaient été transférés sur le compte de dépôt du Département des huissiers de justice ont été répartis entre les créanciers. De plus, le Département des huissiers de justice a ensuite reçu l’ordonnance d’injonction de payer rendue par le tribunal interdistricts Chaïkhontohoursky le 5 septembre 2014, ordonnant le recouvrement en faveur des créditeurs des créances restantes au moyen de la vente des biens matériels du débiteur (notamment trois véhicules et du mobilier de bureau).

4.9Au vu de ce qui précède, l’État partie conclut que l’allégation de l’auteur selon laquelle les huissiers de justice ne se sont pas acquittés de leur devoir n’est pas fondée.

4.10L’État partie rappelle que, le 27 septembre 2013, le tribunal interdistricts Mirzo‑Oulougbeksky a rejeté le recours introduit par l’auteur contre la réponse du Bureau du maire concernant sa demande d’autorisation de tenue d’un piquet et contre le Département municipal des affaires intérieures, par lequel il demandait une indemnisation pour préjudice moral. Le 19 novembre 2013, le tribunal municipal de Tachkent a rejeté le recours.

4.11L’État partie explique que, selon le dossier civil, le 13 février 2013, l’auteur a demandé au Bureau du maire l’autorisation de tenir un piquet. Par la suite, des agents du Département municipal des affaires intérieures ont eu une conversation avec l’auteur et lui ont envoyé une lettre le 10 mars 2013, expliquant les dispositions légales qui interdisaient la tenue de réunions non autorisées. L’auteur a introduit une plainte contre les actes du Bureau du maire et a ensuite reçu une explication officielle concernant son droit de soumettre son affaire, soit au département judiciaire à Tachkent, soit à un tribunal. L’auteur a soutenu que sa demande d’autorisation de tenue d’une manifestation n’aurait pas dû être transmise au Département municipal des affaires intérieures, mais aurait dû être examinée par le Bureau du maire. L’auteur a demandé que la réponse de l’administration locale soit déclarée illégale et que le Bureau du maire soit obligé d’examiner sa demande, d’autoriser le piquet et de lui accorder une indemnisation pour préjudice moral.

4.12L’État partie affirme qu’une enquête a établi que l’auteur avait auparavant été reconnu coupable d’une infraction pénale en 2006. De plus, il avait fait l’objet d’une évaluation négative par un groupe local de résidents, en particulier parce qu’il ne participait pas aux activités du groupe mais adressait régulièrement des plaintes aux différentes autorités de l’État. L’État partie renvoie en outre à l’article 33 de la Constitution, qui dispose que tous les citoyens ont le droit de prendre part à la vie publique en tenant des rassemblements, réunions et manifestations conformément à la législation de la République d’Ouzbékistan, et que les pouvoirs publics ont le droit de suspendre ou d’interdire de telles activités exclusivement pour des raisons de sécurité.

4.13Le tribunal de première instance a jugé que la demande d’indemnisation pour préjudice moral présentée par l’auteur n’était pas étayée, une conclusion confirmée par l’instance d’appel. L’État partie note qu’il peut être reconnu qu’un plaignant a subi un préjudice moral si la culpabilité du responsable a été établie. En l’espèce, les tribunaux n’ont pas établi une telle culpabilité, puisque aucune pression indue qui aurait pu avoir sur lui des effets négatifs n’a été exercée sur l’auteur.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Le 17 juillet 2015, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. En particulier, il conteste l’affirmation de l’État partie selon laquelle le Département des huissiers de justice a pris des mesures effectives aux fins de l’exécution de l’ordonnance rendue le 6 avril 2012 par le tribunal interdistricts Mirzo-Oulougbeksky. Il affirme une nouvelle fois que l’huissier de justice, M. P., lui a demandé le versement d’un pot‑de‑vin pour lui garantir l’exécution de l’ordonnance ; l’auteur a refusé et a adressé une plainte au Bureau du Procureur général. Suite au refus de l’auteur de lui verser un pot‑de‑vin, l’huissier s’est délibérément mis à reporter l’exécution de l’ordonnance sous divers prétextes. L’auteur a saisi le tribunal d’une plainte contre les actes de l’huissier. Le 4 juillet 2013 et les 28 février et 10 septembre 2014, le tribunal d’appel a jugé que les actes de l’huissier étaient illégaux et a accordé à l’auteur une indemnisation pour préjudice moral. L’auteur explique que ces décisions sont la preuve irréfutable de la crédibilité de ses affirmations.

5.2L’auteur conteste les arguments de l’État partie concernant la légalité du rejet de sa demande de tenue d’un piquet par le Bureau du maire, ainsi que les décisions de justice ultérieures confirmant cette décision. Il renvoie aux restrictions concernant le droit de tenir une manifestation énoncées à l’article 33 de la Constitution et affirme qu’un piquet individuel pacifique n’aurait pas troublé l’ordre public. Le Bureau du maire aurait aussi pu proposer un autre lieu pour la tenue du piquet ou fonder son rejet de la demande de l’auteur sur des considérations d’ordre public, mais il ne l’a pas fait.

Réponses complémentaires des parties

De l’État partie

6.1Dans une note verbale du 20 novembre 2015, l’État partie réitère ses précédentes observations. Il ajoute que le 18 octobre 2013, le tribunal interdistricts Ouchtepinsky a ordonné le recouvrement en faveur de l’auteur d’une créance auprès de la coopérative de crédit Sharq Yulduzi, ce qui a donné lieu à l’ouverture d’une procédure d’exécution par le Département des huissiers de justice le 25 novembre 2013. Les ordonnances rendues par le même tribunal en 2013 en faveur d’autres plaignants ont aussi fait l’objet de procédures d’exécution.

6.2L’État partie explique où en est la procédure d’exécution dans l’affaire de l’auteur. Le 23 décembre 2013, l’huissier a ouvert une enquête pour déterminer où se trouvaient les biens matériels de la coopérative de crédit qui pourraient permettre de couvrir une partie de la dette et quelle était leur valeur marchande. L’enquête de l’huissier et l’évaluation des biens sont toujours en cours.

De l’auteur

7.1Dans une lettre du 6 décembre 2015, l’auteur ajoute que, en dépit des garanties constitutionnelles, la tenue de réunions pacifiques est interdite de facto dans l’État partie. Il fait observer que les médias n’ont couvert aucune des réunions pacifiques dénonçant la corruption et l’injustice qui se sont tenues au cours des vingt années qui se sont écoulées depuis que l’État partie a accédé à l’indépendance. À cet égard, il explique qu’en fait, toutes les manifestations autorisées ont lieu exclusivement à l’initiative des autorités de l’État partie, ce qui empêche toute éventuelle protestation contre le Gouvernement en place.

7.2L’auteur maintient aussi que les autorités n’ont pas étayé leur rejet de sa demande de tenue d’une protestation pacifique et, notamment, n’ont pas expliqué en quoi le piquet pouvait porter atteinte à l’ordre public.

Observations complémentaires de lÉtat partie

8.1Dans une note verbale du 20 janvier 2016, l’État partie a réitéré ses précédentes observations.

8.2L’État partie affirme en particulier que la décision du 27 septembre 2013, par laquelle le tribunal interdistricts Mirzo-Oulougbeksky a rejeté les demandes de l’auteur relatives à la tenue d’un piquet, était fondée sur le fait que les autorités compétentes avaient déjà examiné la demande avec toute la diligence voulue. De plus, l’auteur n’avait pas montré qu’il avait subi un préjudice moral et n’avait fourni aucune preuve de pressions exercées par des agents du Département municipal des affaires intérieures.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

9.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.3Le Comité prend note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle tous les recours internes disponibles ont été épuisés. Il relève en outre que l’État partie n’a pas contesté la communication sur ce point. En conséquence, il considère que les dispositions de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la communication.

9.4Le Comité prend note en outre des allégations de l’auteur, qui considère que son droit à la liberté de réunion, protégé par l’article 21 du Pacte, a été restreint de manière arbitraire parce qu’au lieu d’être examinée par les autorités compétentes, sa demande de tenue d’un piquet pacifique a été transmise à la police. Le Comité relève toutefois que l’auteur, selon ses propres déclarations, avait demandé l’autorisation de tenir le piquet seul.

9.5Le Comité rappelle que si la notion de réunion suppose que le rassemblement comprendra plus d’un participant, une personne manifestant seule jouit des mêmes protections en vertu du Pacte, par exemple au titre de l’article 19. De l’avis du Comité, l’auteur n’a pas fourni suffisamment d’éléments pour démontrer que, dans les faits, une « réunion » au sens de l’article 21 du Pacte aurait eu lieu dans son cas. Par conséquent, dans les circonstances particulières de l’espèce, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses griefs aux fins de la recevabilité. Il déclare donc cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.6Le Comité considère que la communication, telle que présentée par l’auteur, soulève des questions au regard de l’article 19 du Pacte, qui ont été suffisamment étayées aux fins de la recevabilité. Par conséquent, il déclare ces griefs recevables et passe à leur examen au fond.

Examen au fond

10.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

10.2Le Comité prend note du fait que le droit de l’auteur à la liberté d’expression a été indûment restreint, ce qui soulève implicitement la question d’une violation de l’article 19 (par. 2) du Pacte, puisque sa demande de tenue d’un piquet avait été rejetée de facto au lieu d’être examinée par les autorités exécutives municipales compétentes. Sa demande avait aussi été transmise à la police dans le but de l’intimider et d’exercer une pression sur lui afin qu’il retire cette demande.

10.3Le Comité doit déterminer si les restrictions apportées à la liberté d’expression de l’auteur se justifient au regard de l’un quelconque des critères énoncés à l’article 19 (par. 3) du Pacte.

10.4Le Comité renvoie à son observation générale no 34 (2011) au paragraphe 2 de laquelle il déclare que la liberté d’expression est essentielle pour toute société et constitue le fondement d’une société libre et démocratique. Il fait observer que l’article 19 (par. 3) du Pacte autorise l’application de restrictions à la liberté d’expression, y compris à la liberté de répandre des informations et des idées, dans la seule mesure où ces restrictions sont fixées par la loi et sont nécessaires au respect des droits ou de la réputation d’autrui ou à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Enfin, les restrictions imposées à la liberté d’expression ne doivent pas avoir une portée trop large ; elles doivent constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’assurer la fonction de protection recherchée et doivent être proportionnées à l’intérêt à protéger. Le Comité rappelle que c’est à l’État partie qu’il incombe de démontrer que les restrictions apportées aux droits que l’auteur tient de l’article 19 du Pacte étaient nécessaires et proportionnées.

10.5Le Comité observe qu’en l’espèce le rejet de facto de la demande déposée par l’auteur en vue d’obtenir des autorités exécutives locales l’autorisation préalable de tenir un piquet soulève de sérieux doutes quant à la nécessité et à la proportionnalité des restrictions imposées aux droits garantis à l’auteur par l’article 19 du Pacte. Il observe en outre que, s’il a invoqué la sécurité et cité sa Constitution, l’État partie n’a fourni aucune information concrète pour expliquer en quoi les restrictions imposées à l’auteur étaient nécessaires pour maintenir la sécurité au sens de l’article 19 (par. 3) du Pacte. De surcroît, l’État partie n’a pas montré que les mesures choisies constituaient le moyen le moins perturbateur d’obtenir le résultat recherché ou qu’elles étaient proportionnées à l’intérêt à protéger. Le Comité considère que, dans les circonstances de l’espèce, les restrictions imposées à l’auteur n’étaient pas justifiées au regard des conditions énoncées à l’article 19 (par. 3) du Pacte. Il conclut donc que les droits que l’auteur tient de l’article 19 (par. 2) du Pacte ont été violés.

11.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie de l’article 19 (par. 2) du Pacte.

12.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il a l’obligation d’accorder pleine réparation aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, il est tenu, entre autres, d’octroyer à l’auteur une indemnisation adéquate. L’État partie est également tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que des violations analogues se reproduisent.

13.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement dans sa langue officielle.