Nations Unies

CCPR/C/136/2/Add.4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

5 décembre 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Rapport sur le suivi des observations finales du Comité des droits de l’homme *

Additif

Évaluation des renseignements sur la suite donnée aux observations finales concernant le Viet Nam

Observations finales (125 e session) :CCPR/C/VNM/CO/3, 25 mars 2019

Paragraphes faisant l ’ objet d ’ un suivi :24, 46 et 52

Renseignements reçus de l ’ État partie :CCPR/C/VNM/FCO/3, 29 mars 2021

Renseignements reçus des parties prenantes :Fédération internationale des ligues des droits de l’homme et Comité Vietnam pour la défense des droits de l’homme, 18 juillet 2022

Évaluation du Comité :24 [C][E], 46 [E] et 52 [C]

Paragraphe 24 : Peine de mort

Le Comité recommande de nouveau à l’État partie :

a) D ’ envisager d ’ instaurer un moratoire sur l ’ application de la peine de mort et de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort, ou d ’ y adhérer ;

b) En attendant le moratoire, de modifier le Code pénal de sorte à réduire encore le nombre de crimes passibles de la peine de mort et de faire en sorte que cette peine soit maintenue uniquement pour les crimes les plus graves, à savoir les crimes d ’ une extrême gravité comprenant la commission d ’ un homicide volontaire  ;

c) De faire en sorte que la peine de mort ne soit obligatoire pour aucun crime et, que si elle est prononcée, elle ne le soit jamais en violation des dispositions du Pacte, notamment celles qui concernent les garanties d ’ un procès équitable ; et d ’ informer suffisamment tôt les condamnés à mort et leur famille de la date et de l ’ heure prévues pour l ’ exécution ;

d) De faire en sorte que la grâce ou une commutation de la peine de mort puissent dans tous les cas être effectivement accordées, indépendamment du crime commis ;

e) De publier des chiffres officiels concernant les condamnations à mort et les exécutions, ventilés par sexe, âge, origine ethnique, religion et crime commis.

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

a)Le Viet Nam maintient la peine de mort pour les crimes extrêmement graves et considère que cette mesure, par sa nature dissuasive, est nécessaire pour prévenir la commission de tels crimes. Il a étudié l’approche d’autres pays pour ce qui est du maintien et de l’abolition de la peine de mort, et a réfléchi à la possibilité de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort.

b)La politique de réduction de l’application de la peine de mort se reflète dans le Code pénal modifié, le Code de procédure pénale et la loi sur l’exécution des décisions pénales. Une étude sur la réduction du nombre de crimes passibles de la peine de mort sera achevée en 2022.

c)La loi prévoit la peine de mort, mais il n’y a aucune obligation de l’appliquer. Un avocat de la défense doit être désigné pour assister les personnes accusées d’une infraction passible d’une peine maximale de vingt ans d’emprisonnement, de la réclusion criminelle à perpétuité ou de la peine de mort. En cas de condamnation à la peine de mort, un parent ou un représentant du condamné doit être informé de la peine prononcée dans les trois jours. Le Viet Nam étudiera la recommandation du Comité tendant à ce que les condamnés à mort soient informés à l’avance et envisagera de modifier sa législation.

d)Conformément à l’article 367 du Code de procédure pénale, toutes les condamnations à mort sont examinées par le Président de la Cour populaire suprême ou le Procureur général du parquet populaire suprême. Tout condamné à mort a le droit de solliciter la commutation de la peine. De nombreuses condamnations à mort sont commuées en peines d’emprisonnement à vie.

e)Les données sur les condamnations à mort sont publiées conformément à la loi.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

Fédération internationale des ligues des droits de l’homme et Comité Vietnam pour la défense des droits de l’homme

a)Le Viet Nam n’a pas instauré de moratoire sur l’application de la peine de mort. Il s’est abstenu lors de l’adoption, par l’Assemblée générale le 16 décembre 2020, de la résolution (no 75/183) concernant le moratoire sur l’application de la peine de mort. Entre le 1er octobre 2020 et le 31 juillet 2021, le nombre de condamnations à mort a augmenté de 34 %, ce qui représente 440 condamnations supplémentaires par rapport à 2019. Les quartiers des condamnés à mort seraient surpeuplés.

b)La peine de mort est appliquée pour des infractions qui ne figurent pas parmi les crimes les plus graves. Dans le Code pénal, six infractions relatives à la sécurité nationale, dont la haute trahison et l’espionnage, restent passibles de cette peine, tout comme l’est le fait de créer ou de rejoindre une organisation dans le but de renverser le Gouvernement.

c)L’absence de respect des garanties d’un procès équitable et de transparence en ce qui concerne les condamnations à mort, les exécutions et les conditions de détention des condamnés à mort reste un phénomène systémique.

d)Aucun renseignement n’est fourni.

e)Les informations sur les condamnations à mort et les exécutions continuent de relever du secret d’État, conformément à la loi de 2018 sur les secrets d’État.

Évaluation du Comité

[C] : a) et b)

Le Comité prend note des études menées sur le maintien et l’abolition de la peine de mort et sur la ratification éventuelle du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort, mais reste préoccupé par les informations selon lesquelles le nombre de condamnations à mort et de condamnés à mort a augmenté ces dernières années. Il renouvelle sa recommandation.

Il prend également note de la politique de l’État partie consistant à réduire le nombre d’infractions passibles de la peine de mort, ainsi que de l’étude menée à cet égard, mais regrette l’absence d’informations sur la réduction du nombre de ces infractions et sur toute mesure prise pour que la peine de mort ne soit appliquée que pour les crimes d’une extrême gravité comprenant la commission d’un homicide volontaire.

[E] : c), d) et e)

Le Comité note que la peine de mort n’est obligatoire pour aucun crime, mais reste préoccupé par les informations selon lesquelles le manquement à l’obligation de respecter les garanties d’un procès équitable serait un phénomène systémique dans les affaires susceptibles d’aboutir à une condamnation à mort. Il renouvelle sa recommandation et souhaite obtenir des renseignements complémentaires sur le projet de l’État partie d’envisager d’informer à l’avance les condamnés de l’exécution et de modifier la législation en ce sens.

Le Comité regrette également l’absence de renseignements précis sur les mesures prises pour que la commutation puisse dans tous les cas être effectivement accordée, eu égard en particulier au nombre de condamnations à mort et de condamnés à mort, qui serait en augmentation. Il renouvelle sa recommandation et souhaite obtenir des renseignements sur le nombre de peines commuées pendant la période considérée.

Le Comité prend note de la déclaration de l’État partie, mais a reçu des informations selon lesquelles les données officielles sur les condamnations à mort ne sont toujours pas rendues publiques. Il renouvelle donc sa recommandation.

Paragraphe 46 : Liberté d’expression

L’État partie devrait prendre d’urgence toutes les mesures nécessaires, y compris revoir sa législation, pour mettre un terme aux violations du droit à la liberté d’expression en ligne et hors ligne, et veiller à ce que les restrictions n’aillent pas au ‑ delà des limites strictement définies à l’article 19 du Pacte, compte tenu de l’observation générale n o 34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression. Il devrait aussi promouvoir des médias pluralistes qui puissent mener leur activité à l’abri de toute ingérence injustifiée de l’État.

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

Le Gouvernement a pris le décret no 119/2020/ND-CP, en vertu duquel quiconque entrave illégalement les activités de la presse est passible d’une amende ou de poursuites pénales. Il a renforcé ses lois et règlements relatifs à la cybersécurité et a pris le décret no 15/2020/ND-CP, qui régit l’utilisation des services de réseaux sociaux et la sécurité des informations en ligne. Il envisage de modifier le décret no 72/2013/ND-CP relatif à la gestion efficace de l’Internet et des informations en ligne.

En 2020, on comptait 87 chaînes de radio et 196 chaînes de télévision, et 68 millions d’internautes. Les chaînes de radio et de télévision ont diffusé en direct les séances de l’Assemblée nationale.

Pendant la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), le public a été informé des mesures de quarantaine, des modes de transmission et des traitements disponibles, et a pu accéder gratuitement à l’Internet à partir des lieux de quarantaine. Tout abus du droit à la liberté d’expression est puni conformément à la loi. Certaines organisations et certaines personnes ont abusé de ce droit pour encourager le déclenchement d’émeutes ou la commission d’actes de violence terroriste. Le Code pénal prévoit un mécanisme qui permet de lutter contre ces abus.

En ce qui concerne le cas de Nguyễn Ngọc Như Quỳnh, le Viet Nam a fourni des informations suffisantes au Groupe de travail sur la détention arbitraire.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

Fédération internationale des ligues des droits de l’homme et Comité Vietnam pour la défense des droits de l’homme

De nouvelles lois restreignant la liberté d’expression ont été adoptées, à savoir les décrets nos 119/2020/ND-CP et 15/2020/ND-CP, qui précisent les peines encourues en cas d’infractions administratives commises respectivement dans le cadre d’activités de journalisme et d’édition et dans les domaines des télécommunications, des services postaux et des technologies de l’information. Ces décrets répriment la publication de nouvelles, de photographies et d’informations qui ne seraient pas dans l’intérêt du pays ou qui seraient offensantes pour la nation, les personnes célèbres ou les héros nationaux. En avril 2022, le Gouvernement a modifié le décret no 72/2013-ND-CP de sorte à restreindre davantage les discours en ligne, notamment en exigeant des entreprises de médias sociaux qu’elles retirent dans les vingt-quatre heures les contenus qu’il juge illégaux. Les médias continuent d’être contrôlés par le Gouvernement et la loi sur la presse continue de restreindre la liberté de la presse.

Évaluation du Comité

[E]

Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie au sujet des mesures législatives prises pour donner suite aux recommandations qu’il a formulées, mais reste préoccupé par les informations selon lesquelles, au contraire, l’adoption des décrets nos 119/2020/ND-CP et 15/2020/ND-CP restreindrait davantage le droit à la liberté d’expression. Il prend également note des renseignements concernant le nombre de chaînes de radio et de télévision et d’internautes, mais regrette l’absence d’informations précises sur les mesures prises pour promouvoir des médias pluralistes libres qui puissent mener leurs activités sans ingérence de l’État. Il renouvelle sa recommandation et souhaite obtenir des renseignements complémentaires sur les mesures prises pour mettre les décrets nos 119/2020/ND-CP et 15/2020/ND-CP en conformité avec le Pacte, ainsi que sur toute modification envisagée du décret no 72/2013/ND-CP.

Paragraphe 52 : Défenseurs des droits de l’homme

L’État partie devrait veiller à ce que les défenseurs des droits de l’homme et les autres acteurs de la société civile soient protégés contre les menaces, les intimidations et les atteintes physiques, et enquêter sur les actes de cette nature et poursuivre et condamner leurs auteurs. Il devrait leur laisser la latitude de mener leurs activités, notamment de coopérer avec l’ONU, sans qu’ils aient à craindre de faire l’objet de restrictions ou de représailles.

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

Le droit à la liberté d’expression, le droit de réunion, le droit d’association, le droit de circulation et le droit de manifestation ne peuvent être restreints que dans la mesure prévue par l’article 14 (par. 2) de la Constitution de 2013. Nul ne peut être menacé, intimidé ou agressé pour avoir pris contact ou collaboré avec l’Organisation des Nations Unies. En ce qui concerne les activités des organisations non gouvernementales étrangères, un nouveau décret est en cours de rédaction, qui remplacera le décret no 12/2012/ND-CP.

Le Viet Nam n’interdit que les rassemblements illégaux qui troublent la sécurité et l’ordre publics ou portent atteinte aux droits d’autrui, comme ce fut le cas de celui tenu en 2018 dans la province de Bình Thuận. Quiconque enfreint la loi, y compris en portant atteinte à la sécurité nationale, est arrêté, fait l’objet d’une enquête et est poursuivi, jugé et entendu conformément à la législation et aux procédures nationales et à l’article 26 du Pacte.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

Fédération internationale des ligues des droits de l’homme et Comité Vietnam pour la défense des droits de l’homme

Les défenseurs des droits de l’homme continuent de faire l’objet, de la part des autorités, d’actes d’intimidation, de menaces, d’agressions physiques, d’arrestations et de détentions arbitraires. Entre avril 2019 et juillet 2022, au moins 95 militants, détracteurs du Gouvernement et défenseurs des droits de l’homme ont été arrêtés, et 113 ont été condamnés à des peines d’emprisonnement allant jusqu’à quinze ans. La plupart d’entre eux sont toujours détenus en application des dispositions du Code pénal relatives à la sécurité nationale. Depuis janvier 2022, quatre éminents défenseurs des droits environnementaux − Mai Phan Lợi, Bạch Hùng Dương, Đặng Đình Bách et Ngụy Thị Khanh − ont été condamnés à des peines de deux à cinq ans de prison pour fraude fiscale, une accusation souvent utilisée pour réduire au silence les détracteurs. Đặng Đình Bách s’est vu refuser l’accès à son avocat pendant sa détention, sa famille n’a pas été autorisée à assister à l’audience et les juges n’ont pas tenu compte des éléments de preuve produits par ses avocats.

Les défenseurs des droits de l’homme et les acteurs de la société civile sont fréquemment harcelés parce qu’ils collaborent avec des organismes internationaux. En novembre 2019, un journaliste indépendant, Phạm Chí Dũng, a été condamné à quinze ans d’emprisonnement pour avoir écrit des articles « contre l’État » et coopéré avec des médias étrangers en vue de publier des informations déformées, après avoir lancé un appel au Parlement européen au sujet de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Viet Nam.

Les activités de la société civile ont encore été restreintes par deux nouveaux décrets (nos 80/2020/ND-CP et 56/2020/ND-CP), qui imposent aux organisations de la société civile de rendre compte de leurs activités, de leurs financements, de la gestion de leurs projets et de l’organisation de réunions et d’autres activités publiques en suivant des procédures déraisonnablement contraignantes, en particulier lorsqu’elles œuvrent en faveur des droits de l’homme. La décision no 06/2020/QD-Ttg du Premier Ministre datée du 21 février 2020 fixe de nouvelles conditions à l’organisation de conférences internationales portant sur des sujets tels que la liberté de religion et les droits de l’homme.

Évaluation du Comité

[C]

Le Comité prend note des informations fournies, notamment sur l’élaboration d’une loi relative aux organisations non gouvernementales étrangères, mais regrette l’absence de renseignements précis sur les mesures prises pour garantir la protection des défenseurs des droits de l’homme et des acteurs de la société civile. Il renouvelle sa recommandation et souhaite obtenir des renseignements complémentaires sur : a) la situation de quatre défenseurs des droits environnementaux, à savoir Mai Phan Lợi, Bạch Hùng Dương, Đặng Đình Bách et Ngụy Thị Khanh, notamment pour ce qui est du respect des garanties d’un procès équitable dans les procédures les concernant ; b) la compatibilité avec le Pacte, en particulier de l’article 22, des décrets nos 80/2020/ND-CP et 56/2020/ND-CP et de la décision no 06/2020/QD-Ttg du Premier Ministre.

Mesures recommandées : Une lettre devrait être adressée à l’État partie pour l’informer de l’arrêt de la procédure de suivi. Les renseignements demandés devraient être communiqués par l’État partie dans son prochain rapport périodique.

Prochain rapport périodique attendu le : 29 mars 2023.