Nations Unies

CCPR/C/134/D/3327/2019

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

22 août 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 3327/2019 * , **

Communication soumise par :

D. Č.(représenté par Stanislovas Tomas)

Victime(s) présumée(s):

L’auteur

État partie :

Lituanie

Date de la communication :

12 septembre 2018 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 26 mars 2019 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

24 mars 2022

Objet :

Mesures restrictives imposées au cours d’une enquête préliminaire

Question(s) de procédure :

Abus du droit de présenter une communication ; épuisement des recours internes ; fondement des griefs ; recevabilité ratione materiae

Question(s) de fond :

Recours utile ; procès équitable ; liberté de circulation ; présomption d’innocence

Article(s) du Pacte :

2 (par. 2), lu seul et conjointement avec les articles 12 et 14 (par. 1 et 2), et 12 et 14 (par. 1 et 2), lus séparément

Article(s) du Protocole facultatif :

2, 3 et 5 (par. 2 b))

1.L’auteur de la communication est D. Č., de nationalité lituanienne, né en 1974. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient de l’article 2 (par. 2) du Pacte, lu seul et conjointement avec les articles 12 et 14 (par. 1 et 2). Il affirme qu’il y a également eu violation par l’État partie des articles 12 et 14 (par. 1 et 2), lus séparément. Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte est entré en vigueur pour l’État partie le 20 février 1992. L’auteur est représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur affirme que lorsqu’il était mineur, en Lituanie, il a été violé à plusieurs reprises par un prêtre de l’Église catholique romaine. Le prêtre conteste cette allégation. Devenu adulte, il a envoyé une série de courriels audit prêtre entre juin et décembre 2007, puis en septembre 2009 et en mai 2010. Il y demandait au prêtre de l’indemniser pour les actes de viol.

2.2Le 31 mars 2010, le prêtre a déposé une plainte pénale contre l’auteur pour harcèlement. Pendant l’enquête préliminaire, l’auteur a été informé de son statut de suspect le 12 août 2010.

2.3Pendant l’enquête préliminaire, le bureau du procureur du district de Šiauliai a soumis l’auteur àune mesure de restriction de ses déplacements et lui a interdit de quitter le pays du 8 septembre 2010 au 7 janvier 2011. L’auteur était tenu de se présenter au poste de police tous les mardis et les vendredis. La mesure de restriction de ses déplacements a contrarié sesprojets d’études universitaires au Danemark. Par la suite, du 7 janvier 2011 au 7 juin 2011, l’auteur a été soumis à une mesure de cautionnement, ce qui a restreint sa liberté de circulation. S’il ne répondait pas aux convocations des enquêteurs, il perdait une partie ou la totalité de la caution.

2.4Le 7 juin 2011, le bureau du procureur du district de Šiauliai a mis fin à l’enquête, aucune infraction n’ayant été constatée. Par la suite, l’auteur a déposé plainte pour le préjudice causé par les mesures de surveillancequi avaient restreint sa liberté de circulation. Le 23 janvier 2017, le tribunal de district de Vilnius a rejeté la demande de dommages‑intérêts de l’auteur. Le 5 avril 2018, le tribunal régional de Vilnius a rejeté le recours formé par l’auteur contre la décision du tribunal de district. L’auteur a alorsformé un recours en cassation contre la décision du tribunal régional. Le 4 juillet 2018, la Cour suprême a déclaré le recours irrecevable.

2.5L’auteur précise qu’il n’a pas soumis la même question à une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 2 (par. 2), 12 et 14 (par. 2) du Pacte. En ce qui concerne l’article 12 du Pacte, il indique que l’État partie lui a interdit de quitter la Lituanie et l’a obligé à se présenter au poste de police deux fois par semaine pendant une période de quatre mois. La mesure de cautionnement à laquelle il a ensuite été soumis pour une période de cinq mois a également restreint sa liberté de circulation, étant donné qu’il aurait perdu une partie ou la totalité de la caution s’il ne s’était pas présenté aux autorités comme il y était tenu. En outre, bien que l’enquête préliminaire le concernant ait par la suite été abandonnée, il n’a pas été indemnisé par l’État partie pour la restriction de sa liberté de circulation.

3.2L’auteur affirme qu’en ne respectant pas la présomption d’innocence, l’État partie a violé les droits qu’il tient de l’article 14 (par. 2) du Pacte, puisqu’il « est resté innocent après la clôture de l’enquête préliminaire, tout en restant aussi partiellement puni par la restriction de sa liberté de circulation ».

3.3L’auteur fait valoir qu’en violation du droit à un recours utile que lui reconnaît l’article 2 (par. 2) du Pacte, l’État partie ne l’a jamais indemnisé pour le préjudice causé par les mesures de surveillance, bien qu’il ait été reconnu innocent. L’État partie ne verse jamais de dommages-intérêts aux personnes qui ont été soupçonnées d’infractions pénales puis reconnues innocentes, pour leur avoir imposé des mesures ayant restreint leur liberté de circulation.

3.4À titre de réparation, l’auteur demande à l’État partie : a) soit de lui verser des dommages-intérêts d’un montant de 30 000 euros, soit de rouvrir son dossier ; b) de rembourser les frais d’un montant de 10 000 euros ; c) de sensibiliser les fonctionnaires et les juges au Pacte et à son caractère contraignant ; d) de révoquer les fonctionnaires quinient le caractère contraignantdu Pacte et des constatations et observations finales du Comité ; e) de veiller à ce que les violations du Pacte fassent sans délai l’objet d’une enquête approfondie et impartiale, et que les auteurs de ces violations aient à répondre de leurs actes ; f) de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans ses observations en date du 18 septembre 2019, l’État partie affirme que tous les griefs de l’auteur sont irrecevables parce qu’insuffisamment étayés et que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles. Il ajoute que les griefs que l’auteur tire des articles 2 (par. 2) et 12 du Pacte sont irrecevables ratione materiae. Les griefs de l’auteur sont également sans fondement.

Élémentsfactuels

4.2Selon l’État partie, en 2004 et 2008, l’auteur a demandé à un évêque d’enquêter sur des actes qu’un prêtre aurait commis à son encontre. En décembre 2007, l’auteur a demandé à un procureur d’ouvrir une enquête préliminaire visant le prêtre, et a affirmé que celui-ci avait tenté de l’agresser sexuellement à deux reprises au début des années 1990. Plus précisément, l’auteur a affirmé que le prêtre avait tenté d’introduire sa langue dans sa bouche et l’avait forcé à ouvrir la bouche. En janvier 2008, le procureur a rejeté la demande d’ouverture d’une enquête préliminaire. Il a fondé cette décision sur l’expiration du délai légal de dix ans pour signaler une infraction pénale (l’infraction aurait été commise entre 14 et 17 ans avant que l’auteur ne la signale), et sur le refus de l’auteur de fournir au procureur toute la correspondance qu’il avait envoyée à l’évêque.

4.3En avril 2010, le prêtre accusé a demandé au procureur d’ouvrir une enquête préliminaire visant l’auteur, pour extorsion et informations mensongères concernant une infraction présumée. Le prêtre a déclaré qu’à plusieurs reprises en 2007, 2009 et 2010, l’auteur avait envoyé plusieurs courriels à un évêque, demandant sa suspension du sacerdoce, et réclamant une indemnisation d’un montant de 6 000 000 litas (environ 1 737 720 euros). L’auteur avait également menacé de communiquer aux médias des informations compromettantes sur le prêtre et, à une occasion, de lui infliger des violences physiques qui l’auraient obligé à se faire soigner d’urgence le matin de Noël. Dans ses courriels, il traitait le prêtre de divers noms inconvenantset déclarait que celui-ci l’avait harcelé sexuellement. Il menaçait aussi d’engager une procédure civile, et joignait quelques articles de presse sur la castration. Il mentionnait en outre un incident qui se serait produit quelques années auparavant, au cours duquel un individu en Lituanie avait agressé un prêtre catholique. Il ajoutait que ce dernier aurait pu être le prêtre qu’il accusait, car il lui rappelait un certain « M. [nom du prêtre accusé par l’auteur], pédophile ». L’auteur a également envoyé des SMS directement au prêtre qu’il accusait, lui demandant de quitter la prêtrise et de lui verser une indemnisation.

4.4Le 8 septembre 2010, l’auteur a été notifié de son statut de suspect et, le même jour, il a été interrogé par des agents de la force publique. Il a refusé de faire une déclaration tant qu’il n’aurait pas reçu le dossier relatif à l’enquête menée par l’église sur ses allégations concernant le prêtre. Le même jour également, l’auteur a été soumis à des mesures restrictives. Plus précisément, il a reçu l’ordre de ne pas quitter l’appartement de sa mère sans autorisation, ses papiers (passeport et carte d’identité) ont été confisqués et il areçu l’ordrede se présenter à un poste de police chaque mardi et chaque vendredi.

4.5Le 9 septembre 2010, l’avocat de l’auteur a demandé au procureur, entre autres choses, de modifier les mesures restrictives imposées à son client et de les remplacer par une mesure de cautionnement, étant donné que l’auteur étudiait et vivait au Danemark. Le 13 octobre 2010, le bureau du procureur régional de Šiauliai a rejeté cette demande au motif que l’auteur n’avait pas fourni d’informations indiquant qu’il étudiait et vivait à l’étranger, en l’occurrenceau Danemark. L’auteur n’a pas contesté cet aspect de la décision.

4.6Le 29 octobre 2010, le procureur a noté que puisque les documents soumis par l’auteur étaient des copies et non des originaux, qu’ils étaient en anglais et de mauvaise qualité et qu’ils n’avaient pas été visés par les autorités compétentes, il n’était pas possible d’en évaluer le contenu et l’authenticité. Il a toutefois décidé d’autoriser l’auteur à se rendre au Danemark et à y passer trois semaines afin de rassembler les documents dont il avait besoin pour prouver qu’il y faisait des études.

4.7Le 31 décembre 2010, l’avocat de l’auteur a demandé l’annulation des mesures restrictives. Le 7 janvier 2011, la restriction de déplacement a été levée, compte tenu des informations que l’auteur avait fournies concernant son permis de séjour et ses études au Danemark, et il a été demandé à l’auteur de verserune caution d’un montant de 1 448 euros. L’auteur n’a pas fait appel de la décision de transformer la restriction de déplacement en cautionnement.

4.8Le 7 juin 2011, il a été mis fin à l’enquête préliminaire au motif qu’aucune infraction n’avait été commise, et le montant que l’auteur avait versé à titre de caution lui a été restitué.

4.9Le 9 juin 2011, la plainte déposée par l’avocat de l’auteur concernant la durée de l’enquête préliminaire le visant a été rejetée, et l’auteur n’a pas fait appel de cette décision.

4.10En 2012, à la demande de l’intéressé, le VIA University College au Danemark a retiré l’auteur de la liste de ses étudiants.

4.11Le 18 juin 2014, l’auteur a engagé une action au civil devant le tribunal de district de la ville de Vilnius pour demander une indemnisation d’un montant de 621 453 euros pour le préjudice non pécuniaire subi, ainsi que le remboursement des frais de justice, d’un montant de 36 822,46 euros, à raison des actes illégaux et incompétents des services du procureur. En mai 2015, l’auteur a fourni des informations complémentaires précises concernant ses griefs, affirmant que l’église n’avait pas le droit de transférer ses courriels au procureur parce qu’ils relevaient du secret de la confession et que le procureur avait prévu d’effectuer une perquisition et d’autres actes de procédure en mai 2010, ce qui montrait qu’il avait un a priori négatif à son égard. L’auteur a également affirmé que les mesures restrictives imposées lui avaient fait perdre sa source de revenus car il vivait et travaillait alors au Danemark. Il a ajouté qu’il avait été empêché de poursuivre ses études au Danemark, et qu’une arrestation aurait été une meilleure solution que l’imposition de ces mesures.

4.12Le 23 janvier 2017, le tribunal de district de la ville de Vilnius a rejeté la plaintede l’auteur au motif que la responsabilité civile de l’État n’était engagée que si trois critères étaient remplis : il fallait que des actes illégaux (ou omissions) aient été commis par les autorités, que ces actes (ou omissions) aient entraîné un préjudice et qu’il existe un lien de causalité entre les actes illégaux (ou omissions) et le préjudice. Il pouvait être établi que des actes étaient illégaux lorsque les agents chargés de l’enquête préliminaire, les procureurs ou le tribunal avaient commis une erreur qui avait eu une incidence majeure sur la violation des droits du demandeur dans le cadre d’une procédure pénale. Le tribunal de district a rappelé la jurisprudence de la Cour suprême selon laquelle un jugement d’acquittement ou la clôture d’une enquête préliminaire ne signifiait pas nécessairement que tous les actes posés dans le cadre de la procédure étaient illégaux. En d’autres termes, l’acquittement d’une personne poursuivie au pénal ne signifiait pas que l’application de mesures civiles restrictives était illégale ab initio. Le tribunal de district a également fait référence à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle l’acquittement d’une personne ne signifiait pas en soi que les poursuites engagées contre elle avaient été illégales ou autrement entachées d’erreur.

4.13Le tribunal de district de la ville de Vilnius a expliquéque les facteurs à prendre en compte pour établir la responsabilité civile de l’État étaient notamment les suivants : le point de savoir si le ministère publicétait initialement en possession d’informations suffisantes indiquant que le suspect avait commis une infraction ; la raison pour laquelle il était mis fin à l’enquête préliminaire ; la légalité des actes posés pendant l’enquête préliminaire. Dans le cas de l’auteur, les éléments des infractions visées aux articles 181 et 294 du Code pénal étaient présents. Le ministère public avait mis fin à l’enquête préliminaire visant l’auteur parce que les courriels que celui-ci avait adressés à l’église ne constituaient pas une diffusion illégale d’informations et qu’aucune preuve incontestable de sa culpabilité n’avait été reçue. Toutefois, cela ne signifiait pas que l’ouverture de l’enquête préliminaire était illégale. Les agents du ministère public n’avaient décidé de clore l’enquête qu’après avoir accompli différents actes de procédure, et notamment interrogé l’auteur. Le tribunal de district a également estimé que l’enquête préliminaire n’avait pas été excessivement longue. En ce qui concerne les mesures restrictives, il a exprimé son désaccord avec l’auteur, qui affirmait que des mesures plus clémentes auraient pu être appliquées, et a considéré que les mesures les plus clémentes avaient été appliquées. Entre outre, c’étaient l’auteur et son avocat qui avaient ralenti le processus de modification de ces mesures. Lorsque l’auteur avait demandé à se rendre au Danemark afin de réunir des documents, le procureur lui en avait donné l’autorisation pour trois semaines. Le tribunal de district a également estimé que l’auteur n’avait pas prouvé que les actes posés dans le cadre de l’enquête préliminaire indiquaient que les autorités chargées de l’enquête étaient mal disposées à son égard. En ce qui concerne l’indemnisation pour préjudice non pécuniaire, il a estimé que l’auteur n’avait pas fourni d’éléments permettant de justifier le montant demandé. Il était en outre d’avis que le comportement de l’auteur avait eu un effet sur la durée de l’enquête préliminaire. Dès que l’auteur avait fourni les documents pertinents au procureur, ce dernier avait transformé la mesure restrictive en cautionnement. Le tribunal de district a débouté l’auteur au motif qu’il n’y avait aucune preuve d’actes illégaux de la part des autorités et que le délai accordé pour déposer une demande de dommages-intérêts en vertu de l’article 1.125 (par. 8) du Code civil avait été dépassé. Le 7 juin 2011, le procureur a rendu la décision de clôture de l’enquête préliminaire visant l’auteur, et le 9 juin 2011, le tribunal de district de Šiauliai a rejeté la plainte de l’auteur concernant l’enquête préliminaire. Ainsi, le délai de trois ans applicable à la demande de dommages-intérêts relative à l’enquête préliminaire a commencé à courir le 9 juin 2011. L’auteur a présenté sa demande de dommages-intérêts après l’expiration de ce délai, le 18 juin 2014.

4.14Le 5 avril 2018, le tribunal régional de Vilnius a rejeté l’appel de l’auteur au motif que le tribunal de district avait déjà examiné de manière approfondie les mêmes arguments que ceux avancés par l’auteur en appel. Le 4 juillet 2018, la Cour suprême a rejeté le pourvoi de l’auteur en raison de l’absence de moyens de cassation.

Réponse aux griefs de l’auteur

4.15Les griefs que l’auteur tire des articles 2 (par. 2), 12 et 14 (par. 2) du Pacte sont tous irrecevables parce que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes. Plus précisément, il n’a pas engagé d’action civile en dommages-intérêts dans le délai prévu par la loi. En vertu de l’article 1.125 (par. 8) du Code civil, un délai de prescription de trois ans s’applique aux demandes de dommages-intérêts et, comme expliqué au paragraphe 4.13 ci-dessus, l’auteur a présenté sa demande après l’expiration de ce délai, le 18 juin 2014. Le délai commence à courir à partir de la date à laquelle le droit d’intenter une action prend naissance. Les personnes ont le droit d’intenter une action à compter de la date à laquelle elles ont eu connaissance, ou auraient dû avoir connaissance, d’une violation de leurs droits.

4.16En outre, le grief que l’auteur tire de l’article 2 (par. 2) du Pacte est irrecevable ratione materiae au regard de l’article 3 du Protocole facultatif. Selon la jurisprudence du Comité, les dispositions de l’article 2 du Pacte ne peuvent pas être invoquées isolément dans une communication soumise en vertu du Protocole facultatif. En ce qui concerne le fond du grief que l’auteur tire de l’article 2 (par. 2), l’État partie cite de nombreux exemples de décisions de ses juridictions internes montrant que celles-ci accordent effectivement une indemnisation pour préjudice non pécuniaire à des personnes acquittées lorsque des mesures restrictives ont été appliquées sans motif raisonnable ou que leur durée a été excessive. La législation de l’État partie offre donc bel et bienun recours utile. Le simple fait qu’il a été mis fin à l’enquête préliminaire visant l’auteur ne signifie pas qu’elle avait été ouverte sans motif raisonnable. L’utilité d’un recours ne dépend pas de la certitude d’une issue favorable pour l’auteur, et de simples doutes quant à l’utilité d’un recours ne dispensent pas de l’obligation de s’en prévaloir. Enfin, le grief que l’auteur tire de l’article 2 (par. 2) du Pacte est trop large, abstrait, général et insuffisamment étayé.

4.17Le grief que l’auteur tire de l’article 12 (par. 2) est également irrecevable parce qu’il n’est pas suffisamment étayé. Les droits énoncés à l’article 12 (par. 2) du Pacte ne sont pas absolus, car certaines restrictions sont autorisées par l’article 12 (par. 3) du Pacte. Selon la jurisprudence du Comité, les procédures judiciaires en cours peuvent justifier des restrictions au droit des personnes de quitter leur pays. En l’espèce, des mesures restrictives ont été imposées le 8 septembre 2010 dans le cadre d’une procédure pénale contre l’auteur. Ces mesures étaient légales, dans la mesure où elles étaient conformes au Code de procédure pénale. Elles servaient le but légitime de protéger l’ordre public et les droits et libertés d’autrui, en faisant en sorte que l’auteur soit disponible pour l’enquête préliminaire. De plus, elles étaient proportionnées, étant donné que l’auteur était soupçonné d’avoir commis deux infractions pénales emportant des peines d’emprisonnement. En effet, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, un État partie peut appliquer diverses mesures préventives qui restreignent la liberté d’un accusé afin d’assurer le bon déroulement d’une procédure pénale.

4.18Les mesures restrictives ont été imposées par un procureur. Lorsque l’auteur a demandé pour la première fois que celles-ci soient transformées en une mesure de cautionnement, sa demande a été rejetée par un procureur de rang supérieur le 13 octobre 2010, au motif qu’il n’avait pas fourni de documents prouvant qu’il vivait et étudiait au Danemark. L’auteur n’a pas fait appel de cette décision. Le procureur de rang supérieur a indiqué que le rejet de la demande initiale n’empêchait pas l’auteur de présenter une nouvelle demande accompagnée desdits documents. Le 29 octobre 2010, malgré l’absence de ces documents, le procureur a autorisé l’auteur à se rendre au Danemark pour trois semaines. Le 31 décembre 2010, l’avocat de l’auteur a de nouveau demandé l’annulation des mesures restrictives, qui ont été transformées en mesure de cautionnement le 7 janvier 2011. Dans sa décision, le procureur a constaté que l’auteur était titulaire d’un permis de séjour et avait étudié dans une université au Danemark. Les mesures restrictives ont donc été rapidement modifiées après que l’auteur a soumis les documents requis. Ces mesures ne limitaient pas de manière disproportionnée la liberté de circulation de l’auteur et étaient raisonnables, étant donné qu’elles avaient été imposées dans le cadre d’une procédure pénale visant l’auteur, qui était soupçonné d’avoir commis deux infractions pénales.

4.19L’État partie n’est pas d’accord avec l’affirmation selon laquelle les mesures restrictives ont empêché l’auteur de terminer ses études au Danemark, car il a été mis fin à l’enquête préliminaire en juin 2011 et l’auteur était autorisé à terminer ses études jusqu’en janvier 2013. Cependant, l’auteur a informé l’université qu’il renonçait à s’inscrire en 2012. Les décisions des juridictions internes de ne pas accorder à l’auteur une indemnisation pour l’application de mesures restrictives étaient légales et raisonnables. La communication est donc dénuée de fondement. L’État partie réaffirme que la demande de dommages-intérêts pour préjudice non pécuniaire a été présentée par l’auteur après l’expiration du délai de prescription de trois ans.

4.20Le grief que l’auteur tire de l’article 14 (par. 2) est irrecevable ratione materiae, car les dispositions relatives à la présomption d’innocence s’appliquent aux personnes qui font l’objet d’une accusation en matière pénale, alors qu’en l’espèce, l’auteur n’a pas été accusé d’une infraction pénale.

4.21Le grief tiré de l’article 14 (par. 2) est également irrecevable parce qu’il n’est pas étayé. Au cours de la procédure civile, les juridictions nationales n’ont jamais exprimé d’avis laissant entendre que l’auteur était coupable. Il n’était pas déraisonnable pour elles de considérer qu’il existait un commencement de preuve permettant à l’État d’ouvrir une enquête pénale contre l’auteur. La clôture de l’enquête était fondée sur les circonstances exposées plus haut, et ne signifiait pas que l’auteur était dispensé de l’obligation de fournir des éléments à l’appui de sa demande de dommages-intérêts. Les juridictions internes étaient tenues de déterminer, et donc habilitées à décider, si l’auteur s’était acquitté de la charge de la preuve qui lui incombait. En outre, le fait que les juridictions civiles aient refusé d’accorder à l’auteur une indemnisation pour préjudice non pécuniaire ne peut être interprété comme indiquant qu’elles ont préjugé de la question de la culpabilité de l’auteur en matière pénale. Les juridictions nationales qui ont statué au civil ne se sont pas prononcées sur la question de la culpabilité de l’auteur.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Dans ses commentaires datés du 19 novembre 2019, l’auteur fait observer, en réponse à l’affirmation de l’État partie selon laquelle il a dépassé le délai légal de trois ans pour déposer une demande de dommages-intérêts, que ses griefs ont fait l’objet d’un examen au fond par les autorités nationales. En outre, il n’y a pas eu de période d’inaction, étant donné qu’il a tenté d’engager une action contre l’État partie devant les tribunaux danois avant de recourir aux tribunaux de l’État partie.

5.2L’État partie devrait se considérer comme une autorité publique neutre ayant l’obligation positive de réparer tout préjudice, y compris les préjudices causés par l’État.

5.3L’auteur affirme qu’il a interrompu ses études universitaires après la fin de l’enquête préliminaire car il a dû travailler pour payer les frais de justice y afférents. L’État partie est donc aussi responsable du fait que l’auteur a été privé de la possibilité de poursuivre des études et d’obtenir un diplôme universitaire. Si ses études n’avaient pas été interrompues, l’auteur aurait eu une chance d’obtenir un emploi mieux rémunéré à l’avenir.

5.4L’auteur soulève un nouveau grief au titre de l’article 14 (par. 1) du Pacte et fait valoir que, conformément au principe de l’égalité devant les tribunaux, l’État partie devrait payer les frais de justice liés à l’enquête préliminaire, étant donné que la partie perdante dans une procédure civile doit prendre à sa charge les frais de la partie gagnante. En outre, l’enquête a été excessivement longue, étant donné qu’elle s’est terminée en septembre 2010.

5.5Réaffirmant le grief qu’il tire de l’article 14 (par. 2) du Pacte, l’auteur soutient que l’État partie a mal compris son argument. Il fait valoir qu’en vertu dudit article, l’État partie est tenu de l’indemniser pour les mesures restrictives qui lui ont fait perdre son emploi au Danemark et l’ont contraint à engager des dépenses pour recevoir des soins psychiatriques et bénéficier de services juridiques. Il fournit un relevé détaillé des frais occasionnés par l’enquête, et affirme que l’État partie doit rembourser ces frais (y compris ceux relatifs à la présente communication) avec intérêts. Il révise comme suit les montants demandés à ce titre : 109 908,55 euros pour le préjudice pécuniaire, « au moins 60 salaires bruts moyens danois au niveau de 2020 » pour le préjudice non pécuniaire, et 12 566 euros pour les dépens.

5.6En ce qui concerne l’article 2 (par. 2) du Pacte, l’auteur soutient que l’État partie a mal compris son argument. La violation de cette disposition par l’État partie est « une conséquence de la violation des articles 12 (par. 1 et 2) et 14 (par. 1 et 2) ». L’État partie n’a jamais accepté sa responsabilité pour les préjudices causés par des mesures restrictives telles que l’interdiction de quitter le pays ou le cautionnement.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Dans ses observations complémentaires en date du 11 février 2020, l’État partie répète ses différents arguments et soulève une objection de procédure. Le nouveau grief que l’auteur tire de l’article 14 (par. 1) du Pacte n’a en aucune manière été soulevé dans la communication initiale et, dès lors, le Comité ne devrait pas l’examiner.

6.2Contrairement à ce qu’affirme l’auteur, l’État partie verse effectivement des dommages-intérêts aux personnes ayant fait l’objet de mesures restrictives illégales. Il existe une jurisprudence bien établie concernant des actions civiles en réparation pour de telles mesures. L’État partie réaffirme que sa législationcontient des dispositions relatives à la responsabilité pour les préjudices causés par des actes illégaux des agents chargés de l’enquête préliminaire, des procureurs, des juges et des tribunaux. Cependant, la détention illégale ou injustifiée représente une mesure beaucoup plus lourde que les mesures appliquées à l’auteur, qui étaient les mesures restrictives les plus clémentes prévues par le droit interne et avaient un caractère légal, raison pour laquelle l’État partie n’a pas accordé de dommages‑intérêts à l’auteur.

6.3En ce qui concerne l’article 12 (par .2) du Pacte, l’État partie n’accorde aucun crédit à l’argument de l’auteur selon lequel celui-ci a essayé d’engager une action contre lui au Danemark. Les plaintes et réclamations concernant les actes ou les omissions des autorités de l’État partie doivent être déposées en Lituanie, et non au Danemark. L’État partie conteste les allégations de l’auteur sur plusieurs points. Conformément au droit interne, l’État partie a l’obligation d’ouvrir une enquête préliminaire lorsqu’il reçoit une plainte, une requête ou un avis concernant une infraction présumée. En l’espèce, l’enquête préliminaire a été ouverte à la demande du prêtre.

6.4En ce qui concerne l’article 14 (par. 2) du Pacte, les mesures restrictives appliquées ne constituaient pas une peine, mais avaient pour but de garantir la disponibilité de l’auteur aux fins de l’enquête préliminaire. L’État partie ne devrait pas avoir à indemniser l’auteur pour les frais de justice ou pour l’examen psychiatrique, qui a été réalisé exclusivement à l’initiative de l’auteur et n’était pas exigé par les autorités de l’État partie. L’auteur a en outre choisi l’avocat par lequel il était représenté, et la clôture de l’enquête ne signifie pas que l’État partie doive prendre à sa charge les frais de justice engagés par l’auteur.

Observations complémentaires de l’auteur

7.1Dans ses observations en date du 27 février 2020, l’auteur fait référence à la procédure du Comité concernant le délai de présentation d’une communication. Étant donné qu’il a fait parvenir ses observations au Comité dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle il avait épuisé les recours internes, il peut soulever de nouveaux griefs au regard du Pacte jusqu’à la fin de cette période de cinq ans. Plus précisément, comme l’auteur a épuisé les recours internes le 4 juillet 2018, il peut soulever de nouveaux griefs au regard du Pacte jusqu’au 4 juillet 2023. Il pourrait également soumettre une communication entièrement nouvelle, mais il a choisi de formuler de nouveaux griefs dans le cadre de l’examen de la présente communication par souci d’économie. Même après la fin de la période de cinq ans, il aurait le droit de formuler des griefs supplémentaires, étant donné que toutes les circonstances pertinentes devraient être prises en compte pour évaluer les raisons du retard dans la présentation. L’argument de l’État partie selon lequel les nouveaux griefs de l’auteur sont irrecevables parce qu’ils n’ont pas été mentionnés dans la communication initiale ne sert pas les intérêts de la justice et constitue un abus de procédure.

7.2L’auteur affirme que l’État partie a porté atteinte aux droits qu’il tient de l’article 2 (par. 2) du Pacte, lu conjointement avec les articles 12 et 14 (par. 1 et 2). Il précise que le grief qu’il tire de l’article 2 (par. 2) du Pacte porte sur le fait que l’État partie ne lui a pas versé d’indemnisation pour les restrictions à sa liberté de circulation et pour la violation des droits qu’il tient de l’article 14 (par. 1 et 2) du Pacte. Dans ses observations, l’État partie a délibérément mal interprété les arguments relatifs à ce grief.

7.3L’auteur a manqué deux semestres de cours à l’université du fait qu’il ne pouvait pas se rendre au Danemark. Il a dû payer une caution et les services d’un défenseur. Il a dû interrompre ses études universitaires pour travailler afin de pouvoir s’acquitter des frais de justice, et n’a pas pu payer deux semestres de cours dans son université. Les mesures restrictives ont donc entraîné un préjudice grave pour l’auteur.

7.4En ce qui concerne le coût de l’examen de l’auteur par un psychiatre, l’auteur ayant été examiné par un psychiatre au Danemark, le Service lituanien de psychiatrie légale a jugé qu’il n’était pas nécessaire de réexaminer l’auteur.

7.5L’auteur demande que le Comité établisse une formule mathématique universelle pour l’évaluation du préjudice. Une telle formule devrait être fonction du salaire national moyen plutôt que d’un salaire minimum. Ainsi, compte tenu du fait que l’auteur résidait au Danemark, le montant des dommages-intérêts qu’il demande pour le préjudice non pécuniaire subi est égal à 60 fois le salaire moyen au Danemark en 2020. L’auteur renouvelle sa demande de dommages-intérêts d’un montant de 109 908,55 euros pour le préjudice pécuniaire subi, avec intérêts calculés au taux de 6 %, ajusté sur une base annuelle à compter du 19 novembre 2019. Les requérants qui obtiennent gain de cause peuvent obtenir 1 500 euros de dommages-intérêts pour préjudice non pécuniaire et 2 900 euros pour préjudice pécuniaire en vertu de la législation de l’État partie, mais ces montants sont insuffisants. Le Comité devrait en outre demander à l’État partie d’indemniser l’auteur pour les nouveaux frais de justice liés àla présentation de ses commentaires supplémentaires sur les observations complémentaires de l’État partie.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité note que l’État partie affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes comme l’exige l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif. Renvoyant à sa jurisprudence, il rappelle que, même s’il n’existe pas d’obligation d’épuiser les recours internes lorsque ceux-ci n’ont aucune chance d’aboutir, les auteurs de communications doivent faire preuve de diligence pour exercer les recours disponibles et de simples doutes ou supputations quant à l’utilité d’un recours ne dispensent pas l’auteur d’une communication de s’en prévaloir. En ce qui concerne le grief de l’auteur selon lequel l’imposition d’une caution constitue une violation de l’article 12 du Pacte, le Comité fait observer que si l’auteur a introduit une demande d’indemnisation et des recours connexes après la clôture de l’enquête préliminaire, il ne s’est pas opposé à l’imposition d’une caution devant les juridictions internes. Le Comité note que l’auteur a lui-même demandé aux autorités de modifier la mesure de restriction des déplacements en une mesure de cautionnement, et que cette demande a été acceptée peu après qu’il a fourni les documents prouvant qu’il étudiait à l’étranger. Il constate que l’auteur n’a pas répondu à l’affirmation de l’État partie selon laquelle il n’a pas contesté la décision du Procureur d’imposer une caution. Il note que si l’auteur a fait valoir, lorsqu’il a précisé sa demande d’indemnisation après la clôture de l’enquête, qu’il aurait préféré être placé en détention plutôt que d’être soumis à une caution, il ne prétend pas avoir soulevé ce grief devant une autorité quelconque pendant l’enquête préliminaire. Par conséquent, le Comité estime que le grief de l’auteur selon lequel l’imposition d’une caution a violé les droits qu’il tient de l’article 12 du Pacte est irrecevable parce que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes, comme l’exige l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif.

8.4Le Comité note que dans ses commentaires en date du 19 novembre 2019, l’auteur a soulevé des griefs qu’il n’avait pas formulés dans sa communication initiale, au titre de l’article 14 (par. 1) du Pacte, lu seul et conjointement avec l’article 2 (par. 2). Il renvoie à sa jurisprudence, dont il ressort que les auteurs de communications doivent exposer tous leurs griefs dans leur lettre initiale, avant que l’État partie soit invité à adresser ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication, sauf s’ils peuvent expliquer pourquoi ils n’ont pas été en mesure de soulever simultanément tous leurs griefs. En l’espèce, comme l’auteur n’a pas indiqué pourquoi il n’aurait pas pu exposer dans sa lettre initiale les griefs qu’il tire de l’article 14 (par. 1) du Pacte, lu seul et conjointement avec l’article 2 (par. 2), le Comité considère que ceux-ci constituent un abus du droit de présenter des observations et sont donc irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

8.5Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon le grief que l’auteur tire de l’article 2 (par. 2) du Pacte est irrecevable ratione materiae. Il renvoie à sa jurisprudence, selon laquelle les dispositions de l’article 2 du Pacte énoncent des obligations générales à la charge des États parties et ne peuvent être invoquées isolément dans une communication soumise en vertu du Protocole facultatif. Pour cette raison, dans la mesure où l’auteur invoque l’article 2 (par. 2) du Pacte, lu seul, le Comité estime que ce grief est irrecevable ratione materiae au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

8.6En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel le grief que l’auteur tire de l’article 14 (par. 2) du Pacte est irrecevable ratione materiae, le Comité fait observer que ladite disposition s’applique aux personnes accusées d’une infraction pénale. Il rappelle que la notion de mesures de nature pénale peut être étendue à des sanctions qui, indépendamment de leur qualification en droit interne, doivent être considérées comme pénales en raison de leur finalité, de leur caractère ou de leur sévérité. En ce qui concerne l’ensemble des faits qui lui ont été présentés, il constate que l’auteur n’a jamais été accusé ou déclaré coupable d’une infraction pénale ou autre. Il considère donc que le grief de l’auteur n’entre pas dans le champ de la protection conférée par l’article 14 (par. 2) du Pacte et conclut que les griefs que l’auteur tire de l’article 14 (par. 2), lu seul et conjointement avec l’article 2 (par. 2), sont incompatibles ratione materiae avec les dispositions du Pacte et sont donc irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

8.7Le Comité prend note de l’argument de l’auteur selon lequel la restriction de déplacement qui lui a été imposée constitue une violation du droit à la liberté de circulation que lui reconnaît l’article 12 du Pacte, parce qu’elle l’a empêché de poursuivre ses études au Danemark et l’a obligé à se présenter à la police deux fois par semaine pendant quatre mois. Il prend aussi note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle il n’a pas eu accès à un recours utile, en violation de l’article 2 (par. 2) du Pacte, lu conjointement avec l’article 12 (voir note 7 ci-dessus). Il note que l’État partie affirme que ces griefs ne sont pas fondés et sont donc irrecevables. Il rappelle que les droits énoncés à l’article 12 du Pacte ne sont pas absolus et que l’existence de procédures judiciaires en cours peut justifier de restreindre le droit d’un individu de quitter son pays. L’article 12 (par. 3) du Pacte autorise certaines restrictions lorsque celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par le Pacte. Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les mesures de restriction des déplacements ont été imposées dans le cadre d’une procédure pénale contre l’auteur et étaient de ce fait légales au regard du Code de procédure pénale, servaient le but légitime de protéger l’ordre public et les droits et libertés d’autrui en faisant en sorte que l’auteur soit disponible pour l’enquête préliminaire, et étaient proportionnées. Il constate par ailleurs que l’auteur n’a pas tenté d’expliquer pourquoi il estime que les critères énoncés à l’article 12 (par. 3) du Pacte ne s’appliquent pas à son cas, n’a pas répondu à l’affirmation de l’État partie selon laquelle il avait adressé au prêtre des menaces écrites, notamment des menaces de coups et blessures imminents et graves, et lui avait demandé une somme importante en échange de laquelle il s’engageait à ne pas l’accuser devant les médias − raisons pour lesquelles il avait été soupçonné de deux infractions graves emportant une peine d’emprisonnement − et n’a avancé aucun argument précis pour démontrer que la mesure de restriction de ses déplacements et l’obligation de se présenter devant les autorités étaient illégales, inutiles ou disproportionnées dans les circonstances de l’espèce. En outre, le Comité rappelle qu’à la demande de l’auteur, les autorités ont levé la mesure de restriction de ses déplacements et remplacé celle-ci par une mesure de cautionnement, peu après que l’auteur eut fourni les documents qui lui avaient été demandés. En conséquence, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses arguments concernant la violation de l’article 12 du Pacte, lu seul et conjointement avec l’article 2 (par. 2), qu’aurait commise l’État partie en lui imposant la mesure de restriction de ses déplacements et l’obligation de se présenter devant les autorités, et conclut donc que ces griefs sont irrecevables au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

9.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard des articles 2, 3 et 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.