Nations Unies

CCPR/C/131/D/2772/2016

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

12 juillet 2021

Original : français

Comité des droits de l ’ homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2772/2016 * , ** , ***

Communication présentée par :

Émile Bisimwa Muhirhi (représenté par un conseil, de TRIAL International)

Victime(s) présumée(s) :

L’auteur

État partie :

République démocratique du Congo

Date de la communication :

24 mars 2016 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 7 juin 2016 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

23 mars 2021

Objet :

Torture et détention arbitraire

Question(s) de procédure :

Défaut de coopération de l’État partie

Question(s) de fond :

Droit à un recours utile ; peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant ; procès équitable ; droit à la liberté ; immixtion arbitraire dans la vie de famille

Article(s) du Pacte :

2 (par. 3), 7, 9, 10, 14 (par. 3 b) et g)), 17 et 23

Article(s) du Protocole facultatif :

2, 3 et 5 (par. 2)

1.1L’auteur de la communication est Émile Bisimwa Muhirhi, citoyen de la République démocratique du Congo, né le 3 novembre 1983. Il prétend être victime d’une violation par l’État partie de ses droits protégés au titre des articles 7, 9 et 10, lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3), et des articles 14 (par. 3 b) et g)), 17 et 23 du Pacte. La République démocratique du Congo a adhéré au Protocole facultatif se rapportant au Pacte le 1er novembre 1976. L’auteur est représenté par un conseil de l’organisation non gouvernementale TRIAL International.

1.2Le 7 juin 2016, en application de l’article 95 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire du Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de prendre des mesures afin d’assurer la protection de l’auteur et de sa famille durant la période d’examen de la communication par le Comité.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur vit de son petit commerce à Bukavu, dans la province du Sud-Kivu, une région réputée depuis des années pour les nombreux abus commis par les autorités envers la population. Le 17 décembre 2014, vers 6 heures du matin, il a été arrêté à son domicile par des membres de l’Agence nationale de renseignements entrés par effraction, qui l’ont ensuite conduit à leur bureau et placé en détention, sans qu’un mandat d’arrestation lui soit présenté. L’auteur a immédiatement été placé en isolement, dans une cellule à peine plus grande qu’un placard, où il ne pouvait ni s’asseoir ni s’allonger. Ce n’est que quelques heures plus tard, vers 10 heures, alors qu’il était torturé au cours de son interrogatoire, que les motifs de son arrestation lui ont été divulgués.

2.2Lors de cet interrogatoire, H. K. − un officier de l’Agence nationale de renseignements présent lors de l’arrestation − a accusé l’auteur d’avoir volé une somme de 172 844 dollars des États-Unis qui appartenait à D. C., son cousin et ancien associé. H. K. l’a accusé d’avoir utilisé cet argent pour acquérir des biens pour son propre compte, notamment une maison, achetée récemment. Au cours de cet interrogatoire, l’auteur n’a pas eu l’occasion de se défendre, et ce, malgré l’existence d’éléments qui auraient pu prouver son innocence, notamment les livres comptables que D. C. et lui tenaient à l’époque. L’auteur refusant d’avouer, H. K. a rédigé une fausse confession sur une feuille de papier. Il a ensuite demandé à l’auteur de signer le document, sans lui laisser la possibilité d’en lire le contenu au préalable. Lorsque l’auteur a refusé, H. K. s’est saisi d’une matraque, a forcé l’auteur à se coucher sur le ventre et a commencé à le frapper violemment au niveau du dos et des fesses. Les douleurs devenant insupportables, l’auteur a finalement accepté, en larmes, de signer les papiers que H. K. lui présentait. Après avoir signé le document, l’auteur a de nouveau été placé dans sa cellule, d’où il ne lui était pas permis de sortir.

2.3Dès lors, l’auteur a été victime de mauvaises conditions de détention, étant également privé de ses droits de consulter un avocat, d’être présenté à un juge, de voir sa famille, d’avoir accès à des soins médicaux ou encore de recevoir de la nourriture de façon régulière. L’auteur a été soumis à un deuxième épisode de torture, lorsque, quelques jours plus tard, H. K. a convoqué son père et D. C. aux bureaux de l’Agence nationale de renseignements. Lors de cet interrogatoire de confrontation, H. K. a de nouveau tenté d’obtenir des aveux forcés de la part de l’auteur, sans poser la moindre question à D. C. N’obtenant toujours pas de résultat, H. K. s’est saisi d’une matraque et, pendant une vingtaine de minutes, a roué de coups l’auteur, alors que le père de ce dernier le suppliait d’arrêter. Craquant sous la douleur, l’auteur a fini par signer les papiers. De cet épisode, l’auteur garde des séquelles physiques importantes, notamment une fracture au niveau de l’avant-bras droit, infligée alors qu’il essayait de se protéger des coups de matraque.

2.4Pendant sa détention, l’auteur a informé à maintes reprises L., un officier de l’Agence nationale de renseignements commis à la réception, des souffrances et des douleurs qu’il endurait par suite des coups de matraque et de fouet reçus. L’auteur a demandé à être soigné ou du moins à recevoir des médicaments pour calmer la douleur. L. a noté dans un cahier toutes les doléances de l’auteur, mais rien n’a été fait par la suite. L’auteur n’a jamais bénéficié de traitement pour les coups reçus.

2.5Chaque matin, vers 7 h 30, à travers une petite vitre fumée de sa cellule, l’auteur voyait D. C. franchir les grilles des bureaux de l’Agence nationale de renseignements, conduisant une voiture de laquelle il sortait accompagné de H. K. Plusieurs fois, à travers cette vitre, l’auteur a pu entrevoir D. C. donner de l’argent à la sentinelle qui ouvrait la grille d’entrée et aux agents de la police militaire qui étaient dans les bureaux de l’Agence. Ces événements ont fini par anéantir les espoirs de l’auteur d’un jour sortir de cette situation.

2.6Le 20 décembre 2014, le conseil de l’auteur a soumis une plainte pénale au parquet général de Bukavu contre D. C., pour arrestation et détention arbitraires et pour imputation dommageable, en évoquant les épisodes de torture. Craignant des représailles directes à l’encontre de l’auteur, compte tenu de sa situation de vulnérabilité aux mains de l’Agence nationale de renseignements, le conseil de l’auteur n’a pas cité H. K. dans la plainte pénale. À la suite du dépôt de cette plainte, le Procureur général a confié le dossier à un officier de police judiciaire qui n’a montré aucun esprit d’initiative dans l’ouverture d’une véritable instruction préliminaire, compte tenu notamment de la situation du plaignant, qui se trouvait en détention dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements. Par conséquent, le dossier n’a pas connu d’évolution depuis lors. En outre, le 9 janvier 2015, l’organisation non gouvernementale locale Action sociale pour le développement Mumosho Mudusa a également lancé des démarches afin d’obtenir le transfert de l’auteur et de son dossier au parquet général, au moyen d’une dénonciation d’arrestation illégale adressée au Procureur général près la cour d’appel de Bukavu.

2.7Le 14 janvier 2015, D. C. a adressé au Président du tribunal de commerce de Bukavu une requête de citation directe contre l’auteur. Le Président a rendu, en date du 15 janvier 2015, une ordonnance autorisant D. C. à citer à bref délai l’auteur pour comparaître devant le tribunal de commerce en date du 21 janvier 2015, alors que le dossier était encore en instruction au parquet général. À la première audience devant le tribunal de commerce, l’auteur a soulevé une exception d’incompétence du tribunal. Cette exception a été rejetée le 23 janvier 2015 par un jugement avant dire droit, par lequel ce tribunal s’est déclaré compétent. Le 31 janvier 2015, l’auteur a interjeté appel contre cette décision et l’affaire a donc été suspendue au niveau du tribunal de commerce pour être portée devant la cour d’appel, chargée de statuer sur la compétence. Le 26 février 2015, la cour d’appel de Bukavu a rendu son arrêt en déclarant le tribunal de commerce incompétent dans l’affaire, et renvoyant l’affaire sur le fond devant le tribunal de paix de Bukavu. D. C. a alors introduit une cause de suspicion légitime contre le tribunal de paix devant la cour d’appel de Bukavu, mais cette dernière l’a rejetée. Finalement, D. C. a renoncé à poursuivre l’action contre l’auteur par manque de preuves.

2.8La détention de l’auteur dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements a duré jusqu’au 14 janvier 2015, jour où il a été conduit au parquet général de Bukavu et placé sous mandat d’arrêt préventif par le Procureur. Le 15 janvier 2015, l’auteur a de nouveau été conduit au parquet général, où il a été auditionné par l’avocat général en présence de son propre avocat. Durant l’audition, l’auteur a évoqué les épisodes de torture dont il avait été victime pendant la période passée dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements. À la fin de l’audience, l’auteur a été reconduit à la prison centrale de Bukavu.

2.9C’est seulement à partir de cette date − soit vingt-neuf jours après son arrestation − que l’auteur a eu pour la première fois l’occasion de voir son avocat et de s’entretenir avec celui-ci. Le 19 janvier 2015, l’auteur a adressé au Procureur général une demande de mise en liberté provisoire, mais n’a obtenu aucune réponse. Par la suite, une audience a eu lieu le 27 janvier 2015 devant le tribunal de paix de Bukavu pour statuer sur sa détention préventive. Dans le cadre de cette audience, l’auteur n’a pas pu bénéficier d’assistance légale, et le tribunal a ordonné son placement en détention préventive.

2.10Le 18 février 2015, l’auteur a introduit une demande de mise en liberté provisoire devant le tribunal de paix de Bukavu. Le 19 février 2015, le tribunal l’a rejetée au motif qu’il existait des indices sérieux de culpabilité pour les chefs d’accusation retenus contre lui. Le 20 février 2015, l’auteur a interjeté appel de cette décision, mais début mars 2015, le tribunal de grande instance de Bukavu a confirmé la décision de premier degré et rejeté l’appel.

2.11Le 27 février 2015, compte tenu du fait qu’aucune suite n’avait été donnée à la plainte pénale soumise le 20 décembre 2014 contre D. C. pour arrestation et détention arbitraires et pour imputation dommageable, l’auteur a adressé au tribunal de grande instance de Bukavu une requête de citation directe contre H. K. et D. C. pour torture, détention et arrestation arbitraires. L’audience introductive de cette affaire a eu lieu le 19 mars 2015. H. K. ne s’y est pas présenté, et D. C. a comparu assisté de deux avocats. Le tribunal s’est déclaré saisi à l’égard des deux prévenus et a déclaré le prévenu H. K. en défaut de comparaître. Lors de cette audience, les avocats de la défense ont soulevé des exceptions préliminaires, notamment concernant l’autorisation préalable de l’Administrateur général de l’Agence nationale de renseignements, nécessaire pour que des poursuites soient engagées à l’égard des officiers de l’Agence, comme H. K.. Le 30 juillet 2015, le tribunal a rejeté toutes les exceptions soulevées et renvoyé la cause à l’audience publique du 13 août 2015. Pendant cette audience, D. C. a formé appel à l’encontre du jugement avant dire droit du tribunal de grande instance. Le 7 février 2016, la cour d’appel a reçu les plaidoiries des parties sur l’appel et pris l’affaire en délibéré. En juillet 2017, la cour d’appel a rejeté l’exception soulevée par D. C. et renvoyé l’affaire devant le tribunal de grande instance. Depuis lors, l’affaire est toujours en cours.

2.12La détention préventive de l’auteur à la prison centrale de Bukavu s’est prolongée jusqu’au 6 juin 2015, jour où la deuxième requête de mise en liberté provisoire, déposée par son avocat le 3 juin 2015, a finalement été accordée. Le 29 juin 2015, l’auteur a été admis pour des examens médicaux et des soins complets à l’hôpital général de référence de Panzi, où il a reçu l’attention d’un médecin légiste spécialiste en chirurgie. Le rapport médical, réalisé en date du 3 juillet 2015, mentionne « un état général marqué par une anxiété ; […] au niveau du thorax : des abrasions linéaires, parallèles au niveau de la face postérieure du tronc […] une déformation et incurvation de l’avant-bras à sinus interne, la pronation et la supination limitées ». Le rapport indique également « une fracture ancienne de deux os de l’avant-bras droit et des séquelles de coups et blessures sur un fond de mauvais traitement en détention, “tortures”, voir les traces de lanière au niveau du dos ». Il souligne aussi que « l’évaluation des préjudices […] fait état d’une incapacité temporaire de travail (ITT) de soixante jours ; une incapacité partielle permanente (IPP) de 25 % ; un pretium doloris (souffrance endurée) important 6/7 ; et un préjudice esthétique léger 3/7 ».

2.13Malgré la remise en liberté de l’auteur, la plainte déposée contre D. C. est toujours en cours, et les menaces à son égard n’ont jamais cessé. À plusieurs reprises, l’auteur et sa famille ont continué à subir des tentatives d’intimidation ou des attaques directes sur leur personne, que ce soit dans la rue, au commissariat ou encore à leur domicile. Chaque fois, ces violences ont été menées par des membres de la famille de D. C. dans le but d’intimider l’auteur ou d’obtenir l’argent qu’il avait soi-disant volé.

2.14Le 15 juillet 2015, l’auteur a de nouveau été arrêté à son domicile, sans mandat, avant d’être interrogé et placé en détention pendant plusieurs heures, accusé cette fois-ci d’avoir cambriolé la maison de D. C. Les autorités ont rapidement pu constater qu’au moment du soi-disant cambriolage, l’auteur était encore en détention à la prison centrale de Bukavu et que, par conséquent, les accusations étaient non fondées. L’auteur a été relâché quelques heures après son arrestation.

2.15Le 2 mars 2015, l’organisation non gouvernementale TRIAL International a envoyé une demande d’intervention urgente en faveur de l’auteur au Groupe de travail sur la détention arbitraire et au Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, afin que les procédures spéciales en question puissent engager une action pour exiger sa libération immédiate et inconditionnelle. Puis, le 8 mai 2015, TRIAL International a soumis une requête individuelle au Groupe de travail sur la détention arbitraire concernant la détention de l’auteur. Le 3 septembre 2015, le Groupe de travail a rendu un avis favorable à l’auteur, qualifiant d’arbitraires les arrestations et épisodes de détention de l’auteur, et déterminant que les violences subies dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements constituaient des actes de torture. Dans ses conclusions, le Groupe de travail recommandait au Gouvernement de l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier au préjudice matériel et moral grave que l’auteur avait subi, en prévoyant une réparation intégrale conformément à l’article 9 (par. 5) du Pacte. Par ailleurs, le Gouvernement devait enquêter sur les circonstances de cette violation des droits pour déterminer les responsabilités et s’assurer que toute faute serait punie.

2.16Depuis lors, l’auteur assure un suivi régulier des procédures nationales entamées. Le 30 octobre 2015, il a envoyé une lettre à la Commission nationale des droits de l’homme pour demander son intervention dans son dossier, afin d’obtenir justice et réparation. En ce qui concerne la procédure pénale pendante devant le tribunal de paix, toute une série de « tactiques dilatoires » ont été employées par D. C. pour éviter que l’auteur puisse être jugé dans un délai raisonnable ou libéré de manière inconditionnelle. Quant à la procédure de citation directe contre D. C. et H. K., malgré la diligence et les relances de l’auteur, les lenteurs judiciaires ne permettent pas à l’affaire de suivre son cours normal. La situation économique de l’auteur et de sa famille reste extrêmement précaire. La famille survit très difficilement grâce au petit commerce de farine et de manioc.

2.17Enfin, l’auteur fait valoir que : a) toutes les mesures disponibles ont été prises afin d’épuiser les voies de recours internes ; b) ces voies de recours ont excédé les délais raisonnables, puisqu’une enquête sur ses allégations de torture, pourtant faites en décembre 2014 auprès d’un officier de l’Agence nationale de renseignements ainsi que dans sa plainte auprès du parquet général de Bukavu, n’a été ouverte qu’à la suite de sa plainte du 27 février 2015 auprès du tribunal de grande instance de Bukavu, et puisqu’il n’a été mis en liberté provisoire qu’après avoir déposé trois requêtes à cet effet et être resté six mois de détention, malgré les clairs vices de substance et de procédure dans son arrestation et sa détention ; c) les voies de recours se sont avérées inefficaces, puisque sa première plainte pénale soumise en décembre 2014 n’a jamais eu de suite et que la procédure de citation directe est restée bloquée en première instance au niveau de l’examen des exceptions préliminaires durant près de douze mois après que lesdites exceptions avaient été soulevées ; et d) il est dangereux pour l’auteur d’utiliser les voies de recours internes, par suite des tentatives d’intimidation et des menaces qui ont poussé l’auteur et sa famille à déménager de leur quartier en août 2015.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur invoque une violation par l’État partie des articles 7, 9 et 10, lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3), et des articles 14 (par. 3 b) et g)), 17 et 23 du Pacte.

3.2Tout d’abord, l’auteur a été soumis à des sévices d’une extrême gravité qui ont provoqué des souffrances aiguës et ont encore aujourd’hui des effets sur sa santé. Ces actes de torture ont été commis par H. K., officier de l’Agence nationale de renseignements, dans le but de lui extorquer des aveux forcés durant sa détention arbitraire dans les locaux de l’Agence, du 17 décembre 2014 au 14 janvier 2015, en violation de l’article 7 du Pacte.

3.3Ensuite, l’auteur fait valoir qu’il a été soumis à de mauvaises conditions de détention pendant toute la durée de sa détention, soit du 17 décembre 2014 au 6 juin 2015. Ces conditions, auxquelles s’ajoutent l’isolement cellulaire prolongé, la taille minuscule de sa cellule dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements, dans laquelle il n’était pas en mesure de bouger et était donc contraint à toujours rester dans la même position, la privation de contact avec sa famille et son avocat, le déni d’assistance médicale et les menaces subies ont constitué des atteintes à la dignité ainsi qu’à l’intégrité physique et morale de l’auteur, et représentent une violation des articles 7 et 10 du Pacte.

3.4En outre, nonobstant les nombreuses dénonciations de torture et de mauvais traitement faites par l’auteur auprès de différentes autorités, tout d’abord devant les autorités de l’Agence nationale de renseignements, puis auprès des autorités de la prison centrale de Bukavu et, enfin, devant les tribunaux, avec le dépôt de deux plaintes pénales et de plusieurs demandes de remise en liberté provisoire, aucune enquête n’a été ouverte avant mars 2015, soit environ trois mois après ses premières allégations en la matière. Malgré la diligence de l’auteur, la procédure judiciaire ouverte est toujours bloquée en première instance, et aucun acte d’enquête significatif n’a encore été posé. Au contraire, les autorités congolaises ont ralenti les procédures en ne respectant pas les délais légaux ou en ne sanctionnant pas les prévenus pour leurs tactiques dilatoires. L’auteur considère que l’État partie ne lui a pas garanti de recours utile, en violation de l’article 2 (par. 3), lu conjointement avec les articles 7 et 10 du Pacte.

3.5L’auteur invoque également une violation de son droit à la liberté lorsque les officiers de l’Agence nationale de renseignements l’ont privé arbitrairement de sa liberté entre le 17 décembre 2014 et le 14 janvier 2015. Par la suite, son droit à la liberté a également été violé lorsqu’il a été placé en détention préventive à la prison centrale de Bukavu, du 14 janvier au 6 juin 2015, sans que les conditions établies par la loi congolaise soient respectées, puisque les indices de culpabilité invoqués par la cour ne pouvaient alors être basés que sur les affirmations de D. C. et sur les documents que l’auteur avait été forcé de signer sous la torture et les mauvais traitements, sans avoir pu les lire au préalable. L’auteur affirme donc que sa détention, n’ayant pas de base légale et ne respectant pas les garanties procédurales, était arbitraire dès le début. Enfin, son droit à la liberté a été bafoué en date du 15 juillet 2015, lorsque l’auteur a de nouveau été arrêté sans mandat et placé en détention pour interrogatoire, avant d’être relâché quelques heures plus tard. En outre, l’auteur allègue que tout au long de sa détention, l’État partie a violé son droit au respect des garanties procédurales prévues par l’article 9 du Pacte, notamment son droit d’être informé des motifs de son arrestation, en vertu du paragraphe 2, son droit d’être traduit devant un juge ou une autorité compétente le plus tôt possible, en vertu du paragraphe 3, et son droit d’introduire un recours devant un tribunal, en vertu du paragraphe 4. Enfin, le droit de l’auteur d’obtenir réparation ainsi que l’ouverture d’une enquête approfondie pour les violations subies en détention, en application de l’article 9 (par. 5) et aux fins de l’article 2 (par. 3) du Pacte, n’a pas été respecté. Partant, l’auteur invoque également une violation par l’État partie de l’article 2 (par. 3), lu conjointement avec l’article 9 du Pacte.

3.6Par ailleurs, l’auteur allègue que l’État partie a manqué à son obligation de lui garantir la tenue d’un procès équitable, en particulier en raison de l’admission en preuve et de l’utilisation dans les procédures judiciaires menées contre lui d’aveux forcés signés sous la torture dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements. L’auteur n’a pas eu accès à un conseil pendant toute la période de sa détention dans les locaux de l’Agence, et notamment durant les interrogatoires et confrontations auxquels il a été soumis et à la suite desquels il a été forcé de signer des documents sans avoir pu les lire au préalable. De plus, durant l’audience du tribunal de paix du 27 janvier 2015, qui devait statuer sur sa détention préventive, l’auteur n’a pas pu bénéficier d’assistance légale, en flagrante violation de l’article 30 du Code de procédure pénale. Enfin, il n’a pas eu un accès complet aux documents nécessaires afin de contester efficacement les accusations retenues contre lui. À cet égard, l’État partie n’a pas respecté ses obligations vis-à-vis de l’auteur, au titre de l’article 14 (par. 3 b) et g)) du Pacte.

3.7Ensuite, l’auteur affirme qu’il a subi de nombreuses immixtions illégales dans sa vie privée, sa famille et son domicile. Le 17 décembre 2014 et le 15 juillet 2015, l’auteur a été victime de deux arrestations arbitraires et violentes de la part d’agents de l’État, chaque fois en pleine nuit à son domicile. Les violations subies par l’auteur pendant sa période de détention ont porté atteinte de manière arbitraire à sa vie privée, notamment en ce qui concerne l’impact sur sa carrière, sa santé physique et psychologique, et sa vie familiale. Il considère donc que l’État partie a violé ses droits relevant de l’article 17 du Pacte.

3.8Enfin, l’auteur invoque une violation de l’article 23 du Pacte, puisque les crimes, les attaques et les menaces subis par lui-même et sa famille ont porté gravement atteinte à leur famille et à leur vie familiale. Tout d’abord, son absence pendant plus de six mois a eu un effet grave sur les conditions économiques de sa famille. Ensuite, sa détention arbitraire prolongée a impliqué une rupture de l’unité familiale et une atteinte à la santé psychologique des différents membres de la famille. Enfin, l’atteinte à la santé psychologique de l’auteur, les menaces et les attaques perpétrées à son domicile et directement à l’égard de sa famille ont généré un climat d’insécurité, de peur et d’intimidation qui a poussé la famille à changer de quartier en août 2015.

3.9L’auteur demande une réparation appropriée, incluant des mesures d’indemnisation financière pour les préjudices matériels et immatériels causés, de réhabilitation physique, psychologique, sociale et économique ainsi que de satisfaction, de même que des garanties de non-répétition accompagnées d’excuses publiques adressées à la victime.

Défaut de coopération de l’État partie

4.Les 7 juin 2016, 25 janvier 2017, 3 juillet 2017 et 14 septembre 2018, le Comité a demandé à l’État partie de lui communiquer ses observations concernant la recevabilité et le fond de la communication. Le Comité regrette que l’État partie n’ait donné aucune information quant à la recevabilité ou au fond des allégations de l’auteur. Il rappelle que l’article 4 (par. 2) du Protocole facultatif oblige les États parties à examiner de bonne foi toutes les allégations portées contre eux et à communiquer au Comité toutes les informations dont ils disposent. En l’absence de réponse de la part de l’État partie, il convient d’accorder le crédit voulu aux allégations de l’auteur, dans la mesure où celles-ci ont été étayées.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

5.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

5.2Le Comité doit s’assurer, conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’est pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité note que le cas de l’auteur a été examiné par le Groupe de travail sur la détention arbitraire, qui a émis un avis le 3 septembre 2015. Le Groupe de travail ayant achevé l’examen de l’affaire avant que la présente communication soit soumise au Comité, celui-ci ne s’interrogera pas sur le point de savoir si l’examen d’un cas par le Groupe de travail sur la détention arbitraire constitue une procédure devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement au sens de l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif. En conséquence, le Comité considère qu’il n’y a pas d’obstacle à la recevabilité de la présente communication au titre de cette disposition.

5.3En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, le Comité rappelle, d’une part, que l’État partie a non seulement le devoir de mener des enquêtes approfondies sur les violations supposées des droits de l’homme portées à l’attention de ses autorités, mais aussi celui de poursuivre quiconque est présumé responsable de ces violations, de procéder à son jugement et de prononcer une peine à son égard. Il rappelle, d’autre part, sa jurisprudence aux termes de laquelle l’auteur d’une communication doit épuiser, aux fins de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif, tous les recours administratifs ou judiciaires qui lui offrent des chances raisonnables d’obtenir réparation. Le Comité note que l’État partie n’a contesté la recevabilité d’aucun des griefs présentés. Il prend note, en outre, des informations et des pièces fournies par l’auteur au sujet des plaintes et des demandes qu’il a adressées auprès de différentes autorités de l’État partie, dont aucune n’aurait apparemment débouché sur une enquête. Le Comité note, en effet, qu’une période de six ans s’est écoulée depuis que l’auteur a introduit sa dernière plainte du 27 février 2015 pour torture, et détention et arrestation arbitraires, sans qu’une décision sur le fond soit délivrée. Par conséquent, dans la mesure où ce recours interne a excédé des délais raisonnables et ainsi ne permet pas à l’auteur d’invoquer une violation effective d’un droit, le Comité estime que ce recours n’est pas efficace et encore moins utile, et que les dispositions de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la communication.

5.4Le Comité estime que l’auteur a suffisamment étayé les allégations aux fins de la recevabilité, et procède à l’examen quant au fond des griefs formulés au titre des articles 7, 9 et 10, lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3), et des articles 14 (par. 3 b) et g)), 17 et 23 du Pacte.

Examen au fond

6.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

6.2Le Comité note que l’État partie n’a pas répondu aux allégations de l’auteur et rappelle sa jurisprudence selon laquelle la règle relative à la charge de la preuve ne doit pas incomber uniquement à l’auteur d’une communication, d’autant plus que celui-ci et l’État partie n’ont pas toujours un accès égal aux éléments de preuve et que, souvent, seul l’État partie dispose des renseignements nécessaires.

6.3Le Comité prend note des griefs de l’auteur au titre de l’article 7 du Pacte, selon lesquels : a) les traitements qu’il aurait subis lors de sa détention dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements du 17 décembre 2014 au 14 janvier 2015 sont constitutifs de torture ; b) il a été maintenu dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements dans des conditions déplorables ; et c) il a été maintenu du 17 décembre 2014 au 14 janvier 2015 en isolement cellulaire, sans aucune possibilité de sortir d’une cellule à peine plus grande qu’un placard, si petite qu’il n’était pas en mesure de bouger et devait donc toujours rester dans la même position. À cet égard, le Comité rappelle que l’emprisonnement cellulaire prolongé d’une personne détenue ou incarcérée peut être assimilé aux actes prohibés par l’article 7 du Pacte. Il note ensuite les allégations selon lesquelles, par suite de son refus d’avouer lors des deux interrogatoires, l’auteur a été sévèrement battu avec une matraque et que, lors du deuxième interrogatoire, son père a été contraint à en être témoin. Le Comité note en outre que ces actes auraient été perpétrés par un officier de l’Agence nationale de renseignements dans le but de lui extorquer des aveux forcés. Il note enfin que les différentes marques de torture, notamment une fracture au niveau de l’avant-bras droit, décrites dans un rapport médico-légal daté du 3 juillet 2015 et faisant état d’une incapacité partielle permanente de 25 %, corroborent ces allégations. Vu la gravité des faits reprochés et en l’absence de toute information de l’État partie les réfutant, le Comité conclut en l’espèce à une violation de l’article 7 du Pacte.

6.4Au vu de ce qui précède, le Comité n’examinera pas séparément les griefs tirés de la violation de l’article 10 du Pacte.

6.5En ce qui concerne l’article 9 du Pacte, le Comité prend note des allégations de l’auteur selon lesquelles : a) il a été arrêté sans mandat ni base légale par des officiers de l’Agence nationale de renseignements, et a été privé arbitrairement de sa liberté entre le 17 décembre 2014 et le 14 janvier 2015, pendant sa détention dans les locaux de l’Agence, puis entre le 14 janvier 2015 et le 6 juin 2015, pendant sa détention à la prison centrale de Bukavu, en violation du paragraphe 1 ; b) il ne s’est pas vu notifier les motifs de son arrestation, en violation du paragraphe 2 ; c) il n’a pas été traduit devant un juge ou une autorité compétente le plus tôt possible, en violation du paragraphe 3 ; d) il n’a pas bénéficié du droit d’introduire un recours devant un tribunal, en violation du paragraphe 4 ; et e) il n’a pas eu la possibilité d’obtenir une réparation, en violation du paragraphe 5. En l’absence de toute information de l’État partie réfutant ces allégations, le Comité conclut que l’arrestation et la détention de l’auteur ont été arbitraires et que les droits garantis à l’auteur au titre de l’article 9 du Pacte ont été violés.

6.6Le Comité note l’allégation de l’auteur selon laquelle ses droits garantis par les articles 7 et 9 du Pacte, lus conjointement avec l’article 2 (par. 3), ont été violés du fait de l’absence de recours utiles contre ces violations. En l’occurrence, plus de six ans se sont écoulés depuis la plainte pénale déposée le 20 décembre 2014 auprès du parquet général contre D. C., pour les faits de torture ainsi que de détention et d’arrestation arbitraires, sans qu’une enquête rapide et immédiate ait été diligentée. Ensuite, le 27 février 2015, l’auteur a introduit une requête de citation directe contre H. K. et D. C. pour des faits de torture ainsi que de détention et d’arrestation arbitraires auprès du tribunal de grande instance de Bukavu, affaire toujours en cours d’instruction en première instance malgré les relances de l’auteur. Constatant que l’État partie n’a fourni aucune explication justifiant son absence de mesures pour remédier aux violations alléguées, le Comité conclut que l’État partie a violé les droits de l’auteur au titre des articles 7 et 9 lus conjointement avec l’article 2 (par. 3) du Pacte.

6.7Le Comité note également les griefs de l’auteur selon lesquels il n’a pas eu accès à un conseil pendant toute la période de sa détention dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements, durant les interrogatoires et confrontations auxquels il a été soumis et à la suite desquels il a été forcé de signer des documents sans avoir pu les lire au préalable, durant l’audience du tribunal de paix du 27 janvier 2015 qui devait statuer sur sa détention préventive, de même qu’il n’a pas bénéficié d’un accès complet aux documents nécessaires afin de contester efficacement les accusations retenues contre lui. En l’absence de toute contestation de l’État partie, le Comité considère que ces restrictions dénotent une violation de l’article 14 (par. 3 b)) du Pacte, en ce que l’auteur n’a pas disposé pendant les différentes étapes procédurales des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à la communication avec son conseil.

6.8Le Comité note en outre l’allégation de l’auteur selon laquelle, pendant sa détention arbitraire, il a été torturé par un officier de l’Agence nationale de renseignements et forcé à signer des aveux. Ces aveux, affirme-t-il, ont été utilisés pour le priver arbitrairement de sa liberté, en violation des droits qu’il tient de l’article 14 (par. 3 g)) du Pacte. Compte tenu de la constatation du Comité concernant la violation de l’article 7 du Pacte et du fait que l’État partie n’a pas enquêté sur les allégations de torture formulées par l’auteur, ainsi que du fait que les aveux de l’auteur ont été retenus comme preuve et utilisés pour justifier sa détention préventive, le Comité considère que les droits que l’auteur tient de l’article 14 (par. 3 g)) du Pacte ont été violés par l’État partie.

6.9Enfin, le Comité note que l’auteur a été arrêté à son domicile par des officiers de l’Agence nationale de renseignements entrés par effraction et qu’après sa mise en liberté provisoire, sa famille et lui ont continué à subir des tentatives d’intimidation dans la rue ou à leur domicile. Le Comité note aussi que par suite de ces tentatives d’intimidation et menaces, l’auteur a été forcé de changer de domicile en août 2015. Le Comité rappelle que le fait de séparer arbitrairement l’auteur du reste de sa famille et d’attenter à leur vie familiale peut soulever des questions au titre de l’article 17 du Pacte, lu conjointement avec l’article 23 (par. 1). En l’absence d’observations de l’État partie et compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, le Comité considère que ces faits constituent une immixtion arbitraire et illégale dans la vie privée de l’auteur, son domicile et sa famille. En conséquence, le Comité conclut que l’État partie a violé les droits de l’auteur au titre de l’article 17, lu seul et conjointement avec l’article 23 du Pacte.

7.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des articles 7 et 9, lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3), de l’article 14 (par. 3 b) et g)) ainsi que de l’article 17, lu seul et conjointement avec l’article 23 du Pacte.

8.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En l’espèce, l’État partie est tenu : a) de poursuivre d’une manière rapide, efficace, exhaustive, indépendante, impartiale et transparente l’instruction et la procédure pénale sur les faits allégués par l’auteur concernant son arrestation, sa détention et les tortures qu’il a subies pendant sa détention dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements ; b) de poursuivre pénalement, de juger et de punir les responsables des violations éventuellement commises avec des peines en adéquation avec la gravité des violations ; c) de communiquer à l’auteur des informations détaillées concernant les résultats de l’enquête ; d) de veiller à ce que l’auteur bénéficie gratuitement de mesures de réadaptation physique et psychologique et de soins médicaux appropriés ; et e) de fournir à l’auteur une indemnité adéquate et des mesures de satisfaction appropriées. L’État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

9.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans la langue officielle.

Annexe

[Original : anglais]

Opinion individuelle (partiellement dissidente) de Gentian Zyberi

1.Je partage l’avis du Comité, qui constate une violation des articles 7 et 9 du Pacte, lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3), et des articles 14 (par. 3 b) et g)) et 17. En revanche, le grief de violation de l’article 23 aurait dû être déclaré irrecevable, car il n’a pas été suffisamment soulevé auprès des autorités nationales. De plus, le Comité, lorsqu’il constate une violation des articles 7 et 9, a généralement pour pratique de juger inutile l’application de l’article 23.

2.Le Comité n’explique pas en quoi le grief que l’auteur tire de l’article 23 est recevable, et l’accepte sans vraiment l’examiner, conjointement avec le grief soulevé au titre de l’article 17. Bien qu’il soit regrettable que l’État partie ait manqué, une fois encore, à son devoir de coopérer avec le Comité au titre du Protocole facultatif, en ne répondant pas aux invitations à soumettre des observations sur la recevabilité et le fond de la communication pendant plus de deux ans, le Comité devrait au moins être fondé à estimer que les griefs que l’auteur soulève devant lui ont également été soulevés au niveau national, pour se conformer à la condition de l’épuisement des recours internes.

3.En l’espèce, l’auteur a soulevé devant les autorités nationales des griefs de violation des articles 7, 9, 10 et 14, mais n’a pas invoqué l’article 23. L’auteur s’est adressé au tribunal de grande instance de Bukavu (tribunal de droit commun) pour demander que des poursuites soient engagées contre H. K. et D. C. pour torture et arrestation et détention arbitraires et il a assuré un suivi régulier des procédures nationales qui avaient été engagées. Il a signalé avoir fait l’objet d’actes de torture et de mauvais traitements, à de nombreuses reprises et à diverses autorités : premièrement, aux autorités de l’Agence nationale de renseignement ; deuxièmement, aux autorités de la prison centrale de Bukavu ; troisièmement, aux tribunaux, auxquels il a soumis deux plaintes pénales et plusieurs demandes de mise en liberté. Cependant, il ne semble pas que dans ces différentes plaintes soumises aux autorités nationales, l’auteur ait soulevé un grief connexe de violation de l’article 23. Compte tenu des nombreuses démarches que l’auteur a engagées auprès des autorités nationales, malgré les pressions ou menaces dont il fait état, il est difficile d’admettre qu’il ait de solides raisons de ne pas avoir soulevé devant ces autorités le grief de violation de l’article 23. Ce grief particulier aurait donc dû être déclaré irrecevable.