Nations Unies

CCPR/C/134/3/Add.3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

20 mai 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Rapport sur le suivi des observations finales du Comité des droits de l’homme*

Additif

Évaluation des renseignements sur la suite donnée aux observations finales concernant le Liban

Observations finales (122 e session) :

CCPR/C/LBN/CO/3, 3 avril 2018

Paragraphes faisant l’objet d’un suivi :

20, 38 et 40

Renseignements reçus de l’État partie :

CCPR/C/LBN/FCO/3, 15 avril 2020

Renseignements reçus des parties prenantes  :

MENA Rights Group et Global Detention Project, 20 janvier 2022, et ALEF −Act for Human Rights, 1er février 2022

Évaluation du Comité :

20[C][B], 38[C][B] y 40[C]

Paragraphe 20 : Violences faites aux femmes, notamment la violence familiale et les violences sexuelles

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

a)En ce qui concerne l’incrimination du viol conjugal, l’article 3 de la loi no 293 de 2014 relative à la protection des femmes et des autres membres de la famille contre la violence familiale énonce les peines dont est passible quiconque frappe, maltraite ou menace son conjoint ou sa conjointe pour revendiquer son droit conjugal à des rapports sexuels.

En septembre 2019, la Commission des droits des femmes et des enfants de la Chambre des députés a présenté une proposition de loi visant à ériger le harcèlement sexuel en infraction pénale, qui a ensuite été soumise à la Commission parlementaire de l’administration et de la justice. Si cette proposition est adoptée, les actes de harcèlement sexuel au travail seront passibles de peines sévères.

b)La Commission nationale de la femme libanaise a adopté une proposition de 2018 visant à modifier l’article 505 et à abroger l’article 518 du Code pénal concernant les infractions consistant à avoir des rapports sexuels avec une personne mineure et à amener une fille vierge à consentir à des relations sexuelles en lui promettant le mariage. Les efforts qui sont déployés depuis pour transmettre cette proposition à la Chambre des députés n’ont, pour l’instant, que partiellement abouti.

c)Ces dernières années, des efforts accrus ont été déployés pour prévenir la violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale, ainsi que pour mettre en application la loi no 293, au titre de laquelle un mécanisme de signalement des violences a été créé ; ce mécanisme a fait l’objet d’une large publicité.

Le Ministère de l’intérieur et des municipalités a mis en place un numéro d’urgence pour les victimes de violence familiale , et une vaste campagne d’information a été menée pour faire connaître ce dispositif au grand public et encourager son utilisation. La Commission nationale de la femme libanaise a organisé des campagnes de sensibilisation, dans le cadre desquelles des textos ont été envoyés à des millions de personnes pour encourager les victimes et les témoins de violence familiale à signaler de tels faits au moyen du numéro d’urgence, et deux courts-métrages ont été produits pour mettre en lumière le droit des femmes à la protection et encourager celles-ci à signaler les cas de violence familiale. Elle a aussi lancé des campagnes nationales de sensibilisation au harcèlement sexuel. Une stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes, née d’un partenariat entre plusieurs organismes publics, des entités des Nations Unies et des organisations de la société civile, a également été lancée en février 2019.

d)Des employés des secteurs public et privé ont suivi une formation pour apprendre à déceler les cas de violence à l’égard des femmes et à y donner suite. Le Ministère des affaires sociales a organisé pour les travailleurs sociaux une formation sur l’application de la loi no 293 et élabore actuellement des outils pour surveiller et traiter les cas de violence fondée sur le genre. Le Ministère de la justice et la Commission nationale de la femme libanaise ont organisé une formation sur l’application de cette loi à l’intention des juges. Le Ministère de la santé publique a également offert des formations aux membres du personnel médical pour les aider à déceler les cas de violence à l’égard des femmes et à y donner suite.

En juillet 2018, le Ministère de l’intérieur et des municipalités a publié un mémorandum énonçant les règles que les agents des forces de sécurité doivent suivre lorsqu’ils interagissent et communiquent avec les victimes de violence familiale. Il a organisé des formations à l’intention des forces de sécurité en partenariat avec des organisations de la société civile. Des formations concernant la détection des cas de traite et de violence fondée sur le genre et les suites à y donner ont également été dispensées dans l’armée.

e)Le Ministère de la justice s’emploie actuellement à mettre au point un dispositif qui permettra d’extraire des données en temps réel sur les condamnations prononcées dans toutes les affaires de violence, y compris les affaires de violence à l’égard des femmes.

Les membres du système judiciaire s’attachent à ce que tous les cas de violence, y compris la violence à l’égard des femmes, qui peuvent être du ressort des juridictions civiles, pénales ou militaires, fassent l’objet d’une enquête et, le cas échéant, de poursuites et de sanctions. En septembre 2019, le Ministère de la justice a approuvé le lancement d’une initiative menée en collaboration avec des partenaires, dont plusieurs barreaux et des entités des Nations Unies, pour donner accès à l’aide juridictionnelle aux victimes de violence, notamment aux femmes.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

ALEF − Act f o r Human Rights

a), b) et e)L’État n’a pas amélioré les mesures de protection des femmes, ni incriminé la violence familiale et modifié les articles 505 et 518 du Code pénal. Il n’y a eu aucune évolution en ce qui concerne la collecte des données, lesquelles demeurent éparses et fragmentaires.

c) Si les institutions de l’État ont pris des dispositions pour renforcer les mesures de prévention, notamment en diffusant des statistiques et en faisant de la violence familiale une priorité des forces de sécurité, les autorités concourant à l’application de la loi doivent fournir aux victimes de violence familiale une aide concrète, une protection, un hébergement et une assistance et faire en sorte que les auteurs de tels faits répondent de leurs actes, afin de créer un climat de confiance, de sorte que les victimes ne doutent pas qu’elles peuvent signaler ces violences sans craindre d’être humiliées.

d)Si les membres des forces de l’ordre ont été formés et sont mieux équipéspour recueillir les dépositions en toute confidentialité et sur un support numérique, le taux de renouvellement des effectifs nuit à la pérennisation des connaissances, ce qui pose un problème structurel.

Évaluation du Comité

[C] : a), b) et e)

Le Comité prend note des renseignements communiqués mais reste préoccupé par l’absence d’informations sur les mesures prises spécialement, pendant la période considérée, pour renforcer la protection juridique contre les violences faites aux femmes, notamment la violence familiale, le viol, le viol conjugal et le harcèlement sexuel, et demande à l’État partie de lui faire parvenir des informations sur le sujet. Le Comité se félicite qu’une proposition de loi visant à ériger le harcèlement sexuel en infraction pénale ait été faite et demande des informations actualisées sur l’état d’avancement des efforts déployés à cet égard et des précisions supplémentaires quant à savoir si le texte visera le harcèlement dans tous les contextes, y compris le cadre familial, et sur les sanctions prévues pour ces infractions.

Le Comité salue les actions engagées en vue de modifier les articles 505 et 518 du Code pénal. Cependant, il s’inquiète de ne pas avoir reçu d’informations détaillées sur la portée concrète de la proposition de modifications et indiquant à quel stade du processus législatif se trouve la proposition, et demande des informations supplémentaires à cet égard.

Le Comité prend note des informations reçues sur les mesures visant à améliorer la collecte de données sur la violence à l’égard des femmes et demande un complément d’informations sur ces mesures, notamment sur tout mécanisme permettant de recueillir des données sur les cas de violence à l’égard des femmes qui n’ont pas débouché sur une condamnation. Il prend note également de la volonté de l’État partie de garantir l’accès des victimes à des voies de recours, démontrée notamment par la mise en œuvre de l’initiative de 2019 visant à faciliter l’accès à l’aide juridictionnelle. Il demande des informations complémentaires sur cette initiative, notamment le nombre de victimes qui en ont bénéficié et toute donnée permettant d’en apprécier l’efficacité, et sur les services de protection mis en place pour aider les femmes et les filles victimes de violence.

[B] : c) et d)

Le Comité accueille avec satisfaction les informations sur les actions menées pour prévenir la violence à l’égard des femmes, notamment les activités de sensibilisation, les mesures visant à encourager l’utilisation du numéro d’urgence pour signaler des faits de violence et le lancement en 2019 d’une stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes. Il demande des informations supplémentaires sur ces actions, notamment sur la façon dont elles permettent aux victimes de signaler des faits de violence sans craindre d’être humiliées, ainsi que toute donnée permettant d’apprécier leur efficacité.

Le Comité prend note avec satisfaction des informations fournies au sujet des diverses activités de formation menées pour enseigner comment déceler les cas de violence à l’égard des femmes et à y donner suite convenablement. Il demande des informations supplémentaires sur ces activités, notamment le nombre de sessions organisées à l’intention des parties prenantes de chaque secteur concerné, les dates auxquelles elles ont eu lieu et le nombre de participants, ainsi que toutes données permettant d’apprécier leur efficacité.

Paragraphe 38 : Réfugiés et demandeurs d’asile

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

a)Depuis le début du conflit en République arabe syrienne en 2011, le Liban est devenu un refuge pour de nombreuses personnes déplacées. Bien qu’il ne soit pas partie à la Convention relative au statut des réfugiés, il fournit une assistance à ces personnes et respecte pleinement le principe de non-refoulement.

b)Aucune information n’a été communiquée.

c)Toutes les décisions administratives peuvent être réexaminées à la demande de la partie intéressée.

d)Aucune information n’a été communiquée.

e)À titre exceptionnel et de manière temporaire, les municipalités qui accueillent un grand nombre de réfugiés ont appliqué des couvre-feux pour des raisons sociales et de sécurité. Ces couvre-feux ont été levés rapidement.

f)En février 2017, le Ministre de l’intérieur et des municipalités a pris un arrêté visant à exonérer de frais de résidence les réfugiés syriens enregistrés auprès du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés avant le 1er janvier 2015 et en possession de la carte d’enregistrement correspondante.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

a)Selon MENA Rights Group et Global Detention Project, la situation a empiré, et des Syriens continuent d’être expulsés ou refoulés. Il n’existe pas de garantie procédurale contre le refoulement et le droit interne demeure inadapté en ce qui concerne le principe de non-refoulement. Selon ALEF − Act for Human Rights, malgré une baisse spectaculaire du nombre d’expulsions, qui s’explique par la fermeture de la frontière avec la République arabe syrienne en 2020 et 2021 en raison de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID‑19), 863 cas de refoulement ont officiellement été confirmés en décembre 2020.

b)D’après MENA Rights Group, Global Detention Project et ALEF − Act for Human Rights, le Liban n’a pas modifié sa législation, et les réfugiés et les demandeurs d’asile sont toujours nombreux à être soumis à des mesures d’internement administratif, qui durent parfois plusieurs années. MENA Rights Group et Global Detention Project ont rapporté que des réfugiés détenus au secret avaient été torturés et avaient subi des mauvais traitements.

c)Selon ALEF − Act for Human Rights, aucune voie de recours contre les décisions de placement en détention et les arrêtés d’expulsion n’a été mise à disposition. D’après MENA Rights Group et Global Detention Project, dans la pratique, il est rare que les autorités judiciaires examinent de près ou contrôlent la légalité d’une détention.

d)Selon ALEF − Act for Human Rights, malgré une diminution du nombre d’expulsions due à la crise financière et à la pandémie de COVID‑19, une nouvelle vague d’expulsions a eu lieu à la fin de 2020. Les forces de sécurité ont souvent été déployées trop tardivement pour éviter des confrontations violentes.

e)Selon MENA Rights Group, Global Detention Project et ALEF − Act for Human Rights, pendant la pandémie de COVID-19, des restrictions et des couvre‑feux discriminatoires visant les étrangers ont été imposés aux réfugiés syriens par 21 municipalités.

f)Selon ALEF − Act for Human Rights, l’exonération des frais de résidence n’a pas été accordée aux réfugiés, qui en sont actuellement privés.

Évaluation du Comité

[C] :a), b) c), d) et f)

Le Comité prend note des informations relatives à la détermination dont fait preuve l’État partie s’agissant de défendre les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile mais reste préoccupé par le fait qu’aucune information n’ait été communiquée sur les mesures adoptées pour mettre en application l’ensemble des recommandations figurant aux alinéas a), c) et f). Il regrette également que l’État partie n’ait pas fourni d’informations sur les recommandations figurant aux alinéas b) et d). Le Comité renouvelle ses recommandations et demande des renseignements sur toute mesure concrète prise pendant la période considérée pour y donner suite.

[B] : e)

Le Comité se félicite que les couvre-feux instaurés dans les municipalités accueillant un grand nombre de réfugiés aient été rapidement levés et demande des informations supplémentaires sur les mesures prises pour veiller à ce que les couvre-feux restent une mesure exceptionnelle et vérifier que ceux qui ont été imposés étaient licites et strictement justifiés au regard du Pacte.

Paragraphe 40 : Travailleurs domestiques migrants

Résumé des renseignements reçus de l’État partie

La réglementation de l’emploi des travailleurs migrants pose divers problèmes relatifs aux droits de l’homme et, à ce titre, a reçu une attention prioritaire de la part des différents gouvernements qui se sont succédé.

La loi no 164 adoptée en 2011 sanctionne pénalement l’infraction de traite des personnes et vise à protéger et garantir l’assistance aux victimes. Cette loi s’appuie sur les normes internationales en la matière et plusieurs entités étatiques sont responsables de son application.

L’État partie a pris d’autres initiatives d’ordre législatif, dont l’élaboration d’un projet de loi sur le travail décent pour les travailleurs domestiques, conforme à la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) et à la Recommandation de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 201) de l’Organisation internationale du Travail. Le projet de loi a été soumis au Conseil des ministres pour examen en 2014. En outre, le décret no 168/1 pris en 2015 réglemente les activités des agences de recrutement de travailleurs domestiques.

L’État partie a pris des mesures pour prévenir l’exploitation des travailleurs migrants, notamment en inspectant régulièrement les agences de placement et en mettant à l’index celles dont il est avéré qu’elles ont enfreint les normes en vigueur.

Les travailleurs domestiques qui ont un litige avec leur employeur peuvent porter plainte auprès du Ministère de la justice, qui s’efforcera de parvenir à un règlement amiable. Les plaignants peuvent également saisir les tribunaux compétents. Le Ministère du travail a mis en service une ligne téléphonique d’urgence permettant de recevoir les plaintes des travailleurs domestiques.

L’État partie a pris des mesures de sensibilisation. En particulier, le Comité directeur national pour le suivi des travailleurs migrants a, en 2012, élaboré un guide sur les droits et devoirs des travailleurs migrants et l’a fait traduire en plusieurs langues. Le contrat de travail type que concluent l’employeur et le travailleur a lui aussi été traduit en plusieurs langues.

Le Ministère des affaires sociales a conclu des contrats avec des centres d’accueil pour les femmes, les travailleurs migrants ont été inclus dans la stratégie nationale pour le développement social et une campagne médiatique visant l’abolition du système de parrainage (kafala)a été menée.

Résumé des renseignements reçus des parties prenantes

ALEF − Act for Human Rights

La protection conférée par le droit du travail n’a pas été étendue aux travailleurs domestiques, qui sont toujours entièrement dépendants de leur employeur. Néanmoins, le conseil d’arbitrage du travail connaît des affaires portées par des travailleurs domestiques migrants, bien que ces travailleurs soient exclus du Code du travail. Le Ministère du travail s’est employé à élaborer un dispositif de protection qui comprend un contrat spécifique pour protéger les travailleurs domestiques migrants, mais ces travaux ont été interrompus et ces travailleurs ne bénéficient donc d’aucun mécanisme de protection.

Évaluation du Comité

[C]

Le Comité prend note des informations fournies au sujet des réformes de la législation relative à la protection des travailleurs domestiques, notamment de la loi no 164 et du décret no 168/1 de 2015. Toutefois, ces informations étaient déjà en sa connaissance lorsqu’il a adopté sa recommandation. Le Comité prend également note des mesures prises pour faire en sorte que les travailleurs domestiques connaissent leurs droits et puissent accéder aux voies de recours disponibles, ainsi que pour revoir les pratiques de recrutement afin de protéger les travailleurs domestiques contre les abus. Il s’inquiète cependant de l’absence d’informations sur les mesures concrètes prises pour donner suite à sa recommandation de renforcer les mécanismes de protection des travailleurs domestiques migrants. Il renouvelle sa recommandation et demande des renseignements sur les mesures prises pour appliquer toutes les parties de sa recommandation, notamment en ce qui concerne l’élaboration du contrat de travail type et son contenu.

Mesures recommandées : Une lettre devrait être adressée à l’État partie pour l’informer de l’arrêt de la procédure de suivi. Les renseignements demandés devraient être communiqués par l’État partie dans son prochain rapport périodique.

Prochain rapport périodique attendu en : 2028 (examen du rapport en 2029, conformément au cycle d’examen prévisible).