Nations Unies

CCPR/C/133/D/2904/2016−CCPR/C/133/D/2907/2016

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

11 janvier 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant les communications nos 2904/2016 et 2907/2016*,**

Communication soumise par :

Ermek Narymbaev (représenté par un conseil, Balgabaeva Zhanara)

Victime(s) présumée(s):

L’auteur

État partie :

Kazakhstan

Date des communications:

7 octobre 2016 (pour les deux communications) (date des lettres initiales)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 13 décembre 2016 (no 2904/2016) et le 15 décembre 2016 (no 2907/2016) (non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

20 octobre 2021

Objet :

Participation à un rassemblement pacifique ; liberté d’expression

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Procès équitable ; droit de réunion ; liberté d’expression

Article(s) du Pacte :

14, 19 et 21

Article(s) du Protocole facultatif :

2, 3 et 5 (par. 2 b))

1.1L’auteur des deux communications est Ermek Narymbaev, de nationalité kazakhe, né en 1970. Il affirme être victime d’une violation par le Kazakhstan des droits qu’il tient des articles 14, 19 et 21 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Kazakhstan le 30 juin 2009. L’auteur est représenté par un conseil.

1.2Le 20 octobre 2021, le Comité a décidé, en application de l’article 97 (par. 3) de son règlement intérieur, d’examiner conjointement les deux communications, compte tenu des fortes similarités qu’elles présentent sur le plan des faits et du droit.

Rappel des faits présentés par l’auteur

Communication no 2904/2016

2.1L’auteur est un militant notoire actif dans l’espace public au Kazakhstan. Quelque 134 000 antilopes saïgas ont péri au Kazakhstan, en juin 2015, après plusieurs accidents impliquant des fusées russes alimentées à l’heptyl, un carburant qui polluerait les terres, l’air et l’eau et qui s’est avéré très nocif pour les hommes et les animaux.

2.2Le 19 juin 2015, l’auteur a demandé aux autorités de la ville d’Almaty l’autorisation de tenir une réunion pacifique dans le but de protester contre l’inaction du Gouvernement face aux conséquences environnementales des lancements de fusées. N’ayant pas reçu de réponse des autorités municipales, l’auteur et une vingtaine d’autres personnes ont participé le 28 juin 2015 à une cérémonie de dépôt de fleurs au Monument de l’indépendance à Almaty. L’objet de la cérémonie était de protester contre la catastrophe écologique à laquelle avaient conduit vingt-cinq ans d’élections iniques et non libres. L’auteur signale que déposer des fleurs sur un monument ne requiert aucune autorisation préalable. Après la cérémonie, l’auteur a accordé une interview à un journaliste. Le 3 juillet 2015, des policiers se sont présentés au domicile de l’auteur et l’ont emmené au poste de police, où il a été interrogé en présence d’un avocat. Les policiers ont dressé un procès-verbal d’infraction sur le fondement de l’article 488 (par. 3) du Code des infractions administratives pour violation de la loi sur la procédure relative à l’organisation et à la tenue de rassemblements, réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques.

2.3Le 4 juillet 2015, le tribunal administratif interdistrict spécialisé d’Almaty a déclaré M. Narymbaev coupable d’une infraction à l’article 488 (par. 3) du Code des infractions administratives et l’a condamné à quinze jours de détention administrative. L’auteur estime que le tribunal a rendu une décision erronée parce qu’il n’a pas tenu compte des faits suivants : les autorités municipales ont ignoré la demande d’autorisation qu’il avait soumise en vue de tenir une réunion pacifique ; au lieu d’organiser un rassemblement, pour lequel il n’avait pas d’autorisation, l’auteur a décidé de participer à une cérémonie de dépôt de fleurs, qui ne nécessitait pas l’autorisation des autorités municipales ; la cérémonie s’est déroulée pacifiquement et n’a pas menacé la sécurité nationale, l’ordre public, la santé publique ou les droits et libertés d’autrui ; le droit à la liberté d’expression et le droit de réunion pacifique sont protégés par les articles 32 et 20 de la Constitution du Kazakhstan, et par les articles 19 et 21 du Pacte.

2.4Le 13 juillet 2015, l’auteur a fait appel de la décision auprès du tribunal municipal d’Almaty, dénonçant une violation du droit à la liberté d’expression et du droit de réunion pacifique garantis par la Constitution du Kazakhstan et par les articles 19 et 21 du Pacte. Dans sa plainte, l’auteur a également signalé que le procès-verbal d’infraction dressé par la police contenait plusieurs incohérences que le tribunal n’avait pas prises en compte, violant son droit à un procès équitable protégé par l’article 14 du Pacte. Le 14 juillet 2015, le tribunal municipal d’Almaty a rejeté l’appel, estimant que le 23 juin 2015, l’auteur avait publiquement exhorté la population à assister au rassemblement prévu et avait donc agi en tant qu’organisateur d’un événement public non autorisé. Le tribunal a conclu que la condamnation à quinze jours de détention administrative prononcée contre l’auteur était conforme aux prescriptions de l’article 488 (par. 3) du Code des infractions administratives.

2.5Le recours que l’auteur a par la suite formé auprès du tribunal municipal d’Almaty ainsi que la demande de réexamen dont il a saisi le Procureur de la ville d’Almaty au titre de la procédure de contrôle ont été rejetés le 25 octobre 2015 et le 29 mars 2016, respectivement.

Communication no 2907/2016

2.6À une date non précisée, l’auteur a annoncé sur sa page Facebook qu’il prévoyait de tenir un piquet devant le Monument de l’indépendance le 20 août 2015, à partir de 19 heures, pour protester contre la dévaluation du tenge. Alors qu’il quittait son bureau, l’auteur a été interpellé par des policiers et conduit au poste de police. Un procès‑verbal a été dressé à son encontre pour infraction à la procédure relative à la tenue de rassemblements, réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques sur le fondement de l’article 488 (par. 3) du Code des infractions administratives.

2.7Le 21 août 2015, le tribunal administratif interdistrict spécialisé d’Almaty a estimé que l’auteur avait, au moyen de sa page Facebook, invité la population à se rassembler devant le Monument de l’indépendance à Almaty à 19 heures le 20 août 2015 pour un rassemblement dont l’objet était de réclamer : la démission du Président, du Premier Ministre et du Gouvernement ; le transfert de tous les prêts en monnaie locale au taux de change en vigueur en janvier 2014, ainsi qu’une indexation des pensions ; la nationalisation de toutes les ressources naturelles et des sociétés d’extraction et de traitement ; l’interdiction des licenciements et mises à pied collectifs ; l’interruption par les autorités du remboursement de tous les emprunts étrangers du Kazakhstan. Le tribunal a jugé les actes de l’auteur contraires à l’article 488 (par. 3) du Code des infractions administratives et l’a condamné à quinze jours de détention administrative. Le tribunal a également estimé que l’auteur avait manqué de respect aux autorités judiciaires à l’audience, contesté la composition du tribunal, refusé d’obtempérer aux ordres du président du tribunal, enfreint les règles du tribunal, et l’a condamné en conséquence à cinq jours de détention administrative supplémentaires pour outrage.

2.8Le 3 septembre 2015, le tribunal municipal d’Almaty a rejeté l’appel formé par l’auteur, déclarant que le tribunal de première instance avait rendu une décision conforme au droit en le condamnant à vingt jours de détention administrative, dont quinze jours pour violation de la procédure relative à la tenue de réunions pacifiques et cinq jours pour outrage.

2.9À une date non précisée, l’auteur a saisi le tribunal municipal d’Almaty d’un nouveau recours, demandant que ses droits à la liberté d’expression, à la liberté de réunion pacifique et à un procès équitable soient restaurés. Il a été débouté le 12 novembre 2015.

2.10La demande de réexamen dont l’auteur a ultérieurement saisi le Procureur de la ville d’Almaty au titre de la procédure de contrôle a été rejetée le 14 avril 2016.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’en le déclarant coupable et en le condamnant à une détention administrative, les autorités de l’État partie ont restreint son droit à la liberté d’expression, en violation de l’article 19 du Pacte, ainsi que son droit de réunion, en violation de l’article 21. L’auteur soutient que les restrictions imposées par les autorités de l’État partie à l’exercice de son droit à la liberté d’expression et de son droit de réunion pacifique n’étaient nécessaires ni à la sauvegarde de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou de la santé ou la moralité publiques, ni à la protection des droits et libertés d’autrui.

3.2L’auteur dénonce une violation de l’article 14 du Pacte tenant au fait que les tribunaux n’étaient pas indépendants et n’ont pas convenablement pris en considération tous les éléments de preuve, ce qui les a conduits à faire erreur en appliquant le Code des infractions administratives et en le condamnant à une détention administrative.

3.3Dans la communication no 2904/2016, l’auteur prétend que le tribunal n’a pas autorisé ses représentants légaux à participer à la procédure, le privant ainsi du droit à un conseil, en violation de l’article 14 (par. 3 d)) du Pacte.

3.4L’auteur prie le Comité de demander à l’État partie de faire le nécessaire pour que les responsables de la violation de ses droits soient traduits en justice.

3.5L’auteur prie le Comité de demander à l’État partie d’éliminer de sa législation les restrictions à la liberté d’expression, au droit de réunion pacifique et au droit à un procès équitable qui sont incompatibles avec les articles 19, 21 et 14 du Pacte.

3.6L’auteur prie en outre le Comité de demander à l’État partie de faire en sorte que les manifestations pacifiques puissent avoir lieu sans que les autorités n’interfèrent de façon injustifiée et sans que les organisateurs de ces manifestations et les participants soient persécutés.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans des notes verbales datées du 7 février, du 25 septembre et du 24 novembre 2017, l’État partie affirme que les deux communications devraient être déclarées irrecevables au regard des articles 2, 3 et 5 du Protocole facultatif en raison de leur incompatibilité avec les dispositions du Pacte.

4.2À cet égard, l’État partie renvoie à la pratique établie du Comité en ce qui concerne l’examen des faits et des éléments de preuve dans des affaires déjà tranchées par les juridictions nationales et fait observer que le Comité est compétent pour examiner les violations éventuelles des droits protégés par les instruments internationaux pertinents mais qu’il ne lui appartient pas d’agir comme instance d’appel des décisions rendues par les juridictions internes ; il ne peut pas, en principe, se prononcer sur la responsabilité administrative, civile ou pénale des personnes concernées ni sur la question de leur innocence ou de leur culpabilité. Sur la base de ces principes, et au vu de l’article 3 du Protocole facultatif, le Comité a établi que le Pacte ne confère pas le droit de voir une autre personne faire l’objet de poursuites pénales. La demande de l’auteur tendant à ce que les responsables répondent de leurs actes est donc incompatible avec les dispositions du Pacte, et devrait donc être déclarée irrecevable par le Comité au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

4.3L’État partie observe en outre que dans ses autres demandes, l’auteur demande en fait au Comité d’outrepasser son autorité et de s’immiscer dans les affaires intérieures d’un État souverain et d’influencer les politiques publiques relatives à la liberté d’expression, au droit de réunion et à la protection judiciaire, ce qui est incompatible avec les dispositions du Pacte.

4.4L’État partie ajoute qu’une communication soumise au Comité peut être considérée comme irrecevable si les griefs qui y sont soulevés ne relèvent pas du champ d’application du Pacte. Comme il ressort de la jurisprudence constante du Comité, les griefs soulevés par l’auteur au titre de l’article 14 (par. 1 et 3 d) et e)) n’étaient pas suffisamment étayés et ont été jugés irrecevables. L’État partie, se référant aux éléments du dossier, conclut que l’auteur a bénéficié des services d’un conseil et joui de son droit à un procès équitable comme le prévoit la législation nationale.

4.5L’État partie fait valoir en outre que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes et souligne que le Code des infractions administratives prévoit une procédure au titre de laquelle l’auteur aurait pu demander au Procureur de la ville d’Almaty de saisir la Cour suprême d’une procédure de contrôle juridictionnel des décisions administratives rendues dans son dossier. L’auteur avait donc le droit de demander au Procureur général lui-même un examen supplémentaire. De « simples doutes » quant à l’efficacité d’un recours ne dispensent pas l’auteur de la nécessité de l’épuiser. L’État partie indique qu’il arrive que la juridiction chargée du réexamen au titre de la procédure de contrôle prenne des mesures, comme ce fut le cas dans les décisions rendues le 29 avril 2015. La Chambre de réexamen de la Cour suprême a également considéré comme illégales les décisions rendues respectivement par le tribunal municipal d’Almaty, le 14 mars 2014, et par la juridiction d’appel, le 20 mai 2014. Dans cette décision, la Cour suprême a considéré que la grève de la faim entamée par deux personnes à leur domicile n’était pas illégale et a demandé à l’akimat d’Almaty de remédier aux violations qui avaient été commises.

4.6L’État partie ajoute qu’à la suite de l’entrée en vigueur, le 27 juin 2017, des modifications apportées à l’article 851 du Code des infractions administratives, l’auteur aurait pu déposer une plainte directement auprès de la Cour suprême pour demander que soit examinée la légalité de sa condamnation administrative. L’État partie fait observer qu’en raison du non-épuisement des recours internes disponibles, les présentes communications devraient être déclarées irrecevables au regard des articles 2 et 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif.

4.7L’État partie nie que les droits de l’auteur à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’expression ont été violés. Il affirme que la législation kazakhe reflète pleinement les dispositions des articles 19 et 21 du Pacte. Le droit de réunion pacifique, tel que garanti par l’article 32 de la Constitution, ne peut être restreint qu’en vertu de la loi, dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de l’ordre public ou pour protéger la santé publique ou les droits et libertés d’autrui. Parallèlement à cela, la loi sur la procédure relative à l’organisation et à la tenue de rassemblements, réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques établit les procédures régissant l’expression des intérêts d’un groupe ou de personnes dans les lieux publics et fixe certaines restrictions à ce droit. L’article 2 de cette loi dispose que des rassemblements pacifiques ne peuvent être tenus que sur autorisation préalable des autorités locales, tandis que l’article 9 établit les responsabilités en cas de non-respect des procédures relatives à l’organisation et à la tenue d’une manifestation. Une autorisation préalable est requise dans l’intérêt de la sécurité nationale et de la sûreté publique et de la protection de la santé publique ou des droits et libertés des organisateurs et des participants aux événements. À cet égard, l’État partie fait valoir que sa législation est conforme à l’article 21 (par. 3) du Pacte, qui permet d’imposer des restrictions conformes à la loi, qui sont nécessaires dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui.

4.8Dans l’une et l’autre communications, les tribunaux ont établi que l’auteur n’avait pas obtenu l’autorisation de tenir les manifestations des 28 juin et 20 août 2015. Les juridictions nationales ont établi, en ce qui concerne la communication no 2904/2016, que l’auteur ne s’était pas contenté d’assister à une cérémonie de dépôt de fleurs le 28 juin 2015, mais avait agi en tant qu’organisateur de l’événement, faisant une déclaration publique critique à l’égard des politiques du Président du Kazakhstan. Concernant la communication no 2907/2016, les juridictions ont établi que l’auteur avait fait des préparatifs en vue de la tenue d’un rassemblement public le 20 août 2015, et elles l’ont déclaré coupable d’infraction à l’article 488 (par. 3) du Code des infractions administratives. L’État partie affirme que les tribunaux ont agi dans le cadre de la loi en condamnant l’auteur à quinze jours de détention administrative dans les deux communications, et en lui imposant cinq jours de détention supplémentaires pour outrage dans la communication no 2907/2016.

4.9L’État partie insiste sur le fait que l’auteur a été condamné à une peine de détention administrative non pas pour avoir exprimé ses opinions, mais pour avoir enfreint les procédures régissant l’organisation de rassemblements pacifiques établie par la loi.

4.10L’État partie conclut que les griefs que l’auteur tire des articles 14, 19 et 21 du Pacte sont dénués de fondement.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Dans des lettres datées des 18 juin et 15 juillet 2017 et du 12 février 2019, l’auteur indique que l’État partie a publiquement admis, dans de nombreuses enceintes internationales, que la loi sur la procédure relative à l’organisation et à la tenue de rassemblements, réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques devait être mise en conformité avec les normes internationales. À ce sujet, l’auteur argue que les dispositions des articles 19 et 21 du Pacte ne sont pas pleinement prises en compte dans la législation kazakhe et note que les restrictions imposées à son droit de réunion pacifique et à son droit à la liberté d’expression n’étaient pas nécessaires et qu’il n’y avait pas lieu de lui infliger une détention administrative.

5.2L’auteur affirme que l’État partie n’a pas démontré en quoi la restriction de son droit à la liberté d’expression et de son droit de réunion pacifique était justifiée, ni prouvé le bien‑fondé de la déclaration de culpabilité prononcée contre lui par le tribunal administratif. Il soutient que ses actes n’ont nullement mis l’État en danger.

5.3L’auteur prétend que l’État partie n’a pas donné suite aux constatations adoptées par le Comité dans une affaire similaire dans laquelle celui-ci avait constaté des violations des articles 19 et 21 du Pacte.

5.4L’auteur fait référence également au rapport du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association sur sa mission au Kazakhstan, dans lequel le Rapporteur a déclaré que le droit de tenir des rassemblements, réunions, manifestations, défilés et piquets pacifiques est garanti par la Constitution. Dans la pratique, cependant, la manière dont les rassemblements sont régis par les autorités vide ce droit de son sens. La loi de 1995 sur la procédure relative à l’organisation et à la tenue de rassemblements, réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques exige des représentants des collectifs de travailleurs, des associations publiques et des autres groupes de citoyens du Kazakhstan ayant atteint l’âge de 18 ans qu’ils demandent aux autorités locales une autorisation préalable au moins dix jours avant la date du rassemblement prévu. Cette exigence n’est pas conforme aux normes internationales, qui prévoient qu’aucune autorisation ne devrait être requise pour se réunir pacifiquement et que toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques.

5.5L’auteur relève que selon le Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, bien que certaines restrictions soient autorisées en vertu du paragraphe 4 de la résolution 15/21 du Conseil des droits de l’homme, les Principes de Syracuse concernant les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui autorisent des restrictions ou des dérogations établissent clairement les limites autorisées par le droit international des droits de l’homme. Fondamentalement, la portée d’une restriction mentionnée dans le Pacte ne doit pas être interprétée d’une manière qui puisse compromettre l’essence du droit en question et doit être interprétée strictement et dans un sens favorable aux droits concernés. À cet égard, le Rapporteur spécial insiste sur le fait que le droit de réunion pacifique ne doit pas être soumis à une autorisation préalable des autorités, mais peut tout au plus faire l’objet d’une procédure de notification, dont la raison d’être est d’assurer une protection policière aux manifestants et aux passants.

5.6L’auteur ajoute qu’en indiquant que les rassemblements autorisés ne peuvent avoir lieu que dans des lieux désignés spécialement et après l’octroi d’une autorisation de l’État, le Rapporteur spécial estime que le droit de réunion est traité comme un privilège ou une faveur plutôt que comme un droit. Bien que, dans certaines circonstances et pour une certaine durée, le droit de réunion pacifique puisse légitimement être limité à certains lieux, interdire la tenue de rassemblements en tous lieux à l’exception d’une zone désignée constitue une violation du droit international des droits de l’homme.

5.7L’auteur relève en outre que le Rapporteur spécial se fait l’écho des conclusions du Comité des droits de l’homme et note que le Gouvernement de l’État partie a admis à maintes reprises que la loi sur les rassemblements n’était pas conforme aux normes internationales. En 2007, par exemple, la Commission des droits de l’homme, un organe consultatif placé sous l’autorité du Président, a conclu dans son rapport de référence sur les droits de l’homme au Kazakhstan que la loi de 1995 ne satisfaisait pas les normes internationales. Elle a notamment relevé que la loi ne faisait pas de différence entre les participants à un rassemblement et les observateurs ou passants, et qu’il arrivait souvent, en conséquence, que des observateurs ou des passants soient arrêtés.

5.8Enfin, l’auteur insiste sur le fait que le Rapporteur spécial a encouragé les autorités à envisager une refonte complète de leur conception de la réglementation des réunions pacifiques, en commençant par supprimer l’obligation d’obtenir une autorisation préalable et en autorisant la tenue de rassemblements dans d’autres lieux que les « espaces de protestation » désignés.

5.9L’auteur explique qu’il a saisi le bureau du Procureur de la ville d’Almaty d’une demande dans le cadre de la procédure de contrôle mais n’a pas obtenu gain de cause. Il fait valoir que cette procédure ne constitue pas un recours utile. Répondant à l’observation de l’État partie selon laquelle il n’a pas épuisé tous les recours internes puisqu’il n’a pas saisi directement la Cour suprême, comme le permet la nouvelle loi du 27 juin 2017, l’auteur fait valoir que les présentes communications ont été soumises au Comité avant que les modifications à l’article 851 du Code des infractions administratives entrent en vigueur, et qu’il n’était donc pas nécessaire d’épuiser cette procédure de contrôle juridictionnel.

5.10L’auteur affirme que l’État partie a violé son droit à la liberté d’expression et son droit de réunion pacifique, garantis par l’article 32 de la Constitution ainsi que par les articles 19 et 21 du Pacte. Il affirme en outre que ni l’État partie ni les juridictions nationales n’ont expliqué en quoi la restriction imposée et la détention administrative infligée étaient nécessaires en ce qu’elles servaient un but légitime.

5.11Concernant la violation de l’article 14 du Pacte soulevée dans la communication no 2907/2016, l’auteur note qu’en le condamnant à une peine de détention, les tribunaux ont, à tort, restreint son droit à la liberté d’expression et son droit de réunion pacifique. Il souligne également que le tribunal a ignoré sa demande de récusation du juge, n’a pas autorisé que l’audience soit filmée et a refusé que les médias et ses proches soient présents dans la salle d’audience. L’auteur conteste avoir refusé d’obtempérer aux ordres du président du tribunal, et conteste par conséquent les cinq jours de détention administrative auxquels le tribunal l’a condamné pour outrage.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Dans une note verbale en date du 30 juillet 2020, l’État partie, au sujet de la communication no 2904/2016, fait valoir que conformément à l’article 96 b) du Règlement intérieur du Comité, une communication présentée au nom d’une prétendue victime peut toutefois être acceptée lorsqu’il appert que celle-ci est dans l’incapacité de présenter elle‑même la communication. Selon l’État partie, l’auteur n’a fourni aucun élément attestant qu’il n’était pas en mesure de saisir lui-même le Comité et, par conséquent, la communication devrait être considérée comme irrecevable.

6.2L’État partie prétend que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes car il a toujours la possibilité de saisir la Cour suprême afin que celle-ci contrôle la légalité des décisions de justice par lesquelles il a été condamné à une détention administrative.

6.3L’État partie répète que la tenue de manifestations publiques au Kazakhstan est régie par la loi sur la procédure relative à l’organisation et à la tenue de rassemblements, réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques et rappelle que le droit international des droits de l’homme permet d’imposer des restrictions à la liberté de réunion. Par exemple, au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la procédure relative à l’organisation des défilés et manifestations est régie par la loi sur l’ordre public de 1986, qui prévoit que les manifestations sur la voie publique ne peuvent avoir lieu qu’avec l’accord des autorités de police. Les organisateurs doivent informer les autorités de police au moins six jours avant l’événement, indiquer la date, le lieu et l’heure de la réunion et fournir également des renseignements sur les organisateurs.

6.4Aux États-Unis d’Amérique, les procédures relatives à la tenue de rassemblements publics relèvent de la compétence de chaque État. Par exemple, à New York, l’autorisation doit être demandée quarante-cinq jours avant la manifestation prévue, à Los Angeles quarante jours à l’avance et à Washington quinze jours à l’avance. Dans certaines villes, des rassemblements ne peuvent avoir lieu à proximité des bâtiments abritant des administrations publiques.

6.5L’État partie conclut que l’auteur n’a pas respecté les dispositions des procédures régissant la tenue de réunions, ce qu’ont confirmé les tribunaux. L’auteur n’a pas étayé ses griefs de violation du droit à la liberté d’expression, du droit de réunion pacifique et du droit à un procès équitable. L’État partie soutient que la communication devrait être déclarée irrecevable au regard des articles 2, 3 et 5 du Protocole facultatif.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité des deux communications au motif que l’auteur n’a pas saisi le Procureur général d’une demande de réexamen des décisions judiciaires prises à son encontre. Le Comité rappelle sa jurisprudence, dont il ressort que l’introduction auprès du ministère public d’une demande de contrôle visant une décision de justice passée en force de chose jugée, dont l’issue relève du pouvoir discrétionnaire du procureur, constitue un recours extraordinaire et que l’État partie doit montrer qu’il existe des chances raisonnables que l’introduction de pareille demande constitue un recours utile dans les circonstances de l’espèce. Le Comité note que l’auteur a effectivement soumis au bureau du Procureur général des demandes de réexamen, qui ont été rejetées par le Procureur de la ville d’Almaty le 29 mars 2016 (communication no 2904/2016) et le 14 avril 2016 (communication no 2907/2016). Le Comité rappelle en outre sa jurisprudence dont il ressort que l’introduction auprès du ministère public d’une demande de réexamen d’une décision judiciaire passée en force de chose jugée ne constitue pas un recours à épuiser aux fins de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif. Le Comité note également que les modifications législatives apportées à l’article 851 du Code des infractions administratives pour permettre aux particuliers de saisir la Cour suprême sont entrées en vigueur le 27 juin 2017, c’est-à-dire après que les présentes communications ont été présentées. Par conséquent, le Comité estime qu’il n’est pas empêché par l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif d’examiner les présentes communications.

7.4Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication no 2904/2016 a été présentée au Comité par des tiers et non par l’auteur lui-même. Il rappelle à cet égard que l’article 99 b) de son règlement intérieur dispose que normalement la communication doit être présentée par le particulier lui-même ou par son représentant. En l’espèce, il constate que la victime présumée a dûment donné procuration à son conseil pour qu’il la représente devant le Comité. En conséquence, le Comité considère qu’il n’est pas empêché par l’article premier du Protocole facultatif d’examiner la communication.

7.5Le Comité prend note du grief de l’auteur selon lequel les droits qu’il tient de l’article 14 (par. 1) du Pacte ont été violés car le tribunal a ignoré sa demande de récusation du juge, n’a pas autorisé que l’audience soit filmée et n’a pas laissé les médias et ses proches accéder à la salle d’audience pendant son procès. Le Comité estime néanmoins que ni les arguments de l’auteur ni les informations figurant dans le dossier ne lui permettent d’aboutir à une conclusion au sujet de ce grief. En conséquence, il estime que cette partie de la communication n’est pas suffisamment étayée et la déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.6Le Comité note également que l’auteur n’a donné aucune explication quant aux griefs qu’il tire de l’article 14 (par. 3 d)) du Pacte dans la communication no 2904/2016. Le Comité estime par conséquent que ceux-ci sont infondés et il les déclare irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.7Le Comité considère que l’auteur a suffisamment étayé les griefs qu’il tire des articles 19 et 21 du Pacte aux fins de la recevabilité des deux communications, et procède à leur examen au fond.

Examen au fond

8.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné les deux communications en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

8.2Le Comité prend note du grief de l’auteur selon lequel, en ce qui concerne la communication no 2904/2016, l’État partie a violé son droit à la liberté d’expression et son droit de réunion pacifique, reconnus aux articles 19 et 21 du Pacte, en l’arrêtant le 3 juillet 2015 pour avoir participé à un rassemblement pacifique consistant à déposer des fleurs, et, concernant la communication no 2907/2016, il a été arrêté le 20 août 2015 alors qu’il quittait son bureau pour aller participer à un rassemblement pacifique. Il note que l’auteur considère que les restrictions imposées à ses droits n’étaient pas nécessaires et ne relevaient pas des restrictions autorisées aux articles 19 et 21 du Pacte. Il note également que l’État partie reconnaît que les droits que l’auteur tient des articles 19 et 21 du Pacte ont été restreints mais considère que les restrictions imposées sont compatibles avec le Pacte.

8.3Le Comité prend note également du grief de l’auteur, soulevé dans la communication no 2904/2016, selon lequel sa liberté d’expression a été illégalement restreinte car il a été déclaré coupable d’une infraction administrative et condamné à une détention administrative pour avoir participé à une cérémonie de dépôt de fleurs visant à alerter sur des problèmes environnementaux et à nouveau pour son intention de tenir un piquet devant le Monument de l’indépendance en vue d’exprimer des préoccupations au sujet de la dévaluation de la monnaie nationale (communication no 2907/2016). Le Comité doit donc déterminer si la sanction que les autorités nationales ont imposée à l’auteur pour avoir participé à un rassemblement pacifique et tenté d’organiser un rassemblement pacifique en vue d’exprimer une opinion constitue une violation de l’article 19 du Pacte.

8.4Le Comité rappelle son observation générale no 34 (2011), dans laquelle il affirme notamment que la liberté d’expression est essentielle pour toute société et constitue le fondement de toute société libre et démocratique (par. 2). Il fait observer que l’article 19 (par. 3) du Pacte autorise certaines restrictions à la liberté d’expression, y compris à la liberté de diffuser des informations et des idées, dans la seule mesure où ces restrictions sont prévues par la loi et nécessaires : a) au respect des droits ou de la réputation d’autrui ; b) à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Enfin, les restrictions imposées à la liberté d’expression ne doivent pas avoir une portée trop large ; elles doivent constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’assurer la fonction de protection recherchée et doivent être proportionnées à l’intérêt à protéger. Le Comité rappelle que c’est à l’État partie qu’il incombe de démontrer que les restrictions imposées aux droits que l’auteur tient de l’article 19 du Pacte étaient nécessaires et proportionnées.

8.5Le Comité fait observer que le fait de condamner l’auteur à une détention administrative pour avoir participé à une manifestation pacifique, quoique non autorisée, dans le but d’exprimer une opinion soulève de sérieux doutes quant à la nécessité et à la proportionnalité des restrictions apportées aux droits que l’auteur tient de l’article 19 du Pacte. Il constate à cet égard que l’État partie n’a invoqué aucun des motifs précis justifiant la nécessité de telles restrictions qui sont énoncés à l’article 19 (par. 3) du Pacte. L’État partie n’a pas non plus démontré que les mesures choisies constituaient le moyen le moins perturbateur d’obtenir le résultat recherché ou qu’elles étaient proportionnées à l’intérêt à protéger. Le Comité estime que, dans les circonstances de l’espèce, les restrictions imposées à l’auteur, bien qu’elles étaient fondées en droit interne, n’étaient pas justifiées au regard des dispositions de l’article 19 (par. 3) du Pacte. Il conclut par conséquent qu’il a été porté atteinte aux droits que l’auteur tient de l’article 19 du Pacte.

8.6Le Comité prend note du grief, que l’auteur soulève dans les deux communications, selon lequel le droit de réunion pacifique qu’il tient de l’article 21 du Pacte a été violé lorsque les autorités nationales l’ont condamné à une détention administrative pour avoir participé à une cérémonie de dépôt de fleurs tenue le 28 juin 2015, et à nouveau pour avoir eu l’intention de tenir un piquet devant le Monument de l’indépendance le 20 août.

8.7Le Comité rappelle son observation générale no 37 (2020) et déclare que le droit de réunion pacifique, consacré par l’article 21 du Pacte, est un droit de l’homme fondamental, essentiel à l’expression publique des points de vue et opinions de chacun et indispensable dans une société démocratique. Ces réunions peuvent prendre de nombreuses formes, à savoir notamment celles de manifestations, protestations, rassemblements, défilés, sit-in, veillées à la bougie et mobilisations éclair. Elles sont protégées au titre de l’article 21, qu’elles soient statiques, comme les piquets, ou mobiles, comme les défilés ou les marches. Aucune restriction à ce droit n’est admise, sauf si elle a) est imposée conformément à la loi ; et b) nécessaire dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui. Lorsqu’un État partie impose des restrictions dans le but de concilier le droit de réunion pacifique d’un particulier avec ces considérations d’intérêt général, il doit s’efforcer de faciliter l’exercice du droit en question, et non s’employer à le limiter par des moyens qui ne sont ni nécessaires ni proportionnés. L’État partie est donc tenu de justifier les limitations du droit protégé par l’article 21 du Pacte et de démontrer qu’elles ne constituent pas un obstacle disproportionné à l’exercice de ce droit.

8.8Le Comité constate que l’État partie s’est appuyé sur les dispositions de la loi sur la procédure relative à l’organisation et à la tenue de rassemblements, réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques, qui impose d’obtenir une autorisation des autorités exécutives locales pour tenir un rassemblement pacifique, ce qui restreint déjà en soi le droit de réunion pacifique. Il rappelle que le fait de soumettre la tenue de réunions à un régime d’autorisation obligeant à demander l’approbation des autorités remet en cause l’idée selon laquelle le droit de réunion pacifique est un droit fondamental. Lorsqu’un tel régime continue d’être appliqué, il doit, dans la pratique, fonctionner comme un système de notification et l’autorisation doit être accordée automatiquement dès lors qu’aucune raison impérieuse ne s’y oppose. Qui plus est, les formalités administratives ne devraient pas être excessivement lourdes.

8.9Le Comité prend note en outre de l’argument de l’État selon lequel la procédure relative à l’organisation de manifestations publiques définie dans la loi régissant l’organisation et la tenue de rassemblements, réunions, défilés, piquets et manifestations pacifiques est nécessaire à la sauvegarde des droits d’autrui et que cette loi constitue un fondement suffisant pour justifier des restrictions au droit de réunion pacifique. À cet égard, le Comité note que la deuxième phrase de l’article 21 du Pacte énonce deux conditions indissociables. Les restrictions doivent être prévues par la législation interne mais elles doivent aussi être nécessaires, dans une société démocratique, pour protéger la sécurité nationale ou la sûreté publique, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d’autrui. Elles doivent également être proportionnées à l’objectif qu’elles visent à atteindre, ce qui suppose de la part des autorités de l’État une appréciation mettant en balance la nature et l’étendue de l’ingérence, d’une part, et le motif de cette ingérence, d’autre part. Pour déterminer si une restriction est nécessaire, il faut donc procéder à une évaluation non seulement juridique mais aussi factuelle. L’existence préalable d’une loi est donc nécessaire mais ne suffit pas pour une telle évaluation. Dans les présents cas, l’État partie n’a pas tenté de démontrer que la sanction consistant en une détention administrative infligée à l’auteur pour avoir participé ou tenté de participer à un rassemblement pacifique non autorisé était nécessaire et proportionnée au regard de l’article 21 du Pacte. En conséquence, le Comité conclut que l’État partie a violé l’article 21 du Pacte.

8.10Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des droits que l’auteur tient des articles 19 et 21 du Pacte.

9.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, entre autres, d’indemniser l’auteur comme il se doit, notamment en lui remboursant le montant de l’amende dont il a dû s’acquitter ainsi que le montant des frais de justice engagés. Il est également tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour que des violations analogues ne se reproduisent pas, en particulier en révisant sa législation relative aux manifestations publiques et les modalités d’application de celle-ci de manière à les rendre compatibles avec l’obligation que lui fait l’article 2 (par. 2) du Pacte d’adopter des mesures propres à donner effet aux droits reconnus par les articles 19 et 21.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsque la réalité d’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.