Nations Unies

CCPR/C/134/D/3320/2019

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

7 juin 2022

Original : français

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 3320/2019*,**

Communication présentée par :

Salah Drif et Khoukha Rafraf [représentés par un conseil, Nassera Dutour, du Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie]

Victime(s) présumée(s) :

Les auteurs et Omar Drif (fils des auteurs)

État partie :

Algérie

Date de la communication :

20 janvier 2017 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 15 mars 2019 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

4 mars 2022

Objet :

Disparition forcée

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Droit à un recours utile ; peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant ; liberté et sécurité de la personne ; dignité humaine ; reconnaissance de la personnalité juridique

Article(s) du Pacte :

2 (par. 2 et 3), 6, 7, 9, 10, 14 et 16

Article(s) du Protocole facultatif :

2, 3 et 5 (par. 2)

1.1Les auteurs de la communication sont Salah Drif et son épouse Khoukha Rafraf, tous deux de nationalité algérienne. Ils font valoir que leur fils, Omar Drif, né le 29 novembre 1968, également de nationalité algérienne, est victime d’une disparition forcée imputable à l’État partie, en violation des articles 2 (par. 2 et 3), 6, 7, 9, 10 et 16 du Pacte. Les auteurs soutiennent par ailleurs être victimes d’une violation de leurs droits au titre des articles 2 (par. 2 et 3), 7 et 14 du Pacte. Le Pacte et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour l’État partie le 12 décembre 1989. Les auteurs sont représentés par un conseil, Nassera Dutour, du Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie.

1.2Le 4 juillet 2019, le Comité, agissant par l’intermédiaire du Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a décidé de ne pas séparer l’examen de la recevabilité de celui du fond de la communication.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Célibataire, Omar Drif travaillait dans son atelier de menuiserie, dans la commune de Koléa, et habitait avec sa famille à Berbissa. Le 29 janvier 1995, son frère Allal Drif a été interpellé par les gendarmes et amené à la gendarmerie de Berbissa. Le 9 juin 1995, alors qu’il rentrait chez lui accompagné de quatre amis, Omar Drif a été interpellé par des gendarmes en uniforme et armés, qui se déplaçaient dans des véhicules officiels. Ceux-ci lui ont dit qu’ils avaient l’ordre de l’arrêter et de l’emmener à la gendarmerie. Les quatre amis ont identifié parmi les gendarmes le Chef de la brigade, B., et le garde communal A. S. Les deux hommes étaient bien connus des habitants de la commune, car ils seraient responsables de la plupart des disparitions qui ont eu lieu dans la ville à cette époque.

2.2Après avoir été alertée, Khoukha Rafraf s’est rendue avec sa fille à la gendarmerie de Berbissa afin d’obtenir des informations concernant l’arrestation de son fils. Le Chef de la brigade lui a indiqué qu’Omar était bien là, qu’il avait été dénoncé par quelqu’un et qu’il serait relâché après l’enquête. Il est resté évasif sur les raisons de l’arrestation. Khoukha Rafraf est retournée plusieurs fois à la brigade, mais n’a jamais pu obtenir plus d’informations. En 1996, la famille a entendu une rumeur selon laquelle Omar était dans un camp situé dans le sud du pays. Toutefois, en 2011, les auteurs ont reçu des informations selon lesquelles Omar se trouvait encore à la gendarmerie de Berbissa.

2.3Les auteurs se sont adressés aux autorités compétentes, tant administratives que judiciaires, afin d’éclaircir les motifs de la détention de leur fils et de connaître son sort. Concernant les autorités administratives, Khoukha Rafraf a tout d’abord envoyé deux lettres − les 28 et 31 août 1997 − au Médiateur de la République, qui lui a répondu le 15 octobre 1997 en indiquant qu’il en accusait réception, avait transmis le dossier aux services compétents pour obtenir plus d’informations, et l’informerait des suites données à sa demande. En 1997, Salah Drif a reçu un autre courrier du Médiateur de la République l’informant qu’il avait bien reçu son courrier concernant les membres de sa famille et qu’il ne manquerait pas de le tenir informé des résultats obtenus.

2.4Le 3 janvier 1998, Khoukha Rafraf a adressé une lettre au Ministre de la justice. Par lettre du 25 août 1998, elle a été convoquée le 28 octobre 1998 au bureau d’accueil de la wilaya au sujet de la disparition d’Omar. Les 24 août et 7 novembre 1998, les auteurs ont adressé deux autres lettres à l’attention du Ministre de la justice. Le 30 août 1999, Khoukha Rafraf a adressé une lettre au Président de la République dans laquelle elle exprimait son angoisse pour le reste de sa famille, et demandait à connaître la vérité et à ce que les autorités s’impliquent réellement dans la recherche de son fils. Le 13 décembre 1999, plusieurs parents de disparus − dont Khoukha Rafraf − ont signé une lettre commune adressée au Président de la République. Le 13 avril 2003, Salah Drif a saisi à nouveau le Ministre de la justice, le Chef du Gouvernement, le Président de la République et la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme. Le 27 août 2006, Khoukha Rafraf a adressé encore une fois des courriers au Ministre de la justice, au Chef du Gouvernement, au Président de la République, à la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme et au Ministre de l’intérieur. Elle y rappelait aux autorités qu’elle effectuait les mêmes démarches depuis dix ans pour connaître l’endroit où se trouvait son fils, sans toutefois avoir de réponse.

2.5Le 7 septembre 2006, les auteurs ont reçu une réponse du Chef du Gouvernement dans laquelle celui-ci accusait réception de la lettre envoyée antérieurement et indiquait avoir transmis la demande à la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme. Le 27 décembre 2006, les auteurs ont reçu une nouvelle réponse de la part des services de la Présidence, par laquelle il leur a été demandé de se présenter au tribunal le plus proche de leur domicile afin d’effectuer les démarches nécessaires à l’obtention d’une indemnisation en application de l’ordonnance no 06-01 du 27 février 2006 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Les auteurs ont refusé catégoriquement cette indemnisation, qui impliquait qu’ils abandonnent les démarches entreprises pour découvrir la vérité sur le sort de leur fils.

2.6Le 13 mars 2007, les auteurs se sont adressés au Chef du Gouvernement et au Président de la République. Le 11 mai 2009, ils ont envoyé une nouvelle plainte au Président de la République, au Ministre de la justice et au Ministre de l’intérieur. Le 12 juin 2011, ils se sont de nouveau adressés au Président de la République et au Ministre de la justice, demandant à l’État de donner suite à leur droit d’accéder à une enquête effective afin de connaître les motifs de l’arrestation de leur fils et la vérité sur son sort. Dans cette lettre, ils faisaient référence aux instruments internationaux de promotion et de protection des droits humains, tels que le Pacte et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Les auteurs n’ont reçu aucune réponse à ces dernières sollicitations.

2.7Concernant les recours judiciaires, le 17 novembre 1996, Salah Drif a été convoqué par la police judiciaire de Tipaza pour la disparition de son fils. Le 4 mars 1999, Khoukha Rafraf a reçu une convocation émanant du tribunal militaire de Blida lui enjoignant de s’y présenter le 19 avril 1999. À une date non précisée, les auteurs ont saisi le Procureur de la République près le tribunal militaire de Blida pour se renseigner sur l’avancée de l’enquête. Ils lui ont également communiqué qu’ils avaient été entendus par la gendarmerie à sa demande, mais qu’ils n’avaient pas eu de nouvelles depuis lors.

2.8Le 13 septembre 2004, devant l’inertie des autorités, Salah Drif a déposé une nouvelle plainte auprès du juge d’instruction du tribunal de Koléa contre les deux gardes communaux ayant procédé à l’arrestation de son fils. Cependant, aucune suite n’a été donnée. Le 27 août 2006, Khoukha Rafraf a saisi le Procureur de la République près le tribunal de Koléa. Le 21 février 2007, elle a réitéré sa demande auprès du Procureur pour demander l’ouverture d’une enquête afin d’élucider le sort qui avait été réservé à son fils. Pourtant, ces plaintes n’ont eu aucune suite. Ensuite, le 11mai 2009, les auteurs ont adressé une nouvelle plainte au Procureur de la République près le tribunal de Koléa pour demander, une nouvelle fois, l’ouverture d’une enquête. Ils ont reçu deux réponses, dont l’une les informant que le dossier avait été transmis à la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme, et que cette autorité n’était cependant pas compétente pour l’ouverture d’une enquête. Les auteurs ont alors réitéré leur refus de percevoir l’indemnisation et ont demandé à connaître la vérité.

2.9Le 12 juin 2011, Khoukha Rafraf a saisi le tribunal de Koléa en adressant une plainte au Procureur de la République près ce tribunal pour demander l’ouverture d’une enquête. À une date non précisée, les auteurs ont également saisi le Procureur de la République près le tribunal militaire de Blida, en expliquant qu’ils s’étaient adressés au tribunal civil de Koléa, mais que leur plainte n’avait jusque-là jamais abouti.

2.10Le cas d’Omar Drif a également été soumis au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires le 25 juin 2009. Sept ans après la saisie du Groupe de travail, les autorités algériennes n’avaient toujours pas élucidé l’affaire.

2.11Malgré tous les efforts des auteurs, aucune enquête n’a été ouverte par les autorités étatiques compétentes. Les auteurs soulignent qu’il leur est aujourd’hui impossible légalement de recourir à une instance judiciaire, après la promulgation de l’ordonnance no 06-01. Les recours internes, qui étaient d’ailleurs inutiles et inefficaces, ne sont de ce fait plus disponibles. En effet, selon la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, « les actes répréhensibles d’agents de l’État, qui ont été sanctionnés par la justice chaque fois qu’ils ont été établis, ne sauraient servir de prétexte pour jeter le discrédit sur l’ensemble des forces de l’ordre qui ont accompli leur devoir, avec l’appui des citoyens et au service de la Patrie ».

2.12Selon les auteurs, l’ordonnance no 06-01 interdit sous peine de poursuites pénales le recours à la justice, ce qui dispense les victimes de la nécessité d’épuiser les voies de recours internes. Cette ordonnance interdit en effet toute plainte pour disparition ou autre crime, son article 45 disposant qu’« [a]ucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l’encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues, pour des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la Nation et de la préservation des institutions de la République algérienne démocratique et populaire ». En vertu de cette disposition, toute dénonciation ou plainte doit être déclarée irrecevable par l’autorité judiciaire compétente. De plus, l’article 46 de la même ordonnance prévoit ce qui suit :

Est puni d’un emprisonnement de trois (3) ans à cinq (5) ans et d’une amende de 250 000 à 500 000 [dinars algériens], quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’État, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international. Les poursuites pénales sont engagées d’office par le ministère public. En cas de récidive, la peine prévue au présent article est portée au double.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs demandent au Comité de constater que l’État partie a violé les articles 2 (par. 2 et 3), 6, 7, 9, 10 et 16 du Pacte à l’égard d’Omar Drif, et les articles 2 (par. 2 et 3), 7 et 14 du Pacte à leur égard.

3.2Les auteurs allèguent que leur fils est victime d’une disparition forcée. Ils affirment qu’en dépit du fait qu’aucune disposition du Pacte ne fait expressément mention des disparitions forcées, la pratique implique des violations du droit à la vie, du droit de ne pas être soumis à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et du droit à la liberté et à la sécurité de la personne.

3.3Les auteurs rappellent l’évolution de la jurisprudence du Comité en matière de disparitions forcées et estiment que le seul risque pour une personne de perdre la vie dans le contexte d’une telle disparition est suffisant pour conclure à une violation directe de l’article 6 du Pacte. Ils rappellent les faits entourant la disparition de leur fils et estiment qu’au regard du temps écoulé − à savoir, vingt et un ans − et en l’absence de toute information, il y a de fortes présomptions qu’il soit décédé en détention alors qu’il était placé sous la protection des autorités. Vu l’absence d’enquête approfondie sur la disparition d’Omar Drif, les auteurs estiment que l’État partie a failli à son obligation de protéger son droit à la vie et de prendre des mesures pour enquêter sur ce qui lui était arrivé, en violation de l’article 6 (par. 1) du Pacte.

3.4Les auteurs rappellent les circonstances entourant la disparition de leur fils, à savoir l’absence totale d’informations sur sa détention et son état de santé, ainsi que l’absence de communication avec sa famille et le monde extérieur. Ils rappellent qu’une détention arbitraire prolongée augmente le risque de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Se référant à la jurisprudence du Comité, les auteurs soulignent également que l’angoisse, l’incertitude et la détresse provoquées par la disparition d’Omar Drif et par le fait que les autorités leur ont enjoint de poursuivre la procédure d’indemnisation prévue par la Charte pour la paix et la réconciliation nationale constituent une forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant pour sa famille. De même, le fait que l’un des frères d’Omar Drif a également disparu et que les autorités n’ont à aucun moment cherché à soulager cette souffrance en menant des enquêtes effectives pour éclaircir les motifs des arrestations des deux fils et le sort qui leur a été réservé contribue à nourrir la souffrance, le sentiment de frustration et l’angoisse profonde et continuelle des auteurs. En conséquence, les auteurs allèguent que l’État partie est responsable d’une violation de l’article 7 du Pacte à leur égard et à celui d’Omar Drif.

3.5Prenant en compte le fait qu’Omar Drif a été détenu au secret sans avoir accès à un avocat et sans être informé des motifs de son arrestation ou des charges retenues contre lui, que sa détention n’a pas été mentionnée dans les registres de garde à vue et qu’il n’y a aucune information officielle quant à sa localisation ou à son sort, les auteurs affirment qu’il a été privé de son droit à la liberté et à la sécurité de sa personne, et qu’il n’a pas été en mesure d’introduire un recours devant un tribunal. Ils estiment en conséquence qu’Omar Drif a été privé des garanties énoncées à l’article 9 du Pacte, notamment l’accès à un recours utile, impliquant une violation dudit article à son égard.

3.6Les auteurs affirment ensuite qu’en l’absence d’enquête de la part des autorités algériennes, Omar Drif a été privé de liberté et n’a pas été traité avec humanité et dignité, en violation de l’article 10 du Pacte à son égard.

3.7Rappelant les dispositions de l’article 14 du Pacte ainsi que le paragraphe 9 de l’observation générale no 32 (2007) du Comité, les auteurs affirment que toutes les démarches engagées auprès des autorités judiciaires et non judiciaires sont demeurées infructueuses. En outre, la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et l’article 45 de l’ordonnance no 06-01 font obstacle à toute action judiciaire à l’encontre d’agents de l’État, empêchant les auteurs de faire entendre leur cause. L’État partie a donc violé l’article 14 du Pacte à leur égard.

3.8Les auteurs rappellent ensuite les dispositions de l’article 16 du Pacte et la jurisprudence constante du Comité selon laquelle la soustraction intentionnelle d’une personne à la protection de la loi pour une période prolongée peut constituer un refus de reconnaissance de sa personnalité juridique, si la victime est entre les mains des autorités de l’État lors de sa dernière apparition, et si les efforts de ses proches pour avoir accès à des recours utiles, y compris devant les cours de justice, sont systématiquement empêchés. Ils renvoient à cet effet aux observations finales du Comité sur le deuxième rapport périodique de l’Algérie au titre de l’article 40 du Pacte, dans lesquelles le Comité a établi que les personnes disparues toujours en vie et détenues au secret voient leur droit à la reconnaissance de leur personnalité juridique, tel que consacré par l’article 16 du Pacte, violé. Ils soutiennent en conséquence qu’en maintenant Omar Drif en détention sans en informer officiellement sa famille et ses proches, les autorités algériennes l’ont soustrait à la protection de la loi et privé de son droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique, en violation de l’article 16 du Pacte.

3.9Les auteurs estiment que l’ordonnance no 06-01 constitue un manquement à l’obligation générale de l’État partie consacrée à l’article 2 (par. 2) du Pacte, dans le sens où ladite disposition implique également une obligation négative pour les États parties de ne pas adopter de mesures contraires au Pacte. En adoptant ladite ordonnance, en particulier son article 45, l’État partie aurait donc pris une mesure d’ordre législatif privant d’effet les droits reconnus dans le Pacte, particulièrement le droit d’avoir accès à un recours effectif contre des violations des droits humains. Depuis la promulgation de cette ordonnance, les auteurs ont été empêchés d’ester en justice. Ils estiment que le manquement à l’obligation fixée par l’article 2 (par. 2) du Pacte, par action ou par omission, peut engager la responsabilité internationale de l’État partie. Ils affirment qu’en dépit de toutes leurs démarches après l’entrée en vigueur de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et de ses textes d’application, leurs plaintes sont demeurées sans suite. Ils estiment en conséquence être victimes de cette disposition législative contraire à l’article 2 (par. 2) du Pacte.

3.10Les auteurs ajoutent que les dispositions de l’ordonnance no 06-01 sont contraires à l’article 2 (par. 3) du Pacte, car elles ont pour effet d’empêcher toute poursuite pénale à l’encontre des auteurs présumés de disparitions forcées, lorsque ces personnes sont des agents de l’État. Cette ordonnance amnistie de fait les crimes commis durant la décennie passée, y compris les crimes les plus graves comme les disparitions forcées. Elle interdit aussi, sous peine d’emprisonnement, le recours à la justice pour faire la lumière sur le sort des victimes. Les démarches effectuées par les auteurs auprès des autorités algériennes avant et après l’adoption de cette ordonnance se sont avérées inutiles, aucune réponse ne leur ayant été apportée sur le sort d’Omar Drif. Ce refus fait obstacle à l’efficacité des recours exercés par sa famille. L’article 2 (par. 3) du Pacte impose l’octroi d’une réparation aux personnes dont les droits reconnus par le Pacte ont été violés. Les articles 27 à 39 de l’ordonnance no 06‑01 ne prévoient qu’une simple indemnisation financière conditionnée à l’établissement d’un jugement de décès établi après une enquête infructueuse, l’article 38 excluant toute autre forme de réparation. Or, en pratique, aucune enquête n’est diligentée sur le sort du disparu ni sur les auteurs de la disparition. Les auteurs rappellent que le Comité a estimé que le droit à un recours utile comportait nécessairement le droit à une réparation adéquate et le droit à la vérité, et a recommandé à l’État partie de s’engager à garantir que les disparus et/ou leurs familles disposent d’un recours utile et que bonne suite y est donnée, tout en veillant au respect du droit à indemnisation et à la réparation la plus complète possible. Selon les auteurs, l’État partie a donc violé l’article 2 (par. 3) du Pacte, lu conjointement avec l’article 7, à leur égard.

3.11Les auteurs demandent au Comité de prier l’État partie d’ordonner des enquêtes indépendantes et impartiales en vue : a) de retrouver Omar Drif et de respecter l’engagement de l’État partie aux termes de l’article 2 (par. 3) du Pacte ; b) de déférer les auteurs matériels et intellectuels de cette disparition forcée devant les autorités civiles compétentes pour qu’ils fassent l’objet de poursuites conformément à l’article 2 (par. 3) du Pacte ; et c) de garantir à Omar Drif, s’il est encore en vie, ainsi qu’à sa famille, l’accès à une réparation adéquate, effective et rapide du préjudice subi, conformément aux articles 2 (par. 3) et 9 du Pacte, incluant une indemnisation appropriée et proportionnée à la gravité de la violation, une réadaptation pleine et entière, et des garanties de non-répétition. Ils demandent enfin au Comité d’enjoindre aux autorités algériennes d’abroger les articles 27 à 39, 45 et 46 de l’ordonnance no 06-01.

Observations de l’État partie

4.Le 2 avril 2019, l’État partie a invité le Comité à se référer au Mémorandum de référence du Gouvernement algérien sur le traitement de la question des disparitions à la lumière de la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Le Comité ayant refusé que la recevabilité de la requête soit examinée séparément du fond, l’État partie a, le 16 décembre 2020, invité à nouveau le Comité à se référer audit mémorandum de référence, contestant la recevabilité devant le Comité des communications en lien avec la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, et, par conséquent, à ne pas se pencher sur le fond.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie

5.1Le 30 juin 2019, les auteurs ont soumis des commentaires sur les observations de l’État partie sur la recevabilité. Ils soulignent que ces observations ne font nullement mention de la recevabilité de la communication, des spécificités de l’affaire, ou des recours introduits par la famille de la victime, démontrant le manque de sérieux et le mépris des autorités algériennes pour la procédure en cours devant le Comité. Ils soulignent également le caractère obsolète de ces observations, qui datent de juillet 2009.

5.2Rappelant qu’aucun recours n’a abouti à l’ouverture d’une enquête diligente ou à des poursuites pénales et que les autorités algériennes n’ont apporté aucun élément tangible laissant penser que des recherches effectives avaient été engagées pour retrouver Omar Drif et identifier les responsables de sa disparition, les auteurs concluent que les voies de recours internes ont été épuisées et que la requête doit être considérée comme recevable par le Comité.

5.3En se référant à la jurisprudence du Comité selon laquelle la Charte pour la paix et la réconciliation nationale ne peut être opposée aux individus soumettant une communication individuelle, les auteurs rappellent que les dispositions de la Charte ne représentent en rien une prise en charge adéquate du dossier des disparus, qui supposerait le respect du droit à la vérité, à la justice et à la réparation pleine et entière.

Défaut de coopération de l’État partie

6.Le Comité rappelle que le 2avril 2019, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication en faisant référence au Mémorandum de référence du Gouvernement algérien sur le traitement de la question des disparitions à la lumière de la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Les 4juillet 2019 et 3septembre 2020, l’État partie a été invité à présenter ses observations sur le fond de la communication. Le Comité note qu’il n’a reçu aucune réponse et regrette l’absence de collaboration de l’État partie quant au partage de ses observations sur la présente plainte. Conformément à l’article4 (par. 2) du Protocole facultatif, l’État partie est tenu d’enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violations du Pacte portées contre lui et ses représentants, et de transmettre au Comité les renseignements qu’il détient.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité note que la disparition a été signalée au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. Toutefois, il rappelle que les procédures ou mécanismes extraconventionnels du Conseil des droits de l’homme ne relèvent généralement pas d’une procédure internationale d’enquête ou de règlement au sens de l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif. En conséquence, le Comité estime que l’examen du cas d’Omar Drif par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires ne rend pas la communication irrecevable en vertu de cette disposition.

7.3Le Comité prend note de ce que les auteurs affirment avoir épuisé toutes les voies de recours disponibles et que, pour contester la recevabilité de la communication, l’État partie se contente de renvoyer au Mémorandum de référence du Gouvernement algérien sur le traitement de la question des disparitions à la lumière de la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. À cet égard, le Comité rappelle qu’il a exprimé, d’une manière répétée, ses préoccupations de ce qu’en dépit de ses demandes répétées, l’État partie continuait de faire systématiquement référence au document général type, dit « aide‑mémoire », sans répondre spécifiquement aux allégations soumises par les auteurs de communications. En conséquence, le Comité a invité de manière urgente l’État partie à coopérer de bonne foi dans le cadre de la procédure de communications individuelles en cessant de se référer à l’« aide-mémoire » et en répondant de manière individuelle et spécifique aux allégations des auteurs de communications.

7.4Le Comité rappelle ensuite que l’État partie a non seulement le devoir de mener des enquêtes approfondies sur les violations supposées des droits humains portées à l’attention de ses autorités, en particulier lorsqu’il s’agit d’atteintes au droit à la vie, mais aussi celui de poursuivre quiconque est présumé responsable de ces violations, de procéder à son jugement et de prononcer une peine à son égard. En l’espèce, le Comité observe que les auteurs ont, à de nombreuses reprises, alerté les autorités compétentes sur la disparition forcée de leur fils, mais l’État partie n’a procédé à aucune enquête sur cette grave allégation. L’État partie n’a par ailleurs apporté aucun élément d’explication spécifique dans ses observations en réponse au cas d’Omar Drif qui pourrait permettre de conclure qu’un recours efficace et disponible serait ouvert, alors que l’ordonnance no 06-01 continue d’être appliquée, ayant pour effet de réduire le domaine d’application du Pacte, en dépit des recommandations du Comité concernant sa mise en conformité avec le Pacte. Dans ces circonstances, le Comité estime que rien ne s’oppose à ce qu’il examine la communication conformément à l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif.

7.5Par ailleurs, dans la mesure où il peut y avoir abus du droit de plainte si une communication est soumise cinq ans après l’épuisement des recours internes par son auteur − et même si l’État partie ne l’a pas soulevé en l’espèce −, le Comité rappelle le caractère continu d’une disparition forcée, qui implique une obligation d’enquête elle-même continue, ce qui dans le cas d’espèce est annihilé par l’ordonnance nº 06-01 et ses effets. Le Comité ne considère donc pas que dans les circonstances spéciales de l’espèce, la présente communication constitue un abus de droit.

7.6Le Comité note que les auteurs ont également soulevé une violation distincte de l’article 2 (par. 2 et 3) du Pacte à leur égard. Rappelant sa jurisprudence selon laquelle les dispositions de l’article 2 énoncent des obligations générales à la charge des États parties et ne sauraient par elles-mêmes fonder un grief distinct au regard du Protocole facultatif du fait qu’elles ne peuvent être invoquées que conjointement avec d’autres articles substantiels du Pacte, le Comité considère que les griefs des auteurs au titre de l’article 2 (par. 2 et 3) du Pacte, invoqués de manière séparée, sont irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.7Le Comité estime en revanche que les auteurs ont suffisamment étayé leurs autres allégations aux fins de la recevabilité, et procède donc à l’examen au fond des griefs formulés au titre des articles 6 (par. 1), 7, 9, 10, 14 et 16 du Pacte, lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3).

Examen au fond

8.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

8.2Le Comité note que l’État partie s’est contenté de faire référence à ses observations collectives et générales qui avaient été transmises antérieurement au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et au Comité en lien avec d’autres communications, afin de confirmer sa position selon laquelle de telles affaires ont déjà été réglées dans le cadre de la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Le Comité renvoie à sa jurisprudence et rappelle que l’État partie ne saurait opposer les dispositions de ladite Charte à des personnes qui invoquent les dispositions du Pacte ou qui ont soumis ou pourraient soumettre des communications au Comité. En l’absence d’inclusion des modifications recommandées par le Comité, l’ordonnance no 06-01 contribue dans le cas présent à l’impunité et ne peut donc, en l’état, être jugée compatible avec les dispositions du Pacte.

8.3Le Comité note que l’État partie n’a pas répondu aux allégations des auteurs sur le fond et rappelle sa jurisprudence selon laquelle la charge de la preuve ne doit pas incomber uniquement à l’auteur d’une communication, d’autant plus que celui-ci et l’État partie n’ont pas toujours un accès égal aux éléments de preuve et que, souvent, seul l’État partie dispose des renseignements nécessaires. Conformément à l’article 4 (par. 2) du Protocole facultatif, l’État partie est tenu d’enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violations du Pacte portées contre lui et ses représentants, et de transmettre au Comité les renseignements qu’il détient. En l’absence d’explications de la part de l’État partie à ce sujet, il convient d’accorder tout le crédit voulu aux allégations des auteurs, dès lors que ces dernières sont suffisamment étayées.

8.4Le Comité rappelle que, si l’expression « disparition forcée » n’apparaît expressément dans aucun article du Pacte, la disparition forcée constitue un ensemble unique et intégré d’actes représentant une violation continue de plusieurs droits consacrés par cet instrument, tels que le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et le droit à la liberté et à la sécurité de la personne.

8.5Le Comité note que les auteurs ont vu leur fils pour la dernière fois avant le 9 juin 1995, quand il rentrait chez lui accompagné de quatre amis. Ses amis ont identifié deux officiers de la gendarmerie de Berbissa et, quand Khoukha Rafraf est allée à la gendarmerie afin d’obtenir des informations concernant l’arrestation de son fils, un de ces deux officiers − qui était le Chef de la brigade − lui a confirmé la présence d’Omar Drif au sein de la gendarmerie. Le Comité prend note de ce que l’État partie n’a fourni aucun élément permettant de déterminer ce qu’il est advenu d’Omar Drif. Il rappelle que, dans le cas des disparitions forcées, le fait de priver une personne de liberté, puis de refuser de reconnaître cette privation de liberté ou de dissimuler le sort réservé à la personne disparue revient à soustraire cette personne à la protection de la loi et fait peser sur sa vie un risque grave et constant, dont l’État est responsable. En l’espèce, le Comité constate que l’État partie n’a fourni aucun élément susceptible de démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation de protéger la vie d’Omar Drif. En conséquence, il conclut que l’État partie a failli à son obligation de protéger la vie d’Omar Drif, en violation de l’article 6 (par. 1) du Pacte.

8.6Le Comité reconnaît le degré de souffrance qu’implique une détention sans contact avec le monde extérieur pendant une durée indéfinie. Il rappelle son observation générale no 20 (1992), dans laquelle il recommande aux États parties de prendre des dispositions pour interdire la détention au secret. Il note en l’espèce qu’après avoir eu des nouvelles de la part du Chef de la brigade, qui a confirmé la présence de leur fils dans la gendarmerie de Berbissa, les auteurs n’ont plus jamais eu la moindre information officielle sur son sort ou lieu de détention, malgré plusieurs requêtes successives présentées aux autorités étatiques. Le Comité estime donc qu’Omar Drif, disparu le 9 juin 1995, serait potentiellement toujours détenu au secret par les autorités algériennes. En l’absence de toute explication de la part de l’État partie, le Comité considère que la disparition d’Omar Drif constitue une violation de l’article 7 du Pacte à son égard.

8.7Au vu de ce qui précède, le Comité n’examinera pas séparément les griefs tirés de la violation de l’article 10 du Pacte.

8.8En ce qui concerne les griefs de violation de l’article 9 du Pacte, le Comité prend note des allégations des auteurs selon lesquelles Omar Drif a été arrêté arbitrairement, sans mandat, et n’a été ni inculpé ni présenté devant une autorité judiciaire auprès de laquelle il aurait pu contester la légalité de sa détention. L’État partie n’ayant communiqué aucune information à ce sujet, le Comité considère qu’il convient d’accorder le crédit voulu aux allégations des auteurs et conclut donc à une violation de l’article 9 du Pacte à l’égard d’Omar Drif.

8.9Le Comité est d’avis que la soustraction délibérée d’une personne à la protection de la loi constitue un déni du droit de cette personne à la reconnaissance de sa personnalité juridique, en particulier si les efforts déployés par ses proches pour exercer leur droit à un recours effectif ont été systématiquement entravés. Dans le cas présent, le Comité note que l’État partie n’a fourni aucune explication sur le sort d’Omar Drif, ni sur le lieu où il se trouverait, en dépit des démarches de ses proches et du fait qu’Omar Drif était entre les mains des autorités de l’État partie lors de sa dernière apparition. Le Comité conclut que la disparition forcée d’Omar Drif depuis plus de vingt-six ans a soustrait celui-ci à la protection de la loi et l’a privé de son droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique, en violation de l’article 16 du Pacte.

8.10Le Comité prend acte également de l’angoisse et de la détresse que la disparition d’Omar Drif, depuis plus de vingt-six ans, a causées aux auteurs. Il considère à cet égard que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 7 du Pacte à l’égard des auteurs.

8.11Enfin, le Comité note que même si les auteurs n’ont pas invoqué expressément une violation de l’article 2 (par. 3) lu conjointement avec les articles 6, 7, 9 et 16 du Pacte, ils font référence à l’obligation imposée aux États parties par cette disposition de garantir à toute personne des recours accessibles, utiles et exécutoires pour faire valoir les droits garantis par le Pacte. Le Comité rappelle qu’il attache de l’importance à la mise en place, par les États parties, de mécanismes juridictionnels et administratifs appropriés pour examiner les plaintes faisant état de violations des droits garantis par le Pacte. Il rappelle son observation générale no 31 (2004), dans laquelle il indique notamment, au paragraphe 15, que le fait pour un État partie de ne pas mener d’enquête sur des violations présumées pourrait en soi donner lieu à une violation distincte du Pacte.

8.12En l’espèce, les auteurs ont alerté à plusieurs reprises les autorités compétentes sur la disparition de leur fils sans que l’État partie procède à une enquête sur cette disparition, et sans que les auteurs soient informés du sort d’Omar Drif. En outre, l’impossibilité légale de recourir à une instance judiciaire après la promulgation de l’ordonnance no 06-01 continue de priver Omar Drif et les auteurs de tout accès à un recours utile, puisque cette ordonnance interdit le recours à la justice pour faire la lumière sur les crimes les plus graves comme les disparitions forcées. Le Comité conclut que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 2 (par. 3) lu conjointement avec les articles 6, 7, 9 et 16 du Pacte à l’égard d’Omar Drif, et de l’article 2 (par. 3) lu conjointement avec l’article 7 du Pacte à l’égard des auteurs.

8.13Au vu de ce qui précède, le Comité n’examinera pas séparément les griefs tirés de la violation de l’article 14 du Pacte.

9.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître des violations par l’État partie des articles 6, 7, 9 et 16 du Pacte, lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 3) à l’égard d’Omar Drif. Il constate en outre une violation par l’État partie de l’article 7, lu seul et conjointement avec l’article 2 (par. 3) à l’égard des auteurs.

10.Conformément à l’article 2 (par. 3) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux auteurs un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux personnes dont les droits reconnus par le Pacte ont été violés. En l’espèce, l’État partie est tenu, entre autres : a) de mener une enquête rapide, efficace, exhaustive, indépendante, impartiale et transparente sur la disparition d’Omar Drif et de fournir aux auteurs des informations détaillées quant aux résultats de cette enquête ; b) de libérer immédiatement Omar Drif s’il est toujours détenu au secret ; c) dans l’éventualité où Omar Drif serait décédé, de restituer sa dépouille à sa famille dans le respect de la dignité, conformément aux normes et aux traditions culturelles des victimes ; d) de poursuivre, de juger et de punir les responsables des violations commises, avec des sanctions proportionnées à la gravité des violations ; et e) de fournir aux auteurs ainsi qu’à Omar Drif, s’il est en vie, une indemnité adéquate, ainsi que l’accès aux traitements médicaux et psychologiques dont ils pourraient avoir besoin. L’État partie est en outre tenu de prendre des mesures pour empêcher que des violations analogues se reproduisent à l’avenir, ainsi que de veiller à ne pas entraver le droit à un recours utile pour les victimes de violations graves telles que la torture, les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées. À cet effet, l’État partie devrait revoir sa législation en fonction de l’obligation qui lui est faite à l’article 2 (par. 2) du Pacte, et en particulier abroger les dispositions de l’ordonnance no 06-01 qui sont incompatibles avec le Pacte, afin que les droits consacrés par le Pacte puissent être pleinement exercés dans l’État partie.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles‑ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.