Observations finales concernant le rapport du Guatemala valant quatorzième et quinzième rapports périodiques *

Le Comité a examiné le rapport du Guatemala valant quatorzième et quinzième rapports périodiques (CERD/C/GTM/14-15) à ses 2329e et 2330e séances (CERD/C/SR.2329 et 2330), les 29 et 30 avril 2015. À sa 2345e séance, le 11 mai 2015, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité relève avec satisfaction que l’État partie a soumis son rapport valant quatorzième et quinzième rapports périodiques dans les délais prescrits. En outre, il remercie l’État partie de la présentation faite par la délégation nombreuse et de haut niveau, et apprécie les réponses substantielles qu’elle a données aux nombreuses questions posées par les membres du Comité.

B.Aspects positifs

Le Comité souligne que le Guatemala s’est engagé au niveau international à promouvoir les instruments et les politiques en faveur des droits des peuples autochtones.

Le Comité salue la collaboration que l’État partie a toujours entretenue avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, et salue la signature du Plan‑cadre des Nations Unies pour l’aide au développement 2015-2019.

Le Comité souligne l’adoption de mesures tendant à promouvoir et à coordonner les politiques publiques de lutte contre la discrimination raciale, et salue en particulier :

a)La Politique publique pour la coexistence et l’élimination du racisme et de la discrimination raciale;

b)Le Plan national de développement « K’atun, notre Guatemala 2032 ».

Le Comité accueille avec satisfaction l’adhésion du Guatemala au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Le Comité salue les travaux du Bureau du Procureur des droits de l’homme du Guatemala ainsi que la participation active et les contributions de la société civile et des organisations non gouvernementales représentatives des peuples autochtones.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

Données statistiques

Le Comité reste préoccupé par le manque de données statistiques récentes, fiables et complètes sur la composition de la population du pays. Il est tout particulièrement préoccupé par le fait que le recensement démographique prévu pour 2012 n’a toujours pas été effectué, ce qui est source d’incertitude, sachant que, selon les estimations, la proportion de personnes qui se définissent elles-mêmes comme autochtones varie entre 40 % et 60 % de la population.

Le Comité rappelle à l ’ État partie combien il est important et urgent de recueillir des données ventilées permettant d ’ élaborer des politiques publiques et des programmes qui tiennent compte des besoins des groupes vulnérables de la société. Il renouvelle sa recommandation (CERD/C/GTM/CO/12-13, par. 6) relative à la méthode de collecte des données et encourage l ’ État partie à poursuivre sa collaboration avec les organismes de coopération internationale afin d ’ adopter une perspective de genre et de tenir pleinement compte du principe d ’ auto-identification dans le cadre du recensement, en faisant figurer dans le formulaire toutes les caractéristiques ethniques de la population, y compris celles qui résultent d ’ un mélange de cultures. Il recommande de recueillir des données statistiques sur la population d ’ ascendance africaine, qui lui permettront de prendre des décisions adéquates dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d ’ ascendance africaine.

Cadre juridique

Le Comité note avec préoccupation que la mise en œuvre de l’Accord relatif à l’identité et aux droits des populations autochtones faisant partie des 12 accords de paix est imparfaite, et souligne à cet égard l’importance des réformes structurelles. Le Comité prend note de la détermination du Guatemala à mener à bien les réformes constitutionnelles nécessaires ainsi qu’à reconnaître officiellement les peuples autochtones, leurs langues, leur spiritualité, leur justice et les autres éléments visés par l’Accord de paix. Le Comité reste également préoccupé par le fait que le Congrès a peu avancé pour ce qui est de l’examen et de l’adoption de diverses initiatives, portant notamment sur la consultation des peuples autochtones (initiative 4051), la justice autochtone (initiative 3946), le développement rural intégral (initiative 4084), les lieux sacrés (initiative 3835), l’éducation bilingue, multiculturelle et interculturelle (initiative 3913), les médias communautaires (initiative 4087), le programme national de réparation (initiative 3551), la réforme de la loi électorale et des partis politiques (initiative 4783) ou encore la réforme de la loi relative à l’exploitation minière (initiative 4945). Le Comité est préoccupé de ce que le Congrès est saisi de plusieurs de ces initiatives depuis plus de dix ans et ne les a toujours pas approuvées.

Le Comité recommande de faire des initiatives portant sur la lutte contre la discrimination raciale et la promotion des droits des peuples autochtones une priorité législative, afin qu ’ elles soient examinées et adoptées sans délai, en consultation avec les peuples concernés. Le Comité recommande aussi de prendre les mesures structurelles voulues pour mettre pleinement en œuvre l ’ Accord relatif à l ’ identité et aux droits des populations autochtones faisant partie des accords de paix , y compris en procédant aux réformes nécessaires de la Constitution et en envisageant la création de groupes de travail sur le sujet auxquels seraient associés les peuples autochtones.

Impunité

Le Comité salue les efforts mis en œuvre pour lutter contre l’impunité, y compris l’engagement de poursuites dans des affaires emblématiques comme celle de Sepur Zarco. Le Comité salue aussi les nombreuses décisions de la Cour constitutionnelle qui établissent l’irrecevabilité des dispositions prévoyant l’amnistie et la prescription de l’action pénale pour les violations graves des droits de l’homme et qui reconnaissent que la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme est d’application obligatoire. Le Comité souligne l’importance de ces jugements pour les processus de réparation et de réadaptation des victimes. Le Comité reste toutefois préoccupé par les nombreux défis qu’il lui reste à relever, dont l’annulation de la peine prononcée contre Efraín Ríos Montt est un exemple. Le Comité s’inquiète de ce que des organismes d’État se prononcent sur la qualification juridique des faits sans attendre les décisions des instances judiciaires, comme le Congrès de la République dans sa résolution 3-2014 (art. 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour enquêter sur les violations graves des droits de l ’ homme commises au cours du conflit armé interne, dont de nombreuses victimes étaient autochtones, et de porter en justice les cas de violations graves. Il recommande en particulier de renforcer le Bureau du Médiateur des droits de l ’ homme du parquet . Il recommande en outre de continuer à prendre les mesures nécessaires pour renforcer l ’ indépendance de l ’ appareil judiciaire.

Consentement préalable, libre et éclairé

Le Comité est préoccupé par le niveau élevé de tensions résultant de l’octroi de licences ou d’autorisations dans le cadre de projets hydroélectriques, d’exploitation de ressources naturelles ou de monoculture prévus sur des terres et territoires qui appartiennent aux peuples autochtones ou qui sont traditionnellement occupés par eux.

Le Comité note avec préoccupation que ces licences sont octroyées au mépris du droit des peuples autochtones d’être consultés. Il note que, en vertu de l’article 46 de la Constitution, qui consacre la primauté sur le droit interne de la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, ce droit doit être reconnu même en l’absence de cadre juridique interne. Le Comité note que, conformément à l’article 6 et au paragraphe 2 de l’article 15 de la Convention no 169 de l’OIT, les peuples autochtones doivent être consultés aussi bien quand les ressources naturelles leur appartiennent que quand l’État conserve la propriété des ressources du sous‑sol. Le Comité relève avec intérêt les décisions prononcées par la Cour constitutionnelle dans les affaires San Juan Cotzal et San Juan Sacatepéquez, dans lesquelles la Cour a ordonné l’application du droit d’être consulté.

Le Comité prend note des informations relatives à la propriété collective qui lui ont été présentées. Il relève toutefois avec préoccupation que le cadre juridique relatif aux terres, aux territoires et aux ressources naturelles n’a pas été révisé depuis que le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a déclaré que le cadre de la protection juridique en vigueur n’était pas conforme aux normes internationales. Le Comité est donc préoccupé par l’absence de protection des peuples autochtones, l’État partie continuant de permettre qu’ils soient dépossédés des terres qui historiquement leur appartiennent, sans même qu’ils ne soient consultés.

Le Comité est également préoccupé par les actes violents qui ont été commis en marge des manifestations organisées pour contester l’octroi de licences pour de tels projets, ainsi que par la manière dont l’État y a répondu, en décrétant l’état d’urgence (art. 5, al. d), v)).

Le Comité souligne le lien entre la non-application du droit d ’ être consulté et du droit à la terre et le niveau élevé de tensions. Ainsi, compte tenu de sa r ecommandation générale n o  23 (1997) concernant les droits des populations autochtones, le Comité :

a) Renouvelle sa recommandation (CERD/C/GTM/CO/12-13, par. 11) sur le droit d ’ être consulté et engage l ’ État partie à mettre au point des dispositifs concrets pour faire en sorte que les peuples autochtones soient consultés par l ’ intermédiaire de leurs institutions représentatives. Le Comité note que le déplacement et la réinstallation de peuples autochtones ne doivent être envisagés qu ’ à titre exceptionnel et supposent d ’ avoir obtenu le consentement des peuples concernés;

b) Recommande de mettre en place, en consultation avec les peuples autochtones, un cadre juridique interne qui réglemente le doit d ’ être consulté. Le Comité recommande en outre que le cadre juridique en vigueur soit révisé, notamment la loi relative à l ’ exploitation minière, la loi sur la protection et l ’ amélioration de l ’ environnement et le Règlement relatif à l ’ évaluation des études d ’ impact sur l ’ environnement;

c) Recommande de multiplier les tables rondes, pour garantir le respect des accords signés, et d ’ instaurer un moratoire temporaire sur l ’ octroi de nouvelles licences pour les projets qui ne prévoient pas de mécanisme de consultation;

d) Recommande d ’ appliquer immédiatement les décisions de justice telles que celles qui ont été prises dans les affaires San Juan Cotzal et San Juan Sacatepéquez ;

e) Encourage l ’ État partie à reconnaître les droits des peuples autochtones sur les terres et les territoires moyennant l ’ adoption d ’ un cadre juridique approprié, élaboré en consultation avec les peuples autochtones;

f) Recommande de garantir pleinement le libre exercice de la protestation sociale, en adoptant les mesures voulues pour protéger les manifestants et en ouvrant des enquêtes lorsque ceux-ci sont victimes d ’ agressions. À cet égard, il paraît nécessaire de mettre pleinement en œuvre la loi portant réglementation des services privés de sécurité (Décret 52-2010).

Défenseurs des droits de l’homme

Le Comité se dit extrêmement préoccupé par les agressions et les menaces dont continuent d’être victimes les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes, en particuliers ceux qui sont d’origine autochtone. Il fait observer que, dans la plupart des cas, les agressions et les homicides surviennent dans le cadre des troubles liés à l’exploitation des ressources naturelles. Le Comité est préoccupé de ce que, souvent, ces manifestations donnent lieu à l’ouverture de procédures pénales contre les militants pour des chefs d’accusation tels que terrorisme, enlèvement, incitation au crime et association de criminels, sanctionnés par des peines disproportionnées par rapport à la gravité des faits (art. 5, al. b)).

Le Comité recommande à nouveau à l ’ État partie ( CERD/C/GTM/CO/12-13 , par.  9) d ’ enquêter et de sanctionner les auteurs d ’ agressions contre des défenseurs des droits de l ’ homme, notamment ceux qui sont d ’ origine autochtone. Il lui recommande aussi d ’ adopter et de mettre pleinement en œuvre, en consultation avec la société civile et les peuples autochtones, un dispositif efficace de protection des défenseurs des droits de l ’ homme et des journalistes, qui tienne compte du risque élevé que courent les chefs autochtones qui défendent leur droit d ’ être consulté et leur droit à la terre et aux ressources naturelles.

Participation politique

Le Comité note avec préoccupation que les autochtones et les personnes d’ascendance africaine sont sous-représentés aux postes de décisions au sein des appareils exécutif et judiciaire par rapport au reste de la population. Il constate aussi avec inquiétude que seulement 23 députés sur 158 sont autochtones. Malgré les efforts déployés par l’État partie, le Comité est préoccupé par les difficultés et les obstacles que rencontrent les autochtones pour participer pleinement à la vie politique, en particulier dans les zones rurales. Le Comité accueille avec satisfaction l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle dans le cadre du projet de réforme de la loi relative aux élections et aux partis politiques, concernant l’adoption de mesures spéciales pour garantir une représentation d’au moins 30 % de femmes et d’autochtones (art. 5, al. c)).

Le Comité rappelle sa recommandation ( CERD/C/GTM/CO/12-13 , par. 10) sur la participation des peuples autochtones, compte tenu de sa recommandat ion générale n o  23 (1997). Il recommande d ’ accroître la participation des peuples autochtones aux conseils communautaires de développement. Il recommande aussi de réviser la loi relative aux élections et aux partis politiques pour améliorer la représentation des peuples autochtones et des personnes d ’ ascendance africaine, et pour faciliter leur participation dans les zones rurales. Il recommande de prendre d ’ urgence des mesures pour que tous les citoyens disposent de papiers d ’ identité. Il recommande en outre d ’ adopter des mesures spéciales ou d ’ action affirmative pour garantir une représentation appropriée des autochtones et des personnes d ’ ascendance africaine à des postes élevés, compte tenu de sa recommandation générale n o  32 (2009) sur la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention, et de sa recommandation générale n o  34 (2011) sur la discrimination raciale à l ’ égard des personnes d ’ ascendance africaine.

Accès à la justice et pluralisme juridique

Le Comité prend note de l’incorporation progressive de normes internationales relatives aux droits des peuples autochtones dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle. Il salue les progrès réalisés dans le domaine de l’accès à la justice, en particulier la création du Centre d’interprétation technique juridique autochtone, de 15 bureaux de défense (defensorías) desautochtones et du Département des peuples autochtones au sein du ministère public. Il constate toutefois avec inquiétude que des problèmes demeurent s’agissant d’assurer le plein accès des peuples autochtones à la justice, pour ce qui a trait à la possibilité d’indiquer son origine ethnique dans les dossiers, à l’accès à la justice dans le respect des spécificités culturelles ou à la formation technique d’interprètes.

Le Comité accueille avec satisfaction la circulaire de la Chambre pénale de la Cour suprême de justice sur l’importance du système juridique autochtone en coordination avec le système juridique officiel, et les renseignements fournis durant le dialogue sur l’élaboration d’un protocole de justice multiculturelle et sur la reconnaissance d’une vaste compétence matérielle à la justice autochtone. Bien que la Chambre pénale de la Cour suprême de justice ait pris deux décisions d’acquittement des autorités k’iche’ de Totonicapán qui avaient été placées en détention après avoir rendu la justice, le Comité est préoccupé par les actions judiciaires engagées contre des autorités autochtones pour exercice de leur système juridique, ainsi que par un jugement de la Chambre d’amparosde la Cour suprême de justice niant l’existence de la juridiction autochtone. Le Comité est donc préoccupé par le manque de clarté en ce qui concerne la reconnaissance et l’application du pluralisme juridique (art. 5, al. a)).

Compte tenu de sa recommandation générale n o  31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité renouvelle sa recommandation sur l ’ accès à la justice et le pluralisme juridique ( CERD/C/GTM/12-13 , par. 8). Il recommande d ’ adopter des politiques institutionnelles sur l ’ accès des peuples autochtones à la justice et d ’ actualiser les programmes des unités de formation de l ’ appareil judiciaire. Il recommande aussi de mettre en place un cadre juridique spécifique pour assurer la coordination entre la juridiction autochtone et la juridiction ordinaire. Il recommande de continuer à renforcer l ’ Unité chargée des autochtones au sein de l ’ appareil judiciaire et le Département des peuples autochtones au sein du ministère public, notamment du point de vue des ressources financières et humaines.

Incrimination de la discrimination raciale

Le Comité rappelle qu’il est préoccupé par l’absence de législation interne érigeant en infraction toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale ainsi que tout acte de violence raciste (art. 4, al. a)). Il constate aussi avec inquiétude le nombre limité de décisions de justice prises en matière de discrimination raciale. Il est aussi préoccupé par le fait que les peines prévues pour discrimination raciale à l’article 202 bis du Code pénal peuvent être commuées en amendes de faible montant (art. 4, al. a), et art. 6).

Compte tenu de sa recommandation générale n o  35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale , l e Comité rappelle sa recommandation ( CERD/C/GTM/ CO/12-13 , par. 7) visan t à donner pleinement effet aux dispositions de l ’ article 4 de la Convention, en veillant à ce que l ’ incitation à la discrimination raciale et tout acte de violence raciste soient sanctionnés de peines appropriées à la mesure de leur gravité. Le Comité rappelle aussi sa recommandation ( ibid ., par . 16) en rapport avec la rareté des peines prononcées pour discrimination raciale.

Discrimination structurelle

Le Comité constate avec inquiétude que la pauvreté et l’exclusion sociale touchent de manière particulièrement prononcée les peuples autochtones et les personnes d’ascendance africaine. D’après les données dont il dispose, la pauvreté extrême concernerait 47 % de la population autochtone, et 87 % des autochtones se trouveraient en situation de pauvreté si l’on tient compte du critère multidimensionnel. En outre, les habitants des municipalités majoritairement autochtones seraient particulièrement touchés par les taux élevés de malnutrition chronique. Le Comité est aussi préoccupé par l’augmentation de la superficie agricole consacrée à la monoculture et aux cultures commerciales, situation qui réduit considérablement la superficie agricole consacrée aux cultures vivrières. Le Comité prend note des initiatives de l’État partie en la matière, telles que le Pacte « Faim zéro » mais constate avec préoccupation que ces initiatives ne s’attaquent pas aux causes structurelles du problème (art. 5, al. e)).

Le Comité exhorte l ’ État partie à incorporer les principes relatifs aux droits de l ’ homme dans les politiques d ’ inclusion sociale existantes, à garantir la participation des peuples autochtones à ces politiques et à leur allouer des ressources financières et humaines suffisantes. Il lui recommande d ’ adopter des mesures structurelles pour mettre pleinement en œuvre la politique agraire. Le Comité recommande aussi d ’ adopter des mesures spéciales ou d ’ action affirmative pour rompre le lien entre pauvreté et racisme, compte tenu de sa recommandation générale n o  32 (2009).

Santé interculturelle

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie dans le domaine de la santé, avec la création de l’Unité des soins de santé des peuples autochtones et de l’interculturalité, mais constate avec inquiétude que l’accès à la santé est toujours restreint dans les zones majoritairement peuplées par des autochtones, et que le Guatemala n’a toujours pas de système universel de santé tenant compte des spécificités culturelles (art. 5, al. e)).

Le Comité rappelle sa recommandation ( CERD/C/GTM/12-13 , par . 13) sur l ’ élaboration d ’ une stratégie de santé interculturelle, avec la participation active des peuples autochtones. Il recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour faciliter l ’ accès à des services de santé adéquats et culturellement appro priés dans les zones rurales, y compris en leur consacrant un budget suffisant. Il lui recommande en outre d ’ adopter des mesures pour recueillir des données ventilées par peuple et communauté. Il lui recommande enfin l ’ adoption d ’ une politique relative aux sages ‑femmes, en consultation avec les peuples autochtones, en respectant les formes de soins de santé propres à ces peuples.

Enseignement bilingue

Le Comité souligne les efforts déployés par l’État partie dans le domaine de l’enseignement bilingue. Il note toutefois avec préoccupation que dans de nombreux endroits, l’enseignement bilingue n’est pas offert après le niveau préprimaire. Le Comité regrette que seulement 26 % des élèves au niveau de l’éducation de base et 17 % au niveau du cycle diversifié soient autochtones. Il est aussi préoccupé par la persistance de la discrimination dans les écoles. Il note en outre avec préoccupation le niveau élevé d’analphabétisme des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine, qui atteint même 97 % en ce qui concerne le peuple garífuna (art. 5, al. e), v)).

Le Comité rappelle sa recommandation ( CERD/C/GTM/12-13 , par. 15) sur la lutte contre la discrimination et la nécessité de développer l ’ enseignement bilingue. À cet égard, il recommande de renforcer la spécialisation bilingue en ce qui concerne la carrière de magistrat.

Droits du travail

Le Comité constate avec inquiétude que 81 % de la population autochtone économiquement active travaille dans le secteur informel sans avoir accès aux droits fondamentaux du travail tels que le salaire minimum ou la sécurité sociale. Il est particulièrement préoccupé par les pratiques de travail forcé, tel que le fait de conditionner le paiement de salaires à des objectifs professionnels démesurés, ce qui oblige la famille de l’employé à travailler pour atteindre ces objectifs. Le Comité est également préoccupé par les salaires minimaux définis dans l’État partie, qui sont insuffisants pour assurer au travailleur et aux membres de sa famille un niveau de vie décent (art. 5, al. e), i)).

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire tout son possible pour réduire le secteur informel et garantir des conditions de travail équitables et satisfaisantes conformément aux normes internationales relatives aux droits de l ’ homme. Il lui recommande aussi de renforcer l ’ Inspection générale du travail, en la dotant des ressources budgétaires et humaines nécessaires et des outils nécessaires pour sanctionner le non-respect des normes de travail.

Médias

Le Comité constate avec préoccupation qu’il existe toujours dans les médias des manifestations de discrimination raciale. Il souligne l’importance des médias communautaires pour les peuples autochtones et note avec inquiétude les interventions faites par l’État partie pour fermer des radios communautaires, et l’absence d’un cadre juridique à cet égard (art. 7).

Le Comité rappelle sa recommandation ( CERD/C/GTM/CO/12-13 , par. 17 ) sur l ’ adoption de mesures appropriées destinées à combattre les préjugés raciaux dans les médias. Il recommande de poursuivre, en consultation avec les peuples autochtones, les travaux visant à adopter un cadre juridique sur les médias communautaires et à réserver des fréquences pour les radios communautaires.

Renforcement des institutions

Le Comité prend note du renforcement des institutions de l’État en ce qui concerne les droits des peuples autochtones, notamment du Cabinet des peuples autochtones, de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l’égard des peuples autochtones du Guatemala (CODISRA), du Fonds de développement autochtone guatémaltèque (FODIGUA) et du bureau de défense (defensoría) des femmes autochtones (DEMI). Il note toutefois avec inquiétude que ces institutions ne disposent pas de ressources adéquates. Malgré les efforts de l’État partie, le Comité est préoccupé que l’on ne soit toujours pas parvenu à faire pleinement participer les peuples autochtones dans le cadre des politiques mises en œuvre par ces institutions (art. 2).

Le Comité recommande de continuer à renforcer les institutions dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale et de la promotion des droits des peuples autochtones, en les dotant des ressources humaines et budgétaires nécessaires. Il recommande de procéder à une évaluation du panorama institutionnel pour déterminer si ces institutions ont atteint leur objectif et de quelle manière elles pourraient être améliorées, avec la participation des peuples autochtones.

Discrimination multiple

Le Comité note avec préoccupation que les femmes autochtones continuent de se heurter à des formes multiples de discrimination dans tous les domaines de la vie sociale, politique, économique et culturelle. Il s’inquiète aussi de la persistance de la violence à l’encontre des femmes autochtones, et des difficultés que celles-ci rencontrent pour avoir accès à la justice (art. 2, par. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie de tenir compte de sa recommandation générale n o  25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale et d ’ inclure une perspective de genre dans toutes ses politiques et stratégies pour combattre les formes multiples de discrimination qui touchent en particulier les femmes autochtones. Il recommande d ’ adopter des mesures pour briser le cycle de la violence et faire évoluer les circonstances et les schémas qui rendent les femmes vulnérables au phénomène de la violence, et de prendre des mesures pour garantir la protection et l ’ indemnisation de ces femmes.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

Le Comité encourage l’État partie à ratifier les instruments internationaux auxquels il n’a pas adhéré, en particulier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d’intolérance.

Déclaration prévue à l’article 14

Le Comité encourage l’État partie à faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention.

Modification de l’article 8

Le Comité recommande à l’État partie de ratifier la modification du paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptée le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvée par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 le 16 décembre 1992.

Suite donnée à la Déclaration et au programme d’action de Durban

À la lumière de sa recommandation générale no 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du Document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Il le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

Compte tenu de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (2015-2024) et de la résolution 69/16 de l’Assemblée sur le programme d’activités relatives à la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme de mesures et de politiques adaptées. Il demande aussi à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des informations précises sur les mesures concrètes adoptées dans ce cadre, à la lumière de sa recommandation générale no 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine.

Diffusion des rapports et des observations finales

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que ses rapports périodiques soient rendus publics et soient accessibles au moment de leur soumission, et de diffuser de la même manière les observations finales du Comité qui s’y rapportent dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il convient.

Consultations avec les organisations de la société civile

Le Comité recommande à l’État partie de continuer de mener des consultations et de renforcer son dialogue avec les organisations de la société civile qui œuvrent à la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’établissement du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Suite donnée aux observations finales

Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son Règlement intérieur modifié, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 8, 9 et 13.

Recommandations d’importance particulière

Le Comité souhaite aussi appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 10, 11 et 14, et demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant seizième et dix‑septième rapports périodiques d’ici au 20 décembre 2017, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Compte tenu de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques et de 42 400 fixée pour le document de base commun.