NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/GTM/CO/11/Add.122 janvier 2008

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Renseignements communiqués par le Gouvernement guatémaltèque sur la mise en œuvre des observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

[20 juillet 2007]

RAPPORT EXTRAORDINAIRE DU GOUVERNEMENT GUATÉMALTÈQUE AU COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE, SUR LA MISE EN ŒUVRE DES OBSERVATIONS FINALES DU COMITÉ N o s  13, 15 ET 19 CONCERNANT LES HUITIÈME À ONZIÈME RAPPORTS PÉRIODIQUES SOUMIS EN UN SEUL DOCUMENT ÉLABORÉ EN FÉVRIER 2006

   I. PRÉSENTATION

1.Le Gouvernement guatémaltèque a l’honneur de présenter aux membres du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale le rapport extraordinaire demandé comme suite aux observations finales du Comité concernant les huitième à onzième rapports périodiques soumis en un seul document en février 2006.

II. INTRODUCTION

2.Le présent rapport contient des informations sur la mise en œuvre des recommandations du Comité nos 13, 15 et 19, concernant l’incrimination de la discrimination raciale, l’accès des femmes autochtones à la justice et le droit des peuples autochtones d’être consultés.

3.Il convient d’indiquer que les nouveaux membres de la Commission présidentielle contre la discrimination et le racisme à l’égard des peuples autochtones au Guatemala (CODISRA) ont été nommés en vertu du décret gouvernemental no 07‑2007 en date du 12 janvier 2007. Le Président de la République a désigné M. Romeo Emiliano Tiú López, Coordonnateur de la Commission et les personnes dont le nom suit, Commissaires: Mme Vilma Julieta Sánchez Coyoy, M. Ruperto Montejo Esteban, M. Marco Antonio Curruchich Mux et Mme Marilis Guendalin Ramírez Baltasar.

4.La désignation des nouveaux Commissaires imprime un nouvel élan aux travaux de cette Commission, étant donné que l’une des priorités inscrites dans le plan de travail qui sera exécuté pendant l’année en cours et les années suivantes est l’adoption de mesures visant à mettre en œuvre les engagements que l’État a contractés en signant ou ratifiant des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en lien avec les droits des peuples autochtones. S’il est vrai que les engagements qui découlent de ces instruments et des recommandations formulées par le Comité constituent une responsabilité de l’État dans son ensemble, le mandat de la CODISRA lui confère une responsabilité spéciale en ce qui concerne le suivi et la mise en œuvre dans ce domaine précis.

5.Il importe de noter que le Gouvernement reconnaît que l’un des principaux obstacles à l’égalité entre les différentes ethnies qui font de notre pays une société pluriculturelle et multilingue est précisément la lutte contre des pratiques de racisme et de discrimination raciale fortement ancrées, qui sont le produit de la construction d’un État monoculturel. Bien qu’il reste beaucoup de difficultés à surmonter, nous considérons que les Accords de paix ont véritablement marqué un tournant dans l’histoire du pays, en particulier en ce qui concerne la reconnaissance des droits des peuples autochtones.

6.Les années qui ont suivi la signature des Accords de paix au Guatemala, en 1994, ont marqué une étape importante dans cette direction, avec l’ouverture d’espaces de dialogue qui ont permis progressivement aux peuples autochtones d’accroître leur participation au niveau national. Nous sommes pleinement conscients de ce que la participation est une condition essentielle de tout progrès dans les initiatives émanant des différents groupes ethniques et, de surcroît, l’unique mécanisme qui permette de faire en sorte que les questions qui touchent directement ou indirectement ces populations soient examinées dans les espaces politiques de prise de décisions pour pouvoir être intégrées dans tout plan de travail et toute politique publique et institutionnelle.

7.Il importe également d’indiquer que le présent rapport a été établi dans un contexte politique important pour le pays, à savoir une année électorale: il a été achevé peu avant un premier tour d’élections, qui a eu lieu le 9 septembre 2007. Dans cette conjoncture, il faut tenir compte du fait que l’agenda politique est axé sur des thèmes liés à l’actualité et qu’hormis quelques exceptions, les questions relatives aux peuples autochtones ou aux droits de l’homme en général n’y occupent malheureusement pas une place centrale. Cette situation est regrettable, mais elle fait partie de la réalité nationale et elle constitue aujourd’hui un défi à relever et un obstacle à surmonter en tant qu’État et en tant que nation. Nous nous félicitons toutefois que dans ce contexte électoral, un des partis politiques ait désigné comme candidate à la présidence de la République le prix Nobel de la paix, Mme Rigoberta Menchú, qui devient ainsi la première femme autochtone de l’histoire du pays à viser la présidence. Cette initiative ouvre une brèche importante et permet d’espérer en une participation accrue des peuples autochtones à l’avenir.

8.Malgré les difficultés, le Gouvernement, les institutions et les organismes publics ont la volonté politique de continuer à travailler pour obtenir des résultats plus tangibles. Le présent document contient des informations sur les actions entreprises dans chacun des domaines considérés, et même si nous ne pouvons pas encore parler de progrès significatifs, nous pouvons affirmer que nous sommes résolus à prendre toutes les mesures nécessaires pour pouvoir présenter à l’avenir des résultats plus concrets sur les plans qualitatif et quantitatif.

III. MESURES PRISES PAR L’ÉTAT PARTIE

A.  Recommandation n o  13

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une législation spécifique érigeant en infractions la diffusion d’idées fondées sur des notions de supériorité ou de haine raciales, l’incitation à la discrimination raciale et les actes de violence visant les populations autochtones et les personnes d’ascendance africaine dans l’État partie.

9.Comme le Comité en a déjà été informé, les seules dispositions incriminant la discrimination racialefigurent dans les textes de loi ci‑après:

a)Code pénal (décret-loi no 57‑2002), qui introduit l’article 202 bis intitulé «Discrimination»;

b)Loi relative au service civil (décret no 1748), qui interdit toute forme de discrimination;

c)Code du travail (décret no 1441), qui interdit toute discrimination dans le secteur privé;

d)Loi sur la magistrature (décret no 41‑99), en vertu de laquelle tout juge qui commet des actes discriminatoires dans l’exercice de ses fonctions est passible d’une suspension sans traitement de vingt jours;

e)Loi sur les radiocommunications (décret-loi no 433), qui interdit la diffusion de toute déclaration dénigrante, injurieuse ou qui incite à la discrimination raciale.

10.Il convient d’ajouter que la CODISRA travaille actuellement à un projet d’initiative dans ce domaine.

11.Sont mentionnées ci‑dessous, à titre d’illustration, deux affaires examinées à la suite de plaintes déposées en 2002 et 2003 sur la base de la législation en vigueur, et qui ont abouti à des jugements rendus en 2006. Elles sont considérées comme des références importantes en matière de lutte contre la discrimination et de renforcement des mécanismes d’application de la justice dans ce domaine.

12.Les précédents créés par les affaires de discrimination raciale dans l’histoire récente du pays jouent un rôle important sur l’évolution des pratiques traditionnelles du système d’administration de la justice et des mentalités des acteurs de ce système, influence qui s’étend à la population et lui fait prendre conscience que si de telles pratiques sont néfastes et doivent être sanctionnées et éliminées, il faut aussi que les victimes viennent les dénoncer.

13.En premier lieu, il convient de mentionner le cas d’Edgar Willvany Jiatz Cutzal, maya kaqchiquel qui subissait des humiliations constantes parce qu’il était autochtone. Il a créé un précédent important au niveau national. La plainte qu’il a déposée devant le Conseil disciplinaire judiciaire a permis d’appliquer les sanctions disciplinaires prévues à l’alinéa d de l’article 40 de la loi sur la magistrature, d’établir qu’il y avait eu faute grave conformément à l’article 47 du Règlement général de la loi relative au service civil de l’Organe judiciaire, et d’infliger à chacun des défendeurs quinze jours de suspension sans traitement. Il reste à connaître le résultat de l’appel formé contre la décision du Conseil de la magistrature, qui a déclaré sans objet la requête formulée aux paragraphes 2 et 3 du mémoire en question.

14.En deuxième lieu, il y a l’affaire de María  Olimpia López y  López c. L a discothèque la  Fratte, située dans le chef‑lieu départemental de Quetzaltenango. Le dossier, qui a été enregistré sous le numéro 305‑2003, indique que María Olimpia López s’est vu refuser l’entrée dans la discothèque parce qu’elle portait l’habit traditionnel. Ce fait a été dénoncé devant la Procurature déléguée aux droits de l’homme de Quetzaltenango et le ministère public. L’affaire a atteint son point culminant lorsque les responsables ont présenté des excuses publiques, reconnaissant être les auteurs du fait et s’engageant devant le tribunal de jugement du département à mettre en œuvre sa décision. Le tribunal a appliqué le critère d’opportunité et a communiqué les demandes de López y López aux défendeurs qui les ont acceptées.

15.Enfin, on peut affirmer que ces deux affaires ont créé un précédent et que, depuis, la discrimination ne peut plus être considérée dans le pays comme une pratique allant de soi.

16.Dans les deux cas, la CODISRA a su prendre des initiatives qui ont contribué à assurer le respect de la légalité; elle s’occupe actuellement de surveiller la suite qui leur a été donnée afin que les jugements rendus soient effectivement exécutés.

17.Le Gouvernement est conscient que, pour l’instant, les sanctions infligées par les tribunaux sont d’ordre administratif. Il espère que le soutien apporté aux droits de la défense aboutira à d’autres expériences du même type et permettra aux responsables de l’administration de la justice de prendre davantage conscience des incidences de la discrimination raciale. La formation joue à cet égard un rôle essentiel et celle des fonctionnaires judiciaires a déjà été entreprise afin de les aider à mieux connaître et appliquer les lois nationales et les instruments internationaux auxquels le Guatemala est partie en ce qui concerne les droits des peuples autochtones.

18.Le tableau ci‑dessous contient des informations relatives à plusieurs affaires qui ont été enregistrées par les services du ministère public, à partir desquelles il a été entrepris de créer une base de données. Les méthodes employées pour recenser et enregistrer ces affaires sont expliquées plus loin, dans la partie du présent document consacrée aux mesures prises par les services du ministère public.

Tableau 1

Ministère public

Discrimination , é tat d’avancement des affaires

Janvier‑octobre 2006

État d’avancement de l’affaire

Total

Pourcentage

Enquête en cours

34

52,31

Examen en cours

14

21,54

Plainte rejetée

10

15,38

Affaire close

4

6,15

Affaire transmise au tribunal d’instance

2

3,08

En instance

1

1,54

Total général

65

100

B. Recommandation n o 15

Ayant à l ’ esprit sa r ecommandation générale n o 25, le C omité recommande à l ’ État partie de garantir l ’ accès des femmes autoch tones au système de justice. Il  lui recommande également d ’ adopter le projet de loi qui fait du harcèlement sexuel une infraction et de prévoir que la commission de cette infraction sur la personne d ’ une femme autochtone est une circonstance aggravante.

19.Étant donné que pour prendre des mesures dans ce domaine il importe de déterminer quels sont les principaux obstacles qui entravent l’accès des femmes autochtones à la justice, le Bureau du Défenseur des droits de la femme autochtone a établi en mars 2007 un diagnostic de la situation.

20.Le document montre que, même lorsque des femmes autochtones parviennent à accéder à quatre juridictions nationales différentes pour solliciter une protection contre la violence et exposer leurs difficultés socioéconomiques, aucune réponse effective n’est donnée à leur requête.

21.Le diagnostic montre en outre que la violence familiale, qui touche toutes les femmes guatémaltèques, et plus particulièrement les autochtones, constitue le principal problème auquel se heurtent les femmes autochtones dans le pays.

22.Bien qu’il existe un cadre juridique en vigueur dans le pays, à savoir la loi pour la prévention, la répression et l’élimination de la violence familiale (décret no 97‑96), le champ d’application en est limité du fait que la violence familiale n’y est pas érigée en infraction. Il est donc nécessaire d’élaborer une législation spécifique pour combattre ce grave phénomène.

23.Une grande importance est attachée aux informations contenues dans le diagnostic, qui est assorti d’une série de recommandations à l’adresse de l’Organe judiciaire et d’autres organismes relevant du pouvoir exécutif. Ces recommandations devraient permettre de cibler les mesures à prendre et de s’assurer qu’elles sont efficaces et conformes à la réalité et aux besoins des femmes autochtones du pays.

24.Les institutions telles que le Bureau du Défenseur des droits de la femme autochtone, le Secrétariat présidentiel de la femme, la Commission nationale pour la prévention de la violence familiale, le ministère public, la Défense publique pénale, la Police nationale civile et l’Organe judiciaire devraient devenir les principaux acteurs de la promotion et de la mise en œuvre des recommandations formulées dans le diagnostic.

25.Les initiatives présentées sont notamment les suivantes:

a)L’initiative no1576, examinée par le Congrès en séance plénière le 1er janvier 1996: elle contient le projet de loi contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et dans l’enseignement;

b)L’initiative no 1580, examinée par le Congrès en séance plénière le 1er janvier 1996: elle contient la proposition d’approbation de la loi contre le harcèlement sexuel;

c)L’initiative no 2608, examinée par le Congrès en séance plénière le 24 janvier 2002: elle contient la proposition d’approbation de la loi contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et dans l’enseignement; le 19 septembre 2002, le Congrès a examiné en séance plénière l’initiative contenant la proposition d’approbation de la loi sur la prévention et la répression du harcèlement sexuel.

26.La dernière initiative examinée en plénière par le Congrès est l’initiative no3566 de novembre 2006, concernant le harcèlement sexuel, qui a été soumise pour examen et approbation à trois commissions du Congrès: la Commission des questions constitutionnelles, la Commission de la femme et la Commission des droits de l’homme.

27.L’un des principaux problèmes auxquels se heurtent non seulement les femmes autochtones mais aussi l’ensemble de la population est la difficulté d’accéder à un système de justice rapide et efficace. Quelques mesures concrètes ont pu être adoptées pour améliorer et accélérer les procédures. Au cours des dix dernières années, le nombre de tribunaux a augmenté trois fois plus vite que la population du pays, la proportion passant d’un tribunal pour 33 000 habitants en 1990 à un tribunal pour 22 000 habitants en 2000; c’est dans les communes et les départements autres que la capitale que le nombre de tribunaux de première instance a augmenté le plus fortement, ce qui a permis d’améliorer la couverture géographique.

28.En 2006 ont été établis dans la capitale des tribunaux d’instance de permanence fonctionnant vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre toute l’année. Cette mesure, qui a montré son efficacité pour ce qui est d’accélérer les procédures judiciaires, sera étendue à d’autres villes.

29.Parmi les mesures visant à renforcer les mécanismes qui facilitent l’accès des femmes autochtones à la justice, il convient de noter la signature, le 6 mars 2007, d’un accord tripartite de coopération interinstitutionnelle entre l’Institut de la défense publique pénale, le Bureau du Défenseur des droits des femmes autochtones et le Bureau de la coordination nationale pour la prévention de la violence dans la famille à l’égard des femmes (CONAPREVI).

30.Les signataires de cet accord ont promis de prendre des mesures concrètes dans leurs domaines d’activité respectifs. Par exemple, l’Institut de la défense publique pénale s’est engagé à:

a)Fournir des services d’orientation, d’assistance et de conseil juridique gratuits dans le cadre d’une réponse interinstitutionnelle des signataires de l’accord, ce qui signifie que l’Institut de la défense publique pénale se chargera de l’examen et du suivi, assortis de conseils, de tous les cas qui lui seront transmis par le Bureau du Défenseur des droits de la femme autochtone, en vue de contribuer à la création d’une structure de gestion et de liaison qui permette d’améliorer la situation juridique des femmes pour ce qui est du plein respect de leurs droits fondamentaux au sein du système de justice national;

b)Favoriser la participation des membres du Bureau du Défenseur des droits de la femme autochtone à des activités de formation et de perfectionnement qui permettent d’échanger des données d’expérience institutionnelle dans les domaines de la justice autochtone et, en particulier, de la défense des droits et garanties des femmes autochtones dans les systèmes de justice officiel et coutumier, en vue de mettre au point des critères uniformes au service d’une vision globale de la justice, intégrant la dimension multiculturelle et la problématique hommes‑femmes;

c)Faciliter l’accès à l’information nécessaire à la réalisation de projets et d’études intéressant les signataires, concernant en particulier l’accès à la justice dans le système officiel et dans le système autochtone, du point de vue des femmes autochtones.

31.Pour sa part, le Bureau du Défenseur des droits des femmes autochtones s’est engagé à entreprendre les activités ci‑après:

a)Transmettre à l’Institut de la défense publique pénale tous les cas de femmes autochtones lésées ou mises en cause qui nécessitent un conseil, une assistance juridique, un accompagnement ou une représentation en justice lorsqu’il s’agit de défendre des droits en tenant compte de la dimension culturelle;

b)Organiser des échanges qui permettent aux défenseurs publics de partager des données d’expérience en matière de prise en charge de femmes autochtones, qui supposent la prise en considération d’éléments interculturels au service d’une vision globale de la justice intégrant la dimension interculturelle et la problématique hommes‑femmes;

c)Apporter son appui et sa collaboration aux projets et études que l’Institut entreprend isolément ou conjointement dans des domaines qui intéressent les deux parties et qui visent à renforcer le plein respect des droits fondamentaux des femmes dans la vie institutionnelle, politique, économique, sociale et culturelle.

32.La CONAPREVI s’est engagée à entreprendre les activités ci‑après:

a)Promouvoir, dans le cadre des politiques publiques contre la violence à l’égard des femmes, des mesures concrètes et des modèles de prise en charge qui garantissent le droit des femmes autochtones à une vie libre de toute violence, en concertation et en coordination avec le Bureau du Défenseur des droits de la femme autochtone et l’Institut de la défense publique pénale;

b)Encourager la collecte et la compilation de données statistiques et d’informations pertinentes sur les causes, les conséquences, les effets et l’ampleur de la violence familiale et de la violence à l’égard des femmes, ventilées par origine ethnique, en vue d’évaluer et de mettre en œuvre des mesures conjointes avec l’Institut de la défense publique pénale et le Bureau du Défenseur des droits de la femme autochtone;

c)Intervenir conjointement, avec les autres signataires, lorsqu’une contrainte ou des menaces pèsent sur les femmes autochtones qui portent plainte, examinent une plainte ou s’occupent de fournir des conseils, une prise en charge ou un hébergement aux personnes affectées.

33.Il importe de noter que les signataires se sont engagés à élaborer conjointement un plan annuel qui permettra de surveiller l’état d’avancement de l’application de ces mesures.

34.Entre janvier et octobre 2006, le ministère public a enregistré en tout 65 cas de discrimination. Ces cas ont été consignés dans le cadre d’une étude spéciale réalisée dans les différents services du ministère public, en vue d’un projet de création de services spécialisés dans le traitement des affaires de discrimination raciale. Il est prévu que les Fiscalías autochtones soient intégrées, en tant qu’unités spécialisées, aux Fiscalías de district afin d’accroître les capacités du ministère public, grâce à l’élaboration d’un manuel de prise en charge et à la sensibilisation des fonctionnaires au problème de la discrimination raciale.

35.Il convient d’indiquer que les cas susmentionnés ne concernent pas uniquement la discrimination raciale, mais aussi la discrimination fondée sur la religion, la maladie ou le handicap. Les cas de discrimination raciale représenteraient toutefois 25 % du total.

36.Le 9 mai 2007, par le décret no 20-2007, le Fiscal général et Directeur du ministère public a publié le Règlement d’organisation et de fonctionnement du Département de coordination des droits des peuples autochtones à l’intérieur de l’institution.

37.Bien que le texte du Règlement soit communiqué au Comité pour information, nous tenons à préciser que les principales fonctions du Département sont notamment les suivantes:

a)Fournir des conseils et réaliser des études et des analyses spécialisées, et assurer la diffusion des politiques relatives aux peuples autochtones en vue de renforcer les capacités du ministère public pour tout ce qui a trait aux droits des peuples autochtones;

b)Veiller à l’application adéquate des instruments nationaux et internationaux en lien avec les droits des peuples autochtones, qui alimentent l’activité du ministère public;

c)Élaborer des directives et coordonner la mise au point d’outils de formation et de sensibilisation aux droits des peuples autochtones destinés à être utilisés à l’intérieur ou à l’extérieur de l’institution;

d)Coordonner avec les différents services du ministère public les questions liées aux droits des peuples autochtones;

e)Concevoir, en collaboration avec le Département de l’information et de la presse, des stratégies de communication et de sensibilisation aux droits des peuples autochtones qui seront mises en œuvre à l’intérieur ou à l’extérieur de l’institution;

f)Mettre au point, avec les institutions chargées de l’administration de la justice, des mécanismes de communication et de coordination pour toutes les questions liées aux droits des peuples autochtones;

g)Analyser et étudier le système de droit formel et le système de droit autochtone en vue de l’élaboration de politiques qui facilitent leur application;

h)Coordonner les services d’interprètes fournis dans les différents services du ministère public;

i)Coordonner les services d’experts anthropologues (dans les domaines linguistique ou culturel) dont ont besoin les différents services du ministère public au niveau national.

38.Le Département sera composé de quatre spécialistes en anthropologie, sociologie et histoire sociale, assistés d’une équipe technique.

39.L’intégration du Département dans le ministère public est une mesure importante et positive qui devrait contribuer au renforcement des capacités de prise en charge des peuples autochtones par cette institution, d’une manière adaptée à leurs particularités ethnolinguistiques. En contribuant également à sensibiliser le personnel de l’institution, elle devrait aussi faciliter l’accès des autochtones à la justice.

40.Le programme «Lutter contre l’exclusion au Guatemala», entrepris dans le cadre de la coopération avec l’Union européenne, a pour objectif général de favoriser l’intégration sociale, économique et politique des femmes pauvres des zones rurales, en particulier les autochtones.

41.En ce qui concerne l’accès des femmes autochtones à la justice, le plan opérationnel pour 2007 du programme susmentionné prévoyait l’élaboration d’un projet d’appui à la formulation et à la mise en œuvre d’une stratégie pour l’équité entre les sexes et entre les groupes ethniques à travers le Bureau de coordination du secteur de la justice, l’accent étant mis sur la viabilité des efforts entrepris pour atteindre les objectifs du programme. Ce projet s’appuie sur les résultats du diagnostic établi par le Bureau du Défenseur des droits de la femme autochtone concernant l’accès des femmes autochtones à la justice, mentionné ci-dessus, et sur les recommandations formulées par différents organes conventionnels, notamment le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, ainsi que les rapporteurs spéciaux des Nations Unies et des organismes interaméricains, tendant à améliorer le système de justice et à faciliter l’accès des peuples autochtones, en particulier des femmes, à la justice.

42.Le projet devrait permettre un accès effectif et élargi des femmes autochtones à la justice grâce au renforcement des institutions de ce secteur. L’objectif fixé pour 2008 est qu’au moins 10 institutions mettent en place des stratégies en faveur de l’équité entre les sexes en y intégrant une dimension multiculturelle.

43.Il convient de mentionner un autre fait important, à savoir la publication en mai 2007 d’une étude intitulée «Accès des autochtones à la justice officielle au Guatemala», réalisée par la Commission nationale chargée de suivre et d’appuyer le renforcement de la justice. Cette commission, qui a été créée en vertu du décret no 310‑2000, a pour tache de formuler les conseils, propositions et recommandations qu’elle juge opportuns en vue de l’amélioration globale du système de justice national. L’étude a pour objectif d’élargir et d’enrichir le débat national sur l’accès des peuples autochtones à la justice.

44.Il s’agit de trouver des moyens raisonnables et consensuels d’harmoniser le fonctionnement de la justice dans le pays, dans un authentique respect de la diversité culturelle. L’étude indique que la protection de la diversité ethnique et culturelle ne peut que bénéficier de la reconnaissance du pluralisme juridique, mais elle révèle aussi des contradictions et des tensions entre la justice formelle et la justice autochtone, qui montrent la nécessité d’œuvrer en faveur de la coordination et de la coexistence pacifique des deux systèmes. La cohabitation de visions du monde et de systèmes et institutions juridiques différents doit s’appuyer sur les principes de tolérance, de diversité, de respect de la différence et de pluralisme, indispensables pour une administration de la justice efficace.

45.L’étude, qui expose également le point de vue des usagers, contient une série de recommandations importantes que les institutions prendront en considération pour répondre aux besoins et faire face aux réalités.

C. Recommandation n o  19

Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il prend des décisions ayant une incidence directe sur le s droits et les intérêts des peuples autochtones, de s’efforcer d’obtenir leur consentement éclairé, comme indiqué au paragraphe 4 d) de sa Recommandation générale 23. Il lui recommande également, avant d’adopter le projet de loi sur les procédures de consultation, d’y insérer une disposition relative au droit des peuples autochtones d’être consultés chaque fois que sont envisagées des mesures législatives ou administratives susceptibles d’avoir des incidences sur eux, en vue d’obtenir leur consentement.

46.Conformément aux articles 97, 118, 119 et 125 de la Constitution politique de la République, l’économie nationale doit être orientée vers une utilisation des ressources naturelles et humaines qui permette d’accroître la richesse, de parvenir au plein emploi et de répartir de manière équitable le revenu national, ainsi que d’établir les conditions nécessaires à l’exploitation des ressources naturelles tout en préservant l’environnement et la stabilité de l’équilibre écologique; il convient en outre de promouvoir systématiquement une politique de décentralisation économique et administrative en vue d’un développement régional adéquat.

47.Dans les Accords de paix, en particulier l’Accord sur l’identité et les droits des peuples autochtones, le Gouvernement s’est engagé à promouvoir la participation des peuples autochtones à tous les niveaux et à établir, conformément au paragraphe d, alinéa i, de l’Accord susmentionné, des «mécanismes obligatoires de consultation avec les peuples autochtones, chaque fois que sont prévues des mesures législatives ou administratives susceptibles d’affecter les peuples maya, garífuna et xinca».

48.En vue d’atteindre les objectifs énoncés tant dans la Constitution que dans les Accords de paix, des textes de loi ont été adoptés, qui régissent la décentralisation économique et administrative du pays ainsi que la participation de la population maya, xinca et garífuna et de la population non autochtone à la gestion des affaires publiques, à savoir le Code municipal et la loi sur les Conseils de développement urbain et rural, qui disposent ce qui suit:

a)Code municipal, article 65 (Consultation des communautés ou autorités autochtones de la commune): lorsque de par sa nature, une question affecte particulièrement les droits ou les intérêts des communautés ou des autorités autochtones de la commune, le conseil municipal organise des consultations à leur demande, y compris en appliquant des critères fondés sur les coutumes et traditions autochtones;

b)Loi sur les Conseils de développement urbain et rural, article 26 (Consultation des peuples autochtones): jusqu’à ce que soit adoptée la loi relative à la consultation des peuples autochtones, la consultation des peuples maya, xinca et garífuna à propos des mesures de développement prises par l’exécutif qui affectent directement ces peuples pourra se faire par l’intermédiaire de leurs représentants dans les Conseils de développement.

49.Dans un autre domaine, les lignes directrices de la politique minière du Guatemala, adoptées en août 2005, établissent, aux articles 6 à 8 du chapitre II, les objectifs, la portée et les effets de ces consultations.

50.Le même texte établit en outre la procédure de consultation par le Gouvernement, à travers le système des conseils de développement urbain et rural, comme indiqué ci‑dessus. Il prévoit que les peuples concernés reçoivent, par des voies appropriées et, en particulier, par l’intermédiaire de leurs institutions, des informations concernant tous les aspects des projets miniers sur leurs terres susceptibles de les affecter. Il s’agit de tenir compte des points de vue exprimés et de corriger les aspects des projets dont une évaluation technique rationnelle permet de conclure qu’ils portent atteinte aux intérêts des peuples autochtones, afin de:

a)Parvenir à un accord ou obtenir le consentement des peuples concernés pour tout projet ou mesure concernant une activité minière sur leurs terres;

b)Déterminer quels intérêts des populations sont menacés, et dans quelle mesure, avant de délivrer une autorisation.

51.Pour faciliter le processus de consultation, il est prévu de faire appel à des spécialistes indépendants accrédités et acceptés par les parties, dont le rapport sera pris en compte lors de la décision finale d’accorder ou non la concession minière en question. Plusieurs consultations citoyennes ont déjà été tenues sur ce modèle pour déterminer si des projets privés d’utilisation de ressources hydriques, minières ou pétrolières devaient être autorisés ou non.

52.Les expériences menées à ce jour, à savoir des consultations organisées par les gouvernements locaux, montrent que la promotion de cette démarche est principalement assurée par l’Église catholique et les organisations de la société civile, la Coordination nationale autochtone et paysanne et Colectivo Madre Selva, qui ont fourni les moyens logistiques nécessaires. Depuis 2005, 11 consultations de communautés autochtones ont ainsi eu lieu. Chacune d’elles présentait des caractéristiques particulières en ce qui concernait notamment:

a)L’annonce de la consultation;

b)L’organisation de la consultation;

c)Le contrôle et l’enregistrement des participants;

d)Les modalités du vote.

53.Dans certains cas, la consultation des communautés s’est déroulée de manière particulière, comme à San Pablo, dans le département de San Marcos, où elle a dû être interrompue et n’a pu aboutir. Les consultations tenues à Sipacapa, également dans le département de San Marcos (Nord‑Ouest) et à Río Hondo, dans le département de Zacapa (Est) ont fait jurisprudence au niveau national. Ce sont quelques exemples de consultations de communautés sortant de l’ordinaire. Le calendrier établi pour 2007 prévoit des consultations au sujet d’activités minières et de l’utilisation de ressources naturelles. Le Comité sera informé de leurs résultats en temps voulu.

54.Malgré la multiplication de ces expériences, nous sommes conscients que le processus de consultation des communautés présente encore des faiblesses et qu’il est nécessaire de renforcer la réglementation existante. Quatre initiatives ont été présentées en ce sens, mais leurs auteurs se sont dispersés et ont eu peu d’impact sur le plénum du Congrès, de sorte qu’elles n’ont pu être concrétisées. La Vice-présidence de la République a organisé plusieurs réunions de travail avec divers éléments de l’exécutif en vue de formuler une proposition unique. En effet, l’analyse des diverses propositions a montré qu’elles n’étaient pas totalement conformes aux principes énoncés dans la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, de 1989, à laquelle le Guatemala est partie. Cet effort d’unification des propositions vise donc implicitement à harmoniser la proposition unique qui devrait en résulter avec les dispositions de la Convention no 169. Il faut espérer que les résultats de cette démarche, dont le Comité sera également informé en temps voulu, seront positifs.

55.Par ailleurs, l’Organisation des États américains (OEA) au Guatemala a aidé certaines organisations autochtones à unifier leurs propositions en matière de mécanismes de consultation, avec l’appui du Bureau du Défenseur des droits de l’homme.

56.Pour conclure, on peut dire que l’idée est de rechercher toujours des initiatives consensuelles qui visent à faire véritablement de la consultation un processus légitime et participatif, dans le respect des droits et intérêts des peuples autochtones. Le Gouvernement reconnaît toutefois que pour obtenir de tels consensus, il est nécessaire d’élargir les espaces de dialogue et d’accélérer les procédures permettant de parvenir à des accords, sans quoi le débat se prolongerait sans résultat positif. Cela étant, malgré la complexité de la situation, la tendance actuelle est à l’unification des initiatives à la lumière des lois nationales et, tout particulièrement, des conventions et des pactes internationaux que le Guatemala a ratifiés dans ce domaine.

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