Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/CO/84/THA8 juillet 2005

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑quatrième session

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

THAÏLANDE

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Thaïlande (CCPR/C/THA/2004/1) à ses 2293e, 2294e et 2295e séances (CCPR/C/SR.2293 à 2295), les 19 et 20 juillet 2005, et a adopté à sa 2307e séance (CCPR/C/SR.2307), le 28 juillet 2005, les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de grande qualité présenté par l’État partie, tout en regrettant qu’il ait été soumis avec plus de six ans de retard. Le Comité prend note également avec satisfaction des renseignements fournis par écrit et oralement par la délégation en réponse à ses questions. Le Comité apprécie le haut niveau et la compétence de la délégation de l’État partie ainsi que la franchise avec laquelle elle a fourni les renseignements.

B. Aspects positifs

3.Le Comité salue la promulgation d’une nouvelle Constitution en 1997, à la suite de la ratification du Pacte par l’État partie, Constitution qui énonce un grand nombre de droits et de libertés protégés par le Pacte.

4.Le Comité note avec satisfaction la création:

a)De la Commission nationale des droits de l’homme en tant que mécanisme visant à promouvoir le respect des droits de l’homme conformément aux articles 199 et 200 de la Constitution;

b)Du Département de la protection des droits et des libertés relevant du Ministère de la justice;

c)De la Commission pour la réconciliation nationale, qui s’efforce d’apporter des solutions pacifiques à la situation dans les provinces méridionales; et

d)De la Commission nationale de la protection de l’enfance et des commissions provinciales de la protection de l’enfance.

5.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi relative à la protection de l’enfance.

6.Le Comité note avec satisfaction l’adoption d’un plan national d’action relatif aux droits de l’homme.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité constate que certaines des déclarations que la Thaïlande a faites lors de son adhésion reviennent à des réserves, et il regrette qu’elle les maintienne (art. 2 du Pacte).

L’État partie devrait envisager de retirer ces déclarations.

8.Le Comité constate que le Pacte n’a pas été pleinement incorporé dans le droit interne et que, dans la pratique, ses dispositions ne sont pas invoquées devant les tribunaux si elles n’ont pas été expressément incorporées dans la loi (art. 2).

L’État partie devrait garantir la protection effective de tous les droits consacrés dans le Pacte, veiller à ce qu’ils soient pleinement respectés et à ce que chacun en jouisse.

9.Tout en saluant l’activité importante de la Commission nationale des droits de l’homme en matière de promotion et de protection des droits de l’homme, le Comité est préoccupé par le fait qu’un grand nombre des recommandations qu’elle a adressées aux autorités pertinentes n’ont pas été mises en œuvre. Le Comité est également préoccupé par l’insuffisance des ressources allouées à la Commission (art. 2).

L’État partie devrait veiller à ce que les recommandations de la Commission nationale des droits de l’homme soient pleinement et rapidement appliquées. Il devrait également veiller à ce que la Commission dispose de ressources suffisantes pour lui permettre de mener à bien toutes les activités qui lui ont été confiées, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme («Principes de Paris») (résolution n o  48/134 de l’Assemblée générale).

10.Malgré les explications fournies par la délégation, le Comité est préoccupé par les allégations persistantes de violations graves des droits de l’homme, notamment de multiples cas d’exécution extrajudiciaire et de mauvais traitements par des membres de la police et des forces de sécurité, situations illustrées par des incidents comme ceux qui se sont produits à Tak Bai, en octobre 2004, à la mosquée de Krue Se, le 28 avril 2004, et par les nombreux homicides qui auraient été commis dans le cadre de la «guerre contre la drogue» lancée en février 2003. Des défenseurs des droits de l’homme, des notables de la communauté, des manifestants et d’autres membres de la société civile continuent d’être la cible de tels actes, et généralement, les enquêtes n’ont pas débouché sur des poursuites et des condamnations proportionnelles à la gravité des crimes commis, ce qui a créé une «culture de l’impunité». Le Comité note également avec préoccupation que cette situation montre que les victimes de violations des droits de l’homme ne disposent pas de recours utiles, ce qui est incompatible avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte (art. 2, 6 et 7).

L’État partie devrait diligenter des enquêtes approfondies et impartiales concernant ces événements et, selon les conclusions des enquêtes, engager une action contre les auteurs. L’État partie devrait également veiller à ce que les victimes et leur famille, y compris les proches des personnes portées disparues, reçoivent une indemnisation adéquate. En outre, il devrait poursuivre ses efforts visant à former les agents de la police, les membres des forces armées et le personnel pénitentiaire à respecter scrupuleusement les normes internationales applicables. L’État partie devrait poursuivre activement l’objectif de la création d’un organisme civil indépendant qui serait chargé d’enquêter sur les plaintes visant des responsables de l’application des lois.

11.Le Comité note avec préoccupation que les dispositions du Code civil établissent une discrimination à l’égard des femmes en ce qui concerne les motifs de divorce (art. 3 et 26).

L’État partie devrait modifier les dispositions du Code civil régissant les motifs de divorce pour les rendre conformes aux articles 3 et 26 du Pacte.

12.Malgré l’adoption prochaine du projet de loi sur la prévention des violences familiales et les mesures prises par l’État partie, notamment la campagne des «rubans blancs», le Comité est préoccupé par les informations faisant état de ce que les violences familiales sont courantes, et par l’absence de dispositions juridiques portant spécifiquement sur les violences familiales, notamment le viol conjugal, dans la législation de l’État partie (art. 3, 7 et 26).

L’État partie devrait adopter la politique et le cadre juridique nécessaires pour lutter efficacement contre les violences familiales. Il devrait mettre en place des lignes téléphoniques spéciales pour les cas d’urgence et des centres d’aide aux victimes offrant une assistance médicale, psychologique et juridique, notamment des foyers d’accueil. Les responsables de l’application des lois, en particulier les agents de la force publique, devraient également recevoir une formation appropriée pour traiter les cas de violences familiales, et les efforts déployés pour sensibiliser largement la population devraient être poursuivis.

13.Malgré les assurances données par la délégation, le Comité est préoccupé par le fait que le décret d’urgence sur l’administration publique en régime d’état d’urgence, qui a pris effet immédiat le 16 juillet 2005, et sur la base duquel l’état d’urgence a été promulgué dans trois provinces méridionales, n’indique pas expressément, pas plus qu’il ne limite comme il convient, les dérogations aux droits protégés par le Pacte susceptibles de s’appliquer dans un état d’urgence, et ne garantit pas la pleine application de l’article 4 du Pacte. Il est particulièrement préoccupé de ce que le décret octroie aux fonctionnaires chargés de faire respecter l’état d’urgence l’immunité de toutes poursuites légales et disciplinaires, ce qui aggrave le problème de l’impunité. La détention sans garanties extérieures devrait être interdite au‑delà de 48 heures (art. 4).

L’État partie devrait veiller à ce que toutes les conditions prévues à l’article 4 du Pacte soient satisfaites, en droit et dans la pratique, notamment l’interdiction de déroger aux droits énoncés au paragraphe 2. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale n o  29 et sur l’obligation qui est faite à l’État partie d’informer les autres États parties conformément au paragraphe 3.

14.Le Comité note avec préoccupation que la peine de mort n’est pas restreinte aux seuls «crimes les plus graves» au sens du paragraphe 2 de l’article 6, et peut être encourue pour trafic de drogues. Le Comité regrette que, bien que le Code pénal ait été modifié en 2003 de façon à interdire la peine de mort pour les personnes âgées de moins de 18 ans, l’État partie n’ait pas encore retiré la déclaration qu’il a faite au titre du paragraphe 5 de l’article 6 du Pacte.

L’État partie devrait réexaminer l’applicabilité de la peine de mort dans les affaires de trafic de drogues, de façon à réduire le nombre de catégories de crimes passibles de cette peine. L’État partie devrait également envisager de retirer la déclaration qu’il a faite au titre du paragraphe 5 de l’article 6 du Pacte.

15.Le Comité est préoccupé par les allégations persistantes d’usage excessif de la force par les responsables de l’application des lois, ainsi que de mauvais traitements au cours de l’arrestation et de la garde à vue. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état d’une généralisation de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés aux détenus par les responsables de l’application des lois, notamment dans les lieux de détention clandestins. Il est aussi préoccupé par le fait que peu d’enquêtes relatives à des cas de mauvais traitements ont débouché sur des poursuites, et moins encore à des condamnations, et que les victimes n’ont pas été indemnisées comme il convient (art. 2, 7 et 9).

L’État partie devrait garantir dans la pratique le libre accès à un conseil et à un médecin immédiatement après l’arrestation et pendant la détention. La personne interpellée devrait avoir la possibilité d’informer immédiatement sa famille de son arrestation et du lieu où elle est retenue. Un examen médical devrait être prévu au début et à la fin de la période de détention. Des dispositions devraient également être prises pour offrir aux détenus des recours rapides et utiles leur permettant de contester la légalité de leur détention. Toute personne arrêtée ou détenue du chef d’une infraction pénale doit être traduite dans le plus court délai devant un juge. L’État partie doit veiller à ce que tous les cas de torture, de mauvais traitements, d’usage disproportionné de la force imputés à des membres de la police et les cas de décès en garde à vue fassent rapidement l’objet d’une enquête approfondie, que les responsables de ces actes soient traduits en justice et que les victimes ou leur famille soient indemnisées.

16.Le Comité est préoccupé par le surpeuplement des lieux de détention et par les conditions qui y règnent, en particulier en ce qui concerne les équipements sanitaires et l’accès aux soins de santé et à une alimentation suffisante. Il constate aussi avec préoccupation que le droit des détenus de communiquer avec leur conseil et avec les membres de leur famille n’est pas toujours respecté dans la pratique. Le Comité estime que la durée de la détention d’une personne avant qu’elle ne soit déférée devant un juge est incompatible avec les prescriptions du Pacte. Il déplore la persistance de la pratique consistant à entraver les condamnés à mort et les cas d’emprisonnement cellulaire prolongé qui ont été signalés. Il est par ailleurs fréquent que les personnes détenues avant jugement ne soient pas séparées des condamnés. Le Comité est également préoccupé par le nombre élevé de femmes dans la population carcérale et par le fait que les détenus mineurs partagent souvent la cellule d’adultes (art. 7, 10 et 24).

L’État partie devrait, à titre prioritaire, mettre les conditions d’incarcération en conformité avec l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus. Il devrait garantir le droit des détenus d’être traités avec humanité et dans le respect de leur dignité, en particulier leur droit de vivre dans des lieux salubres et d’avoir accès aux soins de santé et à une nourriture suffisante. La détention devrait n’être envisagée qu’en dernier recours et il conviendrait de prévoir des mesures substitutives. Il devrait être mis fin sans délai à l’usage des entraves et à la pratique de l’emprisonnement cellulaire prolongé. Il faudrait aussi assurer une protection particulière aux mineurs, et notamment veiller à ce qu’ils soient systématiquement séparés des adultes.

17.Tout en prenant note des assurances données par la délégation selon lesquelles la Commission provinciale des admissions est en train d’être mise en place, le Comité s’inquiète de l’absence d’une procédure systématique de décision concernant les demandes d’asile. Il note aussi avec préoccupation que le plan de réinstallation de mars 2005 fait obligation à tous les réfugiés du Myanmar présents sur le territoire de l’État partie de rejoindre les camps situés le long de la frontière avec le Myanmar, faute de quoi ils seraient considérés comme des immigrés en situation irrégulière et renvoyés de force dans leur pays. Le Comité est également préoccupé par la situation déplorable des Hmongs de la province de Petchabun − en majeure partie des femmes et des enfants −, que l’État partie ne considère pas comme des réfugiés et qui sont menacés d’expulsion imminente vers un pays où ils craignent d’être persécutés. Enfin, le Comité constate avec préoccupation que rien n’est prévu dans les procédures actuelles de filtrage et d’expulsion pour garantir le respect des droits protégés par le Pacte (art. 7 et 13).

L’État partie devrait mettre en place un mécanisme approprié pour interdire l’extradition, l’expulsion, le renvoi ou le retour forcé d’étrangers dans un pays où ils risqueraient d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements, y compris garantir le droit de recours suspensif. L’État partie devrait observer l’obligation qui lui incombe de respecter le principe du non ‑refoulement, principe fondamental du droit international.

18.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’actes d’intimidation et de harcèlement commis à l’égard de journalistes et de membres des médias nationaux ou étrangers, ainsi que des procès en diffamation qui leur sont intentés, dont l’initiative est prise au plus haut niveau politique. Il s’inquiète aussi des incidences du décret d’urgence sur l’administration publique en régime d’état d’urgence, qui restreint fortement la liberté de la presse (art. 19, par. 3).

L’État partie devrait prendre les mesures qui s’imposent pour éviter que ne s’effrite davantage la liberté d’expression, en particulier que des journalistes et des membres des médias ne fassent l’objet de menaces et de harcèlement, et veiller à ce que les affaires de ce genre soient instruites dans les meilleurs délais et à ce que des mesures appropriées soient prises à l’encontre des responsables, quel que soit leur rang ou leur statut.

19.Tout en saluant le désir de l’État partie, d’accepter et de favoriser l’existence d’une société civile dynamique, y compris de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme, le Comité s’inquiète du nombre d’incidents visant des défenseurs des droits de l’homme et des notables locaux, notamment des actes d’intimidation et des agressions verbales et physiques, des disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires (art. 19, 21 et 22).

L’État partie doit prendre des mesures pour mettre fin sans délai au harcèlement et aux agressions dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme et les notables locaux et protéger les intéressés contre de tels actes. Il doit enquêter systématiquement sur tous les cas d’intimidation, de harcèlement et d’agression qui sont signalés et garantir un recours utile aux victimes et à leur famille.

20.Malgré les efforts résolus entrepris par l’État partie pour lutter contre la traite des êtres humains, notamment la création en mars 2005 du Comité national de la prévention et de l’élimination de la traite des êtres humains, et tout en se réjouissant de l’adoption prochaine de la nouvelle loi sur la traite des êtres humains, le Comité demeure préoccupé par le fait que la Thaïlande est un pays d’origine, de transit et de destination important pour la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé. Le Comité s’inquiète aussi de ce que la prostitution enfantine reste très répandue. Il constate avec préoccupation que certaines catégories de population sont particulièrement exposées au risque de vente, de traite et d’exploitation. C’est le cas des enfants des rues, des orphelins, des apatrides, des migrants, des personnes appartenant à des minorités ethniques et des réfugiés/demandeurs d’asile (art. 8 et 24).

L’État partie devrait poursuivre et intensifier son action en vue de traduire en justice et de châtier les personnes qui se livrent à la traite et de protéger comme il convient les droits fondamentaux de tous les témoins et victimes de cette pratique, et en particulier mettre à la disposition des intéressés un lieu où se réfugier et leur donner la possibilité de témoigner. L’État partie devrait adopter sans délai le projet de loi sur l’élimination de la traite des êtres humains.

21.Le Comité est préoccupé par le pourcentage élevé d’enfants, souvent apatrides ou étrangers, qui travaillent dans l’État partie et qui, comme la délégation l’a expliqué, sont souvent victimes de la traite (art. 8 et 24).

L’État partie devrait s’attacher plus vigoureusement à faire appliquer la législation et les politiques existantes visant à lutter contre le travail des enfants. Une protection appropriée doit être assurée aux victimes de la traite. L’État partie devrait faire en sorte par tous les moyens, y compris en prenant des mesures préventives, que les enfants qui travaillent ne le fassent pas dans des conditions qui leur soient néfastes et qu’ils puissent poursuivre leur scolarité. L’État partie devrait faire le nécessaire pour mettre en œuvre toutes les politiques et tous les textes législatifs ayant pour objet d’éliminer le travail des enfants, notamment en organisant des campagnes de sensibilisation et des activités d’éducation du public concernant la protection des droits des enfants.

22.Malgré les mesures correctives prises par l’État partie, et tout particulièrement l’adoption des réglementations de 1992 et de 1996 relatives au registre central d’état civil, en vue de résoudre le problème de l’apatridie des membres de minorités ethniques, dont les tribus montagnardes, le Comité demeure préoccupé par le fait qu’un grand nombre de personnes relevant de la juridiction de l’État partie sont encore apatrides, ce qui entrave leur pleine jouissance des droits consacrés par le Pacte et a des conséquences négatives en ce qui concerne l’exercice du droit au travail et l’accès aux services de base, y compris les soins de santé et l’éducation. Le Comité s’inquiète de ce que le statut d’apatride expose les intéressés à des violations de leurs droits et à l’exploitation. Le Comité constate également avec préoccupation que le taux d’enregistrement des naissances est bas, en particulier pour ce qui est des tribus montagnardes (art. 2 et 24).

L’État partie devrait continuer de mettre en œuvre des mesures en vue de naturaliser les personnes apatrides qui sont nées sur le territoire thaïlandais et relèvent de sa juridiction. Il devrait également revoir sa politique relative à l’enregistrement de la naissance des enfants appartenant à des groupes ethniques minoritaires, y compris les tribus montagnardes, et des enfants demandeurs d’asile/réfugiés, et faire en sorte qu’un certificat de naissance soit délivré à tous les enfants nés sur son territoire.

23.Le Comité s’inquiète de ce que les droits des travailleurs migrants en Thaïlande, que ces travailleurs soient enregistrés ou non, ne sont pas pleinement protégés; il pense en particulier à la liberté de circulation, à l’accès aux services sociaux et à l’éducation, et à l’obtention de documents personnels. Les conditions déplorables dans lesquelles les migrants sont contraints de vivre et de travailler font apparaître de graves violations des articles 8 et 26 du Pacte. Le Comité relève que les membres des minorités ethniques et les migrants en provenance du Myanmar risquent particulièrement d’être exploités par les employeurs et d’être expulsés par les autorités thaïlandaises. Il est également préoccupé par le nombre élevé de travailleurs migrants, principalement en provenance du Myanmar, portés disparus depuis le tsunami de décembre 2004 et par le fait que d’autres, faute de statut juridique, n’ont pas bénéficié de l’aide humanitaire nécessaire (art. 2, 8 et 26).

L’État partie doit prendre des mesures pour assurer la mise en œuvre effective de la législation garantissant les droits des travailleurs migrants. Ces derniers devraient bénéficier d’un accès entier et effectif aux services sociaux et aux établissements scolaires et pouvoir obtenir sans difficulté ni restriction des documents personnels, conformément au principe de non ‑discrimination. L’État partie devrait envisager de mettre en place un mécanisme gouvernemental auquel les travailleurs migrants pourraient s’adresser pour dénoncer les violations de leurs droits commises par leurs employeurs, notamment le retrait illégal de leurs documents personnels. Le Comité recommande également que toutes les victimes du tsunami aient véritablement accès à l’aide humanitaire, sans discrimination, quel que soit leur statut juridique.

24.Le Comité exprime sa préoccupation quant à la discrimination structurelle exercée par l’État partie à l’égard des communautés minoritaires, notamment les tribus montagnardes, en particulier s’agissant de la citoyenneté, des droits fonciers, de la liberté de circulation et de la protection du mode de vie. Il note avec inquiétude la façon dont les responsables de l’application des lois traitent les membres des tribus montagnardes, évoquant en particulier l’expulsion forcée et la réinstallation dont ils ont fait l’objet dans le cadre du Plan directeur de 1992 relatif au développement communautaire, à l’environnement et à la lutte contre les cultures de plantes servant à la fabrication de stupéfiants dans les zones montagneuses, et s’inquiète des informations faisant état d’exécutions extrajudiciaires, d’actes de harcèlement et de la confiscation de biens dans le cadre de la «guerre contre la drogue». Le Comité est également préoccupé par la construction du gazoduc Thaïlande‑Malaisie et par l’exécution d’autres projets de développement sans guère de consultation préalable des communautés concernées. Il s’inquiète aussi de la violence avec laquelle les membres des forces de l’ordre répriment les manifestations pacifiques, en violation des articles 7, 19, 21 et 27 du Pacte (art. 2, 7, 19, 21 et 27).

L’État partie devrait garantir aux personnes appartenant à des minorités le plein exercice des droits consacrés par le Pacte, en particulier en ce qui concerne l’utilisation des terres et des ressources naturelles, en mettant en place des consultations effectives avec les représentants des communautés locales. L’État partie devrait respecter les droits des personnes appartenant à des minorités de jouir de leur propre culture, de professer et de pratiquer leur propre religion, et d’utiliser entre eux leur propre langue.

D. Diffusion d’informations sur le Pacte (art. 2)

25.Le deuxième rapport périodique devrait être établi conformément aux directives du Comité pour l’établissement des rapports et présenté d’ici au 1er août 2009. L’État partie devrait veiller tout particulièrement à fournir des renseignements concrets sur l’application des normes juridiques en vigueur dans le pays. Le Comité demande que le texte des présentes observations finales soit publié et largement diffusé dans le pays.

26.Conformément au paragraphe 5 de l’article 70 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait fournir, dans un délai d’un an, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 13, 15 et 21. Le Comité invite l’État partie à lui communiquer dans son prochain rapport des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations formulées et sur l’application du Pacte dans son ensemble.

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