Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/CO/81/NAM13 août 2004

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-unième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Namibie

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le rapport initial de la Namibie (CCPR/C/NAM/2003/1) à ses 2200e, 2201e et 2202e séances (CCPR/C/SR.2200, CCPR/C/SR.2201 et CCPR/C/SR.2202), tenues les 14 et 15 juillet 2004. Il a adopté l’observation finale ci-après à sa 2216e séance (CCPR/C/SR.2216), tenue le 26 juillet 2004.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Namibie, tout en regrettant qu’il ait été présenté avec plus de huit ans de retard. Le Comité invite l’État partie à suivre les directives du Comité pour l’établissement de son prochain rapport et à inclure davantage de renseignements concrets sur la mise en œuvre du Pacte.

B. Aspects positifs

3.Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie depuis son accession à l’indépendance, en 1990, pour mettre en place des institutions démocratiques et les renforcer. Le Comité félicite l’État partie de l’esprit de coopération dont il a fait preuve à cette fin à l’égard des organisations non‑gouvernementales et des organismes internationaux.

4.Le Comité félicite l’État partie d’avoir aboli la peine de mort au niveau de la Constitution, pour tous les crimes (art. 6 du Pacte).

5.Le Comité se félicite que, en vertu de la Constitution, les règles générales du droit international et les accords internationaux liant l’État partie fassent partie du droit interne, et il accueille avec satisfaction les renseignements qui lui ont été communiqués sur l’application faite récemment par les tribunaux de l’État partie de dispositions du Pacte (art. 2).

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité s’inquiète de ce que l’article 144 de la Constitution risque d’avoir des effets négatifs sur la pleine application du Pacte dans l’ordre interne (art. 2).

L’État partie devrait revoir le statut du Pacte par rapport à la législation nationale pour garantir la pleine application des droits qu’il consacre.

7.Le Comité se félicite de la mise en place de l’institution du Médiateur. Il fait observer que la législation relative au Médiateur demande à être renforcée (art. 2).

L’État partie devrait étoffer les dispositions législatives relatives au mandat de l’institution du Médiateur et lui allouer davantage de ressources pour qu’il puisse exercer efficacement son mandat.

8.Le Comité se félicite des indications données par l’État partie sur ce qui a été fait pour donner effet aux constatations adoptées par le Comité en vertu du Protocole facultatif à propos des affaires no 760/1997 (Diergaardt et consorts c. Namibie) et no 919/2000 (Müller et Engelhard c. Namibie). Il note toutefois avec préoccupation qu’il n’existe pas de mécanisme chargé de donner effet aux constatations adoptées par le Comité en vertu du Protocole facultatif (art. 2).

L’État partie devrait mettre en place un mécanisme chargé de donner effet aux constatations adoptées par le Comité en vertu du Protocole facultatif.

9.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi sur l’égalité des personnes mariées, qui met fin à la discrimination entre conjoints. Il s’inquiète néanmoins du nombre élevé des mariages coutumiers qui ne sont pas toujours enregistrés. Il est préoccupé par le fait que les femmes et les enfants sont en conséquence privés de certains droits, en particulier les droits de succession et les droits de propriété foncière (art. 3, 23 et 26).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour encourager l’enregistrement des mariages coutumiers et accorder aux personnes mariées selon le régime coutumier et dont le mariage a été enregistré, et aux enfants issus de mariages coutumiers enregistrés, les mêmes droits qu’en cas de mariages régis par le droit civil. Ces considérations devraient être prises en compte dans le projet de loi sur l’héritage et la succession et le projet de loi sur la reconnaissance des mariages coutumiers.

10.Le Comité se félicite des efforts faits par l’État partie pour lutter contre le VIH/sida et développer l’éducation sexuelle à cet effet. Cependant, ces efforts ne sont pas à la mesure du problème (art. 6).

L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour protéger la population du VIH/sida. Il devrait adopter des mesures complètes en vue d’inciter les malades à suivre un traitement antirétroviral approprié et de donner à un plus grand nombre d’entre eux les moyens de le faire.

11.Le Comité note avec préoccupation que le délit de torture n’est pas inscrit dans le droit pénal national et que la torture est toujours considérée comme un délit de droit commun au titre de voies de fait ou de crimen injuria (art. 7).

L’État partie devrait, en priorité, criminaliser la torture.

12.Le Comité prend note de la diminution du nombre de violations des droits de l’homme signalées concernant le nord du pays, mais déplore que rien n’ait été fait pour procéder à des enquêtes complètes en vue de déterminer les responsabilités en cas d’allégation de torture, d’exécution extrajudiciaire et de disparition (art. 6, 7 et 9).

L’État partie devrait mettre en place un mécanisme efficace chargé d’enquêter sur ces actes et d’en punir les auteurs.

13.Le Comité félicite l’État partie pour avoir augmenté le nombre de magistrats sur tout le territoire afin que le délai de 48 heures prévu pour amener le prévenu devant le juge puisse être strictement respecté. Il est néanmoins préoccupé de voir que des cas de détention prolongée, avant jugement, incompatibles avec l’article 9 du Pacte, risquent de continuer à se produire.

L’État partie devrait continuer à s’efforcer de garantir le respect du délai de 48 heures et suivre de près les cas dans lesquels cette règle n’est pas respectée.

14.Le Comité note que des magistrats sont désormais chargés de procéder à des inspections dans des centres de détention en toute indépendance, mais il souligne à nouveau la nécessité de créer un organe externe indépendant chargé de visiter les centres de détention, de recueillir les plaintes concernant des faits survenus dans ces centres et d’ouvrir une enquête en conséquence (art. 9 et 10). Il est nécessaire par ailleurs d’instituer un mécanisme fort et indépendant chargé d’enquêter sur les allégations de brutalités commises par la police en général.

L’État partie devrait envisager de créer un organe indépendant appelé à visiter tous les lieux de détention et à procéder à des enquêtes sur les violations des droits et violences commises dans les prisons et les lieux de détention, et à enquêter sur les actes de brutalité de la police en général.

15.Le Comité prend note des informations selon lesquelles un certain nombre de journalistes et membres des médias auraient fait l’objet de harcèlement et les autorités compétentes n’auraient pas procédé rapidement à une enquête complète (art. 18 et 19).

L’État partie devrait prendre les mesures qui s’imposent pour éviter que des journalistes et des membres des médias ne fassent l’objet de menaces et de harcèlement et veiller à ce que ce genre d’affaires soient instruites dans les meilleurs délais et avec toute la minutie voulue et que les mesures qui s’imposent soient prises à l’encontre des responsables.

16.Le Comité se félicite de la décision rendue par la Cour suprême dans l’affaire The State c. John Sikundeka Samboma and others (le procès pour haute trahison de Caprivi), qui a réaffirmé le droit à une assistance juridique des personnes qui vivent en Namibie. Il reste néanmoins préoccupé par le fait que l’accès à ce droit n’est pas dûment garanti dans la pratique (art. 14).

L’État partie devrait prendre des mesures pour renforcer la mise en œuvre du programme d’assistance juridique et veiller à ce qu’une assistance juridique soit offerte aux personnes qui remplissent les conditions requises, notamment en augmentant le montant des crédits prévus à cet effet.

17.Le Comité s’inquiète de voir que l’État partie ne s’acquitte pas comme il devrait de l’obligation qui lui incombe de garantir le droit d’être jugé sans retard excessif, consacré à l’article 14, paragraphe 3 c) du Pacte, étant donné en particulier le nombre d’affaires pendantes.

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures en vue de garantir que les procès seront instruits dans des délais raisonnables. Des mesures spéciales devraient être prises face à l’arriéré judiciaire, notamment en augmentant comme il convient le nombre des juges.

18.Le Comité s’inquiète de voir qu’il n’existe ni mécanisme ni procédure concernant la destitution des juges pour faute (art. 14).

L’État partie devrait mettre en place un mécanisme efficace et indépendant et prévoir une procédure appropriée concernant la mise en accusation et la destitution des juges déclarés coupables de faute.

19.Le Comité prend acte du projet de loi relatif au statut des enfants, qui a pour objet de reconnaître aux enfants nés hors mariage les mêmes droits qu’aux enfants légitimes. Il constate néanmoins avec préoccupation que les enfants ne reçoivent pas la protection spéciale qui leur est due dans le domaine de l’administration de la justice, en particulier la justice pénale (art. 10, 14 et 24).

L’État partie devrait prendre des mesures afin de mettre en place un système approprié de justice pénale des mineurs et de faire en sorte que les mineurs soient traités d’une manière adaptée à leur âge.

20.Le Comité félicite l’État partie d’avoir adopté la loi relative à la violence familiale qui érige en délit la violence familiale, mais déplore que, alors que la violence familiale est très répandue, 62 personnes à peine aient été poursuivies jusqu’ici et qu’aucune victime n’ait obtenu réparation (art. 23).

L’État partie devrait encourager un recours accru à cette loi, notamment en dispensant une formation aux membres de la police et en les sensibilisant aux besoins des victimes. Il y aurait lieu de créer un plus grand nombre de lieux d’accueil pour les victimes de violence familiale.

21.Le Comité prend note de la raison qui a amené l’État partie à reconnaître une seule langue officielle, mais est préoccupé à l’idée que les personnes qui ne parlent pas la langue officielle risquent de faire l’objet de discrimination au niveau de l’administration des affaires publiques et de l’administration de la justice (art. 25, 26 et 27).

L’État partie devrait prendre des mesures pour veiller, dans la mesure du possible, à ce que les personnes qui ne parlent que des langues non officielles largement utilisées par la population ne se voient pas empêchées d’accéder à la fonction publique. Il devrait prendre des mesures pour protéger l’usage de ces langues.

22.Le Comité relève l’absence de mesures de lutte contre la discrimination en faveur des minorités sexuelles, comme les homosexuels (art. 17 et 26).

L’État partie devrait envisager, lorsqu’il adoptera des lois pour lutter contre la discrimination, de prévoir l’interdiction de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

D. Diffusion d’informations sur le Pacte (art. 2)

23.Le deuxième rapport périodique devrait être établi conformément aux directives du Comité pour l’établissement des rapports (CCPR/C/66/GUI/Rev.1) et présenté d’ici au 1er août 2008. L’État partie devrait veiller tout particulièrement à fournir des renseignements concrets sur l’application des normes juridiques en vigueur dans le pays. Le Comité demande que le texte des présentes observations finales soit publié et largement diffusé dans le pays.

24.Conformément au paragraphe 5 de l’article 70 du règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait fournir dans les 12 prochains mois des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 9 et 11. Le Comité invite l’État partie à lui communiquer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur la suite donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.

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