Pacte international relatif aux droits civilset politiques
Distr.GÉNÉRALE
CCPR/CO/82/MAR/Add.128 février 2005
FRANÇAISOriginal: ANGLAIS
COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE
Commentaires du Gouvernement marocain sur les observations finales du Comité des droits de l’homme
[Original: ARABE]
[Janvier 2005]
Réponse du Ministère de la justice concernant les observations finales formulées par le Comité des droits de l’homme après son examen, le 25 octobre 2004, du cinquième rapport périodique du Maroc sur l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
1. Durée de la garde à vue
Les personnes soupçonnées d’avoir commis certaines infractions sont appelées et entendues par la police. S’il n’existe pas d’éléments indiquant qu’une personne a commis une infraction, elle est libérée sur‑le‑champ. Si le fait dont il s’agit est punissable d’une peine d’emprisonnement et si, pour les nécessités de l’enquête préliminaire, l’officier de police judiciaire a besoin de garder une personne à sa disposition, il peut la placer en garde à vue pour une durée de 48 heures au plus, qui peut être prolongée une fois de 24 heures, après présentation de cette personne au Procureur du Roi. Le Procureur du Roi entend la personne et examine les motifs de la demande de prolongation avant de prendre une décision. L’article 80 du Code de procédure pénale est ainsi conçu:
«En cas de crime ou de délit punissable d’une peine d’emprisonnement, si, pour les nécessités de l’enquête, l’officier de police judiciaire a besoin de garder une personne à sa disposition, il peut placer cette personne en garde à vue pour une durée maximale de 48 heures, avec l’autorisation du parquet. Il doit présenter la personne gardée à vue au Procureur du Roi ou au Procureur général du Roi avant l’expiration de ce délai.
Le Procureur du Roi ou le Procureur général du Roi, après avoir entendu la personne qui lui a été présentée, peut autoriser par écrit la prolongation de la garde à vue, une seule fois pour une durée de 24 heures.
En cas d’atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l’État, la durée de la garde à vue est fixée à 96 heures. Elle peut être renouvelée, une seule fois, sur autorisation écrite du parquet.
À titre exceptionnel, l’autorisation peut être accordée sans que la personne ait été présentée au parquet, par décision écrite et motivée.
Si la prolongation de la garde à vue est autorisée, la personne gardée à vue a le droit de demander un avocat. L’avocat désigné peut communiquer avec elle.
Cet entretien se déroule avec l’autorisation du parquet; il peut avoir lieu dès la première heure de la prolongation de la garde à vue, et n’excède pas 30 minutes. Les entretiens sont surveillés par la police dans des conditions qui garantissent leur confidentialité.
Toutefois si, à cause de la distance, il est difficile d’obtenir l’autorisation du Procureur, la police peut, par exception, autoriser l’avocat à communiquer avec la personne gardée à vue, à condition que le parquet en soit informé dans les meilleurs délais.
L’avocat ne peut faire état d’aucune information obtenue au cours de cet entretien avant la fin de la garde à vue.
Pour les nécessités de l’enquête, un représentant du parquet peut repousser l’entretien entre un client et son avocat, sur la demande de l’officier de police judiciaire, lorsque l’infraction considérée est l’une de celles qui sont visées à l’article 108 du présent Code.
Pendant la durée de la prolongation de la garde à vue, l’avocat autorisé à communiquer avec la personne gardée à vue peut soumettre des pièces ou observations écrites à la police ou au parquet pour qu’elles soient versées au dossier de l’enquête, contre accusé de réception.».
L’article 66 du Code dispose: «La durée de la garde à vue peut être prolongée une fois de 24 heures, avec l’autorisation écrite du parquet.».
Cette durée de la garde à vue prescrite par le Code de procédure pénale est brève, comparée à ce que prévoit la législation d’autres pays, et elle protège la liberté des suspects en leur offrant des garanties juridiques. Si le législateur a fixé à 48 heures la durée de la garde à vue, c’est pour préserver le secret des investigations, empêcher la destruction des preuves et répondre aux besoins de l’enquête concernant certains actes graves.
Pour les actes terroristes, le législateur a prévu une durée de garde à vue relativement longue eu égard à la nature et à la gravité de ces actes, et pour tenir compte des nécessités de l’enquête. L’officier de police judiciaire qui demande la prolongation de la garde à vue doit obtenir l’autorisation écrite du parquet. La prolongation ne peut être accordée automatiquement; la demande est examinée par le juge d’instruction, qui en vérifie les motifs et n’autorise la prolongation que si elle est nécessaire.
2. Le fait que la personne gardée à vue n’a pas accès à un avocat dès le début de la garde à vue
Selon l’article 66 du Code de procédure pénale, toute personne gardée à vue a le droit de demander à s’entretenir avec son avocat. L’avocat désigné a le droit de communiquer avec la personne gardée à vue dès le début de la prolongation de la garde à vue.
L’avocat a une certaine initiative dans ses rapports avec la police: il a le droit de présenter des observations et pièces écrites, contre accusé de réception, pour compléter le rapport de police. Il a aussi le droit de communiquer avec son client.
Si le législateur n’autorise l’avocat à communiquer avec son client qu’après le début de la période de prolongation de la garde à vue, c’est pour préserver le secret de l’enquête, des techniques d’investigation et des preuves requises pour établir les faits.
3. Confiscation des passeports de certains représentants d’organisations non gouvernementales
Ces allégations sont d’ordre général et ne citent aucun cas particulier, ni le nom de personnes dont les passeports auraient été confisqués et qui auraient été ainsi empêchées de prendre part à des conférences internationales sur les droits de l’homme. Il est impossible de fournir des éclaircissements utiles sur des cas non précisés.
4. Application rétroactive de la loi sur la lutte contre le terrorisme
La loi marocaine cherche à promouvoir le développement d’un État de droit, en reconnaissant un certain nombre de principes, notamment les suivants.
Le principe de la présomption d’innocence, la protection des droits de la défense, le droit à un procès public et équitable mené selon une procédure régulière, le principe selon lequel les parties doivent comparaître et doivent être traitées sur un pied d’égalité s’agissant de l’administration de la preuve, et le principe de la non‑rétroactivité de la loi pénale.
L’article 4 du Code pénal dispose ce qui suit: «Nul ne peut être jugé coupable d’un fait qui ne constituait pas une infraction selon la loi en vigueur à la date à laquelle il a été commis.». La Constitution marocaine reconnaît le même principe, en disposant dans son article 4: «La loi est l’expression suprême de la volonté de la nation. Tous sont tenus de s’y soumettre. La loi ne peut avoir d’effet rétroactif.».
Ce principe est l’un des principes généraux auxquels il ne peut être dérogé, si ce n’est en vertu d’une disposition expresse de la loi. La loi no 03‑03 du 28 mai 2003 sur la lutte contre le terrorisme ne contient aucune disposition mentionnant son caractère rétroactif. Aucune juridiction ne peut enfreindre les dispositions légales précitées, et tout jugement qui les enfreindrait sera considéré comme nul.
Il convient de faire observer que la question soulevée par le Comité des droits de l’homme au sujet de la rétroactivité de la loi sur la lutte contre le terrorisme est une question générale, et qu’il n’est pas fait mention de cas particuliers dans lesquels la loi aurait été appliquée rétroactivement.
5. Harcèlement de journalistes dans l’exercice de leur profession
La liberté d’expression est accordée à tous les citoyens en vertu de la Constitution, et elle est considérée comme l’un des plus nobles principes du droit. Elle comprend la reconnaissance du droit de toute la presse écrite et audiovisuelle à la liberté d’expression et d’opinion. À cet égard, le Code de la presse régit certains droits relatifs à la liberté d’expression en vertu de la loi promulguée par décret du 15 novembre 1958, modifiée et complétée le 10 avril 1973, et à nouveau modifiée le 3 octobre 2002. Le Code a été aligné sur les conventions internationales, et il traduit la volonté des autorités politiques de garantir ce droit, de consolider le choix démocratique et d’adopter des lois qui permettent aux individus et aux groupes d’exercer leurs droits. Si le droit à la liberté d’expression est reconnu, il n’en est pas moins soumis aux dispositions légales qui définissent le cadre dans lequel il s’exerce.
Les dispositions de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui sont reprises dans d’autres conventions internationales, sont ainsi conçues:
«1.Nul ne peut être inquiété pour ses opinions.
2.Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
3.L’exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires:
a)Au respect des droits ou de la réputation d’autrui;
b)À la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.».
Alors qu’il est dit dans le rapport que certains journalistes ont été harcelés dans l’exercice de leur profession, le fait qu’il n’y a pas eu de harcèlement de journalistes ou de membres des médias est confirmé par les statistiques relatives aux poursuites engagées contre des journalistes en 2004. Ces chiffres montrent clairement que le ministère public n’a engagé de poursuites que dans un seul cas, contre 34 cas au total dans lesquels les poursuites ont été engagées sur la base d’une plainte directe ou d’une plainte déposée par la partie lésée auprès du ministère public. Celui‑ci agit généralement conformément au principe de l’opportunité des poursuites, étant donné que sont généralement en cause dans ces affaires des questions qui touchent à la liberté d’opinion et d’expression. Le ministère public tend à classer sans suite les plaintes déposées contre des journalistes lorsqu’il ne paraît pas y avoir atteinte au Code de la presse.
-----