Nations Unies

CCPR/C/RUS/CO/8

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

1er décembre 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le huitième rapport périodique de la Fédération de Russie *

1.Le Comité a examiné le huitième rapport périodique de la Fédération de Russie à sa 3934e séance, le 20 octobre 2022. À ses 3947e et 3948e séances, les 31 octobre et 1er novembre 2022, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite que l’État partie ait soumis son rapport en temps voulu et accueille avec satisfaction ses réponses à la liste de points. Il regrette néanmoins que l’État partie n’ait pas participé au dialogue constructif qui s’est tenu à sa 136e session alors qu’il avait pourtant, à sa demande, différé à deux reprises l’examen du rapport, qui devait initialement avoir lieu à la 134e session (mars 2022) puis a été reporté à la 135e session (juillet 2022). Le Comité rappelle à l’État partie que l’obligation de présenter des rapports énoncée à l’article 40 du Pacte implique en principe que ses représentants assistent aux séances auxquelles les rapports qui les concernent sont examinés. Il insiste sur le fait que la participation pleine et entière des États parties au dialogue avec les organes conventionnels des droits de l’homme est un élément fondamental de la procédure d’examen périodique.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie :

a)De la stratégie nationale d’action en faveur des femmes pour la période 2017‑2022 ;

b)Des mesures expressément destinées à atténuer les risques que la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) représente pour la protection des migrants et des demandeurs d’asile, notamment les mesures devant permettre aux étrangers présents illégalement sur le territoire russe de régulariser leur situation d’ici au 30 septembre 2021, et du maintien jusqu’au 30 septembre 2021 du moratoire général sur les décisions d’éloignement.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et juridique de la mise en œuvre du Pacte

4.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas mis en œuvre les constatations adoptées au titre du Protocole facultatif, ce qui est d’autant plus fâcheux compte tenu de l’adoption de l’arrêt no 1248-O de la Cour constitutionnelle, en date du 28 juin 2012, et de la loi no 885214-7 portant modification de la Constitution, et n’est pas doté d’un mécanisme chargé de donner suite à ses observations finales et à ses constatations. Il regrette de n’avoir pas reçu d’informations détaillées sur la formation aux droits de l’homme dispensée aux magistrats du siège et du parquet ni sur les décisions dans lesquelles les tribunaux de l’État partie ont invoqué le Pacte, le cas échéant (art. 2).

5. L’État partie devrait :

a) Mettre la législation nationale en pleine conformité avec les dispositions du Pacte et offrir un recours utile aux personnes qui cherchent à obtenir justice en cas de violation  ;

b) Faire mieux connaître le Pacte auprès des juges, des avocats et des procureurs afin que ses dispositions soient invoquées devant les tribunaux nationaux et prises en compte dans les décisions judiciaires  ;

c) Revoir sa position dans l’objectif de s’acquitter de bonne foi des obligations mises à sa charge par le Protocole facultatif et appliquer rapidement et pleinement toutes les constatations adoptées par le Comité de sorte à garantir le droit des victimes à un recours utile en cas de violation du Pacte, comme prévu à l’article 2 (par. 3) du Pacte  ;

d) Établir un véritable mécanisme national chargé de l’application et du suivi des recommandations contenues dans les constatations et les observations finales du Comité et de l’établissement des rapports pertinents

Protection des droits garantis par le Pacte en période de conflit armé

6.Le Comité est extrêmement préoccupé par le conflit armé dont l’Ukraine est actuellement le théâtre, conflit dont l’État partie est à l’origine et qui a fait de très nombreux morts, et s’inquiète, notamment, du recours excessif à la force et des meurtres, exécutions extrajudiciaires et sommaires, disparitions forcées, actes de torture, viols et autres violences sexuelles, détentions arbitraires, enrôlements forcés de civils et déplacements massifs de population dont l’État partie serait responsable, notamment dans les zones où il exerce un contrôle effectif. Il est en outre préoccupé par l’absence d’enquêtes sur les allégations de violations du Pacte commises pendant les conflits armés dans lesquels l’État partie a été impliqué, notamment les conflits qui ont déchiré la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud, la Géorgie et l’Ukraine (art. 2, 6 et 7).

7.Rappelant ses observations générales n o 31 (2004), sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, et n o 36 (2018), sur le droit à la vie, le Comité réaffirme et souligne que les dispositions du Pacte s’appliquent à l’égard de tout comportement des autorités ou agents de l’État partie qui empêche les personnes relevant de la juridiction de celui-ci d’exercer pleinement les droits consacrés par le Pacte et demande instamment à la Fédération de Russie de s’employer immédiatement :  

a) À faire tout le nécessaire pour s’acquitter pleinement de son obligation de protéger le droit à la vie, y compris en période de conflit armé  ;

b) À garantir à toutes les personnes relevant de sa juridiction le plein respect de tous les autres droits garantis par le Pacte, y compris face aux actes perpétrés par ses agents ou par d’autres acteurs agissant pour son compte dans les zones où il exerce un contrôle effectif  ;

c) Veiller à ce que les violations des droits de l’homme commises par ses agents à l’égard de personnes relevant de sa juridiction, notamment dans les zones où il exerce un contrôle effectif, fassent l’objet d’une enquête approfondies, indépendante et impartiale, poursuivre les auteurs et, s’ils sont reconnus coupables, les condamner une peine proportionnée à la gravité des actes commis, et offrir aux victimes un recours utile.

Établissement des responsabilités pour les violations des droits de l’homme qui seraient commises dans le district fédéral du Caucase du Nord

8.Le Comité est vivement préoccupé par la perpétration de graves violations des droits de l’homme, notamment des enlèvements, des détentions arbitraires, des disparitions forcées et des actes de torture et autres mauvais traitements ; le harcèlement permanent des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, parmi lesquels Marina Dubrovina, et des opposants politiques et des journalistes, parmi lesquels Elena Milashina, voire l’assassinat de certains d’entre eux ; la persécution sans relâche des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, parmi lesquels Salekh Magamedov et Ismail Isaev ; et les peines collectives imposées notamment dans le district fédéral du Caucase du Nord aux proches et aux soutiens présumés de personnes suspectées de terrorisme, aux défenseurs et défenseuses des droits de l’homme et aux journalistes. Il constate de surcroît avec inquiétude que les violations qui ont été et continuent d’être commises, y compris le meurtre de la défenseuse des droits de l’homme Natalia Estemirova, ne font pas l’objet d’enquêtes et les victimes et leur famille ne bénéficient d’aucun soutien, ce qui favorise l’impunité ; que des personnes seraient enrôlées de force dans les troupes envoyées faire la guerre en Ukraine ; et que les protestations pacifiques organisées dans le district fédéral du Caucase du Nord contre ces enrôlements seraient violemment réprimées (art. 2, 6, 7, 9 et 15 à 17).

9. L’État partie devrait  :

a) Veiller à ce que toutes les violations des droits de l’homme fassent l’objet d’une enquête approfondie, indépendante et impartiale, à ce que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés une peine proportionnée à la gravité des actes commis, et à ce que les victimes et leur famille disposent d’un recours utile, conformément à l’article 2 (par. 3) du Pacte  ;

b) Prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les violations des droits de l’homme et mettre immédiatement fin à la pratique des peines collectives, imposées notamment dans le district fédéral du Caucase du Nord aux proches de terroristes présumés et aux personnes suspectées de soutenir des terroristes présumés, aux défenseurs et défenseuses des droits de l’homme et aux journalistes.

Racisme, xénophobie et profilage racial

10.Le Comité est préoccupé par :

a)Les discours de haine que tiennent des personnalités politiques et des chefs religieux, en particulier pendant les campagnes électorales, et qui visent surtout les migrants, les réfugiés, les Roms et les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres ;

b)Les allégations selon lesquelles les Roms et les personnes originaires du Caucase, d’Afrique et d’Asie seraient soumis au profilage racial, qui serait devenu encore plus fréquent pendant la pandémie de COVID-19 et serait aggravé par l’utilisation de nouvelles technologies (art. 20 et 26).

11. L’État partie devrait lutter plus activement encore contre tous les actes de racisme et de xénophobie et le profilage racial, notamment :

a) Mener des activités de sensibilisation visant à promouvoir le respect des droits de l’homme et la tolérance à l’égard de la diversité et à éliminer les préjugés stéréotypés  ;

b) Faire en sorte que la loi définisse clairement le profilage racial et l’interdise, dispenser aux services de police et de justice des formations obligatoires sur l’interdiction de cette pratique et veiller à ce que toute nouvelle technologie liée à la sécurité soit utilisée dans le respect des dispositions du Pacte.

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

12.Le Comité réaffirme qu’il est vivement préoccupé par la stigmatisation et la discrimination institutionnalisées dont les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres sont victimes dans l’État partie, notamment en raison de l’adoption de la loi de 2013 interdisant la diffusion auprès des mineurs de « propagande » sur les relations sexuelles non traditionnelles et des modifications que le Parlement y a apportés à l’issue d’un vote en première lecture pour interdire le « déni des valeurs familiales » et la « promotion » des orientations sexuelles non traditionnelles auprès des personnes de tous âges. Il constate avec inquiétude que le Code pénal ne reconnaît pas les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres comme une catégorie sociale particulière aux fins de la détermination des circonstances aggravantes d’une infraction et que ces personnes ne bénéficient donc pas d’une protection adéquate contre la violence et les agressions. Il constate en outre que les organisations de lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres et leurs membres sont constamment harcelés, sont soumis à des restrictions excessives de leur droit de réunion pacifique et ne peuvent plus mener leurs activités (art. 2, 7, 9, 17, 19, 21 et 26).

13. L’État partie devrait  :

a) Prendre de véritables mesures pour lutter contre toutes les formes de stigmatisation sociale, de harcèlement, de discours de haine, de discrimination et de violence fondés sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, notamment former comme il se doit les membres des services de police et les magistrats du siège et du parquet, modifier le Code pénal de sorte que les lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres soient reconnus comme une catégorie particulière aux fins de la détermination des circonstances aggravantes d’une infraction et sensibiliser le public pour promouvoir le respect de la diversité  ;

b) Enquêter sur les cas de discrimination et de violence à l’égard des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, poursuivre les auteurs et condamner les coupables à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes, et offrir aux victimes un recours utile, comme prévu à l’article 2 (par. 3) du Pacte  ;

c) Abroger la loi de 2013 interdisant la diffusion auprès des mineurs de «  propagande  » sur les relations sexuelles non traditionnelles ainsi que toute autre loi stigmatisante ou discriminatoire à l’égard des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres  ;

d) Garantir aux lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres le plein exercice des droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique et d’association.

Violence familiale

14.Le Comité constate avec préoccupation que l’adoption de la loi fédérale interdisant la violence familiale a pris du retard. En outre, il est préoccupé par les informations selon lesquelles la violence familiale a augmenté pendant la pandémie de COVID-19, les victimes n’ont pas accès à des services adéquats ni à des refuges et font face à des difficultés considérables lorsqu’elles souhaitent déposer plainte et la justice est réticente à poursuivre les auteurs (art. 2, 3, 7, 24 et 26).

15. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour prévenir et combattre la violence familiale, notamment  :

a) Se doter d’une législation fédérale interdisant expressément la violence familiale  ;

b) Établir une procédure de plainte accessible aux victimes, enquêter sur tous les cas de violence familiale, poursuivre les auteurs et condamner les coupables à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes  ;

c) Offrir aux victimes un recours utile et veiller à ce qu’elles aient accès à une protection, à des services de soutien et à des refuges  ;

d) Améliorer la formation sur la violence domestique dispensée aux agents publics concernés, notamment les policiers, les juges, les avocats et les procureurs.

Violence sexuelle et pratiques traditionnelles préjudiciables

16.Le Comité constate avec inquiétude que le viol conjugal n’est pas érigé en infraction et que le Code pénal ne fait pas de l’existence d’une relation conjugale entre l’auteur et la victime une circonstance aggravante des violences sexuelles. Il est en outre préoccupé par les rapports faisant état de mutilations génitales féminines et de « crimes d’honneur » commis dans le district fédéral du Caucase du Nord et par le manque d’informations sur les mesures prises par l’État partie pour réprimer ces crimes, notamment sur les enquêtes menées et les poursuites engagées pendant la période considérée (art. 2, 3, 6 et 7).

17. L’État partie devrait  :

a) Prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la violence sexuelle et les pratiques traditionnelles préjudiciables, notamment incriminer le viol conjugal et les mutilations génitales féminines et les inscrire comme violences sexuelles aggravées dans le Code pénal  ;

b) Enquêter sur tous les cas de violence sexuelle et de pratiques traditionnelles préjudiciables, poursuivre les auteurs et condamner les coupables à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes, et offrir aux victimes un recours utile, comme prévu à l’article 2 (par. 3) du Pacte  ;

c) Sensibiliser la population concernée et le public en général aux conséquences néfastes des pratiques traditionnelles préjudiciables et de la violence à l’égard des femmes.

Mesures de lutte contre le terrorisme

18.Le Comité est préoccupé par le fait que la définition du terrorisme telle qu’elle figure dans la loi antiterroriste de 2016 est ambiguë, que l’infraction d’apologie publique du terrorisme visée à l’article 205.2 du Code pénal n’est pas non plus clairement définie et serait utilisée comme prétexte pour s’en prendre aux opposants politiques, à des journalistes, comme Svetlana Prokopyeva, et aux personnes qui critiquent le Gouvernement, et que des membres de groupes considérés comme des organisations terroristes seraient soumis à la détention au secret et à la torture et à d’autres mauvais traitements (art. 2, 7, 9, 10, 14 et 17).

19. Le Comité recommande de nouveau que l’État partie fasse tout le nécessaire pour que la législation antiterroriste et l’application de cette législation soient pleinement conformes aux obligations mises à sa charge par le Pacte .

Torture et mauvais traitements

20.Le Comité est profondément préoccupé par les rapports faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements commis dans l’État partie et par le fait que la situation est encore exacerbée par l’absence d’enquêtes effectives sur les allégations de torture et les représailles dirigées contre les plaignants, le manque de statistiques ventilées dignes de foi et la non-reconnaissance de la torture comme infraction à part entière dans la législation de l’État partie. Il est préoccupé également par les informations selon lesquelles, au mépris de la loi, des détenus sont utilisés pour faire régner l’ordre dans les établissements pénitentiaires et se livrent à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements sur des codétenus, ainsi que par les renseignements qui indiquent que les établissements pénitentiaires et les autres lieux de privation de liberté situés dans l’État partie et dans les territoires où l’État partie exerce un contrôle effectif incarcèrent les détenus dans des conditions inadéquates et ne sont pas correctement surveillés, ce qui est propice à la torture et aux autres mauvais traitements qui y seraient perpétrés (art. 2, 7, 10 et 14).

21. L’État partie devrait prendre toutes les mesures qui s’imposent pour éliminer la torture et les autres mauvais traitements, notamment  :

a) Ériger la torture en crime, comme l’exigent les normes énoncées dans le Pacte et aux autres normes internationales  ;

b) Garantir la protection des plaignants contre les représailles et mener rapidement de véritables enquêtes transparentes et impartiales sur toutes les allégations de torture et d’autres mauvais traitements ainsi que sur les cas de représailles afin que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes et que les victimes aient accès à un recours utile  ;

c) Améliorer les conditions de détention afin de se conformer au Pacte et à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (règles Nelson Mandela) et soumettre tous les établissements pénitentiaires et autres lieux de privation de liberté à des contrôles indépendants  ;

d) Dispenser aux services de police, aux magistrats du siège et du parquet et au personnel pénitentiaire de véritables formations portant notamment sur les normes internationales, notamment celles énoncées dans le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois, et proposer aux détenus des programmes d’information sur la prévention de la torture et des autres mauvais traitements.

Asile et non-refoulement

22.Le Comité constate avec préoccupation que la procédure d’asile de l’État partie fait problème à divers égards, notamment que les demandeurs d’asile risquent de tomber sous le coup de la loi pénale et d’être placés en détention et refoulés, ; que les conditions d’accueil laissent à désirer et il n’y a pas de procédure particulière pour les personnes ayant des besoins spéciaux ; que seule une faible proportion de non-Ukrainiens se voit accorder l’asile ; et que les personnes ayant obtenu l’asile temporaire ou le statut de réfugié rencontrent des difficultés d’intégration. En outre, il est préoccupé par le fait que le projet de loi fédérale sur l’octroi de l’asile en Fédération de Russie n’a pas encore été adopté et que le décret no 330 est appliqué à l’égard des orphelins ukrainiens et des autres enfants ukrainiens privés de protection parentale (art. 6, 7, 13 et 24).

23. L’État partie devrait  :

a) Accélérer l’adoption du projet de loi sur l’octroi de l’asile en Fédération de Russie en tenant compte des observations du Haut - Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés concernant le respect des normes énoncées dans la Convention relative au statut des réfugiés et des autres normes internationales  ;

b) Garantir l’accès aux procédures formelles de demande d’asile à tous les postes frontière  ;

c) Veiller à ce que le décret n o 330 soit appliqué dans le respect des normes internationales.

Indépendance de la justice

24.Le Comité constate avec une vive préoccupation que le système de sélection, de nomination, de promotion, de sanction et de révocation des juges met sérieusement en doute l’indépendance de la justice dans l’État partie, notamment que le Président a autorité pour nommer les membres de la Cour constitutionnelle et de la Cour suprême ainsi que les présidents et les juges des tribunaux fédéraux et que les modifications apportées à la Constitution en juillet 2020 ont élargi ses pouvoirs de sorte qu’il peut à présent initier la révocation, pour des raisons vagues, des présidents, vice-présidents et juges des cours d’appel et de cassation et la nomination et la révocation du procureur général et de tous les procureurs des entités constitutives de l’État partie. Il craint par ailleurs que la diminution du nombre de juges siégeant à la Cour constitutionnelle, l’autorité conférée au Président d’initier la révocation de ces juges et l’interdiction imposée aux intéressés de publier leurs opinions dissidentes ou d’y faire publiquement référence soient autant de facteurs qui paralysent le fonctionnement de la Cour. Enfin, il est préoccupé par le fait que, selon les enquêtes, le public a une confiance limitée dans le système judiciaire, perçu comme n’étant pas indépendant (art.2 et 14).

25. L’État partie devrait garantir, en droit et en pratique, l’indépendance, l’impartialité et la sécurité pleines et entières des juges et des procureurs et faire en sorte que les décisions des intéressés ne soient pas influencées par des pressions politiques, notamment  :

a) Veiller à ce que les procédures de sélection, de nomination, de promotion, de sanction et de révocation des juges et des procureurs soient conformes aux dispositions du Pacte et aux autres normes internationales pertinentes, notamment celles énoncées dans les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature et les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet  ;

b) Faire en sorte qu’un organe indépendant, tel que le Conseil supérieur de la magistrature, intervienne dans la nomination et la révocation des juges et des procureurs et limiter les pouvoirs considérables accordés au Président à cet égard  ;

c) Garantir l’indépendance de fonctionnement de la Cour constitutionnelle  ;

d) Prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la corruption dans le système judiciaire.

Harcèlement, violences et meurtres dont ont été victimes des personnalités politiques de l’opposition, des journalistes, des avocats et des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme

26.Le Comité est vivement préoccupé par l’augmentation du nombre d’allégations selon lesquelles des personnalités politiques de l’opposition, des journalistes, des avocats et des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme sont victimes de harcèlement et de violences ainsi que par les informations selon lesquelles les autorités ont recouru à des poursuites injustifiées, au diagnostic psychiatrique et à l’utilisation de substances illicites pour faire taire ou discréditer les détracteurs du Gouvernement, notamment le chef de l’opposition Alexeï Navalny, l’homme politique Vladimir Kara-Murza, le journaliste Dmitry Muratov et le dissident Pytor Verzilov − voire, dans le cas des substances illicites, pour les tuer. Il est vivement préoccupé, également, par l’augmentation des cas signalés de violences et de harcèlement à l’égard de journalistes, parmi lesquels Ivan Safronov, et note que les journalistes qui écrivent des articles sur la guerre en Ukraine, comme Maria Ponomarenko, seraient particulièrement visés. Enfin, il s’inquiète des informations selon lesquelles des avocats, entre autres Dmitry Talantov et Ivan Pavlov, font l’objet de procédures disciplinaires injustifiées, voire de poursuites pénales, pour avoir défendu des personnes qui ont manifesté contre la guerre (art. 1, 6, 7, 9, 14 et 19).

27. L’État partie devrait immédiatement  :

a) Cesser de harceler, d’intimider, de poursuivre sans raison, de soumettre à la violence, d’empoisonner et d’assassiner des avocats, des journalistes, des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme et des personnalités politiques de l’opposition  ;

b) Mener des enquêtes approfondies et indépendantes sur toutes les allégations selon lesquelles des avocats, des journalistes, des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme et des personnalités politiques de l’opposition ont été victimes de harcèlement, d’intimidation, de poursuites injustifiées, d’empoisonnement, de violences ou d’assassinat, veiller à ce que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes et garantir que les victimes ont accès à un recours utile, comme prévu à l’article 2 (par. 3) du Pacte.

Liberté d’expression

28.Le Comité constate avec préoccupation que, depuis les modifications de mars 2022, le Code pénal incrimine : a) la diffusion d’informations dont on sait qu’elles sont fausses sur l’armée russe et sur l’exercice des pouvoirs des autorités russes à l’étranger (art. 207.3) ; b) le fait de discréditer publiquement l’armée russe ou l’exercice par les autorités russes de pouvoirs visant à défendre les intérêts de la Fédération de Russie et de ses citoyens et à maintenir la paix et la sécurité internationales (art. 280.3) ; c) tout appel à des sanctions contre la Fédération de Russie, ses citoyens ou ses entités juridiques (art. 284.2). Il est préoccupé par la décision que le Service fédéral de supervision des communications, des technologies de l’information et des médias a prise à la demande du Procureur général et selon laquelle, en ce qui concerne la guerre en Ukraine, les journalistes doivent relater les seules informations fournies par le Gouvernement russe sous peine de se voir soumis à une amende et au blocage de leurs comptes Internet. Il est préoccupé également par les informations qui indiquent que l’accès à des milliers de sites et de ressources Internet et à plusieurs réseaux sociaux (Twitter, Facebook et Instagram) a été bloqué et plus de 20 médias nationaux et internationaux, y compris le grand média indépendant Novaya Gazeta, ont vu leur licence révoquée. Il constate avec une vive inquiétude que le syndicat des journalistes et autres professionnels des médias, qui œuvrait à la défense des intéressés dans l’ensemble de la Fédération de Russie, a été dissous. En outre, il est profondément préoccupé par les renseignements selon lesquels des journalistes et autres professionnels des médias sont harcelés, notamment en ce qu’ils sont soumis à des poursuites pénales, des perquisitions de domicile accompagnées de la confiscation de leurs appareils électroniques, des arrestations, des agressions physiques et des menaces, y compris des menaces visant leurs proches. Il est aussi profondément préoccupé par les restrictions de la liberté d’expression, en particulier en ce qui concerne les propos hostiles à la guerre, restrictions qui s’appliquent aussi dans les établissements d’enseignement et la sphère publique (art. 9, 17 et 19).

29. L’État partie devrait d’urgence prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir à chacun le plein exercice de la liberté d’expression et de réunion pacifique compte tenu de l’observation générale n o 34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression. Il devrait en particulier  :

a) Abroger toute disposition de loi restreignant indûment la liberté d’expression, notamment les articles 207.3, 275.1, 280.3 et 284.2 du Code pénal, et s’abstenir d’imposer toute autre restriction incompatible avec l’article 19 du Pacte  ;

b) Promouvoir la pluralité d’opinions dans les médias et veiller à ce que les médias, les professionnels des médias et leurs associations puissent exercer leurs activités sans ingérence indue de la part l’État, notamment en levant les mesures qui restreignent ou bloquent l’accès à des ressources et plateformes en ligne  ;

c) S’abstenir de toute forme de harcèlement à l’égard des journalistes, des professionnels des médias et de leur famille et garantir le plein exercice, en toute sécurité, du droit des intéressés à la liberté d’expression  ;

d) Examiner la détention de tous les journalistes et professionnels des médias pour vérifier si elle est compatible avec les dispositions du Pacte et libérer immédiatement tous ceux pour lesquels ce n’est pas le cas.

Lutte contre l’extrémisme

30.Rappelant ses précédentes observations finales, le Comité constate avec préoccupation que la définition des « activités extrémistes » donnée dans la loi fédérale sur la lutte contre l’extrémisme est vague, mal circonscrite et régulièrement modifiée, ce qui n’est pas conforme aux principes de légalité, de sécurité juridique et de proportionnalité dont l’article 19 du Pacte exige le respect. Il constate avec préoccupation également que les autorités invoquent fréquemment la loi sur la lutte contre l’extrémisme contre les opposants politiques, les défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, les journalistes, les communautés religieuses, les artistes et les avocats afin de restreindre l’espace civique, y compris la liberté d’expression, par exemple en bloquant l’accès à des sites Internet ou en censurant des livres, des chansons et d’autres formes d’ expression artistiques en dehors de tout cadre juridique. De surcroît, il s’inquiète des atteintes à la liberté de religion, qui visent notamment les Témoins de Jéhovah, et du fait que certaines infractions présumées font l’objet de sanctions disproportionnées comme la dissolution d’institutions telle que le Mejlis des Tatars de Crimée et l’arrestation et la détention arbitraires de membres des institutions en question (art. 2, 9, 18, 19 et 26).

31. L’État partie devrait réviser la loi fédérale sur la lutte contre l’extrémisme en vue de définir plus précisément la notion d’ «  activités extrémistes  » de sorte que le texte soit conforme à l’article 19 du Pacte. Il devrait également veiller à ce que tant la loi que son application − à tous les individus placés sous le contrôle effectif de la Fédération de Russie − soient conformes au Pacte et, en particulier, s’abstenir d’y recourir arbitrairement pour restreindre l’espace civique et la liberté d’expression et de religion et museler la dissidence politique

Liberté de réunion pacifique

32.Le Comité est profondément préoccupé par les rapports, nombreux et cohérents, faisant état de restrictions de la liberté de réunion, notamment du refus des autorités d’autoriser des manifestations pacifiques, en particulier des manifestations contre la guerre, de la détention arbitraire de centaines de milliers de participants à ce type de manifestations et de la répression violente des rassemblements pacifiques par les forces de l’ordre. Il est en outre préoccupé par les conséquences que la loi fédérale no 260-FZ du 14 juillet 2022 peut avoir sur la liberté de réunion sachant qu’elle contient des dispositions qui érigent en infraction l’incitation à mener des activités visant à porter atteinte à la sécurité de l’État ou à empêcher les organes et agents publics de s’acquitter de leur mission d’assurer la sécurité de l’État. Il constate avec inquiétude que, selon certaines informations, la participation à des rassemblements est entravée par le recours à la détention provisoire et à des systèmes de reconnaissance faciale dont la loi ne réglemente pas l’utilisation, notamment en ce qui concerne le stockage et l’examen des données (art. 7, 9, 10, 14, 17, 19 et 21).

33. Conformément à l’article 21 du Pacte et à la lumière de l’observation générale n o 37 (2020) du Comité sur le droit de réunion pacifique, l’État partie devrait  :

a) Garantir et protéger véritablement le droit de réunion pacifique et éviter d’imposer des restrictions incompatibles avec l’article 21 du Pacte, notamment des conditions qui reviennent à exiger l’obtention d’une autorisation pour se réunir  ;

b) Prendre des mesures pour prévenir et éliminer toutes les formes de recours excessif à la force par les forces de l’ordre, notamment dispenser des formations sur le recours à la force, les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et les Lignes directrices des Nations Unies basées sur les droits de l’homme portant sur l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois  ;

c) Faire en sorte que tous les cas de recours excessif à la force fassent rapidement l’objet d’une véritable enquête impartiale, que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnées à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes et que les victimes aient accès à un recours utile, comme prévu à l’article 2 (par. 3) du Pacte  ;

d) Libérer immédiatement toutes les personnes détenues pour avoir participé à un rassemblement pacifique et dont la détention n’est pas compatible avec le Pacte  ;

e) S’abstenir d’utiliser des systèmes de reconnaissance faciale et de recourir à la détention provisoire pour entraver la participation à des rassemblements pacifiques.

Liberté d’association

34.Rappelant ses précédentes observations finales, le Comité se déclare profondément préoccupé par les dispositions de loi qui restreignent considérablement la liberté d’association, notamment celles relatives aux « agents étrangers » et aux organisations « indésirables ». Il s’inquiète de surcroît de ce que ces restrictions ont récemment été renforcées, y compris par le biais de la loi élargissant la catégorie des « agents étrangers » à des groupes de personnes supplémentaires ; la loi incriminant la coopération confidentielle avec des États étrangers et des organisations internationales ou étrangères ; et la loi qui dispose que même les personnes basées à l’étranger sont passibles de poursuites pénales pour avoir participé aux activités d’une organisation « indésirable » ou financé ou organisé pareilles activités. Il constate avec préoccupation que l’application de ces lois a sévèrement restreint les activités de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme, voire a conduit à la dissolution de certaines d’entre elles, dont l’organisation Memorial, lauréate du prix Nobel de la paix en 2022 (art. 14, 19, 21 et 22).

35.L’État partie devrait abroger ou réviser les dispositions de loi qui restreignent la liberté d’association, notamment celles relatives aux «  agents étrangers  » et aux organisations «  indésirables  » , cesser de poursuivre et de persécuter des personnes et des organisations sur le fondement de ces dispositions et permettre aux membres des organisations de défense des droits de l’homme, y compris Memorial , d’exercer leur liberté d’association sans restrictions incompatibles avec le Pacte.

Participation à la conduite des affaires publiques

36.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la participation des citoyens aux élections fédérales, régionales et locales est indûment limitée, notamment parce que les partis d’opposition sont soumis à des restrictions en ce qui concerne l’organisation et la conduite de campagnes politiques, l’inscription de candidats à une charge publique et l’accès aux médias, ainsi que par les cas signalés d’ingérence et de manipulation du Gouvernement dans les processus électoraux. Il constate avec préoccupation que la lourdeur des procédures administratives empêche les journalistes et les observateurs de surveiller comme il se doit le déroulement des élections et que les autorités appliquent la législation sur la lutte contre l’extrémisme de manière excessivement large dans le but de limiter la participation des opposants politiques. En outre, il est vivement préoccupé par le fait que la procédure qui a abouti à l’incarcération du leader de l’opposition Alexeï Navalny n’a pas été menée dans le respect des garanties d’un procès équitable, notamment par les informations selon lesquelles M. Navalny a été poursuivi pour des raisons politiques et est détenu dans des conditions qui menacent gravement sa santé et même sa vie. Enfin, il constate avec inquiétude que les modifications apportées à la Constitution en juillet 2020 donnent au Président des pouvoirs excessivement larges, au détriment des autres branches du Gouvernement, et mettent en question le respect du principe de responsabilité et la séparation des pouvoirs dans l’État partie (art. 6, 7, 9, 10 et 25).

37. L’État partie devrait garantir le plein exercice du droit de participer à la conduite des affaires publiques, y compris par les candidats des partis politiques d’opposition, et mettre ses pratiques et règlements électoraux en totale conformité avec le Pacte. Il devrait en particulier  :

a) Envisager de réviser la Constitution afin de garantir l’application du principe de responsabilité et le strict respect du principe de séparation des pouvoirs  ;

b) Garantir la liberté de participer aux élections et à un débat politique pluraliste, notamment en s’abstenant d’invoquer la législation sur la lutte contre l’extrémisme pour exclure des élections les candidats de l’opposition  ;

c) Faire en sorte que les journalistes, les autres membres des médias et les observateurs indépendants aient l’accès nécessaire pour surveiller les élections  ;

d) Libérer le leader de l’opposition Alexeï Navalny , veiller à ce que toute procédure engagée contre lui respecte toutes les garanties d’un procès équitable énoncées à l’article 14 du Pacte et lui donner accès à un recours utile.

Violations des droits garantis par le Pacte commises dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol (Ukraine) temporairement occupées par la Fédération de Russie

38.Réaffirmant qu’il a dûment égard à la résolution 68/262 de l’Assemblée générale sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine, le Comité demeure gravement préoccupé par les allégations de violations du Pacte dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol, temporairement occupées par la Fédération de Russie et sous le contrôle effectif de l’État partie, notamment les allégations de violations graves des droits des habitants de la Crimée, qui seraient victimes en particulier d’exécutions extrajudiciaires, d’enlèvements, de disparitions forcées, de poursuites fondées sur des considérations politiques, d’actes de discrimination, de harcèlement, d’intimidation et de violence, y compris sexuelle, d’arrestations et de détentions arbitraires, d’actes de torture et d’autres mauvais traitements, perpétrés la plupart du temps pour extorquer des aveux, d’internements psychiatriques, et d’expulsions ou de transferts forcés vers la Fédération de Russie sans de surcroît qu’aucune enquête soit menée. Il est profondément préoccupé par les rapports faisant état d’entraves au bon déroulement des rassemblements pacifiques et des activités de la société civile, de la détention en masse de participants à des rassemblements pacifiques, de sévères restrictions de la liberté d’expression, notamment la liberté des médias, d’attaques et de menaces dirigées contre des professionnels des médias, de poursuites engagées contre des journalistes et du blocage de l’accès à certains médias, ainsi que par la discrimination dont seraient victimes les populations tatare et ukrainienne de Crimée, discrimination qui a des conséquences, notamment, sur l’enseignement dans leur langue et, vu la dissolution du Mejlis, sur leur participation aux affaires politiques. Il est préoccupé également par les informations selon lesquelles les avocats qui fournissent une assistance juridique aux victimes de la répression politique sont persécutés, arrêtés et déclarés coupables de crimes, ainsi que par les graves déficiences du système judiciaire, notamment le fait que la pandémie de COVID-19 a servi de prétexte pour mettre fin à la publicité des audiences. Il juge profondément inquiétantes les allégations de mobilisation et de conscription forcées de milliers d’habitants de la Crimée, dont beaucoup d’autochtones. Il prend note avec une vive inquiétude des rapports faisant état de violations de la liberté de religion et de conviction en Crimée, notamment d’actes d’intimidation et de harcèlement visant des communautés religieuses telles que l’Église orthodoxe d’Ukraine et la communauté musulmane (art. 1, 2, 6, 7, 9, 10, 14, 16 à 19, 21, 22 et 25 à 27).

39. L’État partie devrait  :

a) Prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à toutes les violations graves des droits de l’homme, en particulier les exécutions extrajudiciaires, les enlèvements, les détentions arbitraires, les disparitions forcées, les actes de torture et les autres mauvais traitements  ; enquêter sur toutes les allégations de violations de ce type, poursuivre les auteurs et, s’ils sont reconnus coupables, les condamner à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes, et offrir aux victimes un recours utile, comme prévu à l’article 2 (par. 3) du Pacte  ;

b) Garantir à tous les habitants de la Crimée l’exercice du droit à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, s’abstenir d’intimider, de menacer, de harceler et d’attaquer les journalistes et les défenseurs et défenseuses des droits de l’homme qui exercent leurs droits et faire en sorte que toutes les violations commises à l’égard de ces catégories de personnes donne lieu à une enquête, que les auteurs soient traduits en justice et que les victimes aient accès à un recours utile  ;

c) Prendre toutes les mesures nécessaires pour que, en Crimée, le système judiciaire fonctionne en toute indépendance, notamment veiller à ce que les audiences soient publiques, permettre aux membres des professions judiciaires d’exercer leurs fonctions sans entrave et s’abstenir de toute ingérence dans les activités des avocats de la défense  ;

d) Respecter et garantir les droits des membres des minorités et des peuples autochtones et, surtout , veiller à ce que les populations tatare et ukrainienne de Crimée ne soient pas victime de discrimination, notamment en ce qui concerne l’enseignement dans leur langue et la participation aux affaires politiques, en particulier en rétablissant le Mejlis  ;

e) Mettre immédiatement fin à la mobilisation et la conscription forcées des habitants de la Crimée  ;

f) Respecter et garantir la liberté de religion et de conviction en Crimée et s’abstenir de toute ingérence contraire aux dispositions du Pacte.

Droits des peuples autochtones

40.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les activités de l’industrie extractive et d’autres activités de développement portent atteinte aux droits des peuples autochtones, en particulier leur droit de participer aux décisions concernant leurs terres et leurs ressources sur la base du principe du consentement préalable, libre et éclairé, ainsi que par la dissolution du centre de soutien aux peuples autochtones du Nord. En outre, il se déclare de nouveau préoccupé par les allégations de harcèlement de défenseurs et défenseuses autochtones des droits de l’homme, auxquelles l’État partie n’a toujours pas répondu, et trouve inquiétantes les autres allégations de harcèlement qu’il a reçues, qui concernent notamment la participation de représentants autochtones aux travaux d’instances internationales (art. 6, 19, 22 et 27).

41. Dans le droit fil des dispositions de l’article 27 du Pacte, des autres normes internationales et des garanties inscrites dans la Constitution, l’État partie devrait  :

a) Garantir la participation des peuples autochtones aux décisions concernant leurs terres et leurs ressources sur la base du principe du consentement libre, préalable et éclairé  ;

b) Garantir la liberté d’association des peuples autochtones, notamment en revenant sur la décision de dissoudre le centre de soutien aux peuples autochtones du Nord  ;

c) Protéger les défenseurs et défenseuses autochtones des droits de l’homme contre toutes les formes de harcèlement, notamment en ce qui concerne leur participation aux forums internationaux sur les droits des peuples autochtones.

D.Diffusion et suivi

42. L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, du premier Protocole facultatif s’y rapportant, de son huitième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays ainsi qu’auprès du grand public pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. Il devrait faire en sorte que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans sa langue officielle et ses langues minoritaires.

43. Conformément à l’article 75 (par. 1) du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 4 novembre 2025 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 7 (protection des droits garantis par le Pacte en période de conflit armé), 27 (harcèlement, violences et meurtres dont ont été victimes des personnalités politiques de l’opposition, des journalistes, des avocats et des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme) et 29 (liberté d’expression) ci-dessus.

44. Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 6 novembre 2028 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations formulées dans les présentes observations finales et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Il demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/2 6 8 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots.