Nations Unies

CCPR/C/GEO/CO/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

13 septembre 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la Géorgie *

1.Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de la Géorgie à ses 3888e et 3889e séances, les 5 et 6 juillet 2022. À sa 3911e séance, le 22 juillet 2022, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à la Géorgie d’avoir soumis son cinquième rapport périodique et accueille avec satisfaction les renseignements qui y sont donnés. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites apportées à la liste de points, qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives ci-après :

a)Le Code de la justice pour mineurs, en 2015 ;

b)Les modifications du Code de procédure civile, du Code de procédure pénale et du Code de procédure administrative, visant à donner effet concrètement aux constatations des organes conventionnels des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, en 2016 ;

c)Le Code des droits de l’enfant, en 2019 ;

d)Les modifications de la loi sur l’élimination de toutes les formes de discrimination, introduisant une définition du harcèlement et du harcèlement sexuel, en 2019 ;

e)La loi sur les droits des personnes handicapées, en 2020 ;

f)Le Plan d’action national pour la protection des droits de l’homme pour la période 2018-2020, en 2018.

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2021;

b)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, en 2017.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Applicabilité du Pacte

5.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures que l’État partie a prises pour assurer le respect des droits de l’homme dans les régions d’Abkhazie et de Tskhinvali/Ossétie du Sud, qui ne sont pas sous le contrôle effectif du Gouvernement géorgien. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que les droits humains des habitants de ces régions ne bénéficient pas du même degré de protection au titre du Pacte que ceux de leurs concitoyens vivant dans d’autres régions de Géorgie. Tout en prenant note des mesures prises par l’État partie, telles que l’initiative en faveur de la paix intitulée « Un prélude à un avenir meilleur », il reste préoccupé par les difficultés que rencontre la population dans ces régions, notamment les violations du droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à la liberté de circulation, ainsi que par les problèmes supplémentaires que pose la pandémie de maladie à coronavirus (COVID‑19) (art. 2).

6. L ’ État partie devrait continuer de prendre d es mesures appropriées pour que toutes les personnes, dans toutes les régions du territoire de l ’ État partie, puissent effectivement jouir des droits qui leur sont garantis par le Pacte.

Mise en œuvre du Pacte et du Protocole facultatif s’y rapportant

7.Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements fournis par l’État partie selon lesquels, en vertu des modifications apportées en 2016 au Code de procédure civile, au Code de procédure pénale et au Code de procédure administrative, les victimes peuvent saisir les tribunaux nationaux pour demander une indemnisation ou la réouverture de leur affaire dans laquelle le Comité a conclu à une violation du Pacte par l’État partie. En outre, il prend note de la mise en œuvre de la Stratégie nationale en faveur des droits de l’homme pour la période 2014-2020, mais reste préoccupé par l’absence d’évaluation réalisée sur la base d’indicateurs des droits de l’homme ainsi que par le retard pris dans l’établissement de la version définitive de la stratégie pour la période 2021-2030 et dans la consultation des parties prenantes, notamment le Bureau du Défenseur public (art. 2).

8. L ’ État partie devrait continuer de s ’ employer à donner pleinement effet aux constatations du Comité et ainsi à garantir l ’ accès à un recours utile en cas de violation du Pacte. Il devrait également accélérer l ’ adoption de la s tratégie nationale en faveur des droits de l ’ homme pour la période 2021-2030 et des plans d ’ action connexes, en consultation avec les parties prenantes.

Bureau du Défenseur public

9.Tout en prenant note des informations fournies par la délégation de l’État partie concernant l’augmentation du budget alloué au Bureau du Défenseur public et les progrès réalisés dans l’application de ses recommandations, le Comité reste préoccupé par le faible taux d’application de ces recommandations par les acteurs publics et privés (art. 2, 3, 25 et 26).

10. L ’ État partie devrait veiller à ce que les acteurs publics et privés appliquent les recommandations du Défenseur public. Il devrait également continuer d ’ allouer au Bureau du Défenseur public des ressources humaines et financières qui permett e nt à celui-ci de s ’ acquitter de son mandat de manière efficace et indépendante, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris).

Mesures de lutte contre la corruption

11.Tout en prenant note de l’adoption de la loi de 2015 sur les conflits d’intérêts et la corruption dans la fonction publique ainsi que de la création du Conseil de lutte contre la corruption, le Comité reste préoccupé par la persistance des informations selon lesquelles la corruption et la pratique des pots-de-vin demeurent impunies. Il est particulièrement préoccupé par le fait que les cas de corruption, y compris ceux dans lesquels sont mis en cause des hauts fonctionnaires, ne font pas rapidement l’objet d’enquêtes efficaces et que les responsables ne sont pas poursuivis, ce qui serait dû à un manque d’indépendance des forces de l’ordre et du pouvoir judiciaire. Il prend note avec inquiétude de la faiblesse des lois relative à la dénonciation d’abus, des allégations concernant l’inefficacité du système de contrôle des déclarations de patrimoine dans la prévention de la corruption, du manque de transparence et de la corruption dans le processus de privatisation des terres, comme dans le cas du village de Teleti, ainsi que de l’inefficacité des contrôles exercés par l’Agence nationale des biens de l’État (art. 2 et 14).

12. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour prévenir et éliminer la corruption et mettre fin à l ’ impunité à tous les niveaux. En particulier, il devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour :

a) Mener rapidement des enquêtes indépendantes et impartiales sur tous les faits de corruption, en particulier la corruption aux niveaux les plus élevés , poursuivre les auteurs présumés et , s ’ ils sont reconnus coupables, leur imposer des peines qui soient à la mesure de la gravité de l ’ infraction ;

b) R evoir le cadre juridique relatif à la dénonciation des abus et le compléter , afin de mieux protéger les lanceurs d ’ alerte ;

c) Assurer une gestion efficace du système de contrôle des déclarations d e patrimoine afin de prévenir les conflits d ’ intérêts, de repérer les fraudes et de les signaler aux organes compétents ;

d) Promouvoir la bonne gouvernance, la transparence et le principe de responsabilité dans la passation des marchés publics et la gestion des terres, notamment au moyen de mécanismes de contrôle indépendants ;

e) Élaborer et mener des campagnes appropriées de formation et de sensibilisation pour informer les fonctionnaires, les responsables politiques, les entreprises et la population en général des coûts économiques et sociaux de la corruption.

Lutte contre l’impunité et violations des droits de l’homme commises par le passé

13.Tout en prenant note des faits nouveaux les plus récents concernant les travaux de la Cour pénale internationale, le Comité reste préoccupé par la lenteur des enquêtes menées au niveau national sur les violations des droits de l’homme commises pendant ou immédiatement après le conflit armé de 2008. Tout en prenant note également des progrès accomplis dans l’affaire de 2006 dite de l’émeute de la prison, il note avec une vive préoccupation qu’un retard considérable a été pris s’agissant de traduire les responsables en justice, ce qui crée un climat d’impunité. Il regrette que 24 affaires concernant la prison no 6 de Rustavi en soient encore au stade de l’enquête et qu’aucune information à jour n’ait été fournie sur la dispersion violente de manifestations pacifiques le 15 juin 2009 et le 3 janvier 2011 (art. 2, 6, 7, 9, 14 et 16).

14. Rappelant ses précédentes recommandations , le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ accélérer les enquêtes sur les violations des droits de l ’ homme susmentionnées, de traduire les responsables en justice et de les condamner à des peines proportionnées à la gravité des infractions commises, et d ’ offrir aux victimes des recours utile s ainsi qu ’ une indemnisation.

Égalité entre hommes et femmes

15.Tout en prenant note des mesures prises pour promouvoir l’égalité des sexes, notamment la création de la Commission interinstitutions pour l’égalité des sexes et contre la violence à l’égard des femmes et la violence intrafamiliale, et de la représentation accrue des femmes au Parlement, le Comité reste préoccupé par les informations indiquant que les femmes, en particulier celles appartenant à des groupes vulnérables, continuent d’être sous‑représentées dans les fonctions de décision dans tous les domaines de la vie publique (art. 2, 3, 25 et 26).

16. L ’ État partie devait :

a) Continuer de sensibiliser le public à la nécessité de combattre les stéréotypes de genre dans la famille et au sein de la société ;

b) Redoubler d ’ efforts pour permettre aux femmes de participer pleinement à la vie politique et publique, dans des conditions d ’ égalité, y compris au sein des organes exécutifs , judiciaires et législatifs aux niveaux national, régional et local, en particulier dans les fonctions de décision.

Discrimination et violence fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

17.Tout en prenant note du document d’orientation de 2020 sur les droits en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre et des mesures législatives prises actuellement pour renforcer la protection, le Comité reste préoccupé par le fait que la discrimination, le harcèlement, l’intimidation et les agressions visant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres ainsi que les défenseurs des droits de ces personnes et les journalistes seraient répandus, et s’inquiète en particulier des agressions violentes qui ont eu lieu lors de la marche des fiertés de Tbilissi les 5 et 6 juillet 2021. Il est en outre préoccupé par les informations indiquant que des responsables politiques, d’autres représentants de l’État et des chefs religieux tiennent en toute impunité des propos homophobes et transphobes. En outre, il regrette que la réassignation sexuelle ne soit pas définie ni reconnue en droit et que, selon des informations, les personnes concernées soient obligées de subir une opération de changement de sexe afin de modifier leur état civil (art. 2, 7, 17, 21 et 26).

18. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour :

a) Assurer une protection effective contre toutes les formes de discrimination et de violence fondées sur l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre, tant en droit que dans la pratique, et faire en sorte que de telles violations donnent lieu sans tarder à une enquête efficace, que les auteurs soient amenés à rendre compte de leurs actes et soient passibles de peines à la mesure de la gravité des faits , et que les victimes aient accès à une réparation intégrale ;

b) Prendre des mesures appropriées pour que les responsables politiques, les autres représentants de l ’ État et les chefs religieux ne tiennent plus de propos homophobes ou transphobes ;

c) Revoir et modifier sa législation ainsi que la procédure relative au changement d ’ état civil lié à l ’ identité de genre , afin de mettre en place une procédure rapide, transparente et accessible de reconnaissance du genre sur la base de l ’ auto ‑ identification d e s demandeurs .

Discours de haine et infractions motivées par la haine

19.Tout en prenant note du suivi des infractions motivées par la haine effectué par le Département de la protection des droits de l’homme et du contrôle de la qualité du Ministère de l’intérieur ainsi que de l’élaboration d’une méthode uniforme de collecte de données sur ces infractions, le Comité est préoccupé par l’intolérance, les préjugés, les discours de haine et les infractions motivées par la haine dont seraient toujours victimes les personnes appartenant à des groupes vulnérables ou à des groupes minoritaires, notamment les femmes, les minorités ethniques et religieuses, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres et les migrants, souvent du fait de groupes d’extrême-droite. Il est également préoccupé par le fait que les infractions motivées par la haine ne seraient pas systématiquement signalées et par le faible nombre d’enquêtes et de déclarations de culpabilité auxquelles ces infractions auraient donné lieu (art. 2, 19, 20 et 26).

20. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour :

a) Combattre l ’ intolérance, les stéréotypes, les préjugés et la discrimination visant les groupes vulnérables, y compris les minorités ethniques et religieuses et les personnes lesbiennes, gays, bisexuel le s et transgenres, notamment en renforçant la formation des agents de la force publique, des procureurs et des juges et en menant des campagnes de sensibilisation auprès du grand public pour encourager l ’ ouverture à la diversité et promouvoir son respect ;

b) Veiller à ce que tout appel à la haine, à l ’ hostilité ou à la violence fondées sur l ’ identité ethnique, nationale, raciale ou religieuse ou fondée s sur l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre, soit interdit par la loi, conformément aux articles 19 et 20 du Pacte et à l ’ observation générale n o  34 (2011) du Comité sur la liberté d ’ opinion et la liberté d ’ expression ;

c) Encourager le signalement des infractions motivées par la haine et des discours de haine et veiller à ce que de telles infractions soient repérées et consignées, notamment en mettant en place un système permettant de collecter des données détaillées et ventilées ;

d) Renforcer la capacité des agents de la force publique d ’ enquêter sur les infractions motivées par la haine et les discours de haine, y compris en ligne, et faire en sorte que toutes les affaires fassent systématiquement l ’ objet d ’ une enquête, que les auteurs aient à rendre compte de leurs actes et soient passibles de peines à la mesure de la gravité des faits et que les victimes aient accès à une réparation intégrale.

État d’urgence et riposte à la COVID-19

21.Le Comité prend note de la dernière notification dépositaire du Gouvernement géorgien, en date du 30 décembre 2021, dans laquelle le Gouvernement a informé le Secrétaire général qu’il continuerait de déroger aux obligations qu’imposent les articles 9, 12, 14, 17 et 21 du Pacte. Le Comité est préoccupé de constater que, malgré la levée de la plupart des restrictions liées à la pandémie de COVID-19, les dérogations ont été prolongées jusqu’au 1er janvier 2023. En outre, tout en prenant acte des efforts déployés pour augmenter le taux de vaccination et diffuser les informations relatives à la COVID-19 dans différentes langues, il regrette que la couverture vaccinale de la population soit faible et que le portail d’enregistrement des vaccins ne soit pas disponible dans toutes les langues minoritaires (art. 4, 9, 12, 14, 17 et 21).

22. L ’ État partie devrait veiller à ce que la législation nationale relative aux situations d ’ urgence et à la protection de la santé publique soit conforme à toutes les dispositions du Pacte. Il devrait aussi faire en sorte que les mesures, y compris l es dérogations qui ont été prolongées jusqu ’ au 1 er  janvier 2023, soient strictement nécessaires et proportionnelles aux exigences de la situation et que leur durée, leur étendue géographique et leur portée matérielle soient limitées, compte tenu de la déclaration du Comité sur les dérogations au Pacte dans le cadre de la pandémie de COVID-19 . Il devrait en outre redoubler d ’ efforts pour faire en sorte que toutes les personnes, y compris celles appartenant à des groupes minoritaires, aient effectivement accès au vaccin contre la COVID-19.

Violence à l’égard des femmes

23.Le Comité prend note des efforts déployés pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, notamment le suivi de ces affaires par le Département des droits de l’homme et du contrôle de la qualité du Ministère de l’intérieur. Il reste néanmoins préoccupé par le fait que les cas de violence à l’égard des femmes, en particulier de violence sexuelle, ne soient pas systématiquement signalés, par les faibles taux de poursuites et de condamnation concernant ce type d’infractions ainsi que par le manque de services de protection et de soutien mis à la disposition des victimes, y compris de services de soutien psychologique. Il s’inquiète également de ce que les victimes de violences intrafamiliales n’ont accès aux centres d’hébergement que si elles ont obtenu le statut de victime. Il regrette que la législation en vigueur ne fasse pas de l’absence de consentement l’élément central de la définition du viol et ne définisse pas les « crimes d’honneur » (art. 2, 3, 6, 7 et 26).

24. L ’ État partie devrait renforcer ses efforts visant à combattre la violence à l ’ égard des femmes, en particulier la violence intrafamiliale et sexuelle, et notamment :

a) Encourager le signalement des cas de violence à l ’ égard des femmes, notamment en informant les femmes de leurs droits et des voies dont elles disposent pour obtenir protection, assistance et réparation dans une langue qu ’ elles comprennent, ainsi qu ’ en luttant contre la stigmatisation sociale des victimes, en particulier des victimes de violences sexuelles ;

b) Mener rapidement des enquêtes efficaces et approfondies sur tous les cas de violence à l ’ égard des femmes, poursuivre les auteurs présumés de ces actes et, s ’ ils sont reconnus coupables, les condamner à des peines proportionnées , et dispenser aux membres des forces de l ’ ordre, au personnel judiciaire, aux procureurs et aux autres parties concernées une formation sur les moyens de détecter les cas de violence à l ’ égard des femmes et sur la façon de traiter ces affaires et d ’ enquêter sur de tels actes en tenant compte des questions de genre ;

c) Veiller à ce que les victimes aient accès à des voies de recours utiles et à des moyens de protection, notamment à des centres d ’ hébergement et à des services médicaux, psychosociaux et juridiques ainsi qu ’ à des services de réadaptation, sans qu ’ il leur soit nécessaire d ’ obtenir au préalable le statut de victime ;

d) Modifier la législation pour prévenir et combattre efficacement toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes, y compris le viol et les crimes dits d ’ honneur.

Interruption volontaire de grossesse et droits en matière de sexualité et de procréation

25.Tout en prenant note des efforts déployés par l’État partie, tels que l’élaboration d’un cours consacré à l’éducation sexuelle et aux infractions sexuelles qui s’inscrit dans le cadre du module « L’heure du docteur », le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les femmes, en particulier les femmes appartenant à des groupes vulnérables, n’ont pas suffisamment accès aux services de santé sexuelle et procréative et connaissent peu l’existence de ces services. Il note avec préoccupation que les avortements sélectifs en fonction du sexe du fœtus continuent d’être pratiqués, en particulier dans les communautés minoritaires (art. 2, 3, 6 et 17).

26. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour :

a) Améliorer l ’ offre des services de santé sexuelle et procréative, en particulier des services d ’ avortement sûrs et légaux et des contraceptifs abordables, y compris des contraceptifs d ’ urgence, notamment pour les femmes des zones rurales, les femmes vivant dans la pauvreté, les femmes handicapées et les femmes appartenant à des minorités ethniques ou religieuses ;

b) Poursuivre l ’ élaboration et la mise en œuvre de programmes complets d ’ éducation à la santé sexuelle et procréative et de prévention des maladies sexuellement transmissibles dans tout le pays ;

c) Faire cesser la pratique de l ’ avortement sélectif en fonction du sexe du fœtus, notamment en sensibilisant le public et l es professionnels de la santé.

Droit à la vie, interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

27.Le Comité est préoccupé par le fait que le Bureau de l’Inspecteur d’État a été aboli de manière expéditive, sans que des consultations ait été menées, ainsi que par l’effet de dissuasion que cette abolition pourrait avoir sur d’autres institutions indépendantes de protection des droits de l’homme. Tout en prenant note de la recommandation du Procureur général concernant la manière de classer correctement les cas de torture et les statistiques afférentes, le Comité reste préoccupé par le fait que l’article 333 du Code pénal (abus de pouvoir) serait appliqué plus fréquemment que l’article 144 (torture et traitements inhumains ou dégradants) dans le cadre des enquêtes sur les allégations de mauvais traitements ou d’actes de torture imputés à des membres des forces de l’ordre. Il est également préoccupé par le fait que les autorités n’auraient pas mené de véritable enquête sur les circonstances de la mort de Temirlan Machalikashvili, qui a été abattu par des agents du Service de sécurité de l’État en 2017 (art. 6 et 7).

28. L ’ État partie devait :

a) Faire en sorte que, malgré l ’ abolition du Bureau de l ’ Inspecteur d ’ État, il n ’ y ait pas de lacune dans la prévention et la lutte contre les violations des droits de l ’ homme commises par des membres des forces de l ’ ordre, que les deux organes nouvellement créés, à savoir le Service des enquêtes spéciales et le Service de protection des données personnelles, se voient garantir une indépendance et une impartialité totales et soient dotés de ressources suffisantes, et que le Bureau du Défenseur public puisse accéder librement à tous les lieux de détention et à toutes les informations sur les allégations d ’ actes de torture et de mauvais traitements afin de s ’ acquitter pleinement de sa fonction de mécanisme national de prévention ;

b) Appliquer de façon appropriée l ’ article 144 du Code pénal aux cas de torture et de mauvais traitements et s ’ abstenir d ’ appliquer à ces infractions des dispositions prévoyant des peines moins lourdes, notamment l ’ article 150 (coercition), l ’ article 333 (abus de pouvoir), l ’ article 335 (obtention d ’ explications, de preuves ou d ’ opinions sous la contrainte) et l ’ article 378 (par. 2 ) (fait de contraindre une personne placée dans un établissement pénitentiaire à modifier son témoignage ou à refuser de témoigner et fait d ’ empêcher une personne déclarée coupable de s ’ acquitter de ses obligations civiles) du Code ;

c) Mener rapidement des enquêtes indépendantes, impartiales et efficaces sur les allégations de recours excessif à la force, y compris à la force létale, par les membres des forces de l ’ ordre, et traduire les auteurs de tels actes en justice.

Détention administrative

29.Le Comité est préoccupé par les lacunes persistantes du Code des infractions administratives en matière de protection, notamment l’insuffisance des garanties accordées aux personnes placées en détention administrative, le flou entourant les critères d’établissement de la preuve, qui fait que la charge de la preuve incombe souvent aux détenus, et l’absence d’un réel droit de recours contre les décisions de placement en détention. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles, dans la pratique, les personnes placées en détention administrative ne bénéficient pas toujours des garanties juridiques fondamentales, notamment des droits d’avoir rapidement accès à un avocat et d’être présentées devant un juge dans les délais voulus, ce qui les expose à un risque accru de mauvais traitements, tant au moment de leur arrestation que pendant leur détention (art. 9, 10 et 14).

30. Rappelant sa précédente recommandation , le Comité invite l ’ État partie à accélérer le processus législatif visant à mettre le Code des infractions administratives en conformité avec les articles 9, 10 et 14 du Pacte, en particulier en ce qui concerne les lacunes susmentionnées, en vue de garantir des procédures équitables et impartiales. L ’ État partie devrait en outre veiller, tant en droit que dans la pratique, à ce que les personnes placées en détention administrative bénéficient des garanties juridiques fondamentales dès le début de leur privation de liberté, y compris les droits d ’ avoir rapidement accès à un avocat, d ’ informer une personne de leur choix de leur placement en détention et d ’ être présentées devant un juge dans les meilleurs délais. Il devrait renforcer la protection des personnes placées en détention administrative contre les mauvais traitements, enquêter sur toutes les allégations de mauvais traitements et traduire les auteurs de tels actes en justice.

Politique en matière de drogues et système de négociation de peine

31.Le Comité se félicite des modifications apportées en mars 2021 à la loi sur les stupéfiants, les substances psychotropes, les précurseurs et les substances de substitution aux drogues, qui définissent, pour huit substances faisant l’objet d’un contrôle spécial, les quantités et les doses afin de remédier au problème de la sévérité des peines appliquées de manière indifférenciée aux auteurs d’infractions liées aux drogues. Tout en prenant note de la référence faite par la délégation de l’État partie à la décision rendue en 2014 par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Natsvlishvili et Togonidze c. Géorgie, le Comité regrette l’absence de renseignements précis sur les mesures prises pour accroître la transparence de la procédure de négociation de peine (art. 9, 10 et 14).

32. Rappelant ses précédentes recommandations , le Comité prie instamment l ’ État partie  de continuer de s ’ efforcer : a) d ’ offrir des garanties juridiques suffisantes aux prévenus dans le cadre du système de négociation de peine , en particulier contre le recours à des mauvais traitements et à la contrainte pour les amener à conclure des transactions en matière pénale et de faire en sorte que ces garanties soient respectées, conformément aux droits qui leur sont reconnus dans le Pacte ; b) d ’ accroître la transparence des négociations menées dans le cadre du système de négociation de peine et de renforcer le rôle du juge et de la défense dans ce processus.

Traitement des personnes déplacées

33.Le Comité salue les mesures que l’État partie a prises pour améliorer la situation des personnes déplacées, notamment en mettant à disposition des logements, en fournissant une aide financière et en offrant des possibilités de formation professionnelle. Il reste néanmoins profondément préoccupé par les informations selon lesquelles environ 52 % des familles déplacées attendent un logement et que nombre d’entre elles vivent dans des bâtiments municipaux, des écoles et des camps, qui ne se prêtent pas à un hébergement à long terme et qui n’ont souvent pas d’eau courante ni d’électricité et ne sont pas reliés au réseau d’assainissement. Il regrette les informations faisant état du niveau élevé de pauvreté parmi ces personnes, du montant insuffisant de leur allocation mensuelle et de leur manque d’accès aux services sociaux (art. 2, 7, 9, 12, 13 et 26).

34. Rappelant ses précédentes observations finales , le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour :

a) Fournir aux personnes déplacées des solutions de logement durables dans les meilleurs délais et améliorer leurs conditions de vie dans les centres collectifs ;

b) Offrir aux personnes déplacées des possibilités de s ’ assurer durablement un revenu et d ’ autres mesures de subsistance et revoir et renforcer le système actuel d ’ aide financière, notamment l ’ allocation mensuelle et les fonds d ’ aide à la location, afin de répondre aux besoins essentiels de ces personnes.

Accès à la justice

35.Tout en prenant note de l’information communiquée par l’État partie selon laquelle les personnes qui sont parties à une procédure pénale et qui sont en état d’insolvabilité bénéficient de l’aide juridictionnelle et les enfants témoins peuvent désormais bénéficier de cette même aide, le Comité prend note avec préoccupation d’informations selon lesquelles les accusés qui ont peu de ressources mais qui ne remplissent pas les critères financiers pour bénéficier des services d’aide juridictionnelle peuvent être privés de leur droit d’être représentés en justice (art. 14).

36. L ’ État partie devrait faire en sorte que, en droit et dans la pratique, toute personne sans ressources qui est présentée devant un tribunal ait accès à l ’ aide juridictionnelle et que le public, y compris les personnes vivant dans des zones reculées et les personnes appartenant à des groupes vulnérables ou à des groupes minoritaires, connaisse l ’ existence de ces services juridiques et puisse y avoir recours dans la pratique.

Indépendance de la justice et procès équitable

37.Malgré les réformes judiciaires en cours, le Comité reste préoccupé par les informations selon lesquelles le système judiciaire n’est toujours pas suffisamment indépendant et impartial. Il est particulièrement préoccupé par le manque de transparence de la procédure de sélection et de nomination des juges, y compris des juges de la Cour suprême, ainsi que par la concentration des pouvoirs entre les mains du Conseil supérieur de la justice, qui a notamment le pouvoir de nommer et de sanctionner les juges. Tout en prenant note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles l’Inspecteur indépendant enquête de manière indépendante et impartiale sur les affaires disciplinaires de l’ordre judiciaire, le Comité reste préoccupé qu’il appartienne au Conseil supérieur de la justice d’élire et de révoquer l’Inspecteur indépendant, car cela peut compromettre son indépendance. Le Comité est également préoccupé par les allégations d’arrestations et de procès motivés par des considérations politiques, notamment par le cas du chef du parti de l’opposition, Nika Melia, et ceux d’anciens membres de la commission publique géorgio-azerbaïdjanaise sur la délimitation et la démarcation. Le Comité prend note également avec préoccupation d’allégations de non-respect des garanties d’un procès équitable dans le cas de l’ancien président Mikheil Saakashvili (art. 14).

38. L ’ État partie devrait :

a) Garantir, en droit et dans la pratique, la pleine indépendance, l ’ impartialité et la sécurité des juges et des procureurs et empêcher qu ’ ils soient influencés dans leurs décisions par une quelconque forme de pression politique, notamment en : i) veillant à ce que les procédures de sélection, de nomination, de suspension, de révocation et de sanction disciplinaire des juges et des procureurs soient conformes au Pacte et aux normes internationales pertinentes, notamment aux Principes fondamentaux relatifs à l ’ indépendance de la magistrature et aux Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet ; ii) prenant les mesures nécessaires pour prévenir et sanctionner tout abus des pouvoirs conférés au Conseil supérieur de la justice ;

b) Veiller à ce que dans la pratique , tous les accusés bénéficient de toutes les garanties d ’ un procès équitable, indépendamment de leur affiliation ou de leurs opinions politiques, y compris de l ’ égalité des moyens et de la présomption d ’ innocence, conformément à l ’ article 14 du Pacte et à l ’ observation générale n o 32 (2007) du Comité.

Droit à la vie privée

39.Le Comité est préoccupé par l’absence de garanties suffisantes contre les atteintes arbitraires au droit à la vie privée qui se produisent dans le cadre d’activités de surveillance et d’interception et par l’accès à des données personnelles. Il est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles l’Agence technique opérationnelle, qui mène des activités de surveillance électronique, dispose à la fois de pouvoirs de réglementation et de contrôle et n’est pas suffisamment indépendante vis-à-vis du Service de sécurité de l’État, et par le fait que le mécanisme de supervision des activités de l’Agence ne serait pas efficace. Tout en prenant note du veto opposé par le Président à la proposition de modification du Code de procédure pénale, le Comité regrette cette tentative législative d’étendre la portée et la durée des mesures d’enquête secrètes, qui peuvent porter gravement atteinte au droit à la vie privée (art. 17).

40.L ’ État partie devrait mettre sa réglementation relative à la conservation des données, à l ’ accès aux données et aux activités de surveillance et d ’ interception en conformité avec le Pacte, en particulier avec l ’ article 17, et veiller au strict respect des principes de légalité, de proportionnalité et de nécessité. Il devrait faire en sorte que toute atteinte au droit à la vie privée , y compris les activités menées par l ’ Agence technique opérationnelle en vertu du Code de procédure pénale et de la loi relative aux activités de contre-espionnage, ait préalablement été autorisée par un tribunal et soit contrôlée par des mécanismes de surveillance efficaces et indépendants et, dans la mesure du possible, que les personnes visées soient informées des activités de surveillance et d ’ interception dont elles font l ’ objet et qu ’ elles aient accès à des recours utiles en cas d ’ abus. L ’ État partie devrait également veiller à ce que toutes les allégations d ’ abus, telles que la divulgation, en septembre 2021, de dossiers d ’ écoutes de membres du clergé, de personnalités politiques, de diplomates étrangers, de journalistes et de défenseurs des droits de l ’ homme, donnent lieu à des enquêtes approfondies et que ces enquêtes, lorsqu ’ il y a lieu, débouchent sur des sanctions appropriées.

Liberté de conscience et de religion

41.Le Comité prend note avec inquiétude d’informations faisant état de l’existence d’une discrimination structurelle à l’égard des minorités religieuses. Il est particulièrement préoccupé par le fait qu’un financement excessivement faible soit accordé aux minorités religieuses pour la réhabilitation de leurs lieux de culte et que, en dépit de la décision de la Cour constitutionnelle du 3 juillet 2018, le traitement discriminatoire dont font l’objet les organisations religieuses en matière d’exonération fiscale persiste. Le Comité est préoccupé par le rejet d’une demande de construction d’une nouvelle mosquée dans la ville de Batumi et par les procédures judiciaires qui ont suivi, retardant l’exercice du droit à la liberté de religion. Il prend note avec préoccupation des allégations selon lesquelles les membres de minorités religieuses, en particulier les étudiants musulmans, dans les écoles publiques, seraient stigmatisés, subiraient des pressions visant à les amener à se convertir et seraient victimes de harcèlement (art. 2, 18 et 26).

42. L ’ État partie devrait garantir la liberté de conscience et de religion et s ’ abstenir de toute action susceptible de limiter l ’ exercice de ces libertés au-delà des seules restrictions permises par l ’ article 18 du Pacte, et devrait notamment :

a) Prévenir et interdire, en droit et dans la pratique, tout traitement discriminatoire des minorités religieuses, y compris en ce qui concerne les ressources financières allouées à la réhabilitation des lieux de culte et l ’ octroi de permis de construire, et en matière de fiscalité ;

b) Promouvoir le respect de la diversité religieuse et la tolérance en la matière, et éliminer les stéréotypes et préjugés fondés sur la religion, en particulier dans le cadre scolaire.

Liberté d’expression

43.Le Comité est vivement préoccupé par le nombre accru d’atteintes à la liberté d’expression signalées, en particulier par les informations faisant état :

a)D’une polarisation accrue des médias et de pressions injustifiées exercées par les autorités sur les médias par des moyens administratifs, financiers et judiciaires, par exemple en plaçant une nouvelle équipe dirigeante à la tête de médias exprimant des opinions critiques ou en en transférant la propriété, ou en engageant des procédures pénales contre des médias et des journalistes ;

b)De menaces, d’actes d’intimidation, de harcèlement et d’attaques visant des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des personnes exprimant des critiques à l’égard du Gouvernement − des atteintes dont le nombre a fortement augmenté ces dernières années et auxquelles les autorités prêtent un concours non négligeable, impunément ;

c)De l’influence politique exercée sur la Commission nationale des communications et des restrictions qui pourraient être imposées à la liberté des médias en vertu des modifications apportées à la loi sur les communications électroniques en juillet 2020, eu égard notamment au pouvoir de la Commission de nommer un « gestionnaire spécial » pour faire cesser certains actes illicites des opérateurs de communications électroniques (art. 2, 6, 7, 14 et 19).

44. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour interdire et empêcher toute ingérence par des agents publics ou des acteurs privés, y compris les membres de groupes radicaux, dans l ’ exercice légitime du droit à la liberté d ’ expression des journalistes, des artistes, des écrivains, des défenseurs des droits de l ’ homme et des personnes exprimant des critiques à l ’ égard du Gouvernement, et devrait notamment :

a) S ’ abstenir d ’ invoquer les dispositions de la législation civile ou pénale pour étouffer les critiques portant sur des questions d ’ intérêt public ;

b) Renforcer la protection des journalistes, des artistes, des écrivains, des défenseurs des droits de l ’ homme et des personnes exprimant des critiques à l ’ égard du Gouvernement contre toute forme de menace, de pression, d ’ intimidation ou d ’ attaque et veiller à ce que toutes les atteintes visant des journalistes, comme les événements des 5 et 6 juillet 2021 et le cas d ’ Afgan Mukhtarli, fassent sans délai l ’ objet d ’ enquêtes efficaces et impartiales et que les responsables soient dûment poursuivis, notamment en vertu de l ’ article 154 du Code pénal (ingérence illégale dans l ’ activité professionnelle des journalistes), et traduits en justice ;

c) Mettre les éléments du cadre juridique et institutionnel national qui sont susceptibles de restreindre de manière injustifiée la liberté des médias, notamment la Commission nationale des communications et la loi révisée sur les communications électroniques, en pleine conformité avec l ’ article 19 du Pacte, en tenant compte de l ’ observation générale n o 34 (2011) du Comité.

Liberté de réunion pacifique

45.Le Comité est gravement préoccupé par la force excessive dont les représentants de l’ordre font usage contre des manifestants, des militants et des journalistes lorsqu’ils dispersent des rassemblements, comme cela a été le cas en juin et en novembre 2019 à Tbilissi, et par le fait que les autorités tardent à enquêter sur de tels abus et à traduire les auteurs en justice. Il est également préoccupé par les événements qui se sont produits les 5 et 6 juillet 2021, lorsque des membres de groupes radicaux ont attaqué des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou intersexes, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, entraînant l’annulation de la marche des fiertés de Tbilissi, et par le fait que les autorités compétentes n’ont pas assuré une protection adéquate à ces personnes et n’ont pas fait le nécessaire pour que tous les auteurs de ces faits, y compris ceux qui avaient planifié ces attaques, soient traduits en justice en temps voulu (art. 6, 7 et 21).

46. Conformément à l ’ article 21 du Pacte et à la lumière de l ’ observation générale n o 37 (2020) du Comité sur le droit de réunion pacifique, l ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que toutes les allégations d ’ usage excessif de la force et d ’ arrestations et de détentions arbitraires par les représentants de l ’ ordre pendant des manifestations pacifiques fassent sans délai l ’ objet d ’ enquêtes approfondies et impartiales, que les responsables présumés soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, soient sanctionnés, et que les victimes obtiennent réparation ;

b) Dispenser, à l ’ intention des responsables de l ’ application des lois, des formations sur l ’ emploi de la force inspirées des Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois et des Lignes directrices des Nations Unies basées sur les droits de l ’ homme portant sur l ’ utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l ’ application des lois ;

c) Assurer la protection des manifestants pacifiques, des défenseurs des droits de l ’ homme et des journalistes couvrant des manifestations pacifiques contre les menaces, l ’ intimidation, le harcèlement et les attaques dont ils peuvent faire l ’ objet de la part d ’ acteurs privés.

Droits de l’enfant

47.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de mauvais traitements et de violences, y compris des violences sexuelles, infligés à des enfants dans des établissements de séjour. Tout en prenant note des efforts que déploie l’État partie à cet égard, notamment des campagnes de sensibilisation menées, il est également préoccupé par la persistance de la pratique du mariage précoce et des châtiments corporels (art. 23, 24 et 26).

48. L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour :

a) Faire en sorte que les institutions de contrôle indépendantes, y compris le bureau du Défenseur public, aient librement accès à tous les établissements de séjour accueillant des enfants et que toutes les allégations de mauvais traitements et de violences infligés à des enfants dans ces établissements donnent lieu rapidement à une enquête efficace, que les auteurs présumés soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, se voient infliger des peines appropriées, et que les victimes aient accès à des recours utiles et à des moyens de protection et d ’ assistance, y compris un logement ou un hébergement ;

b) Mettre effectivement en application les dispositions légales interdisant le mariage forcé et le mariage précoce ainsi que les châtiments corporels, et mener des campagnes de sensibilisation dans tout le pays.

Participation à la conduite des affaires publiques

49.Tout en prenant note des réformes électorales de juin 2021, le Comité demeure préoccupé par les allégations d’achat de votes, de mésusage des fonds de campagne au profit des titulaires sortants et de contrôle inadéquat, ainsi que par la méfiance du public à l’égard des dispositifs de résolution des litiges électoraux. Il prend note avec inquiétude de la forte polarisation des médias, qui limite la possibilité que se tienne un véritable débat politique pluraliste et empêche les électeurs de prendre des décisions informées. Il est en outre préoccupé par les menaces, le harcèlement et les violences dont sont couramment victimes les professionnels des médias critiques pendant les campagnes électorales (art. 25).

50. L ’ État partie devrait garantir la pleine jouissance du droit de participer aux affaires publiques, y compris aux candidats des partis politiques de l ’ opposition , et mettre ses règlements et pratiques électoraux en pleine conformité avec le Pacte, notamment son article 25. Il devrait en particulier :

a) Veiller à ce que toutes les allégations d ’ irrégularités électorales donnent lieu sans tarder à des enquêtes efficaces et indépendantes, à ce que les responsables présumés soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, se voient infliger des sanctions appropriées ;

b) Améliorer la transparence et la surveillance effective du financement des campagnes et veiller à ce que celles-ci fassent l ’ objet de contrôles efficaces et indépendants, afin qu ’ elles se déroulent dans des conditions d ’ égalité ;

c) Assurer une représentation politique équilibrée au sein des commissions électorales afin de réduire le risque que l ’ administration des élections soit empreinte de parti-pris ;

d) Favoriser une culture de pluralisme politique et garantir la liberté de prendre part à un débat politique pluraliste, notamment en créant un climat qui permette aux professionnels des médias d ’ exercer leur activité en toute sécurité.

Droits des minorités

51.Tout en prenant note de l’adoption des stratégies nationales pour l’égalité et l’intégration des citoyens pour les périodes 2015-2020 et 2021-2030 et des plans d’action associés, le Comité reste préoccupé par les faibles niveaux de représentation des personnes appartenant à des groupes minoritaires dans les organes politiques et publics à tous les niveaux et par leur faible intégration sociale. Malgré l’adoption de la loi sur la langue d’État en 2015 et le fait que l’enseignement en géorgien soit davantage disponible et accessible, le Comité regrette que, d’après les informations qu’il a reçues, des obstacles linguistiques continuent d’entraver l’exercice des droits consacrés par le Pacte par les personnes appartenant à des groupes minoritaires, en particulier les groupes dont les langues sont moins utilisées. Il note également avec inquiétude le taux relativement faible d’enregistrement des naissances au sein des groupes minoritaires (art. 25 à 27).

52.L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour adopter et développer des mesures visant à promouvoir et protéger pleinement les droits des personnes appartenant à des groupes minoritaires, notamment en prenant en considération les besoins particuliers des différents groupes minoritaires et la situation propre à chacun et en allouant des ressources suffisantes à la mise en œuvre de ces mesures. Il devrait aussi :

a) Veiller à ce que les minorités ethniques soient convenablement représentées à tous les niveaux des organes de l ’ État et des administrations publiques, y compris, s ’ il y a lieu, moyennant des mesures temporaires spéciales ;

b) Faire davantage d ’ efforts pour enseigner la langue géorgienne aux personnes appartenant aux groupes minoritaires, y compris aux personnes sans ressources et à celles qui vivent dans les zones rurales, en vue de favoriser l ’ accès de toutes ces personnes aux services publics et à l ’ éducation et leur intégration sociale ;

c) Veiller à ce que, dans les municipalités où les groupes minoritaires sont fortement représentés, l ’ information publique soit disponible dans une langue que comprennent les personnes appartenant à ces groupes ;

d) Faciliter l ’ enregistrement des naissances au sein des groupes minoritaires, notamment en sensibilisant le public et en permettant un accès facile et rapide aux bureaux d ’ état civil.

D.Diffusion et suivi

53. L ’ État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s ’ y rapportant, de son cinquième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu ’ auprès du grand public, pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. L ’ État partie devrait faire en sorte que le rapport périodique et les présentes observations finales soient traduits dans ses langues officielles.

54. Conformément à l ’ article 75 (par. 1) du Règlement intérieur du Comité, l ’ État partie est invité à faire parvenir , le 28 jui llet 2025 au plus tard, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 12 (mesures de lutte contre la corruption), 22 (état d ’ urgence et riposte à la COVID-19) et 50 (participation à la conduite des affaires publiques) ci-dessus.

55. Dans le cadre du cycle d ’ examen prévisible du Comité, l ’ État partie recevra du Comité en 2028 la liste de points à traiter avant soumission du rapport et disposera d ’ un an pour soumettre ses réponses, qui constitueront son sixième rapport périodique. Il demande également à l ’ État partie, lorsqu ’ il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue constructif avec l ’ État partie se tiendra en 2030, à Genève.