Nations Unies

CCPR/C/URY/CO/6

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

3 octobre 2022

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le sixième rapport périodique de l’Uruguay *

1.Le Comité a examiné le sixième rapport périodique de l’Uruguay à ses 3882e et 3883e séances, les 30 juin et 1er juillet 2022. À sa 3908e séance, le 20 juillet 2022, le Comité a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’Uruguay d’avoir soumis son sixième rapport périodique et accueille avec satisfaction les renseignements qui y sont donnés. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif et ouvert avec la délégation de haut niveau de l’État partie. Il remercie l’Uruguay des informations communiquées sur les mesures qui ont été prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée d’établissement des rapports et d’avoir soumis son sixième rapport périodique en s’appuyant sur la liste de points établie au préalable dans le cadre de cette procédure. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour mettre en application les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses fournies oralement par sa délégation et des renseignements complémentaires qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives et institutionnelles ci-après :

a)La création, par la loi no 19.889 du 9 juillet 2020, de la Direction nationale des politiques de genre au sein du Ministère de l’intérieur ;

b)L’adoption de la loi no 19.822, du 18 septembre 2019, qui charge l’institution nationale des droits de l’homme et le bureau du Défenseur du peuple de rechercher les personnes détenues et disparues entre 1968 et 1985 ;

c)L’adoption de la loi no 19.682, du 26 octobre 2018, sur la détermination du statut d’apatride et la protection des apatrides ;

d)L’adoption de la loi no 19.684, du 26 octobre 2018, qui établit des mesures de prévention, de répression, de protection et de réparation dans le but d’éliminer la discrimination et la stigmatisation des personnes transgenres ;

e)L’adoption de la loi no 19.643, du 20 juillet 2018, sur la prévention et la répression de la traite des personnes ;

f)La transformation du parquet pénal de la 25e juridiction de Montevideo en un parquet spécialisé dans les crimes contre l’humanité, par la résolution no 75/018 du 21 février 2018 ;

g)L’introduction, dans le nouveau Code de procédure pénale de 2017, de la procédure d’habeas corpus de protection des personnes privées de liberté contre la torture et les autres traitements cruels ainsi que les conditions de détention portant atteinte à la dignité ;

h)L’adoption de la loi no 19.580, du 22 décembre 2017, sur la violence sexiste à l’égard des femmes ;

i)L’adoption de la loi no 19.538, du 18 octobre 2017, qui fait du féminicide une circonstance aggravante de l’homicide ;

j)L’adoption de la loi no 19.555, du 9 novembre 2017, qui déclare d’intérêt général la participation, dans des conditions d’égalité, des hommes et des femmes aux organes électifs nationaux et régionaux et aux organes directeurs des partis politiques ;

k)La création, en 2015, du Groupe de travail pour la vérité et la justice, dont la mission est de mettre fin à l’impunité des crimes commis entre 1968 et 1985.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Système de suivi des recommandations

4.Le Comité se félicite de l’adoption du système de suivi des recommandations et de la création, en novembre 2016, du Réseau interinstitutions pour l’établissement des rapports et le suivi de l’application des recommandations et observations concernant les droits de l’homme. Il note toutefois que l’État partie n’a pas soutenu la mise en place de cet outil et n’a pas communiqué toutes les informations statistiques voulues sur le degré de mise en application des recommandations du Comité et d’autres organes de protection des droits de l’homme, élaborées avec le concours de la société civile.

5. Le Comité souligne à nouveau la nécessité de renforcer le système de suivi des recommandations et d’établir et de publier des données statistiques permettant d’évaluer le degré d’application des recommandations et observations relatives aux droits de l’homme, en veillant à faire participer la société civile à ce processus .

Non-discrimination

6.Le Comité se félicite des nombreux efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la discrimination, notamment la création du Conseil consultatif national pour l’égalité ethnoraciale et la protection des personnes d’ascendance africaine, l’élaboration et l’adoption du Plan national pour l’égalité raciale et la protection des personnes d’ascendance africaine et la mise en place de mécanismes spécifiques pour lutter contre les actes de discrimination raciale, tels que le Groupe de travail sur les politiques ethnoraciales et la Commission honoraire contre le racisme, la xénophobie et toutes les autres formes de discrimination. Toutefois, le Comité est préoccupé par la vulnérabilité des personnes d’ascendance africaine et des autochtones et par la discrimination structurelle dont ces personnes, en particulier les femmes et les filles, continuent de faire l’objet dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, de la santé et dans la vie publique, ce qui se traduit par la pauvreté et l’exclusion sociale (art. 2, 3, 16, 25, 26 et 27).

7. L’État partie devrait :

a) Redoubler d’efforts en vue de prévenir, combattre et éliminer toutes les formes de discrimination, en particulier la discrimination raciale, notamment en veillant à ce que des ressources suffisantes soient allouées à la mise en œuvre intégrale de ses plans et politiques de lutte contre la discrimination ;

b) Intensifier les campagnes d’éducation et de sensibilisation à l’intention du public et les formations destinées aux secteurs public et privé et au secteur de l’enseignement, afin de promouvoir la tolérance et le respect de la diversité ;

c) Adopter et mettre en application dans les meilleurs délais le nouveau plan national contre le racisme et la discrimination ;

d) Prendre des mesures urgentes pour atteindre le quota annuel de 8 % de participation des personnes d’ascendance africaine dans l’éducation et sur le marché du travail .

Personnes handicapées

8.Le Comité salue l’adoption de la loi no 19.691 sur la promotion de l’emploi des personnes handicapées. Il s’inquiète toutefois de la persistance des inégalités et des obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées dans l’État partie. Il constate en particulier avec préoccupation :

a)Que la participation des personnes handicapées à la vie sociale et à la vie publique est gravement impactée par le manque d’accessibilité physique, notamment des transports, des services et des lieux publics, et le manque d’accès à l’information et aux communications ;

b)Que la loi no 19.691 impose un quota de 4 % pour l’embauche de personnes handicapées dans les secteurs public et privé, mais que ce quota n’a pas été atteint : par exemple, dans la fonction publique, 0,4 % seulement des postes pourvus en 2020 ont été confiés à des personnes handicapées ;

c)Que, selon des informations, les personnes handicapées ne sont pas en mesure d’exercer leur droit de voter à bulletin secret faute d’accessibilité et d’aménagements raisonnables des bureaux de vote, malgré les dispositions de la loi no 19.790 (art. 2, 3, 16, 25, 26 et 27).

9. L ’ État partie devrait prendre des mesures pour lutter contre la discrimination, les préjugés et les stéréotypes négatifs dont sont victimes les personnes handicapées, également dans la législation, les politiques et les programmes publics, ainsi qu ’ en matière d ’ emploi, tant dans le secteur public que dans le secteur privé . En particulier, le Comité exhorte l ’ État partie à :

a) Établir un plan complet d ’ accessibilité physique, englobant les transports publics, afin de garantir aux personnes handicapées un accès effectif aux services publics ;

b) Redoubler d ’ efforts pour assurer l ’ intégration des personnes handicapées sur le marché du travail afin de promouvoir et d ’ accroître l ’ emploi de ces personnes à des postes ordinaires, et prendre des mesures législatives pour sanctionner le faible niveau de respect des quotas fixés par la loi ;

c) Garantir l ’ accessibilité physique des bureaux de vote, ainsi que l ’ accès des personnes handicapées à l ’ information et aux communications, afin de garantir le droit de ces personnes de voter librement et à bulletin secret, et améliorer la formation des agents publics qui travaillent dans ces bureaux aux questions concernant l ’ accessibilité et les aménagements raisonnables .

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

10.Malgré les nombreuses initiatives législatives et normatives qui ont été prises, le Comité est préoccupé par la stigmatisation et par les attitudes discriminatoires à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes dans l’État partie, notamment les actes d’intimidation et la violence dans le milieu scolaire (art. 7, 17 et 26).

11. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour lutter contre les stéréotypes et les préjugés existant à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes et faire en sorte que l’écart entre la législation et la pratique soit effectivement comblé, en particulier dans les secteurs de l’éducation et de la santé et sur les lieux de travail et dans l’espace public ; que les infractions motivées par l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de la victime fassent rapidement l’objet d’enquêtes, que les responsables soient traduits en justice et dûment sanctionnés, et que les victimes obtiennent une réparation intégrale .

Égalité des sexes

12.Le Comité se félicite des diverses mesures qui ont été adoptées pour promouvoir l’égalité des sexes et lutter contre les stéréotypes sexistes. Toutefois, il constate avec préoccupation que les femmes ne sont toujours pas suffisamment représentées dans les postes de direction et de décision, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, et il prend note en particulier du manque de représentation des femmes d’ascendance africaine et des femmes autochtones. Il est également préoccupé par l’écart de rémunération persistant entre les hommes et les femmes (art. 2, 3, 25 et 26).

13. L’État partie devrait :

a) Intensifier ses efforts pour assurer l’égalité effective entre les hommes et les femmes dans tous les domaines et dans tout le pays . En particulier, il devrait prendre des mesures concrètes pour accroître la représentation des femmes, y compris des femmes d’ascendance africaine et des femmes autochtones, dans les postes de décision dans les secteurs public et privé ;

b) Adopter des mesures efficaces pour combler l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes ;

c) Accélérer la mise en œuvre des mesures envisagées dans la Stratégie nationale pour l’égalité des sexes à l’horizon 2030 en ce qui concerne les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, en veillant à ce que des ressources suffisantes soient allouées à la bonne mise en œuvre de ces mesures .

Violence à l’égard des femmes et violence familiale

14.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale, notamment l’adoption de la loi no 19.580 sur la violence sexiste à l’égard des femmes, la création de l’Observatoire des violences fondées sexistes à l’égard des femmes, la criminalisation du féminicide en tant que circonstance aggravante de l’homicide et l’augmentation du nombre de foyers d’accueil dans l’État partie. Néanmoins, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles :

a)La violence à l’égard des femmes demeure répandue dans l’État partie, avec 30 féminicides et 38 925 signalements de violences domestiques en 2021 ;

b)Des ressources suffisantes n’ont pas été allouées à la mise en œuvre effective des mesures envisagées dans la loi no 19.580, notamment en ce qui concerne l’accompagnement, la mise à disposition de centres d’accueil et l’assistance aux victimes ;

c)Les membres du corps judiciaire, les policiers, le personnel médical et le personnel de l’aide sociale ne reçoivent toujours pas de formation spécifique pour aborder la question des violences faites aux femmes sous l’angle des droits humains ;

d)Il existe des obstacles à l’accès des victimes de violences à la justice ainsi qu’à l’octroi de réparations aux familles en tant que victimes directes (art. 3, 6, 7, 14, 17 et 26).

15. L’État partie devrait intensifier les actions qu’il mène pour prévenir, combattre et faire cesser toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles, y compris la violence domestique et la violence sexuelle ; il devrait en particulier faire le nécessaire pour :

a) Affecter à la prévention de la violence à l’égard des femmes, à la protection des femmes, à la répression et à la réparation de ces violences les ressources financières, techniques et humaines nécessaires, sur tout son territoire ;

b) Que les agents publics concernés, notamment les juges, les procureurs, les défenseurs publics, les agents des forces de l’ordre et le personnel de santé et de la protection sociale reçoivent une formation appropriée qui leur permette de repérer et de traiter les cas de violence à l’égard des femmes et d’enquêter sur ces cas, en tenant compte des questions de genre et des droits humains ;

c) Faciliter et encourager par divers moyens le dépôt de plaintes par les victimes ; veiller à ce que tous les actes de violence contre les femmes et les filles fassent sans délai l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales, à ce que les responsables soient poursuivis et punis et à ce que les victimes obtiennent une réparation intégrale, y compris pour leur famille, le cas échéant .

Interruption volontaire de grossesse et droits liés à la procréation

16.Le Comité est préoccupé par les informations concernant les obstacles qui, dans la pratique, empêcheraient les femmes d’accéder à l’interruption volontaire de grossesse, notamment l’objection de conscience invoquée par les équipes médicales et, pour les femmes migrantes, la condition d’avoir vécu une année sur le territoire national. Il est également préoccupé par l’information selon laquelle le taux de fécondité des adolescentes demeure élevé en dépit des mesures adoptées par l’État partie pour prévenir les grossesses chez les adolescentes (art. 2, 3, 6, 7, 17 et 26).

17. Compte tenu de l’observation générale n o  36 (2018) du Comité sur le droit à la vie, l’État partie devrait :

a) Redoubler d ’ efforts pour garantir aux femmes et aux filles un accès effectif, légal et sûr à l ’ interruption volontaire de grossesse, dans le respect de la vie privée, sur l ’ ensemble de son territoire ;

b) Veiller, dans la pratique, à ce que l ’ objection de conscience ne soit pas un obstacle à l ’ accès effectif à l ’ interruption volontaire de grossesse légale et sécurisée ;

c) Supprimer la condition d ’ avoir résidé au moins un an sur le territoire national qui est imposée aux femmes et aux filles, en particulier aux migrantes, pour accéder à l ’ interruption volontaire de grossesse légale et sécurisée ;

d) Redoubler d ’ efforts pour prévenir les grossesses non désirées, en particulier les grossesses à l ’ adolescence, et pour assurer le plein accès à des services de santé sexuelle et procréative appropriés dans tout le pays, en particulier pour les femmes d ’ ascendance africaine, les femmes autochtones et les femmes vivant dans les zones rurales et les zones défavorisées ;

e ) Intensifier les actions de sensibilisation et d ’ éducation aux droits en matière de santé sexuelle et procréative, en faisant une priorité de la mise en œuvre d ’ un plan national d ’ éducation à la santé sexuelle et procréative concret .

Interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

18.Le Comité constate avec préoccupation que la définition de l’infraction de torture n’a pas encore été mise en conformité avec les normes internationales. Il s’inquiète également des informations reçues au sujet de plaintes pour violences policières soumises à la justice, et regrette que les enquêtes menées aient donné peu de résultats (art. 3, 7, 9, 10, 14 et 17).

19. L’État partie devrait :

a) Adopter dans les meilleurs délais une définition de l ’ infraction de torture qui soit conforme aux normes internationales et établir des sanctions proportionnées à l ’ extrême gravité de cette infraction ;

b) Redoubler d ’ efforts pour prévenir efficacement les actes de torture et les mauvais traitements, en renforçant la formation aux droits de l ’ homme dispensée aux juges, aux procureurs, aux agents des forces de l ’ ordre et aux autres fonctionnaires qui participent à la prise en charge des personnes privées de liberté ;

c) Renforcer la coordination entre le pouvoir judiciaire et le Commissaire parlementaire aux affaires pénitentiaires en tant qu ’ organe autonome, qui facilite le signalement en toute sécurité des actes de torture et mauvais traitements subis dans les lieux de privation de liberté, et faire en sorte que tout acte de torture ou mauvais traitement présumé donne lieu rapidement à une enquête approfondie et impartiale, que les auteurs de tels actes soient poursuivis et dûment sanctionnés et que les victimes reçoivent une réparation intégrale .

Traite des personnes

20.Le Comité salue les mesures adoptées par l’État partie pour prévenir et combattre la traite des personnes. Toutefois, il est préoccupé par les informations indiquant que le phénomène de la traite perdure, en particulier dans les départements frontaliers, et que les services de l’État font porter leurs efforts sur l’aide psychosociale et juridique et ne répondent pas suffisamment aux besoins à long terme, notamment aux besoins en matière de logement et d’emploi (art. 7, 8, 14 et 24).

21. L’État partie devrait :

a) Intensifier l’action qu’il mène pour prévenir, combattre et sanctionner la traite des personnes, et notamment renforcer les mécanismes d’identification dans les départements frontaliers afin de détecter les cas de traite suffisamment tôt pour pouvoir intervenir ;

b) Développer les services destinés à répondre aux besoins à long terme et les services de réintégration, notamment la formation professionnelle et l’aide au logement et à l’emploi .

Traitement des personnes privées de liberté

22.Le Comité prend note des efforts consentis pour faire appliquer le nouveau Code de procédure pénale et transformer la procédure inquisitoire en une procédure accusatoire, orale et publique, en introduisant des garanties et en associant les victimes à la procédure. Le Comité prend note également des efforts déployés pour réduire la surpopulation carcérale, ainsi que du projet de plan de lutte contre la récidive et de promotion de la réinsertion, axé sur les droits de l’homme et soucieux des questions de genre, que le Commissaire parlementaire aux affaires pénitentiaires a soumis au Parlement. Toutefois, le Comité est préoccupé par les informations qu’il a reçues concernant :

a)Le nombre élevé et croissant de personnes privées de liberté dans l’État partie et, en particulier, la forte hausse du nombre de femmes privées de liberté ces dernières années, et la composition de la population carcérale, dans laquelle les condamnés comptent seulement pour 33 %, contre 67 % de personnes demeurant en détention provisoire pendant de longues périodes aux côtés des personnes condamnées, ce qui est contraire au Pacte ;

b)L’augmentation considérable du nombre de décès en détention ;

c)Le taux d’occupation des prisons, qui est de 135 %, et l’insuffisance des mesures de réinsertion et de réhabilitation, qui explique que ce taux demeure constant ;

d)Certaines des modifications apportées au cadre normatif relatif aux adolescents en conflit avec la loi, en particulier les modifications qui remettent en cause les principes de la brièveté et du caractère exceptionnel de la privation de liberté, celles qui imposent l’incarcération comme mesure de précaution et celles qui envisagent la possibilité d’appliquer la procédure de référé et une nouvelle procédure simplifiée, lesquelles offrent moins de garanties que le procès oral et peu de possibilités de s’entretenir avec un conseil, et doublent les sanctions encourues pour les délits très graves, qui peuvent atteindre deux à dix ans d’emprisonnement (art. 2, 6, 7, 9, 10 et 14).

23. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour :

a) Faire en sorte que les personnes placées en détention provisoire soient effectivement séparées des condamnés ;

b) Veiller à ce qu’une enquête soit menée sur chaque décès en détention et à ce que, si le décès a été provoqué, le ou les auteurs soient poursuivis et dûment sanctionnés ;

c) Réduire efficacement la surpopulation dans les prisons, et faire baisser le pourcentage élevé de détenus en détention provisoire, privilégier le recours à des mesures de substitution plutôt que la privation de liberté, conformément aux dispositions du Pacte, et appliquer de préférence des mesures sociales et éducatives non privatives de liberté aux femmes qui ont commis des infractions sans violence ;

d) Éviter, dans toute la mesure possible, que des enfants et des adolescents et adolescentes soient placés en détention provisoire, en favorisant le recours à des mesures non privatives de liberté qui permettent leur réadaptation et leur réinsertion dans la société, compte tenu de leur intérêt supérieur, et mettre sa législation et ses pratiques concernant les adolescents en conflit avec la loi en conformité avec les dispositions du Pacte et les normes internationales ;

e) Améliorer les conditions de détention en veillant à ce qu’elles soient conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), ainsi qu’en veillant au respect de la dignité des personnes privées de liberté, conformément à l’article 10 du Pacte, et, à cette fin, allouer des ressources financières et humaines accrues et appropriées .

Accès à la justice, indépendance du pouvoir judiciaire et droit à un procès équitable

24.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a entrepris un travail de réforme du système judiciaire et a octroyé des ressources supplémentaires au ministère public et assuré l’indépendance de celui-ci. Il constate toutefois avec inquiétude que les services de la défense publique continuent de dépendre du pouvoir judiciaire du point de vue hiérarchique et budgétaire, qu’ils manquent de ressources pour s’acquitter efficacement de leurs fonctions de représentation et que les défenseurs publics ne sont pas suffisamment nombreux et la couverture géographique qu’ils assurent également insuffisante. Le Comité est en outre préoccupé par les informations concernant de multiples plaintes pour violences policières contre des personnes en détention et par le fait que ces violences ne donnent pas lieu à des enquêtes et des sanctions appropriées (art. 2 et 14).

25. L’État partie devrait :

a) Garantir l’indépendance hiérarchique et budgétaire des services de la défense publique vis-à-vis du pouvoir judiciaire, et veiller à ce que ces services disposent de ressources financières, techniques et humaines suffisantes pour s’acquitter de leur tâche de façon appropriée et en temps voulu sur l’ensemble du territoire, conformément aux normes internationales applicables en matière de régularité de la procédure et de procès équitable ;

b) S’assurer que tous les cas de violences policières donnent lieu sans délai à une enquête approfondie et que les responsables sont sanctionnés .

Violations des droits de l’homme commises entre 1968 et 1985

26.Le Comité accueille avec satisfaction la création du Groupe de travail pour la vérité et la justice, dont la mission est de mettre fin à l’impunité des crimes commis entre 1968 et 1985, et du parquet spécialisé dans les crimes contre l’humanité commis entre 1973 et 1985 ; néanmoins, il regrette que peu d’informations aient été communiquées sur les résultats des enquêtes menées par le parquet. Le Comité observe avec préoccupation que les victimes n’ont pas reçu de réparation intégrale et que la notion de victime est très restrictive et n’inclut pas les proches (art. 2, 6, 7, 9 et 14).

27.L’État partie devrait accroître les efforts qu’il fait pour rendre effectifs les droits à la vérité, à la justice et à une réparation intégrale des victimes des violations graves des droits de l’homme commises entre 1968 et 1985 . En particulier, il devrait veiller à ce que, dans les meilleurs délais :

a) Le rapport du Groupe de travail pour la vérité et la justice soit diffusé plus largement et toutes ses recommandations soient pleinement mises en application ;

b) Des progrès soient réalisés dans les enquêtes restant à mener sur toutes les allégations de violations des droits de l’homme commises entre 1968 et 1985, à ce que des progrès soient faits dans la recherche des personnes disparues ou assassinées et dans l’identification des restes humains, et à ce que les responsables soient traduits en justice et des sanctions appropriées leur soient infligées ;

c) Le droit à une réparation intégrale de toutes les victimes, y compris leurs proches, soit rendu effectif .

Migrants, réfugiés, apatrides et demandeurs d’asile

28.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie en faveur des réfugiés, des demandeurs d’asile et des apatrides, notamment l’adoption de la loi no 19.682 sur la détermination du statut d’apatride et la protection des apatrides. Il regrette cependant qu’une politique migratoire complète, garantissant la pleine intégration des réfugiés et des demandeurs d’asile, ainsi que leurs droits à la santé, au logement et à l’emploi, n’ait pas encore été mise en œuvre. Il est en particulier préoccupé par :

a)L’absence de mesures visant à développer de nouvelles possibilités de création de revenus et à fournir une aide sociale appropriée aux rapatriés, aux réfugiés et aux demandeurs d’asile, y compris les femmes, les mineurs non accompagnés et les victimes de la torture ou de traumatismes ;

b)Le manque de moyens de garantir l’intégration des rapatriés, des réfugiés et des demandeurs d’asile au niveau local ;

c)L’absence de dispositions visant à prévenir la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre et à protéger les réfugiées et les demandeuses d’asile contre ce type de violence (art. 2, 3, 14, 16 et 23 à 26).

29. L’État partie devrait :

a) Élaborer et appliquer une politique ou une stratégie nationale garantissant une assistance complète aux rapatriés, aux réfugiés et aux demandeurs d’asile, qui permette de prévenir et de combattre la discrimination à leur égard et qui leur garantisse l’accès aux services sociaux, une réelle intégration locale et les aide à accéder à l’emploi et à des possibilités de création de revenus ;

b) Doter la Commission des réfugiés des moyens humains, techniques et financiers nécessaires pour garantir l’intégration locale des rapatriés, des réfugiés et des demandeurs d’asile ;

c) Renforcer encore les mesures de prévention de la violence sexuelle et de la violence fondée sur le genre et les mesures visant à protéger les rapatriées, les réfugiées et les demandeuses d’asile contre ces abus, et faire en sorte que ces femmes soient prises en considération dans le plan d’éducation à la santé sexuelle et procréative qui sera élaboré dans le cadre du budget 2020-2024 .

Droit à la vie privée

30.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur l’avancement et les résultats des enquêtes pénales transmises au premier parquet pénal de Montevideo pour les délits économiques et complexes par la Commission d’enquête créée par la Chambre des représentants en 2016 en lien avec le « dossier Castiglioni ». Ce dossier contiendrait des preuves d’opérations d’espionnage militaire et policier menées dans l’État partie après le retour à la démocratie (art. 17).

31. L’État partie devrait :

a) Enquêter sur le réseau d’espionnage militaire et policier mis en place après le retour à la démocratie et sanctionner les responsables, et diffuser les résultats des enquêtes ;

b) Garantir le droit à la vie privée dans le plein respect du Pacte, en particulier des dispositions de l’article 17 . Les activités de surveillance doivent respecter les principes de légalité, de proportionnalité et de nécessité et être soumises à autorisation judiciaire . L’État partie devrait également veiller à ce que les activités de surveillance soient soumises au contrôle effectif de mécanismes judiciaires indépendants, et garantir l’accès à des recours utiles en cas de violations de ce droit .

Liberté d’expression et droit de réunion pacifique

32.Le Comité prend note avec préoccupation des informations indiquant que les journalistes sont de plus en plus souvent l’objet de poursuites pénales, de menaces et de restrictions de leur liberté d’expression, et s’inquiète des nouvelles modifications apportées à la loi de considération urgente, qui contient des définitions imprécises et trop larges donnant un pouvoir discrétionnaire accru aux autorités de police pour utiliser la force afin de limiter les réunions ou les manifestations (art. 7, 19, 21 et 22).

33.L’État partie devrait adopter les mesures qui s’imposent pour garantir à tous la pleine jouissance de la liberté d’expression et du droit de réunion pacifique, en tenant compte des observations générales n o  34 (2011) et n o 37 (2020) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression et sur le droit de réunion pacifique, respectivement . En particulier, le Comité exhorte l’État partie à :

a) Redoubler d’efforts pour empêcher que des journalistes soient la cible de menaces et fassent l’objet de restrictions à la liberté d’expression, et veiller à ce que toutes les allégations concernant de tels actes d’intimidation donnent lieu rapidement à une enquête approfondie, indépendante et impartiale ;

b) Garantir et respecter les droits de réunion et de manifestation de la population, de la classe politique et des organisations de la société civile ;

c) Veiller à ce que l’application du droit à la liberté d’opinion et d’expression et du droit de réunion ou d’association énoncés dans la loi de considération urgente soit pleinement conforme aux critères établis aux articles 19 (par .  3), 21 et 22 (par .  2) du Pacte .

Droits de l’enfant

34.Le Comité se félicite de l’entrée en vigueur du Plan national d’aide aux enfants et aux adolescents en situation de rue pour la période 2020-2030. En revanche, il est préoccupé par :

a)L’âge minimum du mariage, qui est de 16 ans pour les deux conjoints, avec le consentement des parents, ce qui n’est pas conforme aux normes internationales ;

b)Les informations indiquant que le Plan national d’aide aux enfants et aux adolescents en situation de rue pour la période 2020-2030 n’est pas assorti de lignes opérationnelles annuelles, et notamment que les données quantitatives concernant les enfants et adolescents en situation de rue n’ont pas été actualisées pour la capitale et au niveau national  ;

c)L’absence de mise à jour de la liste des travaux dangereux pour les enfants et l’absence d’informations quantitatives et qualitatives actualisées, la dernière enquête à l’échelon national remontant à 2011 (art. 3, 7 et 24).

35. L’État partie devrait :

a) Modifier d’urgence l’article 91 du Code civil pour porter l’âge minimum du mariage à 18 ans sans distinction de sexe ;

b) Redoubler d’efforts pour combattre le phénomène des enfants en situation de rue et lutter contre l’exploitation des enfants en général, et s’employer en priorité à collecter des données quantitatives actualisées sur cette question, et organiser des campagnes de sensibilisation aux droits de l’enfant auprès du grand public ;

c) Redoubler d’efforts pour combattre et éliminer le travail des enfants, et notamment mettre à jour la liste des travaux présentant un danger pour eux; il devrait également lancer une nouvelle enquête afin de recueillir des données quantitatives et qualitatives .

D.Diffusion et suivi

36. L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, de son sixième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public, afin de les sensibiliser aux droits consacrés par le Pacte .

37. Conformément à l’article 75 (par . 1) du Règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 28 juillet 2025 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 15 (violence à l’égard des femmes et violence familiale), 23 (traitement des personnes privées de liberté) et 25 (accès à la justice, indépendance du pouvoir judiciaire et droit à un procès équitable) .

38. L’État partie ayant accepté d’utiliser la procédure simplifiée d’établissement des rapports, le Comité lui communiquera en temps voulu une liste de points établie avant la soumission du rapport . Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront son septième rapport périodique . Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots . Le prochain dialogue constructif avec l’État partie se tiendra en 2030, à Genève .