Nations Unies

CRC/C/74/D/5/2016*

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

1er mars 2017

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’enfant

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications concernant la communication no 5/2016 ** , ***

Communication p résentée par :

J. A. B. S.

Au nom de :

A. B. H. et M. B. H.

État partie :

Costa Rica

Date de la communication :

19 septembre 2015

Date de la décision :

17 janvier 2017

Objet :

Inscription de la naissance à l’état civil

Questions de procédure :

Griefs insuffisamment étayés

Article de la Convention :

8

Article du Protocole facultatif :

7 f)

1.1L’auteur de la communication est J. A. B. S., de nationalité costaricienne et américaine, né en 1957. Il présente la communication au nom de ses jumeaux, A. B. H. et M. B. H., nés le 23 juin 2014. Il allègue qu’ils sont victimes d’une violation de l’article 8 de la Convention. Il n’est pas représenté. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 14 avril 2014.

1.2Le 27 juin 2016, s’appuyant sur son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, le Comité, par l’intermédiaire de son Groupe de travail des communications, a rejeté la demande de mesures provisoires formulée par l’auteur, portant sur l’enregistrement provisoire des enfants à l’état civil costaricien avec les noms de famille donnés aux États-Unis d’Amérique. Le même jour, le Comité a estimé, conformément au paragraphe 1 de l’article 18 du règlement intérieur, qu’il n’était pas nécessaire de transmettre la communication à l’État partie pour qu’il communique ses observations avant l’examen de la recevabilité.

Rappel des faits

2.1Les enfants de l’auteur, A. B. H. et M. B. H., sont nés en Californie (États-Unis), d’une mère porteuse, par fécondation in vitro de l’ovocyte d’une donneuse et du sperme de l’auteur. Le 2 mai 2014, la Cour supérieure de l’État de Californie a déclaré que l’auteur était le seul parent légal des deux enfants à naître et lui a conféré la pleine autorité parentale, refusant à la mère porteuse la qualité de mère légale, conformément au contrat conclu entre l’intéressée et l’auteur.

2.2Sur l’acte de naissance américain, les enfants de l’auteur portent deux noms, à savoir le premier nom de famille de l’auteur et le nom de jeune fille de la donneuse d’ovocytes. L’auteur y figure comme « père » et la case « mère » est vide. L’auteur fait remarquer que l’accord relatif au don d’ovocytes comprend une clause garantissant l’anonymat de la donneuse. Celle-ci a néanmoins consenti à révéler son identité à l’auteur et accepté que les enfants la contactent s’ils le souhaitent, lorsqu’ils auraient 18 ans.

2.3Le 22 juillet 2014, l’auteur et ses deux enfants sont entrés au Costa Rica avec leurs passeports américains. Le 30 juillet 2014, l’auteur a demandé que ses enfants soient inscrits à l’état civil du Tribunal suprême électoral du Costa Rica. Par décision du 19 août 2014, les services de l’état civil ont enregistré la naissance des deux enfants avec les deux noms de l’auteur, en application du Code civil costaricien. L’auteur a été informé de cette décision le jour même.

2.4L’auteur a fait appel de cette décision. Il a été débouté le 3 octobre 2014 par le Tribunal suprême électoral qui a estimé que, bien que les enfants de l’auteur soient nés aux États-Unis et que leur naissance ait été enregistrée conformément aux dispositions qui y étaient en vigueur, l’État costaricien n’était pas tenu de les enregistrer de la même manière puisqu’il existait une norme nationale impérative. Le Tribunal a estimé que, puisque la filiation maternelle n’était pas établie, la seule solution juridiquement acceptable était d’appliquer par analogie les dispositions du Code civil relatives à la situation des enfants nés hors mariage et de donner aux enfants les deux noms de leur père.

2.5Le 19 décembre 2014, la chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice a rejeté le recours en amparo formé par l’auteur, considérant elle aussi que la norme du pays d’origine des enfants ne créait aucune obligation pour l’État costaricien puisqu’il existait une norme impérative en vigueur en matière d’enregistrement des naissances. La Cour a également estimé que, en tout état de cause, aucun droit fondamental n’avait été enfreint puisque l’auteur avait pu enregistrer ses enfants en tant que Costariciens.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur fait valoir qu’il y a violation du droit de ses enfants à l’identité, reconnu à l’article 8 de la Convention, et en particulier du droit de connaître pleinement leur origine biologique. Par le nom de jeune fille de leur mère biologique, les enfants ont connaissance de leur identité première et réelle et du lien naturel indéfectible qui les unit à leur mère.

3.2L’auteur soutient que l’application du Code civil costaricien est erronée et arbitraire puisque ses dispositions n’ont aucun lien direct ou formel avec la Constitution et avec la loi costaricienne relative aux options et à la naturalisation, et qu’elles s’appliquent aux Costariciens nés sur le territoire national et non à l’étranger.

3.3L’auteur soutient également que le droit de ses enfants à une procédure administrative régulière a été enfreint puisque les services de l’état civil du Tribunal suprême électoral ne lui ont notifié la décision relative à l’enregistrement de ses enfants qu’après son adoption, ce qui l’a empêché de s’y opposer. L’auteur ne s’est pas vu non plus offrir la possibilité de retirer sa demande d’enregistrement de ses enfants en tant que Costariciens au cas où il n’accepterait pas le changement de nom de famille.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

4.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable.

4.2Le Comité prend note de la décision des autorités costariciennes en vertu de laquelle les enfants doivent être enregistrés à l’état civil conformément aux critères définis dans le Code civil costaricien, indépendamment de ceux applicables dans le pays de naissance. Il rappelle à cet égard que, conformément à l’article 7 de la Convention, les États parties doivent mettre en œuvre le droit à un nom conformément à leur législation nationale. Il estime que l’auteur n’a pas démontré de manière convaincante en quoi le fait de donner ses deux noms de famille à ses enfants, conformément à la loi costaricienne, empêchait ceux-ci de connaître pleinement leur origine biologique et contrevenait à leur droit à l’identité.

4.3En ce qui concerne l’argument de l’auteur relatif à l’application prétendument erronée de la législation costaricienne par les autorités nationales, le Comité souligne que l’interprétation et l’application de la législation nationale incombent en principe aux autorités nationales, sauf si elles sont manifestement arbitraires ou qu’elles constituent un déni de justice. En l’espèce, l’argument de l’auteur selon lequel il y a des contradictions dans la législation interne n’est pas fondé. En conséquence, il ne peut servir à établir le caractère arbitraire de la décision ou le déni de justice de la part des autorités nationales.

4.4Concernant les allégations de l’auteur relatives à l’impossibilité de s’opposer à la décision des services de l’état civil, le Comité fait observer que l’auteur a pu interjeter appel et déposer un recours en amparo auprès de la Cour suprême. Il relève également que l’auteur n’a pas montré dans quelle mesure l’impossibilité de s’opposer à la décision des services de l’état civil avant qu’elle ne soit rendue aurait porté atteinte aux droits que reconnaît la Convention à ses enfants.

4.5Au vu de ce qui précède, le Comité déclare que la communication est manifestement infondée et qu’elle est irrecevable au titre de l’article 7 f) du Protocole facultatif.

5.Le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 7 f) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera transmise à l’auteur de la communication et, pour information, à l’État partie.