Nations Unies

CRC/C/TUR/CO/4-5

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

21 juin 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport de la Türkiye valant quatrième et cinquième rapports périodiques *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de la Türkiye valant quatrième et cinquième rapports périodiques à ses 2714e et 2715e séances, les 17 et 18 mai 2023, et a adopté les présentes observations finales à sa 2728e séance, le 26 mai 2023.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de la Türkiye valant quatrième et cinquième rapports périodiques, ainsi que les réponses écrites à la liste de points, qui lui ont permis de mieux appréhender la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

3.Le Comité se félicite des progrès accomplis par l’État partie dans différents domaines, dont la ratification du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications et les diverses mesures législatives, institutionnelles et stratégiques prises pour faire appliquer la Convention, notamment la création de l’Institution des droits de l’homme et de l’égalité et l’adoption du Plan d’action relatif aux droits de l’homme (2021-2023).

III.Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

4.Le Comité est conscient des facteurs qui entravent l’application de la Convention dans le sud-est du pays au vu de la situation humanitaire désastreuse due au séisme qui s’est produit en février 2023 et à ses répliques, en raison desquels 2,5 millions d’enfants sont dans une situation de dénuement extrême dans l’État partie, se retrouvent sans abri et n’ont pas accès aux services essentiels. Le Comité fait sienne la détermination de l’État partie à trouver des solutions immédiates et durables pour permettre aux enfants touchés d’exercer tous les droits qu’ils tiennent de la Convention, à titre prioritaire.

IV.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Le Comité rappelle à l’État partie que tous les droits consacrés par la Convention sont indissociables et interdépendants et souligne l’importance de toutes les recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il appelle l’attention de l’État partie sur les recommandations concernant les domaines ci-après, dans lesquels il est urgent de prendre des mesures : non-discrimination (par. 19) ; violence à l’égard des enfants (par. 29) ; enfants handicapés (par. 35) ; éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles (par. 43) ; enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants (par. 45) ; administration de la justice pour enfants (par. 50).

6. Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir la réalisation des droits de l ’ enfant conformément à la Convention, au Protocole facultatif concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés et au Protocole facultatif concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, tout au long du processus d’application du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il le prie instamment de faire en sorte que les enfants participent activement à la conception et à l ’ application des politiques et des programmes les concernant qui visent à atteindre les 17 objectifs de développement durable.

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6))

Réserves

7.Le Comité prend note des explications données en ce qui concerne le maintien de s réserves à la Convention, mais il invite l ’ État partie, comme il l ’ a déjà fait dans ses précédentes recommandations , à envisager de lever ses réserves aux articles 17, 29 et 30.

Législation

8. Le C omité se félicite des évolutions positives concernant l es cadres juridique , réglementaire et stratégique de l’État partie, qui renforce nt la protection des enfants, mais il recommande à l ’ État partie d’élaborer une législation globale axée sur les droits de l ’ enfant en vue d’assurer l’incorporation de l’ensemble des dispositions de la Convention et des Protocoles y relatifs.

Politique et stratégie globales

9. Le Comité note que la S tratégie pour les droits de l ’ enfant (2023-2028) et le plan d ’ action correspondant ont été finalisés et prend note des objectifs relati f s aux droits de l ’ enfant qui figurent dans le P lan d ’ action en faveur des droits de l ’ homme (2021-2023), et recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les plans d ’ action fournissent un cadre complet pour la réalisation de la Convention et des Protocoles y relatifs et notamment définissent l es priorités , l es objectifs et les responsabilités respectives et prévoient des ressources suffisantes pour l eur application, et à ce qu ’ ils soient passés en revue dans le cadre d ’ un processus consultatif visant à en apprécier l ’ efficacité pour ce qui est d’atteindre les objectifs fixés.

Coordination

10. Le Comité rappelle ses précédentes recommandations et invite l ’ État partie à faire en sorte que le Ministère de la famille, du travail et des services sociaux dispose de l ’ autorité et des ressources nécessaires pour coordonner efficacement toutes les activités liées à l ’ application de la Convention aux niveaux intersectoriel, national, régional et local.

Allocation de ressources

11. Le Comité , préoccupé par l e manque de données publiques sur les allocations budgétaires consacrées à la promotion des droits de l ’ enfant , rappelle son observation générale n o  19 (2016) et, eu égard à la cible 16.5 des objectifs de développement durable, recommande à l ’ État partie :

a) D’adopter une approche davantage fondée sur les droits de l’enfant dans le cadre de l’établissement du budget national et des budgets municipaux, en mettant en place, pour l’ensemble du budget, un système de suivi de l’allocation et de l’utilisation des ressources destinées aux enfants ;

b) D’utiliser ce système pour réaliser des études d’impact sur la manière dont les investissements dans un secteur donné peuvent servir l’intérêt supérieur de l’enfant, en veillant à mesurer les effets différents qu’ont ces investissements sur des groupes d’enfants particuliers, notamment ceux qui se trouvent en situation de vulnérabilité ;

c) De veiller à ce que l’établissement du budget soit transparent et participatif grâce à un dialogue avec la population, en particulier avec les enfants, et à ce que les autorités locales rendent dûment compte de leur action.

Collecte de données

12. Rappelant son observation générale n o  5 (2003), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ améliorer sans délai le système de collecte de données administré par l ’ Institut turc de la statistique et de veiller à ce que les données recueillies sur les droits de l ’ enfant couvrent tous les domaines visés par la Convention et les Protocoles facultatifs s ’ y rapportant, et soient ventilées par âge, sexe, handicap, zone géographique, origine ethnique et nationale, appartenance religieuse et situation socioéconomique, de manière à faciliter l ’ analyse de la situation des enfants, en particulier des enfants vulnérables  ;

b) De mener, systématiquement et à intervalles réguliers, une enquête sur les profils d ’ enfants pour recueillir des données sur les indicateurs de bien-être et de vulnérabilité établis, et de faire en sorte que ces données soient communiquées aux ministères et aux autres organismes publics centraux et locaux compétents et utilisées pour l ’ élaboration, le suivi et l ’ évaluation des politiques et des activités visant à assurer l ’ application effective de la Convention.

Mécanisme de suivi indépendant

13. Le Comité salue la création de l ’ Institution des droits de l ’ homme et de l ’ égalité et prend note du rôle joué par le Médiateur dans le traitement des plaintes émanant d ’ enfants ; il recommande à l ’ État partie:

a) De prendre des mesures supplémentaires pour garantir l ’ indépendance de ces deux i nstitutions, notamment en ce qui concerne leur financement, leur mandat, leurs immunités et la désignation de leurs membres, afin d’assurer leur pleine conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) ;

b) De renforcer encore les mécanismes permettant de recevoir, d’instruire et de traiter les plaintes émanant d’enfants d’une manière adaptée aux enfants et qui tienne compte de leurs besoins, en garantissant la protection des enfants victimes et le respect de leur vie privée, d’ exercer un contrôle et un suivi et de faire connaître ces mécanismes au x enfants de tout le pays.

Diffusion, sensibilisation et formation

14. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce qu’une formation continue et obligatoire aux droits de l ’ enfant soit systématiquement dispensée aux enseignants, aux travailleurs sociaux, aux membres des forces de l ’ ordre, au personnel de santé, aux agents des services de l ’ immigration et aux agents chargés du traitement des demandes d ’ asile, aux professionnels qui travaill e nt dans tous les types d ’ établissements assurant une protection de remplacement et aux membres des médias ;

b) De sensibiliser les enfants à leurs droits, y compris leur droit de disposer de voies de recours au niveau national et au titre du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications, en intégrant des informations à ce sujet dans le cours « Droits de l ’ homme, citoyenneté et démocratie » dispensé aux écoliers.

Coopération avec la société civile

15. Vivement préoccupé par l’environnement difficile dans lequel les organisations de la société civile qui s’occupent des droits de l’enfant mènent leurs activités depuis la tentative de coup d’État de 2016, le Comité rappelle à l’État partie que les défenseurs des droits de l’homme ont besoin d’une protection particulière, car leur travail est essentiel à la promotion des droits de l’enfant. Il recommande donc à l’État partie :

a) De prendre des mesures immédiates pour permettre aux journalistes, aux défenseurs des droits de l ’ homme et à toutes les organisations de la société civile qui s ’ occupent des droits de l ’ enfant d ’ exercer leur droit à la liberté d ’ expression et d ’ opinion sans être menacés ou harcelés ;

b) D e faire en sorte que des enquêtes soient menées rapidement et en toute indépendance sur tous les cas signalés d ’ intimidation et de harcèlement visant ces acteurs, en veillant à ce que les responsables de ces actes soient tenus de rendre des comptes  ;

c) D ’ appliquer le Document de stratégie et le Plan d’action relatifs à la société civile pour favoriser une coopération systématique avec les organisations de la société civile qui défendent les droits de l ’ enfant .

Droits de l’enfant et entreprises

16. Rappelant ses précédentes recommandations et son observation générale n o  16 (2013) ainsi que les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l ’ homme , le Comité recommande à l ’ État partie de passer en revue et d ’ adapter son cadre législatif relatif à la responsabilité juridique des entreprises et de leurs filiales qui opèrent dans l ’ État partie ou y sont domiciliées, afin de garantir la conformité de leurs activités avec la Convention et les Protocoles facultatifs s ’ y rapport a nt.

B.Définition de l’enfant (art. 1)

17. Le Comité rappelle ses précédentes recommandations et invite l ’ État partie à modifier sa législation afin de supprimer toutes les exceptions qui permettent le mariage de personnes de moins de 18 ans , y compris les unions religieuses .

C.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

18.Le Comité constate avec une vive préoccupation que les enfants qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité particulière, notamment les enfants handicapés, les enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants, les enfants appartenant à une minorité ethnique ou religieuse, les enfants lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes et les enfants dont les parents sont accusés d’être associés à une organisation terroriste continuent de faire l’objet de discriminations, et note en particulier que ces enfants ont des possibilités restreintes de bénéficier des services de base, y compris l’éducation, la santé et la protection contre la violence, et de jouir d’un niveau de vie suffisant. Il demeure en outre vivement préoccupé par le fait qu’aucune mesure n’ait été prise de manière urgente et systématique pour combattre et faire évoluer les attitudes et les normes traditionnelles préjudiciables à l’origine des pratiques et des comportements discriminatoires persistants.

19. Rappelant ses précédentes recommandations et l es cibles 5.1 et 10.3 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie , conformément au principe constitutionnel d ’ égalité, de lutter contre la discrimination à l ’ égard des enfants marginalisés ou défavorisés, et notamment :

a) De recueillir des données sur les inégalités auxquels ces enfants font face et de les analyser, et d’élaborer une stratégie visant à supprimer les facteurs qui les empêchent d’améliorer leurs chances de réussite et à mesurer les progrès accomplis égard ;

b) De renforcer la législation, les dispositions institutionnelles et les programmes visant à lutter contre les normes et les stéréotypes sociaux néfastes et de promouvoir un changement de comportement dans la société, de surveiller et de combattre la discrimination, et de veiller à ce que les auteurs de tels actes aient à rendre des comptes et à ce que les victimes obtiennent réparation ;

c) De prendre des mesures pour que les enfants ne fassent pas l’objet de stigmatisation ou de discrimination en raison des opinions politiques ou autres de leurs parents, et d’offrir des recours aux enfants concernés.

Intérêt supérieur de l’enfant

20. Le Comité rappelle son observation générale n o  14 (2013) et recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que, dans le cadre de l ’ examen actuel de son cadre juridique, le droit de l ’ enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale soit intégré de manière appropriée et interprété et appliqué de manière uniforme dans toutes les procédures et décisions législatives, administratives et judiciaires, particulièrement dans les décisions des tribunaux relatives à la garde parentale et au consentement aux actes médicaux et dans les décisions relatives à la migration, ainsi que dans toutes les politiques, tous les programmes et tous les projets qui concernent les enfants et ont des conséquences pour eux  ;

b) De mettre au point des procédures et des critères nationaux harmonisés permettant d’aider toutes les autorités compétentes à déterminer l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant et à en faire une considération primordiale.

Droit à la vie, à la survie et au développement

21. Le Comité rappelle ses précédentes recommandations ainsi que celles du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes , et prie instamment l ’ État partie :

a) De faire appliquer l ’ interdiction des crimes dits d ’ honneur , prévu e à l ’ article 82 (par. 1 k)) du Code pénal et dans les dispositions connexes, notamment en collectant et en publiant des données sur le nombre d ’ enquêtes ouvertes et de poursuites intentées et sur la nature des sanctions imposées aux auteurs de tels crimes  ;

b) De faire en sorte que les femmes et les enfants victimes d ’ infractions commises au nom de l ’ honneur et ceux qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité particulière les expos ant d ’ autant plus au risque d ’ être victimes de telles infractions bénéficient d’ une protection efficace , y compris un hébergement ou d ’ autres mesures ;

c) De prévenir la commission de meurtres au nom de l ’ honneur , en intensifiant les activités de sensibilisation destinées au grand public, aux médias, aux chefs religieux et aux dirigeants communautaires, aux membres des forces de l ’ ordre et aux autorités judiciaires, pour mettre fin à toutes les attitudes misogynes et à tous les autres comportements préjudiciables associés à ce type d ’ infractions ;

d) De publier les résultats des enquêtes relatives aux enfants blessés ou tués pendant les opérations de sécurité menées depuis 2015, notamment les décès dus à une exposition à des restes explosifs de guerre ou à des mines ou à l’utilisation de la force létale par les services de police, ou causés par des véhicules blindés circulant en milieu urbain, en précisant ce qui a été fait pour traduire les responsables en justice.

Respect de l’opinion de l’enfant

22. Le Comité rappelle son observation générale n o  12 (2009) et recommande à l’État partie de renforcer, entre autres, le fonctionnement des comités provinciaux pour les droits de l’enfant et des conseils municipaux de l’enfance, afin que les enfants, particulièrement ceux qui sont marginalisés ou défavorisés, aient davantage de possibilités de participer efficacement aux processus de prise de décisions.

D.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Enregistrement des naissances et nationalité

23. Le Comité note avec préoccupation que , dans l ’ État partie , le taux d ’ enregistrement de s naissances est particulièrement faible chez les réfugiés et les migrants sans papiers et que les enfants dont les parents sont accusés d’infractions liées au terrorisme et ont fait l’objet d’un retrait de nationalit é sont exposés au risque d’apatridie . Prenant note de la cible 16.9 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte qu ’ un certificat de naissance soit délivré pour chaque enfant né sur son territoire, immédiatement après la naissance, en plus du certificat établi à l’hôpital , en accordant une attention particulière aux enfants réfugiés ou demandeurs d’asile et aux enfants migrant s sans papiers , notamment en ayant recours à des unités mobiles d ’ enregistrement des naissances et en assurant la gratuité des enregistrements  ;

b) D ’ abroger les lois et d ’ interdire les pratiques qui privent de facto les enfants de la nationalité turque si leurs parents ou eux-mêmes sont accusés ou déclarés coupables d’une infraction liée au terrorism e et d’offrir des recours aux enfants concernés .

Liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique

24. Le Comité est profondément préoccupé par la répression exercée , au nom de la lutte anti terroris te, contre les enfants qui exercent leur liberté d ’ expression, d ’ association et de réunion pacifique , et constate que , depuis 2016, des milliers d’enfants ont été arrêtés, placés en détention et déclarés coupables d’ infractions liées au terrorisme . Il rappelle les recommandations du Comité des droits de l’homme et recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que la loi antiterroriste (loi n o  3713) de 1991 ne soit pas utilisée pour empêcher les enfants d’exercer leur droit à la liberté d’expression et de réunion, que les mesures de lutte antiterroriste soient proportionnées et conformes à l ’ état de droit, aux droits de l ’ homme et aux libertés fondamentales, et que tous les actes de violence infligés à des enfants par les forces de sécurité dans le cadre d ’ interventions antiterroristes fassent l ’ objet d ’ une enquête et que les auteurs de ces actes soient dûment poursuivis et sanctionnés ;

b) De réviser les dispositions législatives qui empêchent les enfants d’exercer pleinement leur liberté d’expression, en particulier les articles 220 et 299 à 301 du Code pénal ;

c) De supprimer les obstacles liés à l ’ âge prévus par la loi n o  5253 sur les a ssociations et la loi n o  2911 sur les réunions et les manifestations , qui restreignent l’exercice par les enfants de leur droit à la liberté d ’ association et de réunion .

Protection de la vie privée

25. Le Comité constate avec préoccupation que les plat e formes d ’enseignement en ligne ne pr otègent et ne respect ent pas suffisamment le caractère privé des données personnelles des enfants, et recommande à l ’ État partie d’élaborer et de faire appliquer une législation complète encadrant la protection de ces données .

Accès à une information appropriée

26. Rappelant son observation générale n o 25 (2021), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De renforcer l’accès des enfants à Internet, en particulier dans les zones éloignées et les zones rurales, de développer la culture et les compétences numériques des enfants , des enseignants et des familles et de protéger les enfants contre les information s et les contenus susceptibles de nuire à leur bien-être  ;

b) De faire en sorte que tous les enf ants aient accès à des informations et à des contenus divers , dans des langues qu’ils comprennent.

E.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2), 34, 37 (al. a)) et 39)

Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

27. Vivement préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants seraient soumis à la torture ou à des traitements inhuma i n s ou dégradants et mis au secret par des gardiens de prison dans des établissements fermés , notamment dans l’établissement pénitentiaire fermé de Diyarbakir, le Comité rappelle ses précédentes recommandations ainsi que la cible 16.2 des objectifs de développement durable et recommande à l ’ État partie :

a) D e faire appliquer l ’ interdiction constitutionnelle de la torture et de faire en sorte que les allégations de torture ou d ’autres peines ou traitements cruel s , inhuma i n s o u dégradants infligés à des enfants fassent l’objet d’une enquête en bonne et due forme, que les auteurs des faits soient condamnés à une peine proportionnée à la gravité de leurs actes et que les enfants victimes bénéficient d ’ une réparation ad é quate ;

b) D e publier des données sur les résultats de toutes les enquêtes menées par les autorités judiciaires et administrativ es concernant des plaintes pour de tels faits  ;

c) De faciliter l ’ accès des enfants à des mécanismes confidentiels et adaptés à leurs besoins, qui leur permettent de déposer des plaintes dans n’importe quel lieu de privation de liberté .

Violence à l’égard des enfants

28.Le Comité constate avec une vive préoccupation que la violence à l’égard des enfants, notamment les châtiments corporels et la violence domestique, n’est pas dûment reconnue, est peu signalée et ne donne pas lieu à des enquêtes approfondies, et que les capacités professionnelles ainsi que les procédures visant à prévenir, détecter et signaler ces violences et à y répondre d’une manière adaptée aux enfants, y compris la fourniture d’une aide aux victimes et l’accès à un recours, sont limitées.

29. Compte tenu de ses observations générales n os  13 (2011) et 8 (2006) et des cibles 5.2, 16.1 et 16.2 des objectifs de développement durable, le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De faire appliquer les dispositions juridiques interdisant les châtiments corporels dans tous les cont extes , y compris à la maison, à l ’ école, dans les institutions qui accueillent des enfants et dans les établissements offrant une protection de remplacement  ;

b) De créer des mécanismes accessibles, confidentiels et adaptés aux enfants pour faciliter et promouvoir le signalement obligatoire de s cas de violence à l’égard des enfants , notamment en renforçant la capacité des professionnels concernés, dont les travailleurs sociaux et les enseignants, de reconnaître les cas de violence, y compris l’exploitation sexuelle et les abus sexuels, et d’y donner suite efficacement  ;

c) De renforcer l ’ efficacité des maisons d ’ enfants spécialisées et des Centres de suivi des enfants , qui mènent des enquêtes multisectorielles adaptées aux enfants , apportent un appui aux enfants pendant la procédure et fournissent des services aux enfants victimes, y compris aux enfants qui ont été témoins de violence domestique, en veillant à ce qu ’ ils soient dotés de ressources suffisantes et puissent être présents dans tout l ’ État partie, notamment en augmentant le nombre de profession ne ls, y compris les travailleurs socia ux et les psycholog ues, et en renforçant leurs capacités  ;

d) De faire en sorte que l ’ entretien médico-légal avec les enfants victimes soit enregistré sur un support audiovisuel et que l ’ enregistrement soit recevable en tant qu ’ élément de preuve devant la justice et de considérer qu ’ un examen contradictoire peut , si nécessaire , se tenir sans délai pendant la phase d’instruction, afin que les enfants n’aient pas à donner d’autres témoignages  ;

e) De finaliser la stratégie nationale et le projet de plan d ’ action intersectoriels visant à lutter contre la violence à l ’ égard des enfants ;

f) D’ élaborer un cadre d ’ orientation pour la coordination et la collaboration en tre les organisations non gouvernementales et les institutions publiques chargées de la protection de l’enfance , et de facilit er les activités de sensibilisation de ces organisations .

Pratiques préjudiciables

30. Notant que la pratique des mariages d’enfants perdure dans l ’ État partie et qu’elle touche les filles syriennes réfugiées de manière disproportion née , le Comité, compte tenu des recommandations accept ées pendant le troisième cycle de l’Examen périodique universel concernant l’État partie , de la recommandation générale n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes / observation générale n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant, adoptées conjointement (2019) , et de la cible 5.3 des objectifs de développement durable, recommande à l ’ État partie :

a) De faire respecter un âge minimum du mariage fixé à 18 ans, sans exception ;

b) D’adopter la stratégie nationale de lutte contre les mariages précoces et les mariages forcés et son plan d’action, en veillant à ce qu’ils comblent les lacunes des mécanismes de coordination, établissent des dispositifs de protection pour les victimes, prévoient l’adoption par toutes les provinces de plans d’ action visant à lutter contre les mariages d’enfants et renforcent les campagnes de sensibilisation concernant les effets néfastes qu’ont les mariages d’enfants sur la santé physique et mentale et le bien-être des filles, en ciblant les communautés de réfugiés.

F.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Milieu familial

31. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ évaluer l ’ efficacité des programmes d ’ éducation parentale et de réviser ces programmes en conséquence , d ’ envisager d ’ élaborer un programme national harmonisé assorti d’un solide mécanisme de suivi et d’assurance de la qualité qui soit adapté aux besoins particuliers des familles ayant des enfants en situation de vulnérabilité  ;

b) De renforcer encore ses politiques visant à permettre un équilibre entre le travail et la vie privée, notamment en veillant à ce que des solutions de garde d ’ enfants abordables et de qualité soient disponibles , et de favoriser et de promouvoir le rôle des deux parents dans l’éducation des enfants .

Enfants privés de milieu familial

32. Le Comité appelle l’attention de l ’ État partie sur les Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants et lui recommande :

a) D’a dopter sans délai une stratégie nationale intersectorielle et un plan d ’ action pour la d és institution n alisation et la transformation systémique des systèmes de garde d’enfants , d’aide sociale et de protection de l’enfance , en allouant des ressources suffisantes à leur mise en œuvre ;

b) D ’ adopter sans délai un moratoire sur le placement en institution de s enfants de moins de 3  ans  ;

c) De faire en sorte qu’il y ait suffisamment de solutions de prise en charge de type familial ou communautaire pour les enfants qui ne peuvent pas rester dans leur famille, notamment les enfants handicapés et les enfants non accompagnés en situation de migration  ;

d) De réexaminer régulièrement tous les placements, en vue de faciliter la réunification des familles lorsque cela est possible ;

e) De renforcer le contrôle indépendant et périodique de la qualité de la protection de remplacement, en particulier dans les institutions d’accueil, conformément aux Normes minimales relatives aux enfants privés de protection parentale ;

f) De prévoir des mécanismes accessibles et adaptés aux enfants permettant de signaler et de suivre les cas de violence à l’égard d’enfants et d’y remédier.

Enfants dont les parents sont incarcérés

33. P réoccupé par le sort des enfants dont les parents ont été privés de liberté pour des motifs liés au terrorism e et par l’augmentation spectaculaire du nombre de ces enfants à la suite de la tentative de coup d’État de 2016, l e Comité recommande à l ’ État partie :

a) De rechercher des solutions de remplacement au x peines privatives de liberté pour les femmes enceintes et les parents de jeunes enfants  ;

b) De veiller, lorsque l’incarcération de personnes ayant la charge d’enfants est inévitable, à ce que les enfants concernés aient accès à une éducation préscolaire, à une alimentation et à des services de santé adéquats, jouissent du droit de jouer et reçoivent régulièrement la visite de travailleurs sociaux afin de garantir leur bon développement physique, mental et social ;

c) De revenir sur le refus des transferts dans l’établissement le plus proche conformément à la réglementation concernant les visites aux condamnés et aux détenus telle que modifiée.

G.Enfants handicapés (art. 23)

34.Le Comité constate avec préoccupation que, malgré l’existence d’un cadre législatif et stratégique visant à promouvoir les droits des enfants handicapés, ces enfants ne bénéficient pas d’une assistance et de services suffisants, d’allocations accordées sur la base de critères d’évaluation objectifs, d’un repérage et d’un traitement précoces des risques en matière de développement, ni de l’accessibilité physique et de l’accessibilité des transports, particulièrement dans les zones rurales et éloignées.

35. Rappelant son observation générale n o  9 (2006) et les recommandations du Comité des droits des personnes handicapées , le Comité recommande à l ’ État partie d’intégrer et d’appliquer pleinement dans ses politiques une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme, et d’ adopt er une stratégie complète en faveur de l’ inclusion des enfants handicapés , et  :

a) De renforcer l’application de la loi n o  5378 sur les personnes handicapées , particulièrement en ce qui concerne l’accessibilité des lieux et des services publics, et d’allouer des ressources suffisantes aux commissions provinciales de contrôle et d’audit de l’accessibilité, notamment pour qu’elles puissent publier régulièrement des rapports d’activité ;

b) De prévoir des ressources suffisantes pour garantir l’application du Plan d’action national sur les droits des personnes handicapées (2023-2025) et la réalisation des objectifs énoncés dans le Document de stratégie Vision 2030 pour un monde sans barrières, en donnant la priorité à l’accès des enfants handicapés aux programmes de développement de la petite enfance et à une éducation inclusive, en mettant à disposition davantage de ressources utilisables en classe, en augmentant les effectifs du personnel éducatif qualifié et en assurant l’accès aux soins de santé, y compris au dépistage, à l’évaluation et aux intervention précoces, aux services de protection sociale et aux services d’aide de type communautaire ;

c) D’intensifier les campagnes de sensibilisation visant à lutter contre la stigmatisation des enfants handicapés et les préjugés à leur égard et à promouvoir une image positive de ces enfants, en tant que titulaires de droits ;

d) De mettre en place un mécanisme de plainte confidentiel aisément accessible pour que les enfants handicapés puissent signaler les violations de leurs droits dans tous les contextes ;

e) De renforcer la collecte et la publication de données ventilées sur les enfants handicapés pour orienter l’élaboration des politiques et le suivi des objectifs stratégiques.

H.Santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 24, 26, 27 (par. 1 à 3) et 33)

Santé et services de santé

36. Constatant avec satisfaction que l es services de santé sont fournis gratuitement à tous les enfants qui se trouvent sur le territoire de l ’ État partie, le Comité, rappelant son observation générale n o  15 (2013) et les cibles 3.1, 3.2 et 3.8 des objectifs de développement durable, recommande à l ’ État partie de prendre des mesures ciblées pour réduire plus encore le taux de mortalité infantile et le taux de mortalité des enfant s de mo ins de 5  ans , dans les provinces du sud-est , de l’est et du centre et dans les communautés de réfugiés , notamment en renforçant la fourniture de services de santé aux mères et aux enfants dans les zones rural es ou éloignées et en dissocia n t la prestation de soins du statut migratoire , afin que personne ne craigne d’être dénoncé à la police au moment de la prise en charge par les services de santé .

Nutrition

37. Rappelant la cible 2.2 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ améliorer encore la nutrition des enfants et, en particulier, de lutter contre les retards de croissance chez l es enfant s de moins de 5  ans et contre la malnutrition chez les écoliers, n otamment en collectant de manière systématique des données sur la sécurité alimentaire et la nutrition, y compris en ce qui concerne l’allaitement maternel, les retards de croissance, le surpoids et l’obésité , afin de déterminer les causes profondes de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition chez l’enfant .

Santé mentale

38. Eu égard à la cible 3.4 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les programmes de santé mentale destinés aux enfants, notamment en offrant aux enfants des services sur mesure dans les centres communautaires de santé mentale de tout le pays , fournis par des spécialistes des soins de santé mentale pour enfants .

Santé des adolescents

39. Eu égard à ses observations générales n os 4 (2003) et 20 (2016) et aux cibles 3.5, 3.7 et 5.6 des objectifs de développement durable, le Comité rappelle ses précédentes recommandations et celles du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes , et recommande à l ’ État partie :

a) D ’ investir davantage dans les centres pour un mode de vie sain administrés par le Ministère de la santé et de faire en sorte que toutes les filles et tous les garçons, y c omp ris ceux et celles qui sont déscolarisés ou qui vivent en zone rural e , bénéficient d’informations et de services de santé sexuelle et procréative confidentiels et adaptés aux enfants , y compris l’accès à des moyens contracepti f s et à l’avortement sécurisé , en accordant une attention particulière à la prévention des grossesses précoces, des maladies sexuellement transmissibles et du VIH/sida  ;

b) D e faire en sorte que les enfants et les jeunes qu i sont d é pend a nt s du tabac , de l’ alcool, des drogues ou des jeux aient davantage accès à des traitement s spécialisé s adapté s à leurs besoins .

Droits de l’enfant et environnement

40. Le Comité est préoccupé par les risques importants auxquels l ’ État partie fait face en ce qui concerne les catastrophes naturelles causées par les changements climatiques ou à d’autres facteurs, et les déplacements forcés et l’insécurité alimentaire qui en découlent ; il rappelle les cibles 1.5 et 13.3 des objectifs de développement durable et recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que les enfants participent activement à la prise de décisions concernant les questions environnementales et, en particulier, à l’élaboration d’un plan d’atténuation ambitieux et à l’application de la Stratégie nationale d’adaptation aux changements climatiques et de son plan d’action, afin que les besoins particuliers et les vulnérabilités des enfants soient dûment pris en compte  ;

b) De sensibiliser les enfants à la dégradation de l ’ environnement, y compris les changements climatiques et les catastrophes naturelles, et de mieux les y préparer , en intégrant cette thématique dans les programmes scolaires de tous les niveaux et dans les programmes de formation des enseignants  ;

c) D’élaborer une politique visant à réduire le risque élevé de catastrophes naturelles et d’autres situations d’urgence, y compris la création d’un mécanisme d’alerte précoce, dans le but de protéger les droits des enfants dans ce type de situations.

Niveau de vie

41. Eu égard aux cibles 1.2 et 1.3 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ attaquer aux conséquences socioéconomique s de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) et des mesures y relatives , ainsi qu ’ à celles du séisme de février 2023, et de s’intéresser spécialement à l ’aggravation de la pauvreté chez les enfants et à ses importantes conséquences pour les enfants qu i se trouvaient déjà e n situation de vulnérabilité, notamment en augmentant le nombre des bénéficiaires d’une aide financière et de services, e n ciblant particulièrement les enfants dont les parents travaillent dans l’agriculture ou dans le secteur informel , les enfants vivant dans les régions de l’est et du sud-est , dans une zone rural e ou reculée, dans un quartier pauvre d’une zone urbaine ou dans une zone touchée par le séisme, et les familles de réfugiés .

I.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

42.Le Comité prend note des importantes améliorations enregistrées ces dernières années en matière de résultats scolaires ainsi que des efforts que l’État partie a déployés pour intégrer les enfants réfugiés dans son système éducatif. Il est toutefois préoccupé par :

a)La question de la qualité et de la pertinence de l’enseignement et de la fourniture de services éducatifs sur une base équitable pour tous les enfants de l’État partie, les enfants marginalisés et défavorisés ayant des résultats scolaires nettement moins bons que les autres enfants ;

b)Les conséquences persistantes des fermetures d’écoles liées à la pandémie, qui pèsent sur les taux de scolarisation, de fréquentation scolaire et de maintien scolaire, qui ont baissé, et sur la continuité des apprentissages ;

c)Les faibles taux de fréquentation scolaire dans le deuxième cycle du secondaire, dus notamment à la déscolarisation des garçons, principalement chargés des travaux hors du foyer, et des filles, qui sont chargées des travaux domestiques ou doivent se préparer au mariage ;

d)Le nombre élevé d’enfants réfugiés qui ne sont pas scolarisés pour des motifs tels que la capacité insuffisante des écoles dans les lieux où vivent d’importantes communautés de réfugiés, les difficultés financières, et les obstacles linguistiques et culturels ;

e)L’utilisation exclusive du turc comme langue d’enseignement, qui porte préjudice aux enfants qui viennent d’une autre culture ou qui parlent une autre langue ;

f)L’insuffisance des ressources allouées à l’éducation de la petite enfance, dont pâtissent de manière disproportionnée les enfants handicapés et les enfants pauvres.

43. Compte te nu des recommandations accept ées durant le troisième cycle de l’Examen périodique universel concernant l’État partie et des cibles 4.1, 4.2, 4.3, 4.4, 4.6, 4.7 et 4.a des objectifs de développement durable , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’évaluer l’efficacité des mesures prises, y compris le programme d’information destiné aux enfants, s’agissant d’augmenter les taux de scolarisation et de fréquentation scolaire de tous les enfants, en particulier des enfants demandeurs d’asile, des enfants réfugiés et des enfants roms, surtout dans le deuxième cycle du secondaire ;

i) D’évaluer l’efficacité du Plan stratégique pour 2015-2019 du Ministère de l’éducation, et de le renouveler afin d’améliorer l’accessibilité, la qualité, la pertinence et l’inclusivité des services éducatifs ;

ii) De mettre au point des interventions visant à prévenir le décrochage scolaire, notamment en renforçant les systèmes visant à surveiller les taux de fréquentation scolaire et d’achèvement de la scolarité et les résultats de l’apprentissage, en ventilant ces données de manière à évaluer les obstacles liés à l’appartenance ethnique, les obstacles socioéconomiques, régionaux, culturels et linguistiques et les obstacles liés au genre ;

iii) De permettre qu’un enseignement soit dispensé dans des langues autres que le turc, dans les régions où d’autres langues sont davantage parlées, notamment en publiant des manuels scolaires et des matériels pédagogiques dans les langues locales ;

iv) D’investir davantage dans le développement et le renforcement de l’éducation préscolaire et dans l’amélioration de la préparation à l’entrée à l’école primaire, en portant une attention particulière aux enfants marginalisés et aux enfants vulnérables ;

b) De redoubler d’efforts pour remédier aux carences d’apprentissage dues à la pandémie de COVID-19, en ciblant les enfants handicapés, les enfants issus de ménages pauvres, les enfants vivant en milieu rural et les enfants des communautés roms ;

c) De faire en sorte que l’éducation aux droits de l’homme et les principes énoncés dans la Convention , insistant également sur la liberté de religion et de conviction, soient intégrés dans les programmes scolaires obligatoires et les programmes de formation des enseignants et des personnels éducatifs , afin de promouvoir la tolérance et l’entente entre les enfants de toutes les communautés et toutes les appartenances, religieuses ou non  ;

d) De mettre au point et de promouvoir une formation professionnelle de qualité pour renforcer les compétences des enfants, en ciblant les groupes pour lesquels les taux d’achèvement scolaire sont bas .

J.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 (al. b) à d)) et 38 à 40)

Enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants

44.Le Comité note que l’État partie héberge environ 5,1 millions de migrants, dont 4 millions de réfugiés enregistrés, et 1,7 million d’enfants, originaires pour la plupart de la République arabe syrienne. Néanmoins, il constate avec une vive préoccupation que les enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants, y compris ceux qui ne sont pas accompagnés ou qui ont été séparés de leur famille, font l’objet de discriminations, n’ont qu’un accès limité aux services de base, sont exposés à un risque d’apatridieélevé, sont placés dans des centres de détention d’immigrants et font l’objet de violentes reconduites de force (renvois de force).

45. Rappelant l’ observation générale conjointe n o 3 du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n o 22 du Comité des droits de l ’ enfant (2017) et l’ observation générale conjointe n o 4 du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n o 23 du Comité des droits de l ’ enfant (2017) , sa propre observation générale n o  6 (2005) et ses recommandations précédentes , le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De mettre immédiatement fin à la pratique consistant à renvoyer de force des enfants et leur famille du territoire de l’État partie, et de faire en sorte que les enfants soient recensés, enregistrés et protégés contre les expulsions qui sont contraires au droit international, en particulier aux articles 6, 22 et 37 de la Convention, notamment en veillant à ce que des agents spécialement formés examinent les demandes d’asile des enfants en tenant dûment compte de leur âge et en faisant de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale ;

b) De condamner fermement la maltraitance des enfants migrants ou demandeurs d’asile et d’enquêter de manière approfondie sur tous les cas présumés d’actes de ce type, en veillant à ce que les re s ponsables soient dûment punis ;

c) D’appliquer strictement le Règlement sur les mesures de substitution à la détention administrative (2022) pour que des enfants ne puissent pas être placés dans un centre de détention d’immigrants ou dans un autre établissement avec des adultes avec lesquels ils n’ont pas de lien de parenté ;

d) De faire en sorte que la procédure de détermination de l’âge soit pluridisciplinaire, fondée sur des données scientifiques, respectueuse des droits de l’enfant et harmonisée à l’échelle du pays ; de garantir l’accès à des voies de recours efficaces et de veiller à ce que les enfants dont l’âge n’a pas encore été déterminé ou qui contestent les résultats de cette procédure ne soient pas hébergés dans un centre de détention avant renvoi ;

e) D’évaluer les effets des programmes visant à protéger les enfants non accompagnés ou séparés de leur famille, pour s’assurer que ces enfants reçoivent un soutien et puissent bénéficier d’un hébergement de qualité, de bonnes conditions d’hygiène, ainsi que d’une éducation et de services de santé et de services sociaux adaptés, notamment en ordonnant à tous les établissements médicaux d’assurer un traitement médical d’urgence aux enfants qui en ont besoin et de permettre aux enfants d’accéder à la vaccination et à des bilans de santé réguliers, et en ordonnant aux établissements scolaires d’autoriser l’inscription des enfants demandeurs d’asile, qu’ils soient ou non enregistrés ;

f) De faire en sorte que les enfants demandeurs d’asile et leur famille ne soient pas envoyés dans une ville sans possibilités d’emploi ou sans aide disponible, de leur fournir des informations sur les aides disponibles et de permettre aux demandeurs d’asile de choisir leur localité de résidence ;

g) De renforcer les mesures prises au titre du Plan régional pour les réfugiés et la résilience et du Plan d’action pour l’application de la Stratégie nationale d’harmonisation, afin de favoriser la cohésion social e et l’ interaction entre les enfants réfugiés ou migrants et les communautés d’accueil local es .

Exploitation économique, y compris le travail des enfants

46. Le Comité salue la volonté de l ’ État partie d ’ éliminer le travail des en fants , mais il constate que des enfants continue nt d’être soumis aux pires formes de travail des enfants , tendance qui s’est accentuée pendant la pandémie . Il rap pelle la cible 8.7 des objectifs de développement durable et les recommandations du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille , et recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accélérer l ’ application du Programme national d ’ élimination du travail des enfants (2017-2023), en portant une attention suffisante aux enfants demandeurs d’asile ou réfugiés et aux enfants roms  ;

b) De renforcer l’inspection du travail et, en particulier, de recenser les accidents du travail concernant des enfants et de poursuivre les responsables, et de mieux contrôler le secteur de la production agricole et les intermédiaires qui assurent le recrutement d’employés saisonniers , et de veiller à ce que les lois relatives au travail soient appliquées sur tous les lieux de travail , y compris dans les exploitations agricoles et sylvicoles et dans les entités de moins de 50 employés ;

c) De faire participer le secteur privé, les consommateurs, les syndicats et le grand public , à la sensibilisation au travail des enfants , au fait qu ’ il relève de l ’ exploitation et à ses cons é quences.

Vente, traite et enlèvement

47. Le Comité, notant que l ’ État partie est un pays de destination et de transit pour la traite des personnes, es t particul ièrement préoccupé par le nombre important d’enfants qui sont victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle ou d’exploitation par le travail en Türkiye , et par les informations selon lesquelles des agents de l’État seraient complices de ces actes . Co mpte tenu des recommandations accept ées dans le cadre du troisième cycle de l’E xamen périodique universel concernant l’État partie , et rappelant les recommandations du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes ainsi que la cible 8.7 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie d’évaluer l’efficacité de ses protocoles d’orientation et de ses mécanismes de coordination, en respectant les normes de prise en charge et de protection des enfants victim e s de la traite, afin de repérer les lacunes de la protection et d’y remédier .

Enfants touchés par un conflit armé

48. Le Comité est vivement préoccupé par le s meurtre s d ’ enfants et la destruction d’écoles et d’autres infrastructure s dans le cadre des opérations de sécurité menées dans le sud-est de la Türkiye , et prie instamment l ’ État partie :

a) De prendre des mesures pour que les enfants, y compris les enfants d ’ origine kurde et ceux qui habitent dans les zones frontalières du sud-est, ne soient pas exposés à un risque élevé de dommages collatéraux du fait des opérations de sécurité, et pour protéger ces enfants et les infrastructures sociales connexes  ;

b) D ’ approuver et d ’ appliquer la Déclaration sur la sécurité dans les écoles et de prévoir expressément dans la législation la protection des écoles et des universités contre l ’ utilisation militaire durant les conflits armés dans l ’ État partie.

Administration de la justice pour enfants

49.Le Comité salue les récentes réformes menées dans le système de justice pour enfants, notamment le renforcement de l’appui judiciaire et des services aux victimes, mais il demeure profondément préoccupé par :

a)Le grand nombre d’enfants accusés d’infractions pénales, y compris d’infractions liées au terrorisme ;

b)L’âge minimum de la responsabilité pénale, qui reste fixé à 12 ans ;

c)Les longues périodes de détention provisoire, les solutions de substitution aux peines privatives de liberté inadaptées et l’utilisation insuffisante des mesures de déjudiciarisation ;

d)La nécessité de renforcer plus encore les procédures de garanties, de mettre au point des mécanismes d’orientation clairs et d’assurer la coordination entre la justice et le secteur de l’aide sociale ;

e)Les problèmes de qualité systématiques concernant l’aide juridique fournie aux enfant, y compris l’absence d’instructions permanentes et de programmes de formation destinés aux avocats.

50.Rappelant son observation générale n o  24 (2019), le Comité demande instamment à l ’ État partie de me ttre son système de justice pour enfants en pleine conformité avec la Convention et les autres normes international es et , e n particul ie r:

a) De faire en sorte que les enfants de moins de 18  ans ne soient pas détenus ou poursuivis en application de la législation antiterroriste , notamment la loi n o  3713 de 1991  ;

b) De porter l ’ âge minimum de la responsabilité pénale à 14  ans au moins ;

c) De continuer de renforcer son système de justice pour enfants en augmentant le nombre et la couverture géographique des tribunaux pour enfants et en fournissant plus systématiquement une formation complète à tous les professionnels qui s’occupent d’affaires concernant des enfants  ;

d) De renforcer les mesures de justice réparatrice, telles que la déjudiciarisation, la médiation, la prestation de services de conseil et le recours aux travaux d’intérêt général, dans la mesure du possible, et de garantir l’ allocation des ressources nécessaires  ;

e) De renforcer la coordination et la collaboration entre la justice et le secteu r de l’aide sociale, et de prendre des mesures pour promouvoir et développer les réseaux d’aide dans la communauté et au niveau local, ainsi que des programmes de qualité adaptés aux adolescents et à leurs situations ;

f) De réduire la durée de la détention provisoire pour qu’elle soit la plus courte possible , de n’appliquer cette mesure qu’en dernier recours, en veillant à ce qu’elle fasse l’objet d’un contrôle strict et d’un réexamen régulier  ;

g) De faire en sorte, dans les rares cas où la privation de liberté est justifiée en tant que mesure de dernier recours , que les enfants ne soient pas détenus avec des adultes e t que les conditions de détention soient conformes aux normes international es , y compris en ce qui concerne l’accès à l’éducation et aux services de santé  ;

h) De renforcer le contrôle des lieux dans lesquels des enfants sont privés de liberté, en veillant à ce que le mécanisme national de prévention y effectue des visites périodiques et à ce qu’il existe des garanties effective s visant à protéger l’intégrité des victimes et des témoins d’actes de violence ;

i) De collecter , ventiler et publier des données relatives aux enfants qui ont affaire au systèm e de justice, tout en respectant la vie privée des enfants .

K.Suite donnée aux précédentes observations finales et recommandations du Comité portant sur l’application des Protocoles facultatifs à la Convention

Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

51. Rappelant ses l ignes directrices de 2019 concernant l ’ application du Protocole facultatif et ses pr écédentes observations finales relatives au rapport de l ’ État partie soumis en application de l’ article 12 ( par.  1) du Protocol e facultatif , le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) D ’ incriminer expressément tous les actes visés à l ’ article 3 (par. 1 c)) du Protocole facultatif , lorsqu’ils sont commis en ligne, et le fait d’obtenir ou de procurer un enfant à des fins de prostitution, visé à l’article 3 (par. 1 b)) ;

b) De renforcer la coordination et la coopération entre les secteurs chargés de la protection de l’enfance pour améliorer le repérage et l’identification précoces des enfants victimes de toutes infractions visées par le Protocole facultatif , en prêtant une attention particulière aux enfants migrants, demandeurs d’asile ou réfugiés non accompagnés et aux enfants en situation de rue ainsi qu’aux enfants dans le contexte des voyages et du tourisme.

Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

52. Rappelant ses précédentes observations finales concernant le rapport de l ’ État partie soumis au titre de l ’article  8 du Protocole facultatif le Comité exhorte l ’ État partie à renforcer les mécanismes de repérage des enfants réfugiés, demandeurs d’asile ou migrants , et particulièrement des enfants syriens non accompagnés qui sont susceptibles d ’ avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités , en veillant à ce que ces enfants ne soient pas poursuivis, mais plutôt soutenus dans leur réadaptation et leur réinsertion social e .

L.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

53. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’envisager de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, afin de renforcer encore le respect des droits des enfants.

M.Coopération avec les organismes régionaux

54. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer sa coopération av ec le Conseil de l’ Europe en vue d’appliquer la Convention et les autres instruments relatifs aux droits de l’homme , tant sur son territoire que dans les autres États membres du Conseil de l ’ Europe.

V.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

55. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement appliquées et pour qu ’ une version adaptée soit diffusée auprès des enfants, y compris les plus défavorisés d ’ entre eux, et leur soit largement accessible. Il recommande également que le rapport valant quatrième et cinquième rapports périodiques et les présentes observations finales soient largement diffusés dans les langues du pays.

B.Prochain rapport

56. Le Comité fixera et communiquera la date à laquelle l’État partie devra soumettre son rapport valant sixième et septième rapports périodiques, selon le calendrier prévisible de soumission qui sera établi sur la base d’un cycle d’examen de huit ans, et adoptera, le cas échéant, une liste de points et de questions qui sera transmise à l’État partie avant la soumission du rapport. Ce rapport devra être conforme aux directives spécifiques à l’instrument concernant l’établissement de rapports et ne pas dépasser 21 200 mots . Si l’État partie soumet un rapport dont le nombre de mots excède la limite fixée, il sera invité à en réduire la longueur. S’il n’est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins d’examen par le Comité ne pourra pas être garantie.