Nations Unies

CRC/C/LBN/CO/4-5

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

22 juin 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport du Liban valant quatrième et cinquième rapports périodiques *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport du Liban valant quatrième et cinquième rapports périodiques (CRC/C/LBN/4-5) à ses 2201e et 2202e séances (voir CRC/C/SR.2201 et 2202), les 18 et 19 mai 2017, et a adopté les observations finales ci-après à sa 2221e séance (voir CRC/C/SR.2221), le 2 juin 2017.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport du Liban valant quatrième et cinquième rapports périodiques, ainsi que les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/LBN/Q/4-5/Add.1), qui lui ont permis de mieux appréhender la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

3.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures législatives, institutionnelles et politiques prises pour appliquer la Convention, en particulier la loi no 62/16 de 2016 portant création de la Commission nationale des droits de l’homme, la loi no 293 de 2014 sur la protection des femmes et des autres membres de la famille contre la violence familiale, le décret no 8987 de 2012 relatif au travail des enfants, la loi no 150 de 2011 relative à l’éducation de base gratuite et obligatoire, la loi no 162 de 2011 portant abrogation de l’article 562 du Code pénal concernant les crimes d’honneur, la loi no 164 de 2011 relative à la traite des personnes, le Plan national de protection de la femme et de l’enfant et les parties I et II du programme visant à offrir une instruction à tous les enfants au Liban, et la stratégie nationale de l’éducation pour 2010-2015, intitulée « Une éducation de qualité au service de la croissance ». Il se félicite aussi de l’adoption, en 2013, du Programme national de développement socioéconomique local, et, en 2012, du Plan national des droits de l’homme.

III.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

4.Le Comité apprécie les efforts que l’État partie a accomplis pour accueillir et aider un grand nombre de réfugiés syriens, y compris des enfants. Il est conscient des incidences du conflit en République arabe syrienne sur la situation sociopolitique et économique de l’État partie, des tensions internes au sein du système politique de l’État partie qui réduisent sa capacité d’assurer les services publics nécessaires à tous les enfants et de la baisse des fonds fournis par la communauté internationale au titre de l’accueil des réfugiés syriens.

IV.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Le Comité rappelle à l’État partie que tous les droits énoncés dans la Convention sont indivisibles et interdépendants, et souligne l’importance de toutes les recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il tient cependant à appeler l’attention de l’État partie sur les recommandations concernant les sujets ci-après, qui appellent des mesures urgentes : les châtiments corporels (par. 19), l’exploitation et les sévices sexuels (par. 22 et 24), les enfants handicapés (par. 29), l’éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles (par. 35), l’exploitation économique, notamment le travail des enfants (par. 40), la vente, la traite et l’enlèvement d’enfants (par. 43) et l’administration de la justice pour mineurs (par. 45).

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6))

Législation

6. Le Comité encourage l ’ État partie à prendre des mesures sans tarder pour adopter les projets de lois recommandés à l ’ issue de l ’ étude juridique comparée des lacunes de la législation nationale et continuer d ’ élaborer un cadre législatif complet qui soit pleinement compatible avec les principes et les dispositions de la Convention, en garantissant l ’ application effective des lois concernant l ’ enfance dans le pays, les districts et les municipalités.

Politique et stratégie globales

7. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter et de mettre en œuvre les plans d ’ action élaborés par le Conseil supérieur pour l ’ enfance, qui concernent différents aspects de la Convention, et lui recommande à nouveau (voir CRC/C/LBN/CO/3, par. 12) d ’ adopter et de mettre en œuvre à titre prioritaire une politique globale de l ’ enfance qui porte sur tous les domaines visés par la Convention et d ’ élaborer une stratégie pour l ’ appliquer au moyen de ressources humaines, techniques et financières suffisantes.

Coordination

8. Le Comité recommande de nouveau à l ’ État partie (voir CRC/C/LBN/CO/3, par. 14) de doter le Conseil supérieur pour l ’ enfance d ’ un mandat clair et d ’ une autorité suffisante pour qu ’ il puisse coordonner l ’ ensemble des activités contribuant à la mise en œuvre de la Convention dans différents secteurs, aux niveaux national, régional et local. L ’ État partie devrait veiller à ce que l ’ organe de coordination dispose des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à son bon fonctionnement.

Allocation de ressources

9. Conscient de la pression énorme que la crise syrienne fait peser sur l ’ économie de l ’ État partie, le Comité se réfère à son observation générale n o 19 (2016) sur l ’ élaboration des budgets publics aux fins de la réalisation des droits de l ’ enfant et recommande à l ’ État partie :

a) D ’ établir une procédure de budgétisation qui intègre une perspective axée sur les droits de l ’ enfant et fasse apparaître clairement les dépenses consacrées aux enfants dans les secteurs et organismes concernés, ainsi que des indicateurs spéci fiques et un système de suivi ;

b) De définir des lignes budgétaires stratégiques pour tous les enfants, y compris ceux qui peuvent avoir besoin de mesures sociales d ’ action positive, et de prendre des mesures pour que ces lignes budgétaires bénéficient d ’ une protection en ces temps de crise, en particulier dans les domaines de la santé et de l ’ éducation ;

c) D ’ établir des mécanismes de suivi et d ’ évaluation permettant de déterminer si les ressources allouées à la mise en œuvre de la Convention sont suffisantes et si elles sont efficacement et équitablement réparties ;

d) De prendre des mesures pour que le Plan de gestion des répercussions de la crise syrienne au Liban soit correctement financé, y compris par les partenaires internationaux.

Collecte de données

10. Conscient des efforts que l ’ État partie a déployés pour recueillir des données sur les enfants, notamment dans le cadre de l ’ enquête en grappes à indicateurs multiples menée en 2009 et du programme sur les indicateurs relatifs aux enfants fondé sur le système DevInfo , le Comité recommande à l ’ État partie, compte tenu de son observation générale n o 5 (2003) sur les mesures d ’ application générales de la Convention, de prendre les mesures suivantes :

a) Améliorer sans tarder son système de collecte de données, notamment en mettant en place un système uniforme d ’ information sur les cas d ’ exploitation, de violence et de maltraitance impliquant des enfants. Les données devraient porter sur tous les domaines visés par la Convention et être ventilées notamment par âge, sexe, handicap, situation géographique, origine nationale et ethnique, situation migratoire et situation socioéconomique  ;

b) Faire en sorte que les données et indicateurs soient mis en commun par les ministères compétents et utilisés pour élaborer, suivre et évaluer les politiques et les programmes, et améliorer le respect par tous les ministères et institutions compétents de leurs obligations en matière de communication d ’ informations ;

c) Tenir compte du cadre théorique et méthodologique présenté dans le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l ’ homme (HCDH) ;

d) Renforcer sa coopération technique, notamment avec le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF).

Mécanisme de suivi indépendant

11. Le Comité salue l ’ adoption en 2016 de la loi n o 62/16 portant création de la Commission nationale des droits de l ’ homme et, se référant à son observation générale n o 2 sur le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l ’ homme dans la protection et la promotion des droits de l ’ enfant, recommande à l ’ État partie :

a) De mener à bien dans les meilleurs délais la désignation des candidats et l ’ élection des membres de l ’ organe directeur de la Commission ;

b) De garantir l ’ indépendance de la Commission, notamment en ce qui concerne son financement, son mandat et ses immunités, dans le strict respect des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) ;

c) De veiller à ce que la Commission soit dotée des ressources et du personnel nécessaires pour s ’ acquitter efficacement de son mandat ;

d) D ’ envisager d ’ établir un mécanisme spécialement chargé de surveiller le respect des droits de l ’ enfant et habilité à recevoir des plaintes, y compris de la part d ’ enfants ;

e) De solliciter l ’ assistance technique du HCDH.

Diffusion, sensibilisation et formation

12. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Redoubler d ’ efforts pour dispenser de façon systématique et permanent e un enseignement sur les droits de l ’ enfant , notamment dans le cadre des programmes scolaires, et de mener des programmes et des campagnes pour sensibiliser les enfants, les familles et le grand public, y compris les familles de réfugiés ;

b) Continuer de renforcer la formation des professionnels travaillant avec ou pour les enfants, en particulier les enseignants, les personnes travaillant dans le domaine de la petite enfance, les travailleurs sociaux, le personnel des services de santé, les juristes et les responsables de l ’ application des lois ;

c) Fournir au Conseil supérieur pour l ’ enfance l ’ appui et les ressources nécessaires pour intensifier les activités de formation et la diffusion de publications sur les droits de l ’ enfant et la Convention.

B.Définition de l’enfant (art. 1er)

13. Le Comité demeure vivement préoccupé par le fait que l ’ âge minimum du mariage est fixé à 14 ans pour les filles et à 16 ans pour les garçons, voire moins dans certaines circonstances, dans les lois relatives au statut personnel des différentes communautés religieuses. Le Comité réitère ses recommandations antérieur es (voir CRC/C/LBN/CO/3, par.  26) et exhorte l ’ État partie à adopter sans tarder des dispositions législatives fixant cet âge à 18 ans pour les filles et les garçons, et à collaborer avec les autorités religieuses pour interdire les mariages d ’ enfants.

C.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

14. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De garantir à tous les enfants l ’ égale jouissance des droits énoncés dans la Convention , en droit et en fait, sans discrimination ;

b) De redoubler d ’ efforts pour éliminer toutes les formes de discrimination envers les enfants de travailleurs migrants, les enfants réfugiés et les enfants marginalisés tels que les enfants doms et bédouins et les enfants handicapés, en révisant les lois pertinentes, notamment la loi de 1951 sur l ’ enregistrement du statut personnel, et en menant des campagnes de sensibilisation auprès des populations locales et dans les écoles ;

c) Engager un dialogue national avec les communautés religieuses et les organisations de la société civile, afin d ’ établir une législation civile commune sur le statut personnel et la succession qui soit applicable à tous les enfants, indépendamment de leur appartenance religieuse.

Intérêt supérieur de l’enfant

15. Compte tenu de son observation générale n o 14 (2013) sur le droit de l ’ enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour que ce droit soit bien pris en compte et interprété et appliqué systématiquement dans toutes les procédures et décisions législatives, administratives et judiciaires, ainsi que dans l ’ ensemble des politiques, des programmes et des projets qui ont des incidences sur les enfants. À cet égard, l ’ État partie est encouragé à définir des procédures et des critères propres à aider et à former toutes les personnes compétentes afin qu ’ elles soient en mesure de déterminer l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant dans tous les domaines et à en faire une considération primordiale.

Respect de l’opinion de l’enfant

16. Prenant note des diverses initiatives du Conseil supérieur pour l ’ enfance dans ce domaine, notamment l ’ institutionnalisation du Parlement national des jeunes, le Comité recommande à l ’ État partie, conformément à son observation générale n o 12 (2009) sur le droit de l ’ enfant d ’ être entendu :

a) De continuer de prendre des mesures pour garantir la mise en œuvre effective de la législation reconnaissant le droit de l ’ enfant d ’ être entendu dans les procédures judiciaires et administratives qui le concernent, notamment en mettant en place les mécanismes et/ou procédures voulus pour garantir le respect de ce principe par les travailleurs sociaux et les tribunaux ;

b) Mener des travaux de recherche pour recenser les questions les plus importantes pour les enfants, recueillir leurs opinions sur ces questions et déterminer dans quelle mesure ils ont voix au chapitre dans les décisions familiales les concernant ;

c) De mettre au point des outils permettant de consulter la population au sujet de l ’ élaboration des politiques nationales dans le cadre d ’ un processus normalisé et ouvert qui garantisse une participation adéquate, et notamment de prendre l ’ avis des enfants sur les questions qui les concernent ;

d) D ’ exécuter des programmes et des activités de sensibilisation pour promouvoir la participation réelle et autonome de tous les enfants à la vie de la famille, de la collectivité et de l ’ école, notamment dans le cadre des conseils d ’ élèves, en accordant une attention particulière aux filles et aux enfants vulnérables ;

e) De promouvoir la participation de tous au Parlement national des jeunes en garantissant que les enfants de toutes les communautés puissent pleinement y participer pourvu qu ’ ils remplissent les conditions requises, y compris les enfants en situation de pauvreté, les enfants réfugiés, les enfants handicapés et les enfants homosexuels, bisexuels, transgenres et intersexués, et doter cette institution de ressources suffisantes.

D.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Enregistrement des naissances, nom et nationalité

17. Malgré les efforts louables accomplis pour garantir l ’ enregistrement de tous les enfants dans l ’ État partie, le Comité note que des pratiques discriminatoires et des obstacles administratifs empêchent l ’ enregistrement de certains enfants, en particulier les enfants réfugiés palestiniens et syriens et les enfants doms et bédouins, et recommande à l ’ État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Intensifier le dialogue avec les autorités religieuses compétentes et les autres parties concernées en vue de modifier l ’ arrêté n o 15 de 1925 sur la nationalité libanaise, de façon à accorder les mêmes droits aux nationaux des deux sexes en ce qui concerne la transmission de la nationalité à leurs enfants et à mettre en place des mesures de protection suffisantes pour que la nationalité soit accordée aux enfants qui seraient autrement apatrides ;

b) Amplifier encore les efforts pour garantir l ’ enregistrement de toutes les naissances d ’ enfants dans l ’ État partie, en particulier celles des enfants de réfugiés, de demandeurs d ’ asile et de travailleurs migrants et des enfants issus de populations traditionnellement apatrides , notamment en simplifiant les exigences relatives à la présentation de documents et en réduisant les autres obstacles à l ’ obtention d ’ un certificat de naissance officiel en coopération avec les États concernés, et pour fournir dans son prochain rapport périodique des statistiques afin d ’ évaluer cette question ;

c) Veiller à ce que les conjoints et enfants étrangers de femmes libanaises soient en mesure d ’ obtenir des permis de séjour, en droit et dans la pratique, pour leur garantir l ’ accès à des services de base tels que l ’ éducation et les soins de santé ;

d) À défaut d ’ enregistrement officiel, veiller à ce que des cartes d ’ identité spéciales valables soient fournies aux enfants nés de père palestinien qui ne sont ni inscrits sur le registre des réfugiés du bureau local de l ’ Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient ni reconnus comme réfugiés par les autorités libanaises. Simplifier les procédures de demande et de renouvellement, et garantir que les autorités libanaises considèrent ces cartes d ’ identité spéciales comme équivalentes aux documents attestant l ’ enregistrement officiel ;

e) Modifier la loi de 1951 sur le statut personnel pour faciliter l ’ enregistrement des naissances des enfants ayant dépassé l ’ âge de un an, et modifier l ’ article 12 de la loi sur les registres du statut personnel pour habiliter, outre le père et le ministère public , la mère de l ’ intéressé et les juges des mineurs à demander l ’ enregistrement d ’ une naissance ;

f) Garantir l ’ application effective du paragraphe 3 de l ’ article 1 er de l ’ arrêté n o 15 sur la nationalité libanaise, selon lequel celle-ci est accordée aux enfants nés au Liban de parents dont l ’ identité ou la nationalité est inconnue, et modifier l ’ article 25 de la loi n o 422 sur la protection des mineurs en situation de conflit avec la loi et des mineurs en situation de risque pour que les mineurs non enregistrés ne soient pas considérés comme étant en situation de risque au titre de cette loi ;

g) Envisager de devenir partie à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

E.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2), 34, 37 a) et 39)

Châtiments corporels

18.Le Comité demeure préoccupé par le fait que les châtiments corporels continuent d’être utilisés comme moyen de discipline et d’être acceptés par la société et ne sont pas réprimés par la loi dans l’État partie.

19. À la lumière de son observation générale n o 8 (2006) sur le droit de l ’ enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments et de son observation générale n o 13 (2011) sur le droit de l ’ enfant d ’ être protégé contre toutes les formes de violence, le Comité réitère ses recommandations précédentes (voir CRC/C/LBN/CO/3, par. 42) et recommande à l ’ État partie :

a) De réviser sa législation, notamment l ’ article 186 de son Code pénal, à l ’ effet d ’ interdire expressément les châtiments corporels, aussi légers soient-ils, dans tous les contextes, y compris dans la famille, dans les structures de garde et les activités périscolaires, dans toutes les écoles, privées comme publiques, dans les établissements de placement et dans les institutions ;

b) D ’ adopter et de faire appliquer la politique de protection des enfants à l ’ école ;

c) De mener à bien des programmes de sensibilisation afin de promouvoir des formes de discipline et d ’ éducation des enfants non violentes, positives et participatives, en remplacement des châtiments corporels, et de développer les programmes d ’ éducation à la parentalité et les formations à l ’ intention des directeurs d ’ établissement scolaire, des enseignants et des autres professionnels travaillant avec et pour les enfants.

Maltraitance et négligence

20. Nonobstant la mise en place de plusieurs initiatives de lutte contre les sévices à enfants dans l ’ État partie, le Comité, au vu du pourcentage élevé d ’ enfants victimes de maltraitance et de négligence et compte tenu de la cible 16.2 des objectifs de développement durable (« Mettre un terme à la maltraitance, à l ’ exploitation et à la traite, et à toutes les formes de violence et de torture dont sont victimes les enfants »), recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que la loi n o 293 de 2014, sur la protection des femmes et de tous les membres de la famille contre la violence familiale, soit mise en œuvre dans la pratique et que les services spécialisés contre la violence familiale disposent de moyens humains, techniques et financiers suffisants pour assumer leurs fonctions ;

b) D ’ accélérer la mise en œuvre de la stratégie nationale pour la protection des enfants contre toutes les formes de violence et la prévention de telles pratiques et de développer encore les campagnes de sensibilisation et les programmes d ’ éducation, en y associant les enfants, notamment ceux des familles pauvres et des familles marginalisées, tout particulièrement des familles de réfugiés palestiniens et syriens ;

c) De créer une base de données nationale recensant tous les cas de violence familiale à l ’ égard des enfants, de réaliser une étude complète pour évaluer l ’ ampleur, les causes et la nature de cette violence, et de fournir dans son prochain rapport périodique des données ventilées sur le nombre de plaintes reçues et ayant donné lieu à l ’ ouverture d ’ une enquête, ainsi que sur les dispositions et sanctions prises ;

d) De continuer à prendre toutes les mesures appropriées pour qu ’ il devienne obligatoire pour tous ceux qui travaillent pour et avec des enfants de signaler les cas de maltraitance et de négligence d ’ enfants dont elles ont connaissance, pour mettre en place un mécanisme accessible permettant aux enfants notamment de dénoncer tout cas de maltraitance et de négligence, en particulier dans les camps de réfugiés palestiniens, en veillant à ce que les victimes de tels actes jouissent de la protection nécessaire, et pour mener une action de surveillance et de prévention et prendre les mesures voulues au nom des enfants à risque ;

e) De mettre en service une permanence téléphonique gratuite à l ’ intention des enfants et de veiller à ce qu ’ elle soit suffisamment dotée en fonds et en effectifs, d ’ accroître le nombre de foyers d ’ accueil pour les enfants victimes de maltraitance et de négligence, et de favoriser la réadaptation physique et psychologique des enfants victimes ;

f) D ’ adopter des directives générales et des outils normalisés pour la gestion des cas appelant une protection de l ’ enfant et de continuer à assurer une formation systématique de tous les personnels et professionnels travaillant pour et avec des enfants, parmi lesquels les juges, les procureurs, les policiers et autres membres des forces de l ’ ordre, concernant la prévention et la surveillance de la violence familiale ;

g) D ’ encourager les programmes à assise communautaire visant à prévenir et combattre la violence familiale, la maltraitance et la négligence, en faisant appel notamment à d ’ anciennes victimes, à des bénévoles et à des membres de la communauté et en leur dispensant une aide à la formation.

Exploitation et violence sexuelles

21.Le Comité constate avec une profonde préoccupation que l’article 522 du Code pénal prévoie l’exonération pénale des auteurs de viol s’ils épousent leurs victimes.

22. Le Comité engage vivement l ’ État partie à abroger sans délai l ’ article 522 du Code pénal et toutes les autres dispositions légales en vertu desquelles les violeurs sont exonérés de poursuites dès lors qu ’ ils épousent leur victime, de manière à ne pas causer de second traumatisme aux jeunes filles victimes qui risquent de subir des pressions pour qu ’ elles se marient avec l ’ auteur du viol.

23.Le Comité est gravement préoccupé par le risque de violence et d’exploitation sexuelles qui pèse sur les enfants dans l’État partie, en particulier s’agissant des enfants réfugiés. Il s’inquiète également du manque de foyers et de services d’aide à la disposition des enfants victimes, ainsi que du manque de données concernant la prévalence des sévices sexuels sur enfants dans l’État partie.

24. Le Comité engage vivement l ’ État partie à :

a) Adopter et mettre en œuvre le Plan national d ’ action contre l ’ exploitation et la violence sexuelles ;

b) Établir des mécanismes, des procédures et des lignes directrices afin de rendre obligatoire le signalement des cas d ’ exploitation et de violence sexuelles à l ’ égard des enfants et de garantir que ces cas donnent effectivement lieu à l ’ ouverture d ’ une enquête et que les aute urs soient traduits en justice ;

c) Mener à bien des programmes de sensibilisation et d ’ éducation, notamment auprès des enfants, pour lutter contre l ’ exploitation et la violence sexuelles, et de mettre en place des canaux accessibles et adaptés aux enfants permettant de signaler ce type de violations de manière efficace et en toute confidentialité ;

d) Faire en sorte que tous les professionnels travaillant avec et pour des enfants, parmi lesquels les assistants sociaux, les magistrats et les membres des forces de l ’ ordre, soient dûment formés à la manière de recevoir les plaintes, de surveiller la situation, d ’ enquêter sur les cas et d ’ engager les poursuites voulues, dans le respect de la sensibilité et du sexe de l ’ enfant, ainsi que de sa vie privée, et de veiller à ce que les organismes de protection de l ’ enfance soient dotés de ressources humaines et financières suffisantes ;

e) Créer des foyers pour accueillir les victimes de sévices sexuels, en veillant à ce que leurs effectifs soient suffisants et dûment formés et à ce qu ’ ils disposent des fonds nécessaires pour fournir des services efficaces et complets ;

f) Veiller à élaborer des programmes et des politiques de prévention, de réadaptation et de réinsertion sociale des enfants victimes .

Pratiques préjudiciables

25. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie nationale sur les mariages d ’ enfant s et de continuer à mettre en œuvre des programmes complets de sensibilisation aux conséquences néfastes que le mariage des enfants a pour eux et en particulier pour les filles réfugiées, en ciblant notamment les parents, les enseignants et les chefs religieux. Il lui recommande aussi de faire en sorte que les auteurs de « crimes d ’ honneur » soient poursuivis en justice et de mener des campagnes de lutte contre la violence à l ’ égard des femmes et des filles.

F.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Enfants privés de milieu familial

26. Le Comité prend note de la publication en 2016 de la Politique de normalisation de la protection de l ’ enfance du Ministère des affaires sociales, mais attire l ’ attention de l ’ État partie sur les Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants (voir la résolution 64/142 de l ’ Assemblée générale, annexe) et souligne que la pauvreté économique et matérielle ne devrait jamais être l ’ unique raison de retirer un enfant à ses parents, de placer l ’ enfant dans une structure de protection de remplacement ou d ’ empêcher la réinsertion sociale de l ’ enfant. À cet égard, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De soutenir et de favoriser la prise en charge des enfants au sein de la famille, chaque fois que cela est possible, y compris en augmentant les aides financières versées aux familles démunies, dans l ’ objectif de limiter les placements en institution ;

b) De mettre en place des garanties adéquates et des critères clairs, fondés sur les besoins et l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant, pour déterminer si un enfant doit faire l ’ objet d ’ un placement dans une structure de protection de remplacement, étant entendu qu ’ est considéré comme tel le placement chez des proches, en famille d ’ accueil, dans le cadre de la kafala et en institution ;

c) De définir et d ’ appliquer des normes en matière de prise en charge des enfants dans le cadre de la protection de remplacement, et de garantir un contrôle suffisant du respect de ces normes par les autorités, y compris au moyen d ’ un examen périodique des placements en famille d ’ accueil, dans le cadre de la kafala et en institution, et de s ’ assurer de la qualité de la prise en charge dans ces contextes, en particulier en instaurant des mécanismes accessibles permettant de signaler et de suivre les cas de maltraitance et de prendre des mesures pour y remédier ;

d) De faire en sorte que des ressources humaines, techniques et financières suffisantes soient allouées aux institutions de placement et aux services de protection de l ’ enfance compétents ;

e) De veiller à ce que le personnel s ’ occupant des enfants dans le cadre d ’ une protection de remplacement reçoive une formation continue, notamment aux outils permettant de prévenir la violence contre les enfants placés dans des institutions.

Adoption

27. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que l ’ adoption, nationale comme internationale, soit encadrée et surveillée par une autorité publique centrale, afin que les pratiques dans ce domaine soient conformes à la Convention. Il lui recommande en outre d ’ envisager de ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d ’ adoption internationale (1993).

G.Handicap, santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) et 33)

Enfants handicapés

28.Tout en prenant acte des initiatives législatives visant à faire encore progresser la protection des droits des enfants handicapés et des efforts faits pour intégrer ces derniers dans l’enseignement ordinaire, le Comité constate avec préoccupation :

a)Que les enfants handicapés sont toujours victimes de la discrimination et ne sont pas réellement intégrés dans tous les aspects de la vie sociale, notamment dans le système éducatif, en ce qui concerne particulièrement les enfants réfugiés palestiniens et syriens ;

b)Que les services de santé sont inadaptés, en particulier dans les hôpitaux publics, et que les services de réadaptation sont à la fois inadéquats et insuffisants, en particulier pour les enfants réfugiés syriens ;

c)Que les familles d’enfants handicapés ne bénéficient pas de toute l’aide financière ni de tous les autres services d’accompagnement dont elles auraient besoin ;

d)Qu’une proportion importante des enfants handicapés sont placés en institution, où ils ne sont pas correctement pris en charge, et que certains soignants se rendent coupables de maltraitance et de violence, y compris sexuelles.

29. Compte tenu de son observation générale n o 9 (2006) relative aux droits des enfants handicapés, le Comité engage vivement l ’ État partie à adopter une approche du handicap fondée sur les droits de l ’ homme et à achever son plan national d ’ action, conformément à sa stratégie relative aux droits de l ’ enfant handicapé. Il lui recommande plus particulièrement :

a) De redoubler d ’ efforts pour mettre en œuvre le cadre législatif et les politiques nécessaires pour assurer la protection effective des droits des enfants handicapés en suivant une approche du handicap fondée sur les droits de l ’ homme, en particulier s ’ agissant des enfants en situation de pauvreté, enfants réfugiés de Palestine et de Syrie compris, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la pleine intégration des enfants handicapés dans tous les domaines de la vie sociale ;

b) De veiller à ce que les enfants handicapés puissent être scolarisés en milieu ordinaire (« éducation inclusive ») dans le système scolaire public et privé et à ce que toutes les structures d ’ enseignement et de garde soient accessibles, notamment en accélérant la mise en œuvre de la loi n o 220 de 2000 ;

c) De continuer à renforcer les mesures propres à garantir l ’ accès des enfants handicapés aux soins de santé, y compris à des programmes de dépistage et d ’ intervention précoces ;

d) De continuer à accroître le soutien apporté aux personnes ayant un enfant handicapé à charge, notamment en relevant les prestations sociales et en développant les services qui leur sont destinés, dans l ’ optique de permettre la prise en charge des enfants sans les placer en institution ;

e) De faire en sorte que des examens périodiques des placements soient réalisés pour tous les enfants placés en institution et de surveiller la qualité des soins fournis aux enfants dans ce cadre, tout particulièrement s ’ agissant d ’ enfants ayant des troubles psychosociaux ou intellectuels, notamment en instaurant des mécanismes accessibles permettant de signaler les cas de maltraitance, d ’ assurer un suivi de ces cas et de prend re des mesures pour y remédier ;

f) De continuer à mener des campagnes de sensibilisation à l ’ intention des fonctionnaires, du grand public et des familles afin de lutter contre la stigmatisation des enfants handicapés et contre les préjugés dont ils font l ’ objet ;

g) D ’ envisager de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Santé et services de santé

30.S ’ il salue les actions menées par le Ministère de la santé publique pour moderniser et développer le système de soins de santé primaire s , notamment face à la crise des réfugiés syriens, le Comité, se référant à son observation générale n o 15 (2013) sur le droit de l ’ enfant de jouir du meilleur état de santé possible et prenant note des cibles 3.1, 3.2 et 3.3 des objectifs de développement durable, recommande à l ’ État partie :

a) De continuer à s ’ efforcer d ’ améliorer l ’ accès à des soins de santé de qualité, en particulier pour les enfants apatrides, réfugiés et demandeurs d ’ asile, les enfants de travailleurs migrants et les familles pauvres, en développant le réseau national des centres de soins de santé primaire s , de manière à couvrir la totalité des centres du territoire national, ainsi que le programme d ’ accréditation du Ministère de la santé publique ;

b) De veiller à ce que l ’ offre de soins prénataux et postnataux soit suffisante dans tous les gouvernorats de l ’ État partie et de remédier aux taux élevés de mortalité des nourrissons parmi la population des réfugiés syriens ;

c) De renforcer le programme national de vaccination, afin de répondre aux besoins que fait apparaître la crise en République arabe syrienne et de continuer à améliorer l ’ accès des communautés défavorisées, en particulier des réfugiés, à l ’ eau potable et à l ’ assainissement, ainsi qu ’ à s ’ attacher à maîtriser les risques de maladies transmissibles et autres préoccupations sanitaires ;

d) D ’ améliorer l ’ accès à des soins de santé abordables pour toutes les familles démunies, de remédier aux disparités constatées hors de Beyrouth et du Mont-Liban en termes de qualité et de couverture des soins et d ’ encadrer plus strictement le secteur pharmaceutique et l ’ ensemble des prestataires de services de santé, tant en termes de qualité qu ’ en termes de tarification ;

e) De continuer à promouvoir l ’ allaitement exclusif jusqu ’ à l ’ âge de 6  mois, y compris au moyen d ’ une législation allongeant le congé de maternité dans les secteurs public et privé et de campagnes et autres mesures de sensibilisation, en formant et en informant les fonctionnaires concernés, tout particulièrement le personnel des services de maternité et les parents, et de travailler avec l ’ UNICEF à la mise en place et à l ’ extension du projet « Hôpitaux amis des bébés ».

Santé mentale

31. Constatant que peu de services de santé mentale sont accessibles en dehors de Beyrouth et du Mont-Liban, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ étendre l ’ offre et d ’ améliorer la qualité des services et programmes de santé mentale, de relever le nombre de spécialistes de la santé mentale chez les enfants, de veiller à ce que les structures soient adaptées et de renforcer les services ambulatoires de soin et de réadaptation psychosociaux dans tous les gouvernorats, particulièrement en faveur des enfants réfugiés palestiniens et syriens.

Santé des adolescents

32. À la lumière de son observation générale n o 4 (2003) sur la santé et le développement de l ’ adolescent dans le contexte de la Convention, et prenant note des cibles 3.5 et 3.7 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ entreprendre une étude approfondie afin d ’ évaluer la nature et l ’ ampleur des problèmes de santé rencontrés par les adolescents, avec l ’ entière participation des adolescents, pour guider les futurs politiques et programmes de santé, en prenant en compte les questions telles que la consommation de tabac, d ’ alcool et d ’ autres substances, la santé de la sexualité et de la procréation et le suicide.

Niveau de vie

33. Tout en prenant acte du programme national en faveur des familles pauvres et des diverses initiatives lancées en coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) afin d ’ offrir des possibilités d ’ emploi aux réfugiés de Palestine et de Syrie, le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur la cible 1.3 des objectifs de développement durable (« Mettre en place des systèmes et des mesures de protection sociale pour tous ») et lui recommande :

a) D ’ intensifier ses efforts pour résoudre les problèmes des taux élevés de pauvreté et d ’ insécurité alimentaire chez les enfants, en particulier les enfants réfugiés ;

b) De continuer à renforcer l ’ ensemble des programmes de protection sociale, notamment le programme de soutien aux familles les plus pauvres, de manière à en améliorer encore les retombées pour les enfants, ainsi que les stratégies de réduction de la pauvreté, dans le but de bâtir un cadre cohérent permettant de déterminer les mesures à prendre en priorité contre l ’ exclusion de certains enfants, en particulier ceux appartenant à des communautés défavorisées.

H.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Droit à l’éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

34.Le Comité constate avec satisfaction que les taux nets de scolarisation sont globalement élevés dans l’État partie, que celui-ci a relevé à 15 ans l’âge de la scolarité obligatoire, qu’il a développé l’éducation préscolaire et qu’il a lancé de nombreuses initiatives visant à garantir aux enfants réfugiés syriens un accès à l’éducation, notamment dans le cadre de la stratégie de scolarisation de tous les enfants. Il prend cependant note avec préoccupation :

a)De l’insuffisance du financement des écoles publiques, des résultats scolaires relativement médiocres des enfants issus des communautés économiquement défavorisées, du faible taux de persévérance scolaire et du taux élevé d’abandon, en particulier parmi les enfants réfugiés palestiniens et syriens ;

b)De l’accès insuffisant à l’éducation des enfants non libanais, notamment des enfants de travailleurs migrants et des enfants issus de familles à faible revenu, ainsi que des obstacles à l’éducation tels que le coût des uniformes, des manuels, des fournitures scolaires et des transports ;

c)De l’accès insuffisant aux soins et à l’éducation de la petite enfance, en particulier dans le système scolaire public ;

d)Du nombre insuffisant d’enseignants qualifiés à tous les niveaux et d’enseignants spécialement qualifiés pour s’occuper des enfants handicapés, de la formation inadéquate des enseignants, des supports pédagogiques inadaptés et de la qualité médiocre des infrastructures dans le système scolaire public.

35. Prenant note des cibles 4.1, 4.2, 4.5 et 4.a des objectifs de développement durable, le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De garantir le droit à l ’ éducation obligatoire et gratuite pour tous et de poursuivre ses efforts visant à améliorer l ’ accès à l ’ éducation des réfugiés, des demandeurs d ’ asile et des enfants apatrides en éliminant les obstacles à cet accès, notamment l ’ insuffisance des infrastructures et du financement ;

b) De redoubler d ’ efforts pour accroître le taux de persistance scolaire et réduire le taux d ’ abandon prématuré des études, et de mettre au point et promouvoir des programmes de formation professionnelle de qualité afin de permettre aux enfants, en particulier à ceux qui ont arrêté l ’ école, d ’ acquérir de nouvelles compétences ;

c) De prendre des mesures pour améliorer la qualité générale de l ’ éducation, en particulier dans les écoles publiques, d ’ augmenter le nombre d ’ enseignants qualifiés, notamment d ’ enseignants travaillant avec des enfants handicapés, et de faire appliquer les normes de qualité dans les programmes non formels ;

d) D ’ actualiser le programme scolaire en veillant à ce qu ’ il soit ambitieux, pertinent et inclusif, à ce qu ’ il renforce l ’ apprentissage et l ’ évaluation axés sur les droits, et à ce qu ’ il favorise la participation des enfants ;

e) De mettre en œuvre sa politique pour la prise en charge et l ’ éducation de la petite enfance et d ’ allouer des ressources financières suffisantes à cette fin, en particulier dans les autres régions que Beyrouth et le Mont-Liban ;

f) De garantir l ’ accès à des aires de jeux, des espaces verts et des services culturels sûrs pour tous les enfants, en particulie r ceux de milieux marginalisés.

I.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 b) à d) et 38 à 40)

Enfants réfugiés et demandeurs d’asile

36. Prenant note du rôle louable que l ’ État partie a joué pour assurer la protection du très grand nombre de réfugiés qui vivent sur son territoire, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ améliorer encore la sécurité, le logement, l ’ accès à l ’ eau salubre et à l ’ assainissement, et l ’ accès à l ’ éducation et aux soins de santé ;

b) De veiller à ce que les mesures de gestion des frontières permettent de s ’ attaquer et de remédier à toutes les formes de mauvais traitements par des agents de l ’ État et qu ’ elles respectent le principe de non-refoulement et l ’ interdiction des expulsions arbitraires et collectives ;

c) D ’ examiner la possibilité d ’ adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Enfants migrants

37. Prenant note avec une profonde préoccupation des rapports faisant état de l ’ expulsion en masse d ’ enfants de travailleurs migrants et de leurs parents ainsi que de retards dans la délivrance des permis de résidence, et des rapports indiquant que ces enfants ont des difficultés à accéder à des services tels que l ’ éducation et les soins de santé, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant soit une considération primordiale dans toutes les procédures administratives et judiciaires concernant les enfants de travailleurs migrants, y compris les procédures d ’ expulsion ;

b) De veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, bénéficient d ’ une procédure régulière devant les juridictions dans les procédures administratives et judiciaires, et à ce qu ’ il leur soit accordé les garanties nécessaires, y compris une évaluation individualisée de leurs besoins en matière de protection, l ’ accès à un avocat, des services d ’ interprétation et le droit de faire appel des décisions de la Sûreté générale ;

c) De garantir l ’ accès à l ’ éducation et à d ’ autres services aux enfants de travailleurs migrants, quel que soit le statut de leurs parents.

Enfants dans les conflits armés

38. Prenant note avec une profonde préoccupation des informations concernant des cas de recrutement et d ’ utilisation d ’ enfants par des groupes armés locaux et étrangers, comme indiqué dans le rapport de 2016 du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé (A/70/836-S/2016/360), le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De renforcer la mise en œuvre du plan national d ’ action pour la prévention et la répression de l ’ implication d ’ enfants dans la violence armée au Liban et de lancer d ’ autres initiatives de sensibilisation ; de procéder à la démobilisation des enfants ayant participé à des conflits armés et de veiller à leur réadapt ation psychologique et sociale ;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l ’ enrôlement d ’ enfants par des groupes armés non étatiques opérant à l ’ intérieur ou à l ’ extérieur du territoire de l ’ État partie ;

c) D ’ envisager de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés ;

Exploitation économique, notamment le travail des enfants

39.Tout en notant que le Ministère du travail a créé en 2010 le Comité national de lutte contre le travail des enfants et a lancé en 2016 un plan d’action national de lutte contre les pires formes de travail des enfants en coopération avec l’Organisation internationale du Travail (OIT), le Comité est néanmoins vivement préoccupé par la persistance du travail des enfants dans l’État partie, en particulier dans le nord du pays et dans la vallée de la Bekaa, et parmi les enfants réfugiés palestiniens et syriens.

40. Le Comité engage l ’ État partie à :

a) Prendre des mesures visant à prévenir l ’ exploitation économique des enfants en veillant à ce que les dispositions pertinentes du Code du travail et du Code pénal, ainsi que d ’ autres textes de loi relatifs au travail des enfants, notamment le décret n o 8987, soient appliqués, en particulier en ce qui concerne l ’ âge minimum pour les travaux dangereux, et à harmoniser les dispositions relatives à l ’ âge minimum du travail, qui est fixé à 14 ans, avec celles qui imposent l ’ enseignement obligatoire jusqu ’ à 15 ans ;

b) Modifier le Code du travail de façon à y inclure les employés de maison, les travailleurs du secteur agricole et les entreprises familiales, et adopter des politiques visant à lutter contre le travail des enfants dans les secteurs formel et informel, en application de l ’ article 32 de la Convention et des normes pertinentes de l ’ OIT ;

c) Mettre en œuvre le plan d ’ action national de lutte contre les pires formes de travail des enfants et fournir dans son prochain rapport périodique des données sur les mesures concrètes prises pour lutter contre le travail des enfants dans l ’ État partie ;

d) Renforcer les services de l ’ inspection du travail et les mécanismes de surveillance dans les secteurs formel et informel et permettre l ’ accès du public aux données concernant le nombre d ’ inspections et de violations constatées ;

e) Continuer à sensibiliser la population aux conséquences négatives du travail des enfants au moyen de programmes d ’ éducation, notamment de campagnes menées en coopération avec des dirigeants dans les domaines de la politique, de la religion, du travail et de l ’ entreprise, ainsi qu ’ avec les familles et les médias , en particulier auprès des populations réfugiées ;

f) Continuer de coopérer avec l ’ OIT en vue de mettre en œuvre des programmes visant à écarter les enfants des pires formes de travail des enfants et à renforcer les programmes de formation professionnelle pour offrir aux enfants qui abandonnent leurs études et aux enfants plus âgés d ’ autres solutions que le travail, et poursuivre les initiatives en fave ur de la réintégration sociale.

Enfants des rues

41. Prenant note avec préoccupation de l ’ augmentation du nombre d ’ enfants des rues dans l ’ État partie, y compris d ’ enfants réfugiés syriens et palestiniens, et d ’ enfants des communautés bédouines et doms, le Comité, se référant à son observation générale n o 21 (2017) sur les enfants des rues, recommande à l ’ État partie d ’ élaborer une stratégie globale pour la protection des enfants des rues dans le but de prévenir ce phénomène et d ’ en réduire l ’ ampleur, sur la base de l ’ étude menée en 2014 ; il lui recommande également d ’ assurer aux enfants des rues une protection et une aide adéquates aux fins de leur réadaptation et de leur réinsertion, y compris un hébergement, des possibilités d ’ éducation et de formation professionnelle, un accès suffisant à des services de soins de santé et à d ’ autres services sociaux, notamment des programmes de lutte contre la consommation de stupéfiants et d ’ autres substances, et des services de conseil en matière de santé mentale.

Vente, traite et enlèvement

42.Tout en prenant note des diverses initiatives de lutte contre la traite des personnes, notamment la création en 2016 d’une unité spécialisée dans la lutte contre la traite des êtres humains au sein de la Direction générale de la sûreté de l’État, et de l’adoption du plan sectoriel de lutte contre la traite par le Ministère des affaires sociales, le Comité note avec préoccupation que :

a)L’État partie est un pays d’origine, de transit et de destination pour les enfants victimes de la traite à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle, et que, en particulier, des jeunes filles originaires d’Asie du Sud et du Sud-Est ainsi que d’Afrique de l’Est et de l’Ouest sont contraintes à la servitude domestique dans l’État partie par l’intermédiaire d’agences d’emploi qui, selon certaines informations, se livreraient à des pratiques frauduleuses ;

b)Des enfants, en particulier des enfants réfugiés syriens, seraient victimes de travail forcé et notamment contraints à la mendicité, seraient exploités sexuellement à des fins commerciales, parfois par le biais de mariages précoces, et seraient employés dans le secteur agricole dans la vallée de la Bekaa, notamment pour la fabrication de stupéfiants ;

c)Les moyens nécessaires pour appliquer les lois et les politiques ne sont pas suffisants, les formations ne sont pas assez nombreuses, les procédures d’identification des victimes sont inappropriées, les centres d’accueil et les services destinés aux enfants victimes ne sont pas assez nombreux, et la coordination interministérielle est inadéquate.

43. Le Comité engage l ’ État partie à :

a) Adopter et mettre en œuvre les mesures législatives et politiques nécessaires pour lutter efficacement contre toutes les formes de traite des enfants, notamment aux fins d ’ exploitation sexuelle, de travail forcé, de mendicité et de commerce illicite de stupéfiants, en élaborant une stratégie globale et un plan d ’ action pour lutter contre la traite ; et modifier la loi n o 164 sur la répression de la traite des personnes pour que les enfants victimes de la traite à des fins d ’ exploitation sexuelle ou d ’ autres activités illégales ne soient pas détenus ni sanctionnés pour des infractions résultant directement du fait qu ’ ils étaient victimes de la traite ;

b) Faire en sorte que ceux qui enfreignent la loi relative à la lutte contre la traite, y compris les agents de la fonction publique et les agents de recrutement impliqués dans la traite d ’ êtres humains, fassent plus souvent l ’ objet d ’ enquêtes, de poursuites et, si nécessaire, de condamnations ;

c) Renforcer la mise en œuvre de politiques et programmes appropriés de prévention de la traite ainsi que de réadaptation et de réinsertion sociale des enfants qui en sont victimes, en veillant à ce que ces enfants bénéficient d ’ une éducation et d ’ une formation, ainsi que de conseils, de soins de santé et d ’ autres services sociaux ;

d) Améliorer la formation des juges, des procureurs, des agents de la force publique et du personnel diplomatique concernant le délit de traite et la loi relative à la lutte contre la traite ;

e) Continuer d ’ appliquer des procédures normalisées pour repérer les enfants victimes de la traite parmi les groupes de population vulnérables, tels que les migrants sans papiers, les réfugiés et les domestiques, et veiller à ce qu ’ ils bénéficient de services sociaux adéquats, soient accueillis dans des structures d ’ accueil et ne soient pas placés dans des centres de détention pour mineurs ;

f) Convoquer à nouveau le Comité national de lutte contre la traite, redoubler d ’ efforts pour coordonner efficacement les activités interministérielles de lutte contre la traite et continuer à mener des campagnes de sensibilisation à la lutte contre la traite.

Administration de la justice pour mineurs

44.Tout en saluant les diverses initiatives législatives et politiques visant à apporter une assistance aux enfants en conflit avec la loi, la mise en place par le Ministère de la justice de mesures autres que la détention et le lancement par le Ministère des affaires sociales de programmes de réadaptation et de formation professionnelle, le Comité reste préoccupé par l’âge extrêmement bas de la responsabilité pénale, fixé à 7 ans, l’absence de garanties d’une procédure régulière, y compris l’accès à l’aide juridictionnelle, les conditions de vie dans les centres de détention et les cas signalés d’actes de torture et de mauvais traitements infligés à des enfants en détention, en particulier dans les prisons de Roumieh et de Moubadara.

45. Se référant à son observation générale n o 10 (2007) sur les droits de l ’ enfant dans le système de justice pour mineurs , le Comité prie instamment l ’ État partie de mettre son système de justice pour mineurs en conformité avec la Convention, et lui recommande en particulier :

a) De modifier la loi n o 422/2002 afin, en priorité, de relever l ’ âge de la responsabilité pénale de manière à le mettre en conformité avec les normes internationales acceptables, et de veiller à ce que tous les enfants de moins de 18 ans, y compris ceux arrêtés pour terrorisme, soient protégés par le système de justice pour mineurs ;

b) De veiller à ce qu ’ une aide juridictionnelle soit fournie par des juristes qualifiés et indépendants aux enfants en conflit avec la loi dès le début de la procédure et tout au long de celle-ci ;

c) De promouvoir des mesures de substitution à la détention, qui prennent en considération les besoins respectifs des enfants des deux sexes, notamment la déjudiciarisation, la liberté conditionnelle, la médiation, l ’ accompagnement psychologique et les travaux d ’ intérêt général , en vue de mettre progressivement un terme à toute détention d ’ enfant ;

d) De veiller, dans les cas où la détention est inévitable, à ce que la détention ne soit qu ’ une mesure de dernier ressort, d ’ une durée aussi brève que possible, et fasse régulièrement l ’ objet d ’ un réexamen visant à sa levée, à ce que les enfants ne soient pas détenus avec des adultes et à ce que les conditions de détention soient conformes aux normes internationales, y compris concernant l ’ accès aux services d ’ éducation et de santé, en accordant une attention particulière aux prisons de Roumieh et Moubadara ;

e) D ’ assurer la surveillance des conditions de détention et de garantir l ’ accès à des procédures de plainte, en particulier pour les enfants détenus par des services de renseignement ou des services de l ’ armée pour des accusations de terrorisme ;

f) De renforcer les capacités, d ’ accroître le nombre et d ’ améliorer les compétences des tribunaux, juges, agents de la force publique, avocats, procureurs et travailleurs sociaux spécialisés dans la justice pour mineurs, et de veiller à ce que les secteurs de la justice et de la protection sociale disposent de suffisamment de ressources , en particulier pour ce qui concerne l ’ Union pour la protection de l ’ enfance au Liban.

J.Ratification des protocoles facultatifs à la Convention

46. Le Comité recommande à l ’ État partie, en vue de renforcer l ’ exercice des droits de l ’ enfant, de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés, et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications.

K.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

47. Le Comité recommande à l ’ État partie, afin de renforcer encore le respect des droits de l ’ enfant, de ratifier les instruments fondamentaux relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention relative aux droits des personnes handicapées, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

48. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de s ’ acquitter de son obligation de faire rapport au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, sachant qu ’ il aurait dû soumettre son rapport initial le 8 décembre 2006 au plus tard.

V.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

49. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre. Il recommande également que le rapport valant quatrième et cinquième rapports périodiques, les réponses écrites de l ’ État partie à la liste de points et les présentes observations finales soient largement diffusés dans les langues du pays.

B.Mécanisme national d’établissement des rapports et de suivi

50. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un mécanisme national d ’ établissement des rapports et de suivi, en tant qu ’ organisme permanent de l ’ État, qui soit chargé de coordonner et d ’ élaborer les rapports devant être présentés aux mécanismes internationaux et régionaux des droits de l ’ homme et de nouer un dialogue avec ces mécanismes, et de coordonner et suivre l ’ exécution des obligations conventionnelles et la mise en œuvre des recommandations et des décisions émanant desdits mécanismes. Le Comité souligne que cette structure devrait être appuyée de manière appropriée et en permanence par un personnel qui lui soit spécialement affecté et devrait être à même de consulter systématiquement l ’ institution nationale des droits de l ’ homme et la société civile.

Prochain rapport

51. Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son rapport valant sixième et sept ième rapports périodiques le 12  juin 2023 au plus tard et à y faire figurer des renseignements sur la suite donnée aux présentes observations finales. Ce rapport devra être conforme aux directives spécifiques à l ’ instrument (CRC/C/58/Rev.3), que le Comité a adoptées le 31 janvier 2014, et ne pas dépasser 21 200 mots (voir la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, par. 16). Si l ’ État partie soumet un rapport dont le nombre de mots excède la limite fixée, il sera invité à en réduire la longueur de manière à se conformer à la résolution susmentionnée. S ’ il n ’ est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins d ’ examen par le Comité ne pourra être garantie.

52. Le Comité invite en outre l ’ État partie à soumettre un document de base actualisé ne dépassant pas 42 400 mots et soit conforme aux prescriptions applicables aux documents de base figurant dans les directives harmonisées concernant l ’ établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I), et au paragraphe 16 de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale .