Nations Unies

CCPR/C/LBN/Q/3/Add.1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

9 janvier 2018

Français

Original : arabe

Anglais, arabe, espagnol et français seulement

Comité des droits de l’homme

122 e session

12 mars-6 avril 2018

Point 5 de l’ordre du jour provisoire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte

Liste de points concernant le troisième rapport périodique du Liban

Additif

Réponses du Liban à la liste de points *

[Date de réception : 3 janvier 2018]

Réponses du Ministère de la justice à la liste de points à traiter soumise au Liban par le Comité des droits de l’homme

I.Cadre constitutionnel et juridique de la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques

1.Statut juridique du Pacte par rapport à la Constitution et aux lois nationales

1.Le paragraphe « B » du préambule de la Constitution libanaise dispose ce qui suit : « Le Liban est arabe dans son identité et son appartenance. Il est membre fondateur et actif de la Ligue des États arabes et lié par ses chartes ; de même qu’il est membre fondateur et actif de l’Organisation des Nations Unies, attaché à ses instruments et à la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’État applique les principes énoncés dans ces instruments dans tous les secteurs et domaines sans exception. ».

2.Toutes les dispositions des instruments internationaux précités ont valeur constitutionnelle, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui a confirmé que la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) et la Charte arabe des droits de l’homme mentionnés dans le préambule de la Constitution avaient le même statut que la Constitution elle-même.

3.À cet égard, l’article 2 du Code de procédure civile dispose ce qui suit : « Les tribunaux doivent respecter le principe de la hiérarchie des normes. ».

4.Le même article ajoute ce qui suit : « En cas de conflit entre les dispositions des instruments internationaux et celles des lois ordinaires, les premières prévalent sur les secondes dans le domaine d’application considéré. Les tribunaux ne peuvent déclarer la nullité d’un acte législatif pour irrespect de la Constitution ou des instruments internationaux. ».

5.Il ressort de la formulation de l’article 2 précité, qui consacre la théorie de Kelsen de la hiérarchie des normes, que les dispositions des traités internationaux ont une autorité supérieure à celle des lois nationales. En cas de conflit entre les dispositions des conventions et traités internationaux et celles des lois nationales, les magistrats doivent appliquer les instruments internationaux, car ils prévalent sur le droit interne (lois et décisions administratives).

6. Il résulte de ce qui précède, notamment des dispositions du paragraphe « B » du préambule de la Constitution, de l’article 2 du Code de procédure civile et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont une « valeur constitutionnelle » et sont considérées comme faisant partie intégrante de la Constitution.

7.Quant à leur application, les dispositions du Pacte prévalent sur les lois nationales et les décisions administratives.

2.Décisions de justice fondées sur les dispositions du Pacte

8.Les tribunaux libanais se sont référés aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans de nombreuses décisions, dont des sentences rendues en référé et en matière pénale.

9.Nous présenterons ci-après plusieurs décisions illustrant le recours par les tribunaux libanais aux dispositions du Pacte.

3.Mesures concrètes visant à dépasser le système sectaire au Liban

10.L’État a édicté de nombreuses mesures, de nature réglementaire et éducative, visant à lutter contre le sectarisme enraciné dans les consciences, en termes de préjugés, d’intolérance et d’exclusion, afin de faire prévaloir le sentiment d’appartenance nationale sur les allégeances communautaires.

11.La loi no 44 du 17 juillet 2017 instaurant la représentation proportionnelle constitue un progrès vers la suppression du confessionnalisme, étant précisé qu’un projet de loi visant à promouvoir la décentralisation administrative et l’activité des municipalités est en cours d’examen au Parlement.

II.Non-discrimination et égalité entre hommes et femmes

1.Protection des femmes et de tous les membres de la famille contre la violence domestique, prévention du harcèlement sexuel et abolition des circonstances atténuantes accordées aux violeurs qui épousent leurs victimes

12.Se reporter sur ce point aux réponses données dans la « partie IV ».

2.Homosexualité

13.La loi libanaise continue d’incriminer ce qu’elle qualifie comme étant des relations sexuelles contre nature (art. 534 du Code pénal) et la majorité des tribunaux considère comme telles les relations sexuelles entre personnes du même sexe, qui sont réprimées à ce titre.

14.Il convient toutefois de signaler quelques évolutions importantes en la matière :

a)La clémence de la justice à l’égard des auteurs de relations sexuelles contre‑nature, au moyen de la commutation des peines de prison prévues par les textes en amendes, étant précisé que les homosexuels ne sont pas arrêtés pour relations sexuelles contre-nature, sauf dans des cas très rares, voire exceptionnels ;

b)L’application des dispositions juridiques visant à prévenir la torture pendant les enquêtes et la garantie du respect des droits des détenus devant les tribunaux au profit de toutes les personnes, indépendamment de leur orientation ou de leur identité sexuelle ;

c)La consécration des droits des homosexuels par quatre décisions rendues par des juges uniques habilités à connaître des délits et contraventions (respectivement en 2009, 2014, 2016 et 2017), bien que ces décisions demeurent marginales par rapport à la majorité des jugements prononcés à cet égard, lesquels continuent à sanctionner les rapports homosexuels ;

d)La publication par le parquet près la Cour de cassation d’une circulaire à l’intention des magistrats du ministère public leur intimant de ne pas ordonner de test anal visant à déterminer l’homosexualité des personnes examinées, ainsi que d’une directive destinée aux médecins légistes édictée par le Président de l’ordre des médecins, leur interdisant de pratiquer un tel contrôle.

3.Égalité entre hommes et femmes en matière de droit de la famille

15.Concernant l’application du principe d’égalité entre hommes et femmes en matière de droits conjugaux lors de la conclusion du contrat de mariage, pendant la vie conjugale et à l’occasion de sa dissolution, ainsi qu’en matière d’héritage, l’adoption d’une réglementation civile unifiée du statut personnel applicable à toutes les communautés confessionnelles constitue un sujet délicat au sein de la société libanaise, à propos duquel il est difficile d’aboutir à un consensus à l’heure actuelle, notamment en raison du confessionnalisme qui caractérise le système.

4.Droit à un mariage civil facultatif

16.Les mariages civils contractés au Liban devant les autorités officielles continuent de soulever quelques problèmes en termes de reconnaissance de leurs effets, bien que ceux contractés à l’étranger entre Libanais ne posent aucune difficulté à cet égard.

17.Alors que le Ministre de l’intérieur et des municipalités a refusé en 2014 l’enregistrement d’un mariage civil contracté au Liban devant un officier d’état civil par deux nationaux ayant rayé la mention relative à leur appartenance confessionnelle, le Haut Conseil consultatif du Ministère de la justice a émis un avis juridique établissant le droit des Libanais n’appartenant à aucune confession de contracter un mariage civil au Liban devant les officiers d’état civil et d’enregistrer leur certificat de mariage dans les registres de l’état civil libanais.

18.La question relative à la légalisation du mariage civil facultatif fait encore l’objet de discussions entre les responsables libanais.

5.Droit des Libanaises de transmettre leur nationalité

19.La question du droit des Libanaises de transmettre leur nationalité à leurs enfants et à leurs conjoints étrangers, sur un pied d’égalité avec les Libanais mariés à des étrangères, ne fait toujours pas l’unanimité parmi les différents partis politiques libanais.

20.Le Gouvernement libanais a créé le 21 mars 2012 une commission ministérielle chargée d’examiner l’amendement du dernier paragraphe de l’article 4 du décret no 15 du 19 janvier 1925 (loi sur la nationalité) en tant que première avancée dans ce domaine.

21.Dans le même contexte, le Gouvernement a édicté le décret no 4186 du 31 mai 2010 accordant un permis de séjour de courtoisie valable pour une durée de trois ans renouvelables à tout étranger marié à une Libanaise, après un an de mariage, ainsi qu’aux enfants nés d’une mère libanaise et d’un père étranger, qu’ils soient majeurs ou mineurs et qu’ils exercent ou non une activité professionnelle.

6.Image stéréotypée du rôle de la femme dans la famille et dans la société

22.Il n’existe aucune image stéréotypée du rôle de la femme libanaise, car son rôle ne se limite pas à fonder une famille, à éduquer et à élever des enfants, dans la mesure où elle est présente sur le marché du travail et occupe des postes de responsabilité aussi bien dans le secteur privé que public.

23.À cet égard, il importe de souligner que le Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur, la Commission nationale pour la femme libanaise et récemment le Ministère d’État aux affaires de la femme déploient des efforts visant à mieux faire connaître le rôle avant-gardiste joué par les femmes au sein de la société, dans les écoles, les universités et les différentes régions libanaises, notamment les zones rurales reculées.

7.La participation des femmes à la vie politique

24.Le Président de la République et le Chef du gouvernement ont accordé une attention particulière aux femmes en leur accordant les portefeuilles du Ministère des droits de l’homme et du Ministère des droits de la femme dans le gouvernement formé début 2017.

25.Aucun obstacle juridique n’empêche les femmes de participer à la vie politique et d’exercer des fonctions ministérielles ou parlementaires, mais leur rôle demeure limité en ce qui concerne leur participation au Gouvernement ou à la Chambre des députés.

26.Le Ministère d’État aux affaires de la femme et la Commission nationale de la femme libanaise, en collaboration avec les organisations de la société civile, ont lancé des campagnes d’information et organisé des sessions de formation à l’intention des femmes afin de les soutenir et de renforcer leur rôle politique.

27.La Chambre des députés poursuit l’examen de projets de textes visant à réglementer les élections législatives en vue de renforcer la participation des femmes à la vie politique libanaise, par l’instauration de quotas leur garantissant des sièges à la Chambre des députés, aux conseils municipaux et au Gouvernement. En outre, plusieurs partis libanais se sont engagés à réserver aux femmes un certain pourcentage des mandats lors des prochaines élections législatives.

III.État d’urgence

28.Aucune procédure n’a été engagée pour modifier le décret-loi no102/83, car depuis la levée de l’état d’urgence par le décret no 7988 du 27 février 1996, le Gouvernement n’a pas édicté de texte proclamant une telle mesure, en dépit des crises sécuritaires récurrentes et des attaques terroristes ayant ciblé différentes régions de 1997 à 2016.

29.Il convient cependant de noter que le rapport mentionne les conditions requises pour décréter l’état d’urgence, qui sont prévues par la Constitution et exigent l’approbation la majorité des deux tiers des membres du Conseil des ministres, dont le quorum légal est fixé aux deux tiers de ses membres dans des conditions exceptionnelles à caractère limitatif (voir les paragraphes 43, 44, et 45 du rapport).

IV.Violence à l’égard des femmes y compris la violence domestique

1.Violence domestique

30.Le Gouvernement libanais a pris de nombreuses mesures visant à éradiquer la violence à l’égard des femmes, parmi lesquelles l’approbation par le Gouvernement libanais, le 3 août 2017, de la proposition de modification de la loi no293/2014 intitulée « Protection des femmes et de tous les membres de la famille contre la violence domestique » présentée par le Ministère de la justice, conjointement avec le Ministère d’État aux affaires de la femme et le Ministère des droits de l’homme et l’association « Kafa», illustrant ainsi la volonté des pouvoirs publics d’assurer la protection des femmes, des enfants et de tous les membres de la famille victimes de violence.

31.Le projet de loi a été soumis pour adoption à la Chambre des députés.

32.Parmi les modifications proposées figurent les éléments suivants :

a)L’adoption d’une définition de la violence domestique conforme aux normes internationales, tenant compte de l’abus de pouvoir au sein de la famille, la notion étant entendue comme étant : « Toute action, omission, menace, ou abus de pouvoir commis au sein de la famille par la force physique ou autre, par un membre de la famille contre un ou plusieurs membres de la famille, laquelle est entendue conformément à la définition qui en est donnée, occasionnant la mort de la victime ou lui causant un préjudice corporel, psychologique, sexuel ou économique » ;

b)L’incrimination de la violence domestique en tant qu’infraction autonome, au moyen de dispositions légales claires permettant une répression plus aisée de toutes les manifestations de violence domestique, notamment l’homicide volontaire ou involontaire, l’exploitation sexuelle ou à des fins de mendicité, la privation de liberté et la violence physique, psychologique ou économique ;

c)L’application du principe de la spécialisation des juridictions d’investigation, d’instruction et de jugement en vue d’assurer une protection plus poussée, plus efficace et plus rapide contre la violence subie par les femmes et tous les membres de la famille ;

d)L’adoption de l’âge de la majorité en lieu et place de l’âge de garde légal en tant que critère de la protection des enfants contre la violence subie au sein de la famille ;

e)L’adoption de mesures de protection suffisantes en faveur des femmes et des enfants, étant donné que la violence domestique présente un caractère spécifique lié à des relations de pouvoir à l’intérieur et à l’extérieur de la famille, ce qui exige un traitement spécial.

2.Absence d’incrimination du viol conjugal

33.La question relative à l’incrimination du viol conjugal demeure un sujet de discorde entre les partis politiques représentés à la Chambre des députés, mais il convient de noter que la proposition de modification de la loi sur la violence domestique supprimé l’expression « droits conjugaux » et considère que les violences faites aux femmes dans le but ou au motif d’obtenir un acte de nature sexuelle constituent une circonstance aggravante.

3.Crimes « d’honneur »

34.La Chambre des députés a adopté le 17 août 2011 la loi no162 portant abrogation de l’article 562 du Code pénal qui accordait des circonstances atténuantes à la personne tuant ou maltraitant sa femme, l’un de ses ascendants ou descendants ou sa sœur pour cause d’adultère ou de rapport sexuel illicite (c’est-à-dire les « crimes d’honneur »).

4.Abrogation de l’article 522 du Code pénal

35.Le 16 août 2017, la Chambre des députés a approuvé la proposition de la Commission parlementaire de l’administration et de la justice visant à abroger l’article 522 du Code pénal libanais, lequel permettait de mettre fin à des poursuites ou de suspendre l’exécution d’un jugement en cas de conclusion d’un mariage valide entre l’auteur et la victime de l’une des infractions incriminées par ses dispositions (viol, enlèvement aux fins de mariage...).

5.Incrimination du harcèlement sexuel sur le lieu de travail

36.Le Ministère d’État aux affaires de la femme a élaboré un projet de loi visant à incriminer le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, tel qu’approuvé par le Gouvernement le 8 mars 2017, puis soumis à la Chambre des députés pour adoption.

6.Statistiques relatives au nombre de plaintes pour violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique et le viol, ainsi qu’au nombre de poursuites et de condamnations visant à réparer les préjudices des victimes

37.Aucune donnée statistique officielle n’est disponible à ce sujet, mais des poursuites judiciaires sont engagées et la justice s’est prononcée dans ses décisions en faveur des femmes victimes de violence, en leur accordant réparation pour les préjudices subis.

V.Droit à la vie et la prévention de la torture et des autres peines ou traitements cruels ou inhumains

1.Droit à la vie

38.Veuillez vous reporter aux paragraphes 47 à 60 du rapport pour les réponses à la question soulevée, auxquelles nous souhaitons ajouter les informations suivantes concernant :

a)Les condamnations à la peine capitale exécutées ;

b)Les condamnations à la peine de mort pour lesquelles un projet de décret d’exécution n’a pas été promulgué ;

c)Les condamnations à mort pour lesquelles un décret d’exécution a été édicté mais non exécuté ;

d)Les condamnations capitales pour lesquelles un décret de commutation de la peine en travaux forcés, emprisonnement à perpétuité ou à vingt ans de réclusion criminelle a été promulgué sur avis de la commission des grâces ;

e)Les condamnations à la peine de mort qui ont reçu l’accord de la commission des grâces mais n’ont pas été soumises au Président de la République sur décision du Ministre de la justice.

2.Personnes disparues

39.La question relative aux droits des personnes disparues pendant la guerre civile, à compter du 13 avril 1975, ainsi qu’aux droits de leurs proches de savoir ce qui leur était arrivé, est passée par plusieurs phases dans l’histoire du Liban moderne.

40.À la fin de la guerre civile libanaise, la loi no 91/84 du 26 août 1991 a amnistié tous les auteurs d’infractions politiques, c’est-à-dire d’infractions revêtant un caractère politique ou n’ayant pas été commises dans le but de servir un intérêt personnel ou d’obtenir un avantage personnel, antérieures au 28 mars 1991. Le but était de mettre un terme au conflit et de progresser vers la paix. Dans le même ordre d’idée, à une date ultérieure, la Chambre des députés a adopté la loi no7/2005 du 19juillet 2005 amnistiant Samir Geagea et ses compagnons pour toutes les affaires antérieures au 30 décembre 1994 dans lesquelles ils étaient mis en cause.

41.L’État libanais cherchait alors à mettre fin à la guerre civile et à instaurer la paix et l’entente sociale entre les différentes composantes politiques. La loi d’amnistie no84/91 ne mentionnait ni les crimes de guerre ni les crimes contre l’humanité et ne prévoyait aucune mesure particulière concernant les personnes disparues, mais a accordé aux proches des victimes le droit de demander réparation devant les tribunaux civils compétents.

42.Depuis 1999, la manière d’aborder la question des personnes disparues a évolué, passant progressivement de la volonté de tourner la page et d’établir la paix sociale juste après la guerre à celle, de plus en plus marquée, de prendre en considération les droits des familles des personnes disparues.

43.Le 21 janvier 2000, le Gouvernement a promulgué le décret no10/2000 portant création d’une commission d’enquête chargée d’élucider les enlèvements et disparitions survenus pendant la guerre et de déterminer le sort des personnes concernées. Après avoir recueilli des informations et mené des enquêtes à l’aide de formulaires remplis par les familles des personnes disparues, la commission a présenté son rapport au Gouvernement le 25 juillet 2000. Ce document a révélé l’existence de fosses communes dans le cimetière de Mar Mitr (Saint Dimitri) à Achrafieh, le cimetière anglais de Tahwita et le cimetière des martyrs de Horch Beyrouth. Il y était également signalé que toutes les personnes portées disparues depuis plus de quatre ans avaient été considérées comme décédées.

44.Les conclusions de ce rapport n’ont pas convaincu les familles des personnes disparues, qui pensent que leurs proches sont toujours en vie. En réponse à leurs doléances, le Gouvernement a édicté le décret no 1/2001, le 5 janvier 2001, créant une commission chargée de recevoir les plaintes des familles des personnes enlevées et de recueillir les demandes des citoyens souhaitant le réexamen des cas de leurs proches qu’ils considèrent comme étant toujours en vie. Cette commission a achevé ses activités le 7 juin 2002 et transmis son rapport au Conseil des ministres.

45.Suite au retrait de l’armée syrienne du Liban le 26 avril 2005, le nombre de demandes visant à obtenir des informations sur le sort des personnes disparues et détenues dans les prisons syriennes a augmenté, ce qui a conduit à la création par le Gouvernement, le 5 juin 2005, d’une commission mixte libano-syrienne chargée d’apporter des éclaircissements à ce sujet. Les efforts se sont multipliés pour faire la lumière sur les violations commises pendant cette période et il a ainsi pu être procédé à l’ouverture d’une fosse commune à Yarzé, permettant notamment d’identifier ce qui était arrivé à de nombreuses personnes disparues depuis les événements d’octobre 1989.

46.De même, la signature de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées par le Gouvernement libanais, le 6 février 2007, illustre la volonté des pouvoirs publics de trouver des solutions juridiques au problème des personnes disparues. Le 8 août 2007, le Gouvernement a promulgué le décret no618 autorisant la transmission du projet de loi portant ratification de ladite Convention à la Chambre des députés, mais à cause de la crise politique et sécuritaire qui a conduit à la paralysie des institutions constitutionnelles, cette ratification n’a pas encore eu lieu.

47.De 2008 à nos jours, les gouvernements successifs se sont engagés à élucider le sort des personnes disparues, qu’elles soient encore en vie ou décédées.

48.En outre, le Plan national pour les droits de l’homme (2014-2019), dont la mise en œuvre a été lancée par le biais d’une recommandation adressée à l’instance plénière de la Chambre des députés le 10 décembre 2012, comporte une rubrique spéciale consacrée aux personnes enlevées, portées disparues et victimes de disparition forcée.

49.Après avoir exposé l’évolution historique de l’engagement du Liban à trouver des solutions au problème des personnes disparues et enlevées, l’État libanais tient à apporter des éclaircissements concernant les points suivants :

a)Les textes juridiques nationaux et internationaux relatifs aux personnes disparues ;

b)Les mécanismes juridiques permettant la protection des droits des personnes disparues et de leur famille ;

c)La consécration du droit à la vérité au profit des familles et des proches des personnes disparues.

a)Textes nationaux et internationaux relatifs aux personnes disparues

50.Le préambule de la Constitution reconnaît l’obligation de l’État libanais de respecter les dispositions des instruments internationaux de l’Organisation des Nations Unies, dont celles concernant les personnes portées disparues, à savoir :

La Déclaration universelle des droits de l’homme ;

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

Les Conventions de Genève relatives au droit international humanitaire et le Protocole additionnel aux Conventions de Genève de 1977 (Protocole I).

51.Le Liban a ratifié tous ces instruments internationaux, dont les dispositions sont contraignantes pour l’État et ses institutions, car elles font partie intégrante de son système juridique.

52.Il n’existe aucun texte spécifique relatif aux personnes disparues dans la législation libanaise, mais plusieurs dispositions pertinentes à cet égard figurent dans différentes lois.

53.En droit civil, la question de savoir si une personne fait partie des « disparus » ou des « absents » figure dans les textes sur le statut personnel, selon lesquels il s’agit des personnes dont on ignore où elles se trouvent et si elles sont encore en vie ou décédées (voir à ce propos la loi sur la succession des non-mahométans du 23 juin 1959, la loi portant organisation des juridictions musulmanes sunnites et jaâfarites du 16 juillet 1962 et la loi sur le statut personnel de la communauté druze du 24 février 1948).

54.Le 15 mai 1995, la Chambre des députés a promulgué la loi no443 habilitant les tribunaux spéciaux, sur requête des familles, à déclarer le décès des personnes portées disparues dont on est sans nouvelles depuis quatre ans ou plus pour les personnes non ‑ mahométans et les communautés de rites hanafite et jaâfarite (à l’exception des druzes), étant précisé que cette période est fixée à dix ans pour la communauté druze. Les biens des personnes judiciairement déclarées absentes ou portées disparues sont transmis à ses héritiers tout comme s’il s’agissait d’une succession normale.

55.En droit pénal, les articles 549 et suivants du Code pénal prévoient la répression des homicides volontaires, tandis que l’article 569 prévoit la répression des enlèvements et des disparitions forcées. Les enlèvements et les disparitions forcées sont considérés comme des infractions continues exclues du champ d’application de la loi no84/91 et de l’amnistie générale (voir la décision du tribunal pénal du Mont-Liban du 13 décembre 2001 et du tribunal pénal du Sud du 12 juin 2003).

b)Mécanismes juridiques de protection des droits des personnes portées disparues et de leur famille

56.Nous avons évoqué ci-dessus la création par les gouvernements successifs, en 2000, 2001 et 2005, de commissions gouvernementales chargées de donner aux familles des personnes portées disparues des informations sur le sort de leurs proches. Ces instances n’ont cependant pas atteint les objectifs en vue desquels elles ont été créées, ce qui a amené les gouvernements libanais, depuis 2008, à s’orienter vers la recherche d’une solution globale et intégrée au problème des personnes disparues, conformément aux normes internationales applicables dans ce domaine.

57.Les autorités libanaises, notamment l’exécutif et le législatif, déploient des efforts soutenus visant à mettre en place un cadre juridique assurant la protection des droits des personnes disparues et de leur famille.

58.Il existe une controverse juridique à propos de l’autorité ayant vocation à traiter cette question importante. En effet, le Ministre de la justice a soumis au Conseil des ministres un projet de décret visant à créer une instance nationale indépendante chargée des victimes de disparition forcée et des personnes portées disparues entre le 14 avril 1975 et le 26 avril 2005 et lui confiant la mission de créer une base de données complète visant à les inscrire sur les registres centraux et à définir les critères régissant leur gestion et leur protection.

59.Toutefois, face aux objections émises à ce sujet par les familles des personnes disparues, le Conseil des ministres a édicté diverses mesures administratives destinées à garantir l’adoption d’un meilleur cadre juridique de protection des droits des personnes portées disparues et de leur famille, parmi lesquelles les suivantes :

Le 25juillet 2012, le Conseil des ministres a ordonné la diffusion du projet de décret et a invité les organisations de la société civile à donner leur avis en la matière ;

Le 4 octobre 2012, le Conseil des ministres a édicté le décret portant création d’un organe ministériel présidé par le Ministre de la justice et composé du Ministre d’État en charge des affaires sociales et du Ministre du travail, et lui a confié la mission d’étudier le projet de décret portant création de l’Instance nationale indépendante des victimes de disparition forcées et de soumettre son rapport, accompagné de propositions, au Conseil des ministres ;

Cet organe ministériel a recueilli les observations des organisations nationales et internationales de la société civile concernées par la question des personnes disparues, parmi lesquelles les plus importantes sont le Comité des parents de personnes enlevées et disparues au Liban, l’Association pour le soutien aux détenus et exilés libanais, le Comité des familles de détenus dans les prisons syriennes, l’Agenda juridique, le Comité international de la Croix-Rouge et le Centre international pour la justice transitionnelle.

60.Outre ce qui précède, le Ministre de la justice a transmis le projet de décret au Conseil d’État, lequel a émis le 4 février 2013 un avis consultatif à ce sujet sous le no146/2012-2013, dans lequel il a énoncé que la situation des personnes disparues était une question fondamentale directement liée aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, qui devait par conséquent être régie par une loi et non par un décret émanant du pouvoir exécutif. Le Conseil d’État a également exposé ses observations à propos de l’adoption éventuelle du projet de décret par le Gouvernement.

61.Il convient de noter à cet égard que les organisations de la société civile ont estimé que la question des personnes disparues devait être réglée par un texte législatif et ont présenté à cet effet un projet de loi au Parlement, lequel est en train de l’examiner en même temps que d’autres projets. Cependant, la situation politique et sécuritaire qui prévaut au Liban a paralysé les travaux du Parlement et empêché la tenue de sessions législatives, ce qui constitue un obstacle de taille à la consécration des droits des personnes portées disparues et de leur famille.

62.Toutefois, en dépit de la paralysie des institutions, les familles des personnes disparues ont pu saisir la justice pour réclamer leur droit de connaître le sort de leurs proches.

c)Consécration du droit des familles de connaître le sort des personnes portées disparues

63.Le droit des familles des personnes disparues de connaître le sort de leurs proches est un droit fondamental énoncé par le droit international humanitaire et le droit international relatif aux droits de l’homme qui, sans être consacré explicitement par un texte spécifique au Liban, a été reconnu au profit des familles par de nombreuses décisions de justice.

64.Le 25 juillet 2000, la Commission d’enquête sur le sort des personnes enlevées et portées disparues créée par le décret no10/2000 a rendu son rapport au titre de la mission dont elle avait été chargée par le Gouvernement, mais le contenu de ce document est demeuré en grande partie secret et seul un résumé apportant un éclairage sur les points suivants a été publié :

Les corps des victimes d’opérations de liquidation menées par les différentes milices pendant la guerre civile au Liban ont été enterrés dans différentes régions libanaises ou même jetés à la mer ;

Plusieurs fosses communes ont été découvertes dans les différentes régions libanaises et trois d’entre elles ont été mentionnées dans le rapport, à savoir le cimetière de Mar Mitr (Saint Dimitri) à Achrafieh, le cimetière anglais à Tahwita et le cimetière des martyrs à Horch Beyrouth ;

La Commission est parvenue à la conclusion selon laquelle toutes les personnes disparues depuis plus de quatre ans étaient considérées décédées, en se basant sur un avis médical affirmant l’impossibilité de déterminer l’identité des personnes dont la mort remonte à plus de vingt ans.

65.Ce rapport est demeuré secret car le Gouvernement n’a pas autorisé sa publication. Le Comité des parents de personnes enlevées et disparues au Liban et l’Association pour le soutien aux détenus et exilés libanais ont alors demandé au juge des référés d’assurer la protection du cimetière Saint Dimitri à Achrafieh et du cimetière des martyrs à Horch Beyrouth. Le 23 octobre 2009, le juge des référés de Beyrouth a rendu une décision ordonnant au greffier du tribunal de lui fournir une copie intégrale des pièces du dossier de l’enquête, consacrant ainsi le droit des familles de connaître le sort des personnes portées disparues.

66.Le 24 décembre 2009, les deux associations susmentionnées ont introduit une requête devant le Conseil d’État visant à contraindre l’État à leur fournir une copie du dossier complet de l’enquête sur les personnes disparues et ont obtenu gain de cause le 4 mars 2014, consacrant ainsi, par une décision historique, le droit des familles de connaître le sort de leurs proches portés disparus ou victimes de disparition forcée.

3.Adoption d’une loi incriminant la torture conforme aux normes internationales

67.Le 20 septembre 2017, la Chambre des députés a adopté le projet de loi incriminant la torture, fondé sur une formulation compatible avec les dispositions de l’article 7 du Pacte.

68.La loi comporte une définition de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, des dispositions relatives aux circonstances aggravantes et atténuantes, aux ordres illégitimes et aux prescriptions, ainsi qu’aux procédures d’instruction et d’enquête sur les infractions de torture.

4.Prévention de la torture et lutte contre son usage

69.L’État libanais déploie des efforts soutenus, prend des mesures préventives et répressives et s’emploie à améliorer les conditions de détention dans les prisons libanaises en vue de lutter contre la torture et toutes les formes de mauvais traitements.

a)Mesures préventives de lutte contre la torture

70.Les mesures préventives adoptées portent principalement sur la restructuration du service de médecine légale et le renforcement du rôle d’un manuel des procédures médico‑légales en matière d’inculpation des auteurs d’actes de torture et de réparation des préjudices subis par les victimes.

71.En effet, le recours à une évaluation médicale scientifique basée sur l’expérience professionnelle d’un médecin légiste chargé de procéder à un examen clinique de la victime et de déterminer les préjudices physiques subis, la date approximative du moment où ils se sont produits et le type d’objet utilisé pour les provoquer (objet solide, contondant, ...), constitue le meilleur moyen pour prouver la responsabilité de l’auteur d’un acte de torture et déterminer le droit de la victime (ou de sa famille en cas de décès de celle-ci).

72.Conscient du rôle essentiel d’un manuel des procédures médico-légales pour permettre l’inculpation des auteurs d’actes de torture et contribuer à la réparation des préjudices subis par les victimes, le Ministère de la justice a signé un protocole d’accord avec le centre RESTART pour la réadaptation des victimes de violence et de torture (ONG libanaise) afin de restructurer le service de médecine légale dans le sens de sa mise en conformité avec les dispositions du Protocole d’Istanbul (Manuel d’enquête et de documentation des allégations de torture) ; étant précisé que ce projet est financé par l’Union européenne.

73.Dans le cadre de la mise en œuvre de ce protocole d’accord, le Ministère de la justice a mis en place une commission spécialisée composée de juristes et de médecins légistes chargés de collaborer avec RESTART pour l’accomplissement des missions suivantes :

L’organisation des structures administratives et techniques du service de médecine légale (il convient de noter à ce sujet que le projet d’informatisation du Ministère de la justice, soutenu et financé par l’Union européenne, inclut celle du service de médecine légale, car il est essentiel de disposer d’une base de données et d’informations fiables en la matière) ;

La fixation des objectifs du service de médecine légaledans le cadre de l’élaboration d’un plan d’action en la matière ;

La détermination des critères de recrutement des médecins légistes ;

L’élaboration d’un code d’éthique des médecins légistes conforme aux principes du Protocole d’Istanbul ;

La mise en place d’une unité administrative chargée d’assurer la formation continue des médecins légistes.

74.La mise en œuvre de ce projet financé par l’Union européenne a été lancée en juin 2015 pour une durée prévue de trente mois.

75.Afin de renforcer l’action des pouvoirs publics en matière de lutte contre la torture et d’apporter une aide aux victimes en instituant un cadre juridique leur permettant de faire valoir leurs droits contre les auteurs de tels actes, le Ministère de la justice a mis en place en 2017, avec le soutien de l’Union européenne et en partenariat avec une organisation de la société civile (RESTART), un centre de médecine légale au sein du palais de justice de Tripoli.

76.Deux ans après sa création, ce projet pilote a vocation à être dupliqué dans les différents palais de justice de tous les gouvernorats du Liban après évaluation de l’expérience et allocation des moyens techniques et humains nécessaires au fonctionnement de chaque entité (équipements médicaux, deux médecins légistes pour les examens physiques, deux médecins légistes pour les examens psychologiques, deux assistants sociaux et deux experts juristes).

77.Le centre médical procède à des examens médicaux gratuits et dispense les prestations suivantes aux détenus :

Le dépistage des maladies contagieuses dans les prisons ;

La détection des cas de torture ou de mauvais traitement (torture physique ou morale) ;

La documentation des actes de torture, conformément aux normes du Manuel d’enquête et de documentation des allégations de torture − Protocole d’Istanbul ;

L’assistance juridique des détenus ;

L’élaboration d’un rapport annuel indiquant toutes les atteintes identifiées grâce aux examens médicaux (le nom des intéressés ne peut être dévoilé qu’avec leur accord) et sa transmission au Ministère de la justice, chargé de le remettre à son tour aux autorités judiciaires compétentes aux fins d’enquête, de poursuite et de sanction des auteurs d’actes de torture.

b)Mesures visant l’inculpation des auteurs d’actes de torture

78.La justice libanaise punit les auteurs d’actes de torture lorsque des victimes portent plainte contre des agents de la police judiciaire accusés d’avoir commis un tel acte et fournissent au tribunal des preuves tangibles de l’infraction, susceptibles d’emporter la conviction du juge (voir à ce sujet l’arrêt de la Cour d’appel compétente, rendu le 14 mars 2013 dans une affaire relative à des délits commis à Beyrouth). Il n’existe pas de statistiques officielles précisant le nombre de plaintes et de jugements rendus à cet égard.

79.La juridiction pénale devant laquelle comparaît un détenu déclarant avoir subi des actes de torture destinés à lui soutirer des aveux désigne un médecin légiste pour vérifier ces allégations et transmet le dossier aux instances chargées de l’enquête.

80.Dès qu’il a eu connaissance des scènes de torture filmées dans la prison de Roumieh, puis divulguées aux médias, suite à l’insurrection fomentée par des prisonniers le 20 avril 2015, le Parquet près la Cour de cassation a ouvert une enquête et traduit les agents de sécurité impliqués devant le premier juge d’instruction du tribunal militaire pour statuer sur les poursuites et instruire le dossier. Le 6 juillet 2015, les prévenus ont été inculpés par le premier juge d’instruction du tribunal militaire et cités à comparaître devant les tribunaux compétents pour être jugés.

5.Création de l’Instance nationale pour la prévention de la torture

81.La Chambre des députés a adopté la loi no 62 du 27 octobre 2016 portant création de l’Instance nationale des droits de l’homme, incluant une commission de prévention de la torture, notamment chargée de protéger et de promouvoir les droits de l’homme conformément aux normes constitutionnelles et internationales en vigueur, de recenser les violations, de recueillir les plaintes et de proposer des solutions.

82.Ce texte s’est inspiré des Principes de Paris relatifs à la création d’institutions nationales des droits de l’homme, ainsi que du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture pour la création de l’organe national indépendant pour la prévention de la torture.

6.Incrimination de l’avortement

83.L’avortement est érigé en infraction par les articles 539 à 546 du Code pénal, car cette question est liée aux croyances religieuses des différentes communautés reconnues au Liban.

84.La loi incrimine les actes suivants :

La diffusion, la promotion ou la facilitation de l’utilisation de produits abortifs ;

La vente, la mise en vente ou l’acquisition à des fins de vente de produits destinés à l’avortement ou la facilitation de leur usage, de quelque manière que ce soit ;

L’utilisation par une femme de quelque moyen que ce soit pour interrompre sa propre grossesse ou permettre à une autre femme d’interrompre sa grossesse ;

Tout acte visant, par quelque moyen que ce soit, à faire avorter ou à tenter de faire avorter une femme, avec ou sans son consentement.

85.Dans ce contexte, il convient de noter ce qui suit :

a)La loi accorde des circonstances atténuantes aux femmes qui avortent pour préserver leur honneur, ainsi qu’à toute personne faisant avorter, pour les mêmes raisons, l’une de ses descendantes ou parentes jusqu’au deuxième degré ;

b)La peine est aggravée si l’auteur de l’infraction est un médecin, un chirurgien, une sage-femme ou un pharmacien ou l’un de leurs auxiliaires qui ont commis, incité à la commission de l’acte ou s’en sont rendus complices, étant précisé que l’auteur de l’infraction peut être soumis à une interdiction d’exercer sa profession ou son activité s’il a agi sans autorisation ou mandat émanant d’une autorité ;

c)L’avortement est autorisé en cas de risque pour la vie de la mère.

VI.Protection de la liberté et de la sécurité des personnes et traitement des personnes privées de liberté

1.Détentions arbitraires ou extrajudiciaires par des agents de sécurité ou d’autres groupes armés

86.Nous confirmons les informations fournies dans le rapport et tenons à souligner que les dispositions du Code de procédure pénale libanais consacrent clairement et explicitement l’interdiction de toute détention secrète ou extrajudiciaire, notamment par les membres de la police judiciaire.

87.L’article 8 de la Constitution, qui est la norme suprême de l’État, dispose ce qui suit : « La liberté individuelle est garantie et protégée. Nul ne peut être arrêté, détenu ou emprisonné que suivant les dispositions de la loi . Aucune infraction et aucune peine ne peuvent être établies que par la loi . ».

88.En effet, la loi interdit la détention arbitraire des personnes résidant au Liban, soumet l’exercice des activités de la police judiciaire au contrôle de la justice libanaise et fixe de manière stricte la durée de la garde à vue, qui ne peut être dépassée, et au cours de laquelle les suspects ont vocation à être détenus dans le cadre de l’enquête préliminaire menée par les officiers de la police judiciaire.

89.La violation des règles et principes juridiques régissant la mise en détention avant jugement − comme la détention d’une personne sans décision de justice − engage la responsabilité des officiers de la police judiciaire et les expose à des poursuites pénales pour l’infraction de « privation de liberté » prévue à l’article 367 du Code pénal, ainsi qu’à des sanctions disciplinaires expressément énoncées à l’article 48 du de Code de procédure pénale.

2.Augmentation du nombre de personnes placées en détention provisoire

90.Depuis le déclenchement de la crise syrienne il y a plus de six ans, le Liban fait face à des menaces et à des défis existentiels sans précédent, lesquels tiennent principalement à la recrudescence de la menace terroriste sur ses frontières orientales et septentrionales, mais aussi à l’intérieur du pays, où les forces de sécurité s’emploient à démanteler les cellules terroristes et découvrent quasiment chaque semaine de nouvelles entités cherchant à frapper la stabilité et la sécurité du Liban. L’armée libanaise a également repoussé les groupuscules terroristes qui ont attaqué des villes et des villages frontaliers et enlevé un groupe de soldats.

91.Les retombées négatives de la crise syrienne sur le Liban en matière sécuritaire, économique, sociale et même politique, constituent à cet égard les principaux défis à relever. En effet, le Liban s’est retrouvé en première ligne face à un afflux massif de réfugiés syriens sur son territoire, car ce phénomène à dimension continentale dépasse largement les capacités d’absorption du territoire, dont la superficie ne dépasse pas 10 452 kilomètres carrés pour une population d’environ 4 millions d’habitants, la moitié étant composée de réfugiés palestiniens établis de longue date dans le pays. Ces circonstances exceptionnelles ont affecté l’ordre des priorités et ont eu pour conséquence un accroissement de la population carcérale, ainsi qu’un recours accru à la détention préventive.

3.Recours aux mesures de substitution à la détention et informations relatives àlaconsultation préalable du ministère public par le juge d’instruction avant d’y recourir

92.Les juges spécialisés peuvent prononcer des mesures de substitution à la détention pendant l’instruction judiciaire, notamment la mise en liberté sous caution, l’interdiction de voyage ou la confiscation de passeport.

93.Il convient de préciser que dans le cadre d’un projet de collaboration avec une organisation de la société civile, le Ministère de la justice envisage de mettre en place le régime de surveillance prévu par la loi, qui fait partie des mesures de substitution à la détention, tel qu’il est mis en œuvre en pratique.

94.La consultation du ministère public par le juge d’instruction avant le prononcé d’une mesure de substitution constitue une procédure obligatoire prévue par le Code de procédure pénale, car seul le ministère public est habilité à mettre en mouvement l’action publique contre les auteurs d’une infraction déterminée.

95.Il convient de rappeler que le ministère public laisse toute latitude au juge d’instruction de prononcer ou non une mesure de substitution, mais s’il rend une sentence contraire à l’avis du parquet, la loi permet à ce dernier de s’y opposer.

4.Droit à un avocat

96.L’article 47 du Code de procédure pénale reconnaît le droit des personnes placées en garde à vue de s’entretenir avec un avocat désigné par elles, sur la base d’une déclaration consignée dans le procès-verbal. Cependant, l’avocat n’a pas le droit d’assister aux interrogatoires menés par les membres de la police judiciaire dans le cadre de l’enquête préliminaire.

97.Il convient toutefois de préciser que l’avocat est habilité à assister à toutes les procédures menées par le juge d’instruction, d’intervenir et de poser des questions.

5.Multiplication de groupes de sécurité privés agissant en dehors du cadre étatique

98.L’État libanais affirme que le pouvoir d’ordonner la détention relève exclusivement de la compétence du pouvoir judiciaire et que le placement en détention sans décision judiciaire constitue une infraction pénale punissable par la loi.

6.Le cas des 81 décès survenus en prison

99.Les autorités libanaises attestent que tous les décès survenus dans les prisons libanaises sont dus à des causes naturelles et non à des actes de torture ou de traitement inhumain.

7.Séparation des mineurs et des adultes dans les lieux de détention

100.Les autorités déploient de grands efforts pour assurer le respect du principe de séparation entre mineurs et adultes et soulignent également que le placement des mineurs en détention est une mesure de précaution qui n’est ordonnée par les juges spécialisés que dans des cas exceptionnels, lorsque les mesures de substitution à la détention ne sont efficaces ni pour le mineur ni pour la société.

VII.Élimination de l’esclavage et lutte contre la traite despersonnes

101.Voir à ce sujet les réponses aux questions relatives à la traite des personnes (par. 66 et 67 du rapport), auxquelles il convient d’ajouter ce qui suit :

Il n’existe pas au Liban de statistiques officielles précisant le nombre de cas d’exploitation et de traite des êtres humains, notamment parmi les groupes vulnérables, et plus particulièrement concernant les réfugiés syriens ;

Le système juridique libanais réprime la prostitution clandestine, mais la loi no164\2011 sur la lutte contre la traite des êtres humains prévoit des dispositifs de protection dans ce domaine. En outre, un projet de loi visant à ne pas sanctionner les victimes de la prostitution a été soumis à la Chambre des députés ;

Le Ministère de la justice s’emploie, en collaboration avec les institutions et associations de la société civile, à apporter assistance et protection aux femmes et enfants victimes de la traite des personnes et définit les règles applicables en la matière, conformément au décret no 9082 du 10 octobre 2012 ;

Les autorités judiciaires libanaises, notamment les parquets généraux près les cours d’appel des différents gouvernorats, ainsi que les juges d’instruction, sont habilités à enquêter sur les crimes de traite des êtres humains, à engager des poursuites contre les auteurs de tels actes, à les traduire devant les tribunaux et à prononcer à leur encontre les sanctions sévères adaptées à ces comportements. Il convient de préciser que le Bureau de la protection des mœurs a été rebaptisé Bureau de la lutte contre la traite des êtres humains et de la protection des mœurs du Service de la police judiciaire ;

Les autorités libanaises ne comptent pas, pour l’heure, abroger le système du parrainage ;

L’exploitation des employés domestiques sous quelque forme que ce soit expose son auteur à des poursuites et aux sanctions prévues par la loi libanaise. En outre, le Ministère du travail a adopté un ensemble de mesures préventives visant à éviter ce phénomène, à commencer par l’établissement d’un contrat de travail type, l’élaboration d’un manuel des droits et obligations des employés distribué à ces derniers dès leur arrivée à l’aéroport, la mise en service d’une ligne téléphonique d’urgence (1740) destinée à recevoir les appels et les plaintes, la mise en place d’une unité administrative spéciale, à savoir la Division de l’inspection, de la prévention et de la sécurité, chargée d’examiner l’ensemble des plaintes pour violation des droits des travailleurs et de surveiller étroitement les agences de recrutement (rôle des inspecteurs du travail) afin d’empêcher toute forme d’exploitation. Une « liste noire » des employeurs maltraitant les employées de maison a également été établie par le même Ministère ;

Aucun refus n’est en principe opposé à un étranger souhaitant obtenir un permis de séjour, sauf pour des motifs spécifiques empêchant la délivrance d’un tel document.

VIII.Droits des réfugiés et des demandeurs d’asile et droit de circuler librement

102.Veuillez vous reporter à ce sujet aux paragraphes 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35 et 36 du rapport qui comportent les réponses à toutes les questions soulevées, auxquelles il convient d’ajouter ce qui suit :

1.Loin de fermer ses frontières aux réfugiés, le Liban a accueilli plus de 1,5 million de déplacés syriens et a pleinement assumé les conséquences économiques et sociales de cette situation ;

2.Les autorités libanaises déploient d’intenses efforts pour assurer à différents niveaux la protection des droits des personnes déplacées ;

3.Le principe de non-refoulement est pleinement respecté par les autorités judiciaires et administratives libanaises, ce qui veut dire qu’aucune personne ne peut être expulsée s’il existe le moindre doute qu’elle risque d’être soumise à la torture dans son pays ;

4.Selon la loi libanaise, le placement en détention relève exclusivement du pouvoir judiciaire et il n’existe pas de détention administrative ; étant précisé que le non‑renouvellement des titres de séjour, au même titre que l’entrée ou la sortie illégale du Liban constituent des infractions pénales sanctionnées par les tribunaux compétents.

IX.Droit d’accès à la justice, indépendance du pouvoir judiciaire et droit à un procès équitable

1.Indépendance du pouvoir judiciaire

103.Il convient de noter que le pouvoir législatif est saisi de plusieurs projets visant à garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au Parlement et à l’exécutif, fondés sur les principes internationaux relatifs à l’indépendance de la magistrature, notamment les critères de nomination et de mutation des juges et les garanties matérielles et morales que leur reconnaît le droit international.

2.Compétences du tribunal militaire

104.Il convient de noter que la Chambre des députés est actuellement saisie de trois projets de loi portant suppression du tribunal militaire et réattribution de compétences aux juridictions de l’ordre judiciaire en matière de poursuite de nombreuses infractions, dont l’examen est en cours.

3.Respect du droit des étrangers de recourir aux tribunaux et des droits de la défense

105.L’article 9 du Code de procédure civile garantit à toutes les personnes résidant au Liban le droit d’ester en justice (recours à la justice et droits de la défense), sans distinction entre Libanais et étrangers dans le cadre de son exercice. De même, la loi libanaise relative aux frais de justice ne comporte aucune disposition prévoyant une différence de traitement entre Libanais et étrangers dans ce domaine. Le Code de procédure pénale impose toutefois aux personnes de nationalité étrangère portant directement plainte devant un juge pénal une obligation additionnelle qui consiste à payer une caution obligatoire en tant que condition de recevabilité en la forme (art. 68 et 155 du Code de procédure pénale), avec des possibilités d’exonération si l’infraction dont il est question est un délit et si le juge constate l’existence de motifs légitimes d’exemption. Il convient de noter que l’exigence du paiement d’une caution par les plaignants étrangers vise à réduire les recours abusif au droit d’ester en justice, notamment pour éviter qu’ils ne quittent le pays après avoir abusivement porté plainte.

106.Selon l’article 416 du Code de procédure civile, les étrangers qui séjournent légalement au Liban peuvent bénéficier d’une assistance judiciaire, sous réserve de réciprocité. En matière pénale, les procédures régissant la commission d’office d’un avocat au profit des indigents ne font pas de distinction entre Libanais et étrangers.

X.Droit au respect de la vie privée

107.La loi no140/1999 garantit le droit à la vie privée et vise « à assurer la protection du droit au secret des communications effectuées par le biais de tout moyen de communication ».

108.Le droit au secret des communications est garanti et protégé par la loi et toutes les formes d’écoute, de contrôle et d’interception de communications ou de divulgation d’informations sont interdites, sauf dans les cas prévus par la loi, c’est-à-dire en vertu d’une décision judiciaire ou administrative.

109.L’autorité compétente pour prendre une décision administrative autorisant l’interception de communications est le Ministre de l’intérieur et des municipalités ou le Ministre de la défense, après accord du Président du Conseil des ministres.

110.La décision doit être écrite et motivée (par exemple pour la collecte d’informations dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les crimes portant atteinte à la sécurité de l’État et les crimes organisés).

111.La durée d’interception des communications ne peut dépasser deux mois. Elle est susceptible de prolongation selon les mêmes procédures et conditions.

XI.Droit à la liberté d’expression

112.La liberté d’expression est protégée au Liban par la Constitution et la loi.

113.Les critiques adressées au Président de la République libanaise, aux politiciens ou aux chefs d’État étrangers par les médias ou par le biais d’Internet ne sont pas interdites, car les dispositions du Code pénal ne répriment pas la simple critique, qui reste autorisée et relève du droit à la liberté d’expression, contrairement au dénigrement, à la diffamation et à la calomnie qui donnent lieu à répression.

114.Ceci ne constitue nullement une violation de la liberté d’expression, car l’exercice d’un droit ne saurait porter atteinte ni à ceux d’autrui ni à l’ordre public, étant précisé que de telles restrictions sont internationalement reconnues.

115.Nous pouvons affirmer que le centre de cybercriminalité des forces de sécurité intérieure ne convoque que les personnes qui se rendent coupables de cybercrimes et non d’une simple critique.

116.Concernant la liberté d’information, l’obligation d’obtenir une autorisation préalable ne saurait être interprétée comme une restriction contraire à l’exercice des libertés d’opinion et d’information au Liban, car tous les acteurs de la vie politique et religieuse expriment librement leurs opinions à la télévision et à la radio.

117.Concernant la publication d’œuvres artistiques ou intellectuelles soumises à un agrément préalable du Directeur général de la Direction générale de la sûreté publique, les motifs susceptibles de justifier une décision d’interdiction sont les risques de troubles à l’ordre public, d’atteinte au sentiment national ou à la moralité publique, ou l’incitation à la division confessionnelle, qui relèvent des restrictions autorisées par le droit international des droits de l’homme.

118.Il n’existe actuellement aucun projet de loi portant création d’une autorité indépendante chargée de délivrer des autorisations ou des accords préalables, car le besoin ne s’en est pas fait sentir et parce que l’exercice des libertés n’est soumis à aucune restriction au Liban.

119.Enfin, il convient de noter que la Chambre des députés a récemment voté la loi no28 du 10février 2017 sur le droit d’accès à l’information et examine un projet de loi visant à protéger les dénonciateurs de corruption afin de renforcer la lutte contre la corruption et garantir la liberté d’expression.

XII.Droit à la liberté de réunion

120.Les autorités réaffirment leur engagement à protéger et à garantir le droit de manifester pacifiquement, en tenant obligatoirement compte des restrictions relatives au maintien de la sécurité et de l’ordre public, ainsi que de la protection des droits et libertés d’autrui.

121.Plusieurs critiques ont été formulées récemment à propos des violations du droit de réunion et de manifestation pacifique par les services de sécurité lors des rassemblements réclamant la résolution de la crise des déchets.

122.À cet égard, il convient d’ajouter les précisions suivantes :

1.Les rassemblements n’étaient pas tous pacifiques et certains ont même donné lieu à des agressions contre les forces de l’ordre, ainsi qu’à des dégradations de biens privés ;

2.Toute atteinte à l’intégrité des citoyens ou tout usage excessif de la force par les agents des forces de l’ordre peut faire l’objet d’un recours devant les tribunaux pour établir les responsabilités de chacun et réparer les préjudices subis par les victimes ;

3.Les tribunaux ont prononcé des sanctions à l’égard de plusieurs agents des forces de l’ordre, dont il a été établi qu’ils avaient usé d’une force excessive à l’encontre des manifestants.

123.L’interdiction de se mettre en grève et de manifester imposée aux agents publics, prévue par la loi, demeure théorique, dans la mesure où les agents publics ont mené plusieurs grèves, dont la plus récente pour l’augmentation du salaire minimum et concernant la grille des grades et des salaires (septembre 2017).

124.Concernant les travailleurs étrangers et la liberté d’association, veuillez vous reporter à la réponse donnée au paragraphe 35 du rapport.

XIII.Droits des enfants et mariage des mineurs

1.Personnes non enregistrées

125.Le Ministère de la justice a accordé une attention particulière au problème des personnes non enregistrées et a émis en 2017 trois directives à ce sujet :

Une directive destinée au Conseil supérieur de la magistrature enjoignant aux juges d’accélérer l’examen des dossiers des personnes non enregistrées ;

Une directive destinée au Parquet près la Cour de cassation ordonnant aux magistrats des parquets généraux près la Cour d’appel des différents gouvernorats de n’interjeter appel des décisions relatives à l’enregistrement des personnes non enregistrées qu’en cas d’extrême nécessité ;

Une troisième directive adressée au Ministère de l’intérieur et des municipalités en vue d’accélérer les procédures administratives et judiciaires d’inscription des personnes non encore enregistrées.

2.Mariage des jeunes filles mineures

126.Certains députés ont présenté un projet de loi visant à relever l’âge minimum du mariage des filles et des garçons à 18 ans. Ce projet a été soumis aux commissions parlementaires compétentes pour examen en vue de son approbation par l’Assemblée générale.

XIV.Droit de participation à la vie publique

127.Aucune disposition légale n’empêche un Libanais remplissant les conditions posées par la loi de voter ou de se présenter aux élections. La loi libanaise ne comporte aucune disposition favorisant une discrimination susceptible d’empêcher tout Libanais d’exercer son droit d’être électeur ou candidat aux élections.

La juge Nazek el- Khatib