Nations Unies

CCPR/C/PAN/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

12 avril 2023

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique du Panama *

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique du Panama à ses 3972e, 3974e et 3976e séances, qui se sont tenues sous forme hybride les 9, 10 et 13 mars 2023. À sa 3988e séance, le 21 mars 2023, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique du Panama et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif et ouvert avec la délégation de haut niveau de l’État partie. Il remercie ce dernier des renseignements communiqués sur les mesures qui ont été prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie également l’État partie des réponses écrites apportées à la liste de points, qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie, au cours de la période considérée, des mesures législatives et institutionnelles ci-après dans le domaine des droits civils et politiques :

a)La loi no 375 du 8 mars 2023 portant création du Ministère de la femme ;

b)La loi no 7 du 14 février 2018 sur les mesures visant à prévenir, interdire et sanctionner les actes discriminatoires ;

c)Le décret exécutif no 5 du 16 janvier 2018 qui définit de nouvelles dispositions concernant la protection des réfugiés ;

d)La loi no 56 du 11 juillet 2017 rendant obligatoire la présence de femmes dans les conseils d’administration des institutions publiques, qui impose un quota minimum de 30 % de femmes sur l’ensemble des postes, et le décret exécutif no 241-A du 11 juillet 2018, qui réglemente son application ;

e)La loi no 6 du 22 février 2017 portant création du Mécanisme national de prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

f)La loi no 55 du 30 novembre 2016 qui érige en infraction la disparition forcée ;

g)Le décret exécutif no 121 du 19 juillet 2016 portant création de la Commission du 20 décembre 1989 ;

h)La loi no 82 du 24 octobre 2013 qui érige le féminicide en infraction, et le décret exécutif no 100 du 20 avril 2017 qui réglemente son application.

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, le 16 février 2017 ;

b)La Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’Organisation internationale du Travail, le 15 juin 2015 ;

c)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 24 juin 2011 ;

d)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 2 juin 2011.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et juridique de la mise en œuvre du Pacte

5.Le Comité prend note des articles 4 et 17 de la Constitution de l’État partie, ainsi que de la jurisprudence de sa Cour suprême selon laquelle les traités relatifs aux droits de l’homme actuellement en vigueur font partie du bloc de constitutionnalité. Cependant, le Comité regrette de ne pas avoir reçu suffisamment d’informations sur les cas dans lesquels les dispositions du Pacte ont été invoquées ou appliquées par les acteurs de la justice, ainsi que sur la formation et la sensibilisation de ces derniers et du grand public au contenu du Pacte et à son applicabilité en droit interne (art. 2).

6. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour dispenser aux juges, aux procureurs et aux avocats une formation continue sur le Pacte et son premier protocole facultatif, afin que les tribunaux nationaux tiennent compte des dispositions de ces instruments et les appliquent, et pour sensibiliser le grand public au contenu du Pacte et à son applicabilité en droit interne.

Institution nationale des droits de l’homme

7.Le Comité note avec préoccupation que le Sous-Comité d’accréditation de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme a recommandé, en octobre 2021, que le Bureau du Défenseur du peuple soit rétrogradé au statut B. Le Comité est préoccupé en particulier par les informations selon lesquelles l’actuelle procédure de révocation du Défenseur du peuple ne garantit pas pleinement l’indépendance de cette institution, la procédure de désignation du Défenseur du peuple n’est pas suffisamment participative et transparente, et les ressources financières et humaines qui sont allouées au Bureau sont insuffisantes pour lui permettre de s’acquitter de son mandat, malgré les augmentations intervenues ces dernières années (art. 2).

8.L’État partie devrait faire le nécessaire pour s’assurer que le Bureau du Défenseur du peuple respecte pleinement les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). En particulier, il devrait revoir l’actuelle procédure de révocation du Défenseur du peuple afin de garantir l’indépendance du Bureau, veiller à ce que la procédure de désignation du Défenseur soit suffisamment participative et transparente, et allouer au Bureau des ressources financières et humaines suffisantes pour qu’il puisse s’acquitter efficacement de son mandat.

Lutte contre l’impunité et violations des droits de l’homme commises par le passé

9.Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie au sujet du nombre d’affaires de disparition forcée concernant des faits commis pendant la dictature militaire qui ont été portées devant la justice et du nombre d’affaires concernant des faits commis pendant la période dite de l’invasion du 20 décembre 1989 qui ont été rouvertes. Il regrette de ne pas avoir reçu suffisamment d’informations précises concernant l’issue des enquêtes menées sur les violations graves des droits de l’homme perpétrées pendant ces périodes, les condamnations prononcées contre les responsables et les réparations accordées aux victimes et à leur famille, notamment dans les affaires Heliodoro Portugal et Rita Wald (art. 2, 6 et 7).

10. Conformément aux précédentes recommandations du Comité , ainsi qu’aux recommandations formulées par le Comité des disparitions forcées en septembre 2021 et par le Comité contre la torture en août 2017, l’État partie devrait redoubler d’efforts pour s’assurer que tous les cas de violation grave des droits de l’homme commises par le passé, notamment ceux qui sont signalés par la Commission de la vérité et la Commission du 20 décembre 1989, fassent l’objet d’enquêtes en bonne et due forme, que les responsables soient jugés et, le cas échéant, punis, et que les victimes ou leur famille obtiennent une réparation intégrale et une indemnisation appropriée, quelle que soit la date à laquelle elles en ont fait la demande. Il devrait également accélérer la recherche des personnes disparues et l’identification des dépouilles retrouvées, et veiller à ce que des ressources humaines, techniques et financières suffisantes soient mobilisées à cette fin.

Non-discrimination

11.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la discrimination. Il relève toutefois avec préoccupation la persistance, dans l’État partie, de discriminations à l’égard des personnes d’ascendance africaine et des autochtones, des personnes handicapées, des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés, et des personnes touchées par le VIH, en particulier dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’emploi, dans le système judiciaire et dans la sphère politique. Il est également préoccupé par les préjugés, la stigmatisation, les discours de haine, la violence et la xénophobie dont sont victimes les personnes d’ascendance africaine et les autochtones, les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés, ainsi que la violence dont font preuve les responsables de l’application des lois à l’égard des membres de ces communautés et le profilage racial auquel ils les soumettent. En outre, le Comité demeure préoccupé par le fait que, conformément à l’article 12 de la Constitution, l’État peut rejeter une demande de naturalisation au motif de l’incapacité physique ou mentale du demandeur. Il regrette également l’absence d’informations sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les sanctions prononcées contre les auteurs d’actes de discrimination, ainsi que sur les réparations accordées aux victimes de ces actes (art. 2, 3, 26 et 27).

12. L’État partie devrait :

a) Redoubler d’efforts pour garantir la pleine protection, tant en droit qu’en pratique, des personnes d’ascendance africaine et des autochtones, des personnes handicapées, des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés, et des personnes touchées par le VIH contre la discrimination, notamment en menant des campagnes d’éducation et de sensibilisation à l’intention du public et des formations destinées aux secteurs public et privé et au secteur de l’enseignement, afin de promouvoir la tolérance et le respect de la diversité ;

b) Prendre des mesures pour veiller à ce que les membres de groupes minoritaires, notamment les personnes d’ascendance africaine, les peuples autochtones et les personnes handicapées, participent pleinement à la vie politique ;

c) Interdire expressément la pratique du profilage racial utilisée par les responsables de l’application des lois ;

d) Faire le nécessaire pour supprimer la disposition discriminatoire de l’article 12 de la Constitution ;

e) Veiller à ce que les actes de discrimination et de violence commis par des particuliers ou des agents de l’État donnent systématiquement lieu à une enquête, à ce que des peines appropriées soient infligées aux responsables et à ce que les victimes obtiennent une réparation intégrale.

Discrimination et violence fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

13.Le Comité constate avec préoccupation que l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne figurent pas parmi les motifs de discrimination visés dans le cadre juridique national de lutte contre la discrimination, et que le lesbianisme et l’homosexualité sont considérés comme des fautes graves dans les règlements de discipline de la police et du corps des sapeurs-pompiers. Il relève avec préoccupation que les couples de même sexe ne peuvent contracter une union légalement reconnue, quelle qu’elle soit, ni adopter des enfants, et que ceux qui se sont mariés à l’étranger ne peuvent faire reconnaître leur union comme un fait d’état civil − ce qu’a confirmé la décision rendue par la Cour suprême en séance plénière le 16 février 2023, comme indiqué dans un communiqué publié le 1er mars 2023. Le Comité juge également préoccupant le fait qu’une opération de réassignation de genre et un examen médico-légal soient nécessaires pour que le changement de genre soit légalement reconnu. Il est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles des thérapies de conversion seraient imposées aux personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes. Il s’inquiète par ailleurs des cas de discrimination, de violences, d’agressions et de discours de haine fondés sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre qui lui sont signalés. Le Comité prend note par ailleurs des appels lancés par la Commission interaméricaine des droits de l’homme à l’État partie pour qu’il garantisse les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes dans des conditions d’égalité et sans discrimination, conformément aux normes interaméricaines, notamment l’avis consultatif OC-24/17 de la Cour interaméricaine des droits de l’homme du 24 novembre 2017 (art 2, 3, 7, 17, 23, 24 et 26).

14.L’État partie devrait redoubler d’efforts pour combattre la discrimination, les stéréotypes et les préjugés à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes . À cette fin, le Comité invite l’État partie à tenir compte de l’avis consultatif OC-24/17 de la Cour interaméricaine des droits de l’homme du 24 novembre 2017. L’État partie devrait également :

a) Se doter d’une législation interdisant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ;

b) Abroger les paragraphes 11 et 12 de l’article 133 du règlement de discipline de la police nationale, ainsi que les paragraphes 16 et 17 de l’article 156 du règlement général du corps des sapeurs-pompiers ;

c) Réviser la législation pertinente afin de reconnaître pleinement l’égalité des couples de même sexe et de leur garantir les droits reconnus par le Pacte ;

d) Adopter une loi spéciale relative à la reconnaissance légale du changement de genre, éliminer les conditions injustifiées attachées à cette reconnaissance et prévoir des procédures administratives simples et accessibles, qui soient conformes au Pacte ;

e) Adopter les mesures nécessaires pour interdire les thérapies de conversion ;

f) Faire en sorte que les infractions motivées par l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de la victime, qu ’ elles soient commises par des particuliers ou par des agents de l’État, fassent rapidement l’objet d’une enquête, que les responsables soient traduits en justice et dûment sanctionnés, et que les victimes obtiennent une réparation intégrale.

Égalité femmes-hommes

15.Le Comité salue l’adoption de la loi no 375 du 8 mars 2023 portant création du Ministère de la femme. Il prend note des renseignements fournis par l’État partie selon lesquels les postes décisionnels au sein de l’appareil judiciaire et du ministère public sont actuellement occupés en majorité par des femmes, mais il demeure préoccupé par la faible représentation des femmes parmi les élus, par exemple à l’Assemblée nationale ou dans les municipalités, en particulier de femmes d’ascendance africaine et de femmes autochtones, ainsi que dans les postes de direction du secteur privé. Il est également préoccupé par les informations concernant l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes et la persistance, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, de la pratique consistant à exiger des candidates un test de grossesse dans les procédures de recrutement, malgré les mesures prises à cet égard par l’État partie (art. 2, 3, 25 et 26).

16. L’État partie devrait :

a) Allouer des ressources financières et humaines suffisantes au Ministère de la femme récemment créé afin qu’il puisse s’acquitter efficacement de ses tâches dans les domaines de l’égalité femmes-hommes et de la promotion et la protection des droits humains des femmes ;

b) Adopter des mesures supplémentaires pour accroître la représentation des femmes, notamment des femmes autochtones et des femmes d’ascendance africaine, dans la vie politique et publique, ainsi que dans les secteurs public et privé, en particulier dans les postes de direction et les postes à responsabilité, notamment en prenant des mesures temporaires spéciales et en réformant le droit électoral afin de garantir la parité femmes-hommes ;

c) Renforcer les mesures visant à réduire l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, à faire appliquer les dispositions qui interdisent la pratique consistant à exiger des candidates un test de grossesse dans les procédures de recrutement, et à contrôler que ces dispositions sont bien respectées.

Violence à l’égard des femmes

17.Le Comité prend note des mesures prises pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, par exemple la loi no 82 de 2013 et le décret exécutif no 100 de 2017 réglementant son application. Il demeure cependant préoccupé par le nombre élevé des féminicides et des cas de violence domestique et de violence sexuelle visant des femmes et des filles, et par le faible nombre de condamnations pour ces crimes. Il est également préoccupé par le fait que, malgré les progrès signalés par la délégation de l’État partie, les mesures importantes prévues par la loi susmentionnée n’ont pas encore été appliquées, notamment la création de refuges ou de centres d’accueil pour les victimes dans chaque province (art.62), la mise en place de juridictions spécialisées dans les affaires de violence à l’égard des femmes (art.58) et l’utilisation du bracelet électronique (art.50). En outre, il juge préoccupant le recours à des négociations sur les charges et la culpabilité dans des affaires de violence fondée sur le genre, ycompris des féminicides. S’il prend note des efforts déployés par l’État partie, le Comité est préoccupé par les signalements de cas de de violences à l’égard des femmes et des filles migrantes, en particulier celles qui sont d’ascendance africaine, sur le territoire de l’État partie dans le bouchon du Darién (El Tapóndel Darién), notamment des cas de disparitions, d’agressions et de viols imputables à des groupes criminels, et s’inquiète également que les victimes n’aient qu’un accès limité aux programmes d’assistance conçus pour leur venir en aide, qu’elles rencontrent des difficultés pour accéder à la justice et obtenir réparation et que peu de condamnations soient prononcées contre les auteurs de tels faits (art.2, 3, 6, 7, 14, 24 et26).

18. L’État partie devrait :

a) Mobiliser les ressources financières, techniques et humaines nécessaires pour prévenir la violence à l’égard des femmes, protéger ces dernières, sanctionner les responsables et accorder réparation aux victimes, et notamment aux fins de l’application des dispositions de la loi n o  82 et du décret exécutif qui réglemente son application, telles que la création de centres d’accueil dans chaque province, la mise en place de juridictions spécialisées dans les affaires de violence à l’égard des femmes et l’utilisation du bracelet électronique ;

b) Faire en sorte que les cas de violence à l’égard des femmes, notamment des migrantes, fassent rapidement l’objet d’enquêtes efficaces, que les responsables soient sanctionnés, que les victimes obtiennent une réparation intégrale et qu’elles aient accès à des moyens de protection, notamment à des refuges et des centres de conseil et d’assistance en nombre suffisant ;

c) Éliminer le recours aux négociations sur les charges et la culpabilité dans des affaires de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre ;

d) Poursuivre les actions de formation consacrées aux droits des femmes et à la violence fondée sur le genre qu’il mène auprès du personnel des institutions judiciaires, policières et médico-légales ;

e) Redoubler d’efforts pour prévenir et combattre toutes les formes de violence à l’égard des femmes migrantes dans le bouchon du Darién et fournir une protection adéquate aux victimes. À cet égard, l’État partie est encouragé à donner suite aux recommandations formulées en février 2022 par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes .

Interruption volontaire de grossesse et droits liés à la procréation

19.Le Comité demeure préoccupé par les dispositions du Code pénal qui criminalisent l’avortement (art. 141 à 143) et par les conditions de l’avortement légal (art. 144), qui impose notamment que l’intervention soit pratiquée au cours des deux premiers mois de grossesse en cas de viol, lequel doit être attesté par les résultats d’une enquête préliminaire, ou soit autorisée par une commission multisectorielle lorsque la vie de la femme enceinte est en danger. Il est également préoccupé par le fait que ces dispositions obligent les femmes et les filles concernées à recourir à des avortements non médicalisés et imposent à des filles parfois âgées d’à peine 8 ans de mener à terme une grossesse consécutive à un viol, ce qui met en danger leur vie et leur santé. Par ailleurs, le Comité prend note de l’adoption de la loi no 302 de 2020 qui porte création du programme de formation sur l’éducation sexuelle et affective, mais il est préoccupé par les taux toujours élevés de grossesse chez les adolescentes, malgré une baisse enregistrée ces dernières années, et par la couverture et la qualité insuffisantes des services de santé reproductive. En outre, le Comité se dit préoccupé par les informations selon lesquelles des femmes autochtones et des femmes handicapées subissent des stérilisations forcées. Il est également préoccupé par le fait que la loi no 7 de 2013 relative à la stérilisation féminine gratuite impose que les femmes soient âgées d’au moins 23 ans, qu’elles aient deux enfants et qu’elles disposent d’une prescription médicale, alors que la seule condition pour les hommes est d’avoir 18 ans, une différence de traitement qui a été entérinée par la Cour suprême dans une décision du 10 septembre 2020 (art. 2, 3, 6, 7, 17, 24 et 26).

20. Compte tenu de l’observation générale n o  3 6 (2019) du Comité sur le droit à la vie, l’État partie devrait :

a) Réviser sa législation afin d’assurer un accès effectif à l’avortement légal et sûr lorsque le fait de mener la grossesse à terme causerait pour la femme ou la fille enceinte une douleur ou une souffrance considérables , tout particulièrement lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste ou que le fœtus n’est pas viable ;

b) Faire en sorte que les femmes et les filles qui ont recours à l’avortement ainsi que les médecins et autres personnels de santé qui leur prêtent assistance ne soient pas exposés à des sanctions pénales, et lever les obstacles à l’avortement, notamment l’obligation d’obtenir une autorisation médicale préalable ou une décision judiciaire favorable, étant donné que les sanctions et les obstacles existants obligent les femmes et les filles à recourir à des procédures non médicalisées ;

c) Appliquer le programme de formation sur l’éducation sexuelle et affective, et intensifier l’action menée pour prévenir les grossesses non désirées, en particulier chez les filles et les adolescentes, et garantir le plein accès à des services adaptés de santé sexuelle et procréative ;

d) Veiller à ce que toutes les procédures visant à obtenir le consentement éclairé et sans réserve des femmes autochtones et des femmes handicapées soient respectées préalablement à toute stérilisation. À cet égard, l’État partie est encouragé à donner suite aux recommandations formulées en février 2022 par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et en février 2023 par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels  ;

e) Modifier la loi n o  7 de 2013 afin d’abolir les différences entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions d’accès à la stérilisation gratuite dans les centres de santé publics.

Interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

21.Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie pour prévenir et combattre la torture, telles que la création en 2017 du mécanisme national de prévention de la torture, rattaché au Bureau du Défenseur du peuple. Cependant, il est préoccupé par le fait que la qualification de la torture n’ait toujours pas été adaptée aux normes internationales et que l’imprescriptibilité de cette infraction ne s’applique que dans les cas de pratique systématique et généralisée visant la population civile. Le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’informations précises sur le nombre de procédures judiciaires et de procédures disciplinaires ouvertes pour des actes de torture, sur l’issue de ces procédures et sur les mesures de réparation accordées aux victimes (art. 2, 7, 9, 14 et 26).

22. L’État partie devrait :

a) Réviser sa législation pour que la qualification de la torture soit pleinement conforme aux normes internationales et supprimer le délai de prescription de l’infraction de torture ;

b) Faire en sorte que toutes les allégations de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants fassent rapidement l’objet d’une enquête approfondie et impartiale, que les auteurs de ces actes soient poursuivis et dûment sanctionnés, et que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

c) Veiller à ce que le mécanisme national de prévention de la torture dispose des ressources nécessaires pour être pleinement opérationnel.

Usage excessif de la force

23.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie en ce qui concerne la formation continue sur l’usage de la force qui est dispensée aux responsables de l’application des lois. Cependant, il est préoccupé par les signalements de cas récurrents d’usage excessif de la force par les forces de l’ordre au cours de la période considérée, en particulier dans le contexte des manifestations contre la hausse des prix des carburants et des denrées alimentaires et contre des projets miniers et hydroélectriques, qui ont entraîné la mort de manifestants et ont fait des centaines de blessés, notamment des personnes autochtones (par exemple, les manifestations qui ont eu lieu à Changuinola en 2010, à Colón et à San Felix en 2012, et à Chiriquí en 2021). Dans ce contexte, le Comité s’inquiète de ce que, comme l’a indiqué la délégation de l’État partie, aucune condamnation pour usage excessif de la force n’a été prononcée à ce jour (art. 2, 6, 7, 14, 21, 26 et 27).

24.À la lumière de l’observation générale n o  36 (2019) du Comité sur le droit à la vie et de son observation générale n o  37 (2020) sur le droit de réunion pacifique, l’État partie devrait garantir que toutes les allégations d’usage excessif de la force et de violations des droits de l’homme, y compris celles commises dans le contexte de manifestations, fassent rapidement l’objet d’enquêtes exhaustives, indépendantes et impartiales, que les auteurs présumés soient traduits en justice et que les responsables soient dûment sanctionnés, et que les victimes obtiennent une réparation intégrale. Il devrait également continuer de prendre des mesures pour que les responsables de l’application des lois n’aient pas excessivement recours à la force, en particulier dans le contexte de manifestations, notamment en intensifiant leur formation, plus particulièrement en ce qui concerne le Pacte, les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et les Lignes directrices des Nations Unies basées sur les droits de l’homme portant sur l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois .

Personnes privées de liberté et conditions de détention

25.Le Comité prend note de la mise en place du système pénal accusatoire dans l’État partie depuis septembre 2016 et de la contribution de ce système à la réduction des niveaux de détention provisoire. Il est toutefois préoccupé par les informations indiquant que, dans la pratique, la détention provisoire dépasse la durée prescrite à l’article 12 du Code de procédure pénale. Il juge également préoccupantes les informations communiquées par la délégation de l’État partie selon lesquelles seuls quatre des 17 établissements pénitentiaires respectent pleinement le principe de la séparation entre prévenus et condamnés (art. 7, 9, 10 et 14).

26. Conformément aux recommandations antérieures du Comité , l’État partie devrait poursuivre ses réformes et, dans la pratique, réduire sensiblement le recours à la détention provisoire ainsi que la durée de celle-ci, en veillant à ce que cette mesure soit exceptionnelle, raisonnable, nécessaire et qu’elle dure le moins longtemps possible ; il devrait également faire en sorte que les personnes placées en détention provisoire soient effectivement séparées des personnes condamnées.

27.Le Comité prend note des efforts entrepris par l’État partie en vue d’améliorer les établissements pénitentiaires et de l’annonce de l’ouverture prochaine de nouveaux établissements. Il est toutefois préoccupé par le surnombre de détenus dans les cellules, par la précarité des conditions de vie dans ces établissements et par la surpopulation carcérale qui, selon les chiffres officiels datant d’août 2022, s’élèverait à 145 % en moyenne et atteindrait jusqu’à 400 % dans certaines prisons, comme c’est le cas à Santiago, à Chitré et à Aguadulce. Il se dit également préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas donné suite à la mesure provisoire prononcée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (résolution 10/17 du 22 mars 2017), qui demandait à l’État de faire le nécessaire immédiatement pour transférer tous les détenus du centre de détention temporaire du Service national aéronaval de l’île Punta Coco vers un lieu qui réponde aux normes internationales applicables aux personnes privées de liberté (art. 7 et 10).

28. Conformément aux précédentes recommandations du Comité , l’État partie devrait :

a) Redoubler d’efforts pour réduire efficacement la surpopulation carcérale, notamment en veillant à ce que des mesures non privatives de liberté soient effectivement appliquées ;

b) Améliorer les conditions de détention en veillant à ce qu’elles soient conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et à ce qu’elles respectent la dignité des personnes privées de liberté, conformément à l’article 10 du Pacte, notamment en mobilisant des ressources financières et humaines appropriées ;

c) Prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer à la mesure provisoire prononcée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme en ce qui concerne le centre de détention temporaire de Punta Coco.

Élimination du travail forcé et de la traite des personnes

29.Tout en reconnaissant les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes, le Comité est préoccupé par la persistance de la traite à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé, qui concerne principalement les femmes et les filles migrantes, ainsi que par le faible nombre de procès et de condamnations. Il juge également préoccupantes les informations relatives aux conditions de travail précaires des travailleurs domestiques, qui sont majoritairement des femmes d’ascendance africaine, des femmes autochtones et des femmes migrantes, et notamment le fait que leur salaire soit inférieur au minimum fixé pour les autres travailleurs. En outre, il est préoccupé par l’ampleur du travail des enfants, en particulier dans le secteur agricole, qui concerne principalement les enfants d’ascendance africaine et les enfants autochtones (art. 3, 7, 8, 24, 26 et 27).

30. L’État partie devrait :

a) Intensifier ses efforts pour prévenir, combattre et punir la traite des personnes, et veiller à ce que les cas de traite fassent l’objet d’enquêtes, que les responsables soient jugés et punis, que les victimes obtiennent une réparation intégrale et qu’elles aient accès à des mesures de protection et d’assistance adaptées, notamment grâce à des refuges couvrant une zone géographique suffisante, surtout dans les zones frontalières. À cet égard, l’État partie est encouragé à donner suite aux recommandations formulées en février 2022 par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes  ;

b) Garantir le respect des droits fondamentaux des travailleuses et travailleurs domestiques, notamment les travailleuses et travailleurs migrants en situation irrégulière, et faire en sorte qu’ils soient protégés de tout type d’abus, qu’ils aient un accès effectif à la justice et que les violations de leurs droits fassent l’objet d’enquêtes et de sanctions ;

c) Renforcer les mesures visant à prévenir et combattre le travail des enfants et à punir les responsables d ’ infractions liées au travail des enfants , en particulier dans le secteur agricole, notamment en renforçant les inspections du travail, les campagnes de sensibilisation et les programmes d’éducation et de formation professionnelle destinés aux enfants et aux adolescents des familles vulnérables, et garantir le respect des dispositions législatives relatives à l’enseignement primaire obligatoire, afin d’éviter que les enfants soient forcés à travailler ;

d) Veiller à ce que des ressources financières, techniques et humaines suffisantes soient allouées à toutes les institutions chargées de prévenir, combattre et punir la traite des personnes, l’exploitation par le travail et le travail des enfants, et à ce que les fonctionnaires travaillant pour ces institutions soient formés et sensibilisés à ces questions.

Indépendance du pouvoir judiciaire

31.Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 53 de 2015 qui réglemente la profession judiciaire ainsi que des concours organisés pour pourvoir des postes de juges et de magistrats en application de cette loi. Cependant, il est préoccupé par les informations selon lesquelles, pendant la période considérée et malgré les mesures prises, des cas d’ingérence politique et de corruption ont été observés dans le système judiciaire. Il est également préoccupé par le nombre de juges intérimaires nommés par des magistrats, eux‑mêmes nommés par le pouvoir exécutif, une situation qui ne permet pas de garantir l’indépendance et la compétence de la magistrature. Le Comité regrette le manque d’informations sur les cas de corruption du pouvoir judiciaire, sur les enquêtes menées et sur les sanctions infligées aux responsables (art. 2 et 14).

32. L’État partie devrait :

a) Redoubler d’efforts pour éliminer toute forme d’ingérence politique dans le système judiciaire, notamment de la part des pouvoirs exécutif et législatif, et garantir que des enquêtes minutieuses, indépendantes et impartiales soient menées rapidement sur toutes les allégations d’ingérence et de corruption, et faire en sorte que les responsables soient traduits en justice et punis ;

b) Intensifier ses efforts pour lutter contre la corruption dans le système judiciaire, en prenant des mesures fortes pour prévenir et sanctionner les actes de corruption par des peines appropriées et en sensibilisant les juges, les procureurs et les fonctionnaires chargés de faire appliquer la loi aux moyens les plus efficaces de lutte contre la corruption ;

c) Intensifier ses efforts pour garantir que les procédures de sélection et de nomination des juges et des magistrats soient menées par un organe indépendant, impartial et inclusif et qu’elles reposent uniquement sur des critères objectifs et transparents permettant d’apprécier les qualités des candidats, conformément aux exigences d’aptitude, de compétence et de respectabilité.

Liberté d’expression et violence à l’égard des défenseurs des droits de l’homme

33.S’il prend note de la création de l’Unité de protection des victimes, des témoins, des experts et autres personnes intervenant dans la procédure pénale, le Comité se dit toutefois préoccupé par l’absence d’une législation visant spécialement à protéger les défenseurs des droits de l’homme et par les informations concernant des cas de harcèlement et des menaces, en particulier à l’égard de défenseurs de l’environnement et des peuples autochtones. Il est également préoccupé par l’augmentation du recours à des actions judiciaires, principalement fondées sur les motifs de calomnie et d’injure, qui sont intentées contre des médias et des journalistes, en particulier ceux qui enquêtent et informent sur des thèmes d’intérêt public, comme la corruption, afin de les intimider et de les menacer (art. 6, 7, 9, 17, 19 et 22).

34. L’État partie devrait adopter les mesures voulues pour garantir à tous le plein exercice de la liberté d’expression, compte tenu de l’observation générale n o 34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression. L’État partie devrait en particulier :

a) Redoubler d’efforts pour prévenir les actes de harcèlement et d’intimidation à l’égard des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes, et veiller à ce que ces derniers puissent faire leur travail dans de bonnes conditions, notamment grâce à des mesures législatives spéciales visant à les protéger ;

b) Veiller à ce que toutes les allégations de harcèlement et d’intimidation contre des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes fassent rapidement l’objet d’une enquête approfondie, indépendante et impartiale, à ce que les auteurs de tels actes soient traduits en justice et dûment sanctionnés, et à ce que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

c) Veiller à ce que les dispositions relatives aux infractions de calomnie et d’injure ne soient pas utilisées, dans la pratique, pour intimider et menacer les médias et les journalistes, et envisager de supprimer la peine d’emprisonnement pour ces infractions, eu égard au fait que l’emprisonnement n’est jamais une peine appropriée dans de tels cas.

Migrants, demandeurs d’asile et réfugiés

35.Le Comité prend note des efforts fournis par l’État partie pour protéger les droits humains des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile. Cependant, il est préoccupé par les informations selon lesquelles ces personnes seraient victimes de meurtres, de disparitions, de séquestrations, de violences sexuelles, de la traite ou encore de vols ou d’actes d’intimidation et de menaces, imputables en partie à des groupes criminels, sur la route migratoire du bouchon du Darién. Il est également préoccupé par l’absence de mesures de protection et d’enquêtes appropriées en la matière. S’il prend note de l’explication apportée par l’État partie, à savoir que les centres d’accueil pour migrants ne sont pas des lieux de détention, le Comité est toutefois préoccupé par les allégations selon lesquelles des personnes hébergées dans les centres en question seraient de facto privées de liberté, parfois pendant une journée, parfois pendant plusieurs mois, étant donné qu’elles ne sont pas autorisées à en sortir, sauf aux fins de leur transfert vers la frontière nord par les autorités. Iljuge également préoccupantes les informations relatives aux conditions de vie précaires dans ces centres et à l’accès limité à des services de base, malgré les efforts déployés par l’État partie pour améliorer la situation. Le Comité prend note de l’adoption du décret exécutif no 5 de 2018 qui élargit les conditions d’obtention du statut de réfugié, et des mesures prises pour mettre en place des procédures de demande d’asile plus efficaces et plus souples. Cependant, il est préoccupé par les informations relatives aux retards importants dans la détermination du statut de réfugié. Ilconstate également avec préoccupation l’absence de données statistiques actualisées, ventilées par sexe et par âge, sur le nombre de demandeurs d’asile et de réfugiés dans l’État partie et sur l’issue de leurs demandes (art.2, 9, 10, 12, 13 et 26).

36. L’État partie devrait :

a) Adopter les mesures de protection nécessaires pour protéger la vie et assurer la sécurité des migrants qui traversent le bouchon du Darién et pour prévenir et combattre efficacement toutes les formes de violence à leur égard ;

b) Redoubler d’efforts pour enquêter sur les allégations de meurtres, de disparitions, de séquestrations, de violences sexuelles, de traite, d’agressions, de vols, d’actes d’intimidation et de menaces à l’égard des migrants, pour traduire les responsables de tels actes en justice et les sanctionner, et pour permettre aux victimes et à leur famille d’obtenir une réparation intégrale ;

c) Respecter pleinement les droits humains des migrants hébergés dans les centres d’accueil de migrants, en particulier leur droit à ne pas être privés de liberté, et faire en sorte qu’ils disposent de voies de recours efficaces en cas de violation de leurs droits ;

d) Intensifier les efforts pour améliorer les conditions de vie dans les centres d’accueil de migrants et garantir à ces derniers l’accès aux services de base. À cet égard, l’État partie est encouragé à donner suite aux recommandations formulées en février 2023 par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels  ;

e) Garantir dans la pratique la protection des demandeurs d’asile et des réfugiés, conformément au Pacte et aux normes internationales, et renforcer la capacité du Bureau national d’assistance aux réfugiés, en le dotant de ressources financières et humaines suffisantes, afin qu’il puisse répondre de manière opportune aux demandes d’asile.

Droits de l’enfant

37.Le Comité salue l’adoption de la loi no 285 de 2022 portant création du Système de garanties et de protection globale des droits des enfants et des adolescents, qui comporte plusieurs dispositions relatives à la violence contre les enfants, notamment la violence physique et les châtiments corporels. Il est cependant préoccupé par la persistance des châtiments corporels infligés aux enfants dans l’État partie, notamment dans la sphère familiale, et par le fait que le Code de la famille autorise les parents à châtier « raisonnablement et modérément » leurs enfants (art. 319) et les tuteurs à « châtier modérément » leurs pupilles (art. 443). Si le Comité prend note des importants efforts déployés par l’État partie pour favoriser l’enregistrement des naissances, il demeure préoccupé par le fait que les cas de sous-enregistrement des naissances sont principalement concentrés dans les territoires autochtones et dans les zones rurales difficiles d’accès. En outre, le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie concernant les enquêtes menées sur les signalements d’abus sexuels et de mauvais traitements physiques et psychologiques infligés à des enfants dans les refuges encadrés par l’État et sur les condamnations prononcées, mais il regrette de n’avoir reçu aucune information concernant les réparations accordées aux victimes (art. 16, 23 et 24).

38.L’État partie devrait prendre des mesures, et notamment harmoniser sa législation, afin d’interdire expressément les châtiments corporels dans toutes les sphères, y compris la sphère familiale, et abroger les articles du Code de la famille qui autorisent, comme forme de discipline dans la sphère familiale, les châtiments raisonnables et modérés. Il devrait également intensifier ses efforts visant à garantir que tous les enfants nés sur son territoire, notamment dans les territoires autochtones et dans les zones rurales difficiles d’accès, soient enregistrés et reçoivent un acte de naissance officiel. Il devrait en outre redoubler d’efforts pour garantir que tous les cas de violence commise contre des enfants dans les refuges encadrés par l’État fassent rapidement l’objet d’enquêtes efficaces, que les responsables soient sanctionnés et que les victimes obtiennent une réparation intégrale et aient accès à des services de soutien, notamment des services psychosociaux et des services de réadaptation.

Droits des peuples autochtones

39.Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 37 de 2016 instaurant la consultation et le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones, mais il regrette que le règlement qui l’accompagne n’ait pas encore été adopté. Il est préoccupé par les informations indiquant qu’il n’a pas été mené de consultations appropriées et suffisamment participatives en vue d’obtenir le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones dans le cadre de projets qui ont eu des incidences négatives sur leurs terres ou leur mode de vie, comme le projet hydroélectrique de Barro Blanco et la quatrième ligne de transport d’électricité. Il est également préoccupé par le manque d’informations sur le processus de démarcation des terres collectives des peuples autochtones et sur la délivrance des titres de propriété foncière correspondants, et par les informations dans lesquelles il est fait état de la lenteur des progrès réalisés dans ce domaine. Le Comité prend note du Plan pour le développement intégral des peuples autochtones, mais il est préoccupé par les niveaux de pauvreté enregistrés dans ces communautés et par les difficultés qu’elles rencontrent en ce qui concerne l’accès à l’éducation ainsi qu’aux établissements, biens et services de santé (art. 2, 26 et 27).

40. L’État partie devrait :

a) Accélérer les procédures visant à réglementer l’application de la loi n o 37 de 2016 et veiller à ce que cette réglementation soit pleinement conforme au Pacte et aux autres normes internationales pertinentes, et faire en sorte que les peuples autochtones soient consultés et participent activement à son élaboration avant son adoption ;

b) Garantir des consultations dignes de ce nom et de bonne foi avec les peuples autochtones, en veillant à ce qu’ils y participent activement et effectivement, afin d’obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé avant d’adopter et d’appliquer toute mesure susceptible d’avoir une incidence considérable sur leurs droits, leur mode de vie et leur culture, en particulier les projets d’infrastructure ou d’exploitation des ressources naturelles ;

c) Faire en sorte que les peuples autochtones lésés par des projets d’infrastructure ou d’exploitation des ressources naturelles aient dûment accès à la justice et à des voies de recours utiles et qu’ils se voient accorder des réparations justes et adéquates ;

d) Accélérer le processus de démarcation des terres collectives des peuples autochtones et la délivrance des titres de propriété foncière correspondants, notamment en instaurant et en appliquant une procédure simplifiée à cette fin ;

e) Garantir aux peuples autochtones l’accès à l’éducation et aux établissements, biens et services de santé ;

f) Envisager de ratifier la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux ( n o  1 69) de l’Organisation internationale du Travail.

D.Diffusion et suivi

41. L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, de son quatrième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays ainsi qu’auprès du grand public, y compris des membres des communautés minoritaires et des peuples autochtones, pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte.

42. Conformément au paragraphe 1 de l’article 75 du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 24 mars 2026 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 18 (violence à l’égard des femmes), 34 (liberté d’expression et violence à l’égard des défenseurs des droits de l’homme) et 36 (migrants, demandeurs d’asile et réfugiés).

43. Conformément au calendrier prévu par le Comité pour la présentation des rapports, l’État partie recevra en 2029 la liste de points à traiter établie avant la soumission du rapport et aura un an pour présenter ses réponses à la liste de points, qui constitueront son cinquième rapport périodique. Le Comité demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue avec l’État partie se tiendra en 2031, à Genève.