Nations Unies

CED/C/SRB/CO/1/Add.1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

13 juin 2016

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par la Serbie en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention

Additif

Renseignements reçus de la Serbie sur la suite donnée aux observations finales *

[Date de réception : 24 mai 2016]

I.Introduction

À sa huitième session, tenue à Genève les 4 et 5 février 2015, le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport initial soumis par la République de Serbie sur l’application de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et a adopté à cet égard des observations finales, accompagnées de recommandations que devrait mettre en œuvre la République de Serbie (CED/C/SRB/CO/1). Au paragraphe 36 des observations finales, le Comité des disparitions forcées a demandé à la République de Serbie de lui communiquer, dans un délai de douze mois, toutes les informations sur la suite qu’elle aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 11, 14 et 28.

II.Infraction de disparition forcée

Paragraphe 11 : Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires pour accélérer le processus visant à faire de la disparition forcée une infraction autonome et conforme à la définition donnée à l’article 2 de la Convention, ainsi que de faire en sorte que cette infraction soit passible de peines appropriées tenant compte de son extrême gravité, et de veiller à ce qu’un système de responsabilité des supérieurs hiérarchiques conforme au paragraphe 1 b) de l’article 6 de la Convention s’applique à cette infraction.

La République de Serbie prévoit d’harmoniser prochainement sa législation avec la définition donnée à l’article 2 de la Convention. Étant donné qu’il est demandé à plusieurs reprises au cours du processus d’adhésion à l’Union européenne de réviser le Code pénal, il n’est pas possible à ce stade de définir précisément les modifications qui seront apportées, mais elles tiendront globalement compte de cette question. Il convient de noter que la réforme progresse conformément au calendrier fixé dans plusieurs chapitres des négociations.

III.Enquêtes sur les disparitions forcées qui se sont produites pendant des conflits armés passés

Paragraphe 14 : Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que toutes les disparitions forcées qui pourraient être imputables à des agents de l’État partie ou à des personnes ou groupes de personnes ayant agi avec leur autorisation, leur soutien ou leur consentement dans le contexte des conflits armés passés, fassent rapidement l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales, notamment en assurant le plein accès aux archives pertinentes, et à ce que les personnes reconnues coupables, y compris les chefs militaires et les supérieurs hiérarchiques civils, soient condamnés à des peines proportionnelles à la gravité de leurs actes. L’État partie devrait aussi veiller à ce que des ressources humaines et des moyens techniques et financiers suffisants soient alloués au Bureau du Procureur chargé des crimes de guerre et à toute autre autorité compétente afin qu’ils puissent s’acquitter de leur mission avec rapidité et efficacité.

Les autorités nationales de la République de Serbie, en premier lieu le Bureau du Procureur chargé des crimes de guerre, ont mis au jour et traité un grand nombre de crimes de guerre dont les victimes ont été retrouvées dans des fosses communes à Batajnica, à Petrovoselo et dans le lac de Perućac. Les responsables ont été traduits en justice dans les affaires « Suva Reka », « Bytyqi » et « Cuska », et des personnes ont été mises en examen dans l’affaire « Ljubenić ».

Le Bureau du Procureur chargé des crimes de guerre a retrouvé et identifié toutes les personnes ayant participé au déplacement des corps du Kosovo-Metohija à d’autres endroits en Serbie, mais il n’a pas été en mesure d’établir le lien entre les personnes qui ont commis des crimes de guerre et les personnes qui ont procédé au « nettoyage » des sites. Faute d’avoir pu prouver ce lien, il n’a pas été possible d’établir que les personnes suspectées de crimes de guerre étaient aussi responsables du « nettoyage » des sites.

Outre l’ensemble des résultats obtenus à ce jour, le Plan d’action pour le chapitre 23 (Pouvoir judiciaire et droits fondamentaux) des négociations en vue de l’adhésion à l’Union européenne accorde une place prépondérante à la mise en œuvre des recommandations finales du Comité des disparitions forcées, ainsi qu’à la progression des activités de terrain relatives aux crimes de guerre. Le Plan prévoyait l’adoption de la Stratégie nationale pour le jugement des crimes de guerre.

Le 20 février 2016, le Gouvernement a adopté la Stratégie nationale pour le jugement des crimes de guerre pour la période 2016-2020. L’objectif de cette Stratégie est d’améliorer considérablement l’efficacité des enquêtes et des poursuites dans les affaires de crimes de guerre en Serbie, ce qui se traduira par : la lutte contre l’impunité pour les crimes de guerre, quels que soient la réputation et le statut des auteurs de tels crimes ; un soutien judiciaire portant sur la promotion de la coopération régionale et l’harmonisation des décisions judiciaires pour garantir la proportionnalité des sanctions ; et l’amélioration des mécanismes visant à protéger et à aider les victimes et les témoins.

Un volet particulier de la Stratégie nationale traite des aspects suivants : le renforcement de l’efficacité des poursuites pour crimes de guerre engagées devant les autorités de la République de Serbie ; la protection des victimes et des témoins ; le soutien aux victimes et aux témoins ; la défense des accusés ; les procès pour crimes de guerre et la question des personnes disparues ; la coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ; la coopération régionale et l’élargissement de la coopération internationale ; et les mesures visant à améliorer la perception générale qu’a le public des procès pour crimes de guerre.

La Stratégie nationale prévoit l’établissement d’une base de données répertoriant tous les faits qui se sont déroulés sur le territoire de l’ex-Yougoslavie et qui, de par leur nature et leur gravité, peuvent constituer un crime de guerre. En outre, il a été envisagé d’adopter une stratégie en matière de poursuite des crimes de guerre, à l’intention des procureurs, et d’établir des critères afin de classer par ordre de priorité les crimes de guerre, notamment les disparitions forcées massives commises dans le contexte du conflit armé en ex-Yougoslavie. La hiérarchisation des affaires, qui reposerait sur des critères précis définis dans la Stratégie nationale, permettrait d’affecter aux affaires plus complexes les ressources des autorités chargées d’enquêter sur ces crimes.

La Stratégie nationale prévoit également le renforcement des capacités du Bureau du Procureur chargé des crimes de guerre, ainsi que l’amélioration du statut et du fonctionnement du Département du Ministère de l’intérieur chargé de mettre au jour les crimes de guerre.

En ce qui concerne l’amélioration du système de protection et de prise en charge des victimes et des témoins dans les affaires de crimes de guerre, la Stratégie nationale fixe les objectifs suivants : renforcer les capacités des organismes chargés du soutien aux témoins de crimes de guerre durant toutes les étapes de la procédure judiciaire (organismes de prise en charge des victimes et des témoins au sein de la Haute Cour de Belgrade, du Bureau du Procureur chargé des crimes de guerre et du Service de protection du Ministère de l’intérieur), établir un réseau national de services d’accompagnement des victimes et des témoins et améliorer la coopération régionale dans le domaine du soutien aux victimes et aux témoins.

S’agissant de la question des personnes disparues, la Stratégie nationale prévoit des activités visant à améliorer le cadre réglementaire applicable à l’élucidation du sort des personnes disparues ; à perfectionner les procédures mises en œuvre par le procureur pour obtenir des informations relatives à des fosses communes ; à renforcer les capacités des institutions et des administrations de l’État partie intervenant dans le processus d’élucidation du sort des personnes disparues ainsi qu’à intensifier leur collaboration ; et à favoriser la coopération régionale ainsi qu’une plus large coopération internationale en vue de faire la lumière sur le sort des personnes disparues.

En ce qui concerne la responsabilité des chefs militaires et des supérieurs hiérarchiques civils, la Stratégie nationale recommande l’application des principes du droit pénal international. La Stratégie nationale et le projet de Stratégie de poursuite des crimes de guerre énoncent que les fonctions des suspects ne devraient pas être un obstacle aux poursuites pénales. À cette fin, une coopération renforcée avec les procureurs du TPIY est prévue, ainsi que le recours au Mécanisme international chargé d’exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux pour consulter les archives de La Haye. L’objectif est de travailler en étroite collaboration sur des affaires complexes de violation du droit pénal international, notamment celles dans lesquelles les défendeurs occupaient de hautes fonctions à l’époque où les crimes ont été commis ou les occupent encore aujourd’hui. Le Bureau du Procureur du TPIY fait part de ses connaissances et de son expérience aux autorités de la République de Serbie dans le cadre d’échanges, et le Bureau du Procureur chargé des crimes de guerre a déjà organisé à l’intention de son personnel plusieurs conférences sur divers sujets qui ont été animées par des procureurs confirmés du TPIY. La coopération avec ce Tribunal, qui est quotidienne, est coordonnée par l’agent de liaison chargé des crimes de guerre, qui réside à La Haye.

IV.Recherche des personnes disparues pendant le conflit du Kosovo

Paragraphe  28 : À la lumière du paragraphe  3 de l’ article  24 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’intensifier ses efforts, dans le cadre du Groupe de travail sur les personnes portées disparues, pour continuer à progresser dans la recherche des personnes portées disparues et, si elles sont décédées, dans l’identification des corps.

Étant donné l’importance que revêt le problème des personnes disparues, notamment en raison de sa dimension humanitaire, la coopération avec EULEX (Mission « État de droit » menée par l’Union européenne au Kosovo) et avec les institutions provisoires du Kosovo-Metohija se poursuit par l’intermédiaire du Groupe de travail sur les personnes portées disparues, mécanisme créé dans le cadre du dialogue entre Belgrade et Pristina.

Le Groupe de travail sur les personnes portées disparues a été établi en 2004 dans le cadre du dialogue entre Belgrade et Pristina. Le Groupe de travail se réunit sous les auspices du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies dans le cadre de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Il se compose des délégations de Belgrade et de Pristina (représentants des Nations Unies et des institutions provisoires) et est présidé par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Des représentants de la Commission internationale des personnes disparues, des membres du corps diplomatique d’États ayant une mission au Kosovo, des représentants de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) et d’associations de familles de personnes disparues participent à ses travaux en qualité d’observateurs. Le Groupe de travail sur les personnes disparues agit conformément à son mandat et poursuit ses activités malgré de nombreuses difficultés. Il constitue toujours, pour la République de Serbie, le seul cadre de recherche des personnes disparues pendant le conflit au Kosovo-Metohija.

Les activités du Groupe de travail ont pris du retard au cours de l’année 2015. La délégation de Belgrade, consciente des conséquences liées à la résolution de ce problème humanitaire, a insisté pour maintenir les réunions du Groupe de travail.

Après une interruption de douze mois, du 13 novembre 2015 au 9 décembre 2016, le Groupe de travail sur les personnes disparues a tenu sa réunion à Pristina, au cours de laquelle il a présenté les activités relatives à la vérification du site de la mine de Kiževak. Ces activités ont été menées selon les instructions du Procureur chargé des crimes de guerre et ont fait l’objet d’une surveillance distincte de la part des représentants de la délégation de Pristina et d’organisations internationales, conformément à leur mandat.

La délégation de Pristina s’est engagée à compléter la documentation relative aux registres des morgues du Kosovo-Metohija (Peja, Pristina, Prizren), afin d’établir dans quelle ville aurait eu lieu l’inhumation des personnes de nationalité serbe et non albanaise disparues. La délégation de Belgrade a agi dans le respect de toutes les exigences de la délégation de Pristina en ce qui concerne les vérifications sur le terrain et la localisation d’éventuelles fosses sur deux sites de la Serbie centrale, à savoir le village de Kozarevo, à Novi Pazar, les 23 et 24 avril 2015 (aucun reste humain n’a été retrouvé), et la mine de Kiževak, dans la municipalité de Raška, où les opérations ont commencé le 9 novembre 2015, mais ont dû être arrêtées le 12 décembre 2015 en raison de très mauvaises conditions météorologiques. La reprise des opérations est fixée au mois de mars 2016, sous réserve de conditions favorables.

Il est prévu que la prochaine réunion du Groupe de travail sur les disparitions forcées, qui devrait être ouverte au public, ait lieu en mars 2016 à Belgrade.

Les représentants de la République de Serbie ont activement participé à plusieurs réunions régionales des organismes compétents chargés d’élucider le sort des personnes disparues dans la région. Ces réunions ont été convoquées par la Commission internationale des personnes disparues dans le but d’établir une « liste régionale des personnes disparues » ou une base de données sur les affaires en cours de personnes disparues dans les Balkans occidentaux et d’améliorer la coopération bilatérale et multilatérale sur le terrain. La République de Serbie a apporté son soutien à l’initiative et a reconnu qu’une telle base de données, une fois opérationnelle, pourrait offrir un mécanisme utile pour établir des registres et résoudre des affaires de personnes disparues. Cette base de données comprendrait, dans un premier temps, toutes les affaires considérées comme en cours selon les critères du CICR relatifs aux informations minimums, et, dans un deuxième temps, une liste des affaires résolues. La base de données serait ouverte, régulièrement actualisée et les informations seraient publiées selon les modalités décidées par tous les participants ayant pris part à sa création.

La délégation de Belgrade insiste sur le fait que seule la liste récapitulative des personnes disparues sur le territoire du Kosovo-Metohija, qui est le résultat du travail conjoint du CICR et des délégations de Belgrade et de Pristina ainsi que de la collaboration avec toutes les institutions et organisations de la société civile compétentes, peut et doit être intégrée dans la base de données sur les affaires en cours de personnes disparues dans les Balkans occidentaux, étant donné qu’elle remplit tous les critères internationalement reconnus et qu’elle est vérifiée par tous les participants au processus. Selon la délégation de Belgrade, l’ajout de listes distinctes mènerait à des divergences entre les délégations de Belgrade et de Pristina dans le cadre de leur dialogue. En défendant cette position, la délégation de Belgrade démontre l’importance qu’elle attache à la question, ainsi que son attitude responsable et sa volonté de résoudre ces affaires, indépendamment de tout désaccord pouvant survenir avec d’autres parties au processus.

Pour faire avancer le processus, il est nécessaire que la délégation de Pristina adopte une démarche responsable dans la résolution de ce problème. Sachant qu’aucun reste humain de personnes de nationalité serbe ou non albanaise disparues n’a été découvert ou identifié en 2015, la délégation de Belgrade a demandé à la délégation de Pristina de lui fournir les informations pertinentes qui l’aideraient à retrouver les dépouilles des victimes et à les restituer aux familles et d’ouvrir les archives de l’Armée de libération du Kosovo (ALK), qui pourraient contenir des informations d’importance en vue de l’élucidation du sort de personnes disparues, les copies des archives de l’ALK soumises par la délégation de Belgrade ayant été saisies par la Force internationale de sécurité au Kosovo entre 1999 et 2003.