NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/RUS/CO/323 novembre 2005

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

Comité des droits de l’enfantQuarantième sessionGenève, 12–30 septembre 2005

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales: Fédération de Russie

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Fédération de Russie (CRC/C/125/Add.5) à ses 1076e et 1077e séances (voir CRC/C/SR.1076 et 1077), tenues le 28 septembre 2005, et adopté à sa 1080e séance (voir CRC/C/SR.1080), tenue le 30 septembre 2005, les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du troisième rapport périodique de l’État partie, qui est conforme aux directives générales formulées à cet égard et contient des informations sur la suite donnée à ses précédentes recommandations (CRC/C/15/Add.110). Il se félicite également des réponses écrites à sa liste de points à traiter (CRC/C/Q/RUS/3), qui lui ont permis de mieux comprendre la situation des enfants en Fédération de Russie, et prend note avec satisfaction du dialogue informatif et constructif qu’il a pu avoir avec la délégation de l’État partie.

B. Mesures de suivi adoptées par l’État partie et progrès réalisés

3.Le Comité accueille avec satisfaction les modifications de la législation ci–après:

a)L’adoption en décembre 2001 d’un nouveau Code du travail renforçant notamment la protection des mineurs contre les conditions de travail préjudiciables;

b)Les modifications apportées au Code de procédure pénale en juillet 2002 afin d’humaniser la procédure appliquée dans les procès des mineurs délinquants qui est axée sur les droits de l’enfant et prévoit des garanties pour que ces droits soient respectés, et qui se sont traduites par une diminution du nombre des mineurs traduits en justice et de ceux qui sont condamnés à des peines privatives de liberté;

c)L’adoption en décembre 2003 d’une loi fédérale sur l’introduction de modifications au Code pénal de la Fédération de Russie, qui définit la torture;

d)La récente introduction dans le Code pénal de l’État partie de dispositions interdisant la traite des êtres humains;

e)Les modifications apportées au Code pénal (loi fédérale no 162), qui aggravent la responsabilité en cas d’utilisation d’enfants à des fins de productions pornographiques. Cette loi alourdit également les peines prévues pour l’exploitation de mineurs dans des activités liées à la prostitution et fait passer l’âge du consentement de 14 à 16 ans.

4.Le Comité se félicite de l’introduction, dans les programmes scolaires, du thème de la «citoyenneté», qui comprend également l’éducation dans le domaine des droits de l’homme.

5.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification, en décembre 2003, de la Convention no 182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination.

6.Le Comité se félicite également des nombreux programmes ciblés et mesures spécifiques visant à mettre en œuvre la Convention relative aux droits de l’enfant.

C. Principaux sujets de préoccupation, suggestions et recommandations

1. Mesures d’application générales

Recommandations précédentes du Comité

7.Le Comité regrette que certaines des préoccupations qu’il avait exprimées et des recommandations qu’il avait faites (voir CRC/C/15/Add.110) après avoir examiné le deuxième rapport périodique de l’État partie (CRC/C/65/Add.5) n’aient pas été suffisamment prises en compte, notamment celles concernant la diffusion d’informations sur la Convention, la non-discrimination, la protection contre la torture et les châtiments corporels, les mauvais traitements, le délaissement et les sévices, l’examen périodique des placements, les enfants handicapés, les enfants touchés par des conflits armés et les mesures à prendre pour leur réadaptation, les enfants des rues, l’exploitation sexuelle et la violence sexuelle et l’administration de la justice pour mineurs.

8.Le Comité engage instamment l’État partie à n’épargner aucun effort pour donner suite à ses recommandations précédentes, qui n’ont été que partiellement mises en œuvre, voire pas du tout, ainsi qu’à celles formulées dans les présentes observations finales.

Législation et application

9.Tout en notant que des lois ont été adoptées et modifiées en vue de mieux appliquer la Convention dans l’État partie, le Comité s’inquiète des conséquences négatives que la loi fédérale no 122 pourrait avoir sur l’exercice des droits des enfants dans la Fédération de Russie. Il se félicite des efforts que l’État partie a faits pour établir des normes nationales minimales en matière de disponibilité et d’accès aux services et prestations sociaux mais reste préoccupé par l’absence d’informations précises sur l’application effective de ces normes.

10. Le Comité recommande à l’ État partie:

a) D’entreprendre une analyse approfondie des conséquences du processus de décentralisation et de son incidence sur la fourniture de services sociaux, en évaluant les rôles et les capacités aux différents niveaux; et

b) De faire en sorte que les normes minimales pour l’exercice des droits de l’enfant soient pleinement et effectivement appliquées dans le contexte du processus de décentralisation prévu par la loi fédérale n o  122, afin d’empêcher des disparités dans l’exercice et la protection des droits de l’enfant.

Coordination

11.Tout en notant que le Gouvernement a amélioré les mécanismes de coordination relatifs aux droits de l’enfant en créant une Commission interministérielle de coordination de l’application de la Convention, le Comité note avec préoccupation que cet organisme a été dissous en mars 2004 et que les instruments de coordination nécessaires n’ont pas été adoptés parallèlement à la décentralisation récemment opérée en application de la loi fédérale no 122.

12. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour renforcer la cohérence et la coordination des actions menées en faveur des enfants et des adolescents afin d’assurer la coopération voulue entre les autorités centrales et locales ainsi que la coopération avec les enfants, les jeunes, les parents et les organisations non gouvernementales. Il lui recommande également de mettre à nouveau en place à cet effet un organisme de coordination de l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant et de le doter du mandat et des ressources humaines et financières nécessaires pour qu’il puisse assurer une coordination effective entre les niveaux fédéral et régional.

Mécanismes indépendants de suivi

13.Le Comité se félicite de la mise en place de la Commission fédérale des droits de l’homme ainsi que de bureaux régionaux du médiateur chargé des droits de l’enfant dans 18 des 38 régions que compte la Fédération de Russie. Il note cependant avec préoccupation qu’il reste à créer un bureau fédéral du médiateur chargé des droits de l’enfant.

14. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts pour créer des bureaux régionaux du médiateur chargé des droits de l’enfant dans toutes les régions et de faire en sorte qu’ils soient dotés de ressources financières et humaines suffisantes pour leur permettre de fonctionner efficacement. Il lui recommande également d’examiner de plus près la question de la création d’un Bureau fédéral du médiateur chargé des droits de l’enfant. À cet égard, l’État partie devrait tenir compte de l’Observation générale n o  2 (2002) sur le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme.

Plan d’action national/ coordination

15.Le Comité note avec préoccupation que, depuis 2000, l’État partie n’a pas de Plan d’action national global. Il accueille néanmoins avec satisfaction l’information selon laquelle une stratégie nationale, intitulée «Directives de base pour améliorer la situation des enfants dans la Fédération de Russie» et visant à intégrer des principes nationaux pour l’application de la Convention dans divers plans d’action sectoriels, a été élaborée. Il craint cependant que la mise en œuvre de plusieurs plans d’action sectoriels ne compromette l’application intégrée et coordonnée de cette stratégie.

16. Le Comité recommande à l’ État partie de veiller à ce que la nouvelle stratégie et les plans d’action associés couvrent tous les domaines visés par la Convention et tiennent compte du document final intitulé «Un monde digne des enfants», adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies à la session extraordinaire qu’elle a consacrée aux enfants en 2002. Il lui recommande également d’assurer une coordination globale et effective de l’application de cette stratégie et des plans d’action associés aux niveaux fédéral et régional, en vue notamment d’éviter des disparités injustifiables. Il lui recommande en outre de veiller que des ressources humaines et financières suffisantes soient allouées pour permettre une application en temps voulu et efficace de la stratégie nationale, ainsi que de promouvoir et de faciliter la participation active des enfants et des jeunes, des parents, des ONG et d’autres organismes intéressés et pertinents. Enfin, il lui recommande de mettre au point des indicateurs et des critères permettant de suivre et d’évaluer cette stratégie.

Collecte de données

17.Tout en prenant acte des efforts déployés par l’État partie, le Comité s’inquiète de l’absence de mécanisme de collecte de données adéquat qui permette de recueillir systématiquement des données quantitatives et qualitatives ventilées, pour tous les domaines couverts par la Convention et pour tous les groupes d’enfants, afin de suivre et d’évaluer les progrès réalisés et de mesurer l’incidence des politiques adoptées sur les enfants.

18. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour mettre en place, dans le cadre du système national de statistiques, un mécanisme complet et permanent de collecte de données, ventilées par sexe, âge, zone urbaine et zone rurale et couvrant tous les domaines visés par la Convention et tous les enfants de moins de 18 ans, l’accent étant mis sur les enfants particulièrement vulnérables, c’est–à–dire les enfants handicapés, les enfants en conflit avec la loi, les enfants réfugiés et les enfants victimes de la traite. L’État partie devrait aussi élaborer des indicateurs pour pouvoir suivre et évaluer de façon efficace les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Convention et apprécier l’incidence des politiques concernant les enfants.

Ressources consacrées aux enfants

19.Le Comité craint que l’introduction de la loi fédérale no 122 n’entraîne des disparités considérables dans l’éventail de services offerts aux enfants dans les différentes régions de l’État partie. Il craint également que des ressources insuffisantes soient allouées aux programmes et politiques en faveur de l’enfance au niveau régional. Il s’inquiète en outre vivement de ce que la corruption, qui est un phénomène largement répandu notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation comme dans les procédures d’adoption, n’empêche les enfants d’exercer pleinement leurs droits.

20. Le Comité recommande à l’État partie d’accorder une attention particulière à la pleine mise en œuvre de l’article 4 de la Convention et d’assurer une répartition équilibrée des ressources dans l’ensemble du territoire afin d’empêcher des disparités injustifiables en matière de disponibilité et d’accès aux services sociaux et autres destinés aux enfants. L’ État partie devrait également hiérarchiser les allocations budgétaires, de manière à assurer la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels des enfants, en particulier de ceux appartenant à des groupes économiquement défavorisés, «dans toutes les limites des ressources dont il dispose et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale». Il devrait s’occuper sérieusement de la corruption et prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir ce phénomène.

Formation/diffusion de la Convention

21.Le Comité constate avec inquiétude que, malgré les diverses mesures prises par l’État partie dans ce domaine, les enfants et les jeunes ne sont pas suffisamment au fait de la Convention et que les professionnels qui travaillent avec ou pour des enfants ne reçoivent pas tous une formation suffisante sur la question des droits de l’enfant.

22. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer une politique globale pour renforcer ses actions visant à ce que les dispositions et principes de la Convention soient largement connus et compris des adultes aussi bien que des enfants (par exemple, via la radio et la télévision). Il lui recommande également de renforcer les activités de formation appropriées et systématiques destinées à tous les groupes de professionnels travaillant pour et avec les enfants, en particulier les responsables de l’application des lois, les enseignants, le personnel de santé, les psychologues, les travailleurs sociaux et le personnel des établissements de garde des enfants.

2. Principes généraux

Non ‑discrimination

23.Le Comité est préoccupé par des cas signalés de discrimination à l’égard d’enfants appartenant à diverses minorités religieuses et ethniques. Il s’inquiète également de ce que des enfants appartenant à des minorités, en particulier des enfants roms, soient plus exposés à une restriction de l’exercice de leurs droits, notamment pour ce qui est des services sanitaires et éducatifs. Il est en outre préoccupé par la discrimination subie par les enfants et les familles sans permis de séjour.

24. Le Comité recommande à l’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et combattre toutes les formes de discrimination, notamment au moyen de campagnes de sensibilisation nationales et régionales et d’interventions efficaces dans tous les cas de discrimination, tout en prêtant une attention particulière aux groupes les plus vulnérables comme les enfants appartenant à des minorités religieuses et ethniques, les enfants roms et les enfants dont les parents n’ont pas de permis de séjour.

25. Le Comité demande également que dans le prochain rapport périodique figurent des informations précises sur les mesures et programmes ayant trait à la Convention relative aux droits de l’enfant engagés par l’État partie pour donner effet à la Déclaration et au Programme d’action adoptés par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, compte tenu également de l’Observation générale n o 1 (2001) sur les buts de l’éducation.

Intérêt supérieur de l’enfant

26.Tout en relevant que la plupart des lois et programmes de l’État partie font référence au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, le Comité s’inquiète de ce que ce principe soit d’une application limitée dans la pratique, faute de ressources financières suffisantes et de cours de formation, ainsi qu’en raison de comportements sociaux.

27. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour veiller à ce que le principe général de l’intérêt supérieur de l’enfant soit compris et dûment intégré et mis en œuvre dans toutes les dispositions juridiques ainsi que dans les décisions judiciaires et administratives et dans les projets, programmes et services ayant une incidence sur les enfants.

Droit à la vie

28.Le Comité exprime de nouveau sa préoccupation à propos de l’incidence de l’infanticide dans l’État partie, car le nombre de cas n’a pas diminué.

29. Le Comité prie instamment l’État partie d’entreprendre une étude sur les causes de l’infanticide sur son territoire et de mettre en œuvre toutes les mesures de prévention nécessaires.

Respect des opinions de l’enfant

30.Le Comité se félicite des efforts que l’État partie déploie pour promouvoir le respect des opinions de l’enfant mais reste préoccupé par le fait que l’article 12 de la Convention n’est pas suffisamment appliqué dans les familles, les écoles et les autres institutions et n’est pas, dans la pratique, pleinement pris en compte dans les décisions judiciaires et administratives, ni dans l’élaboration et l’application des lois, politiques et programmes.

31. Le Comité recommande que davantage d’efforts soient faits pour assurer la mise en œuvre du principe du respect des opinions de l’enfant. À cet égard, il convient d’accorder une attention particulière au droit de tout enfant, notamment aux enfants appartenant à des groupes vulnérables et minoritaires, de participer à la vie de la famille, de l’école, d’autres institutions et organismes, et de la société dans son ensemble. Ce droit devrait en outre être inscrit dans toutes les lois, toutes les décisions judiciaires et administratives, toutes les politiques et tous les programmes touchant l’enfance. L’ État partie devrait également faire en sorte que les adultes qui travaillent avec des enfants et des jeunes les respectent et soient formés pour veiller à ce que les enfants puissent effectivement exprimer leurs opinions, et que celles-ci soient prises en considération. Il devrait en outre mettre en place une permanence téléphonique gratuite, 24 heures sur 24, pour recevoir les appels ayant trait aux besoins des enfants.

3. Droits civils et libertés

Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

32.Le Comité s’inquiète de ce que certaines personnes de moins de 18 ans seraient toujours soumises à la torture et à des traitements cruels, souvent lorsqu’elles sont placées en garde à vue ou en détention provisoire. En garde à vue, l’accès des jeunes à un conseil et/ou aux services médicaux et à leur famille semble également limité. Le Comité s’inquiète en outre de ce que les procédures de dépôt de plaintes concernant ces abus ne sont peut-être pas adaptées aux enfants, ne leur permettent pas de déposer plainte sans le consentement de leurs parents ou de leur représentant légal, et ne se sont pas révélées efficaces.

33. Le Comité recommande à l’ État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les actes de torture ou les traitements ou peines inhumains ou dégradants, en particulier en dispensant une formation aux forces de police;

b) De prendre des mesures afin de mener des enquêtes, de poursuivre et de punir les auteurs d’actes de torture ou de traitements ou peines inhumains ou dégradants sur la personne d’enfants et de jeunes;

c) De créer des programmes de réadaptation et de réintégration sociale des victimes;

d) De renforcer les mécanismes permettant aux enfants de déposer plainte et de leur permettre de le faire sans le consentement de leurs parents ou de leur représentant légal.

34.Le Comité est également préoccupé par le recours à la torture et autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants dans les internats et autres établissements d’enseignement de l’État partie.

35. Le Comité prie instamment l’ État partie de faire en sorte que les éducateurs et autres professionnels qui travaillent dans des institutions soient informés de l’interdiction d’infliger aux enfants des actes de torture et autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants.

Châtiments corporels

36.Le Comité s’inquiète de ce que les châtiments corporels ne soient pas interdits dans la famille et dans les foyers d’accueil. Il s’inquiète également de ce que le châtiment corporel des enfants reste une pratique socialement acceptable dans l’État partie et soit toujours appliqué dans des familles et dans des lieux où il a été formellement prohibé, comme les écoles.

37. Le Comité prie instamment l’ État partie:

a) D’adopter une loi interdisant expressément toutes les formes de châtiments corporels au sein de la famille et dans les foyers d’accueil;

b) De prévenir et de combattre la pratique du châtiment corporel des enfants au sein de la famille, des écoles et autres institutions en faisant réellement respecter la loi;

c) D’organiser des campagnes de sensibilisation et d’éducation du public contre les châtiments corporels et de promouvoir des formes de discipline non violentes associant les enfants.

4. Milieu familial et protection de remplacement

Enfants privés de milieu familial

38.Le Comité s’inquiète du nombre croissant d’enfants placés dans des foyers d’accueil et de l’échec des mesures prises pour appliquer une politique nationale visant à réduire le nombre de ces placements. Il s’inquiète également de l’insuffisance des efforts faits pour promouvoir les placements en famille d’accueil.

39. À la lumière de l’article 20 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie:

a) D’adopter une stratégie globale et de prendre immédiatement des mesures préventives pour éviter que les enfants soient séparés de leur milieu familial et réduire le nombre d’enfants placés en institution, entre autres en fournissant l’assistance et les services d’appui dont ont besoin les parents et les tuteurs dans l’exercice de leurs responsabilités en matière d’éducation des enfants, notamment sous la forme d’activités d’éducation, de conseils et de programmes communautaires à l’intention des parents;

b) De faire en sorte que la décision de placer un enfant en institution soit toujours évaluée par plusieurs autorités pluridisciplinaires et compétentes, prononcée pour une durée aussi courte que possible, contrôlée par un juge, et soumise à un examen en application de l’article 25 de la Convention;

c) De prendre des mesures visant à instaurer un environnement permettant un développement plus complet des enfants et à les protéger contre toute forme de sévices. Lorsque les enfants sont placés en institution, il faudrait également favoriser les contacts avec leur famille, sous réserve que ces relations ne soient pas contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant;

d) D’intensifier ses efforts pour développer le système traditionnel de placement familial, de même que d’autres types de placement axés sur la famille, en prêtant une attention particulière aux droits reconnus dans la Convention et au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, et de renforcer les mesures visant à développer les organismes de tutelle et d’administration légale;

e) De faire en sorte que les enfants participent à l’évaluation des programmes de protection de remplacement et que des mécanismes soient mis en place afin de permettre aux enfants de déposer plainte.

Adoption

40.Le Comité note avec préoccupation que le droit d’un enfant adopté de connaître son identité d’origine n’est pas protégé dans l’État partie.

41. Le Comité encourage l’ État partie à protéger le droit de l’enfant adopté de connaître son identité d’origine, en mettant en place les procédures légales nécessaires à cette fin, notamment l’âge recommandé et des mesures de soutien professionnel.

42.Le Comité note qu’en 2000 l’État partie a signé la Convention de La Haye de 1993 (no 33) sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Il note également que les autorités fédérales n’exercent pas un contrôle suffisant sur les agences d’adoption étrangères, en ce qui concerne les documents nécessaires pour adopter un enfant, le versement de sommes indues et le fait que les futurs adoptants soient autorisés à choisir l’enfant. Il relève avec préoccupation qu’en 2003 le nombre d’adoptions à l’étranger a été pour la première fois supérieur à celui des adoptions dans le pays.

43. Le Comité recommande à l’ État partie de ratifier la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Parallèlement, il lui recommande de conclure des accords avec les autorités des pays d’accueil afin de vérifier la fiabilité des parents adoptifs et d’assurer un suivi après l’adoption. Il lui recommande également de mettre en place un système d’accréditation et de contrôle des agences d’adoption étrangères ainsi que d’élaborer et d’appliquer des mesures visant à favoriser les adoptions dans le pays.

Examen périodique du placement

44.Le Comité s’inquiète de l’insuffisance des examens périodiques des placements d’enfants dans des institutions et des foyers d’accueil. Il s’inquiète également de l’absence de mécanismes d’inspection indépendants dans les institutions qui accueillent des enfants.

45.Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que la situation des enfants placés dans des foyers d’accueil ou des institutions soit suffisamment surveillée. Il lui recommande également d’élaborer, en coopération avec la société civile , des mécanismes permettant de mener des inspections indépendantes publiques dans les institutions qui accueillent des enfants.

Brutalités et négligence, mauvais traitements et violence

46.Le Comité est préoccupé par le fait que de nombreux enfants placés dans des institutions seraient victimes de brutalités de la part de leurs éducateurs. Il s’inquiète également de ce que des enfants maltraités qui sont exposés à des violences au sein de leur famille et dans des institutions ne reçoivent pas toujours les soins et l’aide nécessaires, et de l’insuffisance des mesures prises en matière de prévention (et d’interventions à titre préventif) et de sensibilisation dans ce domaine.

47. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à renforcer son action pour fournir une assistance appropriée aux enfants exposés à de la violence au sein de la famille et dans des institutions, notamment:

a) En réalisant une étude pour déterminer l’ampleur de la violence dans les institutions et en prenant des mesures pour punir les responsables de ces actes;

b) En faisant en sorte que toutes les victimes de violence aient accès à des services de conseil et d’aide au rétablissement et à la réinsertion;

c) En créant des procédures pour la remontée de l’information et la conduite d’enquêtes efficaces lors de plaintes émanant des enfants relatives à des traumatismes physiques et émotionnels;

d) En renforçant le cadre juridique des interventions à titre préventif;

e) En fournissant une protection appropriée aux enfants qui sont victimes de violence chez eux; et

f) En menant des campagnes de sensibilisation du public aux conséquences négatives des mauvais traitements et en mettant en œuvre des programmes de prévention s’adressant notamment aux familles, afin de promouvoir des formes de discipline positives et non violentes.

48.En ce qui concerne l’étude approfondie du Secrétaire général sur la question de la violence dont sont victimes les enfants, à l’occasion de laquelle un questionnaire a été envoyé aux gouvernements, le Comité prend note avec satisfaction des réponses écrites de l’État partie à ce questionnaire et de sa participation à la Consultation régionale pour l’Europe et l’Asie centrale, tenue en Slovénie du 5 au 7 juillet 2005. Il recommande à l’État partie de se fonder sur les résultats de cette consultation pour veiller, en partenariat avec la société civile, à ce que tous les enfants soient protégés contre toutes les formes de violence physique, sexuelle ou mentale, et pour favoriser l’adoption de mesures concrètes, et si nécessaire assorties de délais, afin de prévenir ces actes de violence et d’y répondre.

5.  Santé et bien ‑être

Enfants handicapés

49.Le Comité note avec préoccupation que les efforts faits pour intégrer les enfants handicapés dans le système éducatif général sont insuffisants, car ces enfants sont le plus souvent envoyés dans des «écoles auxiliaires» correctives et dans des «classes correctives». Il s’inquiète également du nombre nettement disproportionné d’enfants handicapés dans les internats.

50. Le Comité recommande à l’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour:

a) Traiter le problème de la discrimination à l’égard des enfants handicapés;

b) Assurer aux enfants handicapés l’égalité d’accès aux services, en tenant compte des Règles pour l’égalisation des chances des handicapés (résolution 48/96 de l’Assemblée générale);

c) Examiner la question du placement des enfants handicapés dans les internats en vue de limiter ces placements aux seuls cas dans lesquels ils sont dans l’intérêt supérieur de l’enfant;

d) Assurer aux enfants handicapés les mêmes possibilités en matière d’éducation, notamment en abolissant la pratique des écoles «correctives» et «auxiliaires», en apportant l’appui nécessaire et en veillant à ce que des enseignants soient formés pour s’occuper de ces enfants dans les écoles ordinaires.

Santé et bien ‑être

51.Le Comité prend note des informations relatives aux nombreux programmes et mesures mis en place pour améliorer la santé des enfants mais reste préoccupé par le niveau de santé dans l’État partie. Il s’inquiète toujours du nombre élevé de cas de tuberculose, malgré la baisse de l’incidence de cette maladie. Il reste également préoccupé par le nombre de troubles liés à la carence en iode et par la faible incidence de l’allaitement maternel dans l’État partie.

52.Le Comité s’inquiète également de ce que les services et programmes mis en place dans le système réformé ne sont pas pleinement conformes à l’article 24 de la Convention, en particulier en ce qui concerne le développement des soins de santé primaires.

53. Le Comité encourage l’ État partie:

a) À renforcer ses interventions à titre préventif dans le domaine des soins de santé primaires;

b) À augmenter les dépenses de santé publique;

c) À adopter la loi sur l’iodation universelle du sel et à veiller à ce qu’elle soit pleinement appliquée;

d) À poursuivre ses efforts pour réduire la morbidité due à la tuberculose;

e) À envisager de créer un comité national de l’allaitement maternel, de former les membres des professions médicales et d’améliorer les pratiques d’allaitement maternel.

Santé des adolescents

54.Tout en prenant note des mesures et des nouvelles lois visant à lutter contre les niveaux élevés de consommation d’alcool et de tabac, le Comité s’inquiète du niveau de la consommation de tabac et d’alcool chez les adolescents et constate que les mesures de promotion des bonnes pratiques en matière de santé sont insuffisantes dans l’État partie, les questions touchant la nutrition, le tabagisme, la consommation d’alcool, l’exercice physique et l’hygiène personnelle étant peu abordées.

55.Le Comité s’inquiète aussi du manque d’information concernant la santé des adolescents, en particulier sur le plan de la santé procréative. Il s’inquiète également de ce que les contraceptifs ne soient pas à la portée financière de tous, ce qui limite leur utilisation dans l’État partie, et de la forte incidence de grossesses et d’interruptions volontaires de grossesse chez les adolescentes.

56. Le Comité recommande à l’État partie de suivre de près la santé des adolescents, compte tenu de l’Observation générale n o  4 (2003) sur la santé et le développement des adolescents, dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant, d’intensifier ses efforts pour promouvoir la santé des adolescents, notamment grâce à des cours d’éducation sexuelle et de santé procréative dans les établissements scolaires, et de mettre en place des services de santé scolaires, y compris des services d’orientation et de soins confidentiels et adaptés aux jeunes. Pour faire reculer la consommation de tabac et d’alcool chez les adolescents, il lui recommande de lancer des campagnes sur les comportements à risque axées particulièrement sur les adolescents.

57.Le Comité fait de nouveau part de son inquiétude quant au taux élevé de suicide chez les adolescents dans l’État partie et à l’absence de véritables mesures de prévention de ce phénomène.

58. Le Comité engage instamment l’État partie à accroître les ressources des services de santé, à renforcer les services de santé mentale et à prendre toutes les mesures nécessaires en matière de prévention du suicide.

VIH/sida

59.Le Comité est gravement préoccupé par l’épidémie de VIH/sida dans l’État partie et par le fait que les conduites à haut risque chez les jeunes (usage de drogues par injection et comportement sexuel à risque) pourraient augmenter encore le nombre de personnes touchées par le VIH/sida dans l’avenir. Il s’inquiète aussi du peu d’attention portée aux mesures de prévention.

60.Le Comité s’inquiète également de l’augmentation de la transmission materno‑infantile du VIH dans l’État partie. Il s’inquiète en outre de la discrimination persistante à l’égard des enfants dont la mère est infectée par le VIH, qu’ils soient ou non porteurs du virus, et du fait que ces enfants sont souvent abandonnés par leur mère et hospitalisés pendant de longues périodes.

61. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’intensifier ses efforts de prévention de la propagation du VIH/sida en tenant compte de l’Observation générale n o  3 (2003) du Comité concernant le VIH/sida et les droits de l’enfant et des directives internationales concernant le VIH/sida et les droits de l’homme;

b) De renforcer les mesures de prévention de la transmission materno-infantile;

c) De garantir un traitement antirétroviral aux nouveau-nés ayant des mères séropositives ainsi que le suivi postnatal des femmes séropositives;

d) De prêter une attention particulière aux enfants infectés par le VIH et à ceux dont les parents sont morts du sida, en leur offrant une aide médicale, psychologique et matérielle adaptée qui respecte pleinement le principe de non-discrimination;

e) D’entreprendre une étude sur la pratique consistant, dans l’État partie, à séparer des autres les enfants nés de mère séropositive dans les hôpitaux ou à les placer dans des orphelinats séparés et à refuser aux enfants séropositifs l’accès aux orphelinats, aux services de soins et aux services éducatifs ordinaires;

f) De fournir une aide adaptée aux mères séropositives afin qu’elles n’abandonnent pas leurs nouveau-nés et qu’elles puissent s’occuper de leurs enfants;

g) De lancer des campagnes et des programmes de sensibilisation au VIH/sida destinés aux adolescents, en particulier ceux qui appartiennent à des groupes vulnérables, ainsi qu’à l’ensemble de la population, en vue de réduire la discrimination à l’égard des enfants infectés ou touchés par le VIH/sida et leur stigmatisation; et

h) De solliciter une assistance technique, notamment auprès du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida, de l’OMS et de l’UNICEF.

6.  Sécurité sociale et services et établissements de garde d’enfants; niveau de vie

Niveau de vie suffisant

62.Le Comité note avec préoccupation qu’un grand nombre d’enfants vivent dans des familles à faible revenu et que, d’après les informations fournies dans les réponses écrites à la liste de points à traiter, le budget consacré aux allocations familiales a nettement diminué. Il s’inquiète de ce que ces conditions de vie entravent gravement l’exercice par les enfants de leurs droits dans la famille, dans les écoles, ainsi que dans les activités extrascolaires et les activités culturelles.

63.Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures propres à apporter un soutien et une assistance matérielle aux familles économiquement défavorisées, notamment des programmes ciblés en faveur des groupes de familles les plus vulnérables, afin de garantir le droit de tous les enfants à un niveau de vie suffisant.

7.  Éducation, loisirs et activités culturelles

Éducation, notamment formation et orientation professionnelles

64.Malgré quelques faits nouveaux encourageants, comme les mesures visant à faire baisser le nombre d’enfants qui abandonnent l’école, le Comité reste préoccupé par le maintien de différents frais de scolarité en primaire, alors que la loi garantit la gratuité de l’enseignement primaire. Il s’inquiète également de ce que la loi fédérale no 122 ne garantisse plus une aide financière et matérielle aux enfants d’âge préscolaire et qu’elle ait supprimé certains des moyens prévus pour les enseignants affectés en zone rurale. Tout en félicitant l’État partie d’être parvenu à faire baisser le nombre d’adultes analphabètes et le pourcentage de femmes analphabètes, le Comité s’inquiète du nombre d’adolescents analphabètes et de l’augmentation de la proportion des filles parmi eux. Il s’inquiète également du manque de transparence du système de formation professionnelle.

65. Le Comité recommande à l’ État partie:

a) De prendre les mesures nécessaires pour que tous les enfants aient accès à l’enseignement primaire et secondaire;

b) De prendre toutes les mesures appropriées pour que l’enseignement primaire soit gratuit, en tenant compte de tous les frais directs et indirects comme les manuels scolaires, les travaux de rénovation et les mesures de sécurité;

c) D’intensifier ses efforts pour surmonter les disparités raciales dans l’éducation, en s’attachant en particulier à promouvoir l’enseignement pour les personnes appartenant à des minorités linguistiques;

d) De renforcer la formation des enseignants (initiale et continue) et de se pencher sur la question de leurs salaires et de leurs conditions de travail (en particulier à la lumière de la loi fédérale n o  122);

e) De développer et de mieux organiser le système de formation professionnelle;

f) D’appliquer pleinement des mesures visant à éliminer l’analphabétisme chez les jeunes, notamment en leur offrant la possibilité de suivre un enseignement non scolaire.

8. Mesures spéciales de protection

Enfants réfugiés et enfants déplacés dans leur propre pays

66.Tout en notant avec satisfaction que les enfants réfugiés et les demandeurs d’asile ont accès à l’enseignement dans la région de Moscou, le Comité s’inquiète de ce que les autres régions n’offrent pas cette possibilité. Il s’inquiète également de ce que les mineurs non accompagnés n’aient pas accès à la procédure nationale de détermination du statut de réfugié, faute d’un tuteur. Il s’inquiète en outre de ce que la délivrance d’un certificat de naissance aux enfants de réfugiés et de demandeurs d’asile soit souvent subordonnée à l’enregistrement des parents.

67. Le Comité recommande à l’ État partie :

a) De prendre les mesures législatives et administratives nécessaires pour que les enfants réfugiés, demandeurs d’asile et déplacés aient accès à l’enseignement dans tout le territoire de la Fédération de Russie;

b) De faire en sorte que les mineurs non accompagnés et les mineurs séparés de leur famille aient accès à la procédure nationale de détermination du statut de réfugié puis à une assistance, en établissant des procédures spécifiques et claires;

c) De conférer à une autorité publique particulière des responsabilités administratives claires afin qu’elle désigne un tuteur légal pour les enfants non accompagnés ou séparés de leur famille;

d) D’introduire des règles ou directives administratives spécifiques prévoyant l’enregistrement automatique des naissances et la délivrance de certificats de naissance aux enfants de réfugiés et de demandeurs d’asile qui résident dans la Fédération de Russie et de prendre les mesures nécessaires pour que des certificats de naissance soient délivrés à tous les enfants nés en Ingouchie de personnes déplacées en Tchétchénie.

Enfants touchés par un conflit

68.Le Comité reste préoccupé par le fait que les enfants vivant en Tchétchénie et dans le nord du Caucase (en particulier les enfants déplacés) sont toujours très durement touchés par le conflit, en particulier en ce qui concerne leurs droits à l’éducation et à la santé. Il est également préoccupé par les cas signalés d’arrestation et de disparition de jeunes soupçonnés d’être liés à des groupes insurgés, qui seraient imputables à des agents de sécurité. Il s’inquiète du peu d’efforts faits pour recenser et marquer les zones minées ou pour les déminer, alors que l’État partie a récemment ratifié le deuxième Protocole, tel qu’amendé, relatif à la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination.

69. Le Comité recommande à l’ État partie de renforcer les mesures qu’il a prises pour protéger les enfants des conséquences du conflit en Tchétchénie et dans le nord du Caucase, conformément au paragraphe 1 de l’article 38 de la Convention relative aux droits de l’enfant , en particulier en ce qui concerne leurs droits à la santé et à l’éducation. Il l’exhorte également à prendre des mesures pour faire cesser les atteintes à la sécurité de la personne que les forces de sécurité commettent contre des enfants. Il lui recommande en outre de poursuivre ses efforts de déminage et de ratifier la Convention de 1997 sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.

70.Le Comité s’inquiète également du règlement relatif à l’enrôlement de citoyens de la Fédération de Russie n’ayant pas atteint l’âge légal en tant qu’enfants de troupe dans des unités militaires, en leur versant des allocations de base, qui permet de recruter et de rattacher à des unités militaires des garçons âgés de 14 à 16 ans qui se portent volontaires.

71. Le Comité prie instamment l’ État partie de revoir le règlement relatif à l’enrôlement de citoyens de la Fédération de Russie n’ayant pas atteint l’âge légal en tant qu’enfants de troupe dans des unités militaires, en leur versant des allocations de base, de sorte qu’il soit pleinement conforme à la Convention relative aux droits de l’enfant, afin d’empêcher que des enfants n’ayant pas achevé leur scolarité normale soient recrutés dans des unités militaires.

Travail des enfants

72.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié la Convention no182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination afin d’offrir une protection particulière aux enfants. Il relève cependant que, dans l’État partie, des enfants travaillent dans la rue, au sein de la famille ou ailleurs en étant exploités ou dans des conditions qui les empêchent de fréquenter régulièrement l’école.

73. Le Comité recommande à l’État partie, conformément à l’article 32 de la Convention et aux Conventions de l’OIT n o  138 concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi et n o  182, que l’État partie a ratifiées:

a) De prendre des dispositions pour faire appliquer l’article 32 de la Convention et les Conventions n o  138 et 182 de l’OIT en tenant dûment compte de la Recommandation n o  146 de l’OIT concernant l’âge minimum (1973) et de la Recommandation n o  190 de l’OIT concernant les pires formes de travail des enfants (1999);

b) D’intensifier les efforts visant à établir des mécanismes de contrôle permettant de surveiller l’ampleur du phénomène du travail des enfants, y compris le travail non réglementé, de s’attaquer à ses causes en vue de renforcer la prévention et, dans les cas d’emploi licite des enfants, de veiller à ce que leur travail ne s’apparente pas à de l’exploitation et soit conforme aux normes internationales;

c) De chercher une coopération avec le Programme international de l’OIT pour l’abolition du travail des enfants.

Enfants des rues

74.Le Comité est préoccupé par le nombre croissant d’enfants des rues, par la vulnérabilité de ces enfants à toutes les formes de violence et d’exploitation, et par le fait qu’ils n’ont pas accès aux services publics de santé et d’éducation. Il s’inquiète également de l’absence de stratégie systématique et globale visant à corriger la situation et à protéger ces enfants.

75. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’entreprendre une enquête nationale approfondie sur le nombre, la composition et les caractéristiques des enfants qui vivent et travaillent dans les rues, afin de pouvoir mettre au point et appliquer des stratégies et politiques globales de prévention et de lutte contre toutes les formes de violence et d’exploitation;

b) De promouvoir et de faciliter la réunification des enfants des rues avec leurs parents et d’autres proches ou de leur fournir une protection de remplacement en tenant compte de leur opinion; l’ État partie devrait faire en sorte que les autorités locales disposent de ressources suffisantes pour fournir ces services;

c) De veiller à ce que les enfants des rues bénéficient d’une alimentation et d’un logement adéquats, de soins de santé et de possibilités d’éducation, en vue de les aider à se développer pleinement, et de leur assurer une protection et une assistance appropriées;

d) De sensibiliser l’opinion au problème des enfants des rues afin que ces derniers ne suscitent plus l’opprobre; et

e) De collaborer avec des organisations non gouvernementales qui travaillent avec les enfants des rues dans l’État partie ainsi qu’avec les enfants eux ‑mêmes et de solliciter une assistance technique, notamment auprès de l’UNICEF.

Abus de drogues

76.Le Comité note avec satisfaction les diverses mesures prises pour prévenir et combattre l’abus de drogues chez les enfants, qui se sont traduites par une réduction de la toxicomanie, mais reste préoccupé par le nombre encore élevé d’enfants qui consomment des drogues dans l’État partie. Il s’inquiète également de l’implication d’enfants dans le trafic de stupéfiants.

77. Le Comité recommande à l’ État partie :

a) De fournir aux enfants des informations exactes et objectives sur les conséquences néfastes de l’abus de drogues et de prendre des mesures pour éviter qu’ils soient impliqués dans le trafic de stupéfiants;

b) De veiller à ce que les enfants qui consomment des drogues ne soient pas traités comme des délinquants mais comme des victimes et qu’ils reçoivent une assistance et des conseils appropriés;

c) De lancer une étude afin d’analyser en profondeur les causes et les conséquences de ce phénomène et de s’appuyer sur les résultats de cette étude pour mieux prévenir la consommation de drogues;

d) De mettre en place des services de soins et de réinsertion pour les enfants victimes d’abus de drogues.

Exploitation sexuelle et abus sexuels

78.Le Comité est préoccupé par le grand nombre d’enfants et de jeunes qui sont victimes d’exploitation sexuelle dans l’État partie. Il s’inquiète de la gravité du problème de la prostitution des adolescents dans l’État partie. Il s’inquiète également de ce que la loi ne protège pas les enfants âgés de 14 à 18 ans contre la prostitution et la pornographie.

79. Compte tenu de l’article 34 et des articles connexes de la Convention, le Comité recommande à l’État partie:

a) De renforcer les mesures prises pour prévenir et combattre l’exploitation sexuelle des enfants et les abus sexuels dont ils sont victimes;

b) De veiller à ce que les cas d’exploitation sexuelle et d’abus sexuels qui sont signalés fassent l’objet d’une enquête (qui tienne dûment compte des droits des victimes) et que les auteurs soient poursuivis et punis en conséquence;

c) De veiller à ce que les témoignages des enfants soient convenablement enregistrés et que les personnes procédant à l’audition d’enfants possèdent les qualifications requises;

d) De prendre des mesures pour que la loi protège les enfants âgés de 14 à 18 ans contre la prostitution et la pornographie; et

e) De réaliser une étude exhaustive pour évaluer les causes, la nature et l’ampleur des abus commis sur des enfants en vue d’élaborer des stratégies pour lutter contre l’exploitation sexuelle, la traite et l’utilisation d’enfants à des fins pornographiques.

Vente, traite et enlèvement

80.Tout en se félicitant de la récente introduction dans le Code pénal de dispositions interdisant la traite des êtres humains, le Comité s’inquiète de l’insuffisance des mesures prises pour appliquer effectivement ces dispositions. Il se dit également préoccupé par le fait que les mesures de protection concernant les victimes de la traite des êtres humains ne sont pas pleinement mises en place et que les actes signalés de complicité entre des trafiquants et des agents publics ne font pas l’objet d’enquêtes approfondies et de sanctions.

81. Le Comité encourage l’ État partie à intensifier ses efforts pour assurer une coordination institutionnelle effective afin d’appliquer pleinement les nouvelles dispositions relatives à la traite des êtres humains. L’ État partie devrait également faire en sorte que les victimes de la traite soient protégées et que leur statut et leurs droits soient mieux définis. Le Comité engage également l’ État partie à axer un plus grand nombre de ses activités programmatiques sur la prévention et à mener des enquêtes sur les actes signalés de complicité entre des trafiquants et des agents publics.

82.Le Comité note que l’État partie a signé le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, mais qu’il ne l’a pas encore ratifié.

83. Le Comité engage l’ État partie à ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

Administration de la justice pour mineurs

84.Le Comité s’inquiète de ce que l’État partie, malgré plusieurs tentatives dans le domaine législatif, n’ait pas encore établi de procédures fédérales spécifiques et de tribunaux afin que les mineurs délinquants soient traités séparément dans le système de justice.

85.Le Comité s’inquiète également:

a)Des mécanismes inadaptés de recherche, d’étude ou d’évaluation portant sur les activités de prévention ou l’adéquation des mesures existantes;

b)De la stigmatisation des enfants en conflit avec la loi;

c)De l’absence de mesures de substitution à la détention et de modalités de réinsertion pour les enfants en conflit avec la loi;

d)Du manque de places adaptées pour les personnes de moins de 18 ans qui ont été privées de liberté et sont souvent détenues avec des adultes;

e)Des médiocres conditions matérielles de détention des personnes de moins de 18 ans privées de liberté;

f)Des problèmes d’accès à l’éducation rencontrés par les personnes de moins de 18 ans placées en détention.

g)De l’insuffisance des mesures permettant de surveiller la situation des mineurs en conflit avec la loi mais qui n’ont pas été condamnés à une peine privative de liberté et qui ne bénéficient pas de mesures thérapeutiques et éducatives appropriées.

86. Le Comité recommande à l’ État partie de veiller à ce que les normes relatives à la justice pour mineurs soient pleinement appliquées, en particulier les articles 37, 40 et 39 de la Convention, ainsi que d’autres normes adoptées par les Nations Unies en la matière, notamment l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté et les Directives de Vienne relatives aux enfants dans le système de justice pénale, en tenant compte des recommandations formulées par le Comité lors de sa journée de débat général sur l’administration de la justice pour mineurs, tenue en 1995. À cet égard, il engage l’ État partie, à titre prioritaire:

a) À faire en sorte que les enfants qui n’ont pas atteint l’âge de la responsabilité pénale ne soient pas traités comme des criminels;

b) À accélérer ses travaux sur la réforme du système de justice pour mineurs de sorte que les personnes de moins de 18 ans soient prises en charge par un système distinct de justice pour mineurs et non par le système judiciaire ordinaire;

c) À mettre au point un système de peines de substitution pour les personnes de moins de 18 ans en conflit avec la loi, comme les travaux d’intérêt général et la justice réparatrice, en vue de veiller à ce que la privation de liberté soit une mesure de dernier ressort;

d) À garantir à tous les enfants une aide juridictionnelle et une défense appropriées;

e) À appliquer les dispositions du Code de procédure pénale relatives à la détention provisoire;

f) À prendre les mesures nécessaires pour que la privation de liberté soit d’aussi courte durée que possible, notamment en recourant à des peines avec sursis et à la libération conditionnelle;

g) À veiller à ce que les personnes de moins de 18 ans soient séparées des adultes en détention;

h) À veiller à ce que les personnes de moins de 18 ans restent régulièrement en contact avec leur famille lorsqu’elles sont dans le système de justice pour mineurs;

i) À veiller à ce que les juges et les responsables de l’application des lois bénéficient d’une formation permanente;

j) À faire en sorte que les personnes de moins de 18 ans placées en détention bénéficient de programmes éducatifs et de réinsertion;

k) À élaborer et à appliquer des normes et des mécanismes de surveillance dans le domaine des conditions de vie dans les centres de détention pour mineurs, en prévoyant notamment des visites de ces centres par des organes indépendants;

l) À donner à tous les enfants condamnés accès à des services de conseil et autres mesures d’assistance sociale, si nécessaire;

m) À solliciter une assistance auprès des organes et institutions concernés des Nations Unies, notamment le PNUD, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et l’UNICEF.

9. Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention

87.Le Comité relève avec satisfaction que l’État partie a signé et prévu de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et note que l’État partie envisage de signer le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Il le prie instamment de poursuivre et de mener à bien ses plans à cet égard et de ratifier les deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention.

10. Suivi et diffusion

Suivi

88.Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour donner pleinement effet aux présentes recommandations, notamment en les communiquant aux membres du Conseil des ministres ou du Cabinet ou d’un organe analogue, de l’Assemblée fédérale et des gouvernements et parlements provinciaux ou locaux, s’il y a lieu, pour qu’ils les examinent et prennent des mesures en conséquence.

Diffusion

89.Le Comité recommande en outre que le troisième rapport périodique et les réponses écrites fournies par l’État partie ainsi que les recommandations (observations finales) qu’il a adoptées à ce sujet soient largement diffusés, notamment − mais non exclusivement − via l’Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des mouvements de jeunesse, des groupes de professionnels et auprès des enfants afin de susciter le débat et de contribuer à faire mieux connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi.

11. Prochain rapport

90.Le Comité invite l’État partie à présenter son prochain rapport périodique avant la date fixée par la Convention pour le cinquième rapport périodique, à savoir le 14 septembre 2012. Ce rapport devrait conjuguer les quatrième et cinquième rapports périodiques. Toutefois, étant donné que le Comité reçoit chaque année un grand nombre de rapports et qu’il s’écoule donc beaucoup de temps entre la date où l’État partie présente son rapport et celle où le Comité l’examine, ce dernier invite l’État partie à présenter un document de synthèse comprenant ses quatrième et cinquième rapports 18 mois avant la date fixée, soit le 14 mars 2011.

-----