Renseignements reçus de l’Éthiopie au sujet de la suite donnée aux observations finales concernant son huitième rapport périodique *

[Date de réception : 25 mai 2021]

Contexte

Le Gouvernement éthiopien a présenté son huitième rapport périodique au Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en novembre 2017. Le Comité a examiné le rapport à sa soixante-douzième session, tenue en mars 2019, et a par la suite transmis ses observations finales et ses recommandations à l’Éthiopie. Le Gouvernement éthiopien a pris différentes mesures pour assurer l’application des observations finales du Comité. Parmi ces mesures, il convient de citer la traduction des observations finales en amharique, la langue de travail du pays. Les documents traduits ont été diffusés auprès de tous les acteurs pertinents au niveau fédéral et régional afin qu’ils les intègrent dans leurs plans et leurs activités. Par ailleurs, le Ministère de la condition féminine, de l’enfance et de la jeunesse a élaboré un plan d’action dans lequel figurent les parties prenantes, l’état d’avancement et le calendrier de mise en œuvre.

Comme indiqué dans le huitième rapport périodique, dans les informations complémentaires fournies après le rapport et lors du dialogue avec le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, l’Éthiopie a subi des transformations politiques et économiques qui ont eu un impact positif sur la situation des femmes et des filles au niveau national. Citons notamment les progrès réalisés en matière d’accès des femmes aux fonctions de responsabilité et à la prise de décisions avec la parité femmes-hommes au sein du gouvernement et la nomination de plusieurs femmes au plus haut niveau de l’État, y compris à la présidence de la République fédérale démocratique d’Éthiopie ; la révision de la Proclamation de la société civile qui a permis à davantage d’organisations de femmes de participer activement aux travaux sur les droits des femmes et la publication d’un Plan de développement décennal dont l’un des principaux axes porte sur le genre et l’inclusion sociale.

Malgré ces avancées, le gouvernement a dû faire face à plusieurs défis qu’il s’efforce de relever. La pandémie de COVID-19 a mis à rude épreuve tous les pays du monde depuis qu’elle a été déclarée urgence sanitaire mondiale par l’Organisation mondiale de la Santé en janvier 2020. Les informations disponibles ont montré que la pandémie a touché les femmes et les filles de manière disproportionnée, entraînant des licenciements et une perte des activités génératrices de revenus, un fardeau accru en termes de responsabilités familiales et domestiques, ainsi qu’une augmentation de la violence fondée sur le genre et des pratiques traditionnelles préjudiciables. Certaines femmes ont également été touchées par des conflits et des déplacements à l’intérieur du pays et ont été victimes d’actes de violence. Le gouvernement prend des mesures appropriées en faveur de la prévention et de la lutte contre la violence sexuelle et fondée sur le genre et de la réinsertion des personnes survivantes, ainsi que pour soutenir les femmes en proie à des difficultés économiques.

Dans ce contexte, le présent document fournit des réponses aux observations finales formulées par le Comité dans lesquelles il demandait une mise à jour sur les recommandations particulières énoncées aux alinéas a) et b) du paragraphe 22 et aux alinéas a) et b) du paragraphe 24.

À propos de la recommandation incitant à veiller à l’application adéquate des sanctions alourdies punissant les mutilations génitales féminines, telles que prévues dans le Code pénal

Afin de veiller à l’application adéquate des sanctions punissant les mutilation génitales féminines, telles que prévues dans le Code pénal de 2005, le Bureau du Procureur général a dispensé aux professionnels du secteur de la justice des différentes régions des formations sur les lois relatives aux mutilations génitales féminines. Ces formations ont spécifiquement ciblé les régions où la prévalence des mutilations génitales féminines est plus élevée comme dans les États régionaux d’Afar et de Sumale.

À propos de la recommandation incitant à mettre effectivement en œuvre la stratégie nationale et le plan d’action national contre les pratiques traditionnelles préjudiciables à l’égard des femmes et des enfants

Le Ministère de la condition féminine, de l’enfance et de la jeunesse de la République démocratique fédérale d’Éthiopie a élaboré une Feuille de route nationale chiffrée pour mettre fin au mariage des enfants, aux mutilations génitales féminines et à l’excision, deux pratiques traditionnelles préjudiciables courantes ayant de graves conséquences pour les femmes et les filles, ceci afin de mettre en œuvre de manière effective la stratégie sur les pratiques traditionnelles préjudiciables. La Feuille de route multisectorielle, qui a officiellement été lancée en 2019, comporte des stratégies claires afin d’éliminer le mariage d’enfants et les mutilations génitales féminines, les coûts requis pour mettre en œuvre les stratégies, ainsi que le rôle et les responsabilités du gouvernement, des groupes relevant de la société civile, des organisations religieuses et communautaires, des organisations non gouvernementales et des médias. La Feuille de route nationale a été déployée dans toutes les administrations régionales et municipales où toutes les parties prenantes ont aligné leur programmation et leurs activités sur cette dernière. Les ministères de tutelle du gouvernement comme la santé, l’éducation et le Bureau du procureur général ont également commencé à inclure des activités visant à mettre un terme aux pratiques traditionnelles préjudiciables dans leurs projets afin de garantir la réussite de la réponse multisectorielle.

Compte tenu du rôle primordial que jouent les chefs religieux dans la lutte contre les pratiques traditionnelles préjudiciables, le ministère travaille avec le Conseil interreligieux éthiopien et a jusqu’ici réussi à faire en sorte que les chefs religieux de sept des huit confessions nationales interdisent les pratiques traditionnelles préjudiciables qui touchent les femmes et les enfants et demandent à leurs adeptes de ne pas pratiquer les mutilations génitales féminines et le mariage d’enfants. Des efforts sont en cours pour que les chefs religieux de confession musulmane fassent une déclaration similaire. À cet égard, le Conseil des affaires islamiques de l’État régional de Sumale où la prévalence des mutilations génitales féminines est la plus élevée est sur le point de se réunir pour émettre un fatwa contre les mutilations génitales féminines.

L’accent a davantage été mis sur la mobilisation communautaire et plusieurs campagnes médiatiques ont été menées pour sensibiliser la population locale et prévenir les pratiques traditionnelles préjudiciables. Des efforts ont également été entrepris pour habiliter les associations féminines à plaider en faveur des droits des femmes et à s’engager dans la prévention des pratiques traditionnelles préjudiciables. Un manuel sur le changement des normes sociales a également été élaboré et diffusé dans tous les États régionaux et auprès de tous les acteurs non gouvernementaux œuvrant sur les pratiques traditionnelles préjudiciables.

Au niveau fédéral, l’Alliance nationale visant à mettre fin au mariage d’enfants, aux mutilations génitales féminines et à l’excision a coordonnée les mesures de prévention et de lutte contre les pratiques traditionnelles préjudiciables, et elle réunit les parties prenantes du gouvernement, des organisations de la société civile, des organisations confessionnelles et des organisations internationales qui travaillent sur les pratiques traditionnelles préjudiciables afin qu’elles puissent agir ensemble. Il existe également des réseaux similaires au niveau des structures administratives régionales et inférieures. En collaboration avec les partenaires de développement, l’alliance nationale a renforcé ces réseaux à travers des formations continues axées sur le renforcement des capacités et l’embauche de coordinateurs dans quatre régions (Afar, Sumale, Oromiya et Amhara) pour faciliter le travail.

Tel qu’indiqué dans le huitième rapport périodique, des données sur les pratiques traditionnelles préjudiciables, y compris sur le mariage d’enfants et les mutilations génitales féminines et l’excision ont été recueillies grâce à l’enquête éthiopienne sur la démographie et la santé de 2016. Une analyse complémentaire des résultats de l’enquête a été réalisée et a révélé des lacunes au niveau des données qui devront être comblées lors de l’enquête éthiopienne sur la démographie et la santé de 2021. En conséquence, l’organisme central de la statistique a préparé une évaluation ciblant les lacunes dans les pratiques traditionnelles préjudiciables et l’a transmise au Ministère de la santé pour suivi.

Un outil permettant de vérifier la volonté de la population locale d’abandonner les pratiques traditionnelles préjudiciables a été élaboré et il est en cours de déploiement. L’outil vise à déterminer si les kebeles et les woredas (structures administratives) sont prêtes à abolir le mariage d’enfants, ainsi que les mutilations génitales féminines et l’excision lors de la mise en œuvre de la Feuille de route nationale pour mettre fin au mariage des enfants, aux mutilations génitales féminines et à l’excision afin de partir sur de bonnes bases pour avancer.

Pendant la pandémie de COVID-19, les pratiques traditionnelles préjudiciables sont restées l’une des priorités du Gouvernement éthiopien. Bien que l’Éthiopie n’ait pas imposé de confinement, la fermeture des écoles sur la quasi-majorité de l’année 2020 a fait courir un risque de mutilations génitales féminines aux filles. Le ministère, les bureaux régionaux et les acteurs non gouvernementaux se sont concentrés sur le problème et ont pu protéger les filles contre les pratiques traditionnelles préjudiciables avec, notamment, l’annulation de plus d’un millier de mariages d’enfants dans l’État régional d’Amhara.

À propos de la recommandation incitant l’Éthiopie à adopter une loi d’ensemble exhaustive et inclusive sur la violence fondée sur le genre, qui vise toutes les formes de violence faites aux femmes

Plusieurs professionnels et défenseurs des droits humains en Éthiopie déclarent depuis longtemps que les lois éthiopiennes existantes contre la violence faite aux femmes et aux enfants sont insuffisantes pour les protéger et insistent sur la nécessité d’adopter des lois exhaustives et inclusives. Sur la base de ces éléments et des recommandations du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, une évaluation approfondie a été réalisée pour identifier les lacunes dans le droit éthiopien et voir s’il était nécessaire d’adopter une législation exhaustive sur ce thème. L’évaluation est désormais en phase finale et les résultats doivent être validés par les différentes parties prenantes. En 2019, dans le cadre du processus de l’examen périodique universel, l’Éthiopie a également accepté une recommandation exigeant l’adoption d’une loi exhaustive et inclusive relative à la violence fondée sur le genre.

Il est important également de noter que le Plan national de développement décennal (2020-2030) et le plan sectoriel du Ministère de la condition féminine, de l’enfance et de la jeunesse ciblent aussi l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles et visent à introduire des initiatives pour protéger ces dernières contre la violence. Ils prévoient notamment la création d’un Système d’enregistrement des délinquants sexuels et la mise en place de forces de police spéciales chargées de prévenir la violence fondée sur le genre.

À propos de la recommandation du Comité incitant à modifier le Code pénal de 2005 en vue d’alourdir les peines pour les mutilations génitales féminines prévues aux articles 561, 562, 567, 569 et 570, à abroger l’article 563, à ériger le viol conjugal en infraction, y compris en fournissant une disposition claire concernant la violence domestique et d’autres lacunes du Code pénal

L’examen approfondi des lacunes existantes dans les lois éthiopiennes, y compris dans le Code pénal, qui sont mentionnées plus haut, devrait notamment permettre de combler les lacunes recensées par le Comité. Après consultation et examen attentif des lacunes, et en conformité avec les recommandations acceptées par l’Éthiopie dans le cadre du processus d’examen universel, en plus d’adopter une législation exhaustive, le gouvernement réexaminera les peines prévues pour les infractions mentionnées plus haut et apportera des modifications au besoin.