Observations finales concernant les cinquième et sixième rapports périodiques (présentés en un seul document)de l’Estonie *

Le Comité a examiné les cinquième et sixième rapports périodiques présentés en un seul document de l’Estonie (CEDAW/C/EST/5-6), à ses 1455e et 1456e séances, le 9 novembre 2016 (voir CEDAW/C/SR.1455 et 1456). La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/EST/Q/5-6 et les réponses de l’Estonie se trouvent dans le document CEDAW/C/EST/Q/5-6/Add.1.

A. Introduction

Le Comité se félicite que l’État partie ait rendu ses cinquième et sixième rapports périodiques. Il apprécie également les réponses écrites que l’État partie a fournies concernant la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail de présession et salue l’exposé oral de la délégation et les précisions orales complémentaires fournies en réponse aux questions posées oralement par le Comité dans le cadre du dialogue.

Le Comité félicite la délégation multisectorielle de l’État partie, dirigée par le Vice-Secrétaire général en charge des politiques sociales du Ministère des affaires sociales, Rait Kuuse, dont faisaient partie la Commissaire à l’égalité des sexes et à l’égalité de traitement et des représentants du Ministère des affaires sociales, du Parlement et de la Mission permanente de l’Estonie auprès de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations internationales sises à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis par l’État partie dans la réalisation de réformes législatives depuis l’examen de son quatrième rapport périodique en 2007 (CEDAW/C/EST/4), notamment l’adoption des textes suivants :

a) La loi de 2014 relative aux partenariats enregistrés, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, qui octroie aux personnes contractant une union civile des droits pratiquement identiques à ceux des couples mariés et qui légalise les partenariats entre personnes de même sexe;

b) Les modifications apportées en 2012 au Code pénal, qui érigent en infraction toutes les formes de traite des êtres humains;

c) Les modifications apportées à la loi sur l’égalité entre les sexes entrées en vigueur en 2009, la loi fournissant désormais une définition plus précise de la discrimination directe et indirecte fondée sur le sexe et étendant le droit à une indemnisation pour discrimination sur le lieu du travail à d’autres domaines de la vie;

d) La loi sur l’égalité de traitement entrée en vigueur le 1er janvier 2009, qui garantit la protection des personnes contre toute forme de discrimination fondée sur la nationalité (ou l’origine ethnique), la race, la couleur de peau, la religion ou d’autres croyances, l’âge, un handicap ou l’orientation sexuelle.

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue de hâter l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, notamment par l’adoption des mesures suivantes :

a)La Stratégie de prévention de la violence 2015-2020, qui porte sur la violence sexiste;

b)Le Plan de développement pour la réduction de la violence 2010-2014;

c)Le Plan d’action national pour la mise en œuvre de la résolution1325(2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité.

Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen du rapport précédent, l’État partie a adhéré aux instruments internationaux et régionaux ci-après ou les a ratifiés :

a) La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, en 2012;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2014;

c)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, en 2015.

C. Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif dans la pleine mise en œuvre de la Convention (voir la déclaration du Comité relative à ses relations avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires en vue d’appliquer les présentes observations finales d’ici à la présentation du prochain rapport périodique au titre de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Visibilité de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour sensibiliser les agents publics et le grand public aux questions relatives aux droits des femmes et à l’égalité des sexes. Le Comité demeure toutefois préoccupé de ce que la Convention est mal connue des juges, des avocats, de la société en général et des femmes elles-mêmes, comme en témoigne l’absence de décisions de justice invoquant la Convention.

Le Comité renouvelle sa recommandation précédente ( CEDAW/C/EST/CO/4 , par. 9) et appelle l ’ État partie à prendre des mesures supplémentaires pour faire en sorte que la Convention soit suffisamment connue et appliquée par l ’ État partie en tant que cadre pour toutes les lois et politiques concernant l ’ égalité des sexes et la promotion de la femme. Il recommande également à l ’ État partie de prendre de nouvelles mesures pour mieux faire connaître la Convention et ses propres recommandations générales et d ’ assurer la formation et le renforcement des capacités des juges, procureurs et avocats eu égard à la Convention et à son application.

Accès à la justice et mécanismes de recours judiciaire

Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie ne dispose pas d’une institution nationale de défense des droits de l’homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) et que la Commissaire à l’égalité des sexes et à l’égalité de traitement ne peut pas rendre de décisions juridiquement contraignantes ou saisir des tribunaux pour des affaires de discrimination à l’égard des femmes, que ce soit au nom du requérant ou ex officio dans le cadre d’affaires d’intérêt général.

À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les femmes puissent avoir accès à des voies de recours efficaces pour porter plainte pour violation de leurs droits, notamment en renforçant le mandat de la Commissaire à l’égalité des sexes et à l’égalité de traitement de sorte qu’elle puisse rendre des décisions juridiqu ement contraignantes et saisir les tribunaux pour des affaires de discrimination à l’égard des femmes au nom du requérant ou ex officio dans le cadre d’affaires d’intérêt général.

Mécanismes nationaux et souci de l’égalité des sexes

Le Comité note que le groupe de travail interministériel sur l’intégration des questions relatives aux femmes, coordonné par le Département des politiques d’égalité du Ministère des affaires sociales et du travail, a été chargé en 2013 de l’élaboration de stratégies d’intégration de la problématique hommes-femmes et de la formation des fonctionnaires y afférent, et que le Conseil de l’égalité entre les sexes a été créé en 2013 en tant qu’organe consultatif incluant des représentants d’associations de femmes, d’organisations non gouvernementales, de syndicats et d’autorités locales. Toutefois, le Comité note avec préoccupation :

a)L’absence de stratégie nationale globale pour l’égalité des sexes de l’État partie;

b)L’attribution de nouvelles fonctions à la Commissaire à l’égalité des sexes, devenue Commissaire à l’égalité des sexes et à l’égalité de traitement, qui certes offre de nouvelles possibilités de lutte contre la discrimination multiple, mais qui parallèlement détourne l’attention de la lutte spécifique et efficace contre la discrimination à l’égard des femmes;

c)Les ressources actuellement insuffisantes dont dispose la Commissaire à l’égalité des sexes et à l’égalité de traitement pour efficacement suivre la discrimination fondée sur le sexe et en rendre compte;

d)La transformation du Département de l’égalité des sexes en Département des politiques d’égalité, qui dispose d’un mandat élargi mais pas des ressources humaines et financières suffisantes pour promouvoir efficacement l’égalité des sexes en sus de ses nouvelles fonctions;

e)La forte dépendance financière des institutions et programmes nationaux d’intégration de la problématique hommes-femmes à l’égard de l’Union européenne et des donateurs internationaux;

f)L’absence d’une formation obligatoire aux méthodes d’enquête tenant compte des disparités entre les sexes à l’intention des membres du système de justice pénale et à l’égalité des sexes pour les agents de l’État aux niveaux local et national;

g) Le fait que la procédure législative ne prévoie pas systématiquement une évaluation de l’incidence des projets de loi en matière d’égalité des sexes, malgré l’adoption en 2011 des Règles de bonnes pratiques législatives et d’élaboration de textes législatifs, qui prévoient une analyse d’impact obligatoire des projets de loi, y compris une analyse de l’incidence sociale sur les relations entre les sexes;

h)L’absence de prise en compte de la problématique hommes-femmes et de budgétisation sensible à la problématique hommes-femmes aux niveaux local et national, malgré le renforcement des capacités concernant ces méthodes.

Se référant à sa recommandation générale n o 6 (1988) sur les mécanismes nationaux et la publicité efficaces, ainsi qu’aux orientations contenues dans le Programme d’action de Beijing, le Comité recommande que l’État partie :

a) Adopte une stratégie nationale pour l’égalité des sexes et implique des organisations de femmes lors de sa conception, sa mise en œuvre et son évaluation ;

b) Renforce davantage ses mécanismes de promotion de la femme en fournissant des ressources humaines, techniques et financières adéquates aux niveaux municipal et national et en renforçant les mécanismes de responsabilisation pour parvenir à l’égalité des sexes, ainsi que le mandat et l’autorité politique du Département des politiques d’égalité du Ministère des affaires sociales ;

c) Désigne des points de contact ou des unités spéciales en charge des questions d’égalité des sexes ou des unités au sein des autres ministères et institutions municipales concernés ;

d) Dispense une formation obligatoire aux méthodes d’enquête tenant compte des disparités entre les sexes à l’intention de tous les membres du système de justice pénale et à l’égalité des sexes pour les agents de l’État aux niveaux local et national ;

e) Veille à ce que la procédure législative prévoie une évaluation systématique de l’incidence des projets de loi en matière d’égalité entre les sexes, et procède à une telle évaluation pour les lois existantes;

f) Mette en œuvre une stratégie efficace de prise en compte de la problématique hommes-femmes à travers une analyse budgétaire sensible à la problématique hommes-femmes aux niveaux local et national.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas adopté de mesures temporaires spéciales pour la promotion de la femme, malgré que ces mesures trouvent leurs fondements juridiques dans la loi sur l’égalité des sexes de 2004, apparemment en raison d’un manque de soutien populaire à leur égard.

Le Comité recommande à l’État partie de mener des campagnes de sensibilisation en vue de faire comprendre l’importance et la nature non discriminatoire des mesures temporaires spéciales, et de mettre en place des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale du Comité n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, dans tous les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, afin d’accélérer la réalisation d’une égalité effective des sexes dans les domaines couverts par la Convention, en particulier en ce qui concerne les femmes victimes de formes croisées de discrimination, les femmes et les filles appartenant à des minorités linguistiques ou ethniques, les femmes âgées, les femmes handicapées et les femmes rurales.

Stéréotypes

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour éliminer les stéréotypes sexistes discriminatoires au travers d’enquêtes de surveillance, de campagnes de sensibilisation, de campagnes dans les médias et de mesures éducatives. Le Comité constate toutefois avec inquiétude que la persistance des stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société constitue un obstacle à la participation active des femmes à la vie économique, en particulier lorsqu’elles ont des enfants en bas âge, ce qui limite leurs perspectives de carrière et leur accès aux postes de direction.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Mette fin aux stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société, en impliquant les organisations de femmes et de la société civile, et augmente les ressources affectées à cette fin ;

b) Mène régulièrement des campagnes de sensibilisation et des campagnes dans les médias sur les formes croisées de discrimination subies par les femmes fondées sur tous les motifs couverts par la loi sur l’égalité des sexes et la loi sur l’égalité de traitement.

Violences faites aux femmes

Le Comité note que l’État partie dispose de centres d’accueil et d’une ligne d’assistance téléphonique disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, à l’intention des victimes de violence. Il constate toutefois avec préoccupation l’augmentation de la violence à l’égard des femmes dans l’État partie, ainsi que l’absence d’une loi sur la violence domestique. Le Comité est en outre préoccupé par ce qui suit :

a)Un mécanisme national d’orientation pour les victimes de violence domestique n’a pas encore été mis en place;

b) Le Code pénal présente une définition très étroite du viol, qui impose de fournir des preuves indiquant que l’acte s’est déroulé sans le consentement de la victime, qu’il a entraîné de la douleur, des violences corporelles ou des atteintes à la santé, et qu’il a eu lieu sous la menace;

c)Les actes de violence économique et psychologique ne sont pas érigés en infraction;

d)Le harcèlement sexuel n’est pas spécifiquement condamné par le Code pénal;

e)Les auteurs de violence domestique sont rarement condamnés à des peines d’emprisonnement, les procédures de conciliation et les amendes étant privilégiées;

f)Fréquemment, les tribunaux ne prennent pas en considération les cas de violence domestique et les besoins en matière de sécurité des femmes et des enfants lorsqu’ils décident de la garde des enfants, et les spécialistes de la protection de l’enfance n’ont pas une formation et une compréhension suffisantes à l’égard de la violence domestique et de son incidence sur le bien-être de l’enfant.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Établisse une stratégie efficace de prévention de la violence domestique, ainsi qu’un mécanisme national multisectoriel d’orientation pour les victimes de violence domestique, avec la participation de juges, de la police locale, de travailleurs sanitaires et sociaux et d’autres parties prenantes ;

b) Modifie le Code pénal en vue de revoir la définition de viol de sorte qu’elle s’applique à tout acte sexuel non consenti, indépendamment de toute douleur, violence physique ou atteinte à la santé et menace, d’ériger spécifiquement le harcèlement sexuel en infraction et d’ajouter les actes de violence économique et psychologique à la définition de la violence domestique ;

c) Améliore l’application des décisions des tribunaux, en particulier les ordonnances de protection ou de protection d’urgence des femmes victimes de violences sexistes, notamment en renforçant les capacités des juges et des huissiers de justice ;

d) Modifie la loi sur la famille pour garantir que les cas de violence domestique soient toujours pris en considération lors de la prise de décisions relatives à la garde des enfants, forme les agences de protection de l’enfance à la violence domestique et veille à ce que des experts de la violence à l’égard des femmes soient entendus lors de procédures impliquant la garde d’enfants ;

e) Accélère la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à égard des femmes et la violence domestique.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité note les mesures prises par l’État partie pour lutter contre la traite des êtres humains et la mise en place d’un système de collecte de données sur les victimes de la traite en 2012. Toutefois, le Comité note avec préoccupation :

a)La persistance de l’État partie comme pays d’origine, de transit et de destination pour la traite des femmes et des filles à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé;

b)Les perspectives de financement incertaines des organisations non gouvernementales (ONG) gérant des centres d’accueil et prêtant assistance aux victimes de la traite;

c)Le manque de services d’appui aux victimes de la traite tenant compte des disparités entre les sexes et de programmes de protection des témoins;

d)Le manque d’informations sur l’exploitation de la prostitution dans l’État partie et sur le lien avec la traite des êtres humains, ainsi que le manque de mesures de prévention et de réinsertion pour les victimes d’exploitation sexuelle et le soutien insuffisant apporté aux femmes et filles qui souhaitent sortir de la prostitution.

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts de lutte contre la traite des personnes, notamment des femmes et des filles :

a) En garantissant que toutes les affaires de traite fassent l’objet d’une enquête efficace et que les responsables soient dûment poursuivis et punis ;

b) En renforçant les capacités des responsables de l’application des lois à identifier et orienter rapidement les victimes de la traite ;

c) En augmentant les ressources financières allouées aux foyers d’accueil, aux services médicaux et psychologiques et aux services de réintégration sociale pour les victimes de la traite, qu’ils soient gérés par l’État ou par des ONG ;

d) En renforçant la prise en compte des disparités entre les sexes par les services d’appui aux victimes de la traite et par les programmes de protection des témoins ;

e) En recueillant des données sur la traite des femmes et des filles et sur l’exploitation de la prostitution et en renforçant l’aide fournie aux femmes et filles qui souhaitent sortir de la prostitution, notamment en leur offrant d’autres moyens de gagner leur vie.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité est préoccupé par :

a)La diminution du nombre de femmes parlementaires et de femmes dans les entités administratives locales;

b)L’absence de mesures ciblées, y compris de mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, visant à accélérer la réalisation de l’égalité effective des sexes dans la vie politique et publique et à promouvoir la représentation des groupes de femmes défavorisées, tels que les femmes rurales, les femmes issues de minorités ethniques ou linguistiques et les femmes handicapées, dans la fonction publique, y compris à des postes à responsabilités;

c)Le faible pourcentage de femmes nommées à des postes politiques et dans des entreprises publiques.

Conformément à sa recommandation générale n o 23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique, le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures ciblées, y compris des mesures temporaires spéciales, en conformité avec le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et la recommandation générale n o 25 (2004) du Comité, telles que des quotas obligatoires et un système d’alternance pour les élections aux niveaux local et national, qui assureraient la nomination d’un nombre égal d’hommes et de femmes à des positions de direction au sein du Gouvernement, des entités administratives locales, de l’appareil judiciaire et des entreprises publiques, afin d’augmenter la participation des femmes, en particulier des femmes rurales, des femmes issues des minorités ethniques et linguistiques et des femmes handicapées, dans la vie politique et publique.

Nationalité

Le Comité accueille avec satisfaction les modifications apportées en 2015 à la loi sur la citoyenneté octroyant la citoyenneté estonienne aux enfants nés dans l’État partie dont la nationalité est indéterminée, ce qui est profitable aux filles. Le Comité est néanmoins préoccupé par les points suivants :

a)Ces modifications ne s’appliquent pas aux enfants âgés de 15 à 18 ans de nationalité indéterminée, ce qui pourrait toucher les adolescentes de façon disproportionnée;

b)Le nombre de femmes et de filles à la nationalité indéterminée reste élevé et le nombre de naturalisations de femmes et de filles a diminué ces dernières années.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Mette en place une procédure de détermination du statut d ’ apatride, conformément aux articles 2 et 9 de la Convention et à sa recommandation générale n o 32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d ’ asile, de nationalité et d ’ apatridie, afin d ’ accélérer la procédure de naturalisation ;

b) Accélère la naturalisation des enfants âgés de 15 à 18 ans dont la nationalité est indéterminée ;

c) Adhère à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie et à la Convention européenne sur la nationalité.

Éducation

Le Comité note que les femmes et les filles et les hommes et les garçons sont représentés de façon égale à tous les niveaux du système éducatif. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)La concentration de femmes et de filles dans les domaines d’études et les carrières traditionnellement à prédominance féminine, tels que l’enseignement, les services sociaux, la santé et le bien-être, et leur sous-représentation par exemple, dans les domaines de l’informatique et de l’architecture, en raison de stéréotypes sexistes persistants;

b)L’absence de mesures visant à éliminer les stéréotypes sexistes discriminatoires des manuels scolaires et des programmes d’enseignement;

c)Le faible nombre de femmes professeurs et de femmes à des postes de décision dans les établissements d’enseignement;

d)La discrimination dont sont victimes les minorités russophones et les filles handicapées en matière d’accès à l’éducation.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Renforce les stratégies qu’il a établies pour mettre fin aux stéréotypes discriminatoires et aux obstacles structurels qui peuvent dissuader les filles de s’inscrire dans des domaines d’études traditionnellement dominés par les hommes, tels que l’informatique ou l’architecture ;

b) Révise les programmes et manuels scolaires à tous les niveaux de l’enseignement en vue d’éliminer les stéréotypes sexistes discriminatoires ;

c) Adopte des mesures ciblées, y compris des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale du Comité n o 25 (2004), et définisse des objectifs et délais précis pour promouvoir le recrutement de femmes à des postes de professeurs ou de direction dans les établissements d’enseignement ;

d) Veille à ce que les filles appartenant à des minorités linguistiques ou ethniques, en particulier les filles russes et les filles handicapées, aient un accès adéquat à l’éducation, notamment grâce à un enseignement dispensé dans leur langue maternelle ou à des instructions fournies dans cette langue et à une éducation inclusive.

Emploi

Le Comité salue les modifications apportées à la loi sur l’égalité des sexes et à la loi sur l’égalité de traitement, qui définissent plus précisément la discrimination dans le cadre de conflits de travail et le harcèlement sexuel sur le lieu du travail et introduisent un partage de la charge de la preuve dans les procédures civiles et administratives pour de telles affaires. Toutefois, le Comité déplore l’absence de données statistiques provenant des commissions et tribunaux chargés de régler les conflits du travail, qui permettraient d’évaluer l’impact de ces mesures et des sanctions spécifiques infligées aux employeurs qui enfreignent les dispositions correspondantes de la loi sur l’égalité des sexes, dont le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale. En outre, le Comité est préoccupé par :

a)L’absence d’un mécanisme efficace permettant d’engager des poursuites ex officio dans le cas de plaintes pour harcèlement sexuel sur le lieu de travail;

b) La ségrégation professionnelle horizontale et verticale, la persistance de l’écart de rémunération entre les sexes de près de 30 % et un manque de transparence sur les salaires de la part des entreprises;

c)L’absence de collecte systématique de données statistiques ventilées par sexe sur l’emploi, conformément à la loi sur l’égalité des sexes;

d)La sous-représentation significative des femmes à des postes de direction dans les sociétés privées;

e)Le faible taux d’emploi des femmes âgées de 25 à 49 ans, en raison d’un partage inégal des responsabilités parentales entre les femmes et les hommes et du manque de structures de garde d’enfants au sein de l’État partie;

f)La discrimination en matière d’emploi à l’égard des femmes qui reprennent le travail à l’issue d’un congé de maternité;

g)Le manque d’information sur les taux d’emploi et les conditions de travail des femmes appartenant à la minorité russophone, des femmes handicapées et des femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres ou intersexuées.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Mette en place un mécanisme efficace permettant à l’inspection du travail ou à la Commissaire à l’égalité des sexes et à l’égalité de traitement d’engager des poursuites ex officio dans le cas de plaintes pour harcèlement sexuel sur le lieu de travail ;

b) Renforce les mesures visant à lutter contre la ségrégation professionnelle horizontale et verticale et modifie la loi sur l’égalité des sexes afin de charger l’inspection du travail du suivi de l’application du principe du salaire égal pour un travail de valeur égale ;

c) Renforce la collecte, l’analyse et la publication de données statistiques ventilées par sexe sur l’emploi, y compris les données des tribunaux sur le respect de la loi sur l’égalité des sexes ;

d) Augmente la représentation des femmes aux postes de direction dans les sociétés privées, y compris par le biais de mesures temporaires spéciales ;

e) Introduise des sanctions efficaces contre les employeurs qui enfreignent la loi sur l’égalité des sexes ;

f) Prévoie un budget spécial pour la mise en œuvre du Plan de développement en matière de protection sociale 2016-2023 afin de réduire la charge disproportionnée du travail domestique qui pèse sur les femmes et de faciliter l’accès à un congé de paternité ;

g) Promeuve l’emploi des femmes âgées de 25 à 49 ans en mettant en place suffisamment de structures de garde d’enfants et en encourageant les hommes à prendre des congés de paternité ;

h) Lutte contre la discrimination en matière l’emploi à l’égard des femmes qui reprennent le travail à l’issue d’un congé de maternité ;

i) Facilite l’accès au marché du travail pour les femmes appartenant à la minorité russophone, les femmes handicapées et les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres ou intersexuées en luttant contre la discrimination et la stigmatisation sociale dont elles sont victimes.

Santé

Le Comité note qu’environ 95 % des citoyens estoniens sont couverts par le régime d’assurance maladie obligatoire national. Toutefois, il constate avec préoccupation :

a)Les taux élevés d’alcoolisme et de morts liées à l’alcool chez les jeunes femmes;

b)La prise en charge limitée des contraceptifs par le régime d’assurance santé;

c)Les longs délais d’attente pour obtenir un rendez-vous médical, notamment en ce qui concerne les services de santé sexuelle et procréative, en particulier pour les femmes rurales;

d)L’accès limité des femmes rurales, des femmes les plus âgées et des femmes marginalisées au nouveau système de gestion électronique des rendez-vous médicaux.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Prenne les mesures qui s’imposent pour lutter contre les taux élevés d’alcoolisme et de morts liées à l’alcool chez les jeunes femmes ;

b) Garantisse un accès à un coût abordable aux services de santé sexuelle et procréative, notamment à une large gamme de contraceptifs, pour toutes les femmes et toutes les filles, y compris les femmes rurales ou handicapées ;

c) Réduise les délais d’attente pour obtenir des rendez-vous médicaux, en particulier pour les femmes rurales et eu égard aux services de santé sexuelle et procréative ;

d) Garantisse que les femmes rurales, les femmes marginalisées et les femmes les plus âgées ne soient pas exclues des services de santé en raison de la récente mise en place d’un système de gestion électronique des rendez-vous médicaux, en leur expliquant comment utiliser de tels outils et en veillant à ce qu’elles aient un accès adéquat à Internet.

Avantages économiques et sociaux et autonomisation économique des femmes

Le Comité note que l’égalité des sexes constitue l’un des principaux objectifs du Plan de développement en matière de protection sociale 2016-2023. Toutefois, il s’inquiète que seul 0,02 % du budget pour la mise en œuvre du plan soit alloué à cet objectif. Le Comité constate également avec préoccupation :

a)Le faible nombre de femmes chefs d’entreprise dans l’État partie et l’accès limité des femmes aux programmes d’appui à la création d’entreprise neutres du point de vue du sexe en raison de critères d’admissibilité indifférents à la problématique hommes-femmes;

b)L’absence de programmes de création d’entreprise pour les femmes, de programmes de microcrédits et d’une stratégie en faveur de l’autonomisation économique des femmes au sein de l’État partie;

c)Les montants inadéquats prévus dans le cadre du nouveau fonds de pensions alimentaires pour enfants, qui représentent moins de la moitié du niveau de pension alimentaire minimum requis par l’État.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Augmente le budget spécifiquement alloué à la promotion de l’égalité des sexes au titre du Plan de développement en matière de protection sociale 2016-2023 ;

b) Garantisse que les critères d’admissibilité des programmes de création d’entreprise, de microcrédits et d’appui à la création d’entreprises prennent en compte les besoins particuliers des femmes ;

c) Augmente les montants prévus dans le cadre du nouveau fonds de pensions alimentaires pour enfants de sorte à atteindre au moins le niveau de pension alimentaire minimum requis par l’État.

Femmes rurales

Le Comité note que la protection sociale des femmes travaillant dans les entreprises familiales de leurs conjoints a été renforcée puisqu’elles ont désormais la possibilité de s’inscrire au système de retraite et de soins de santé en tant que travailleur. Toutefois, le Comité a appris avec inquiétude que les organisations de femmes avaient été exclues des véritables consultations lors de la phase de planification du Plan de développement rural 2014-2020 et que les récentes réformes administratives ont limité l’accès des femmes rurales aux services de base.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Mette en œuvre une stratégie globale visant à garantir l’accès des femmes et filles rurales à un enseignement, des emplois et des soins de santé de qualité, ainsi que leur participation à la prise de décisions et leur émancipation économique ;

b) Renforce l’implication des organisations de femmes dans la planification des politiques rurales.

Groupes de femmes défavorisées

Le Comité est préoccupé par :

a)Le nombre croissant de femmes célibataires en quête d’asile exposées à des risques accrus de violence sexuelle et sexiste;

b)Les discriminations à l’égard des femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres ou intersexuées, en particulier sur le lieu du travail;

c)L’absence de poursuites judiciaires dans les affaires de crime haineux commis contre des femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres ou intersexuées et le manque de données statistiques sur ces crimes.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Réponde aux besoins particuliers en matière d’accueil des femmes célibataires en quête d’asile et mette en place des mesures visant à détecter, prévenir et combattre la violence sexuelle et sexiste dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile ;

b) Consacre des ressources additionnelles pour assurer un niveau de vie adéquat aux demandeurs d’asile, en particulier aux femmes et mères célibataires, et pour mettre en place des mesures visant à prévenir et combattre la violence sexuelle et sexiste à l’égard de ces femmes ;

c) Lutte contre la discrimination à l’égard des femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres ou intersexuées sur le lieu du travail en menant des campagnes de sensibilisation et en poursuivant et en punissant les auteurs ;

d) Élabore et adopte une législation pour ériger explicitement en infraction les manifestations de haine à l’encontre des femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées ;

e) Charge les services compétents chargés de l’application des lois, tels que le Ministère de l’intérieur, de recueillir des données ventilées sur les crimes homophobes et transphobes.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité note avec préoccupation :

a)Le risque d’absence de protection adéquate des droits économiques des femmes en union de fait et de leurs enfants en cas de séparation;

b)L’absence de règlements visant à appliquer la loi relative aux partenariats enregistrés adoptée en 2014;

c) La déficience au niveau de l’exécution des paiements des pensions alimentaires, qui entraîne un taux élevé d’abandon de leur versement par les pères.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Adopte sans délai le règlement d’application de la loi relative aux partenariats enregistrés adoptée en 2014 ;

b) Révise son régime juridique actuel relatif au mariage et aux rapports familiaux, afin d’étendre la protection juridique existante aux femmes vivant en union de fait, conformément à la recommandation générale du Comité n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution ;

c) Adopte des mesures plus strictes pour faire respecter les obligations alimentaires.

Protocole facultatif et modification du paragraphe 1 de l’article 20de la Convention

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif de la Convention et à accepter dès que possible la modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la fréquence des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l’État partie de s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing aux fins de la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

Transformer notre monde : le Programme de développement durableà l’horizon 2030

Le Comité appelle à la réalisation de l’égalité effective entre les sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

Le Comité demande à l’État partie de garantir la diffusion rapide des présentes observations finales, dans la langue officielle de l’État partie, auprès des institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au sein des pouvoirs publics, des ministères, du Parlement et de l’appareil judiciaire, en vue d’en assurer la mise en œuvre intégrale.

Ratification d’autres traités

Le Comité fait observer que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme est de nature à renforcer la jouissance par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. C’est pourquoi le Comité encourage l’État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n’est pas encore partie.

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l’État partie de fournir dans un délai de deux ans des informations écrites sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations énoncées aux paragraphes 19 a), 19) b et 29 b) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à présenter son septième rapport périodique en novembre 2020. En cas de retard, le rapport devra couvrir l’ensemble de la période allant jusqu’au moment de sa présentation.

Le Comité demande à l’État partie de suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les documents spécifiques à chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).