Observations finales concernant le sixième rapport périodique de l’Érythrée *

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique de l’Érythrée (CEDAW/C/ERI/6) à ses 1755e et 1756e séances (voir CEDAW/C/SR.1755 et CEDAW/C/SR.1756), le 14 février 2020. La liste de points et de questions établie par le groupe de travail d’avant-session figure dans le document CEDAW/C/ERI/Q/6 et les réponses de l’Érythrée, dans le document CEDAW/C/ERI/Q/6/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de l’État partie. Il remercie ce dernier de son rapport de suivi (CEDAW/C/ERI/CO/5/Add.1) et de ses réponses écrites à la liste de points soulevés par le groupe de travail d’avant-session. Il remercie l’État partie, dont la délégation a présenté le rapport oralement, et qui a apporté des éclaircissements complémentaires aux questions posées oralement par le Comité pendant le dialogue.

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation, qui était dirigée par la Présidente de l’Union nationale des femmes érythréennes, Teka Tesfamicheal, et comprenait des représentants du Ministère de la justice, du Ministère de la santé, du Département des services socioéconomiques de l’Union nationale des femmes érythréennes et de la Mission permanente de l’Érythrée auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2015, du cinquième rapport périodique de l’État partie dans le domaine de la réforme législative, notant en particulier l’adoption du Code civil en 2015, qui reconnaît un pouvoir et un statut égal aux deux époux.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité entre les sexes, grâce à l’adoption ou à la création des plans, organes et politiques suivants :

a)Comité directeur national de lutte contre les mutilations génitales féminines, le mariage des enfants et d’autres formes de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes, en 2017 ;

b)Plan stratégique national sur l’élimination des pratiques néfastes, couvrant la période 2020-2024 ;

c)Orientations générales en matière de santé reproductive, maternelle, néonatale et de santé des adolescents et des enfants et de vieillissement, couvrant la période 2017-2021 ;

d)Plan d’action national pour l’égalité des genres, couvrant la période 2015‑2019 ;

e)Accord commun de 2017 avec l’ambassade d’Arabie Saoudite en Érythrée visant à protéger les employés de maison, y compris les femmes migrantes employées à l’étranger.

Le Comité se félicite que, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie ait ratifié, en 2019, la Convention de 1999 sur les pires formes de travail des enfants (no 182) de l’Organisation internationale du Travail (OIT).

C.Objectifs de développement durable

« Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et appelle au respect de l ’ égalité des genres en droit et dans les faits, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il souligne l ’ importance de l ’ objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l ’ État partie à reconnaître le rôle moteur des femmes dans le développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence . »

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , d euxièm e partie, annexe VI). Il invite l ’ Assemblée nationale, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Facteurs et difficultés empêchant la mise en œuvre effective de la Convention

Le Comité reste préoccupé (voir CEDAW/C/ERI/CO/5, par. 6) par le fait que la durée indéfinie du service national, les pratiques de détention arbitraire pour une durée indéterminée, le non-respect des garanties judiciaires pour les personnes privées de liberté, la disparition forcée de femmes et d’hommes, l’application inefficace de la Constitution de 1997 et la suspension des travaux de l’Assemblée nationale ont conduit à une régression de l’état de droit et à une crise de réfugiés, ce qui pose de graves problèmes pour l’application de la Convention. Le Comité invite donc instamment l’État partie à mettre en œuvre les recommandations formulées ci‑après de toute urgence dans le cadre d’un État de droit consolidé.

Les droits des femmes dans le cadre du service national

Le Comité reste profondément préoccupé par les graves conséquences du service national obligatoire sur les droits des femmes. Il regrette que, malgré l’engagement de l’État partie de réduire la durée du service national à 18 mois et la signature récente d’un accord de paix avec l’Éthiopie, le service national continue d’être d’une durée indéfinie. Le Comité reste préoccupé (voir CEDAW/C/ERI/CO/5, par. 8) par les faits suivants :

a)Les femmes et les filles continuent d’être enrôlées de force pour effectuer le service national pendant une durée indéfinie et sans rémunération, dans des conditions qui peuvent être assimilées au travail forcé ;

b)Les femmes effectuant le service national continuent d’être victimes de violences sexuelles, y compris de viols, commis en toute impunité par des officiers et des recrues de sexe masculin ;

c)Le caractère obligatoire du service national a des effets préjudiciables sur les femmes et les jeunes filles, qui cherchent à éviter l’enrôlement en abandonnant l’école, en tombant enceintes, en se mariant ou en fuyant le pays ;

d)Les femmes et les jeunes filles qui tentent de quitter le pays sont souvent abattues à la frontière ou tombent entre les mains de trafiquants et de passeurs qui les soumettent fréquemment à des violences fondées sur le genre, y compris des tortures et des exécutions sommaires, et à des privations arbitraires de liberté ;

e)L’exigence de l’accomplissement du service national pour l’acquisition de la nationalité limite indûment la possibilité pour les femmes d’accéder pleinement aux droits économiques et sociaux tels que le droit à l’emploi et le droit à l’accès à la terre.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/ERI/CO/5 , par.  9), le Comité invite instamment à l ’ État partie à  :

a) Réduire la durée du service national à un maximum de 18 mois, reconnaître le droit à l ’ objection de conscience et assurer la démobilisation et la réintégration rapide dans la société des femmes qui ont déjà accompli 18 mois de service  ;

b) Veiller à ce que tous les cas de violence fondée sur le genre contre les femmes et les filles pendant leur service national fassent l ’ objet d ’ une enquête en bonne et due forme, que les auteurs soient poursuivis, dûment sanctionnés et retirés des centres de formation et que toutes les victimes bénéficient d ’ une assistance juridique, d ’ une réadaptation et d ’ une indemnisation.

Cadre constitutionnel et législatif

Le Comité se déclare de nouveau préoccupé (CEDAW/C/ERI/CO/5, par. 10) par le fait que l’État partie n’applique toujours pas la Constitution de 1997, ce qui sape l’état de droit et porte atteinte aux droits des femmes. Le Comité note avec préoccupation l’interruption de la révision de la Constitution et l’absence de mesures visant à intégrer les dispositions de la Convention dans l’ordre juridique national. Tout en notant que l’article 8 du Code civil transitoire et l’article 4 du Code pénal transitoire font référence au principe de non-discrimination, le Comité reste préoccupé par l’absence d’une définition juridique de la discrimination à l’égard des femmes qui recouvre la discrimination directe et indirecte dans les sphères publiques et privées, ainsi que les formes de discrimination croisée. Il reste également préoccupé par l’absence d’un cadre juridique spécifique aux droits des femmes, note l’existence parallèle du droit coutumier et de la charia et s’inquiète du fait que leur interprétation et leur application soient discriminatoires à l’égard des femmes.

Rappelant les articles 1 et 2 de la Convention et la cible 5.1 associée aux objectifs de développement durable, qui consiste à mettre fin , partout dans le monde, à toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et des filles, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De reprendre le processus d ’ examen de la Constitution en appliquant des procédures transparentes et participatives, en tenant compte des points de vue de toutes les femmes et filles, y compris celles qui ont des opinions divergentes, et d ’ assurer la mise en œuvre effective de la Constitution de 1997  ;

b) D ’ adopter une définition de la discrimination à l ’ égard des femmes exhaustive, conforme à l ’ article p remier de la Convention, qui recouvre la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée, ainsi que les formes de discrimination croisées, et d ’ abroger toutes les dispositions discriminatoires des lois coutumières et religieuses afin de les mettre en conformité avec la Convention sans plus tarder  ;

c) D ’ adopter une législation spécifique et complète pour lutter contre toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes dans tous les domaines couverts par la Convention  ;

d) De veiller à ce que les tribunaux et les autorités nationales appliquent directement la Convention ou interprètent la législation nationale de manière indépendante et à la lumière de la Convention.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité note que l’État partie s’est engagé à élaborer son premier plan d’action national pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité. Il est toutefois préoccupé par le fait que les femmes restent sous-représentées dans les processus de réconciliation nationale et de prévention des conflits et ne soient pas pleinement impliquées dans la conception et la mise en œuvre du plan.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ achever et d ’ adopter rapidement le plan d ’ action national pour l ’ application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de Sécurité, en collaboration avec les représentantes d ’ organisations de femmes de la société civile de divers horizons politiques, et de veiller à  :

a) Prendre en considération toutes les priorités adoptées en ce qui concerne les femmes et la paix et la sécurité, telles qu ’ elles figurent dans les résolutions 1325 (2000) , 1820 (2008) , 1888 (2009) , 1889 (2009) , 1960 (2010) , 2106 (2013) , 2122 (2013) , 2242 (2015) , 2467 (2019) et 2493 (2019)  ;

b) Intégrer un modèle d ’ égalité réelle qui, conformément à la Convention, aura des effets sur tous les aspects de la vie des femmes et ciblera les formes croisées de discrimination à l ’ égard des femmes  ;

c) Garantir la participation des femmes, y compris celles qui appartiennent à des minorités ethniques et religieuses et à des groupes politiques divers, aux processus de paix, de justice transitionnelle et de réconciliation, notamment aux mécanismes de réparation et d ’ indemnisation  ;

d) Définir des indicateurs pour le suivi régulier de sa mise en œuvre et se doter de mécanismes d ’ application du principe de responsabilité.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité accueille avec satisfaction le plan d’action national pour les femmes pour la période 2015-2019 et la création de comités régionaux de l’Union nationale des femmes érythréennes en 2017. Il prend note de l’examen du plan d’évaluation pour 2020. Le Comité reste toutefois préoccupé par le fait que l’Union nationale reste la seule organisation de femmes autorisée à opérer dans le pays et qu’elle ne collabore pas avec les organisations de la société civile. Le Comité regrette également l’absence d’une politique nationale en matière d’égalité des genres et de critères de référence clairs pour contrôler l’efficacité du plan d’action national pour les femmes.

Conformément à la cible 5.a des objectifs de développement durable, et rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/ERI/CO/5 , par.  15, et CEDAW/C/ERI/CO/3 , par.  13), le Comité recommande à l ’ État partie de  :

a) Garantir l ’ indépendance de l ’ Union nationale des femmes érythréennes vis-à-vis du Gouvernement et lui donner un mandat fort et des moyens techniques et financiers suffisants pour coordonner et mettre en œuvre les plans, politiques et programmes d ’ égalité des genres, en coopération avec diverses organisations de la société civile  ;

b) D ’ élaborer et adopter une stratégie nationale en matière d ’ égalité des genre s et d ’ autonomisation des femmes, ainsi qu ’ un plan d ’ action définissant clairement les compétences des autorités nationales et locales et de mettre à disposition un système global de suivi et de collecte de données  ;

c) De mobiliser le soutien international et les partenaires stratégiques pour consolider l ’ exercice des droits des femmes et leur autonomisation.

Institution nationale pour la promotion et la protection des droits de l’homme

Le Comité note avec inquiétude l ’ absence d ’ une institution nationale pour la promotion et la protection des droits de la personne et recommande que l ’ État partie s ’ attache en premier lieu à en créer une, qui puisse s ’ acquitter efficacement de son mandat, de manière indépendante et en pleine conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), et accorde à cet organe des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour accomplir sa mission.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note que l’État partie continue d’appliquer des mesures temporaires spéciales pour accroître la représentation des femmes dans les assemblées nationales, régionales et locales et promouvoir l’accès des femmes et des filles à l’enseignement supérieur et à la formation technique et professionnelle. Le Comité regrette toutefois l’absence d’échéances et de critères de référence clairs pour la mise en œuvre de ces mesures et le fait qu’aucune mesure ne cible les groupes de femmes défavorisées, notamment les femmes appartenant à des minorités ethniques, les femmes migrantes, les femmes âgées et les femmes handicapées.

Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures temporaires spéciales concernant la participation des femmes à la vie politique et publique, ainsi que dans les domaines de l ’ éducation, de l ’ emploi et de la santé, associées à des objectifs et critères assortis de délais et de sanctions en cas de non-respect, afin d ’ accélérer la réalisation de l ’ égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines où les femmes sont défavorisées ou sous-représentées, en particulier aux postes de direction, et d ’ appliquer ces mesures indépendamment de l ’ appartenance politique des femmes.

Stéréotypes et pratiques nocives

Le Comité note avec satisfaction la création d’un comité directeur national pour lutter contre les mutilations génitales féminines et l’élaboration en 2019 d’un plan stratégique pour la période 2020-2024 sur l’élimination des pratiques néfastes. Il reste néanmoins vivement préoccupé par :

a)Les attitudes patriarcales et les stéréotypes discriminatoires qui persistent concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société et donnent lieu à des pratiques néfastes, notamment le mariage des enfants, le mariage forcé et la polygamie ;

b)La persistance des mutilations génitales féminines, en particulier dans les zones rurales, et l’absence de programmes de réadaptation pour les victimes.

Rappelant la recommandation générale n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes/l ’ observation générale n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant (201 9 ) sur les pratiques préjudiciables, le Comité invite instamment l ’ État partie à  :

a) Adopter rapidement une stratégie globale visant à éliminer les stéréotypes discriminatoires et toutes les pratiques néfastes, telles que les mutilations génitales féminines, les mariages d ’ enfants, les mariages forcés et la polygamie, et veiller à ce que des services d ’ aide et des programmes de réadaptation soient facilement mis en place pour les victimes  ;

b) Sensibiliser les chefs traditionnels et religieux, les parents, les enseignants, les femmes et le grand public à la nature criminelle et aux conséquences dévastatrices des pratiques néfastes sur la vie des femmes et des jeunes filles et dispenser une formation systématique aux juges, aux procureurs, aux agents de police et aux autres agents des forces de l ’ ordre sur la stricte application des dispositions pénales interdisant les pratiques néfastes, afin de garantir que les auteurs de ces actes criminels soient traduits en justice.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité prend note de la création d’un comité directeur national chargé de coordonner les efforts de lutte contre les mutilations génitales féminines et les autres formes de violence à l’égard des femmes, ainsi que de l’élaboration de directives cliniques pour la prise en charge des femmes victimes de violence fondée sur le genre en 2019. Il reste toutefois préoccupé par la forte prévalence de la violence fondée sur le genre, en particulier de la violence domestique et sexuelle, dans l’État partie, y compris dans les établissements d’enseignement et dans le cadre du service national. Le Comité est également préoccupé par les éléments suivants :

a)L’absence d’une législation exhaustive érigeant spécifiquement en infraction pénale toutes les formes de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes, y compris une définition explicite du viol conjugal ;

b)Le fait que les parents soient obligés de retirer leurs filles de l’école pour éviter qu’elles ne soient recrutées pour une période indéfinie dans le service national ;

c)Le manque de refuges et de programmes de réadaptation pour les survivantes de violence fondée sur le genre ;

d)L’absence de données statistiques sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites et de peines prononcées dans les cas de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes, ventilées par âge et par relation entre la victime et l’auteur.

Rappelant la recommandation générale n o 35 (2017) du Comité sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o 19, et ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/ERI/CO/5 , par.  21), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter une législation érigeant en infraction pénale toutes les formes de violence physique, psychologiq ue, économique et sexuelle à l ’ égard des femmes, y compris le viol conjugal, et définir le viol par l ’ absence de consentement plutôt que par la pénétration ou l ’ usage de la force  ;

b) De garantir que tous les auteurs d ’ actes de violence fondée sur le genre à l ’ égard des femmes soient poursuivis et dûment sanctionnés par un tribunal compétent, que les victimes et les témoins bénéfi cient d ’ une protection et que les victimes soient dûment indemnisées  ;

c) D ’ assurer la disponibilité et l ’ acc essibilité des refuges pour les femmes victimes de violence fondée sur le genre dans tout l ’ État partie, de renforcer et de financer de manière adéquate les services de soutien aux victimes et de veiller à ce que le personnel soit formé et que la qualité des services soit régulièrement contrôlée  ;

d) De recueillir de manière systématique des données statistiques sur le nombre de plaintes, d ’ enquêtes, de poursuites et de peines prononcées dans les cas de violence fondée sur le genre à l ’ égard des femmes, ventilées par âge, par handicap, par région et par relation entre la victime et l ’ auteur.

Accès à la justice

Le Comité se félicite de l’adoption du Code civil de 2015, mais reste préoccupé par les lacunes dans son application. Il s’inquiète de ce que l’État partie n’ait pris aucune mesure pour garantir l’indépendance, le professionnalisme et la sensibilisation du pouvoir judiciaire aux questions de genre à tous les niveaux. Le Comité note également avec préoccupation que les femmes et les filles continuent de se heurter à des obstacles pour accéder à la justice et à l’absence de services juridiques spécialisés indépendants et gratuits pour les femmes.

Il r appelle sa précédente recommandation ( CEDAW/C/ERI/CO/5 , par.  13) et invite instamment l ’ État partie à  :

a) Prendre les mesures nécessaires pour garantir l ’ indépendance du pouvoir judiciaire et sa prise en compte des questions de genre  ;

b) Concevoir une politique judiciaire visant à éliminer les obstacles institutionnels auxquels sont confrontées les femmes et les filles pour accéder à la justice, notamment les obstacles liés au cadre bâti et à la communication, et dispenser une formation sur l ’ égalité des genres aux magistrats, aux avocats et aux chefs traditionnels et religieux  ;

c) Garantir un accès effectif à la justice pour les femmes victimes de violence fondée sur le genre, notamment par des mécanismes et programmes spécialisés d ’ aide juridique, y compris pour les femmes recrutées dans le service national.

Traite des personnes et exploitation de la prostitution

Le Comité prend note de la coopération de l’État partie avec les organisations internationales et régionales pour prévenir et combattre la traite des personnes. Il reste toutefois préoccupé par le nombre élevé de femmes et de filles victimes de la traite et de l’exploitation sexuelle, qui sont forcées de quitter le pays illégalement. Le Comité note avec préoccupation que, bien que l’État partie ait ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2014, celui-ci n’a pas adopté un cadre juridique ni une politique globale propres à lutter contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles, et que la plupart des auteurs de crimes liés à la traite restent impunis. Il note également avec inquiétude l’absence d’informations sur les programmes d’aide à l’intention des femmes souhaitant quitter la prostitution.

Rappelant ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/ERI/CO/5 , par.  23), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De promulguer et appliquer une législation nationale visant à lutter contre la traite des êtres humains et la contrebande, et de mettre en œuvre des stratégies et des plans nationaux pour lutter contre ces crimes  ;

b) D ’ ouvrir immédiatement des enquêtes impartiales sur les cas de traite des femmes et des filles et de veiller à ce que les auteurs de la traite soient dûment sanctionnés et que les victimes aient accès à une aide juridique gratuite, à des refuges accessibles et à un soutien psychosocial et aient la possibilité de retourner sur le territoire de l ’ État partie  ;

c) De mieux sensibiliser l ’ opinion au caractère criminel de la traite des femmes et des filles et aux risques qui y sont liés, de dispenser une formation aux magistrats, aux agents des forces de l ’ ordre et à la police des frontières sur l ’ identification précoce des femmes et des filles victimes de la traite, et d ’ assurer l ’ orientation des victimes vers les services appropriés  ;

d) De mettre en place des programmes d ’ aide pour toutes les prostituées, notamment en leur donnant accès à d ’ autres sources de revenus  ;

e) De recueillir systématiquement des informations et des données sur la traite des femmes et des filles, ainsi que sur les femmes dans la prostitution, ventilées par âge, nationalité et groupe ethnique, et de mener des recherches sur les causes profondes de ces phénomènes afin d ’ éclairer les lois et les politiques de lutte contre la traite des personnes.

Participation égale à la vie politique et publique

Le Comité se félicite de l’augmentation de la représentation des femmes dans les conseils de village et les conseils locaux et de l’augmentation du nombre de femmes juges. Il reste toutefois préoccupé par le fait que les femmes restent sous-représentées à l’Assemblée nationale, au Gouvernement et dans le système judiciaire, en particulier au niveau de la prise de décision, mais aussi au niveau international et dans les postes diplomatiques. Le Comité exprime de nouveau sa préoccupation (CEDAW/C/ERI/CO/5, par. 24) concernant l’absence d’élections libres, régulières et équitables à l’Assemblée nationale et aux autres organes régionaux. Il note également avec inquiétude les entraves au libre exercice des droits des organes politiques et des associations.

Conformément à sa recommandation générale n o 23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique, le Comité invite instamment l ’ État partie à  :

a) Organiser rapidement des élections libres et régulières à l ’ Assemblée nationale et aux autres organes législatifs, en veillant à ce que toutes les femmes, y compris celles qui ont des opinions politiques divergentes, puissent exercer leur droit de vote librement, et à bulletin secret, et se présenter aux élections  ;

b) Créer un environnement favorable pour que des associations de femmes et partis politiques puissent être créés sans être soumis à des exigences d ’ enregistrement arbitraires ou lourdes et fonctionner librement dans l ’ État partie  ;

c) Assurer le respect, la protection et l ’ exercice de la liberté d ’ expression des défenseurs des droits humains  ;

d) Mener des campagnes de sensibilisation à l ’ intention des responsables politiques, des chefs communautaires et religieux, des médias et du grand public afin de faire mieux comprendre que la participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes, sur un pied d ’ égalité avec les hommes, à la vie politique et publique est une condition nécessaire à la pleine application des droits humains des femmes et à la réalisation de la stabilité politique et du développement économique dans l ’ État partie.

Nationalité

Le Comité note que la proclamation no 21/1992 sur l’acquisition de la nationalité garantit l’égalité des droits entre les genres. Il salue également les efforts de l’État partie pour promouvoir l’enregistrement des naissances. Toutefois, le Comité note avec préoccupation l’application insuffisante de la proclamation et les difficultés rencontrées pour obtenir des actes de naissance dans les zones rurales.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ appliquer effectivement la loi sur la nationalité afin que les femmes puissent acquérir, changer, conserver ou transmettre leur nationalité, conformément à l ’ article 9 de la Convention  ;

b) De faciliter l ’ enregistrement des naissances, en particulier dans les zones rurales, en utilisant l ’ informatique et d ’ autres technologies modernes et en simplifiant les procédures d ’ enregistrement des naissances et veillant à ce qu ’ elles soient abordables  ;

c) De ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Éducation

Le Comité se félicite de la construction d’écoles, notamment dans les zones rurales, et des mesures prises par l’État partie pour encourager les femmes et les filles à choisir des domaines d’études et des carrières non traditionnelles, comme les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. Toutefois, il note avec préoccupation :

a)Les taux de scolarisation, de rétention et de réussite dans le système scolaire restent faibles, avec des écarts importants entre les zones rurales et urbaines ;

b)L’inadaptation des programmes pour ce qui est de soutenir les femmes et les filles handicapées, les communautés nomades, les minorités linguistiques et les groupes ethniques et religieux ;

c)La violence et le harcèlement sexuels contre les filles à l’école et sur le chemin de l’école ;

d)L’incapacité de l’État partie à s’attaquer efficacement aux causes profondes de l’abandon scolaire des filles, telles que le service national obligatoire, le mariage d’enfants et le mariage forcé, les grossesses précoces, l’absence d’installations sanitaires séparées, les longues distances à parcourir pour se rendre à l’école, les migrations et la pauvreté.

Conformément à sa recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, ainsi qu ’ à la cible 4.1 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ améliorer le taux de scolarisation, de rétention et de réussite des filles dans les études et garantir aux filles et aux femmes des possibilités de poursuivre leur éducation à tous les niveaux  ;

b) De réduire le taux d ’ abandon scolaire, de fournir un soutien important aux filles mariées enfants et de faciliter la réintégration des jeunes mères dans le système éducatif  ;

c) De garantir la disponibilité d ’ infrastructures adéquates et d ’ insta llations sanitaires séparées accessibles pour les filles et les garçons dans tous les établissements d ’ enseignement, y compris dans les zones rurales  ;

d) De donner la priorité à la formation et au recrutement d ’ enseignantes, en particulier dans le secondaire et le supérieur  ;

e) D ’ intégrer aux programmes scolaires une formation obligatoire en matière de santé et de droits sexuels et procréatifs, adaptée à l ’ âge des filles et des garçons, comprenant du matériel pédagogique sur la planification familiale, les formes modernes de contraception et les pratiques sexuelles responsables  ;

f) De maintenir et renforcer les mesures temporaires spéciales, y compris les incitations f inancières et les bourses d ’ études, pour favoriser l ’ inscription des femmes et des filles dans les domaines de la science, de la technologie, de l ’ ingénierie et des mathématiques.

Le Comité note avec préoccupation que toutes les filles sont tenues de s’inscrire au Centre d’entraînement militaire de Sawa pour la dernière année du lycée.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ abolir la pratique de l ’ inscription forcée des élèves du secondaire, y compris des filles, au Centre d ’ entraînement militaire de Sawa et de veiller à ce qu ’ ils aient la possibilité de s ’ inscrire dans des écoles civiles à la place.

Emploi

Le Comité note que, selon la législation de l’État partie, l’égalité des chances en matière d’emploi est garantie aux femmes et aux hommes et que des mesures ciblées sont prises pour parvenir à un équilibre entre les genres dans les effectifs. Il est néanmoins préoccupé par les éléments suivants :

a)Le droit des femmes et des jeunes filles à choisir librement une profession et à exercer un emploi est compromis par l’exploitation du travail forcé dans le cadre du service militaire national et les femmes qui sont employées peuvent être réquisitionnées par le Gouvernement sans préavis et sans leur consentement ;

b)Le principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale n’est pas appliqué, en particulier dans le secteur privé ;

c)Le manque d’informations sur le nombre et les résultats des inspections du travail dans l’État partie, en particulier dans les secteurs de l’agriculture et des services domestiques, ainsi que sur le salaire minimum et les taux de chômage, ventilés par secteur de l’économie, genre, âge et zones urbaines et rurales ;

d)La législation n’érige pas en infraction pénale le harcèlement sexuel sur le lieu de travail ;

e)Le taux de chômage élevé chez les femmes, leur forte représentation dans le secteur informel, le manque de structures de garde d’enfants sur les lieux de travail et la répartition inégale des responsabilités familiales entre les hommes et les femmes.

Le Comité appelle l ’ attention sur sa recommandation générale n o 13 (1989) sur l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale et sur la cible 8.5 des objectifs de développement durable et recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ améliorer l ’ employabilité des femmes dans le secteur formel et assurer la mise en place d ’ un système de sécurité sociale pour les femmes vulnérables, en particulier celles employées dans les secteurs de l ’ agriculture et des services domestiques  ;

b) D ’ assurer la mise en place et l ’ application de la législation nationale relative aux femmes, en particulier la législation du travail visant à garantir le principe de l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale  ;

c) D ’ adopter un cadre législatif sur le harcèlement sexuel et de garantir que les victimes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail aient accès à des procédures de plainte eff icaces, indépendantes et confidentielles, assorties de recours effectifs, et que toutes les plaintes fassent l ’ objet d ’ enquêtes efficaces, que les auteurs soient poursuivis et dûment sanctionnés et que les victimes soient protégées contre les représailles  ;

d) De fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur le nombre et les résultats des inspections du travail dans l ’ État partie, y compris dans les secteurs de l ’ agriculture et auprès des ménages privés qui emploient des femmes et des filles comme domestiques  ;

e) De garantir que les femmes et les hommes puissent bénéficier d ’ un congé de maternité, de paternité ou d ’ un congé parental rémunéré et permettre aux femmes et aux hommes de concilier vie professionnelle et vie privée en mettant en place des structures d ’ accueil adéquates pour les enfants et en favorisant un partage égal des responsabilités familiales et domestiques entre les femmes et les hommes  ;

f) De ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o 189) de l ’ Organisation internationale du T ravail et veiller à ce que la liberté de choisir son emploi soit respectée et que les conditions du service militaire national soient conformes aux normes internationales en matière de droits humains.

Santé

Le Comité félicite l’État partie d’avoir réduit de 90 % les infections par le paludisme et d’avoir endigué la propagation du VIH. Il note également les efforts de l’État partie pour améliorer les services de santé de base, y compris les services de planification familiale gratuits. Le Comité reste néanmoins préoccupé par les éléments suivants :

a)Le taux de mortalité maternelle toujours élevé, le manque d’accès aux soins de santé de base pour les femmes, en particulier dans les zones rurales et pour les femmes handicapées, le manque d’accès à un avortement et à des services postavortement sûrs et légaux et le manque de professionnels de la santé qualifiés, notamment de sages-femmes, dans les zones rurales ;

b)Le taux toujours élevé de grossesses précoces ;

c)La prévalence de la malnutrition et des maladies transmissibles, telles que la diarrhée, entraînant des taux élevés de morbidité, en particulier chez les filles et les garçons de moins de 5 ans, en raison d’un accès limité à l’eau salubre et aux installations sanitaires.

Rappelant sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, et les cibles 3.1 et 3.7 des objectifs de développement durable, qui consistent à réduire le taux de mortalité maternelle et à assurer l ’ accès universel à des services de soins de santé sexuelle et procréative, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De s ’ attaquer au problème de la mortalité maternelle élevée, en particulier dans les zones rurales, en améliorant la proximité des services de santé  ;

b) D ’ investir dans la lutte contre la malnutrition et les maladies transmissibles, y com pris la diarrhée, et réduire leur incidence en améliorant l ’ hygiène et les mesures de salubrité pour les femmes et les filles, en mettant l ’ accent sur les zones rurales  ;

c) De recruter des ressources humaines adéquates afin d ’ assurer la mobilisation de personnel qualifié dans la prestation des services de santé  ;

d) D ’ assurer la mise en œuvre complète et effective de l ’ article 534 du Code pénal transitoire, tel que modifié par la proclamation n o 4/1991, qui dépénalise trois condition s d ’ avortement (viol, inceste et menace pour la santé ou la vie de la femme), et également une quatrième condition, à savoir la malformation du fœtus  ;

e) De garantir la disponibilité et l ’ accessibilité de structures de soins procréatifs pour les adolescentes et les jeunes femmes, y compris les femmes et les filles handicapées, et assurer un accès suffisant à l ’ information sur la santé et les droits sexuels et procréatifs, not amment sur la prévention des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles, ainsi que l ’ accès à des formes modernes de contraception.

Autonomisation économique des femmes

Le Comité se félicite que la représentation d’au moins une femme soit garantie au sein des comités fonciers communautaires et que des mesures aient été prises pour augmenter le nombre de femmes bénéficiaires du programme d’épargne et de microcrédit dans l’agriculture et l’agroalimentaire. Toutefois, il note avec préoccupation que les attitudes et stéréotypes culturels ont une influence négative sur la mise en œuvre de ces mesures et que la pauvreté généralisée dans l’État partie touche les femmes de manière disproportionnée. Il fait valoir les préoccupations suivantes :

a)Le fait que le service militaire national soit une condition préalable à l’accès à l’utilisation des terres et à d’autres avantages économiques ;

b)L’insuffisance des programmes pour l’indépendance et l’autonomie des femmes dans la stratégie de réduction de la pauvreté de l’État partie ;

c)Le manque d’accès des femmes aux prêts bancaires, au crédit et au microcrédit, aux systèmes de garantie, au capital-risque, aux marchés, à l’approvisionnement, aux chaînes de valeur et aux autres possibilités de développement économique ;

d)L’absence d’un système de protection sociale global propre à prévenir la pauvreté des femmes, en particulier pour les femmes travaillant dans le secteur agricole ;

e)Le manque de données ventilées concernant les indicateurs économiques ou le statut des femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ éliminer l ’ obligation d ’ effectuer un service national pour avoir accès à l ’ utilisation des terres et à d ’ autres avantages économiques et de veiller à ce que les régimes de distribution des terres intègrent une prise en compte des questions de genre  ;

b) D ’ assurer la capacité et le fonctionnement indépendant de la représentation des femmes dans les comités fonciers communautaires, et mettre en place des mécanismes de plainte et des moyens de rec ours pour les femmes en ce qui concerne l ’ utilisation des terres  ;

c) D ’ adopter des programmes de réduction de la pauvreté pour les femmes qui leur permettent d ’ accéder aux services de base dans les domaines de la santé, de l ’ éducation, de l ’ eau et de l ’ électricité  ;

d) D ’ investir en faveur de l ’ indépendance et de l ’ autonomie des femmes par l ’ intermédiaire de programmes facilitant l ’ accès aux prêts bancaires, aux garanties de crédit, au microcrédit, aux marchés, à l ’ expansion des entreprises, aux installations de production communes et à d ’ autres systèmes de production  ;

e) De veiller à ce que les femmes, en particulier celles qui ne sont pas rémunérées par le secteur formel de l ’ emploi, aient accès à des activités génératrices de revenus pour échapper à la pauvreté  ;

f) De recueillir et fournir des données genrées sur les indicateurs économiques ou la condition des femmes, ventilées par âge, région, handicap et autres facteurs sociaux pertinents .

Femmes rurales

Le Comité se félicite des mesures adoptées par l’État partie pour améliorer la situation des femmes rurales, notamment en leur facilitant l’accès au crédit et aux prêts pour la création de petites et moyennes entreprises. Toutefois, il reste préoccupé par le manque d’accès des femmes aux droits socioéconomiques et d’exercice de ces droits et par leur faible représentation dans la prise de décision. Il est également préoccupé par l’impact des industries extractives sur les femmes rurales.

Conformément à la Convention, à sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales et à la cible 5.a des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ accentuer ses efforts en vue de l ’ autonomisation économique de toutes les femmes rurales en renforçant l ’ offre de crédits financiers, de prêts, l ’ accès à la justice, à l ’ éducation, à la santé, aux installations sanitaires et à l ’ emploi  ;

b) De favoriser la participation effective des femmes à l ’ élaboration des politiques, à la planification et à la prise de décision à tous les niveaux  ;

c) De mettre en place des mécanismes d ’ analyse des questions de genre et d ’ évaluation des effets des politiques et programmes sur les femmes rurales  ;

d) De mettre en place un cadre juridique qui permette d ’ éviter que les projets agro-industriels et les activités des industries extractives ne portent atteinte aux droits des femmes rurales à la propri été foncière, et à leurs moyens de subsistance, de veiller à ce que les activités de ce type ne soient autorisées qu ’ à l ’ issue d ’ une évaluation de leurs conséquences sexospécifiques à laquelle les femmes rurales soient associées.

Femmes handicapées

Le Comité note avec préoccupation le manque d’informations sur l’exercice des droits des femmes handicapées.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De s ’ attaquer aux formes croisées de discrimination à l ’ ég ard des femmes et des filles handicapées et assure r leur inclusion et la jouissance de tous les droits prévus par la Convention, notamment en éliminant les restrictions à leur capacité juridique, en leur assurant l ’ accès à la justice, la protection contre la violence fondée sur le genre, l ’ éducation inclusive, l ’ emploi et les services de santé, y compris les droits sexuels et génésiques, et en répondant à leurs besoins spécifiques conformément à la recommandation générale n o 18 (1991) sur les femmes handicapées  ;

b) D ’ envisager de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Femmes disparues et femmes en détention

Le Comité note avec préoccupation les informations faisant état de disparitions forcées de femmes et de filles dans l’État partie et de la détention arbitraire de femmes et de filles sans respect des garanties d’un procès équitable. En outre, le Comité note avec préoccupation la persistance de conditions de détention difficiles pour les femmes, qui sont confrontées à des violences sexuelles et à d’autres formes de violence fondée sur le genre. Il se déclare à nouveau préoccupé par l’absence d’un organe de contrôle indépendant pour visiter les lieux de détention dans lesquels les femmes sont privées de liberté.

Conformément aux Règles des Nations Unies concernant le traitemen t des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ enquêter rapidement sur tous les cas présumé s de disparition de femmes, notamment en mettant en place des mécanismes d ’ alerte précoce concernant les personnes disparues, et de donner aux victimes et à leurs familles accès aux mécanismes de plainte et aux recours juridiques, notamment sous forme d ’ indemnisation  ;

b) D ’ assurer l ’ application complète et effective des dispositions du code pénal de 2015, de sauvegarder la justice procédurale et le droit aux visites familiales pour les fe mmes en détention, d ’ enquêter sur les mauvais traitements et la violence à l ’ égard des femmes en détention et de veiller à ce que ces femmes soient surveillées par des gardiennes et à ce que tous les agents de police et les agents pénitentiaires reçoivent une formation systématique tenant compte des questions de genre sur la dignité et les droits des femmes détenues  ;

c) De réduire la surpopulation carcérale et de veiller à ce que les femmes détenues aient un accès adéquat aux soins de santé, à la nutrition, à l ’ hygiène et aux services de santé sexuelle et procréative  ;

d) De promouvoir des alternatives à la détention pour les femmes enceintes et les femmes avec enfants, telles que l ’ assignation à résidence, les travaux d ’ intérêt général ou la présentation régulière à la police  ;

e) De libérer les prisonnières politiques et les femmes détenues pour avoir pratiqué leur religion  ;

f) De mettre en place un contrôle indépendant des lieux de détention et des mécanismes de plainte adaptés pour les femmes détenues victimes de violence et de mauvais traitements  ;

g) De donner aux organismes indépendants, y compris aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales des Nations Unies, l ’ accès à tous les lieux de détention dans lesquels des femmes sont privées de libert é.

Questions de genre et changements climatiques

Le Comité se félicite du plan national d’adaptation et des autres efforts déployés par l’État partie pour lutter contre les effets néfastes des changements climatiques et des catastrophes. Toutefois, il note l’absence d’informations quant à l’intégration d’une perspective de genre dans les politiques et programmes nationaux sur la réduction des risques de catastrophe et les changements climatiques et sur la participation des femmes à l’élaboration des politiques et aux processus de décision sur les changements climatiques et la réduction des risques de catastrophe.

Conf ormément à sa recommandation générale nº 37 (2018) relative aux aspects liés au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques, le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les femmes soient véritablement associées à l ’ élaboration des textes de loi, politiques et programmes relatifs aux changements climatiques, aux interventions en cas de catastrophe et à la réduction des risques de catastrophe. Il invite également l ’ État partie à trouver des solutions aux problèmes de la faim et à garantir la sécurité alimentaire pour les femmes rurales touchées par les effets des changements climatiques.

Mariage et relations familiales

Le Comité rappelle son inquiétude concernant la prévalence du mariage d’enfants dans l’État partie et note également avec inquiétude :

a)Le fait que l’accomplissement du service national soit une condition pour l’enregistrement du mariage depuis janvier 2017, limitant ainsi les droits des femmes liés au mariage et à la famille ;

b)La pratique consistant à autoriser les mariages polygames et l’application discriminatoire des lois religieuses sur le divorce et l’héritage au sein des communautés musulmanes, au détriment des femmes.

Conformément à la recommandation générale n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution et à la recommandation générale conjointe n o 31/observation générale n o 18, le Comité recommande ce qui suit à l ’ État partie  :

a) Supprimer l ’ exigence de l ’ accomplissement du service national pour l ’ enregistrement des mariages  ;

b) Combattre les causes profondes du mariage des enfants et garantir l ’ application et la mise en œuvre des articles 581 et 607 du Code civil transitoire, qui f ixent l ’ âge minimum du mariage pour les personnes des deux sexes à 18 ans et érigent en infraction pénale les violations  ;

c) Modifier le C ode civil transitoire et décourager et interdire la pratique de la polygamie, et garantir la protection des droits économiques des femmes dans les mariages polygames existants  ;

d) Abroger les dispositions du droit coutumier et religieux qui sont incompatibles avec les dispositions susmentionnées interdisant le mariage des enfants et la polygamie  ;

e) Veiller à ce que les biens possédés en commun par les hommes et les femmes soient enregistrés, dès le départ, sous les noms des deux partenaires  ;

f) Veiller à ce que les femmes et les hommes jouissent de droits égaux en matière d ’ héritage et en tant que testa teurs, héritiers ou bénéficiaires, y compris dans les communautés musulmanes  ;

g) Fournir une formation systématique sur l ’ égalité des droits des femmes dans le mariage et lors de la dissolution du mariage, ainsi qu ’ une formation sur l ’ égalité des droits des femmes en matière d ’ héritage, à l ’ intention des magistrats, des officiers de justice coutumiers et religieux et des chefs traditionnels et religieux.

Collecte de données

Le Comité est préoccupé par l ’ absence générale de données statistiques ventilées par sexe, âge, appartenance ethnique, handicap, emplacement géographique et situation socioéconomique, qui sont indispensables pour évaluer avec précision la situation des femmes, déterminer l ’ ampleur et la nature de la discrimination, élaborer des politiques éclairées et ciblées et assurer le suivi systématique et l ’ évaluation des progrès accomplis dans la réalisation de l ’ égalité réelle entre femmes et hommes dans tous les domaines visés par la Convention.

Protocole facultatif à la Convention et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité engage l ’ État partie à accélérer le processus de ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention et à approuver, dès que possible, la modification du paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention, relatif à la période de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et à continuer d ’ évaluer la réalisation des droits consacrés par la Convention dans le contexte de l ’ examen après 25 ans de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing afin de parvenir à l ’ égalité réelle des femmes et des hommes.

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la langue officielle de l ’ État partie, auprès des institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier auprès du Gouvernement, des ministères, de l ’ Assemblée nationale et du corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir un lien entre l ’ application de la Convention et l ’ action qu ’ il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l ’ assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à favoriser l ’ exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Il encourage par conséquent l ’ État partie à ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention relative aux droits des personnes handicapées, auxquelles il n ’ est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux a ns, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 11 a) et b) et 1 3 a) et c) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son septième rapport périodique en février 2024. Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu ’ à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).