Observations finales concernant le dixième rapport périodique de l’Équateur *

Le Comité a examiné le dixième rapport périodique de l’Équateur (CEDAW/C/ECU/10) à ses 1828e et 1830e séances (voir CEDAW/C/SR.1828 et CEDAW/C/SR.1830), qui se sont tenues les 28 et 29 octobre 2021.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le dixième rapport périodique de l’État partie, qui a été élaboré à partir de la liste de points et de questions établie avant la soumission du rapport (CEDAW/C/ECU/QPR/10), ainsi que le rapport sur la suite donnée à ses précédentes observations finales (CEDAW/C/ECU/CO/8-9/Add.1). Il remercie l’État partie pour l’exposé oral de sa délégation et les éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions posées oralement par le Comité au cours du dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation multisectorielle, conduite par la Secrétaire aux droits de l’homme, María-Bernarda Ordóñez, et composée d’autres représentants du Secrétariat aux droits de l’homme ainsi que de la Mission permanente de l’Équateur auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

*Adoptées par le Comité à sa quatre-vingtième session (18 octobre-12 novembre 2021).

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des progrès accomplis sur le front des réformes législatives depuis l’examen, en 2015, du rapport de l’État partie valant huitième et neuvième rapports périodiques, et notamment de l’adoption des textes suivants :

a)La loi organique modifiant la loi organique sur la fonction publique et le code du travail en vue de prévenir le harcèlement au travail, en 2017 ;

b)La loi sur la mobilité humaine, qui renforce la coordination interinstitutionnelle en matière de prévention de la traite des êtres humains, d’enquêtes, de sanctions et de protection intégrale des victimes de la traite, en 2017 ;

c)La loi organique intégrale de prévention et d’élimination de la violence à l’égard des femmes, visant à prévenir et à éliminer la violence faite aux femmes, en 2018 ;

d)Le décret exécutif no 696, qui octroie une bourse aux orphelins jusqu’à leur dix-huitième année dans la mesure où ils vivent dans la précarité et sont des victimes indirectes du féminicide de leur mère, en 2019.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres, notamment l’adoption ou la mise en place de ce qui suit :

a)Le programme national pour l’égalité des femmes et des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes (LGBTI) pour la période 2018-2021, en 2018 ;

b)La Commission interinstitutionnelle des LGBTI, en 2019 ;

c)Le plan d’action pour la lutte contre la traite des personnes pour la période 2019-2030, en 2019.

Le Comité se félicite que, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie ait ratifié, en 2021, la Convention de 2019 sur la violence et le harcèlement (no 190) de l’Organisation internationale du Travail (OIT).

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et préconise le respect de l ’ égalité des genres en droit ( de jure ) et dans les faits (de facto), conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme 2030. Il souligne l ’ importance de l ’ objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l ’ État partie à reconnaître le rôle moteur des femmes dans le développement durable du pays et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite l ’ Assemblée nationale, les autorités provinciales et municipales, ainsi que les administrations paroissiales à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Contexte général

Le Comité constate avec préoccupation que la crise financière et économique déclenchée par la faiblesse des prix du pétrole, l’appréciation du dollar des États-Unis, la hausse des coûts de financement extérieur et l’intensification des conflits commerciaux a été aggravée par la pandémie de COVID-19. Il note également avec préoccupation que la crise sanitaire causée par la COVID-19 a été à l’origine d’une profonde récession, qui a entraîné une augmentation de la pauvreté et mis au jour des défauts structurels tels que le manque d’amortisseurs macroéconomiques, le taux élevé d’emploi informel, l’impréparation du système de santé et de grandes inégalités dans l’accès aux services publics. Il s’inquiète en outre du fait que les mesures de rigueur que l’État partie a adoptées en vue d’assainir les finances publiques ont eu des effets disproportionnés sur les femmes dans tous les domaines. En outre, il est préoccupé par la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, y compris la violence familiale, et par la féminisation de la pauvreté, qui touchent surtout les femmes et les filles appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés et exposées à des formes de discrimination croisée. Le Comité rappelle à l’État partie que, même en période de restrictions budgétaires et de crise économique, il doit s’efforcer de faire progresser les droits des femmes, de soutenir et de développer l’investissement social et la protection sociale, et de tenir compte des questions de genre dans ses politiques et programmes, en accordant une attention particulière aux groupes de femmes défavorisées et marginalisées et en s’abstenant d’adopter des mesures régressives.

En accord avec sa note d ’ orientation sur la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et la maladie à coronavirus (COVID-19), publiée le 22 avril 2020, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De réaliser une étude exhaustive des conséquences que la crise financière et économique et les mesures de rigueur adoptées en retour ont eues pour les femmes, et d ’ élaborer un plan d ’ action visant à atténuer les effets négatifs de ces mesures  ;

b) De procéder à une redistribution interne de ses ressources pour surmonter les conséquences de la crise financière, en donnant la priorité aux mesures en faveur de l ’ égalité des sexes, et de mettre en œuvre des mesures propres à corriger les inégalités fondées sur le genre existantes, en plaçant les femmes et les filles au centre des stratégies de relance, conformément au Programme de développement durable à l ’ horizon 2030, et en accordant une attention particulière aux femmes sans emploi, aux femmes vivant dans la pauvreté, aux femmes appartenant à des minorités ethniques, aux femmes autochtones, aux femmes âgées, aux femmes handicapées, aux migrantes, aux réfugiées et aux demandeuses d ’ asile, et aux lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes  ;

c) De faire le nécessaire pour que les restrictions à la liberté de circulation, les mesures sanitaires et les plans de relèvement après la crise ne relèguent pas les femmes et les filles dans des rôles domestiques ou d ’ autres rôles correspondant à des représentations stéréotypées de l ’ homme et de la femme  ;

d) De revoir ses stratégies afin que toutes les mesures, y compris les mesures d ’ urgence, prises pour faire face à la COVID-19 et relever le pays de la crise causée par la pandémie  : i) permettent véritablement de prévenir la violence à l ’ égard des femmes et des filles fondée sur le genre  ; ii) permettent aux femmes et aux filles, dans des conditions d ’ égalité avec les hommes, de participer à la vie politique et à la vie publique, de prendre des décisions concernant le relèvement, de devenir économiquement autonomes et d ’ avoir accès aux services  ; iii) permettent aux femmes et aux filles de bénéficier dans des conditions d ’ égalité des mesures de relance destinées à atténuer l ’ impact socioéconomique de la pandémie, notamment d ’ aides financières pour leurs prestations de soins non rémunérés.

Visibilité de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité

Le Comité note que, selon l’article 417 de la Constitution, la Convention et d’autres traités internationaux relatifs aux droits de l’homme sont directement applicables par les tribunaux. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que les dispositions de la Convention et du Protocole facultatif s’y rapportant ainsi que ses propres recommandations générales sont trop peu connues dans l’État partie, notamment des femmes elles-mêmes. En outre, il s’inquiète de ce que la Convention n’est pas invoquée par les juridictions nationales.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ élaborer et de financer comme il se doit une stratégie durable de diffusion de la Convention, de la jurisprudence du Comité découlant du Protocole facultatif s ’ y rapportant et des recommandations générales du Comité, auprès de toutes les parties concernées, y compris des organisations de femmes  ;

b) De continuer de sensibiliser les femmes aux droits que leur reconnaît la Convention, en ciblant en particulier les femmes qui appartiennent à des groupes défavorisés, notamment les femmes autochtones, afro-équatoriennes et montubias, les femmes handicapées, les migrantes, les demandeuses d ’ asile et les réfugiées  ;

c) D ’ établir, à l ’ intention des juges, des magistrats du parquet et des avocats, des programmes de renforcement des capacités sur la Convention, le Protocole facultatif s ’ y rapportant, les recommandations générales du Comité et ses constatations concernant les communications soumises par des particuliers et les enquêtes menées, pour que la Convention soit directement appliquée par les tribunaux et la législation nationale interprétée en conséquence.

Cadre constitutionnel et définition de la discrimination à l’égard des femmes

Le Comité félicite l’État partie pour l’exhaustivité de son cadre législatif et stratégique visant à l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Il reste toutefois préoccupé par :

a)Les obstacles à l’application effective des lois et des politiques en question, et la lenteur des changements institutionnels qui sont nécessaires à cette application ;

b)Les formes de discrimination croisée subies par les femmes autochtones, afro‑équatoriennes et montubias, les femmes handicapées, les migrantes, les demandeuses d’asile et les réfugiées, et le manque de données ventilées sur la situation des femmes.

Suivant l ’ article premier de la Convention et sa recommandation générale n o  28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l ’ article 2 de la Convention, et rappelant ses recommandations précédentes ( CEDAW/C/ECU/CO/8-9 , par. 11), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De renforcer l ’ application des lois et des politiques visant à éliminer la discrimination à l ’ égard des femmes dans tous les domaines qui relèvent de la Convention, notamment par l ’ adoption d ’ un calendrier précis, et de donner la priorité à l ’ affectation de ressources humaines et financières à la mise en œuvre de ces lois et politiques dans les zones rurales et reculées  ;

b) D ’ adopter des objectifs et des indicateurs précis dans le cadre de la lutte contre les formes de discrimination croisée à l ’ égard des femmes.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité prend note de la création du Secrétariat des droits de l’homme, en 2018. Il félicite l’État partie pour la création de la Direction de l’égalité des sexes, au ministère de l’intérieur, et de la Direction des droits de l’homme, de l’égalité des sexes et de l’interculturalité, au ministère de la santé. Cependant, il constate de nouveau avec préoccupation :

a)Que le Conseil national pour l’égalité des sexes, qui est chargé de l’intégration des questions de genre dans toutes les politiques publiques, n’a toujours pas de mandat clairement établi pour diriger et coordonner l’élaboration et la mise en œuvre des politiques en faveur de l’égalité des sexes dans les entités nationales et locales, et qu’entre 2017 et 2021, la part du budget allouée à la mise en œuvre de ces politiques a été réduite d’environ 25 % ;

b)Que les conseils locaux de protection des droits n’ont toujours pas de mandat bien défini ni d’orientations précises pour promouvoir l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ;

c)Que la coopération entre le Conseil national pour l’égalité des sexes et les organisations de la société civile qui s’occupent des droits des femmes dans l’État partie est insuffisante.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De renforcer les pouvoirs, les attributions et les fonctions de coordination et de contrôle du Conseil national pour l ’ égalité des sexes en ce qui concerne l ’ élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques en faveur de l ’ égalité des sexes, et de le doter de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour qu ’ il puisse s ’ acquitter efficacement de son mandat de promotion de l ’ égalité des sexes  ;

b) De faire en sorte que les administrations nationales et locales tiennent compte des questions de genre dans leurs activités de manière coordonnée  ;

c) De garantir la participation systématique des organisations de femmes au Conseil national pour l ’ égalité des sexes et aux processus de prise de décisions concernant la promotion des femmes aux niveaux national et local.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité se félicite de l’entrée en vigueur, le 3 février 2020, de la nouvelle loi organique sur les élections et les organisations politiques de la République de l’Équateur (Code de la démocratie), qui prévoit des mesures temporaires spéciales. Il constate toutefois avec préoccupation que, malgré un contexte juridique favorable, il subsiste des obstacles à l’égalité entre hommes et femmes du fait de la composition des listes électorales, du découpage des circonscriptions électorales, de la méthode d’attribution des sièges et de l’absence de règle de parité applicable aux candidatures uninominales. En outre, il exprime de nouveau sa préoccupation face à l’absence de mesures temporaires spéciales dans la politique publique de l’État partie visant à lutter contre la discrimination multiple et croisée que subissent les femmes appartenant à des groupes défavorisés, telles que les femmes autochtones, afro‑équatoriennes et montubias, les migrantes, les femmes handicapées et les lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes, notamment dans la participation à la vie politique, l’éducation, l’emploi et la santé.

En accord avec sa recommandation générale n o  25 sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De garantir le plein respect des mesures temporaires spéciales prévues par le Code de la démocratie, notamment celles relatives à la diversité ethnique et culturelle, dans la composition des listes électorales, le découpage des circonscriptions électorales et la méthode d ’ attribution des sièges, ainsi que l ’ introduction d ’ une règle de parité applicable aux candidatures uninominales  ;

b) De définir et de mettre en œuvre, en concertation avec les femmes des groupes les plus défavorisés, des mesures temporaires spéciales visant à lutter contre la discrimination subie par ces femmes afin de parvenir plus rapidement à une égalité de fait entre les hommes et les femmes.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que des stéréotypes discriminatoires subsistent dans l’État partie en ce qui concerne les attributions des femmes et des hommes dans la famille et dans la société ;

b)Que, malgré la fermeture de 26 cliniques proposant des « thérapies de réorientation sexuelle ou de « déshomosexualisation » et les procédures engagées par le bureau du procureur général, des femmes et des filles continuent d’être placées sans leur consentement dans les cliniques de ce genre qui sont toujours en activité.

Rappelant le texte sur les pratiques préjudiciables qu ’ il a adopté (recommandation générale n o  31) conjointement avec le Comité des droits de l ’ enfant (observation générale n o  18, 2014), et ses recommandations précédentes ( CEDAW/C/ECU/CO/8-9 , par. 19), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De redoubler d ’ efforts pour éliminer les attitudes patriarcales et les stéréotypes discriminatoires se rapportant aux rôles des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, notamment en encourageant le partage des tâches domestiques et des responsabilités familiales à égalité entre les femmes et les hommes et en augmentant le nombre de structures de garde d ’ enfants abordables dans l ’ État partie  ;

b) D ’ appliquer strictement l ’ article 176 du Code pénal, relatif à la discrimination fondée sur l ’ identité de genre, et la législation interdisant la réorientation sexuelle ou la « déshomosexualisation », de faire en sorte que les infractions à ces dispositions fassent l ’ objet d ’ une enquête et que leurs auteurs soient poursuivis et dûment sanctionnés en cas de condamnation, et de veiller à ce que les femmes et les filles victimes de ces pratiques préjudiciables aient accès à des mesures de protection, notamment à des foyers d ’ accueil et des services d ’ aide appropriés, et obtiennent réparation.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité note que la loi organique sur la prévention et l’éradication de la violence à l’égard des femmes punit différentes formes de violence fondée sur le genre, à savoir la violence physique, psychologique et sexuelle, la violence économique et patrimoniale, la violence symbolique et politique, la violence gynécologique et obstétricale et la violence en ligne. Il note également que cette loi établit un mécanisme complet chargé d’orienter les institutions publiques dans l’élaboration de politiques de prévention et d’éradication de tous les types de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre. Toutefois, il constate avec préoccupation que l’enquête publique sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre qui a été menée en 2019 montre que 65 % des femmes ont été victimes de ce type violence, dont 32 % au cours des douze derniers mois. En outre, il est préoccupé par le taux élevé de grossesses précoces, qui résultent souvent d’un viol, ainsi que par :

a)La prévalence, surtout pendant la pandémie de COVID-19, de la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre, y compris la violence sexuelle et la violence domestique ;

b)La disponibilité limitée des services publics destinés à venir en aide aux victimes, y compris les foyers d’accueil pour les victimes de la violence fondée sur le genre, et la sous-déclaration des cas de violence domestique, due à la stigmatisation des victimes et au fait que celles-ci n’ont pas confiance dans les responsables de l’application des lois ;

c)Le fait que le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et dans les établissements d’enseignement serait très répandu ;

d)Le faible taux de poursuites et de déclarations de culpabilité, qui se traduit par l’impunité des auteurs de violences sexuelles ;

e)Le nombre élevé de féminicides ;

f)Le manque de données ventilées sur la violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles, en particulier celles qui appartiennent à des minorités ethniques, les autochtones, les femmes handicapées, les migrantes et les demandeuses d’asile.

Rappelant sa recommandation générale n o  35 (2017) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o  19, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De faire dûment appliquer les dispositions de la loi organique sur la prévention et l ’ éradication de la violence à l ’ égard des femmes et les articles 141 et 142 du Code pénal en allouant les ressources nécessaires et en dispensant des formations régulières aux juges, aux magistrats du parquet, aux policiers et aux autres responsables de l ’ application des lois afin qu ’ ils les fassent strictement respecter, ainsi que de renforcer les mesures prises pour prévenir, combattre et punir toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre  ;

b) De faire prendre conscience aux femmes et aux hommes, et aux filles et aux garçons, du fait que les actes de violence à l ’ égard des femmes et des filles fondée sur le genre sont des infractions pénales, notamment en menant des campagnes d ’ information, y compris dans les médias  ;

c) De mettre des foyers d ’ accueil à la disposition des femmes victimes de la violence fondée sur le genre et de renforcer les services d ’ aide, d ’ accompagnement et de réadaptation fournis aux victimes, de financer ces services comme il se doit, de faire en sorte qu ’ ils soient accessibles dans l ’ ensemble du territoire et fournis par du personnel qualifié, et d ’ en contrôler régulièrement la qualité  ;

d) De faire appliquer strictement le Code du travail visant à prévenir le harcèlement sur le lieu de travail et les autres textes législatifs pertinents afin que les victimes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail et dans les établissements d ’ enseignement aient accès à réparation, de davantage engager la responsabilité des employeurs et d ’ obliger ceux-ci à examiner régulièrement la culture de l ’ entreprise, et de créer un numéro d ’ urgence destiné au signalement des actes de harcèlement sexuel  ;

e) D ’ enquêter sur tous les cas de violence sexuelle et de poursuivre et sanctionner les auteurs comme il se doit, et de dispenser systématiquement, à l ’ intention des juges, des magistrats du parquet, des policiers et les autres responsables de l ’ application des lois, des formations sur la violence fondée sur le genre et les procédures d ’ enquête et d ’ interrogatoire tenant compte de la question du genre  ;

f) De recueillir systématiquement des données, ventilées par âge, nationalité, pays d ’ origine, handicap et relation entre la victime et l ’ auteur, sur la violence à l ’ égard des femmes et des filles fondée sur le genre.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour prévenir et combattre la traite des personnes, en particulier les femmes et les filles, et notamment des mesures prises dans le cadre de la coopération internationale et des campagnes de sensibilisation qui ont été lancées. Il félicite l’État partie de la création de la Direction de la prévention de la traite des personnes et du trafic de migrants et de sa cellule spécialisée dans la lutte contre la traite, ainsi que de l’adoption, en 2019, du plan d’action national 2019-2030 pour l’élimination de la traite (PACTA). Il constate néanmoins que :

a)L’État partie reste un pays d’origine, de transit et de destination pour la traite des femmes et des filles à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation par le travail et la traite et l’exploitation sexuelle des adolescentes sont particulièrement répandues dans les régions frontalières, notamment les provinces de Sucumbíos, Carchi et Esmeraldas ;

b)Il n’y a pas de données ventilées ni d’estimations sur le nombre de femmes et de filles victimes de la traite ;

c)Les allégations de traite ne donnent pas souvent lieu à des enquêtes et des poursuites, ce qui s’explique en partie par le fait que les victimes sans papiers ou en situation irrégulière risquent l’expulsion et sont donc peu enclines à dénoncer ce qui leur arrive et à se tourner vers les services d’aide qui leur sont destinés ;

d)Les foyers d’accueil destinés aux femmes et aux filles victimes de la traite sont trop peu nombreux ;

e)Bon nombre de femmes et de filles migrantes se prostituent et aucune information n’est disponible sur les mesures prises pour s’attaquer aux causes profondes du problème et réduire la demande de services de prostitution.

Rappelant ses recommandations précédentes ( CEDAW/C/ECU/CO/8-9 , par. 23), et sa recommandation générale n o  38 (2020) sur la traite des femmes et des filles dans le contexte des migrations internationales, le Comité engage l ’ État partie à continuer de combattre la traite des femmes à des fins d ’ exploitation sexuelle et d ’ exploitation par le travail et à renforcer la coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d ’ origine, de transit et de destination en vue de prévenir la traite. En outre, il recommande à l ’ État partie d ’ allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à la Direction de la prévention de la traite des personnes et du trafic de migrants et à l ’ exécution du plan d ’ action national 2019-2030 pour l ’ élimination de la traite. Il recommande également à l ’ État partie  :

a) De s ’ attaquer aux causes profondes de la traite en offrant davantage de perspectives éducatives et économiques aux femmes et aux filles et à leurs familles, ce qui les rendrait moins vulnérables à l ’ exploitation par des trafiquants  ;

b) De s ’ employer plus activement à recueillir sur les victimes de la traite des données ventilées par sexe, âge, pays d ’ origine, nationalité et forme d ’ exploitation et à fournir aux intéressées des services de protection, d ’ accompagnement, de réadaptation et de réintégration adéquats  ;

c) D ’ augmenter le nombre de foyers d ’ accueil disponibles, tant dans les zones urbaines que dans les zones rurales, de fournir davantage de services d ’ accompagnement et de réadaptation dans l ’ ensemble du territoire et d ’ allouer suffisamment de fonds aux organisations de la société civile qui mettent des foyers d ’ accueil et des services d ’ aide à la disposition des victimes  ;

d) De s ’ attaquer aux causes profondes de la prostitution, notamment la pauvreté et les inégalités de genre structurelles, et à la demande de services de prostitution, et de prendre des mesures pour aider les femmes qui veulent sortir de la prostitution à le faire et à trouver d ’ autres sources de revenus.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité prend note de l’adoption, en 2020, de la loi portant réforme du Code de la démocratie, qui prévoit que, d’ici les élections de 2025 au plus tard, 50 % des candidats inscrits sur listes électorales des partis politiques devront être des candidates. Toutefois, il est préoccupé par :

a)Le fait que seuls 8 ministres sur 25 sont des femmes et seules 52 candidates ont été élues aux élections législatives de 2021, les femmes représentant donc 38 % des parlementaires ;

b)Les discours haineux et le harcèlement dont les femmes sont victimes sur la scène politique, qui entravent la participation des femmes à la vie politique et publique ;

c)La faible représentation des femmes aux niveaux décisionnels dans la fonction publique, les services diplomatiques et les forces armées ;

d)La très faible participation des femmes appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés à la vie politique et publique.

Rappelant sa recommandation générale n o  23 (1997) sur la participation des femmes à la vie politique et publique et la cible 5.5 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter des stratégies et des programmes de lutte contre la violence fondée sur le genre que les femmes politiques et les candidates subissent en ligne et hors ligne dans l ’ espace public et de renforcer les mesures prises pour protéger les intéressées contre le harcèlement et les menaces, notamment en exigeant de tous les partis politiques qu ’ ils se dotent de politiques de promotion de l ’ égalité des sexes et de lutte contre le harcèlement, et de davantage engager la responsabilité des médias sociaux pour les contenus illicites générés par leurs utilisateurs  ;

b) D ’ adopter des mesures temporaires spéciales, conformément à l ’ article 4 (par. 1) de la Convention et à sa recommandation générale n o  25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, notamment d ’ instaurer des quotas légaux visant à garantir l ’ égale représentation des femmes aux postes de décision dans la fonction publique, les services diplomatiques et les forces armées  ;

c) D ’ aider les candidates à des élections à renforcer leurs compétences pour qu ’ elles puissent mener campagne et devenir des dirigeantes politiques et faire en sorte qu ’ elles aient accès au fonds de campagne nécessaires, en accordant une attention particulière aux groupes de femmes sous-représentés, notamment les femmes autochtones, les femmes handicapées et les lesbiennes, bisexuelles et transsexuelles.

Éducation

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes et des filles et les stéréotypes fondés sur le genre dans le système éducatif, notamment à travers des campagnes de sensibilisation ciblant les jeunes, y compris les filles et les jeunes femmes, sur le harcèlement dans les établissements scolaires. Il se félicite également de l’adoption du décret exécutif no 460 du 19 juillet 2018, qui prévoit l’inclusion de l’égalité des femmes et des hommes dans les programmes et les manuels scolaires. Il note toutefois avec préoccupation :

a)Le faible nombre de femmes et de filles qui choisissent des domaines d’études et des parcours professionnels non traditionnels ;

b)Le taux élevé d’analphabétisme chez les femmes, qui s’élevait à 6,5 % en 2018 ;

c)Le taux élevé d’abandon scolaire chez les filles issues des zones rurales, des populations autochtones et des minorités ethniques, ainsi que chez les adolescentes et les jeunes femmes en raison des grossesses précoces ;

d)Les rapports faisant état de harcèlement et d’abus sexuels dans les écoles et les universités ;

e)Le fait que les professeurs de l’enseignement secondaire ne bénéficient pas d’une formation professionnelle systématique en matière de santé sexuelle et reproductive et sur les droits connexes ;

f)Le manque de données, ventilées par sexe et par type de handicap, sur les enfants handicapés, y compris les filles, qui achèvent leur scolarité, leur formation professionnelle et leur formation universitaire.

Rappelant sa recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, ainsi que la cible 4.5 associée aux objectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De continuer à faire prendre conscience de l ’ importance de l ’ éducation des filles et des femmes à tous les niveaux pour qu ’ elles puissent s ’ émanciper  ;

b) De continuer à encourager les femmes et les filles à choisir des domaines d ’ étude et des parcours professionnels non traditionnels, notamment dans les sciences, la technologie, l ’ ingénierie, les mathématiques, l ’ informatique et les communications, et d ’ éliminer les stéréotypes discriminatoires susceptibles de dissuader les filles et les femmes de suivre des études dans ces domaines  ;

c) De continuer à améliorer l ’ accessibilité et la qualité de l ’ éducation pour tous les enfants, en particulier les groupes de filles défavorisées et marginalisées, et de s ’ attaquer aux taux d ’ analphabétisme disproportionnés chez les filles migrantes, les filles handicapées et les filles issues des zones rurales et éloignées, ainsi que celles vivant dans la pauvreté  ;

d) D ’ intensifier les efforts visant à réduire l ’ abandon scolaire chez les filles, notamment en sensibilisant les parents, les dirigeants locaux et les femmes et les filles au rôle important que joue l ’ éducation dans le développement personnel et les perspectives professionnelles de ces dernières  ;

e) De veiller à ce que les filles enceintes puissent poursuivre leur éducation et de faciliter la réintégration des jeunes mères dans le système éducatif, notamment en luttant contre la stigmatisation culturelle dont elles font l ’ objet grâce à des campagnes de sensibilisation et en prévoyant des systèmes de garde d ’ enfants peu coûteux  ;

f) D ’ appliquer strictement la loi organique de 2018 portant réforme de la loi organique sur l ’ enseignement supérieur et de veiller à ce qu ’ une politique de tolérance zéro en matière de violence et de harcèlement fondés sur le genre soit effectivement mise en œuvre dans les écoles et les universités, tout en prévoyant des services de conseil, des efforts de sensibilisation et des mécanismes de signalement efficaces  ;

g) De veiller à intégrer dans les programmes scolaires à tous les niveaux d ’ enseignement les questions liées à la santé sexuelle et reproductive et les droits connexes en les abordant de manière accessible, adaptée à l ’ âge et en tenant compte des différences entre les genres afin d ’ encourager un comportement sexuel responsable en vue de prévenir les grossesses précoces et les infections sexuellement transmissibles, notamment en fournissant aux enseignants une formation systématique sur la santé sexuelle et reproductive et les droits connexes  ;

h) De renforcer l ’ inclusion des filles handicapées dans le système éducatif ordinaire et de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations et des données statistiques, ventilées par sexe et par type de handicap, sur les taux de fréquentation et d ’ abandon scolaires des filles handicapées et l ’ accès de ces dernières à l ’ enseignement professionnel et à l ’ enseignement universitaire.

Il reste préoccupé par :

a)L’accès limité à l’éducation pour les filles et les femmes autochtones et les filles et les femmes afro-équatoriennes, ainsi que la piètre qualité de l’enseignement à tous les niveaux dans les zones rurales ;

b)L’accès limité des filles et des femmes autochtones aux établissements d’enseignement autochtones en raison du financement limité de l’État pour ces établissements, ainsi qu’aux écoles ordinaires, qui sont généralement situées loin des communautés autochtones.

Rappelant ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/ECU/CO/8-9 , par. 29), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De renforcer les infrastructures éducatives dans les communautés autochtones et les zones rurales, de fournir des transports scolaires gratuits et fiables aux filles et aux femmes autochtones des zones rurales et éloignées, et de promouvoir l ’ accès des filles et des femmes autochtones et rurales à l ’ éducation en facilitant leur inscription dans les établissements d ’ enseignement à tous les niveaux  ;

b) De garantir aux filles et aux femmes autochtones des possibilités adéquates de bénéficier d ’ un enseignement dans leur propre langue dans des établissements d ’ enseignement autochtones en fournissant un financement suffisant à ces établissements et en veillant à ce que les filles qui ont effectué leur scolarité dans ce type d ’ établissement aient accès à des établissements non autochtones à tous les niveaux de l ’ enseignement.

Emploi

Le Comité note que l’État partie a ratifié, en 2013, la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (no 189) de l’Organisation internationale du Travail. Il salue l’adoption du programme national en faveur de l’égalité pour les femmes et les personnes LGBTI (2018-2021), qui appelle à la redistribution du travail domestique, et l’article 18 de la loi organique de 2017 relative à la justice du travail et à la reconnaissance du travail à domicile, qui établit des sanctions en cas de licenciement pour motif discriminatoire. Il prend également note de la décision de justice rendue en 2021 contre l’entreprise Furukawa Plantaciones, qui a été reconnue coupable d’esclavage moderne, et de l’engagement de l’État partie à veiller à ce que les anciens salariés aient accès à des réparations et à ce qu’un plan d’action national sur les entreprises et les droits humains soit mis en œuvre. Il est néanmoins préoccupé par les éléments suivants :

a)Pendant la pandémie de COVID-19, 50 % des employés domestiques rémunérés, principalement des femmes, ont perdu leur emploi et un tiers d’entre elles ne sont plus affiliées à la sécurité sociale ;

b)75 % du travail domestique non rémunéré est effectué par des femmes ;

c)Le taux de chômage des femmes est 1,5 fois supérieur à celui des hommes ;

d)Le taux d’emploi à temps plein des femmes est inférieur de 11,9 points de pourcentage à celui des hommes ;

e)La persistance de l’écart salarial entre les femmes et les hommes ;

f)La situation des employés domestiques, principalement des femmes et des jeunes filles, qui travaillent pendant de très longues heures, souvent sans rémunération et disposent de peu de temps pour elles, en particulier celles qui logent au domicile de leurs employeurs ;

g)La persistance du faible taux de participation des migrantes, des femmes issues des minorités ethniques, des femmes autochtones et des femmes handicapées au marché du travail.

Rappelant ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/ECU/CO/8-9 , par. 31), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De fournir des détails, dans son prochain rapport périodique, sur la proposition d ’ « économie violette », qui institutionnalise la coresponsabilité parentale  ; sur les crèches et les installations pour l ’ allaitement en milieu de travail, dans le cadre du système national de soins proposé  ; et sur la mise en œuvre du plan d ’ action national sur les entreprises et les droits humains  ;

b) D ’ établir et de renforcer les mécanismes pour la mise en œuvre de la Convention de 2011 sur les travailleuses et les travailleurs domestiques (n o 189) et son incorporation dans la législation interne  ;

c) De veiller à ce que la Commission inter-organisations visant à soutenir les droits des travailleurs domestiques rémunérés se penche sur les enfants et les adolescents employés de maison dépourvus de permis de travail, dont la plupart sont de sexe féminin, et qui travaillent pendant de très longues heures, parfois sans rémunération, dans des conditions relevant de l ’ exploitation  ;

d) De renforcer les mesures visant à éliminer la ségrégation des emplois, d ’ améliorer l ’ accès des femmes, notamment des migrantes, afro-équatoriennes, montubias , des femmes issues des minorités ethniques, des femmes autochtones et des femmes handicapées, à l ’ emploi formel, et d ’ encourager les femmes et les filles à choisir des parcours professionnels non traditionnels  ;

e) De renforcer les mesures visant à encourager en priorité les femmes à passer du travail à temps partiel au travail à temps plein, avec l ’ appui de structures de garde d ’ enfants qui soient de qualité et accessibles  ;

f) De faire strictement appliquer le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale afin de réduire et, à terme, de combler l ’ écart de rémunération entre les femmes et les hommes en passant en revue régulièrement les salaires pratiqués dans tous les secteurs, en adoptant des méthodes analytiques de classement et d ’ évaluation des emplois qui tiennent compte des questions de genre, et en réalisant régulièrement des inspections du travail et des enquêtes sur les salaires  ;

g) De mener une enquête exhaustive sur les conditions de travail des employés de maison en vue de modifier le droit en vigueur et d ’ établir immédiatement des procédures permettant de contrôler ces conditions et le respect du droit du travail  ;

h) De recueillir des données complètes sur la participation des migrantes, des femmes appartenant aux groupes ethniques minoritaires, des femmes des territoires autonomes, des femmes autochtones et des femmes handicapées au marché du travail et d ’ inclure ces informations dans le prochain rapport périodique.

Santé

Le Comité se félicite de l’adoption du code organique de la santé, qui garantit l’accès universel à des soins de santé complets à tout moment. Il félicite également l’État partie pour l’adoption du plan national de santé sexuelle et reproductive pour la période 2017-2021 et de sa politique intersectorielle de prévention de la grossesse chez les filles et les adolescentes (2018-2025). Le Comité note également que, le 28 avril 2021, la Cour constitutionnelle a décidé de dépénaliser l’avortement en cas de viol. Il est néanmoins préoccupé par les éléments suivants :

a)Le manque d’accès à des services d’avortement et de soins après avortement sécurisés et la pénurie de professionnels de santé formés pour proposer ces services, sachant que 15,6 % des décès maternels sont dus à des avortements non médicalisés ;

b)Le nombre élevé de grossesses non désirées ;

c)Le fait que les femmes et les filles handicapées et appartenant à des groupes minoritaires, ainsi que les femmes et les filles autochtones, migrantes et demandeuses d’asile, rencontrent parfois des difficultés pour accéder aux services et aux informations en matière de santé sexuelle et reproductive.

Conformément à la recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, et réitérant ses recommandations précédentes ( CEDAW/C/ECU/CO/8-9 , par. 33), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De légaliser l ’ avortement lorsque la grossesse est la conséquence d ’ un viol ou d ’ un inceste, lorsque la vie ou la santé de la femme enceinte est en danger et dans les cas de malformation grave du fœtus, de le dépénaliser dans tous les autres cas et de garantir aux femmes l ’ accès à des services d ’ avortement et de soins après avortement sécurisés, en particulier en cas de complications résultant d ’ interventions non médicalisées  ;

b) D ’ intensifier les programmes de sensibilisation inclusifs afin de s ’ assurer que les femmes et les filles aient accès en toute confidentialité à des contraceptifs modernes et à l ’ information en matière de santé sexuelle et procréative et de droits connexes, et d ’ éliminer les stéréotypes liés au genre et les comportements discriminatoires en ce qui concerne la sexualité des femmes et des filles  ;

c) De veiller à ce que les femmes et les filles ayant peu de moyens, notamment celles qui appartiennent à des groupes défavorisés et marginalisés, puissent accéder gratuitement aux soins de santé, notamment aux services de santé sexuelle et reproductive.

Émancipation économique des femmes

Le Comité note le pourcentage élevé de femmes qui exercent une activité indépendante ou qui sont employées dans le secteur informel, qui ne bénéficient d’aucune protection sociale ni de protection de leurs droits en tant que travailleuses, et le fait que les femmes n’ont qu’un accès limité aux prêts, aux autres formes de crédit financier, aux terres, aux équipements et aux machines dont elles ont besoin pour leurs entreprises.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer et de mettre en œuvre des politiques et des programmes en faveur de l ’ émancipation économique des femmes, et de prendre à cette fin les mesures suivantes  :

a) Mettre en place le cadre juridique et opérationnel permettant d ’ accroître la participation des femmes à l ’ entreprenariat et aider les femmes à trouver des débouchés adéquats et à obtenir un prix équitable pour leurs produits à l ’ échelle nationale, ainsi que protéger la propriété intellectuelle ancestrale des femmes, en particulier dans le domaine de la production artisanale  ;

b) Soutenir les femmes entrepreneurs en leur facilitant l ’ accès à des opportunités génératrices de revenus et à des crédits financiers, notamment des prêts à faible taux d ’ intérêt sans garantie, à des terrains, à des équipements et à des machines  ;

c) Assurer la diffusion d ’ informations sur les programmes de prêts et les compléments de revenu disponibles, notamment sur les quotas alloués, ainsi qu ’ une orientation et une assistance appropriées en ce qui concerne les demandes de prêts et de compléments de revenu, notamment pour les femmes rurales dans le domaine de l ’ agro-écologie  ;

d) Garantir l ’ accès des femmes exerçant une activité indépendante ou travaillant dans le secteur informel aux allocations de garde d ’ enfants et à des services de soins à coût abordable et de bonne qualité pour les enfants et les membres de la famille malades et âgés afin d ’ alléger la part des soins non rémunérés qu ’ elles assument, et développer des régimes de protection sociale à leur intention, comme des pensions de retraite.

Le Comité note qu’avant la pandémie, on estimait que la valeur du travail non rémunéré dans l’État partie représentait environ 15,2 % du produit intérieur brut de l’Équateur. Il note également que, selon les données de la Surintendance de l’économie populaire et solidaire, le montant des prêts consentis aux femmes est en moyenne inférieur de 20 % à celui des prêts consentis aux hommes ;

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter des politiques et des stratégies fiscales transformatrices tenant compte des besoins qu ’ impose le travail domestique et en réduire la charge sur les femmes, en facilitant l ’ accès à des services publics de bonne qualité et à coût abordable pour les femmes, tels que les soins de santé, les transports, l ’ eau, le logement et l ’ énergie  ;

b) De mettre en œuvre la monétisation du travail domestique non rémunéré afin qu ’ il puisse être reconnu et que les femmes soient indemnisées pour le travail domestique non rémunéré qu ’ elles fournissent  ;

c) De renforcer l ’ autonomie financière des femmes en facilitant l ’ accès aux prêts bancaires et aux autres formes de crédit financier sans garantie, au microcrédit, aux marchés, à l ’ expansion des entreprises, à des installations de production communes et à d ’ autres systèmes de production.

Changements climatiques et réduction des risques liés aux catastrophes

Le Comité félicite l’État partie d’avoir pris des mesures pour faire face à la crise climatique. Il est néanmoins préoccupé par les éléments suivants :

a)Le manque de participation des femmes autochtones à la formulation et à la mise en œuvre des politiques et des stratégies relatives aux changements climatiques et à la réduction des risques de catastrophe ;

b)Le manque de données et de recherches sur l’incidence de la crise climatique en fonction du genre, qui touche de manière disproportionnée les femmes et les filles autochtones.

Rappelant sa recommandation générale n o 37 (2018) relative aux aspects liés au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ assurer la participation effective des femmes autochtones en tant qu ’ agents actifs du changement dans la formulation et la mise en œuvre des politiques et des stratégies relatives aux changements climatiques, à l ’ intervention en cas de catastrophes et à la réduction des risques  ;

b) De veiller à ce que les politiques et les plans d ’ action relatifs aux changements climatiques et à la réduction des risques de catastrophe tiennent expressément compte des questions de genre et des besoins particuliers des femmes, en particulier des femmes autochtones.

Femmes rurales et montubias

Le Comité est préoccupé par l’absence de prise en compte des questions de genre dans les politiques et les programmes agricoles. Il note également avec inquiétude que les femmes des zones rurales et montubias ont un accès limité :

a)Au financement pour leurs activités agricoles, aux prêts et crédits agricoles, aux nouvelles techniques agricoles et à la propriété des moyens de production, tels que les terres ;

b)Aux services de base, tels que l’éducation et les soins de santé, y compris les services de santé sexuelle et procréative, ainsi qu’à des méthodes contraceptives modernes et peu coûteuses.

Conformément à sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ intégrer les questions de genre dans les politiques, les programmes et les projets agricoles, afin de répondre efficacement aux besoins des femmes rurales et montubias et de veiller à ce qu ’ elles participent réellement à l ’ élaboration et à la mise en œuvre des politiques agricoles, notamment en ce qui concerne les décisions relatives à l ’ utilisation des terres  ;

b) D ’ élargir l ’ accès des femmes rurales et montubias à la microfinance et au microcrédit à des taux d ’ intérêt faibles, à des activités génératrices de revenus et à l ’ entrepreneuriat en vue de lutter contre la pauvreté et de promouvoir l ’ autonomisation des femmes rurales et montubias , ainsi que de sécuriser leurs droits fonciers  ;

c) De redoubler d ’ efforts pour faire en sorte que les femmes rurales et les montubias aient un accès adéquat aux soins de santé, à l ’ éducation, à l ’ emploi, au logement, à une eau potable, ainsi qu ’ à des services d ’ assainissement et de planification familiale.

Femmes en situation de handicap

Le Comité note avec préoccupation le manque d’informations sur la situation des femmes handicapées.

Conformément à sa recommandation générale n o 18 (1991) sur les femmes handicapées, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De s ’ attaquer aux formes de discrimination croisées à l ’ égard des femmes et des filles handicapées et d ’ assurer leur inclusion en éliminant les restrictions à leur capacité juridique, en leur assurant l ’ accès à la justice, la protection contre la violence fondée sur le genre, l ’ éducation inclusive, l ’ emploi et les services de santé, y compris les services de santé sexuelle et reproductive, et en répondant à leurs besoins spécifiques  ;

b) De veiller à ce que les femmes et les filles handicapées aient accès au marché du travail et aux services d ’ aide disponibles pour les victimes de violence fondée sur le genre, et de garantir leurs droits à la liberté de circulation et à choisir librement leur conjoint ou leur partenaire.

Femmes et filles autochtones

Le Comité note avec préoccupation que de nombreuses multinationales étrangères et nationales des secteurs minier, pétrolier, forestier et agroalimentaire menacent l’intégrité territoriale, culturelle et socioéconomique des femmes et des filles autochtones dans l’État partie, causant des dommages socio-environnementaux qui violent leurs droits collectifs. Il note également avec préoccupation :

a)L’absence de législation visant à protéger les droits des femmes et des filles autochtones sur leurs terres ancestrales ;

b)La mise en œuvre limitée du principe du consentement préalable, libre et éclairé et l’absence de consultations et de partage des bénéfices avec les femmes et les filles autochtones en ce qui concerne les projets de développement affectant leurs droits collectifs à la propriété foncière ;

c)Des rapports faisant continuellement état de crimes haineux et de discrimination à l’encontre des femmes et des filles autochtones.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter une législation visant à protéger les droits collectifs des femmes et des filles autochtones sur leurs terres ancestrales  ;

b) D ’ exiger le consentement libre, préalable et éclairé des femmes et des filles autochtones, ainsi que la tenue de consultations et le partage des bénéfices avec elles, pour les projets de développement touchant leurs terres ancestrales, conformément aux normes internationales  ;

c) De prendre des mesures pour lutter contre les crimes haineux et la discrimination à l ’ encontre des femmes et des filles autochtones, d ’ enquêter sur ces cas et de poursuivre et sanctionner les auteurs.

Migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile

Le Comité note que l’État partie a fait face à un fort afflux de ressortissants vénézuéliens, dont environ 451 100 vivent actuellement dans l’État partie, et dont la majorité sont des femmes (51,2 %). Il note également que l’État partie accueille une grande partie des réfugiés de la région, dont 96,9 % sont des ressortissants colombiens. Le Comité est préoccupé par :

a)Le fait que les demandeuses d’asile et les migrantes, en particulier celles en situation irrégulière, qui subissent des violences de genre, y compris des violences domestiques et des viols, s’abstiennent de faire appel à des services d’aide aux victimes par crainte d’être dénoncées aux services d’immigration ;

b)L’accès limité des femmes et des filles migrantes et réfugiées à l’éducation et aux soins de santé dans l’État partie, malgré la législation prévoyant l’accès universel aux soins de santé à tous les migrants, indépendamment de leur statut.

Conformément à sa recommandation générale n o 32 (2014) relative aux aspects liés au genre des questions touchant les réfugiées, les demandeuses d ’ asile et la nationalité et l ’ apatridie des femmes et à sa recommandation générale n o 30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d ’ après conflit, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que le processus de détermination du statut de réfugié tienne compte des questions de genre et que les besoins spécifiques des femmes et des filles demandeuses d ’ asile et réfugiées soient traités en priorité tout au long de la procédure d ’ asile, en particulier leurs besoins de protection à leur arrivée dans l ’ État partie  ;

b) De veiller à ce que les migrantes et les réfugiées aient un accès adéquat à l ’ éducation et aux services de santé, indépendamment de leur statut.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité note avec préoccupation :

a)Qu’en dépit du fait que l’âge minimum du mariage ait été fixé à 18 ans pour les femmes et les hommes dans la loi de réforme du Code civil de 2015, la pratique du mariage d’enfants persiste sous la forme d’unions de fait, en particulier dans les zones rurales et chez les communautés autochtones ;

b)Qu’en vertu de l’article 180 du Code civil, le mari est désigné administrateur des biens matrimoniaux ;

c)Que les biens incorporels, tels que les prestations liées à l’emploi, ne sont pas inclus dans les biens communs d’un couple marié, même si le Code civil prévoit que les biens acquis durant le mariage sont considérés comme des biens communs, à partager en parts égales lors du divorce ;

d)L’absence de mesures mises en place pour garantir le versement de la pension alimentaire dans les cas où le père ne paie pas.

Réitérant ses précédentes recommandations générales ( CEDAW/C/ECU/CO/8-9 , par. 37) et rappelant sa recommandation générale n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De mener des recherches sur les conséquences économiques du divorce pour les deux conjoints, en tenant compte de la durée du mariage et du nombre d ’ enfants, et d ’ adopter les mesures juridiques nécessaires pour corriger les éventuelles inégalités économiques entre les hommes et les femmes lors de la dissolution du mariage et des liens familiaux  ;

b) De sensibiliser les chefs religieux et les dirigeants communautaires, les médias et le grand public, en collaboration avec la société civile et les organisations de femmes, aux effets délétères des mariages d ’ enfants et des mariages forcés sur la santé, l ’ éducation et les choix de vie des filles  ;

c) D ’ accélérer la modification du Code civil en vue d ’ abroger la disposition qui désigne le mari administrateur des biens matrimoniaux  ;

d) D ’ inclure les biens incorporels (tels que les fonds de pension, les indemnités de départ et les prestations d ’ assurance) accumulés pendant le mariage ou l ’ union dans le patrimoine commun, qui sera partagé à égalité à sa dissolution  ;

e) D ’ adopter des mesures pour garantir le versement de la pension alimentaire dans les cas où le père ne paie pas.

Diffusion

Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans la ou les langue(s) officielle(s) de l ’ État partie, aux institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local) en particulier au Gouvernement, au parlement et au corps judiciaire, afin d ’ en permettre la pleine application.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 22 a), 22 d), 28 c) et 34 a) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son onzième rapport périodique en novembre 2025, comme prévu. Le rapport devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu ’ à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).