Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de l’Érythrée
Additif
Renseignements reçus de l’Érythrée au sujet de la suite donnée aux observations finales *
[Date de réception : 23 février 2018]
I.Préambule
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (ci‑après dénommé « le Comité ») a examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques de l’Érythrée (CEDAW/C/ERI/4 et CEDAW/C/ERI/5) à ses 1291e et 1292e séances (voir CEDAW/C/SR 1291 et CEDAW/C/SR 1292).
Le Gouvernement de l’État d’Érythrée (ci-après dénommé « le Gouvernement ») remercie le Comité d’avoir rapidement donné suite aux questions et demandé l’adoption de mesures supplémentaires concernant divers points, ainsi que de sa participation à un échange constructif avec la délégation érythréenne le 26 février 2015 à Genève (voir annexe). Conformément aux obligations qui lui incombent au titre de la Convention, le Gouvernement a soumis ses réponses aux questions posées par le Comité ainsi que les données statistiques requises. Cet effort mérite d’être souligné et apprécié.
Dans les observations finales qu’il a adoptées à sa soixantième session (16 février‑6 mars 2015), le Comité a salué les progrès accomplis depuis l’examen, en 2006, du rapport unique valant rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/ERI/CO/3), mettant particulièrement l’accent sur les points suivants :
•Les réformes législatives et l’adoption, en 2007, de l’arrêté no 158/2007 sur l’abolition de l’excision ;
•La ratification, en 2014, de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et de son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.
Depuis sa ratification, en 1995, le Gouvernement n’a cessé de réaffirmer son attachement sans faille à la mise en œuvre effective de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. À cet égard, des progrès considérables ont été enregistrés ces vingt dernières années en matière de promotion de l’égalité des femmes et des hommes et de l’autonomisation des femmes aux niveaux économique, social et politique, rendus possibles grâce à des politiques et à des stratégies pragmatiques, associées à une volonté politique et à un engagement du Gouvernement et du peuple en faveur de la justice sociale et de la dignité humaine. La lutte pour l’indépendance menée en Érythrée a été motivée par ces mêmes idéaux, et la nation est le fruit de la lutte en faveur des droits de l’homme.
Les principaux facteurs et obstacles qui influent sur l’application plus large de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en Érythrée sont les menaces existentielles provenant de l’extérieur, comme la guerre d’agression menée par l’Éthiopie en 1998-2000 et l’occupation persistante des territoires érythréens souverains par cette dernière en violation du droit international, les résolutions injustes et injustifiées du Conseil de sécurité de l’ONU imposées à l’Érythrée en 2009 et 2010 et les vaines tentatives de « changement de régime » visant à renverser le Gouvernement érythréen. Toutefois, en dépit de ces difficultés, la ferme volonté politique du Gouvernement, son engagement fort et les mesures qu’il a adoptées en faveur de la promotion des droits des femmes, ainsi que la résilience des Érythréennes et de la population au sens large, ont permis de poursuivre les progrès dans ce domaine.
À cet égard, le pays a répondu à ses obligations d’information et apporté les contributions supplémentaires qui lui ont été demandées. Les observations formulées par le Comité ont déjà été traitées dans les quatrième et cinquième rapports périodiques de l’Érythrée. Des informations détaillées ont également été présentées dans le cadre des contributions orales et des engagements constructifs qui s’en sont suivis. En outre, la délégation érythréenne a soumis une réponse écrite, le 6 mars 2015 (sous quarante-huit heures), portant également sur les erreurs factuelles repérées dans les observations, sur lesquelles le Comité a été invité à se pencher sérieusement.
Améliorer la condition des femmes et leur garantir une situation juridique participent intimement des efforts globaux de développement socioéconomique et de la transformation culturelle de la société qui en découle. L’importance requise a été accordée à la politique des quotas pour promouvoir l’égalité des femmes et des hommes. Pour y parvenir, le principal facteur qui entre en jeu, aujourd’hui comme toujours, est la volonté politique et la disposition du Gouvernement et de la population à défendre les droits des femmes et l’égalité des sexes : il fait partie intégrante de la construction d’une nation forte et d’un avenir viable.
Dans ce contexte, la présente suite donnée aux observations finales, soulignant plusieurs aspects, s’inscrit dans le cadre des mesures entreprises pour appliquer les recommandations énoncées à l’alinéa b) du paragraphe 9 et aux alinéas a), c) et e) du paragraphe 25. Les autres questions soulevées dans le cadre des observations seront traitées dans le sixième rapport périodique, à paraître prochainement.
II.Suite donnée aux observations finales
Alinéa b) du paragraphe 9, relatif au service national
Les allégations diffamatoires d’atteintes sexuelles commises dans le Centre d’enseignement et de formation de Sawa ont été réfutées à maintes reprises. Cette structure bien établie met en œuvre des mécanismes standard d’établissement de rapports et de suivi concernant la protection de la dignité des femmes pendant les formations et les séances d’enseignement ainsi qu’au cours de leur service national et des activités de défense nationale. Les allégations sont donc sans fondement. Il convient de noter par ailleurs que la violence sexuelle n’est pas tolérée dans la culture érythréenne. Si des agressions sexuelles ou des viols ont lieu, les mesures punitives appropriées sont prises par les institutions pertinentes, notamment les tribunaux. Il est donc demandé au Comité de reconnaître et de respecter la participation exemplaire des jeunes filles au service national.
L’édification de la nation érythréenne consiste essentiellement à former une génération de jeunes dont l’autonomisation est une priorité pour le Gouvernement. L’Érythrée suit une politique axée sur la jeunesse dans tous les secteurs, politiques et programmes. La famille ayant un rôle majeur en tant qu’institution sociale, une démarche multidimensionnelle a été adoptée, comprenant des systèmes intégrés, notamment un système éducatif national, un programme communautaire de travail d’été pour les jeunes et un service national.
En temps de paix, les membres du service national ne sont tenus d’aucune obligation dès lors qu’ils ont terminé leur formation militaire et accompli leur service. Toutefois, ils font partie, en théorie, de la réserve militaire et peuvent être rappelés au service si une guerre éclate. Le service national, en tant que système, et le Centre de formation de Sawa ont été créés pour encadrer les jeunes en vue de leur préparation et de leur contribution au développement du pays, dans le contexte de la démobilisation massive du front de libération et des efforts soutenus déployés en vue d’élaborer un cadre solide de coopération régionale en matière de sécurité et de développement. D’une certaine manière, le service national constitue donc essentiellement un contingent de sécurité permettant à la jeune nation de n’avoir qu’une petite armée et de pouvoir mobiliser la force nécessaire en cas de menace majeure.
Ces 15 dernières années, en particulier, le camp de Sawa a été transformé en centre d’enseignement et de formation. À la suite de la révision, en 2003, du programme d’enseignement initialement dispensé en onze ans, une douzième année de scolarité pour tous les lycéens a vu son lancement dans l’établissement de Warsay‑Yikealo, créé au sein du Centre et géré par le Ministère de l’éducation. Des élèves de tout le pays participent à l’examen final du cycle secondaire dans le Centre et consacrent 3 mois à la formation militaire. Ceux qui obtiennent la note requise s’inscrivent auprès d’un établissement d’enseignement supérieur pour poursuivre leurs études et obtenir un certificat, un diplôme ou un grade universitaire. Une école professionnelle et technique proposant une formation en 2 ans a été créée et 20 000 étudiants y ont obtenu un diplôme de niveau de certificat au cours de ces dix dernières années. Ceux qui n’obtiennent pas la note minimale requise sont orientés vers d’autres centres de formation professionnelle. Ces mesures s’inscrivent dans le cadre des efforts globaux visant à mettre en valeur les ressources humaines du pays.
De ce fait, le Centre revêt une importance fondamentale en tant que vecteur de formation des jeunes, de transformation culturelle et de mise en valeur des ressources humaines. Aux termes de l’arrêté no 82/1995 sur le service national, le Centre et le programme correspondant ont permis à un grand nombre de jeunes filles de participer et de se préparer à l’édification de la nation, et ont contribué à leur égalité et à leur autonomisation. En outre, il s’agit d’une structure novatrice défendant l’égalité des droits et des chances au sein des forces militaires, de la police et des forces de sécurité. Il convient de rappeler par ailleurs le rôle décisif des Érythréennes qui se sont sacrifiées et ont participé avec courage à la lutte pour l’indépendance. Les jeunes femmes d’aujourd’hui suivent l’exemple des héroïnes du passé, qui ont jeté les bases de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le pays.
Chaque année, pendant les vacances scolaires du premier semestre, un programme de visites familiales est organisé par le Ministère de l’éducation pour que les parents, les frères et sœurs et la famille élargie des étudiants de Sawa puissent observer la situation et les progrès accomplis par les élèves. Ce programme permet en effet aux parents d’échanger avec les élèves, les enseignants et le personnel administratif du Centre et de mettre en place un espace de débat ouvert, constructif et critique sur la situation globale.
En temps normal, la loi prévoit une durée maximale de 18 mois de service national, dont 12 mois consacrés à des travaux publics et civils. Toutefois, en raison de l’occupation persistante de territoires érythréens souverains par l’Éthiopie, en violation du droit international ainsi que des décisions internationales prises par la Commission du tracé de la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie, des plans visant clairement à déstabiliser le pays et des sanctions injustes qui lui sont imposées, l’Érythrée a été contrainte de prolonger la durée du service national pour défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale. Dès lors que le Conseil de sécurité n’adopte pas les mesures qui s’imposent contre l’Éthiopie, l’Érythrée n’a d’autre choix que de prendre des mesures de légitime défense proportionnelles à la menace qu’elle subit.
Alinéa a) du paragraphe 25, relatif à la tenue d’élections libres et régulières
Il convient de mentionner, à titre historique, que la première Constitution érythréenne a été élaborée par l’Organisation des Nations Unies en août 1952, lorsque l’Érythrée et l’Éthiopie ont été fédérées, contre la volonté du peuple érythréen, qui souhaitait l’indépendance. Aux termes de l’article 20 de ladite Constitution, et de manière très surprenante, le droit d’élire et d’être élu est réservé aux hommes de plus de 21 ans, les femmes étant privées de leurs droits civils et politiques. Ces dispositions ont été supprimées dans le cadre de la lutte nationale pour la libération et l’indépendance, et ces droits ont été accordés aux femmes.
Après l’indépendance, le droit des Érythréennes de voter librement, de se présenter aux élections et d’exercer des fonctions publiques a été inscrit dans la législation nationale. Conformément aux processus et procédures définis par la loi, les élections en Érythrée sont organisées de manière libre et régulière. Aux niveaux local, régional et sous-régional, elles sont organisées sous l’égide de comités électoraux composés de femmes et d’hommes et de manière à ce que le plus grand nombre de femmes participent.
Alinéa c) du paragraphe 25, relatif aux mesures temporaires spéciales
Le Gouvernement suit une politique des quotas inscrite dans tous les cadres juridiques et institutionnels de l’État, y compris dans la Charte nationale et dans la politique macroéconomique de 1994. Il s’agit d’une mesure temporaire visant à réduire les disparités entre les femmes et les hommes dans tous les aspects du développement, notamment en matière de représentation politique et administrative. L’arrêté no 86/1996 dispose que 30 % des sièges, dans toutes les élections, sont réservés aux femmes. En outre, dans tous les comités administratifs au niveau des villages et des localités, les tribunaux locaux, les comités de répartition des terres et les divers comités relatifs à des projets de développement local (sur la gestion de l’eau, l’approvisionnement en électricité dans les villages, la santé et l’assainissement, les progrès agricoles, etc.), au moins un siège est réservé aux femmes. On constate ainsi une évolution de la participation des femmes à la vie publique et politique, tant à des postes où elles sont élues qu’à des postes où elles sont nommées, y compris dans la magistrature.
Les femmes participent aussi pleinement à l’élaboration de programmes et de projets de développement, qui prévoient en outre l’intégration de la question de l’autonomisation des femmes. Pour encourager et garantir la participation des filles à l’enseignement supérieur, des conditions d’admission moins strictes sont appliquées actuellement.
Alinéa e) du paragraphe 25, relatif à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité
L’Érythrée a participé aux forums internationaux et régionaux qui sont à l’origine de cette initiative, à savoir le Plan d’action de Kampala concernant les femmes et la paix (1993), la Plateforme d’action pour l’Afrique, tenue à Dakar (1994) et la quatrième Conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing (1995). La délégation érythréenne a également participé aux projets sur les femmes, la paix et le règlement des conflits, et continue de suivre et d’appliquer le Programme d’action de Beijing. Elle a montré en outre, sous la direction du Ministre de la justice, son attachement à régler les conflits de manière non violente dans le cadre de la Conférence des femmes panafricaines sur la culture de la paix, tenue à Zanzibar du 17 au 20 mai 1999.
La résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité, adoptée le 31 octobre 2000, s’inscrit dans la continuité des forums mentionnés précédemment. Le Gouvernement réaffirme sa volonté de collaborer avec le Réseau interinstitutions pour les femmes et l’égalité des sexes afin de promouvoir et de renforcer la participation des femmes et de veiller à la prise en compte de la problématique femmes-hommes dans tous les efforts de l’Organisation des Nations Unies en matière de paix et de sécurité.
III.Conclusion
Le Gouvernement érythréen saisit cette occasion pour réaffirmer son engagement en faveur de l’application systémique de toutes les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, dans l’objectif clair de faire évoluer la situation en matière de respect des droits des femmes et d’autonomisation de ces dernières en Érythrée.