Nations Unies

CAT/C/64/D/730/2016

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

12 septembre 2018

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 730/2016 * , **

Communication p résentée par :

J. O. (non représentée par un conseil)

Victime(s) présumée(s):

La requérante

État partie :

Géorgie

Date de la requête :

11 janvier 2016 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision :

9 août 2018

Objet :

Expulsion vers le Nigéria

Questions de procédure :

Fondement des griefs

Questions de fond :

Non-refoulement

Article de la Convention :

1, 2 (par. 1), 3, 12, 13, 14 et 16

1.1La requérante est J. O., ressortissante nigériane née le 7 janvier 1973 et résidant en Géorgie. Sa demande d’asile en Géorgie a été rejetée et elle affirme que son expulsion vers le Nigéria constituerait une violation par la Géorgie de l’article 3 de la Convention. Elle allègue une violation des droits qu’elle tient des articles 1, 2 (par. 1), 12, 13, 14 et 16 de la Convention. Elle n’est pas représentée par un conseil. La Géorgie a fait la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention le 30 juin 2005.

1.2Le 4 mars 2016, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires et en application de l’article 114 de son règlement intérieur, a demandé à l’État partie de ne pas expulser la requérante tant que sa requête serait à l’examen. Toutefois, le 10 octobre 2017, le Comité a décidé, en réponse à la demande de l’État partie en date du 26 septembre 2017, de lever les mesures provisoires.

Rappel des faits présentés par la requérante

2.1En janvier 2006, la requérante est allée au Mali pour y rendre visite à des amis mais a ultérieurement décidé de vivre dans ce pays. Constatant la situation des enfants dans les rues, elle a fondé en 2008 Gentillesse internationale, une organisation sans but lucratif, pour venir en aide aux victimes de la traite des personnes au Mali et les protéger.

2.2En octobre 2011, l’Ambassadeur du Nigéria au Mali a sollicité la coopération de l’organisation de la requérante face au problème de la traite des filles nigérianes au Mali. En novembre 2011, des représentants de l’ambassade du Nigéria au Mali, d’Interpol et des forces de sécurités nigérianes, ainsi que des agents de l’Agence nationale nigériane pour l’interdiction de la traite des personnes (National Agency for the Prohibition of Trafficking in Persons, ci-après « l’Agence nationale nigériane ») et d’un organe du Gouvernement nigérian chargé de la lutte contre la traite sont venus dans le foyer ouvert par la requérante à Bamako et lui ont demandé de loger quelque 70 Nigérianes qui étaient victimes de la traite au Mali et que le Gouvernement nigérian voulait sauver de l’esclavage sexuel. Le 9 novembre 2011, la requérante s’est rendue dans un commissariat, où elle a rencontré plus de 80 femmes qui affirmaient qu’elles avaient été arrêtées, emprisonnées et battues par la police malienne collaborant avec l’Agence nationale nigériane, et qu’on leur avait pris leur argent. Elles ont aussi déclaré être des commerçantes venues au Mali de leur propre gré et ont souligné qu’elles n’étaient pas victimes de la traite ou de l’esclavage sexuel. Certaines d’entre elles ont déclaré qu’elles n’étaient pas nigérianes. Extrêmement préoccupée par le traitement inhumain infligé à ces femmes, la requérante a demandé leur libération immédiate. Cependant, les agents de l’Agence nationale nigériane ont menacé de la tuer parce qu’elle perturbait leur opération. Ils ont également menacé de l’arrêter et de l’emmener au Nigéria et de la tuer. Le 12 novembre 2011, les femmes en question ont été rapatriées de force au Nigéria. La plupart de celles qui refusaient de coopérer y ont été emprisonnées et contraintes de verser une rançon pour obtenir leur remise en liberté.

2.3À une date non précisée, la requérante a été convoquée à l’ambassade du Nigéria au Mali, où il lui a été signifié que le Gouvernement avait le droit de faire ce qu’il voulait avec les citoyens nigérians où qu’ils se trouvent. Ultérieurement, la requérante est allée voir Amnesty International au Mali pour révéler ces faits. Elle a également envoyé des messages à l’Agence nationale nigériane, au Fonds des Nations Unies pour l’enfance, à l’ambassade du Nigéria au Mali et à l’Organisation internationale pour les migrations. Le 19 décembre 2011, les forces de sécurité nigérianes et les agents de l’Agence nationale nigérianeont appelé la requérante depuis le Nigéria et l’ont accusée de porter atteinte à la sécurité nationale. Ils ont menacé de l’arrêter, de la persécuter et de la tuer. Ils lui ont également enjoint de ne rien dire à aucune organisation des opérations du Gouvernement nigérian au Mali. Les menaces contre sa vie se sont par la suite intensifiées : elle a été suivie et menacée au Mali, et a également été menacée par la police malienne. Elle a quitté le Mali le 17 mars 2012.

2.4Le 18 mars 2012, la requérante est entrée aux Émirats arabes unis munie d’un visa de deux semaines. Le 19 mars 2012, elle a eu un entretien aux fins d’admission à l’Université médicale du Golfe à Ajman, où on lui a proposé un visa d’étudiante pour un an. Elle s’est inscrite à un cours et a entamé un programme. On lui a conseillé de signaler les menaces de mort qu’elle avait reçues au Mali, et elle en a donc informé la police.

2.5La requérante a ensuite été informée que l’ambassade du Nigéria avait été contactée et voulait qu’elle rentre au Nigéria parce qu’elle était recherchée. Elle a déclaré qu’elle ne rentrerait pas car sa vie était en danger. Elle a donc été emmenée à la prison de Charjah, où elle dormait sur un sol mouillé dans une cellule bondée. Le 29 avril 2012, elle a été transférée à la prison du Service de l’immigration de Dubaï à Al Awir, où elle a subi de graves tortures. Le 7 juin et le 18 août 2012, elle a été brutalement passée à tabac par les gardiens de la prison. Elle a été blessée à la tête et sur le corps et a subi, au niveau de l’abdomen, un traumatisme aigu qui a entraîné des saignements abondants et constants pendant des mois. Aucun traitement médical ne lui a été prodigué. À plusieurs reprises, un représentant de l’ambassade du Nigéria nommé Adama est venu à la prison et a exigé son expulsion, déclarant que selon l’Agence nationale nigériane, elle était recherchée par les autorités nigérianes. Le 5 juillet 2012, Adama est revenu à la prison pour la menacer, et il l’a frappée jusqu’à ce que les agents de l’immigration l’obligent à s’arrêter. Il leur a demandé de faire tout ce qui était possible pour que la requérante soit expulsée vers le Nigéria, parce que l’Agence nationale nigériane et les autorités nigérianes l’attendaient.

2.6Le 8 juillet 2012, la requérante a été emmenée à Abou Dhabi afin d’être renvoyée au Nigéria. Elle a expliqué sa situation et les menaces qui pesaient sur sa vie à un agent de l’immigration. Elle a dit qu’elle voulait aller aux Caraïbes. L’agent de l’immigration à Abou Dhabi a appelé les services de l’immigration à Dubaï et a demandé qu’on la laisse partir aux Caraïbes. Elle a été renvoyée à Dubaï le 11 juillet 2012, mais les services de l’immigration de Dubaï ont refusé de la laisser partir aux Caraïbes ou dans un autre pays. Ils l’ont menacée, comme l’a fait l’ambassade du Nigéria, de la renvoyer au Nigéria. À la prison des services de l’immigration de Dubaï, on lui a ordonné de verser près de 3 000 dollars. Elle affirme qu’elle a signalé sa détention illégale et les tortures subies et qu’une enquête a été ordonnée.

2.7La requérante allègue que le 23 septembre 2012, les services de l’immigration de Dubaï l’ont transférée de force et sans procédure judiciaire en République islamique d’Iran en la présentant comme une espionne, espérant qu’elle serait torturée et tuée. En République islamique d’Iran, le 18 janvier 2013, à environ 2 heures du matin, un intrus a tenté de s’introduire dans la pièce où elle dormait. Puis, le 15 février 2013, après 3 heures du matin, un intrus masqué l’a attrapée pendant qu’elle dormait. Elle a crié et l’intrus a pris la fuite. Elle a appelé la police et l’enquête a révélé que son agresseur était arrivé de Dubaï avec un comparse quelques jours auparavant. L’agresseur aurait déclaré que sa vie serait en danger si la requérante portait plainte contre lui. La requérante a informé la police qu’elle ne souhaitait pas porter plainte et a signé un document que lui a remis la police.

2.8Alors que la requérante se trouvait en République islamique d’Iran, les autorités de ce pays ont mené une enquête à son sujet. Elle n’a pas été autorisée à quitter le pays pendant plus de six mois. Quand les autorités iraniennes l’ont appelée pour l’interroger, elle a raconté ce qui s’était passé. Elle a demandé l’autorisation de se rendre en Géorgie, où elle pourrait obtenir un visa à son arrivée et, de là, se rendre en lieu sûr. Le 22 avril 2013, la requérante a été autorisée à quitter la République islamique d’Iran pour gagner la Géorgie.

2.9Le 23 avril 2013, la requérante est arrivée en Géorgie et a demandé l’asile le même jour. Le 1er mai 2013, elle a été envoyée au Centre d’accueil de Martkopi, un centre d’hébergement communautaire pour demandeurs d’asile administré par le Ministère des personnes déplacées venues des territoires occupés, de l’hébergement et des réfugiés (ci‑après le « Ministère »). Selon la requérante, ce lieu était un environnement mal géré et hostile, où le personnel soumettait couramment les demandeurs d’asile à des actes de torture et à des brutalités.

2.10Le 3 mai 2013, la requérante aurait été agressée et blessée par une femme souffrant de troubles mentaux et un agent de sécurité agissant à titre officiel. La police ayant été appelée, la requérante a été emmenée au commissariat, où elle s’est trouvée dans une situation « d’urgence médicale sérieuse » suite aux blessures qui lui avaient été infligées. Lorsque les secouristes sont arrivés, le personnel du Ministère aurait refusé qu’ils emmènent la requérante à l’hôpital pour des soins plus poussés et un diagnostic. Les traumatismes subis au niveau de la poitrine et de l’abdomen ont provoqué une menstruation anormale et des saignements abondants pendant des mois, sans qu’elle reçoive de traitement. Le 21 mai 2013, elle a été emmenée à l’hôpital de jour de Martkopi, où on lui a prescrit des antibiotiques et conseillé de revenir le lendemain pour des analyses de sang. Mais le personnel du Ministère a refusé de la ramener au dispensaire pour qu’elle y reçoive un traitement et aurait déclaré que le Ministère n’avait pas de fonds pour acheter ses médicaments. Un fonctionnaire nommé Yagoo l’avait même agressée parce qu’elle demandait copie de son ordonnance afin de se les procurer. La requérante déclare également que le personnel du Ministère a refusé d’acheter la plupart des médicaments qui lui avaient été prescrits pour soigner ses blessures et l’infection qu’elle avait contractée au Centre. On ne lui a pas non plus donné à manger. Le 23 mai 2013, la requérante et d’autres résidents du Centre ont été agressés physiquement par Yagoo et d’autres membres du personnel, qui ont menacé de les mettre dehors, de les jeter en prison et de les expulser. Craignant pour leur sécurité, un demandeur d’asile a appelé la permanence téléphonique d’urgence du Groupe de la protection du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (ci-après le « HCR ») pour signaler les actes d’hostilité subis. Les agents du HCR ont indiqué qu’ils venaient mais ils ne sont arrivés que le lendemain, dans le cadre d’une visite prévue avant les incidents, et sans prendre les mesures nécessaires pour protéger les demandeurs d’asile. Aucune mesure n’a été prise pour répondre à leurs griefs. Le 24 mai 2013, le personnel du Ministère a tenu une réunion avec l’ensemble des demandeurs d’asile du Centre d’accueil de Martkopi et a menacé d’incarcérer et d’expulser la requérante et d’autres demandeurs s’ils signalaient qu’ils avaient été maltraités. La requérante a été avertie que sa demande d’asile serait rejetée.

2.11Le 7 juin 2013, le Directeur du Centre d’accueil de Martkopi a informé la requérante qu’elle serait transférée le 10 juin 2013 dans une petite pièce surpeuplée. Étant donné les conditions de vie insupportables au Centre et comme les agents du Ministère l’avaient avertie qu’ils ne la protégeraient pas si elle était de nouveau agressée, la requérante a informé le Directeur qu’elle était à la recherche d’un appartement afin de pouvoir quitter le Centre pour sa propre sécurité. Le 8 juin 2013, alors qu’elle rassemblait ses effets pour partir, un agent du Ministère nommé Lekso a commencé à la harceler en déclarant qu’elle n’obtiendrait pas l’asile en Géorgie. Il a tenté de lui extorquer de l’argent et a commencé à la frapper. Alertés par ses cris, d’autres résidents sont venus la secourir. Lors de cette agression, la requérante a été blessée à la tête, au visage et aux mains et ses effets ont été volés ou endommagés. Elle a signalé l’incident au HCR et au Ministère. Lorsqu’elle s’est rendue ensuite au Centre des droits de l’homme à Tbilissi, le 18 juillet 2013, le personnel a constaté les blessures causées par Lesko et lui a conseillé de signaler les faits à la police. La requérante craignait les répercussions mais elle a accepté de se rendre au Bureau du Défenseur public de Géorgie, où elle a raconté ce qui lui était arrivé. Elle a également indiqué qu’elle avait envoyé une déclaration écrite au HCR et au Ministère, dans l’espoir qu’ils puissent résoudre la question de façon constructive. Le Bureau du Défenseur public a demandé l’ouverture d’une enquête pénale par l’intermédiaire du Ministère de l’intérieur et du Bureau du Procureur général.

2.12En juillet 2013, le Ministère de l’intérieur a déclaré qu’après examen des faits rapportés dans la lettre du Bureau du Défenseur public, il n’y avait pas lieu de diligenter une enquête pénale. L’affaire a donc été classée. Le Bureau du Défenseur public avait également sollicité l’intervention du Ministère de la justice par l’intermédiaire du Bureau du Procureur général qui, le 27 août 2013, a indiqué qu’il n’y avait pas lieu d’ouvrir une enquête pénale. Le 9 septembre 2013, la requérante a été informée que le Bureau du Défenseur public n’était pas autorisé à prendre d’autres mesures d’ordre juridique et que son affaire était classée.

2.13En juillet 2013 également, la requérante s’est rendue au Centre géorgien pour la réhabilitation psychosociale et médicale des victimes de la torture afin d’y solliciter une aide sur les plans médical et social. À l’époque, le Centre ne disposait pas de fonds suffisants pour répondre à ses besoins médicaux. Elle y est retournée en mai 2015, après qu’on lui eut diagnostiqué un fibrome utérin au centre médical Curation (voir ci-après). Cette fois, le Centre a été en mesure de lui acheter les médicaments qui lui avaient été prescrits pour une durée d’un mois.

2.14En juillet et août 2013, le Centre de réadaptation psychologique pour les victimes de tortures et de violences et les personnes en état de stress post-traumatique a envoyé la requérante dans un centre de diagnostic, où les examens pratiqués ont révélé qu’elle souffrait d’hématomes post-traumatiques à l’abdomen et au foie et d’autres pathologies. En août 2013, la Directrice du Centre a envoyé une demande urgente au Ministère, affirmant que la requérante souffrait de graves problèmes de santé et nécessitait une intervention chirurgicale à brève échéance ainsi qu’une prise en charge de ses frais d’hébergement et dépenses courantes. Le 27 août 2013, le Ministère a répondu en offrant à la requérante l’équivalent de 40 dollars pour l’achat de médicaments destinés à soigner « l’infection qu’elle aurait contractée en utilisant les toilettes du Centre ». Toutefois, la requérante indique qu’elle a refusé cette offre car ses frais médicaux s’élevaient déjà à plus de 2 000 dollars et l’intervention chirurgicale dont elle avait besoin coûtait 1 000 dollars supplémentaires.

2.15Le 8 août 2013, un policier nommé V. T. accompagné d’une interprète s’est présenté au domicile de la requérante pour y recueillir sa déposition. Selon la requérante, en partant, V. T. lui aurait touché le sein et lui aurait souri. Puis, les 14 et 28 août 2013, il serait venu seul chez elle pour la torturer et la violer sous la menace d’une arme à feu. La requérante considère que ces actes lui ont été infligés à titre de représailles pour la punir, l’intimider, l’humilier et lui causer une angoisse mentale et physique insupportable, parce qu’elle s’était plainte des actes de torture et des brutalités auxquels s’étaient livrés des agents de l’État.

2.16La requérante a signalé ces incidents au Bureau du Défenseur public, au Bureau du Procureur général et au Ministère de l’intérieur. Ses démarches n’ont toutefois pas eu de suite positive et aucune enquête n’aurait été ouverte. Elle a même été humiliée au cours de l’interrogatoire concernant son viol au Bureau du procureur du district de Rustavi. Parce qu’elle avait signalé avoir été violée, les enquêteurs du Bureau du procureur se sont livrés à des représailles en pénétrant dans son appartement en son absence, en manipulant et endommageant son ordinateur, en la suivant, en l’intimidant et en la harcelant. La police a également menacé ses voisins. Elle a signalé ces faits au Groupe de la protection du HCR mais n’a reçu aucune réponse.

2.17Le 24 janvier 2014, le Ministère a rejeté la demande de la requérante sollicitant le statut de réfugiée et la protection humanitaire, faute de preuves de persécution dans son pays d’origine. Le Ministère n’a pas pris en considération les allégations selon lesquelles elle avait été menacée par le personnel de l’Agence nationale nigériane. Le Ministère a également relevé que la requérante avait refusé de divulguer le contenu des courriels échangés avec l’Ambassadeur du Nigéria. Il a estimé que les problèmes de la requérante au Mali résultaient d’un désaccord financier entre celle-ci et des responsables locaux quant au remboursement des frais qu’elle avait encourus pour l’hébergement des victimes alléguées de la traite originaires du Nigéria.

2.18Le 1er mars 2014, le HCR a adressé la requérante à un centre de santé, où on lui a prescrit des antalgiques. L’ordonnance a été envoyée au Ministère, dont les fonctionnaires ont insulté et menacé la requérante, et ont refusé de lui donner les médicaments jusqu’à ce que le HCR intervienne de nouveau, le 14 mars 2014. Après les avoir pris, la requérante s’est sentie mal mais le Ministère a refusé de l’emmener à l’hôpital en invoquant le manque de fonds. Un examen médical effectué par l’équipe du HCR à Tbilissi en juillet 2014 a permis de diagnostiquer chez la requérante un cancer de l’utérus en cours de métastase. La requérante note que la plupart des demandeurs d’asile hébergés au Centre d’accueil de Martkopi ont été atteints d’un cancer ou d’une autre maladie mortelle.

2.19Le 5 mars 2014, la requérante a porté plainte auprès du département du Ministère de l’intérieur chargé d’enquêter sur les comportements répréhensibles des fonctionnaires de police pour demander qu’une enquête soit ouverte sur le viol et les menaces contre sa vie qu’elle avait subis de la part du policier V. T. Le 14 mars 2014, sa plainte a été transmise au Bureau du procureur du district de Rustavi aux fins d’enquête pénale. Le 21 mars 2014, la requérante a été convoquée pour être entendue par le procureur. Au cours de l’audition, celui-ci se serait montré très agressif à son égard et l’aurait humiliée. En particulier, la requérante a proposé de décrire des signes particuliers sur le corps de V. T. permettant d’identifier le policier mais le procureur a refusé qu’elle le fasse. Le 5 avril 2014, le procureur est venu inspecter l’appartement de la requérante et le 8 juillet 2014, elle a de nouveau été convoquée au Bureau du procureur, mais elle n’a par la suite plus eu aucune nouvelle du déroulement de l’enquête.

2.20En avril 2014, la requérante a porté plainte contre le Bureau du procureur de Rustavi pour entrave à la justice auprès de la Division de la protection des droits de l’homme du Bureau du Procureur général, mais elle n’a pas été informée de la suite donnée à sa plainte.

2.21Le 8 mai 2014, le tribunal municipal de Tbilissi a rejeté l’appel de la requérante contre la décision du Ministère la déboutant de sa demande d’asile au motif qu’elle n’avait pas apporté la preuve qu’elle était persécutée dans son pays d’origine. Ce jugement a été confirmé par la cour d’appel de Tbilissi le 24 novembre 2014 puis par la Cour suprême le 22 octobre 2015.

2.22Le 7 juillet 2014, la requérante a porté plainte auprès du Procureur général de Géorgie et du procureur du district de Rustavi concernant le traitement de son affaire par le Bureau du procureur du district de Rustavi et elle a demandé à avoir accès à son dossier. Le 27 juillet 2014, elle a été informée par le procureur chargé de son affaire (par. 2.19) qu’elle n’avait droit à aucune information concernant l’enquête ou le rapport de la police.

2.23Le 7 juillet 2014 également, la requérante a écrit au Ministère de l’intérieur pour signaler les sévices commis par le policier V. T. mais elle a été informée, le 21 juillet 2014, que sa plainte avait été transmise au Bureau du procureur régional.

2.24Le 1er octobre 2015, la requérante s’est rendue au commissariat central de Tbilissi pour déposer plainte contre le personnel du Centre des droits de l’homme. Toutefois, lorsqu’elle a été interrogée, les policiers auraient déformé ses paroles et l’auraient menacée. Le 18 octobre 2015, elle a signalé ces menaces au département de l’inspection des services, qui n’a pas donné suite.

Teneur de la plainte

3.1La requérante affirme que son renvoi au Nigéria constituerait une violation de l’article 3 de la Convention par la Géorgie, dans la mesure où elle craint d’être victime d’actes de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants aux mains des autorités nigérianes. Elle craint également pour sa vie à son retour et redoute d’être victime d’une arrestation arbitraire.

3.2La requérante craint en outre que les autorités nigérianes ne mettent à exécution les nombreuses menaces contre sa vie et l’intégrité de sa personne dont elle a fait l’objet au Mali et aux Émirats arabes unis parce qu’elle est intervenue pour défendre les droits des femmes arrêtées au Mali et renvoyées de force au Nigéria. Elle demande également à l’État partie de la protéger contre de nouvelles agressions et de lui fournir le traitement médical urgent que nécessite son cancer. Elle affirme avoir été victime de tortures et de brutalités au centre d’accueil.

3.3La requérante fait valoir que le Ministère a délibérément compromis sa demande d’asile à titre de représailles, en fournissant et en utilisant des informations falsifiées et dénuées de pertinence pour statuer sur cette demande et en omettant les circonstances factuelles et les éléments essentiels qui prouvent que le Gouvernement nigérian représentait et représente un danger pour sa vie. La Cour suprême a rejeté son appel en invoquant une modification du Code de procédure administrative géorgien. Cette modification avait pris effet trois mois auparavant et, selon la requérante, avait pour but de lui porter préjudice. De plus, la cour d’appel de Tbilissi n’a pas respecté le délai fixé pour statuer sur son appel puisqu’il lui a fallu six mois, et non cinq jours, pour rédiger son verdict. Ce retard aurait empêché la requérante de saisir la Cour suprême afin que celle-ci se prononce avant la modification de la loi. En outre, les tribunaux ont délibérément ignoré les faits probants qu’elle a présentés à l’appui de sa demande d’asile et n’ont pas tenu compte de la situation générale dans son pays d’origine.

3.4Invoquant les articles 12 et 13 de la Convention, la requérante dénonce l’absence d’enquête officielle sur les actes de torture qu’elle dit avoir subis de la part d’un responsable nommé L. au Centre d’accueil de Martkopi. Au lieu de la protéger contre de nouvelles agressions, le département de la police, à titre de représailles parce qu’elle avait porté plainte auprès du Bureau du Défenseur public, a envoyé le policier V. T. la brutaliser et la violer les 14 et 28 août 2013.

3.5La requérante accuse l’État partie d’être la cause de son cancer et de l’avoir empêchée de recevoir le traitement médical vital dont elle a besoin. Elle formule également à l’encontre de l’État partie les accusations suivantes : il bloque toute sa correspondance ; il ne lui fournit ni nourriture ni chauffage ; il ne l’autorise pas à effectuer des opérations bancaires ; il bloque son accès à Internet ; il retarde délibérément le versement de l’allocation mensuelle qu’elle reçoit au titre d’un projet du HCR ; il a saisi les fonds que lui avait fournis le HCR pour s’acheter des vêtements ; il a perquisitionné illégalement son appartement ; il l’a empoisonnée ; il l’empêche d’exercer son droit d’avoir des contacts avec d’autres personnes ; et il intercepte et efface ses courriels. Elle affirme en outre qu’elle est suivie dès qu’elle quitte son appartement et déclare que le Défenseur public de Géorgie est corrompu et couvre les actes de torture et de discrimination dont elle est victime.

3.6La requérante soutient en outre que le personnel du HCR à Tbilissi était parfaitement au courant des violences subies par les demandeurs d’asile au Centre d’accueil de Martkopi et était complice de la dissimulation de ces agressions brutales. Elle affirme que le HCR en Géorgie est une organisation très corrompue qui a violé son mandat − protéger et ne pas nuire − et se livre à ses activités criminelles illicites au su de l’Inspecteur général du HCR à Genève, qui laisse faire, et qui n’a pas tenu compte de la plainte de la requérante ni de celles d’autres demandeurs d’asile.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 5 septembre 2016, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication.

Observations sur les faits

4.2Selon l’État partie, le premier désaccord entre la requérante et la police malienne est survenu lorsqu’on lui a demandé de livrer de la nourriture au commissariat où les victimes de la traite se trouvaient. La requérante soutenait que les victimes étaient censées être hébergées dans les locaux de son organisation, et non au commissariat. Elle a informé l’ambassade du Nigéria de cette situation mais a continué de livrer de la nourriture aux victimes pendant cinq jours à ses frais, la police malienne ayant promis de la rembourser. Plusieurs jours après, elle a appris à la lecture d’un article de la British Broadcasting Corporation que les victimes de la traite avaient été renvoyées au Nigéria par avion. Pensant que la requérante avait déjà été remboursée par l’ambassade du Nigéria, la police malienne lui a demandé de rendre les fonds qu’elle lui avait remis.

4.3En ce qui concerne la procédure en Géorgie, l’État partie fait valoir qu’après un entretien avec la requérante le 18 octobre 2013 puis le 21 janvier 2014, le Ministère ne lui avait pas accordé le statut de réfugiée ni la protection humanitaire parce qu’il considérait que sa crainte d’être persécutée au Nigéria n’était pas fondée sur des motifs objectifs. Il n’acceptait pas les allégations de la requérante concernant les menaces de mort qu’elle aurait reçues des fonctionnaires de l’Agence nationale nigérianeparce que c’était précisément cet organe qui avait mené avec les forces de police maliennes une opération spéciale visant à libérer les femmes nigérianes victimes de la traite de personnes. En fait, l’Agence nationale nigérianeet la requérante avaient conclu un accord de droit privé qui prévoyait en particulier que la requérante était chargée de nourrir ces femmes. Selon les éléments de preuve communiqués par la requérante au Ministère, l’Agence nationale nigérianel’avait bel et bien remboursée. En outre, en cas de désaccord, il s’agirait d’un litige privé entre parties à un contrat, et non d’une persécution. De surcroît, rien ne prouvait que la requérante était persécutée, ou craignait avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions et, en raison de cette crainte, n’était pas en mesure de retourner dans son pays d’origine ou de jouir de la protection de ce pays. La décision de rejet de la demande mentionnait également que lors d’un entretien, la requérante s’était montrée agressive et ses réponses se contredisaient puisque ses allégations concernant sa persécution par l’Agence nationale nigériane étaient fausses.

4.4En ce qui concerne le recours exercé par la requérante contre la décision du Ministère devant les tribunaux, l’État partie indique que le tribunal municipal de Tbilissi l’a rejeté le 8 mai 2014 au motif que la requérante n’avait produit aucun élément de preuve qui étayerait de façon raisonnable ses allégations quant à une persécution ou un risque dûment établi de persécution. De plus, la requérante n’avait pas coopéré lorsqu’il lui avait été demandé de produire ses courriels ou autres éléments de sa correspondance pour étayer ses dires, déclarant avoir oublié son mot de passe. Par ailleurs, la nature de ses relations avec les autorités nigérianes et maliennes n’était pas claire. Elle a déclaré que les autorités ne lui avaient pas remboursé ses frais ; pourtant, quand le représentant du Ministère lui a demandé pourquoi elle avait indiqué dans sa demande d’asile avoir reçu un paiement, elle a répondu qu’elle ne se souvenait pas pour quelle raison. En outre, le tribunal municipal s’est penché sur les allégations de la requérante selon lesquelles les victimes de la traite étaient détenues dans un commissariat malien et elle avait appris leur libération en lisant un article de la British Broadcasting Corporation. Il a examiné l’article en question et constaté qu’en fait il avait été publié en 2010, et non en 2011 comme le prétendait la requérante. De plus, il n’a pas été établi que celle-ci était sous surveillance en Géorgie et recevait des messages de menaces qui s’effaçaient automatiquement. Quant au fait que la police malienne lui aurait réclamé de l’argent, le tribunal municipal a déclaré qu’il devait être considéré comme relevant d’un différend contractuel et non d’une persécution. Il a donc conclu que les craintes de la requérante étaient subjectives et que le refus de lui accorder le statut de réfugiée ou la protection humanitaire était conforme à la Convention relative au statut des réfugiés et à la législation géorgienne pertinente.

4.5L’État partie indique en outre que le 29 juillet 2014, la requérante a déposé une nouvelle demande auprès du Ministère et demandé à bénéficier de la protection humanitaire sur la base de faits nouveaux, étant donné qu’on lui avait diagnostiqué un fibrome utérin. Le Ministère a réexaminé son cas et la protection humanitaire lui a été accordée le 10 octobre 2014 et a été renouvelée pour un an le 11 septembre 2015. À la date à laquelle l’État partie a présenté ses observations, la requérante jouissait de la protection humanitaire jusqu’au 28 octobre 2016, échéance à laquelle le Ministère se prononcerait sur la prorogation de ce statut pour une année supplémentaire, comme le prévoit la loi géorgienne.

4.6En ce qui concerne l’hébergement de la requérante au Centre d’accueil de Martkopi à partir du 1er mai 2013, l’État partie fait valoir que la requérante bénéficiait d’une aide financière mensuelle en tant que demandeuse d’asile et que, pendant son séjour au Centre, elle avait aussi reçu des médicaments à deux reprises, les 21 et 27 mai 2013. Toutefois, au cours de ce séjour, elle avait eu un comportement agressif et étrange et on lui avait donc proposé une consultation et un examen psychologiques, qu’elle avait refusés. Elle avait également été mêlée à plusieurs incidents avec d’autres résidents du centre et des membres du personnel, qu’elle avait agressés quand ils avaient découvert qu’elle volait le Centre. Elle a décidé de quitter celui-ci le 8 juin 2013. Depuis janvier 2014, après son déménagement dans un appartement privé, le Ministère, en coopération avec le HCR, lui accordait une allocation mensuelle ainsi qu’une aide sociale pour payer son loyer et ses frais de subsistance.

4.7En ce qui concerne l’incident du 3 mai 2013, une enquête a été ouverte quand le service de sécurité du Centre a signalé à la police une bagarre entre deux résidentes partageant une chambre. Arrivée immédiatement sur les lieux, la police a interrogé la requérante et sa compagne de chambre. Apparemment, la requérante écoutait de la musique à la radio alors que l’autre femme voulait faire sa prière. L’examen médico-légal a révélé que la requérante avait blessé l’autre femme en la frappant au visage avec un instrument contondant. Toutefois, quand la requérante et l’autre femme ont été de nouveau interrogées par la police le 22 mai 2013, l’une et l’autre ont déclaré clairement que leur différend était terminé et avait été réglé de manière pacifique. En conséquence, le 28 mai 2013, l’enquête a été close.

4.8Quant à l’incident du 8 juin 2013, l’État partie indique que le 24 juillet 2013, le Bureau du Défenseur public a informé le Bureau du procureur général que la requérante avait déclaré avoir été battue par un membre du personnel du Centre nommé A. G., qui lui avait également réclamé de l’argent au moment où elle partait. Le 2 août 2013, la police a ouvert une enquête. Un inspecteur, V. T., a interrogé la requérante, les deux membres du personnel impliqués et d’autres occupants du Centre. Les deux agents du Centre ont déclaré qu’en réalité c’était la requérante qui avait agressé L. lorsque celui-ci lui avait demandé de rendre des objets appartenant au Centre, ce qui a été confirmé par les registres du service de sécurité ainsi que par le responsable de l’accueil. L. a également indiqué que la requérante s’était montrée particulièrement agressive. C’est ce qu’ont confirmé différents témoins, dont le Directeur du Centre, qui a déclaré que le 3 mai 2013 la requérante avait agressé et blessé sa compagne de chambre et qu’il avait fallu la mettre dans une chambre à part. Le chauffeur de taxi qui avait aidé la requérante lors de son départ du Centre le 8 juin 2013 a déclaré n’avoir remarqué aucun signe de dispute lorsqu’il était venu la chercher, et avoir vu L. aider la requérante à mettre ses bagages dans la voiture. En outre, E. M. qui, aux dires de la requérante, était un témoin oculaire, n’a pas confirmé l’incident. Le passage à tabac qu’aurait subi la requérante le 8 juin 2013 n’a donc pas été confirmé et n’a pas donné lieu à une enquête officielle.

4.9Concernant le viol qu’aurait commis V. T. le 14 août 2013, l’État partie indique que le lendemain, la requérante s’est rendue dans les locaux du Centre de réadaptation psychologique pour les victimes de tortures et de violences et les personnes en état de stress post-traumatique mais n’a pas évoqué cet événement, prétendument parce qu’elle avait honte. C’est seulement après le second viol allégué qu’elle est allée au Bureau du Défenseur public et également au Centre pour porter plainte. Le 6 mars 2014, un employé du HCR l’a aidée à rédiger une déclaration qui a ensuite été transmise à la police. Selon l’État partie, la requérante a déclaré au procureur que V. T. ne l’avait pas forcée à avoir des rapports sexuels avec lui mais qu’elle ne lui avait pas opposé de résistance parce qu’elle avait peur. Le procureur a interrogé la Directrice du Centre, qui a déclaré notamment que lorsqu’elle s’était entretenue avec la requérante, celle-ci ne portait pas de traces de blessures, ajoutant qu’elle avait des doutes quant à la crédibilité de ses allégations de viol.

4.10L’État partie indique en outre que le procureur du service d’enquête de Kvemo Kartli a interrogé V. T. à deux reprises, les 4 avril et 2 juillet 2014. V. T. a rejeté toute accusation de sévices et déclaré qu’il avait d’abord rencontré la requérante en présence d’une interprète puis en présence d’une jeune femme, une invitée de la requérante qui traduisait du géorgien en anglais. Il a également précisé que lorsque la requérante avait affirmé qu’elle n’aimait pas la Géorgie, il lui avait expliqué qu’il portait les traces des blessures par balles reçues au service de son pays, mais qu’à aucun moment de l’entretien il ne s’était dévêtu. Lorsque l’interprète a été interrogée par le procureur, elle a nié que V. T. se soit livré à des violences et a déclaré que c’était la requérante elle-même qui s’était montrée agressive et agitée.

4.11L’État partie indique aussi que le procureur du service d’enquête de Kvemo Kartli a interrogé le Directeur du Centre de Martkopi le 26 mars 2014. Celui-ci a déclaré que le 3 mai 2013, la requérante avait agressé sa compagne de chambre. Le personnel du Centre était intervenu pour tenter de la calmer, puis la police était arrivée et avait interrogé les personnes impliquées, dont la requérante. Le 22 mai 2013, la requérante avait également eu une dispute avec ses voisins et avait demandé au Centre de les expulser. Ensuite, lors de son départ du Centre, elle avait voulu emporter des objets qui lui avaient été prêtés par celui-ci ; le membre du personnel L. s’y étant opposé, elle l’avait agressé physiquement.

4.12Le procureur a également inspecté l’appartement de la requérante et obtenu, sur commission rogatoire, de pouvoir accéder à ses relevés téléphoniques, qui ont révélé plusieurs interactions entre le numéro de la requérante et celui de V. T. entre le 1er août 2013 et le 8 avril 2014. En particulier, des appels avaient été effectués et des textos envoyés depuis le téléphone de V. T. vers celui de la requérante les 8, 14, 19, 26, 27 et 28 août 2013. Lorsqu’il a été interrogé par le procureur le 2 juillet 2014, V. T. a expliqué qu’il enquêtait sur l’affaire et que, comme la requérante ne comprenait pas le géorgien, il l’avait appelée à plusieurs reprises avec l’aide de collègues pour lui expliquer la procédure et les décisions prises, ou pour clarifier tel ou tel point.

4.13L’État partie précise ensuite que les 5 et 7 avril 2014, la requérante a envoyé au procureur des textos agressifs dans lesquels elle déclarait par exemple : « Je vous retrouverai devant un tribunal international. Vous devriez avoir honte de transmettre des informations à un policier violeur », ou encore « L’inspecteur m’a violée et le bureau du procureur géorgien lui communique des informations pour camoufler ce viol. » L’État partie soutient aussi que la requérante a délibérément entravé l’enquête. Ainsi, lorsque le procureur l’a appelée le 30 juin 2014 pour l’informer, avec l’aide d’un interprète, que le Bureau du procureur du service d’enquête de Kvemo Kartli souhaitait l’entendre le 1er juillet 2014, elle a refusé de coopérer à l’enquête.

4.14Le 4 novembre 2014, le procureur a décidé de clore l’enquête sur les allégations de viol formulées par la requérante, étant donné que ni les témoignages recueillis ni l’inspection de l’appartement de l’intéressée n’avaient fourni de preuves d’une agression sexuelle. En outre, les relevés téléphoniques pertinents avaient été passés au crible et n’avaient rien révélé de suspicieux. La requérante n’avait produit aucun texto de menaces émanant de V. T., affirmant qu’elle les avait effacés. Elle avait en outre refusé de coopérer plus avant à l’enquête, déclarant qu’elle ne faisait pas confiance aux autorités géorgiennes. Le procureur avait conclu que V. T. n’avait à aucun moment employé la force ou la menace, ce que même la requérante ne contestait pas. L’interprète avait également nié qu’il y ait eu la moindre menace ou le moindre acte suspicieux de la part de V. T. à l’égard de la requérante. En outre, aux dires de cette dernière, elle avait jeté toutes les preuves matérielles (préservatifs, par exemple) du viol qu’elle affirmait avoir subi. Le procureur a aussi relevé que la requérante avait par le passé fait des déclarations fausses et diffamatoires et eu un comportement agressif.

4.15L’État partie fait valoir que du 1er mai 2014 au 29 février 2016, le Ministère a accordé à la requérante une aide financière d’environ 5 440 dollars. Il a également payé ses examens médicaux et son traitement, déboursant à cette seule fin une somme équivalant à environ 740 dollars entre le 1er mai et le 23 septembre 2014. Les examens médicaux payés par le Ministère avaient permis de diagnostiquer le fibrome utérin dont souffrait la requérante. Une fois trouvé l’hôpital approprié, le Ministère lui avait proposé de subir une intervention chirurgicale dont il prendrait le coût à sa charge mais elle avait refusé.

Observations sur la recevabilité et sur le fond

4.16En ce qui concerne la recevabilité, l’État partie fait valoir que la plainte est manifestement dénuée de fondement et que la requérante n’a pas épuisé les recours internes.

4.17L’État partie considère en outre que les allégations de la requérante sont fausses et représentent un abus du droit de présenter une communication et qu’elles devraient être rejetées conformément à l’article 113 b) du Règlement intérieur du Comité. La requérante n’a produit aucun document ni aucune information propre à prouver les violations alléguées. Les autorités compétentes du pays ont examiné toutes ses allégations et ont mené à leur sujet des enquêtes en bonne et due forme et elle a été en mesure de contester les décisions du Ministère devant la juridiction administrative. Enfin, lorsqu’elle a rempli les conditions définies par la loi, elle s’est vu accorder la protection humanitaire.

4.18Comme susmentionné à propos des enquêtes menées par la police et le procureur suite aux allégations de la requérante, l’État partie réaffirme que ces enquêtes ont démontré que les allégations de sévices au Centre d’accueil et de viol par l’inspecteur V. T. étaient fausses. La requérante a également formulé de fausses allégations concernant l’aide financière dont elle a bénéficié, alors qu’en réalité elle a reçu une aide plus importante que n’importe quel autre demandeur d’asile, le montant de son allocation mensuelle étant au moins deux fois plus élevé que celui de la pension normalement versée en Géorgie. De surcroît, les frais afférents à tous les examens médicaux et aux médicaments dont elle avait besoin ont été intégralement pris en charge par le Ministère.

4.19En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’État partie déclare que la requérante pouvait, en vertu de l’article 106 1 bis) du Code de procédure pénale, contester la décision du procureur de clore l’enquête, d’abord devant le supérieur hiérarchique du procureur puis devant les tribunaux. De plus, il n’y a pas eu d’enquête sur des allégations de torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants car la requérante n’a pas prétendu avoir été torturée.

4.20Sur le fond, l’État partie affirme que les informations fournies par la requérante concernant les circonstances factuelles sont fausses et incohérentes et que rien ne permet de conclure à une violation des articles 1, 2 (par. 1), 3, 12, 13, 14 ou 16 de la Convention.

4.21S’agissant des violations alléguées des articles 1 ou 16, l’État partie affirme qu’aucun acte de torture ou autre traitement cruel, inhumain ou dégradant n’a été infligé à la requérante alors qu’elle était sous la juridiction de la Géorgie. Toutes ses allégations ont fait l’objet d’enquêtes en bonne et due forme qui ont montré l’absence de tout indice d’infraction. De même, il n’y a pas eu de violation de l’article 2 (par. 1) de la Convention puisque la requérante n’a jamais soutenu devant les autorités géorgiennes compétentes être victime de torture ou d’un autre traitement cruel, inhumain ou dégradant alors qu’elle était sous la juridiction de la Géorgie.

4.22Concernant la violation alléguée de l’article 3, l’État partie rappelle que la requérante jouit actuellement de la protection humanitaire et qu’aucune décision n’a donc été prise quant à l’expulsion qu’elle allègue. Le statut de réfugiée ne lui a pas été accordé parce que les motifs invoqués par un demandeur d’asile à l’appui de sa demande sont évalués à la lumière de tous les éléments de preuve pertinents, notamment l’ensemble des informations disponibles sur la situation générale et les conditions dans le pays d’origine, en particulier la question de savoir si des violations graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme y sont commises de manière systématique. Ces informations proviennent de différentes sources, notamment les rapports de pays établis par d’autres gouvernements ainsi que les renseignements émanant du HCR et d’organisations non gouvernementales importantes. En l’espèce, le Ministère et les tribunaux ont dûment examiné les informations fournies par la requérante dans sa demande d’asile mais ont conclu que ses craintes subjectives n’avaient pas de fondement objectif.

4.23Reconnaissant que, selon la jurisprudence du Comité, il n’est pas nécessaire de démontrer que le risque de torture dans le pays d’origine est hautement probable mais que ce risque doit être prévisible, réel, personnel et actuel, l’État partie rappelle qu’en principe il incombe au demandeur d’asile de produire des éléments de preuve établissant qu’il existe des motifs sérieux de croire que, si la mesure contestée était mise à exécution, il courrait un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à la Convention. En outre, l’État partie note qu’il est fréquemment nécessaire d’accorder le bénéfice du doute aux demandeurs d’asile lorsqu’il s’agit d’apprécier la crédibilité de leurs déclarations et des documents produits pour les étayer. Toutefois, en l’espèce, l’État partie insiste sur le fait qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la violation alléguée de l’article 3 de la Convention puisque la requérante bénéficie de la protection humanitaire et ne risque pas d’être expulsée de Géorgie. Par ailleurs, la décision de refuser de lui accorder le statut de réfugiée a été prise conformément à la législation géorgienne et après un examen de sa situation. Comme indiqué précédemment, si les critères sur la base desquels elle s’est vu accorder la protection humanitaire ne sont plus satisfaits, les autorités compétentes réexamineront son statut, comme le prévoit la loi.

4.24Quant aux violations alléguées des articles 12 et 13, l’État partie rappelle que tous les incidents ont fait l’objet d’un examen en bonne et due forme des autorités compétentes et que la requérante n’a pas allégué d’actes de torture ou autre traitement cruel, inhumain ou dégradant devant les autorités géorgiennes. Il rappelle en outre que la requérante avait la possibilité de contester les décisions de clore les enquêtes mais ne s’en n’est pas prévalue. De surcroît, c’est la requérante qui a fréquemment entravé le bon déroulement de l’enquête, en menaçant le procureur et en refusant de faire une déclaration ou de témoigner. Quant à l’indépendance et l’impartialité des personnes qui ont mené les enquêtes, l’État partie précise que le passage à tabac qu’aurait subi la requérante au Centre de Martkopi a fait l’objet d’une enquête du Ministère de l’intérieur, qui est institutionnellement indépendant du Ministère des personnes déplacées venues des territoires occupés, de l’hébergement et des réfugiés. De même, les agressions sexuelles alléguées à l’encontre de l’inspecteur V. T. ont fait l’objet d’une enquête du Bureau du procureur général, institution distincte et indépendante du Ministère de l’intérieur. L’ensemble de la procédure a été conduite avec l’efficacité et l’attention voulues et n’a mis au jour aucun indice d’infraction. En conséquence, l’enquête a été close. Il n’y a donc pas eu violation des articles 12 et 13 de la Convention.

4.25Enfin, après avoir réaffirmé le lien entre les articles 14 et 1 de la Convention, l’État partie fait valoir que, du fait qu’aucun acte de torture n’a été commis contre la requérante alors qu’elle était sous la juridiction de la Géorgie, l’article 14 n’est pas applicable. L’État partie déclare que la requérante a eu pleinement accès aux juridictions nationales, qu’elle s’est vu accorder la protection humanitaire ainsi qu’une aide financière en tant que demandeuse d’asile, et que ses frais d’examens médicaux et de médicaments ont été pris en charge.

Commentaires de la requérante sur les observations de l’État partie

5.1Les 16 mars, 21 avril, 1er juin, 9 août, 5 septembre, 22 octobre, 7 novembre et 5 décembre 2016, la requérante a formulé des commentaires sur les observations de l’État partie. Elle a demandé au Comité de lever les mesures provisoires et de prier l’État partie de l’autoriser à quitter la Géorgie pour se rendre dans un pays tiers qui accepte de la protéger contre la torture. Elle allègue que l’État partie lui inflige encore des tortures. Elle considère que l’article 3 de la Convention protège une personne contre le risque d’être forcée à rester dans un pays à seule fin d’y être soumise à la torture et à la persécution. Elle déclare également que l’État partie a violé les mesures provisoires en envoyant des agents de l’immigration pour l’arrêter.

5.2La requérante déclare que l’État partie, en collaboration avec le Gouvernement des États-Unis, tente de la torturer et de l’assassiner. Elle considère qu’il est bien établi que l’État partie s’efforce de saboter ses communications avec le Comité. Selon elle, l’État partie se livre à des « calculs préjudiciables et frauduleux », et elle le qualifie de « prison tortueuse ». Elle soutient qu’elle est privée de droits fondamentaux tels que les droits à un traitement médical et à l’alimentation, les libertés de culte, d’association et d’aller et venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de recevoir du courrier.

5.3La requérante indique également que le 28 novembre 2016, « un agent de l’État » a pris les clefs de son appartement et l’a agressée brutalement à plusieurs reprises. Elle a appelé la police, qui a refusé d’intervenir, puis le Département de l’immigration. Elle a appelé la permanence téléphonique d’urgence du Groupe de protection du HCR, qui lui a indiqué qu’elle devrait s’adresser au Ministère des personnes déplacées, au Bureau du Défenseur public et au Bureau du procureur général pour demander une protection. En tout état de cause, elle affirme que son agresseur n’a pas été arrêté et que la police n’a pas mené d’enquête en bonne et due forme. Au contraire, selon ses dires, un inspecteur lui a ordonné de retirer sa plainte. Finalement, la police l’aurait forcée à signer une fausse déclaration et lui a refusé la possibilité d’y faire figurer ses propres observations en contestant le contenu.

5.4La requérante dénonce également le fait qu’on pénètre illégalement dans son appartement chaque fois qu’elle sort, qu’on empoisonne sa nourriture, qu’on diffuse des « vapeurs délétères » dans son appartement pour la tuer, que les bruits provenant de l’appartement situé au-dessus du sien troublent son sommeil et sa paix, qu’on la harcèle constamment, qu’on ne l’autorise pas à acheter des médicaments, qu’on entrave ses communications et que sa vie est en danger. Elle maintient que tous les articles de la Convention invoqués dans sa requête ont été violés par l’État partie et réclame 33 millions de dollars à titre d’indemnisation pour les tortures et autres mauvais traitements qu’elle a subis, avec un intérêt annuel de 100 % à titre de pénalités de retard.

5.5En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, la requérante considère qu’elle n’est pas tenue de les épuiser dès lors que la législation géorgienne restreint son droit à des recours et à une procédure régulière au point de le réduire à néant. Elle déclare que l’État partie lui a refusé l’accès aux recours. Elle affirme qu’en raison du manque d’indépendance de la justice résultant « des pratiques corrompues flagrantes et systématiques du Gouvernement », la procédure s’est indûment prolongée et a abouti au classement arbitraire de son affaire. En outre, le Bureau du procureur général n’a pas produit d’élément prouvant qu’il l’avait informée de la clôture des enquêtes pénales et elle affirme avoir appris celle-ci à la lecture des observations soumises par l’État partie au Comité. Il lui était donc impossible de contester une décision dont elle n’avait pas connaissance.

5.6Le 6 février 2017, la requérante a demandé au Comité pourquoi, entre autres, il n’avait pas enjoint à l’État partie de la laisser quitter son territoire, et pourquoi il accordait l’impunité à l’État partie alors que celui-ci continuait de violer ses droits, tentait de la tuer, ne lui accordait pas la protection de la loi et ne lui procurait ni nourriture ni traitement médical.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Le 26 septembre 2017, l’État partie a réaffirmé que la communication devait être déclarée irrecevable du fait de la conduite abusive de la requérante : a) elle contacte les autorités de l’État partie directement, sans passer par le Comité ; b) elle insulte les hauts fonctionnaires de l’État partie en les inondant de spams et de messages déplacés et injurieux ; c) elle ne cesse de fournir au Comité et à l’État partie des informations trompeuses et des récits fictifs et accuse notamment le Gouvernement géorgien, les organisations non gouvernementales locales et internationales, les organismes des Nations Unies (comme le HCR), d’autres États parties et de simples particuliers de mauvais traitements, de traite des personnes, de viols, de terrorisme, etc. Ce faisant, la requérante utilise abusivement les ressources du Comité et de l’État partie.

6.2L’État partie informe le Comité que la requérante continue d’envoyer des messages déplacés aux fonctionnaires de l’État en utilisant leurs adresses de messagerie et leurs numéros de téléphone officiels, que le Gouvernement ne lui a pas communiqués. Le dernier texto en date, reçu le 22 septembre 2017, a été envoyé par la requérante à de multiples destinataires : le Ministère des affaires étrangères ; le Ministère des personnes déplacées venues des territoires occupés, de l’hébergement et des réfugiés ; le Directeur du Département de la représentation de l’État auprès des juridictions internationales du Ministère de la justice ; et différents autres responsables ainsi que des représentants d’organisations internationales. L’État partie considère que le Comité est la seule autorité habilitée à organiser les communications entre les parties en litige et, en dernier ressort, à se prononcer sur la base des informations que celles-ci lui ont soumises selon les modalités appropriées. En conséquence, l’État partie condamne le comportement irresponsable et contraire à l’éthique de la requérante.

6.3En ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle, le 28 novembre 2016 (par. 5.4), elle a été frappée par un particulier « à l’instigation de la République de Géorgie », l’État partie soutient que cette information est fallacieuse. Le 28 novembre 2016, la requérante s’est disputée avec sa propriétaire parce qu’elle n’avait pas payé son loyer. Lorsque le frère de la propriétaire a décidé de prendre la clef, la requérante l’a agressé et a commencé à crier. Il a réagi en la bousculant légèrement. La requérante n’a pas été blessée et n’a subi aucun préjudice. Après l’arrivée de la police, la requérante a confirmé qu’elle n’avait aucun problème avec la propriétaire ou le frère de celle-ci. Ayant analysé l’incident en détail et comme la requérante n’avait pas demandé d’investigations plus poussées, la police a décidé de classer l’affaire.

6.4S’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle elle aurait été insultée par la police le 1er octobre 2015 (par. 2.24) sans que cet incident donne lieu à une procédure disciplinaire, l’État partie fournit des informations démontrant que cette allégation est elle aussi fallacieuse.

6.5L’État partie appelle ensuite l’attention sur la déclaration mensongère de la requérante selon laquelle l’aide sociale lui aurait été arbitrairement refusée. La requérante a en effet reçu l’équivalent de plus de 6 100 dollars au titre de l’aide sociale jusqu’en 2016 mais, depuis lors, elle refuse catégoriquement de présenter son permis de séjour au Ministère alors que cela est indispensable pour recevoir un soutien financier. C’est donc à cause de sa négligence délibérée que la requérante ne perçoit plus d’aide financière. L’État partie ne voit aucune motif rationnel permettant à la requérante de se plaindre d’une situation qu’elle a elle-même créée.

6.6Compte tenu de ce qui précède, l’État partie exprime sa préoccupation la plus profonde face au comportement abusif de la requérante et conclut que déclarer recevable une telle requête, qui est totalement contraire au bon sens, non seulement compromettrait la crédibilité de l’ensemble de la procédure mais porterait aussi atteinte à l’esprit même de la Convention, qui a pour objet de lutter contre les violations les plus graves des droits de l’homme et non de traiter les théories conspirationnistes relevant de la fiction.

6.7Le 7 août 2018, l’État partie a fait savoir que, depuis le 28 octobre 2016, la protection humanitaire dont bénéficiait la requérante avait été prorogée deux fois et que l’intéressée en jouirait jusqu’au 28 octobre 2018, date à laquelle le Ministère envisagerait de nouveau une prorogation d’un an conformément à la législation nationale. L’État partie précise qu’étant donné que la requérante jouit de la protection humanitaire, elle ne fait pas l’objet d’une mesure d’expulsion de Géorgie et qu’il n’a pas l’intention de l’expulser. Il affirme une nouvelle fois que la requérante utilise des termes injurieux à l’égard des autorités géorgiennes.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit déterminer s’il est recevable au regard de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme le paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention lui en fait l’obligation, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.2En ce qui concerne les allégations de la requérante relatives aux abus commis par les fonctionnaires de l’État partie, le Comité note que selon l’État partie, la requête est irrecevable parce que les recours internes n’ont pas été épuisés. Il note que la requérante pouvait, en vertu de la législation nationale, contester la décision du procureur de clore l’enquête sur ses allégations − d’abord devant le supérieur hiérarchique du procureur, puis devant les tribunaux. Le Comité note également l’affirmation de la requérante selon laquelle elle n’a pas contesté les deux décisions de clore les enquêtes parce qu’elle n’en avait pas été informée. Le Comité note en outre que selon l’État partie, la requérante a refusé de participer à différentes enquêtes diligentées dans son affaire, n’a pas formulé d’allégations de torture ou d’autres mauvais traitements devant les autorités nationales et n’a produit ni documents ni informations attestant de tels actes. En conséquence, le Comité conclut qu’en application du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, la partie de la communication se rapportant aux articles 12, 13, 14 et 16 de la Convention est irrecevable parce que les recours internes n’ont pas été épuisés.

7.3Enfin, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la plainte devrait être déclarée irrecevable parce que manifestement dénuée de fondement. Le Comité prend note des allégations de la requérante selon lesquelles elle risque d’être soumise à la torture ou à des mauvais traitements si elle est renvoyée de force au Nigéria. Il constate toutefois que la requérante n’a fourni aucune preuve à cet égard, mais a élaboré ses allégations sur la base de déclarations d’ordre général. Le Comité conclut donc que la communication de la requérante est irrecevable faute d’être suffisamment étayée, conformément à l’article 22 de la Convention et à l’article 107 b) de son règlement intérieur.

8.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 22 de la Convention ;

b)Que la présente décision sera communiquée à la requérante et à l’État partie.