Nations Unies

CRPD/C/SGP/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

5 octobre 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant le rapport initial de Singapour *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport initial de Singapour à ses 606e et 607e séances, les 30 et 31 août 2022. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 620e séance, le 9 septembre 2022.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de Singapour, qui a été établi conformément aux directives concernant l’établissement des rapports, et remercie l’État partie des réponses écrites apportées à la liste de points.

3.Le Comité se félicite du dialogue sincère et fructueux qu’il a eu avec la délégation, à la composition diversifiée et multisectorielle et dans laquelle les ministères compétents étaient représentés.

II.Aspects positifs

4.Le Comité se félicite des mesures que l’État partie a prises pour promouvoir les droits des personnes handicapées et mettre en œuvre la Convention depuis qu’il avait ratifié celle‑ci en 2014. Il accueille avec satisfaction la ratification du Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées, ainsi que :

a)L’adoption du troisième plan directeur d’autonomisation (2017-2022), en 2017 ;

b)L’adoption du quatrième plan directeur d’autonomisation (2022-2030), en 2022 ;

c)La création par l’Autorité du bâtiment et de la construction du fonds pour l’accessibilité, en 2007, et l’adoption du guide pour la conception universelle des lieux publics, en 2016, et du code d’accessibilité du bâti, en 2019, établis par la même autorité ;

d)L’adoption de la loi sur le droit d’auteur, en 2021.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Principes généraux et obligations générales (art. 1er à 4)

5.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que la législation et les politiques nationales ne suivent pas systématiquement le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme et reprennent largement le modèle médical, ce qui entraîne une discrimination systémique fondée sur le handicap ;

b)Que la législation d’application de la Convention se limite à des dispositions sectorielles inconstantes qui n’ont que peu ou pas de relations évidentes entre elles, et qu’aucune législation générale ne vise à garantir que la Convention est appliquée pleinement et de manière cohérente dans tous les domaines ;

c)Que la législation nationale ne contient pas une définition officielle du handicap conforme à l’article 1er de la Convention ni ne fournit une vue harmonisée des mécanismes d’évaluation et de certification du handicap existants ;

d)Que les personnes handicapées, y compris les personnes ayant des handicaps intellectuels, les personnes ayant des handicaps psychosociaux, les personnes autistes et les enfants handicapés, et les organisations qui les représentent ne sont pas étroitement consultées au sujet des lois et politiques d’application de la Convention ni activement associées à leur élaboration et mise en œuvre.

6. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De revoir l’ensemble des lois et politiques relatives au handicap, y compris le troisième plan directeur d’autonomisation, de supprimer de ces textes tous les vestiges du modèle médical du handicap et de les fonder entièrement sur le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme  ;

b) D’adopter une législation générale qui protège les droits des personnes handicapées, en veillant à l’application pleine et cohérente des principes et des droits garantis par la Convention dans tous les domaines  ;

c) D’harmoniser la définition juridique du handicap ainsi que les mécanismes d’évaluation et de certification du handicap dans l’ensemble du système juridique national afin de protéger les droits humains de toutes les personnes handicapées, y compris des personnes ayant des handicaps intellectuels, des personnes ayant des handicaps psychosociaux et des personnes autistes  ;

d) De faire en sorte que les personnes handicapées, y compris les personnes ayant des handicaps intellectuels, les personnes ayant des handicaps psychosociaux, les personnes autistes et les enfants handicapés, et les organisations qui les représentent soient étroitement consultées au sujet des lois et politiques d’application de la Convention et activement associées à leur élaboration et mise en œuvre.

7.Le Comité constate que l’État partie :

a)Maintient ses réserves au sujet des articles 12 4) et 29 a) iii) de la Convention ;

b)N’a pas ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

8. Le Comité invite l’État partie à  :

a) Retirer ses réserves relatives aux articles 12 4) et 29 a) iii) de la Convention  ;

b) Ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

B.Droits particuliers (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination (art. 5)

9.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que la discrimination à l’égard des personnes handicapées ne fait pas l’objet d’une définition complète, qui englobe les formes de discrimination multiples et croisées ;

b)Que le refus d’aménagement raisonnable n’est pas considéré comme constituant une forme de discrimination fondée sur le handicap.

10. Le Comité rappelle son observation générale n o 6 (2018) et les cibles 10.2 et 10.3 des objectifs de développement durable, et recommande à l’État partie  :

a) D’adopter une définition complète de la discrimination fondée sur le handicap qui englobe la discrimination multiple et croisée fondée sur l’âge, la race, le genre, l’origine ethnique, la religion, la langue, l’orientation sexuelle, la nationalité et le statut migratoire ou toute autre situation, et de veiller à ce que les personnes handicapées soient pleinement protégées contre la discrimination  ;

b) De faire en sorte que le refus d’aménagement raisonnable, dans quelque domaine que ce soit, soit reconnu en droit et en pratique comme une forme de discrimination, et d’adopter une définition explicite de l’aménagement raisonnable conforme à l’article 2 de la Convention.

Femmes handicapées (art. 6)

11.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Qu’aucun indicateur ou mécanisme ne sert spécifiquement à la mesure et au suivi des résultats des politiques publiques qui visent à instaurer une égalité inclusive en faveur des femmes et filles handicapées ;

b)Que les lois et politiques sur le handicap ne tiennent pas compte des questions de genre, de même que les lois et politiques sur le genre ne prennent pas en considération les questions de handicap, ce qui ne fait qu’accroître la marginalisation et l’exclusion des femmes et filles handicapées, en particulier des femmes et filles handicapées qui appartiennent à des minorités ethniques et linguistiques, des femmes et filles migrantes handicapées et des femmes et filles touchées par la lèpre, ainsi que la discrimination à leur égard ;

c)Que le cadre législatif national ne réprime pas expressément la discrimination croisée dont les femmes et filles handicapées font l’objet et que l’État partie ne dispose pas de données ni d’études sur lesquelles s’appuyer pour élaborer des mesures permettent de lutter contre cette discrimination ;

d)Qu’aucun programme ne tend à faire davantage participer les femmes handicapées à la vie publique et à la vie politique, et à la prise de décisions au sein d’entités publiques et privées, y compris d’instances judiciaires.

12. Le Comité rappelle son observation générale n o 3 (2016) et l’objectif de développement durable n o 5, et recommande à l’État partie  :

a) D’adopter des critères et des indicateurs qui permettent d’évaluer les progrès accomplis dans l’instauration d’une égalité inclusive en faveur des femmes et filles handicapées dans tous les domaines  ;

b) De prendre systématiquement en considération les droits des femmes et filles handicapées dans l’ensemble des lois, des politiques et des programmes relatifs au genre, en particulier dans la Charte des femmes de 1961, telle que révisée, et dans la loi de 1966 sur l’administration du droit islamique, telle que révisée, et de faire en sorte que les femmes et filles handicapées et les organisations qui les représentent soient étroitement consultées au sujet des lois, des politiques et des programmes en lien avec le genre et le handicap et participent activement à leur élaboration et mise en œuvre  ;

c) De réaliser une analyse intersectionnelle de l’application de la Convention, y compris dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, de la santé et de la justice, dans le cas des femmes et filles handicapées  ;

d) D’adopter des lois et de prendre toutes les mesures complémentaires qui s’imposent pour inclure pleinement les femmes et filles handicapées et les faire participer, en particulier, à la vie politique et à la prise de décisions publiques, y compris dans les organismes publics et le système judiciaire.

Enfants handicapés (art. 7)

13.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Qu’il n’existe pas de stratégie globale de protection des enfants handicapés, en particulier des enfants autistes, des enfants ayant des handicaps intellectuels et des enfants ayant des handicaps psychosociaux, contre la stigmatisation, la discrimination, la violence, les mauvais traitements et le placement en institution ;

b)Que les châtiments corporels sur des enfants sont autorisés par la loi, en violation du droit fondamental de tous les enfants d’être protégés contre les châtiments corporels et autres formes cruelles ou dégradantes de châtiment ;

c)Qu’il n’existe pas de politiques, de dispositifs ni de procédures qui permettent aux enfants handicapés d’être consultés et de d’exprimer librement leur opinion sur toute question les concernant.

14. Le Comité rappelle sa déclaration conjointe avec le Comité des droits de l’enfant sur les droits des enfants handicapés (2022), et recommande à l’État partie  :

a) D’adopter une stratégie globale visant à garantir que les enfants handicapés, y compris les enfants autistes, les enfants ayant des handicaps intellectuels et les enfants ayant des handicaps psychosociaux, sont dûment protégés contre la violence, l’exploitation et la maltraitance, et de faire en sorte que les questions de handicap soient prises en considération dans la loi de 1993 sur les enfants et les jeunes et dans les travaux du Conseil national de la jeunesse  ;

b) De modifier le Code de procédure pénale et d’interdire expressément les châtiments corporels sur les enfants handicapés, sans exception  ;

c) De veiller à ce que la protection des enfants handicapés contre la violence, l’exploitation et la maltraitance soit effective et contrôlée dans tous les contextes, y compris à l’école, et de promouvoir des formes positives, non violentes et participatives d’éducation grâce à des campagnes d’information et des programmes de formation sous des formes accessibles,

d) De mettre en place des politiques, des dispositifs et des procédures qui favorisent la participation effective des enfants handicapés et de faire en sorte que ceux ‑ci puissent exprimer librement leur opinion sur toute question les concernant.

Sensibilisation (art. 8)

15.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que des attitudes discriminatoires, des stéréotypes négatifs et des préjugés perdurent à l’égard des personnes handicapées, en particulier des personnes autistes, des personnes ayant des handicaps intellectuels, des personnes ayant des handicaps psychosociaux et des personnes touchées par la lèpre, dans tous les domaines ;

b)Que rien n’est fait pour sensibiliser la population à la dignité, aux aptitudes et aux droits des personnes handicapées et qu’aucune stratégie à long terme ne tend à sensibiliser aux droits des personnes handicapées et au modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme, avec la participation effective des personnes handicapées et des organisations qui les représentent.

16. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’adopter, en étroite concertation avec les organisations de personnes handicapées et avec la participation active de celles-ci, en particulier des organisations de femmes et filles handicapées, une stratégie nationale visant à mettre en garde et à lutter contre les préjugés à l’égard des personnes handicapées, en particulier des personnes autistes, des personnes ayant des handicaps intellectuels, des personnes ayant des handicaps psychosociaux et des personnes touchées par la lèpre, et de contrôler l’efficacité de cette stratégie  ;

b) De mettre en place des modules de formation et de sensibilisation aux droits des personnes handicapées et au modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme, à tous les niveaux du système éducatif, dans la fonction publique et à l’intention de la population, sous des formes accessibles et avec la participation active des personnes handicapées et des organisations qui les représentent.

Accessibilité (art. 9)

17.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que l’État partie n’a pas pris de mesure globale et efficace, notamment sur le plan législatif, pour s’acquitter de l’intégralité des obligations mises à sa charge par la Convention en ce qui concerne l’accessibilité, et, par exemple, ne s’est pas doté d’une stratégie d’accessibilité globale qui traite notamment de l’accessibilité physique, de l’accessibilité des transports publics et de l’accessibilité des technologies de l’information et de la communication ;

b)Que les services fournis par le système d’interprétation en langue des signes sont insuffisants et que la disponibilité des technologies de synthèse vocale est limitée.

18. Le Comité rappelle son observation générale n o 2 (2014) et recommande à l’État partie  :

a) D’adopter une stratégie nationale d’accessibilité, assortie de délais précis et portant sur tous les domaines visés par la Convention, y compris les transports publics et, par exemple, l’utilisation de chiens guides et d’autres animaux d’assistance, de faire en sorte que des ressources suffisantes lui soient allouées et de veiller à l’efficacité des mécanismes de suivi et de recours  ;

b) D’adopter des lois, des règlements, des politiques et des programmes propres à garantir l’accessibilité, notamment économique, des services d’interprétation en langue des signes, des technologies de synthèse vocale et d’autres technologies de l’information.

Droit à la vie (art. 10)

19.Le Comité constate avec une profonde préoccupation que la peine capitale reste légale dans l’État partie, où les autorités continuent de la prononcer et de l’appliquer à l’égard de personnes ayant des handicaps intellectuels, de personnes ayant des handicaps psychosociaux et de personnes autistes, y compris pour des crimes dans le cadre desquels aucun homicide volontaire n’a été commis. Il constate aussi avec une vive préoccupation qu’une personne ayant un handicap intellectuel a été exécutée en dépit de l’intervention préalable de la Présidente du Comité.

20. Le Comité recommande à l’État partie d’abolir sans délai la peine capitale pour les personnes ayant des handicaps intellectuels, les personnes ayant des handicaps psychosociaux et les personnes autistes, notamment au titre de crimes dans le cadre desquels aucun homicide volontaire n’a été commis, et de cesser immédiatement de prononcer et d’appliquer la peine de mort dans les conditions précitées, conformément aux limites fixées par le droit international. Le Comité engage l’État partie à ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le deuxième Protocole facultatif se rapportant audit Pacte, visant à abolir la peine de mort.

Situations de risque et situations d’urgence humanitaire (art. 11)

21.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que l’État partie ne s’est pas doté de plans, de politiques ni de protocoles complets de prévention et de réduction des risques de catastrophe qui concernent spécifiquement les personnes handicapées ;

b)Que les personnes handicapées ne sont pas suffisamment associées aux plans de réduction des risques de catastrophe et aux plans d’adaptation aux changements climatiques, ce qui est contraire au Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030) et à l’objectif 7 de la Stratégie d’Incheon visant à faire du droit une réalité pour les personnes handicapées en Asie et dans le Pacifique.

22. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’accélérer l’adoption de plans de réduction des risques de catastrophe qui soient inclusifs et accessibles à toutes les personnes handicapées, en particulier aux femmes handicapées, aux enfants handicapés, aux personnes ayant des handicaps intellectuels et aux personnes ayant des handicaps psychosociaux  ;

b) De consulter étroitement les personnes handicapées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, et de les faire participer activement à toutes les étapes de la conception et de la mise en œuvre des plans de réduction des risques de catastrophe et des plans d’adaptation aux changements climatiques, aux niveaux national et local, et d’adopter une stratégie globale conforme au Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030), aux objectifs de développement durable n o s 11 et 13, et à la Stratégie d’Incheon.

23.Le Comité est préoccupé par les effets disproportionnés de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) sur les personnes handicapées, en particulier sur les personnes handicapées placées en institution, notamment victimes de violences et d’abus sexuels, et par les obstacles auxquels les personnes handicapées se heurtent lorsqu’elles cherchent à obtenir des informations d’urgence et des mesures d’accompagnement.

24. Le Comité recommande à l’État partie de se conformer aux orientations du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur la COVID ‑19 et les droits des personnes handicapées et à la note de synthèse du Groupe des Nations Unies pour le développement durable consacrée à l’inclusion du handicap dans la riposte à la COVID-19. Il lui recommande aussi  :

a) De tenir compte du handicap dans ses plans de riposte à la COVID ‑19 et de relèvement et dans ses autres programmes économiques et sociaux visant à lutter contre les effets négatifs de la pandémie, et de protéger les personnes handicapées, en particulier les femmes et filles handicapées, contre les violences et abus sexuels  ;

b) De prendre des mesures pour que, dans une situation d’urgence, les personnes handicapées puissent quitter les institutions dans lesquelles elles ont été placées et bénéficient d’un accompagnement qui leur permette de vivre dans la société, conformément aux lignes directrices du Comité sur la désinstitutionnalisation, y compris dans les situations d’urgence  ;

c) D’associer étroitement les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, y compris les organisations de femmes handicapées, à toutes les étapes de l’élaboration et de l’application des plans de riposte à la COVID-19 et des plans de relèvement  ;

d) De veiller à ce que, dans les situations de risque et les situations d’urgence humanitaire, toutes les personnes handicapées puissent recevoir les informations dont elles ont besoin sous des formes accessibles et sur les appareils électroniques appropriés.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

25.Le Comité constate avec préoccupation que, dans certaines conditions, les personnes handicapées sont privées de leur capacité juridique, et que les personnes ayant des handicaps intellectuels et les personnes ayant des handicaps psychosociaux continuent d’être soumises à des régimes de tutelle et de prise de décisions substitutive, surtout pour ce qui est des décisions médicales, ce qui les prive de leur droit à la reconnaissance de leur personnalité juridique dans des conditions d’égalité.

26. Le Comité rappelle son observation générale n o 1 (2014) et recommande à l’État partie d’accélérer le réexamen de sa législation nationale, notamment de la loi de 2008 sur les capacités mentales, de la loi de 2018 sur les adultes vulnérables, de la loi de 2008 sur la santé mentale (prise en charge et traitement), du Code de procédure pénale et de la loi de 1933 sur les prisons, de façon à garantir le droit de toutes les personnes handicapées, y compris des personnes ayant des handicaps intellectuels et des personnes ayant des handicaps psychosociaux, à la reconnaissance de leur personnalité juridique dans des conditions d’égalité, d’instaurer des mécanismes de prise de décisions accompagnée dans tous les domaines, de prendre toutes les mesures voulues pour assurer un accompagnement individualisé, et de former comme il se doit le personnel concerné.

Accès à la justice (art. 13)

27.Le Comité constate avec préoccupation que les personnes handicapées ont des difficultés à accéder à la justice, notamment en raison des comportements et des préjugés des employés de l’administration et du personnel judiciaire et de leur manque de formation lorsqu’il s’agit d’orienter les personnes handicapées tout au long de procédures administratives et judiciaires complexes, y compris de procédures pénales, et de connaître leurs besoins. Le Comité constate aussi avec préoccupation que les tribunaux ont pour pratique se de fonder uniquement sur des rapports médicaux pour évaluer la nécessité de procéder à des aménagements procéduraux individualisés.

28. Le Comité rappelle les Principes et directives internationaux sur l’accès à la justice des personnes handicapées, qu’il a adoptés en 2020, ainsi que la cible 16.3 des objectifs de développement durable, et recommande à l’État partie  :

a) D’adopter, conformément à la Convention, un plan d’action pour l’accès des personnes handicapées à la justice, ainsi que les mesures juridiques, administratives et judiciaires qui s’imposent pour éliminer toute restriction à la participation effective des personnes handicapées à toutes les étapes des procédures administratives et judiciaires  ;

b) De procéder à des aménagements procéduraux, en fonction de l’âge et du genre des personnes concernées, et notamment de fournir un accompagnement individualisé, afin que les personnes handicapées puissent participer véritablement à toutes les étapes des procédures administratives et judiciaires, dans tous les domaines du droit  ;

c) De mettre au point des moyens d’information et de communication alternatives qui puissent être utilisés tout au long des procédures judiciaires et administratives, tels que le braille, la langue des signes, le langage facile à lire et à comprendre et la transcription audio et vidéo, d’appliquer le principe de conception universelle et d’adopter un plan d’action qui garantisse l’accessibilité physique de tous les bâtiments administratifs et judiciaires  ;

d) De renforcer la formation sur la Convention à l’intention des employés de l’administration, des membres des forces de l’ordre et du personnel judiciaire, y compris des juges.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

29.Le Comité constate avec préoccupation que les personnes handicapées, en particulier les personnes ayant des handicaps intellectuels et les personnes ayant des handicaps psychosociaux, peuvent être privées de liberté en raison de leur handicap.

30. Le Comité rappelle ses directives relatives au droit à la liberté et à la sécurité des personnes handicapées, et recommande à l’État partie  :

a) D’abroger toutes les dispositions législatives permettant que des personnes ayant des handicaps intellectuels et des personnes ayant des handicaps psychosociaux soient privées de liberté contre leur gré en raison de leur handicap ou parce qu’elles sont considérées comme présentant un risque pour elles-mêmes ou pour autrui  ;

b) De légiférer pour garantir la non-discrimination dans toutes les procédures en lien avec la privation de liberté, par exemple en prévoyant des aménagements procéduraux pour les personnes handicapées, notamment pour la préparation des audiences, les interrogatoires et la contestation d’une détention  ;

c) D’interdire expressément que les personnes handicapées, en particulier les personnes ayant des handicaps intellectuels et les personnes ayant des handicaps psychosociaux, soient placées en institution et de protéger effectivement leur droit à la liberté et à la sécurité, dans des conditions d’égalité avec les autres  ;

d) De former les professionnels de la santé, les personnels administratifs et judiciaires, les membres des forces de l’ordre et les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire aux droits des personnes handicapées et aux mécanismes de contrôle afin de garantir le respect des droits des personnes handicapées dans tous les lieux où celles ‑ ci sont privées de liberté.

Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 15)

31.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des personnes handicapées auraient été soumises à des traitements inhumains ou dégradants, tels que l’électroconvulsivothérapie, la contention, la mise à l’isolement, l’exclusion, l’humiliation et la médication forcée, dans des établissements psychiatriques, en raison de leur dangerosité supposée pour elles-mêmes ou pour autrui. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie impose des châtiments corporels aux personnes handicapées.

32. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’abolir toutes les lois, politiques et pratiques qui autorisent que des personnes ayant des handicaps intellectuels et des personnes ayant des handicaps psychosociaux puissent être soumises à des actes de torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants tels que les électrochocs, la contention ou la mise à l’isolement, ou puissent recevoir une médication sans leur consentement personnel libre et éclairé, en raison de leur handicap  ;

b) D’abolir les châtiments corporels sur les personnes handicapées, sans aucune exception  ;

c) De garantir des recours efficaces et accessibles à toutes les personnes handicapées, notamment à celles qui sont placées en institution, dont le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a été violé, de faire en sorte que des enquêtes indépendantes sur ces violations soient menées sans délai, d’accorder réparation aux victimes et de punir les responsables.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

33.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que la population, y compris les personnes handicapées, n’a pas connaissance des mesures visant à protéger les personnes handicapées contre l’exploitation, la violence et la maltraitance, et qu’il n’existe pas de stratégie globale pour lutter contre toutes les formes d’exploitation, de violence et de maltraitance subies par les personnes handicapées, dans tous les contextes, y compris dans le cercle familial, à l’école et sur le lieu de travail ;

b)Que l’État partie n’a pas pris de mesures visant spécifiquement à protéger toutes les femmes et filles handicapées, en particulier les femmes et filles ayant des handicaps intellectuels et les femmes et filles ayant des handicaps psychosociaux, contre toutes les formes de violence fondée sur le genre, qu’il n’y a pas suffisamment de foyers d’accueil accessibles aux femmes et filles handicapées qui sont victimes de violence, d’exploitation et de maltraitance, et que les informations et les données statistiques sur les violences faites aux femmes et filles handicapées et sur les infractions connexes sont limitées.

34. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De prendre des mesures efficaces pour promouvoir la protection des personnes handicapées contre l’exploitation, la violence et la maltraitance  ; d’adopter une stratégie globale propre à prévenir l’exploitation, la violence et la maltraitance visant les personnes handicapées, en particulier les personnes ayant des handicaps intellectuels, les personnes handicapées ayant des handicaps psychosociaux et les personnes handicapées placées en institution  ; de faire en sorte que les personnes handicapées reçoivent des informations sur la manière d’éviter, de reconnaître et de signaler des situations de violence, d’exploitation et de maltraitance  ; de veiller à ce que les personnes handicapées qui sont victimes d’exploitation, de violence ou de maltraitance aient accès à des mécanismes de plainte indépendants et à des voies de recours appropriées, y compris à des mesures de réadaptation  ;

b) De recueillir des données sur la violence, l’exploitation et la maltraitance visant les personnes handicapées afin de mettre en évidence tous les faits de violence fondée sur le genre commis sur des femmes et filles handicapées dans les sphères publique et privée, d’allouer des crédits budgétaires aux services d’accompagnement et aux foyers d’accueil destinés aux femmes et filles handicapées victimes de violence fondée sur le genre, et d’assurer leur accessibilité.

Protection de l’intégrité de la personne (art. 17)

35.Le Comité constate avec préoccupation que la loi de 1974 sur la stérilisation volontaire autorise la stérilisation de personnes handicapées si une décision de justice établit qu’elle est nécessaire dans l’intérêt supérieur de la personne concernée.

36. Le Comité recommande à l’État partie d’abroger la loi de 1974 sur la stérilisation volontaire et de protéger expressément et efficacement les femmes et filles handicapées contre la stérilisation sans leur consentement personnel libre et éclairé.

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

37.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que la population et les pouvoirs publics ne sont guère sensibilisés aux droits qu’ont les personnes handicapées de vivre de manière autonome et d’être incluses dans la société, de choisir où et avec qui elles veulent vivre, et de ne pas être obligées de vivre dans un milieu de vie particulier ;

b)Qu’il est courant que les personnes handicapées soient placées dans des institutions en raison de leur handicap et que de nouvelles institutions, de nouveaux foyers collectifs et de nouveaux foyers et centres d’hébergement pour adultes handicapés sont construits, ce qui prive nombre de personnes handicapées, notamment de personnes autistes, de personnes ayant des handicaps intellectuels et de personnes ayant des handicaps psychosociaux, de leur droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société.

38. Le Comité rappelle son observation générale n o 5 (2017) et ses lignes directrices sur la désinstitutionnalisation, y compris dans les situations d’urgence, et recommande à l’État partie  :

a) De retirer toutes les personnes handicapées de toute forme d’institution, de fournir des services de proximité qui facilitent le plein exercice par toutes les personnes handicapées de leur droit de vivre dans la société et d’en être des membres à part entière, et d’adopter à cette fin une stratégie définissant des objectifs, des échéances et des critères précis  ;

b) D’adopter des programmes visant à sensibiliser largement l’opinion publique aux droits des personnes handicapées de choisir et de décider par elles-mêmes de leur milieu de vie, et de ne pas être obligées de vivre dans un milieu de vie particulier, ainsi qu’à la nécessité fondamentale d’inclure les personnes handicapées dans la société, plutôt que de les en exclure, afin que tous leurs droits soient garantis.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

39.Le Comité constate avec préoccupation que la législation nationale et son application portent atteinte à la liberté d’expression et d’opinion, et à la liberté d’association et de réunion pacifique des personnes handicapées et des organisations qui les représentent, et s’inquiète des informations selon lesquelles des organisations de la société civile subiraient des représailles et seraient soumises à des pressions permanentes parce qu’elles s’emploient à défendre les droits des personnes handicapées.

40. Le Comité rappelle son observation générale n o 7 (2018) et recommande à l’État partie de reconnaître le rôle des organisations de la société civile, en particulier des organisations de personnes handicapées, en tant que défenseurs des droits humains, d’interdire toutes représailles contre des personnes et des organisations et de prendre des mesures efficaces pour protéger le libre - échange d’idées dans l’espace civique. Il recommande également à l’État partie de revoir sa législation nationale, en particulier la loi de 2019 sur la protection contre les mensonges et la manipulation en ligne, la loi de 2021 sur les contre-mesures face à l’ingérence étrangère, la loi de 2016 sur la protection de l’administration de la justice et la loi de 2009 sur l’ordre public, conformément aux observations générales n o 34 (2011) et n o 37 (2020) du Comité des droits de l’homme, et d’adapter en conséquence la jurisprudence de toutes les instances administratives et judiciaires qui l’appliquent.

41.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que la langue des signes singapourienne n’est pas reconnue comme langue officielle ;

b)Que les personnes handicapées ont des difficultés à accéder aux informations et aux communications publiques, notamment sur les sites Web et dans les services de médias, et qu’il n’existe pas de normes juridiquement contraignantes en matière d’information et de communication qui garantissent l’accessibilité des informations rendues publiques sur les sites Web et les services de médias non étatiques.

42. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De reconnaître la langue des signes singapourienne comme langue officielle et de favoriser l’accessibilité et l’utilisation de la langue des signes dans tous les domaines, de garantir la disponibilité d’interprètes en langue des signes qualifiés, et de veiller à la consultation étroite et à la participation active de la communauté sourde, en particulier dans les écoles, les universités et dans d’autres lieux d’enseignement  ;

b) D’adopter des normes juridiquement contraignantes en matière d’information et de communication pour les sites Web et les services de médias, publics et privés, afin que les informations fournies au public soient accessibles à toutes les personnes handicapées.

Respect de la vie privée (art. 22)

43.Le Comité s’inquiète de la protection des données des personnes handicapées dans le système de soins de santé, notamment dans les cabinets privés, les hôpitaux et les institutions. Il s’inquiète également des pratiques qui obligent les personnes handicapées à faire état de leur handicap dans leurs relations avec des entités privées, dont des employeurs et des sociétés d’assurance.

44. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer sensiblement sa législation sur la protection des données pour les personnes handicapées, en particulier dans le système de soins de santé, en faisant en sorte que le traitement des données soit subordonné au consentement libre et éclairé de la personne concernée ou réponde à un motif légitime et non discriminatoire prévu par la loi, que les données soient recueillies à des fins explicites, précises et légitimes et ne soient pas utilisées de manière incompatible avec ces fins, qu’elles soient traitées sans discrimination et de manière licite, équitable et transparente, et que, dans le cas où il en est fait une utilisation abusive, la personne concernée ait droit à un recours effectif.

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

45.Le Comité constate avec préoccupation qu’en étant privées de leur droit à la reconnaissance de leur personnalité juridique dans des conditions d’égalité, les personnes ayant des handicaps intellectuels et les personnes ayant des handicaps psychosociaux ne peuvent pas se marier, ni exercer leurs droits familiaux et parentaux, ni adopter des enfants sur la base de l’égalité avec les autres dans l’État partie.

46. Le Comité recommande à l’État partie de lever tous les obstacles qui empêchent les personnes ayant des handicaps intellectuels et les personnes ayant des handicaps psychosociaux, lorsqu’elles sont privées de leur capacité juridique, de contracter un mariage, d’exercer leurs droits familiaux et parentaux, et d’adopter des enfants sur la base de l’égalité avec les autres.

Éducation (art. 24)

47.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que l’éducation inclusive n’a guère progressé, que les écoles et classes spécialisées sont encore la norme pour les élèves considérés comme ayant des « besoins particuliers légers à modérés », et que l’accès à l’éducation inclusive est quasiment impossible pour les enfants ayant besoin d’un accompagnement plus poussé ;

b)Que les certificats scolaires des élèves handicapés indiquent que les programmes d’études ont été adaptés, ce qui peut être à l’origine de préjugés et d’actes de discrimination parmi les employeurs potentiels ;

c)Que les éducateurs, les enseignants et le personnel non enseignant sont insuffisamment formés au droit à l’éducation inclusive, et que les programmes de sensibilisation au handicap dans le cadre de l’éducation du caractère et de l’instruction civique ne respectent pas le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme.

48. Le Comité rappelle son observation générale n o 4 (2016) et la cible 4.5 des objectifs de développement durable, et recommande à l’État partie  :

a) D’élaborer une stratégie pour une éducation inclusive de qualité qui profite à tous les élèves handicapés, y compris les élèves ayant des handicaps intellectuels, les élèves ayant des handicaps psychosociaux et les élèves autistes, qui prévoit des objectifs, des délais et un budget précis, et qui s’applique à tous les niveaux d’enseignement, y compris l’enseignement supérieur et l’enseignement professionnel  ;

b) De supprimer des certificats scolaires des élèves handicapés toute information sur l’adaptation des programmes et de faire plus pour fournir un accompagnement individualisé et des aménagements raisonnables dans le cadre éducatif, notamment en allouant des ressources financières, afin que tous les élèves handicapés soient pleinement inclus dans les écoles ordinaires  ;

c) D’assurer, à tous les niveaux, la formation continue des éducateurs, des enseignants et du personnel non enseignant à l’éducation inclusive, y compris la formation au langage des signes et à d’autres formes accessibles d’information et de communication, dont le braille et le langage facile à lire et à comprendre, et de veiller à ce que les programmes de sensibilisation respectent le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme.

Santé (art. 25)

49.Le Comité accueille avec satisfaction l’annonce par l’État partie du retrait de sa réserve à l’article 25 e) de la Convention dès l’adoption des directives à l’intention des assureurs privés. Cependant, il constate avec préoccupation :

a)Que les personnes autistes rencontrent des difficultés lorsqu’elles cherchent à bénéficier des régimes privés d’assurance maladie et d’assurance vie et des conditions associées ;

b)Que les personnes handicapées, en particulier les femmes et filles handicapées, y compris les femmes et filles ayant des handicaps intellectuels et les femmes et filles ayant des handicaps psychosociaux, ont des difficultés à accéder aux services de santé sexuelle et procréative ;

c)Que les prestataires de services de santé et le personnel médical ne sont pas sensibilisés aux droits des personnes handicapées et qu’il n’y a pas de formes accessibles de communication avec les usagers des services de santé ;

d)Que les personnes handicapées, en particulier celles qui se trouvent dans des lieux de privation de liberté, ont eu des difficultés à bénéficier de soins de santé pendant la pandémie de COVID-19.

50. Le Comité engage l’État partie à retirer ses réserves au sujet de l’article 25 e) de la Convention, comme prévu. Il rappelle les liens entre l’article 25 de la Convention et les cibles 3.7 et 3.8 des objectifs de développement durable, et recommande à l’État partie  :

a) D’adopter une législation garantissant que toutes les personnes handicapées, y compris les personnes ayant des handicaps intellectuels, les personnes ayant des handicaps psychosociaux et les personnes autistes, aient accès à l’assurance maladie et à l’assurance vie sur la base de l’égalité avec les autres, et bénéficient des mêmes conditions, sans discrimination  ; de mettre en place un mécanisme de contrôle efficace et des mesures adéquates pour faire appliquer cette législation, et de prévoir des recours et des sanctions en cas de non-respect  ;

b) De donner accès à des services de santé sexuelle et procréative aux personnes handicapées, en particulier aux femmes et filles handicapées, dans des conditions d’égalité avec les autres et de faire en sorte que les femmes ayant des handicaps intellectuels et les femmes ayant des handicaps psychosociaux soient accompagnées dans leur prise de décisions afin qu’elles puissent exercer leurs droits en matière de sexualité et de procréation et leur droit de disposer d’elles-mêmes  ;

c) D’élaborer, à l’intention des professionnels de la santé, une formation aux droits des personnes handicapées, notamment aux aptitudes de ces personnes, aux mesures d’accompagnement et aux moyens et méthodes d’information et de communication, et de fournir aux personnes handicapées, en particulier aux personnes ayant des handicaps intellectuels, aux personnes ayant des handicaps psychosociaux et aux femmes et aux filles handicapées, des renseignements sous des formes accessibles, comme le braille, la langue des signes et le langage facile à lire et à comprendre  ;

d) De faire en sorte que toutes les personnes handicapées, y compris celles qui sont privées de liberté, bénéficient de l’ensemble des services de soins de santé mis à la disposition de la population pendant la pandémie de COVID ‑19, et aient un accès prioritaire aux services de diagnostic, de vaccination et de traitement curatif.

Travail et emploi (art. 27)

51.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que les personnes handicapées sont plus touchées par le chômage que le reste de la population, sont surreprésentées dans les emplois peu rémunérés et sont ségréguées dans des établissements de travail protégés ;

b)Que les lignes directrices tripartites pour des pratiques d’emploi équitables et progressives ne contiennent pas de définition du handicap ni une interprétation claire et appropriée de la discrimination indirecte, et que l’Alliance tripartite pour des pratiques d’emploi équitables et progressives ne dispose pas d’un mécanisme efficace de mise en œuvre et de suivi ;

c)Que, malgré les ressources allouées au titre du programme « Porte ouverte », les mesures visant à promouvoir l’emploi des personnes handicapées ne suffisent pas à garantir l’accès des personnes ayant des handicaps intellectuels, des personnes ayant des handicaps psychosociaux et des personnes autistes au marché du travail ordinaire, dans des conditions d’égalité avec les autres ;

d)Que la compétence des juridictions prud’homales est limitée aux plaintes relatives aux salaires et aux licenciements abusifs, et qu’il n’existe pas de procédures accessibles et confidentielles pour signaler les violations du droit du travail subies par les personnes handicapées ;

e)Que les employeurs sont freinés dans le recrutement de personnes handicapées par des barrières comportementales, ne sont pas suffisamment sensibilisés aux questions de handicap et sont réticents à effectuer des aménagements raisonnables et à appliquer le principe de conception universelle.

52. Le Comité rappelle son observation générale n o 8 (22) et la cible 8.5 des objectifs de développement durable, et recommande à l’État partie  :

a) D’adopter une législation ainsi que des politiques assorties d’échéances et de critères de référence qui garantissent que les personnes handicapées aient accès à des emplois ordinaires, dans les secteurs privé et public, sur la base de l’égalité avec les autres, et de prendre des mesures pour supprimer les établissements de travail protégés  ;

b) De procéder à une révision approfondie des lignes directrices tripartites sur les pratiques d’emploi équitables et progressives, notamment en établissant une définition complète du handicap, en interdisant la discrimination directe et indirecte et en reconnaissant le refus d’aménagement raisonnable comme une forme de discrimination interdite, et de doter l’Alliance tripartite pour les pratiques d’emploi équitables et progressives d’un mécanisme efficace de mise en œuvre et de suivi afin d’offrir des recours en cas de non-respect des lignes directrices  ;

c) De renforcer le programme « Porte ouverte » afin de fournir un accompagnement à plus long terme, en particulier aux personnes handicapées qui quittent une institution, aux personnes autistes, aux personnes ayant des handicaps intellectuels et aux personnes ayant des handicaps psychosociaux  ;

d) D’étendre la compétence des juridictions prud’homales à toutes les plaintes concernant des violations du droit des personnes handicapées au travail et à l’emploi, et de mettre en place un mécanisme accessible pour signaler ces violations en toute confidentialité  ;

e) De s’employer à lever les barrières comportementales parmi les employeurs privés et publics et d’appliquer le principe de conception universelle dans tous les lieux de travail.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

53.Le Comité constate avec préoccupation que des personnes handicapées n’ont pas de revenu régulier et qu’aucun système global de protection sociale ne leur garantit, à elles et à leur famille, un niveau de vie adéquat, par exemple en compensant les dépenses liées au handicap.

54. Le Comité rappelle les liens entre l’article 28 de la Convention et la cible 10.2 des objectifs de développement durable − qui visent tous deux à promouvoir et à garantir l’inclusion économique de toutes les personnes handicapées, y compris des personnes ayant des handicaps intellectuels, des personnes ayant des handicaps psychosociaux et des personnes autistes − et recommande à l’État partie d’adopter un cadre juridique complet et d’allouer des ressources financières pour assurer une protection sociale à long terme aux personnes handicapées qui sont dans l’incapacité financière de réaliser leur droit à un niveau de vie suffisant.

Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)

55.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que les personnes handicapées, notamment les femmes handicapées, sont peu représentées dans la vie politique et la vie publique et participent peu à la prise de décisions ;

b)Que les bureaux de vote, les procédures de vote, les équipements et les matériels électoraux (imprimés et en ligne) ainsi que les informations générales concernant les élections, y compris les débats publics et les programmes électoraux, ne sont pas accessibles aux personnes handicapées, en particulier aux personnes malvoyantes, aux personnes malentendantes et aux personnes ayant des handicaps intellectuels ;

c)Que des organisations de personnes handicapées et leurs membres auraient fait l’objet d’intimidations, de violences et de représailles pour avoir vivement critiqué les politiques publiques relatives aux personnes handicapées ;

d)Que des organisations de personnes handicapées et leurs représentants auraient fait l’objet d’intimidations et de représailles pour avoir participé à la procédure d’établissement des rapports de l’État partie.

56. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De favoriser la participation des personnes handicapées, notamment des femmes handicapées, à la prise de décisions politiques et publiques, à tous les niveaux, et à la vie politique en général  ;

b) De veiller à ce que les procédures de vote, les équipements et les matériels électoraux (imprimés et en ligne) soient disponibles sous toute forme accessible, dont le braille, la langue simplifiée, le langage facile à lire et comprendre et la langue des signes, ou sur des sites Web accessibles  ;

c) De faire en sorte que toutes les organisations de personnes handicapées et leurs membres puissent participer à la vie politique et à la vie publique sur la base de l’égalité avec les autres, indépendamment de leur opinion sur les mesures prises par les autorités pour la mise en œuvre de la Convention, et ne subissent pas d’intimidations, de violences ou de représailles de la part du Gouvernement ou d’autres entités publiques  ;

d) De veiller à ce que les représentants de toutes les organisations de personnes handicapées, indépendamment de leur opinion sur les mesures prises par les autorités pour la mise en œuvre de la Convention, puissent participer à la procédure d’établissement des rapports de l’État partie sans crainte d’intimidations, de violences ou de représailles.

C.Obligations particulières (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte des données (art. 31)

57.Le Comité prend note que l’État partie a fait quelques progrès en matière de collecte de données, par exemple en utilisant le bref questionnaire du Groupe de Washington sur le handicap dans la campagne nationale de recensement de 2020, mais constate avec préoccupation :

a)Que de sérieuses lacunes subsistent dans la collecte de statistiques et de données ventilées sur les personnes handicapées dans tous les domaines visés par la Convention, en particulier en ce qui concerne le travail, l’emploi, l’éducation et la privation de liberté ;

b)Qu’il n’existe pas d’étude systématique et exhaustive des conditions de vie des personnes handicapées et des obstacles que celles-ci rencontrent dans l’exercice de leurs droits.

58. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que le bref questionnaire du Groupe de Washington sur le handicap et le marqueur de l’inclusion et de l’autonomisation des personnes handicapées créé par le Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques soient utilisés dans tous les programmes de collecte de données, compte tenu du contexte local, et de prévoir une formation à l’interprétation des données. Il lui recommande également  :

a) De renforcer son système de collecte de données sur les personnes handicapées de manière à recueillir des données qui soient ventilées en fonction de l’âge, du sexe, de l’orientation sexuelle, du genre, de la race, de l’origine ethnique, du revenu, du statut migratoire, du niveau d’éducation, de la situation professionnelle et du lieu de résidence et qui portent sur tous les domaines, et de garantir la confidentialité de ces données et le respect de la vie privée des personnes handicapées  ;

b) D’allouer des fonds pour mener régulièrement des études sur les droits des personnes handicapées afin de déterminer ce qui empêche leur réalisation  ;

c) De financer des études indépendantes, à la fois quantitatives et qualitatives, qui permettront d’orienter les politiques et les mesures destinées à garantir les droits des personnes handicapées, et de faire en sorte que les personnes handicapées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, soient consultées étroitement au sujet des programmes de collecte de données et participent activement à toutes les étapes de leur planification, de leur conception et de leur mise en œuvre.

Coopération internationale (art. 32)

59.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’associe pas systématiquement les organisations de personnes handicapées à la planification, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des activités de coopération internationale.

60. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures afin que les personnes handicapées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, soient consultées au sujet des programmes de coopération internationale et participent effectivement à leur planification, à leur mise en œuvre, à leur suivi et à leur évaluation, et soient notamment associées à l’exécution du Programme de développement durable à l’horizon 2030, de la Stratégie d’Incheon et du plan directeur d’autonomisation pour 2025 établi par l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

61.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore désigné de mécanisme de suivi indépendant et ne dispose pas d’une institution nationale des droits de l’homme accréditée par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme. Il constate aussi avec préoccupation que les personnes handicapées ne sont pas suffisamment associées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, au suivi de l’application de la Convention.

62. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De créer une institution nationale des droits de l’homme et de se doter d’un système de suivi, composé d’un ou de plusieurs mécanismes indépendants, conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), et ayant le statut d’accréditation « A » auprès de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme  ;

b) De faire en sorte que des organisations de la société civile, en particulier diverses organisations de personnes handicapées, y compris des organisations de personnes handicapées très critiques sur les politiques publiques relatives au handicap, soit associée au suivi de l’application de la Convention et y participe pleinement.

IV.Suivi

Diffusion de l’information

63. Le Comité insiste sur l’importance de toutes les recommandations figurant dans les présentes observations finales. En ce qui concerne les mesures à prendre d’urgence, il tient à appeler l’attention de l’État partie sur les recommandations figurant aux paragraphes 20 (droit à la vie), 38 (autonomie de vie et inclusion dans la société), 40 et 42 (liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information).

64. Le Comité demande à l’État partie de mettre en œuvre les recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il lui recommande de transmettre les présentes observations finales, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux responsables des différents ministères, aux autorités locales et aux membres des professions concernées tels les professionnels de l’éducation, de la santé et du droit, ainsi qu’aux médias, en utilisant pour ce faire les stratégies de communication sociale modernes.

65. Le Comité encourage vivement l’État partie à associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l’élaboration de ses rapports périodiques.

66. Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organisations non gouvernementales et des organisations de personnes handicapées, ainsi qu’auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs proches, dans les langues nationales et minoritaires, notamment en langue des signes, et sous des formes accessibles telles que des supports faciles à lire et à comprendre. Il lui demande aussi de les diffuser sur le site Web public consacré aux droits de l’homme.

Prochain rapport périodique

67. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre son rapport valant deuxième à quatrième rapports périodiques le 18 octobre 2027 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il invite l’État partie à envisager de soumettre ce rapport en suivant la procédure simplifiée, dans le cadre de laquelle il établit une liste de points au moins un an avant la date prévue pour la soumission du rapport et l’État partie y apporte des réponses qui constituent son rapport périodique.