Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.

RESTREINTE *

CCPR/C/79/D/842/1998

11 novembre 2003

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMESoixante‑dix‑neuvième session20 octobre-7 novembre 2003

DÉCISION

Communication n o  842/1998

Présentée par:Sergei Romanov (non représenté par un conseil)

Au nom de:L’auteur

État partie:Ukraine

Date de la communication:11 août 1998 (lettre initiale)

Références:Décision prise par le Rapporteur spécial conformément à l’article 91 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 22 janvier 1999 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption de la décision:30 octobre 2003

[ANNEXE]

_______________________

*Rendue publique sur décision du Comité des droits de l’homme.

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’ HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Soixante-dix-neuvième session

concernant la

Communication n o  842/1998 *

Présentée par:Sergei Romanov (non représenté par un conseil)

Au nom de:L’auteur

État partie:Ukraine

Date de la communication:11 août 1998 (lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en application de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 30 octobre 2003,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est Sergei Nicholaiovich Romanov, citoyen russe, né en 1976 et résidant en Ukraine. Il affirme être victime de violations par l’Ukraine des paragraphes 1 et 3 a) de l’article 2, de l’article 7, du paragraphe 1 de l’article 9 et des paragraphes 1, 2 et 5 de l’article 14 du Pacte. Il n’est pas représenté par un conseil.

1.2Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Ukraine le 25 octobre 1991.

_______________________

*Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l’examen de la présente communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M. Alfredo Castillero Hoyos, M. Franco Depasquale, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood, M. Roman Wieruszewski et M. Maxwell Yalden.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1À la fin de 1995, l’auteur, qui avait un besoin urgent d’argent, a conçu un plan pour voler un certain M. Maksimenko, qui était une connaissance de la jeune femme avec qui l’auteur vivait à l’époque, Mlle Podlesnaya. En novembre 1995, cette dernière a rendu visite à M. Maksimenko chez lui et a versé de la clophéline (substance narcotique) dans son verre. Une fois M. Maksimenko endormi, Mlle Podlesnaya a téléphoné à l’auteur puis l’a fait entrer dans l’appartement. L’auteur a tenté d’ouvrir un coffre au moyen d’une hachette trouvée sur place. M. Maksimenko s’est subitement réveillé et l’auteur, prenant peur, l’a frappé avec la hachette, le faisant tomber. L’auteur et sa compagne ont alors emporté divers biens lui appartenant. M. Maksimenko a survécu et l’auteur a été arrêté et traduit en justice. Il affirme qu’à aucun moment il n’avait eu l’intention de tuer M. Maksimenko.

2.2Le 30 octobre 1996, le tribunal de Kiev a déclaré l’auteur coupable de quatre infractions pénales: tentative de meurtre, vol qualifié, tentative de vol et incitation d’un mineur à commettre un acte criminel. Il l’a condamné à 15 ans d’emprisonnement, peine assortie de la confiscation de tous ses biens personnels. En ce qui concerne le chef de tentative de meurtre, le tribunal a conclu que la dose de clophéline administrée à la victime pouvait être mortelle et que l’auteur avait l’intention de tuer la victime lorsqu’il l’avait frappée avec la hachette. Sur ce dernier point, le tribunal a établi que l’auteur avait porté plusieurs coups à la tête, causant des blessures graves, et ce alors que la victime était encore inconsciente sous l’effet de la drogue. L’auteur a fait appel de sa condamnation pour tentative de meurtre auprès de la Cour suprême ukrainienne. Il a été débouté le 10 juillet 1997.

2.3L’auteur affirme que les preuves matérielles et médicales concernant les blessures de la victime ainsi que l’expertise psychiatrique au sujet de son propre état mental ne permettent pas d’étayer sa condamnation pour tentative de meurtre. Le tribunal n’aurait pas dû accepter le témoignage de Mlle Podlesnaya concernant l’état mental de l’auteur au moment où il avait frappé la victime. L’auteur affirme en effet que la jeune fille a pour ainsi dire perdu la tête après avoir drogué la victime et que tout ce qu’elle sait des événements survenus par la suite elle le tient en fait de lui. En tout état de cause, elle s’est ensuite rétractée, affirmant que, si elle avait déclaré que l’auteur avait eu l’intention de tuer M. Maksimenko, c’était parce qu’elle avait appris que l’auteur encourait la peine de mort et qu’elle risquait le même sort si elle ne coopérait pas. Le tribunal de première instance et la juridiction saisie du recours ont l’un et l’autre examiné le nouveau témoignage de Mlle Podlesnaya, et l’ont rejeté considérant que celui-ci avait été fait à la demande de l’auteur.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur fait valoir qu’il n’aurait pas dû être reconnu coupable de tentative de meurtre puisqu’il ignorait que la dose de clophéline administrée à la victime pouvait être mortelle et qu’il n’avait pas conscience de ce qu’il faisait lorsqu’il a frappé la victime à la tête. Il conteste les modes de preuve retenus par les tribunaux, en particulier l’utilisation du témoignage de sa complice, et considère ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable. Il fait valoir que le principe de la présomption d’innocence n’a pas été respecté et que ses arguments concernant les preuves pertinentes et ce qui s’est réellement passé dans l’appartement de M. Maksimenko n’ont pas été pris en compte par la Cour suprême, ce qui constitue une violation du droit de faire examiner sa condamnation par une juridiction supérieure. Dans ces circonstances, l’État partie a violé les articles 2, 7, 9 et 14 du Pacte. Toutefois, l’auteur ne rattache pas spécifiquement les actions de l’État partie aux violations qu’il dénonce.

3.2L’auteur affirme que plusieurs dispositions du Code de procédure pénale ukrainien ont été violées pendant le procès et en appel, principalement du fait des irrégularités que les tribunaux auraient commises dans l’examen de ses arguments et des éléments de preuve.

Observations de l’ État partie concernant la recevabilité et le fond

4.1Dans une note datée du 27 mars 1999, l’État partie objecte que la communication de l’auteur est sans fondement et donc irrecevable. Il fait valoir que la culpabilité de l’auteur a été établie sur la base de son propre témoignage, des déclarations de sa complice et de plusieurs autres témoins, ainsi que des preuves médico‑légales et autres.

4.2Dans une note datée du 1er juin 1999, l’État partie conteste le fond de la communication. Il réaffirme que les allégations de l’auteur, qui soutient qu’il n’avait pas l’intention de tuer la victime, ont été dûment examinées par les tribunaux ukrainiens, conformément au droit applicable, avant d’être rejetées.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’ État partie

5.1Dans ses commentaires datés du 24 août 1999, l’auteur affirme que l’État partie n’a pas tenu compte de ses arguments concernant les éléments de preuve. Il réitère qu’il a été condamné à tort. Il fait valoir que dans sa réponse l’État partie se retranche derrière les décisions des tribunaux alors que celles‑ci ne sont pas conformes aux faits tels qu’ils se sont réellement produits et sont injustes. Il ajoute que l’État partie n’a pas tenu compte de ses griefs concernant les prétendues irrégularités du procès en première instance et du fait que la Cour suprême n’a pas dûment examiné tous ses arguments, ce qui constitue selon lui une violation du Code de procédure pénale.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3En ce qui concerne les plaintes en vertu des articles 2, 7 et 9 du Pacte, le Comité considère que l’auteur n’a pas fourni suffisamment d’informations pour étayer ses allégations et les déclare donc irrecevables aux termes de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.4Pour ce qui est des griefs tirés des paragraphes 1 et 2 de l’article 14, le Comité considère que les allégations de l’auteur portent en réalité sur l’appréciation des faits et des éléments de preuve par les tribunaux ukrainiens au cours de la procédure judiciaire. Il renvoie à sa jurisprudence réaffirmant que c’est aux juridictions des États parties au Pacte, et non à lui‑même qu’il appartient généralement d’examiner ou d’évaluer les faits et les éléments de preuve, sauf à établir que la conduite du procès ou l’évaluation des faits et des éléments de preuve ont été manifestement arbitraires ou ont représenté un déni de justice. Les pièces portées à la connaissance du Comité ne montrent pas que la procédure ait été entachée de telles irrégularités. En conséquence, le Comité considère que la plainte de l’auteur au titre des paragraphes 1 et 2 de l’article 14 est irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.5En ce qui concerne le droit de faire examiner la déclaration de culpabilité et la condamnation par une juridiction supérieure conformément à la loi, garanti au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte, le Comité relève que, selon sa jurisprudence, toute procédure d’appel devrait comprendre un examen approfondi de la condamnation et de la peine, ainsi que du dossier de première instance. À cet égard, le Comité observe que, d’après les éléments dont il est saisi, la législation ukrainienne fait obligation à la juridiction d’appel d’examiner tous les éléments de preuve et les arguments pertinents. Il ressort en outre de l’arrêt de la Cour suprême que celle‑ci a bien pris en considération les arguments de l’auteur, notamment en ce qui concerne les déclarations de sa complice, et a examiné sa version des faits. La Cour suprême a conclu après avoir examiné la décision en première instance qu’il n’y avait pas lieu d’autoriser l’appel. Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que l’auteur n’a pas étayé ses plaintes au titre du paragraphe 5 de l’article 14, et il les déclare donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]

-----