Nations Unies

CAT/C/UGA/CO/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

6 décembre 2022

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de l’Ouganda *

1.Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique de l’Ouganda à ses 1951e et 1954e séances, les 9 et 10 novembre 2022, et a adopté les observations finales ci-après à sa 1969e séance, le 22 novembre 2022.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, mais regrette qu’il lui ait été soumis avec douze ans de retard.

3.Le Comité se félicite d’avoir pu engager un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie et accueille avec satisfaction les réponses apportées oralement et par écrit aux questions et aux préoccupations soulevées pendant l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

4.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le protocole facultatif s’y rapportant, en 2008 ;

b)Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, en 2010.

5.Le Comité se félicite de l’adoption par l’État partie de la loi relative à la prévention et l’interdiction de la torture, en 2012, du règlement relatif à la prévention et l’interdiction de la torture, en 2017, et de la loi relative au contrôle du respect des droits de l’homme, en 2019.

6.Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réviser sa législation dans des domaines intéressant la Convention et pour adopter d’autres dispositions législatives dans de tels domaines, notamment l’adoption des lois suivantes :

a)La loi relative à l’emploi, en 2006, qui énonce des principes généraux, notamment l’interdiction du travail forcé ou obligatoire ;

b)La loi relative aux réfugiés, en 2006 ;

c)La loi relative à la prévention de la traite des personnes, en 2009 ;

d)La loi relative à la violence domestique, en 2010 ;

e)La loi portant interdiction des mutilations génitales féminines, en 2010 ;

f)La loi relative à la Cour pénale internationale, en 2010.

7.Le Comité salue les mesures que l’État partie a prises pour renforcer son cadre institutionnel afin d’assurer une meilleure protection des droits de l’homme et de donner plus largement effet à la Convention, en particulier :

a)La création de la commission parlementaire permanente des droits de l’homme, en mai 2012, afin de garantir le respect des normes relatives aux droits de l’homme dans le cadre des travaux du Parlement ;

b)La création, en août 2013, de la Direction des droits de l’homme et des services juridiques au sein de la Force de police ougandaise, qui a pour mandat de veiller au respect des droits de l’homme et de la légalité dans les opérations de police ;

c)Le renforcement de la Direction des droits de l’homme au sein des Forces de défense populaires ougandaises, qui avait été créée en 2007, et la mise en place de bureaux des droits de l’homme au sein de la Direction du renseignement militaire et de l’armée de l’air, en 2012 ;

d)L’adoption par le Service pénitentiaire ougandais de lignes directrices pour la mise en place de comités des droits de l’homme dans les prisons et d’un bureau des droits de l’homme à son siège, en 2010.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

8.Dans ses observations finales sur le rapport initial de l’État partie, le Comité avait demandé à l’État partie de lui fournir des renseignements sur la suite qu’il aurait donnée à ses recommandation tendant à ce qu’il réduise autant que possible le nombre de forces et de services de sécurité dotés de pouvoirs d’arrestation, de détention et d’enquête ; qu’il supprime les lieux de détention secrets, illégaux ou clandestins ; qu’il permette à des observateurs indépendants des droits de l’homme d’accéder pleinement aux lieux de détention officiels et non officiels, sans préavis ; qu’il protège la population civile dans les zones de conflit armé ; qu’il prévienne les enlèvements d’enfants et favorise la réintégration des anciens enfants soldats dans la société. Le Comité regrette de n’avoir reçu aucune réponse de l’État partie dans le cadre de la procédure de suivi des observations finales malgré le rappel adressé à l’État partie le 5 avril 2007 par le Rapporteur chargé du suivi des observations finales. Compte tenu des éléments figurant dans le deuxième rapport périodique de l’État partie et des informations fournies par la délégation, le Comité est d’avis que ces recommandations ont été partiellement appliquées (voir les paragraphes 14 et 16 ci-dessous).

Définition et incrimination de la torture

9.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant le caractère absolu et non susceptible de dérogation de l’interdiction de la torture énoncée dans la Constitution et la loi relative à la prévention et l’interdiction de la torture de 2012. Il relève que la loi relative à la prévention et l’interdiction de la torture reprend la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention, englobe les actes de torture non prémédités et étend la responsabilité pour les actes de torture, en visant non seulement les agents publics mais aussi les « personnes agissant à titre privé », même si ce dernier terme n’est pas clairement défini (art. 1er).

10. L’État partie devrait veiller à ce que toutes les formes de torture soient interdites, conformément à la définition donnée à l’article premier de la Convention, non seulement en droit mais aussi dans la pratique. À cet égard, il devrait veiller à ce que sa législation contre la torture, si complètes qu’en soient les dispositions, soit appliquée de manière à empêcher toute lacune réelle ou potentielle pouvant ouvrir la voie à l’impunité.

Allégations de recours généralisé à la torture et aux mauvais traitements

11.Le Comité est profondément préoccupé par les informations selon lesquelles la torture et les mauvais traitements continuent d’être répandus et fréquents en Ouganda. Il est également préoccupé par les informations dénonçant un usage excessif de la force et la commission d’autres actes de violence dans le cadre des mesures d’urgence liées à la maladie à coronavirus (COVID-19) et de l’application des directives présidentielles par les agences de sécurité. À cet égard, il prend note des explications données par la délégation de l’État partie concernant les enquêtes et les poursuites relatives aux actes présumés de torture et de mauvais traitements. Selon les renseignements fournis par la délégation, le Bureau du Procureur général a examiné 508 affaires de torture, ainsi que 1 515 affaires concernant d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui ont abouti à 885 déclarations de culpabilité au cours de la période 2021-2022. Le Comité est préoccupé d’apprendre que les organes concernés, notamment la Force de police ougandaise, n’appliquent pas le règlement de 2017 relatif à la prévention et l’interdiction de la torture. Selon les informations dont il dispose, les forces de police ougandaises continuent d’enregistrer les actes de torture comme des violences en s’appuyant sur la loi relative au Code pénal (chap. 120), au lieu d’utiliser le formulaire 4, qui est destiné à l’enregistrement des cas de torture conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul). L’accès des victimes à la justice est donc limité car les procureurs et les juges ne disposent pas de preuves suffisantes pour poursuivre et juger les auteurs d’actes de torture. Enfin, s’il note que l’article 21 de la loi relative à la prévention et l’interdiction de la torture prévoit une protection pour les témoins et les victimes d’actes de torture, les informations qu’il a reçues suggèrent que l’un des obstacles aux enquêtes et aux poursuites est la réticence des victimes et des témoins à signaler les actes de torture aux autorités compétentes, par crainte de représailles (art. 2, 12, 13 et 16).

12.L’État partie devrait :

a)Veiller à ce que toute plainte pour acte de torture ou mauvais traitements donne lieu sans délai à une enquête impartiale conduite par un organe indépendant, et à ce qu’il n’y ait aucun lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs de cet organe et les suspects visés par l’enquête ;

b)Veiller à ce que les autorités ouvrent une enquête chaque fois qu’il est porté plainte pour torture ou mauvais traitements ou qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis ou que des mauvais traitements ont été infligés;

c)V eiller, en cas de présomption de torture ou de mauvais traitements, à ce que les suspects soient immédiatement suspendus de leurs fonctions pour la durée de l’enquête, en particulier s’il existe un risque qu’ils soient en mesure de commettre de nouveau l’acte qui leur est reproché, d’exercer des représailles contre la victime présumée ou de faire obstruction à l’enquête ;

d)Réunir et publier des données complètes et détaillées concernant l’ensemble des plaintes et des signalements relatifs à des actes de torture ou à des mauvais traitements, en indiquant notamment si ces plaintes et ces signalements ont donné lieu à des enquêtes et, dans l’affirmative, par quelles autorités ces enquêtes ont été menées, si elles ont abouti à l’application de mesures disciplinaires ou à l’ouverture de poursuites, et si les victimes ont obtenu réparation, de sorte que l’État partie puisse communiquer ces données au Comité et à d’autres organes de contrôle à l’avenir;

e)Promulguer la loi relative à la protection des témoins ;

f)Intensifier les activités de sensibilisation, de renforcement des capacités et de formation de tous les agents de la force publique concernant l’application effective de la loi relative à la prévention et l’interdiction de la torture de 2012 et du règlement de 2017 relatif à la prévention et l’interdiction de la torture, promouvoir l’utilisation systématique du formulaire 4 et faire en sorte que les fonctionnaires qui n’appliquent pas les dispositions de ladite loi soient sanctionnés.

Non-refoulement

13.Le Comité prend note des renseignements fournis par la délégation au sujet des principes qui régissent les extraditions, mais regrette le peu d’informations disponibles sur le nombre d’extraditions auxquelles l’État partie a procédé pendant la période considérée, sur le nombre et le type de cas dans lesquels il a donné ou accepté des assurances diplomatiques ou des garanties et sur les mesures prises dans de tels cas pour ce qui est du suivi ultérieur (art. 3).

14.L’État partie devrait :

a)Veiller à ce que, dans la pratique, aucune personne ne puisse être expulsée, refoulée ou extradée vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle courrait personnellement un risque prévisible d’être soumise à la torture ou à des mauvais traitements ;

b)Veiller à ce que des garanties de procédure soient en place et à ce que des recours utiles soient disponibles dans le cadre de toute procédure d’expulsion, notamment à ce que les demandes rejetées soient soumises à l’examen d’un organe judiciaire indépendant, en particulier en appel ;

c) Mettre en place un mécanisme efficace permettant de repérer rapidement les victimes de torture parmi les demandeurs d’asile.

Exécution des ordonnances d’habeas corpus

15.Le Comité accueille avec satisfaction les données fournies par l’État partie sur le nombre de demandes d’habeas corpus présentées en 2020 (31), 2021 (48) et 2022 (16), mais il reste préoccupé par les allégations selon lesquelles l’accès à cette procédure et son efficacité sont limités (art. 2, 11 et 16).

16. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que le droit d’habeas corpus est respecté dans la pratique et qu’il est utile s’agissant d’obtenir la libération des personnes en détention.

Système judiciaire

17.Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements fournis concernant le système judiciaire et le processus de recrutement, y compris les compléments d’information sur le fonctionnement de la Division des crimes de guerre internationaux de la Haute Cour et sur l’application de la loi islamique en Ouganda, mais il s’inquiète du manque d’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif et de sa vulnérabilité aux pressions politiques (art. 14).

18.L’État partie devrait :

a)Garantir la pleine indépendance, l’impartialité et l’efficacité du pouvoir judiciaire, notamment en faisant en sorte que la nomination des juges se fasse conformément aux normes internationales pertinentes, notamment les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature ;

b)Donner des informations détaillées sur l’application de la loi islamique.

Formation

19.Le Comité prend note des renseignements détaillés fournis par la délégation de l’État partie concernant la formation aux droits de l’homme et aux normes internationales dispensée aux responsables de l’application des lois, mais regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur la formation obligatoire portant plus précisément sur la Convention. Il regrette également l’absence d’informations sur les programmes de formation à l’intention des professionnels qui interviennent directement dans les enquêtes sur les cas de torture, ainsi que du personnel médical et des autres personnels s’occupant de détenus, concernant les moyens de déceler et de constater les séquelles physiques et psychologiques de la torture et des mauvais traitements (art. 11).

20.L’État partie devrait :

a)Consolider les programmes de formation initiale et de formation continue obligatoires afin que tous les agents concernés de l’État connaissent bien les dispositions de la Convention, en particulier en ce qui concerne l’interdiction absolue de la torture, et qu’ils sachent qu’aucun manquement ne sera toléré, que toute violation donnera lieu à une enquête et que les responsables seront poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, dûment sanctionnés ;

b)Veiller à ce que tout le personnel concerné, notamment le personnel médical, reçoive une formation spéciale pour apprendre à déceler les signes de torture et de mauvais traitements, conformément au Protocole d’Istanbul;

c)Concevoir une méthode pour évaluer l’efficacité des programmes de formation s’agissant de réduire le nombre de cas de torture et de mauvais traitements, de repérer les victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, de réunir des informations sur ces actes, d’enquêter à leur sujet et d’en traduire les auteurs en justice.

Lieux de détention secrets ou illégaux

21.Le Comité prend note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle les autorités n’utilisent aucun lieu de détention secret ou clandestin et ces lieux sont gérés par des personnes qui ne relèvent pas des pouvoirs publics, mais il reste préoccupé par les informations indiquant que cette pratique a toujours cours en Ouganda (art. 2, 11 à 13 et 16).

22. Le Comité renouvelle la recommandation figurant dans ses précédentes observations finales, tendant à ce que l’État partie mette fin à l’utilisation de lieux de détention secrets, illégaux ou clandestins et qu’il communique immédiatement des informations sur tous les lieux de détention . L’État partie devrait en outre enquêter et veiller à ce que des poursuites soient engagées contre les fonctionnaires impliqués dans des détentions arbitraires et l’utilisation de lieux de détention illégaux, et que les victimes aient accès à des recours adéquats.

Conditions de détention

23.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour réduire la surpopulation carcérale, mais il constate avec préoccupation que les taux d’occupation restent élevés, en partie en raison du nombre de personnes en détention provisoire. À cet égard, il est préoccupé par les informations indiquant que la surpopulation carcérale se traduit par un accès limité à la literie et à l’espace de couchage, des soins de santé médiocres et des ruptures de stock de médicaments dans les centres de détention (art. 2, 11 et 16).

24.L’État partie devrait :

a)Redoubler d’efforts pour rendre les conditions de détention conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et remédier au surpeuplement dans les établissements pénitentiaires et autres lieux de détention, notamment par l’application de mesures non privatives de liberté. À ce sujet, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) et les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok)  ;

b)Allouer des ressources humaines et matérielles suffisantes pour permettre une bonne prise en charge médicale et sanitaire des détenus, conformément aux règles 24 à 35 des Règles Nelson Mandela.

Contrôle des centres de détention

25.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour prévenir le recours à la torture et aux mauvais traitements contre les détenus, qui auraient permis de réduire considérablement le nombre de cas de torture dans les lieux de détention, ainsi que des mécanismes mis en place pour faciliter le repérage des cas de torture et du travail important accompli par la Commission ougandaise des droits de l’homme pour ce qui est des visites dans les lieux de privation de liberté. Toutefois, les informations disponibles montrent que les détenus continuent de subir des mauvais traitements, notamment des violences infligées par les « katikiros » (chefs désignés parmi les détenus) et des mesures telles que le placement à l’isolement et la bastonnade imposées par les gardiens de prison en guise de mesures disciplinaires. Le Comité prend note de la création de comités des droits de l’homme chargés de surveiller la situation dans les lieux de détention, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles ces comités ne sont pas fonctionnels et les connaissances et les compétences de leurs membres en ce qui concerne les violations des droits de l’homme sont limitées (art. 2, 11 et 16).

26.L’État partie devrait :

a)Prendre des mesures pour garantir que tous les lieux de détention et de privation de liberté font l’objet d’une surveillance indépendante efficace et régulière et d’inspections inopinées, et pour permettre aux personnes chargées d’exercer cette surveillance de repérer les conditions ou les comportements qui constituent des actes de torture ou des mauvais traitements, de mener des entretiens confidentiels avec les détenus et de rendre compte de leurs conclusions aux autorités compétentes;

b)Veiller à ce que toutes les personnes privées de liberté aient accès à des mécanismes de plainte efficaces et indépendants ;

c)Veiller à ce que la Commission ougandaise des droits de l’homme dispose des ressources et de l’accès nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions de contrôle de tous les lieux de privation de liberté, et qu ’ elle soit en mesure de recevoir et d ’ examiner les plaintes relatives aux actes de torture et aux mauvais traitements en détention ;

d)Autoriser les organisations de la société civile et les autres parties prenantes actives dans le domaine de la protection et la promotion des droits de l’homme à avoir accès aux lieux de détention et de privation de liberté ;

e)Assurer le bon fonctionnement des comités des droits de l’homme au sein des établissements pénitentiaires en veillant à ce qu’ils soient pleinement constitués et que leurs membres soient dûment formés ;

f)D’envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

Violence fondée sur le genre

27.S’il prend note des mesures que l’État partie a prises pour lutter contre la violence domestique et les autres formes de violence sexuelle et fondée sur le genre, ainsi que de l’initiative visant à accroître l’autonomie des femmes et des filles, le Comité déplore que des faits de violence fondée sur le genre continuent d’être signalés, la violence domestique étant l’infraction la plus répandue en 2021 selon le rapport annuel de la Force de police ougandaise sur la criminalité, ainsi que l’absence de données statistiques sur le nombre de plaintes enregistrées, d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de déclarations de culpabilité prononcées dans des affaires de violence fondée sur le genre (art. 2, 4, 12 et 16).

28.L’État partie devrait:

a)Faire en sorte que tous les cas de violence fondée sur le genre, en particulier lorsqu’ils sont liés à des actes ou des omissions de la part des pouvoirs publics ou d’autres entités qui engagent la responsabilité internationale de l’État partie au regard de la Convention, donnent lieu à une enquête approfondie, que les auteurs présumés soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et que les victimes ou leur famille obtiennent réparation, y compris sous la forme d’une indemnisation adéquate ;

b)Dispenser une formation obligatoire sur la répression de la violence fondée sur le genre à tous les membres de l’appareil judiciaire et des forces de l’ordre, et continuer de mener des campagnes de sensibilisation sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes ;

c)Recueillir des données statistiques, ventilées par âge et origine ethnique ou nationalité des victimes, sur le nombre de plaintes, d ’ enquêtes, de poursuites, de déclarations de culpabilité et de condamnations se rapportant à des affaires de violence fondée sur le genre, ainsi que sur les mesures prises pour faire en sorte que les victimes aient accès à des recours utiles et obtiennent réparation, et communiquer ces données au Comité.

Violence à l’égard des enfants sous toutes ses formes

29.Le Comité prend note de la déclaration de l’État partie selon laquelle il est interdit d’infliger des châtiments corporels aux enfants dans tous les contextes, mais il est préoccupé par les informations qui confirment que la notion de « châtiment raisonnable » est toujours reconnue en common law et que les châtiments corporels ne sont pas expressément interdits dans tous les contextes. Le Comité est également préoccupé par les cas signalés de sacrifice d’enfant en Ouganda (art. 12 et 16).

30.Le Comité engage l’ É tat partie à :

a)Interdire expressément les châtiments corporels sur les enfants dans tous les contextes;

b)Interdire rigoureusement tous les actes de sacrifice d’enfant et les autres pratiques néfastes, enquêter sur tous les faits de cette nature et les punir.

Réparations

31.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant les indemnités versées aux victimes de violations des droits de l’homme en 2021, mais il demeure préoccupé par les informations selon lesquelles seul un petit nombre de victimes ont obtenu une indemnisationau moyend’actions civiles ou de plaintes déposées auprès de la Commission ougandaise des droits de l’homme pendant la période considérée. Il regrette qu’aucun programme de réadaptation des victimes de la torture n’ait été adopté par le Gouvernement et qu’aucun soutien financier ne soit accordé aux organismes non gouvernementaux désireux de mener ce type d’activité (art. 14).

32.L’État partie devrait garantir à toutes les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements le droit d’obtenir réparation, y compris le droit d’être indemnisées équitablement et de manière adéquate et de bénéficier des moyens nécessaires à une réadaptation aussi complète que possible. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 3 (2012), dans laquelle il explique le contenu et la portée de l’obligation qui incombe aux États parties d’assurer une réparation complète aux victimes d’actes de torture. L’État partie devrait réunir des informations sur les mesures de réparation et d’indemnisation, y compris les moyens de réadaptation, qui ont été ordonnées par les tribunaux ou d’autres organes de l’État et dont les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements ont effectivement bénéficié, et les faire parvenir au Comité. Le Comité l’encourage à collaborer avec les organisations de la société civile à l’élaboration et à la fourniture de services de réadaptation.

Réfugiés et demandeurs d’asile

33.Si le Comité est conscient du fait que l’Ouganda est le premier pays d’accueil de réfugiés en Afrique et le troisième dans le monde et prend acte de l’adoption de la loi relative aux réfugiés en 2006 ainsi que des efforts que déploie l’État partie sur le plan de l’identification, du filtrage et des services fournis aux réfugiés et aux demandeurs d’asile, il a continué de recevoir des signalements de cas de torture et de mauvais traitements infligés à des réfugiés et des demandeurs d’asile, en particulier à des réfugiés sud-soudanais au camp de réfugiés de Bidi, où entre 80 et 90 % des réfugiés auraient été victimes de torture ou de mauvais traitements en 2020. Le Comité est préoccupé par le manque de formation adéquate du personnel s’occupant des réfugiés, en particulier en ce qui concerne les questions relatives aux droit des réfugiés à la réadaptation. Il est en outre préoccupé par les neuf réserves formulées par l’Ouganda concernant les articles 7, 8, 9, 13, 15, 16, 17, 25 et 32 de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés lors de son adhésion à celle-ci (art. 2, 10 et 16).

34.L’État partie devrait :

a)Envisager de retirer ses réserves à la Convention relative au statut des réfugiés ;

b)Veiller à la mise en place de mécanismes efficaces permettant de repérer rapidement les victimes de torture parmi les réfugiés et les demandeurs d’asile et de leur fournir un accès à des soins médicaux et psychosociaux ;

c) Renforcer la coordination et la coopération avec les organisations non gouvernementales nationales et internationales travaillant dans le domaine de la protection des réfugiés afin de garantir que des enquêtes approfondies sont menées sur les allégations de torture et que des mesures sont prises dans la pratique pour assurer la réadaptation complète des réfugiés et des demandeurs d’asile victimes d’actes de torture.

Traite des personnes

35.Conscient des difficultés que posent le repérage, l’enregistrement et la prévention des cas de traite dans le contexte des déplacements forcés, et en particulier dans les camps de réfugiés et de demandeurs d’asile du pays, le Comité salue l’adoption de lois et de politiques globales portant sur cette question. Il est toutefois préoccupé par l’application insuffisante de ces textes en raison du manque de connaissances et de formation des porteurs de devoirs et des acteurs de première ligne (art. 2 et 16).

36.L’État partie devrait :

a)Redoubler d’efforts pour prévenir et combattre la traite, notamment en mettant en place des procédures efficaces pour ce qui est de repérer les victimes au sein des groupes vulnérables tels que les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière et de les orienter vers les services compétents ;

b)Améliorer la formation dispensée aux agents des forces de l’ordre et aux autres intervenants de première ligne en y intégrant un module de formation obligatoire concernant le repérage et l’orientation des victimes potentielles de la traite des personnes ;

c)Prendre des mesures pour renforcer la coordination entre les systèmes de protection des réfugiés et les autorités chargées de la lutte contre la traite, afin d’améliorer le repérage et la prévention des cas de traite de personnes à destination et en provenance de l’Ouganda ;

d)Faire en sorte que toutes les victimes de traite bénéficient d’une protection et d’une assistance adéquates, qu’elles soient ou non en mesure de collaborer aux procédures judiciaires engagées contre les trafiquants;

e)Fournir au Comité des données ventilées complètes sur le nombre d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de peines prononcées pour faits de traite, et sur les réparations effectivement accordées aux victimes.

Lutte contre le terrorisme

37.Le Comité prend note des modifications apportées à la loi antiterroriste de 2002, adoptées en 2015 et 2017, et de la création de la Direction de la lutte contre le terrorisme et de l’Unité spéciale d’investigation au sein de la Force de police ougandaise, mais regrette de ne pas disposer d’informations sur la manière dont l’État partie a veillé à ce que ces mesures soient compatibles avec toutes ses obligations au titre de la Convention (art. 2).

38.L’État partie devrait :

a)Fournir des données ventilées actualisées sur les personnes qui ont été condamnées en application de la loi antiterroriste ;

b)Fournir des informations sur toute plainte pour non-respect des normes internationales dans le cadre de l’application de la loi antiterroriste ;

c)Veiller à ce que les lois relatives à la lutte contre le terrorisme et à la sécurité de l’État soient pleinement conformes aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, notamment en prévoyant toutes les garanties juridiques fondamentales énoncées au paragraphe 13 de l’observation générale n o 2 (2007), et à ce que ces garanties soient appliquées dans la pratique, y compris aux partis ou candidats de l’opposition.

Peine de mort

39.Le Comité note qu’à la suite de l’affaire Attorney General v. Susan Kigula and 417 others, qui a fait date, la peine de mort n’est plus obligatoire pour les infractions passibles de la peine capitale, qu’elle relève désormais du pouvoir discrétionnaire des juges et que, selon les informations fournies par l’État partie, si, trois ans après la date d’une condamnation à la peine de mort, aucune décision n’a été prise par l’exécutif quant à l’exécution de cette peine prononcée par le tribunal contre la personne déclarée coupable, la peine de mort est réputée être commuée en une peine d’emprisonnement à perpétuité sans remise de peine. Le Comité constate que le Code pénal comporte huit articles en vertu desquels des infractions peuvent ou doivent être punies de la peine de mort, et que 28 infractions prévues par le Code pénal, la loi antiterroriste et la loi relative aux Forces de défense populaires ougandaises sont passibles de la peine de mort, et regrette que les termes utilisés ne soient pas employés de manière cohérente dans l’ensemble de la législation et que des données détaillées et ventilées sur le nombre de personnes condamnées à la peine de mort pendant la période considérée n’aient pas été communiquées (art. 2 et 16).

40.Le Comité invite l’État partie à :

a)Prendre les mesures voulues pour que les condamnations à mort de toutes les personnes qui se trouvent dans le couloir de la mort depuis plus de trois ans soient commuées en peines d’emprisonnement ;

b)Fournir des données annuelles ventilées sur le nombre actuel de personnes condamnées à mort, notamment des informations sur leur sexe, leur nationalité, la date de leur arrestation, la date de leur déclaration de culpabilité, les infractions qu’elles ont commises, leur lien avec les victimes, l’autorité ayant prononcé la condamnation, l’état d’avancement de tout recours ou nouvel examen ou de toute demande de grâce ou de clémence et la peine en cours d’exécution;

c)Améliorer la qualité de l’aide juridique fournie aux personnes accusées de crimes punis de la peine capitale et les personnes condamnées à cette peine, en en augmentant le financement et en développant la formation, en collaboration avec les organisations de la société civile ;

d)Envisager de réduire encore le nombre d’infractions passibles de la peine capitale prévues par sa législation ;

e)Envisager de ratifier le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

Lynchage

41.Le Comité reste préoccupé par le nombre de cas de lynchage en Ouganda, 779 cas de meurtres par lynchage ayant été recensés en 2021 (art. 2 et 16).

42. Rappelant ses précédentes observations finales , le Comité demande instamment à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment des mesures judiciaires, pour prévenir les lynchages.

Justice transitionnelle

43.Le Comité prend bonne note de ce que la politique nationale de justice transitionnelle adoptée par le Gouvernement est fondée sur une approche axée sur les victimes, ainsi que du problème complexe posé par le nombre de tribus en Ouganda et des difficultés liées à la consultation de la population, mais regrette qu’aucune information supplémentaire n’ait été fournie sur cette politique (art. 2, 12, 13 et 16).

44. Le Comité engage instamment à l’État partie à poursuivre son action visant à mettre en œuvre la politique nationale de justice transitionnelle, qui devrait contribuer à lutter contre la torture, et à fournir des informations détaillées sur cette politique.

Aide juridique

45.Le Comité se félicite des efforts actuellement déployés pour adopter la politique nationale d’aide juridique et le projet de loi nationale relative à l’aide juridique, qui, selon les informations fournies par l’État partie, sont en cours d’examen par le Parlement, mais regrette que cette politique et ce projet de loi n’aient toujours pas été adoptés (art. 2).

46. Le Comité invite l ’ État partie à accélérer l ’ adoption de la politique nationale d ’ aide juridique et du projet de loi nationale relative à l ’ aide juridique.

Plan d’action national en faveur des droits de l’homme

47.Le Comité note que le deuxième Plan national de développement (2015/16 à 2019/20) a été élaboré en 2014, mais regrette que le plan d’action national en faveur des droits de l’homme, qui permettrait de renforcer les capacités des autorités administratives et judiciaires ougandaises compétentes en matière de lutte contre la torture, n’ait toujours pas été adopté (art. 2).

48.L’État partie devrait :

a)Adopter et mettre en œuvre le plan d’action national en faveur des droits de l’homme, en consultation avec tous les acteurs concernés, notamment la Commission ougandaise des droits de l’homme et la société civile, ce qui contribuera à promouvoir et à protéger les droits de l’homme et permettra de renforcer les capacités des autorités administratives et judiciaires ougandaises compétentes en matière de lutte contre la torture ;

b)Intégrer les recommandations formulées par le Comité dans les présentes observations finales dans le processus de finalisation, d’adoption et de mise en œuvre du plan d’action national en faveur des droits de l’homme, et faire figurer dans ce plan les éléments visant à renforcer les capacités des autorités compétentes à prévenir et à poursuivre les actes de torture et à garantir aux victimes, dans la pratique, des réparations et des moyens de réadaptation.

Institution nationale des droits de l’homme

49.Le Comité constate que la Commission ougandaise des droits de l’homme se voit attribuer le statut d’accréditation « A » par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme depuis 2000, et se félicite du travail important réalisé par la Commission pour s’acquitter de son mandat. Toutefois, dans les recommandations qu’il a formulées en mai 2018, le Sous-Comité a engagé la Commission à préconiser l’établissement en bonne et due forme, dans la législation, la réglementation ou les lignes directrices administratives contraignantes pertinentes, d’un processus transparent et participatif de sélection et de nomination de ses membres.

50.Le Comité regrette que la Commission ougandaise des droits de l’homme ait fait partie de la délégation de l’État partie et n’ait pas répondu à son invitation de le rencontrer séparément avant l’examen du rapport de l’État partie (art. 2).

51.L’État partie devrait :

a)Renforcer la capacité de la Commission ougandaise des droits de l’homme d’assurer une surveillance en matière de torture, de réunir des informations sur les cas de torture et d’enquêter sur ceux-ci en toute indépendance, et fournir des données sur les enquêtes qu’elle mène sur les cas de torture ;

b)Doter la Commission ougandaise des droits de l’homme d’un budget et d’un personnel suffisants pour qu’elle puisse s’acquitter de son mandat, en particulier en ce qui concerne la prévention de la torture.

Procédure de suivi

52. Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir le 25 novembre 2023 au plus tard des renseignements sur la suite qu’il aura donnée à ses recommandations concernant les lieux de détention secrets ou clandestins, la violence fondée sur le genre et l’institution nationale des droits de l’homme (voir les paragraphes 22, 28 a) et 51 ci ‑ dessus). L’État partie est aussi invité à informer le Comité des mesures qu’il prévoit de prendre pour appliquer, d’ici à la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

53. Le Comité encourage l’État partie à étudier la possibilité de faire la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention, par laquelle il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction.

54. L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales, et à informer le Comité de ses activités de diffusion.

55.Le Comité prie l’État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le troisième, d’ici au 25 novembre 2026. À cette fin, et compte tenu du fait qu’il a accepté d’établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui fera parvenir en temps utile une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront le troisième rapport périodique qu’il soumettra en application de l’article 19 de la Convention ; le Comité prie instamment l’État partie de lui soumettre ledit rapport en temps voulu.