CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/60/CO/4

21 mai 2002

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALESoixantième session4-22 mars 2002

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESCONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale*

Croatie

1.Le Comité a examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques de la Croatie (CERD/C/373/Add.1) à ses 1499e et 1500e séances (CERD/C/SR.1499 et 1500) tenues les 6 et 7 mars 2002, et a adopté, à sa 1517e séance (CERD/C/SR.1517), tenue le 19 mars 2002, les conclusions suivantes.

A.Introduction

2.Le Comité accueille favorablement le rapport présenté par l’État partie et se déclare satisfait du dialogue engagé avec la délégation de haut niveau de l’État partie et des réponses fournies oralement à toute une série de questions posées par ses membres. Tout en se félicitant des informations complémentaires détaillées fournies lors de l’examen du rapport, le Comité regrette que le rapport de l’État partie ne contienne pas de réponses à ses conclusions précédentes (CERD/C/304/Add.55), datées du 10 février 1999.

3.Le Comité regrette en outre que le rapport contienne principalement des informations sur le cadre juridique de protection des droits des minorités et ne donne pas suffisamment de détails sur l’application des lois en vigueur ou sur la mesure dans laquelle les communautés minoritaires jouissent de la protection accordée par la Convention.

B.Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

4.Le Comité note que l’État partie traverse une difficile période de changements économiques et sociaux dans une période de reconstruction d’après‑guerre, qui a eu pour conséquence d’entraver la pleine application de la Convention.

C.Aspects positifs

5.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour modifier la législation en vue de la rendre conforme aux normes internationales et pour mettre en place des institutions, des programmes et des politiques visant à promouvoir l’égalité. Il se félicite en particulier de l’adoption de la loi sur les associations, de l’institution du Bureau des droits de l’homme, de l’élaboration d’un projet éducatif dont l’objectif est d’assurer un traitement égalitaire aux minorités et de promouvoir le multiculturalisme, de la mise en œuvre de programmes d’enseignement des droits de l’homme dans les écoles et de l’introduction de cours de formation sur les droits de l’homme pour les policiers et les juges.

6.Le Comité note avec satisfaction la déclaration de l’État partie sur la coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie ainsi qu’avec les organismes compétents des Nations Unies, notamment le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et les organisations régionales.

7.Le Comité se félicite de la volonté exprimée par l’État partie d’associer les organisations non gouvernementales (ONG) à l’élaboration de son prochain rapport périodique, et de son intention de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention.

D.Sujets de préoccupation et recommandations

8.Le Comité estime de nouveau préoccupant le manque de clarté des diverses définitions employées dans le rapport et dans la législation interne pour décrire les minorités ethniques et nationales. Le Comité estime préoccupante l’idée que le retrait récent du projet de loi constitutionnelle sur les droits des minorités nationales retardera encore l’adoption de lois protégeant ces minorités. Le Comité recommande que l’État partie fasse figurer dans son prochain rapport périodique des éclaircissements sur les définitions juridiques utilisées pour décrire les diverses minorités. Il encourage l’État partie à achever d’élaborer la loi constitutionnelle sur les droits des minorités nationales en en assurant sa conformité avec les normes internationales et à inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

9.Le Comité note que les données statistiques fournies dans le rapport de l’État partie sont fondées sur le recensement de 1991 et que les résultats de celui de 2001 ne sont toujours pas prêts. Le Comité craint que le retard dans la publication de ces résultats ne suscite un sentiment de méfiance dans les communautés et n’ait créé des difficultés susceptibles d’empêcher le Comité d’entreprendre une analyse efficace des questions touchant les minorités. Le Comité encourage vivement l’État partie à terminer le recensement général de la population effectué en 2001 et à en publier les résultats afin, entre autres, de mettre en œuvre les dispositions de la loi relative à la représentation politique et d’assurer, si besoin est, une protection et des avantages spéciaux aux minorités ethniques. Il est souhaitable, en outre, que le prochain rapport périodique contienne des données statistiques actualisées sur la composition démographique de la population croate.

10.En ce qui concerne l’article 2 de la Convention, le Comité reste préoccupé par la représentation limitée des minorités au Parlement croate. Tout en notant que la loi sur l’élection des membres du Parlement croate prévoit la représentation proportionnelle des minorités, le Comité est préoccupé par le fait que tous les groupes minoritaires ne sont pas concernés, et que certains sont même sous‑représentés. En particulier, il note que les Bosniaques ne sont pas sur la liste des minorités habilitées à exercer le droit d’être représentées au Parlement. Il est souhaitable que l’État partie prenne des mesures supplémentaires en vue de garantir une représentation juste et adéquate de tous les groupes minoritaires au Parlement croate et inclue dans son prochain rapport des informations concernant les mesures qu’il aura prises à cet égard.

11.Le Comité prend note avec inquiétude de la ségrégation persistante exercée à l’encontre des enfants roms au sein du système éducatif et des allégations de discrimination à l’égard des Roms en matière d’accès à l’emploi, de santé, de représentation politique et de droits de citoyenneté. Le Comité recommande à l’État partie d’accorder une attention particulière à la situation des Roms et prenne des mesures efficaces pour prévenir la ségrégation à l’encontre des enfants roms dans le système éducatif. Le Comité recommande en outre à l’État partie de redoubler d’efforts pour combattre le taux élevé d’abandons scolaires chez les enfants roms et leurs mauvais résultats scolaires et garantir qu’ils ne subissent aucune discrimination, notamment pour ce qui concerne leur identité culturelle, leur langue et leurs valeurs. Le Comité encourage également l’État partie à s’employer avec plus de vigueur à former, puis à embaucher, des professeurs roms et à empêcher toute discrimination à l’égard des Roms en matière d’accès à l’emploi, de santé, de représentation politique et de droits de citoyenneté.

12.Le Comité constate à nouveau avec préoccupation l’absence dans la législation de dispositions permettant à l’État partie de s’acquitter de ses obligations en vertu de l’article 4 b) de la Convention, notamment l’absence de mesures législatives interdisant l’incitation à la discrimination raciale et à la violence. Il exprime également des préoccupations quant au caractère vraiment approprié des efforts entrepris par l’État partie pour mener des enquêtes et poursuivre les personnes qui attisent les haines ethniques, en particulier dans les localités touchées par la guerre. À cet égard, le Comité note qu’aucune condamnation n’a été prononcée par les tribunaux pour incitation à la discrimination raciale et à la violence, malgré le grand nombre d’allégations. Le Comité recommande à l’État partie de s’acquitter pleinement des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4 de la Convention et de prendre les mesures législatives nécessaires pour donner pleinement effet aux dispositions de cet article, déclarer illégales et punir l’incitation à la haine ethnique et à la violence raciale.

13.Tout en notant les problèmes que l’État partie doit surmonter pour répondre aux besoins d’un grand nombre de réfugiés, de rapatriés et de personnes déplacées, le Comité constate avec préoccupation que le rapatriement continue d’être entravé par des obstacles juridiques et administratifs et par l’hostilité de certains responsables aux niveaux central et local. À cet égard, le Comité est également préoccupé par les allégations d’incohérence et de manque de transparence concernant le programme national de rapatriement. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’insuffisance des efforts déployés par l’État partie pour prévenir la discrimination à l’égard des minorités, en particulier des Serbes de Croatie, pour tout ce qui touche la restitution de biens, les droits de bail et d’occupation, l’aide à la reconstruction, ainsi que les questions connexes de droit de résidence et des droits de citoyenneté. Le Comité recommande à l’État partie de prendre de nouvelles mesures pour garantir le respect de l’équité, de la cohérence et de la transparence dans l’exécution du programme national de rapatriement. De plus, l’État partie est prié instamment de prendre des mesures efficaces pour empêcher la discrimination, notamment à l’égard des Serbes de Croatie, pour ce qui touche en particulier la restitution de leurs biens, les droits de bail et d’occupation, l’accès à l’aide à la reconstruction ainsi qu’au droit de résidence et les droits de citoyenneté. Il est souhaitable que l’État partie fournisse dans son prochain rapport périodique des informations concernant les mesures prises pour mettre en place des régimes juridiques et administratifs efficaces pour résoudre ces problèmes. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale no XXII concernant les droits des réfugiés et personnes déplacées.

14.S’agissant de l’article 5 de la Convention, le Comité note de nouveau avec inquiétude les incohérences entre les articles 8 et 16 de la loi croate sur la citoyenneté qui semble établir des critères différents pour les Croates de souche par rapport aux autres minorités de Croatie en ce qui concerne l’octroi de la citoyenneté. Il est préoccupé de constater que de nombreuses personnes ayant résidé longtemps en Croatie par le passé, en particulier des personnes d’origine serbe et des personnes appartenant à d’autres minorités, n’ont pas pu obtenir à nouveau le statut de résident malgré leurs liens d’avant le conflit avec la Croatie. À propos de l’acquisition de la citoyenneté, le Comité prie de nouveau instamment l’État partie de prendre des mesures pour que toutes les dispositions de la loi croate sur la citoyenneté soient conformes à l’article 5 de la Convention et que cette loi soit appliquée de manière non discriminatoire. Le Comité recommande également que des mesures soient prises pour veiller à ce que les personnes ayant résidé longtemps en Croatie par le passé puissent obtenir à nouveau le statut de citoyen et/ou de résident sans aucune discrimination.

15.Le Comité est préoccupé par les plaintes répétées dénonçant une application discriminatoire du droit à un traitement égal devant la loi, en particulier dans le domaine des réclamations foncières, dans lequel les tribunaux continueraient de favoriser les personnes d’origine croate. Le Comité note également l’accumulation importante des plaintes, traitées en retard par les tribunaux, ce qui entrave l’accès à la justice. Le Comité recommande que l’État partie redouble d’efforts pour veiller à ce que l’application du droit à un traitement égal devant la loi se fasse de manière non discriminatoire, notamment pour ce qui concerne la restitution de biens fonciers. Le Comité recommande en outre que l’État partie inclue dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les mesures qu’il aura prises pour réduire l’arriéré judiciaire et améliorer l’accès à la justice.

16.Tout en notant les efforts entrepris par l’État partie pour introduire des cours de formation destinés aux policiers et aux juges, le Comité doute de la suffisance des efforts déployés pour sensibiliser l’opinion publique à la Convention, promouvoir la tolérance et combattre les préjugés à l’égard de certaines minorités. Le Comité recommande que l’État partie intensifie ses efforts pour familiariser le public avec la Convention, afin de réduire les préjugés à l’égard de certaines minorités et promouvoir la tolérance. À cet égard, l’État partie devrait intensifier ses efforts pour dispenser un enseignement portant sur les normes internationales relatives aux droits de l’homme dans toutes les écoles et organiser des programmes de formation pour les personnes chargées de l’administration de la justice, notamment les juges, les avocats et les responsables de l’application des lois.

17.Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il incorpore les dispositions de la Convention dans son ordre juridique interne, en particulier celles des articles 2 à 7 de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, et d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les plans d’action et autres mesures adoptés pour appliquer au niveau national la Déclaration et le Programme d’action de Durban.

18.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et entérinés par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111.

19.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son sixième rapport périodique avec son septième rapport périodique attendu le 8 octobre 2004, en un seul rapport qui constituerait une mise à jour et traiterait des questions soulevées dans les présentes conclusions.

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