CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/60/CO/11

21 mai 2002

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION

DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixantième session4‑22 mars 2002

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale*

Qatar

1.Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné les neuvième, dixième, onzième et douzième rapports périodiques du Qatar, présentés en un seul document (CERD/C/360/Add.1), à ses 1503e  et 1504e séances (CERD/C/SR.1503 et 1504), tenues les 8 et 11 mars 2002, et a adopté, à sa 1518e séance (CERD/C/SR.1518), tenue le 20 mars 2002, les conclusions ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite du rapport présenté par l’État partie et des renseignements supplémentaires fournis par la délégation qatarienne dans sa présentation orale. Il est heureux d’avoir repris le dialogue avec l’État partie, qui avait été interrompu après 1993, date à laquelle le Comité avait examiné le huitième rapport périodique du Qatar.

3.Le Comité tient cependant à souligner que le rapport présenté n’est pas entièrement conforme à ses directives. Il note que l’État partie n’a pas fourni d’informations générales dans la première partie du rapport ou dans un document de base. En outre, le rapport ne contient pas

suffisamment de renseignements sur la manière dont la Convention est appliquée dans la pratique.

B. Aspects positifs

4.Le Comité se félicite des réformes politiques entreprises par l’État partie et prend acte en particulier de la révision de la législation relative aux libertés civiles, de la levée de la censure sur la presse écrite, des premières élections au Conseil municipal central menées au suffrage universel égal en 1999 et de l’annonce de la prochaine mise en place d’un Parlement élu.

5.Le Comité note également avec satisfaction que l’État partie s’est doté d’un comité chargé d’élaborer une constitution permanente. Il prend acte en particulier de l’information fournie par la délégation qatarienne selon laquelle tous les secteurs de la société sont représentés dans ce comité.

6.Le Comité se félicite de l’intention déclarée de l’État partie de ratifier dans un avenir proche la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

7.Le Comité note avec satisfaction que la délégation qatarienne a donné l’assurance qu’elle transmettrait aux autorités gouvernementales compétentes la suggestion du Comité tendant à ce que l’État partie ratifie les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties et à ce qu’il fasse la déclaration prévue par l’article 14 de la Convention.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

8.Le Comité tient à exprimer à nouveau sa préoccupation au sujet des affirmations répétées de l’État partie selon lesquelles il n’avait pas besoin de prendre des mesures pour appliquer les articles 2, 3 et 4 de la Convention parce qu’il n’y avait pas de discrimination raciale au Qatar. Il tient à souligner que les États parties sont tenus, en vertu de la Convention, de prendre des mesures législatives, judiciaires, administratives et autres pour donner effet à ses dispositions, même s’il n’y a apparemment pas de racisme.

9.Tout en notant que la Constitution provisoire ainsi que les dispositions de la charia, principale source de législation au Qatar, interdisent les actes de discrimination raciale, le Comité estime qu’il ne suffit pas d’affirmer le principe général de la non‑discrimination dans la Constitution pour s’acquitter des obligations contractées en vertu de la Convention. Il recommande à l’État partie d’adopter des textes législatifs qui satisfassent aux exigences des articles 2, 3 et 4 de la Convention. À cet égard, il appelle l’attention sur ses recommandations générales I, II, VII et XV et souligne le rôle préventif d’une législation interdisant expressément la discrimination raciale et la propagande raciste. Il espère que dans son prochain rapport périodique l’État partie décrira les progrès accomplis en la matière.

10.En ce qui concerne le droit à l’égalité de traitement devant les tribunaux, le Comité prend note des détails fournis par la délégation sur les réformes judiciaires entreprises par l’État partie en vue de mettre en place une juridiction unique pour l’application d’une nouvelle législation dans le domaine du droit civil, commercial et pénal. Il souhaiterait cependant savoir, compte tenu de l’état actuel de la législation, si les non‑citoyens et les non‑musulmans victimes de discrimination, qui sont habilités à entamer une procédure devant un tribunal civil, peuvent également saisir les tribunaux appliquant la charia. Le Comité aimerait également savoir dans quelle mesure la Convention peut être invoquée devant les tribunaux civils et ceux appliquant la charia et quelles sont les règles de la charia qui répondent aux exigences de la Convention. Il souhaiterait aussi recevoir de plus amples informations sur la relation entre la Constitution provisoire de 1972, en particulier son article 9 qui garantit l’égalité devant la loi, et les principes de la charia en tant que source de droit.

11.Le Comité prend note des renseignements fournis par la délégation sur les conditions régissant l’acquisition de la nationalité qatarienne. Il est toutefois préoccupé par la distinction faite à l’article 3 de la loi no 3/1963, telle que modifiée par la loi no 3/1969, entre ressortissants de pays arabes et nationaux d’autres pays en ce qui concerne la durée de la période pendant laquelle ils doivent résider au Qatar avant de pouvoir présenter une demande de naturalisation. Le Comité demande à l’État partie de songer à modifier cette disposition afin de la mettre en conformité avec l’article 5 d) iii) de la Convention. Il souhaiterait également recevoir de plus amples informations sur les modalités d’acquisition de la nationalité par les enfants nés de mariages mixtes.

12.Le Comité note avec préoccupation la distinction faite entre les citoyens de naissance et les citoyens naturalisés en ce qui concerne l’accès aux charges publiques et à d’autres types d’emploi pour ce qui a trait au droit de vote et au droit de se porter candidat à une élection. Il considère que les conditions supplémentaires dont est assorti l’exercice de ces droits par les citoyens naturalisés ne sont pas conformes à l’article 5 c) et e) i) de la Convention. Il recommande à l’État partie de mettre sa législation en conformité avec l’article 5 de la Convention. Il l’invite d’autre part à fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur le nombre de personnes naturalisées au Qatar et sur leur nationalité d’origine.

13.Le Comité note avec préoccupation que le mariage entre nationaux du Qatar et étrangers doit être approuvé par le Ministre de l’intérieur. Il demande à l’État partie d’expliquer dans son prochain rapport périodique les raisons d’une telle restriction au droit de se marier et de choisir son propre conjoint et de fournir de plus amples informations sur l’étendue de cette restriction.

14.Le Comité note aussi avec préoccupation que l’État partie ne semble pas garantir la liberté du mariage entre nationaux et non‑nationaux à moins que ces derniers ne soient des ressortissants d’États membres du Conseil de coopération du Golfe. Une telle distinction, fondée sur l’origine nationale, n’est pas, aux yeux du Comité, conforme à l’article 5 d) iv) de la Convention.

15.Le Comité constate que la législation de l’État partie n’autorise pas en principe les membres des différentes religions d’hériter les uns des autres; il ressort toutefois des explications de la délégation qu’un musulman peut établir un testament en faveur d’un non‑musulman. Compte tenu des dispositions de l’article 5 d) iv) de la Convention, le Comité tient à souligner que cette situation ne devrait pas priver certaines catégories de personnes du droit d’hériter. Il demande à l’État partie de fournir des renseignements plus complets sur la question dans son prochain rapport.

16.Les membres du Comité ont noté que les étrangers qui vivent sur le territoire de l’État partie doivent fournir une garantie ou un certificat. Il souhaiterait savoir si cette exigence s’applique à tous les étrangers.

17.Le Comité note qu’en règle générale les étrangers ne sont pas autorisés à posséder des biens immobiliers au Qatar, sauf dans certaines limites. Il voudrait avoir de plus amples informations sur ces limites.

18.En ce qui concerne l’enseignement, le Comité note avec satisfaction l’existence de nombreuses écoles dirigées par des étrangers qui appliquent différents programmes. Il demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport de plus amples détails sur l’étendue et la nature de la surveillance qu’exerce le Ministère de l’éducation sur les programmes de ces écoles et sur ce qui est fait pour assurer leur intégration dans le système d’enseignement national.

19.Le Comité recommande à l’État partie d’instituer des programmes de formation sur les droits de l’homme et la compréhension entre les groupes ethniques à l’intention des fonctionnaires chargés d’appliquer les lois, notamment les agents de police, des militaires, du personnel pénitentiaire et des membres du pouvoir judiciaire.

20.Tout en notant avec satisfaction que les minorités ont le droit de pratiquer leurs rites religieux, le Comité souhaite recevoir de plus amples détails sur les restrictions auxquelles est soumis ce droit pour assurer le respect de l’ordre public et des préceptes de l’islam.

21.Le Comité a pris bonne note des assurances de la délégation de l’État partie selon lesquelles la loi garantit l’égalité à tous les travailleurs. Il souhaite toutefois obtenir de plus amples informations sur l’application pratique de ce principe, compte tenu en particulier de la forte proportion de travailleurs migrants au Qatar. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des statistiques ventilées selon l’origine nationale des migrants qui permettent de mieux comprendre le statut économique et social des non‑nationaux en fonction de leur origine nationale et ethnique.

22.Le Comité invite l’État partie à inclure dans son prochain rapport des informations sur les progrès accomplis dans la mise en place d’une institution nationale des droits de l’homme et lui demande de fournir de plus amples détails sur la composition, le mandat et le statut futurs d’une telle institution. À cet égard, il appelle l’attention de l’État partie sur les Principes de Paris qui figurent en annexe à la résolution 48/134 de l’Assemblée générale.

23.Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte, en incorporant les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, dans l’ordre juridique interne, des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, et d’inclure dans son prochain rapport des renseignements sur les plans d’action et les autres mesures qu’il a adoptés pour appliquer la Déclaration et le Programme d’action au niveau national.

24.Le Comité recommande que le texte de la Convention et ses propres conclusions soient diffusés aussi largement que possible. Il note avec satisfaction la déclaration de l’État partie selon laquelle la chaîne de télévision qatarienne Al‑Jezira pourrait contribuer dans une large mesure à faire connaître la Convention et les activités du Comité dans le monde arabe.

25.L’État partie est invité à faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations précises sur la composition de sa population, et notamment ses caractéristiques ethniques et démographiques.

26.Le Comité recommande à l ’État partie de soumettre son treizième rapport périodique ainsi que son quatorzième rapport périodique attendu le 21 août 2003, en un seul document qui contiendrait des informations à jour sur toutes les questions abordées dans les présentes conclusions.

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