Nations Unies

CRC/C/93/D/138/2021

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

6 juin 2023

Original : français

Comité des droits de l’enfant

Constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no 138/2021 * , **

Communication présentée par :

S. B.(représentée par un conseil, Richard Sédillot)

Victime ( s ) présumée ( s ):

H. F.

État partie :

Luxembourg

Date de la communication :

2 juin 2020 (date de la lettre initiale)

Date des constatations :

8 mai 2023

Objet:

Retour d’un enfant au Luxembourg à la suite de son enlèvement international ; droit de maintenir des relations personnelles et des contacts directs avec la mère

Question ( s ) de procédure :

Compétence ratione materiae

Question ( s ) de fond:

Intérêt supérieur de l’enfant ; séparation des enfants des parents ; droits de l’enfant

Article ( s ) de la Convention :

3 (par. 1), 9 (par. 1 à 3), 10 et 12

Article ( s ) du Protocole facultatif :

7 (al. c))

1.L’auteure de la communication est S. B., de nationalité française, née en 1984. Elle soumet la communication au nom de son fils, H. F., né en 2012 et de nationalité française. L’auteure allègue que l’État partie a violé les droits de H. F. en application des articles 3 (par. 1), 9 (par. 1 et 3), 10 et 12 de la Convention. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 12mai 2016. L’auteure est représentée par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1H. F. est né de l’union de l’auteure et d’O. F. Le 28 septembre 2015, le juge des référés du tribunal d’arrondissement de Luxembourg a confié la garde provisoire de H. F. à l’auteure, l’autorité parentale aux deux parents et un droit de visite et d’hébergement à O. F. Le 12 mai 2016, le même tribunal a prononcé le divorce des parents.

2.2Au cours de l’été 2018, l’auteure a regagné la France avec H. F. en raison de menaces dont elle était l’objet. Le 29 novembre 2018, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a attribué la garde de H. F. à O. F. et a accordé à l’auteure un droit d’accueil.

2.3Le 20 décembre 2018, à la suite du lancement par O. F. d’une procédure aux fins de retour de H. F., fondée sur la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, le juge aux affaires familiales de Grenoble a constaté que l’auteure avait illicitement déplacé H. F. et a ordonné son retour à sa résidence habituelle au domicile d’O. F., au Luxembourg. Le 20 février 2019, se fondant sur l’article 13 (al. b)) de ladite convention, la cour d’appel de Grenoble a affirmé qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner le retour de H. F. au Luxembourg, au motif d’un risque grave de danger physique et psychique pour lui. Elle a observé un risque important de maltraitance dénoncé par H. F. lui-même, et n’a pas exclu un risque de suicide de ce dernier, au vu de ses propos. Le 27 juin 2019, la Cour de cassation française a rejeté le pourvoi en cassation d’O. F.

2.4Le 10 juillet 2019, la Cour d’appel de Luxembourg a confirmé la décision du tribunal d’arrondissement du 29 novembre 2018 et a fixé le domicile de H. F. auprès d’O. F., ordonné son retour, accordé un droit de visite et d’hébergement à l’auteure et maintenu l’autorité parentale conjointe. Le 5 septembre 2019, les forces de l’ordre françaises ont renvoyé H. F. au domicile d’O. F. au Luxembourg.

2.5Le 15 octobre 2019, par ordonnance de référé exceptionnel, la juge aux affaires familiales du tribunal d’arrondissement de Luxembourg a attribué à l’auteure un droit de visite médiatisée à exercer au service Treff-Punkt à Munsbach. Cependant, le 29 novembre 2019, la juge aux affaires familiales du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, statuant sur le fond, a déclaré irrecevables les demandes d’O. F. de voir suspendre tout droit de visite de l’auteure en encadrement de ce droit. Par arrêt du 18 mars 2020, la Cour d’appel de Luxembourg a ordonné une expertise de H. F. et a indiqué que l’ordonnance de référé exceptionnel du 15 octobre 2019 survivait tant que le litige au fond n’avait pas été réglé par une décision ayant acquis force exécutoire.

2.6Le 12 mars 2020, après trois visites médiatisées, le service Treff-Punkt a décidé de suspendre les visites, reprochant à l’auteure d’impliquer H. F. dans le conflit parental, ce qu’elle conteste. H. F. ne l’avait donc vue que quelques heures depuis septembre 2019. Cependant, dans le premier rapport du service, les éducateurs avaient indiqué que H. F. était content de la rencontrer. En outre, dans son signalement du 12 mars 2020, le service a constaté qu’O. F. faisait des reproches envers l’auteure en présence de H. F., qu’il ne reconnaissait pas sa souffrance et qu’il ne savait pas y faire face. Par lettre du 19 mars 2020, l’avocate de H. F. a demandé à la juge de la jeunesse d’ordonner le placement immédiat de H. F. afin que sa sécurité et sa santé soient garanties, et de suspendre tout droit de visite.

2.7Par arrêt du 15 juillet 2020, la Cour d’appel de Luxembourg a noté qu’il appartenait aux parties de reprendre contact avec le service Treff-Punkt en vue de l’organisation des prochaines visites. Cependant, par lettre du 24 juillet 2020, ledit service a informé l’auteure qu’il n’était pas en mesure, pour l’instant, de reprendre les visites, vu la conclusion dans le signalement que toute continuation des visites serait « hautement nuisible à l’enfant et mettrait en péril l’intérêt supérieur de l’enfant ». Par lettre du 11 novembre 2020, la première chambre des affaires familiales de la Cour supérieure de justice a demandé au service Treff‑Punkt, dans l’intérêt supérieur de H. F., de recommencer les visites, dans les conditions à fixer par les responsables du service. Le 19 novembre 2020, le service Treff-Punkt a répondu qu’il maintiendrait la suspension des visites, vu les motifs graves énumérés dans son signalement du 12 mars 2020, qui risquaient de mettre en péril les intérêts et la santé physique et morale de H. F.

2.8Le 15 février 2021, le Service central d’assistance sociale du Luxembourg a déposé un rapport à l’attention du juge de la jeunesse, dans lequel il notait la violence dont O. F. avait fait preuve à l’égard de l’un des enfants de l’école de H. F., et indiquait que les problèmes de ce dernier, dont son comportement inquiétant, étaient la conséquence des problèmes d’O. F. Le Service central d’assistance sociale a noté, en outre, qu’il n’avait pas pu joindre l’avocate de H. F.

2.9Dans son arrêt du 3 mars 2021, la première chambre de la Cour d’appel de Luxembourg a ordonné que le droit de visite de l’auteure s’exerce au sein du service Treff‑Punkt, conformément aux modalités à arrêter par les responsables de ce service. La Cour a prononcé une interdiction de sortie du territoire national de H. F. sans l’accord d’O. F. La première visite a eu lieu le 15 mai 2021, après quoi l’auteure a revu H. F. deux heures par mois. Selon l’auteure, ces modalités demeurent insuffisantes pour soulager la souffrance de H. F. Elle se plaint que la reprise de contact très limitée a été justifiée par sa séparation de H. F.

2.10Le 4 mars 2021, la Cour d’appel de Luxembourg a accordé à l’auteure un droit de visite médiatisée, devant être exercé au service Treff-Punkt. L’auteure souligne les délais dans l’organisation des modalités de visite, malgré la constatation de la Cour d’appel de Luxembourg, dans son arrêt du 10 juillet 2019, de l’intérêt de H. F. de conserver un contact approfondi avec les parents.

2.11Par jugement du 30 mars 2021, le tribunal correctionnel de Valence a relaxé l’auteure des fins de la poursuite dans le cadre d’une requête d’O. F. fondée sur l’article 227-7 du Code pénal français pour soustraction d’enfant mineur.

2.12L’auteure souligne ses inquiétudes concernant le bien-être de H. F. Dès le 16 septembre 2019, un docteur a mis en garde O. F. et les services de protection de l’enfance quant à un comportement potentiellement suicidaire. Dans son rapport du 15 février 2021, le Service central d’assistance sociale a souligné les effets délétères du comportement d’O. F. sur l’état psychologique de H. F. Son indice de masse corporelle élevé atteste également de son mal-être. En outre, sa psychologue avait conseillé à O. F. de placer un traceur GPS dans son cartable. Les comportements obsessionnels d’O. F. sont source d’un profond sentiment d’insécurité pour H. F. Les observations de la psychologue selon lesquelles il se sentait bien contredisaient les constatations des services éducatifs. Ces derniers avaient constaté qu’il avait beaucoup de difficultés à gérer ses émotions, qu’il pouvait être agressif avec ses camarades et que le comportement pathologique d’O. F. générait de l’anxiété chez l’enfant. Il a aussi dû redoubler une classe. L’auteure note qu’en mai 2021, le service Treff-Punkt a décidé de la faire accompagner par un agent de sécurité lors de son arrivée pour sa visite, afin de garantir sa sécurité.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure fait valoir une violation de l’article 3 (par. 1) de la Convention. Elle affirme que, dans son arrêt du 10 juillet 2019, la Cour d’appel de Luxembourg ne fait presque aucune mention de l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 20 février 2019. Cette dernière avait attentivement considéré l’intérêt supérieur de l’enfant et conclu que le retour de H. F. au Luxembourg risquait de le mettre dans un état de danger physique et psychique. La Cour d’appel de Luxembourg a conséquemment émis le certificat prévu par l’article 42 du règlement (CE) no 2201/2003 pour rendre exécutoire en France son arrêt du 10 juillet 2019 en violation dudit article, qui stipule, parmi d’autres conditions, que le juge ne délivre le certificat que si « la juridiction a rendu sa décision en tenant compte des motifs et des éléments de preuve sur la base desquels avait été rendue la décision prise en application de l’article 13 de la [Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants] ». L’émission du certificat par la Cour d’appel de Luxembourg a également violé la condition selon laquelle l’enfant doit avoir eu la possibilité d’être entendu. En l’espèce, H. F. n’a pas été entendu, et la Cour d’appel de Luxembourg n’a pas justifié l’absence d’audition. Selon l’auteure, il n’a donc pas été fait cas de l’intérêt de l’enfant. En outre, l’audition de l’avocate de H. F. lors de l’audience devant la Cour d’appel de Luxembourg ne saurait se substituer à l’audition de H. F. lui-même. Au moment de l’audition, l’avocate ne l’avait pas rencontré depuis vingt et un mois.

3.2L’auteure fait valoir que, dans son ordonnance de référé exceptionnel du 15 octobre 2019, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a évoqué l’intérêt pour H. F. de maintenir des liens avec chacun des parents et de limiter ses rencontres avec l’auteure à celles organisées par le service Treff-Punkt, mais sans expliquer l’intérêt pour H. F. d’être privé de séjours avec elle. De même, dans son arrêt du 10 juillet 2019, la Cour d’appel de Luxembourg lui a reproché de n’avoir pas fait d’effort pour demeurer au Luxembourg. L’auteure estime que toutes les décisions rendues au Luxembourg ont eu pour but de la sanctionner pour son installation en France.

3.3L’auteure allègue une violation des articles 9 (par. 1 et 3) et 10 (par. 2) de la Convention pour deux motifs. Premièrement, elle note que le service Treff-Punkt a décidé de suspendre les visites au motif que l’auteure interrogeait H. F. sur sa vie avec O. F., ce qui, selon elle, est bien légitime. Elle réfute l’allégation selon laquelle elle cherchait ainsi à impliquer H. F. dans le conflit parental. D’après l’auteure, le service Treff-Punkt est chargé de mettre en œuvre des décisions judiciaires, et il ne lui appartient pas de décider de suspendre les visites ordonnées par une juridiction. Elle fait valoir que la rupture de ses relations avec H. F. est contraire à l’intérêt supérieur de ce dernier. De plus, elle avait expliqué au service Treff-Punkt qu’il lui était impossible d’exercer le droit de visite médiatisée en milieu de semaine, puisqu’elle demeure à plus de 600 kilomètres du Luxembourg. Cependant, le service Treff-Punkt a refusé, sans le moindre motif, d’en tenir compte. L’auteure fait valoir que H. F. ne l’a pas vue depuis le 29 février 2020 et que son état de souffrance a été constaté par des professionnels.

3.4Deuxièmement, l’auteure fait valoir que le Service central d’assistance sociale du Luxembourg a rédigé son rapport du 24 mars 2020 préconisant la suspension des visites au service Treff-Punkt uniquement sur la base des dires d’O. F., sans la moindre vérification et sans entendre les enseignants et les thérapeutes. Les démarches que ledit service doit effectuer selon le site Web du Ministère de la justice n’ont ainsi pas été respectées. L’auteure réfute l’allégation du Service central d’assistance sociale selon laquelle elle n’était pas joignable sur son téléphone. Selon l’auteure, la préconisation de la rupture entre H. F. et elle-même viole le droit de l’enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents. De même, l’Autorité centrale du Luxembourg a refusé d’intervenir pour permettre une visite entre l’auteure et H. F. sur la base des seules affirmations d’O.F. L’auteure conteste l’évaluation de l’Autorité centrale selon laquelle, le 18 mars 2020, elle s’est rendue au domicile d’O. F. pour enlever H. F. une deuxième fois. Ainsi, ni l’avocate de H. F., ni le juge de la jeunesse, ni les juridictions civiles n’ont pris conscience de l’importance de maintenir le lien entre H. F. et elle.

3.5L’auteure ajoute que les juridictions internes n’ont pas procédé avec la diligence nécessaire pour maintenir un lien entre H.F. et elle, et n’ont pas pris en compte la souffrance de H. F. Conséquemment, ce dernier n’a pas pu entretenir de relation avec elle entre février 2020 et mai 2021, malgré les rappels systématiques de l’auteure sur l’importance de maintenir un tel lien. Ce n’est qu’à la suite de l’audience du 20 avril 2021 que le tribunal de la jeunesse et des tutelles a ordonné une nouvelle enquête sociale. Ainsi, le tribunal n’a pas suivi la préconisation du Service central d’assistance sociale du Luxembourg dans son rapport du 6 octobre 2020 de mettre en place une mesure d’assistance éducative.

3.6L’auteure soutient que les droits de H. F. au titre de l’article 12 de la Convention n’ont pas été respectés, compte tenu du fait que toutes les décisions rendues au Luxembourg l’ont été sans qu’il soit entendu. L’avocate désignée pour le représenter est intervenue lors de l’audience du 19 juin 2019 devant la Cour d’appel de Luxembourg alors qu’elle ne l’avait pas rencontré depuis près de deux ans. Celle-ci n’a pas entamé de démarches pour permettre des rencontres entre H. F. et l’auteure, et n’a pas répondu à des lettres du conseil de l’auteure pour attirer son attention sur l’état de souffrance de H. F, pour lui demander si elle entendait participer à une réunion pour rechercher une solution, et pour l’inviter à rappeler à O. F. le droit de H. F. de s’entretenir avec l’auteure. Le 17 mars 2020, l’avocate de H. F. a demandé au juge de la jeunesse près le tribunal d’arrondissement de Luxembourg d’ordonner son placement et de suspendre tous les droits de visite le concernant. L’avocate de H. F. a ainsi œuvré à le séparer de l’auteure sans qu’elle soit entendue, alors que les déclarations d’O. F. ont été recueillies.

3.7L’auteure estime que les voies de recours internes excèdent des délais raisonnables, compte tenu du jeune âge de H. F. et de la rupture entre eux, avec des conséquences potentielles sur son développement. Elle fait valoir que la désignation d’un docteur par la Cour d’appel de Luxembourg entraînerait des délais supplémentaires. En outre, il est peu probable que la procédure permette d’obtenir une réparation effective au vu des allégations précitées. Selon l’auteure, la position de l’Autorité centrale du Luxembourg, représentée par un avocat qui était également le premier avocat général sur le banc de la Cour d’appel de Luxembourg dans son arrêt du 10 juillet 2019, et qui a refusé d’intervenir pour lui permettre de rencontrer H. F. sur la base des dires d’O. F., permet de penser que tout sera mis en œuvre pour priver H. F. de ses liens avec l’auteure.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans ses observations du 4 octobre 2021, l’État partie soutient que l’auteure a présenté sa version des faits de façon incomplète et biaisée. Il note qu’entre 2015 et 2016, les parents ont divorcé dans un climat très conflictuel, marqué par des périodes d’instabilité pour H. F. Les juridictions ont prononcé, dans un premier temps, le partage commun de l’autorité parentale, la garde étant accordée à l’auteure et un droit de visite et d’hébergement à O. F. En 2018, des événements graves ont traumatisé H. F. et conduit l’auteure à décider unilatéralement de déménager dans le sud de la France, empêchant ainsi les visites et hébergements légaux d’O. F. à H. F. Ce dernier a été déplacé illicitement en France pendant plus de quatorze mois sans contact avec O. F. ou son avocate. Les juridictions luxembourgeoises et françaises ont qualifié ce déménagement de déplacement illicite et d’enlèvement international d’enfant.

4.2Par jugement du 29 novembre 2018, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a décidé, sur la base d’une expertise médicale contradictoire et judiciaire et d’un rapport de l’avocate de l’enfant, qui a été entendu par cet intermédiaire, d’accorder la garde à O. F. et un droit de visite et d’hébergement à l’auteure. Le tribunal a pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi que l’empêchement de la relation père-enfant par l’auteure. En 2018 et 2019, des procédures parallèles ont été menées concernant la restitution de H. F. à son domicile et la requête de l’auteure d’obtenir la garde. Les juridictions françaises ont accordé à l’auteure le changement de garde. Cependant, par arrêt du 10 juillet 2019, la Cour d’appel de Luxembourg a décidé de maintenir la fixation du domicile de H. F. auprès d’O. F., d’ordonner son retour, d’accorder un droit de visite et d’hébergement à l’auteure et de maintenir l’autorité parentale conjointe, dans l’intérêt de H. F. Le 5 septembre 2019, l’auteure ayant sciemment ignoré l’arrêt, les forces de l’ordre ont dû intervenir pour récupérer H. F. Par ordonnance de référé exceptionnel du 15 octobre 2019, la juridiction luxembourgeoise a conséquemment réduit le droit de visite, que l’auteur devait exercer au service Treff-Punkt. L’auteure y a à plusieurs reprises omis de respecter les règles, rendant les visites difficiles. Par jugement au fond du 29 novembre 2019, la juge aux affaires familiales a décidé de ne pas réviser les modalités de l’arrêt du 10 juillet 2019. Par arrêt du 18 mars 2020, la Cour d’appel a ordonné une expertise médicale contradictoire et judiciaire. L’État partie observe que le même jour s’est produit un événement au domicile d’O. F., que les parties ont diversement qualifié de « visite » ou de « tentative d’enlèvement » par l’auteure, et qui a été traumatisant pour H. F.

4.3L’État partie fait observer que les rapports médicaux, sociaux et psychiatriques concernant H. F. ont recommandé un suivi médical et psychothérapeutique accru, au vu de la situation parentale très conflictuelle depuis sa plus tendre enfance et de son hyperinsulinisme. Pourtant, les parents ont continué à aggraver l’état de H. F. par leurs conflits et acharnements procéduraux. Son mal-être a été reconnu médicalement, impliquant même un risque de suicide. Les juridictions luxembourgeoises et françaises ont certes décidé de ne pas l’entendre directement, mais d’évaluer plutôt sa situation par l’intermédiaire de son avocate et de nombreux rapports d’expertises sociales et médicales. Le 22 juin 2020, l’auteure a saisi la Cour d’appel de Luxembourg d’une demande en rectification d’erreur matérielle, arguant une absence d’audition de H. F. Les 22 juillet et 12 novembre 2020, la Cour d’appel et la Cour de cassation ont rejeté cette demande, estimant qu’il avait été correctement entendu par l’entremise de son avocate, et dans l’intérêt de l’enfant.

4.4L’État partie se rapporte à prudence de justice concernant la recevabilité de la communication, d’une part quant à la question de savoir si l’auteure a épuisé les voies de recours internes, d’autre part quant à la mise en intervention de la France impliquée par des procédures parallèles. Cependant, l’État partie ne juge pas utile de contester expressément la recevabilité dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

4.5Sur le fond, l’État partie soutient que les juridictions luxembourgeoises ont dûment considéré l’intérêt supérieur de l’enfant dans leurs décisions. Il se réfère à la détermination de l’intérêt de H. F. par la Cour d’appel de Luxembourg et ses constatations sur sa situation ainsi qu’aux rapports d’expertise dans l’arrêt du 10 juillet 2019. L’État partie note que la Cour d’appel a considéré que c’était à juste titre que les juges de première instance avaient fixé la résidence de H. F. auprès d’O. F., estimant que la décision de l’auteure de s’installer dans le sud de la France avec H. F. était dommageable pour son équilibre et montrait qu’elle ne disposait pas de la capacité à maintenir une place à O. F. dans la vie de H. F. L’État partie réfute que cet arrêt contredise celui de la cour d’appel de Grenoble et qu’il n’ait pas été fait cas de l’intérêt de l’enfant ; la Cour d’appel de Luxembourg n’a qu’exercé la compétence lui revenant aux termes de l’article 11 (par. 6 à 8) du règlement (CE) no 2201/2003.

4.6Sous l’angle de l’article 18 de la Convention, l’État partie soutient que la responsabilité des parents d’agir conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant ne peut pas être transférée à ses institutions. Il conteste que les juridictions internes aient rendu leurs décisions dans le but de punir l’auteure, qui banalise son propre comportement. La mission de l’expertise ordonnée par la Cour d’appel de Luxembourg concernait tant H. F. que les deux parents, de sorte qu’il n’y avait aucune partialité. Selon l’État partie, les expertises démontrent objectivement la responsabilité principale des parents, notamment de l’auteure, dans la souffrance de H. F. L’État partie conclut qu’il n’a pas violé l’article 3 de la Convention.

4.7L’État partie soutient que les deux parents ont bénéficié de leur droit au contact avec H. F., eu égard aux circonstances de l’espèce. En 2016, l’auteure a bénéficié d’un droit de garde et O. F. d’un droit de visite et d’hébergement. En 2018, après l’enlèvement international de H. F., le juge a décidé d’une garde et résidence auprès d’O. F. et d’un droit de visite et d’hébergement pour l’auteure. En 2019, la Cour d’appel de Luxembourg a confirmé ces modalités. Eu égard au risque élevé de récidive, le juge des référés a encadré le droit de visite de l’auteure par l’intermédiaire du service Treff-Punkt. L’auteure a elle-même annulé certaines visites. Les conditions défavorables entre les professionnels du service Treff-Punkt et l’auteure ont débouché sur un rapport social qui a conduit à suspendre provisoirement le droit de visites physiques. Le contact téléphonique ou par visioconférence a toujours été maintenu. Les visites au service Treff-Punkt ont repris en novembre 2020. L’État partie conclut à une non-violation des articles 9 à 11 de la Convention.

4.8L’État partie soutient que le recueil de l’opinion de H. F. et de son audition figure au dossier par de nombreuses pièces émanant de psychologues, d’assistants sociaux et de pédopsychiatres et, sur la base de l’article 388-1 du Code civil, par l’intermédiaire de son avocate, y compris dans le cadre de l’émission du certificat visé par l’article 42 du règlement (CE) no 2201/2003. L’État partie fait observer que, dans son arrêt du 22 juillet 2020, la Cour d’appel de Luxembourg a constaté que l’audition de H. F. par l’entremise de son avocate ne constituait pas une erreur matérielle. En outre, lors des débats devant la Cour d’appel, l’auteure n’avait pas exprimé de critiques par rapport à la prise de position de l’avocate, qui était corroborée par les rapports précités. D’après l’État partie, la décision de l’auteure d’aller vivre en France illégalement avec H. F. a rendu impossible sa consultation par son avocate. De plus, le rapport le plus récent de cette dernière, daté du 14 février 2020, relate qu’il a été entendu et fait état de sa grande souffrance. Selon l’État partie, plaider pour une audition directe de H. F. relèverait d’un préjudice moral au vu de son très jeune âge − de 3 à 8 ans − depuis le début de la procédure et des conflits parentaux graves, dont des événements violents et traumatisants qui l’ont impliqué. Les instances internes n’ont conséquemment pas davantage cherché à le mêler plus directement encore aux procédures, ce qui n’aurait pas été dans son intérêt ou bénéfique pour son bien-être. L’article 12 de la Convention n’a ainsi pas été violé.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie

5.1Dans ses commentaires des 22 février et 19 avril 2022, l’auteure nie avoir été impliquée dans une quelconque tentative ou un quelconque fait d’enlèvement d’enfant. Notant que l’État partie se réfère à l’expertise médicale du 12 novembre 2020 pour affirmer sa responsabilité dans l’enlèvement international de H. F., elle fait valoir qu’un médecin n’a pas compétence pour procéder à des qualifications juridiques. Elle affirme que l’État partie ne reconnaît pas que, le 20 février 2019, la cour d’appel de Grenoble a décidé de ne pas ordonner le retour de H. F. au Luxembourg, au motif de l’existence d’un risque de danger grave. Selon l’auteure, les juridictions luxembourgeoises ont méprisé l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble, et il leur appartenait d’expliquer pourquoi la résidence de H. F. devait être fixée au Luxembourg, malgré les considérations de la cour d’appel de Grenoble, conformément à l’article 42 (par. 2) du règlement (CE) no 2201/2003.

5.2L’auteure conteste que H. F. ait été entendu dans des conditions satisfaisantes. Le jour de l’audience du 19 juin 2019 devant la Cour d’appel de Luxembourg, son avocate ne l’avait pas vu depuis vingt et un mois, une période considérable pour un enfant d’un tel âge. Cependant, celle-ci n’a entrepris aucune démarche pour s’entretenir avec lui. En outre, la Cour d’appel a omis d’ordonner à l’avocate d’entendre H. F., de décider elle-même de l’entendre ou d’expliquer l’absence d’une audition.

5.3L’auteure soutient que les juridictions luxembourgeoises n’ont pas considéré le fait que H. F. n’a pas fait état des difficultés liées au conflit parental lors de son séjour en France. L’État partie prétend qu’elle a impliqué H. F. dans le conflit parental, mais selon l’auteure, elle ne lui a posé que de simples questions sur sa vie et ses occupations. L’État partie évoque l’enquête sociale du 24 mars 2020, mais les juridictions internes n’ont pas considéré que le rapport de cette enquête avait été rédigé sur la seule base des dires d’O. F., sans prendre contact avec l’auteure. Elle réitère que les visites ont été suspendues pendant quinze mois durant lesquels elle est restée sans contact avec H. F. Elle précise qu’aucune mesure n’a été prise pour maintenir son lien avec lui entre février 2020 et mai 2021, quand les visites ont repris. D’après l’auteure, l’État partie n’explique pas l’incompatibilité entre le rôle de l’Autorité centrale, d’une part, et celui du magistrat du parquet général, qui a œuvré dans une affaire mettant en jeu l’intervention de cette autorité, d’autre part.

5.4L’auteure note que, dans un signalement du 19 janvier 2022, le service Treff-Punkt a adressé un courrier au département des affaires de protection de la jeunesse du parquet du tribunal d’arrondissement de Luxembourg qui explique que H. F. semble pris dans un conflit de loyauté entre les intervenants du service et O. F. Les auteurs du signalement évoquent qu’O. F. ne collabore pas au processus d’élargissement du droit de visite de l’auteure et pensent qu’il instrumentalise psychiquement H. F., en semant chez lui l’angoisse et l’insécurité. Ils proposent sa séparation d’O. F. afin de le protéger d’une manipulation et d’une aliénation psychiques qui mettent son développement en danger, ainsi qu’un soutien thérapeutique. Cependant, au moment de la soumission des commentaires de l’auteure, aucune mesure n’avait été prise en conformité avec le signalement.

5.5L’auteure invoque aussi un rapport du Service central d’assistance sociale daté du 3 février 2022 et adressé au juge de la jeunesse. Le Service indique qu’il est « très préoccupé » par le fait que H. F. ne peut pas montrer ses émotions par rapport à ce qu’il ressent envers l’auteure, avec qui il a besoin d’un contact physique. Toutefois, le chargé de l’encadrement des visites a noté n’avoir jamais observé d’affection entre H. F. et O. F., qui le domine et l’humilie. Le Service écrit qu’une mesure d’assistance éducative arrive tardivement par rapport à l’ampleur du problème et de la souffrance de H.F., et préconise qu’il « devrait être impérativement séparé de l’environnement psychologiquement néfaste pour son développement émotionnel et développemental » et qu’un essai de sa réintégration au domicile de l’auteure est imaginé. Le Service explique aussi que l’auteure est uniquement préoccupée par le bien-être de H. F. L’auteure affirme l’importance de prendre une décision concernant son avenir, au regard du dommage que l’inaction des autorités luxembourgeoises a, d’après elle, déjà causé.

5.6Le 28 mars 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, statuant en référé, a déclaré la requête de l’auteure de fixer la résidence de H. F. en son domicile non fondée. À l’appui de sa requête, l’auteure avait évoqué les termes du rapport du Service central d’assistance sociale du 3 février 2022 et le signalement du 19 janvier 2022 du service Treff-Punkt. O. F. a ensuite soumis deux demandes de remise, auxquelles il a été fait droit pour les audiences des 15 et 22 mars 2022. L’auteure indique qu’il ne lui avait pas été expliqué, ni à son conseil, que la deuxième remise pourrait avoir pour conséquence le rejet de la requête, même si les remises avaient été ordonnées pour des périodes brèves qui n’altéraient pas le caractère urgent de la requête et que le juge a noté qu’une seule remise pouvait être ordonnée. Cependant, le juge a considéré que l’affaire n’était pas utile au vœu du législateur d’encadrer la procédure de référé exceptionnel du juge aux affaires familiales dans des délais stricts dictés par la notion d’urgence absolue. Selon l’auteure, la décision fait confirmer le « désir » de la sanctionner. Elle affirme que, depuis des mois, H. F. est privé de toute relation avec elle, et que les termes de l’arrêt de la Cour d’appel de Luxembourg du 10 juillet 2019 concernant son droit de visite et d’hébergement n’ont jamais été exécutés.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

6.2Le Comité note que, dans sa communication initiale, l’auteure fait valoir que l’épuisement des recours internes entraînerait des délais déraisonnables compte tenu du jeune âge de H. F., entre autres facteurs. Il note également que, le 12 novembre 2020, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en cassation de l’auteure concernant sa demande en rectification d’erreur matérielle. Dans ce pourvoi, elle avait invoqué l’article 3 de la Convention dans le contexte de l’ordonnance judiciaire de retour de H. F. au domicile d’O. F. et de l’absence alléguée d’audition de H. F. à cet égard, entre autres éléments. Le Comité note en outre que l’État partie ne conteste pas la recevabilité de la communication. Par conséquent, le Comité considère que l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif ne l’empêche pas d’examiner la présente communication.

6.3Le Comité note que l’auteure affirme que la Cour d’appel de Luxembourg a violé l’article 42 du règlement (CE) no 2201/2003. Dans la mesure où l’auteure fait valoir la violation dudit règlement, le Comité note qu’en vertu de l’article 5 du Protocole facultatif, il n’est pas compétent pour examiner les allégations de telles violations. Le Comité considère donc que cette partie de la communication est incompatible ratione materiae et la déclare irrecevable en application de l’article 7 (al. c)) du Protocole facultatif.

6.4Le Comité note que l’État partie ne souhaite pas contester la recevabilité de la communication, qui contient des allégations au titre des articles 3 (par. 1), 9 (par. 1 et 3), 10 et 12 de la Convention. Il note également que les griefs de l’auteure selon lesquels, d’une part, elle n’a pas été entendue par le Service central d’assistance sociale et, d’autre part, le service Treff-Punkt a décidé de suspendre les visites en se fondant uniquement sur les griefs d’O. F. soulèvent en substance des questions au regard de l’article 9 (par. 2) de la Convention. Par conséquent, et en l’absence de toute autre indication d’obstacles à la recevabilité, le Comité déclare recevable la présente communication, laquelle soulève des questions au titre des articles 3 (par. 1), 9 (par. 1 à 3), 10 (par. 2) et 12 de la Convention, et procède à son examen au fond.

Examen au fond

7.1Conformément à l’article 10 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2Le Comité prend note des allégations de l’auteure selon lesquelles l’État partie a violé les droits de H. F. au titre des articles 3 (par. 1), 9 (par. 1 à 3), 10 (par. 2) et 12 de la Convention en ne tenant pas suffisamment compte de son intérêt supérieur, en limitant ses contacts avec l’auteure, et en ne l’entendant pas dans le cadre des décisions judiciaires concernant son retour de France au Luxembourg et des procédures subséquentes sur le droit de visite de l’auteure et le lieu de résidence de H. F.

7.3Le Comité examinera tout d’abord les allégations de l’auteure au titre des articles3 et12 de la Convention. À cet égard, ilrappelle que, conformément à l’article 3 (par. 1) de la Convention, les États parties doivent veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants prises par les institutions publiques. Le Comité rappelle en outre qu’il appartient généralement aux autorités nationales d’examiner les faits et les éléments de preuve, ainsi que d’interpréter et d’appliquer la loi nationale, à moins que l’appréciation faite par ces autorités ait été manifestement arbitraire ou ait constitué un déni de justice. Il n’appartient donc pas au Comité de se substituer aux autorités nationales dans l’interprétation de la loi nationale et l’appréciation des faits et des preuves mais de vérifier l’absence d’arbitraire ou de déni de justice dans l’appréciation des autorités, et de s’assurer que l’intérêt supérieur de l’enfant ait été une considération primordiale dans cette appréciation.

7.4En l’espèce, le Comité note que, dans son arrêt du 10 juillet 2019, visé par l’auteure, la Cour d’appel de Luxembourg a retenu que « l’intérêt supérieur de l’enfant doit guider comme seul critère la juridiction dans sa prise de décision, toutes autres considérations ne sont que secondaires ». La Cour a donc statué sur la fixation de sa résidence, son retour, les droits de visite et d’hébergement, l’attribution de l’autorité parentale et d’autres questions en considérant explicitement l’intérêt supérieur de H. F. Ainsi, la Cour a pris en compte l’intérêt pour H. F. du maintien d’un lien avec ses deux parents, d’un rythme de vie stable et serein, et d’un développement psychique et affectif harmonieux. Spécifiquement, la Cour a considéré l’âge de H. F., le conflit parental, le préjudice subi par H. F. du fait de la décision de l’auteure de s’installer en France avec lui en 2018, le comportement des parents, les relations de H. F. avec chacun d’entre eux et le contenu de rapports d’enquête sociale et d’un rapport pédopsychiatrique. En outre, la Cour a explicitement examiné les arguments de l’auteure contre la fixation de la résidence de H. F. chez O. F., mais a conclu, sur la base des preuves susmentionnées, aux capacités parentales des deux parents et à l’intérêt pour H. F. de retourner vivre chez son père. Si la Cour d’appel de Luxembourg ne s’est pas explicitement référée aux considérations de la cour d’appel de Grenoble, le Comité note qu’elle a néanmoins procédé à une analyse détaillée et extensive de l’intérêt supérieur de H. F. Le Comité note également que l’auteure ne semble pas prétendre le contraire.

7.5À cet égard, le Comité note qu’il ressort du dossier que dans leurs décisions, les juridictions internes ont pris en compte l’état général de H. F., la mesure dans laquelle il se sentait à l’aise avec les deux parents, ses cauchemars, sa tristesse, ses angoisses et sa peur d’être abandonné. Le Comité ne peut donc pas conclure que les juridictions internes n’ont pas tenu compte « des souffrances de H. F. », comme le prétend l’auteure.

7.6Concernant l’argument de l’auteure selon lequel la juge aux affaires familiales du tribunal d’arrondissement de Luxembourg n’a pas expliqué, dans son ordonnance de référé exceptionnel du 15 octobre 2019, pourquoi il serait dans l’intérêt de H. F. d’être privé de séjours avec elle, le Comité note que, dans ladite décision, la juge a pris en compte qu’il est dans l’intérêt de tout enfant dont les parents sont séparés de conserver le contact le plus approfondi possible avec chacun de ses parents. La juge a également pris en compte que l’auteure n’avait pas apporté la preuve de ses capacités à respecter les décisions judiciaires, dont l’arrêt de la Cour d’appel de Luxembourg du 10 juillet 2019, et a spécifié qu’elle avait décidé d’attribuer à l’auteure un droit de visite à exercer au service Treff-Punkt afin d’éviter toute nouvelle soustraction de H. F. et d’assurer un encadrement de la relation mère-enfant.

7.7Eu égard à ce qui précède, le Comité ne considère pas que les appréciations contenues dans les décisions judiciaires mentionnées puissent être qualifiées d’arbitraires ou aient constitué un déni de justice. Le Comité ne voit pas non plus d’éléments qui confirmeraient la prétention de l’auteure selon laquelle ces décisions n’auraient pas tenu compte de l’intérêt de H. F. en tant que considération primordiale, comme l’exige l’article 3 de la Convention.

7.8Quant à l’affirmation selon laquelle H. F. n’a pas été entendu, le Comité note l’observation de l’État partie selon laquelle l’opinion de H.F. et son audition ont été recueillies par l’intermédiaire de nombreuses pièces émanant de psychologues, d’assistants sociaux et de pédopsychiatres et par l’entremise d’une avocate. Le Comité note également que, selon l’État partie, les autorités nationales ont décidé de ne pas l’entendre pour éviter un risque de préjudice moral, compte tenu de son jeune âge − de 3 à 8 ans − lors des procédures et de son implication dans le conflit parental. À cet égard, le Comité rappelle que l’article 12 de la Convention n’impose aucune limite d’âge en ce qui concerne le droit de l’enfant d’exprimer son opinion, et qu’il décourage les États parties d’adopter, que ce soit en droit ou en pratique, des limites d’âge de nature à restreindre le droit de l’enfant d’être entendu sur toutes les questions l’intéressant. Le Comité rappelle en outre que les États parties doivent être conscients des conséquences négatives potentielles d’une pratique inconsidérée de ce droit, notamment lorsqu’il s’agit de très jeunes enfants ou lorsque l’enfant a été victime d’une infraction pénale, de sévices sexuels, de violence ou d’autres formes de mauvais traitements. Les États parties doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que le droit d’être entendu soit exercé tout en assurant l’entière protection de l’enfant. Le Comité rappelle également que si l’enfant est entendu par l’intermédiaire d’un représentant, il est primordial que ses opinions soient transmises correctement par ce représentant à la personne chargée de rendre la décision. Le représentant doit avoir une connaissance et une compréhension suffisantes des différents aspects du processus décisionnel et avoir l’expérience du travail avec les enfants.

7.9En l’espèce, le Comité note qu’en vertu de l’article 388-1 du Code civil de l’État partie, les juridictions ont la possibilité, voire l’obligation, si le mineur capable de discernement le demande, d’entendre l’enfant, cette audition pouvant également être faite par des tiers. Il résulte du dossier que c’est ainsi qu’une avocate a été nommée en février 2017 pour défendre les intérêts de H. F., et que l’auteure ne conteste pas que celle-ci a été entendue. Si l’auteure fait valoir qu’au moment de l’audience du 19 juin 2019 devant la Cour d’appel de Luxembourg, l’avocate n’avait pas vu H. F. depuis vingt et un mois, le Comité note que pendant plus d’un an, y compris toute la durée de la procédure d’appel pour laquelle l’auteure se plaint que H. F. n’a pas été entendu, ce dernier n’était pas au Luxembourg en raison de la décision de l’auteure de l’enlever pour l’emmener en France. Dans ces conditions, le Comité estime que l’impossibilité d’entendre H. F. dans ladite procédure ne peut être imputée à l’État partie. En outre, il ressort du dossier que le 14février 2020, l’avocate de H.F. a fait observer qu’après le retour de H.F. au Luxembourg le 5septembre 2019, elle s’était entretenue avec lui le 30septembre 2019 et le 12février 2020. Concernant le manque allégué de coopération de l’avocate de H.F.et les positions prises par celle-ci dans les procédures judiciaires, le Comité considère que l’auteure n’a pas fourni suffisamment d’informations pour étayer cette allégation. Il note que les juridictions internes ont pris en compte le point de vue de H. F. tel qu’il est mentionné dans les différents rapports figurant au dossier, y compris son souhait de maintenir ses relations avec les deux parents et la mesure dans laquelle il se sentait à l’aise avec eux, ainsi que son bien-être général. À la lumière de ce qui précède, le Comité considère que, dans la mesure où il était matériellement possible d’entendre H. F. au Luxembourg et tenant compte des circonstances spécifiques du cas, dont la souffrance de H. F. due au conflit parental et son degré de maturité, les juridictions internes ont respecté son droit d’être entendu en examinant ses opinions susmentionnées, en vertu de l’article 12 de la Convention.

7.10Le Comité note les allégations de l’auteure au titre des articles 9 (par. 1 à 3) et 10 (par. 2) de la Convention en raison de la suspension des visites par le service Treff-Punkt et des limitations de ses contacts avec H. F., du refus allégué du service Treff-Punkt de tenir compte de sa résidence située à plus de 600 kilomètres du Luxembourg, des retards allégués des autorités judiciaires pour assurer le maintien des liens de H. F. avec l’auteure, et de l’allégation selon laquelle l’avocate de H. F., le Service central d’assistance sociale et l’Autorité centrale du Luxembourg auraient basé leurs positions respectives sur les dires d’O. F, sans entendre l’auteure.

7.11Le Comité rappelle que, selon les termes de l’article 9 (par. 1) de la Convention, les États parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l’enfant, ou lorsqu’ils vivent séparément et qu’une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l’enfant. Le Comité rappelle également que d’après l’article 9 (par. 2) de la Convention, dans tous les cas prévus à l’article 9 (par. 1), toutes les parties intéressées doivent avoir la possibilité de participer aux délibérations et de faire connaître leurs vues. Il rappelle en outre que selon l’article 9 (par. 3), les États parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Comité rappelle enfin que l’article 10 (par. 2) de la Convention stipule, entre autres, qu’un enfant dont les parents résident dans des États différents a le droit d’entretenir, sauf circonstances exceptionnelles, des relations personnelles et des contacts directs réguliers avec ses deux parents.

7.12En l’espèce, le Comité note que les allégations de l’auteure concernant la suspension des visites mettent en cause l’évaluation des faits et des preuves par les institutions de l’État partie, notamment le service Treff-Punkt. Il note également que le service Treff-Punkt a décidé de suspendre les visites en mars 2020 au motif que le bien-être moral et psychique de H. F. était en danger durant les visites et au-delà de ce contexte. Le service Treff-Punkt a pris en compte que l’auteure n’acceptait ni son cadre de fonctionnement ni son mandat, qu’elle attaquait régulièrement par de l’agressivité verbale l’encadrement familial et l’accompagnateur, qu’elle diffamait les professionnels et qu’elle ne se rendait pas compte qu’elle mettait H. F. dans une situation de stress psychique. Le service Treff-Punkt a aussi constaté que le conflit parental était omniprésent, que l’auteure impliquait H. F. dans celui-ci et que les réactions de l’auteure le mettaient mal à l’aise. Il s’est également interrogé sur les compétences parentales des deux parents. Compte tenu de ces considérations, le Comité ne peut pas conclure que la décision initiale de l’institution désignée pour organiser les visites était arbitraire ou constituait un déni de justice. Par ailleurs, dans la mesure où l’auteure se plaint de n’avoir pas pu rencontrer H. F. plus de trois fois avant la suspension des visites, le Comité note qu’elle a décidé elle-même d’annuler les deux autres visites.

7.13Le Comité note également que dans ses lettres du 24 juillet 2020 et du 19 novembre 2020, le service Treff-Punkt a décidé de maintenir la suspension des visites, malgré l’observation des autorités judiciaires selon laquelle les parents devaient prendre contact avec ledit service pour reprendre les visites et la demande judiciaire subséquente de les reprendre. Le Comité note en outre que tant les autorités judiciaires que le service Treff-Punkt ont fondé leurs positions respectives sur leur propre appréciation de l’intérêt et du bien-être de H. F. Le Comité note que dans sa lettre du 19 novembre 2020, le service Treff-Punkt a réitéré ses préoccupations concernant l’intérêt et le bien-être psychique et moral de H. F., et a déclaré qu’il était disposé à reprendre les visites dès réception de la preuve que le bien-être de H. F. ne serait plus menacé. Au vu de ces éléments, le Comité note que si les autorités de l’État partie ont eu des compréhensions différentes de la mesure dans laquelle il était dans l’intérêt de H. F. d’organiser ses visites avec l’auteure, leurs analyses respectives ont toujours été fondées sur une évaluation détaillée de l’intérêt de H. F., dans le contexte de sa vulnérabilité due au conflit parental ainsi que du déroulement des visites de l’auteure à H. F. et des effets de ces visites sur lui. Le Comité considère que, même si l’auteure conteste les évaluations du service Treff-Punkt, elle n’a pas démontré qu’elles étaient arbitraires ou constituaient un déni de justice.

7.14Le Comité note en outre que si l’auteure et l’État partie ne sont pas d’accord sur la question de savoir si elle a maintenu le contact avec H. F. pendant la suspension des visites et sur la date à laquelle les visites ont repris, plusieurs documents versés au dossier font état de contacts téléphoniques entre l’auteure et H. F. pendant la suspension des visites. Le Comité note que l’auteure a ainsi conservé le contact avec H. F. Il note également que, d’après le dossier, les visites ont repris en mai 2021. Quant à l’allégation de l’auteure selon laquelle des retards judiciaires l’ont empêchée de voir H. F., le Comité note que, d’après son examen du dossier, la décision de l’une des autorités de l’État partie de suspendre les visites pour le bien-être de H. F. a été la raison de la réduction des contacts. Le Comité note aussi que malgré l’allégation de l’auteure selon laquelle le service Treff-Punkt n’a pas motivé son refus de sa demande de reprogrammation des visites compte tenu de sa résidence dans le sud de la France, le dossier montre que ledit service a reconnu que le calendrier établi nécessitait un compromis de toutes les parties, mais qu’il avait été établi principalement en fonction des besoins et des activités de H. F. Le Comité ne peut pas constater de caractère arbitraire dans cette approche.

7.15Concernant l’allégation de l’auteure selon laquelle l’Autorité centrale du Luxembourg a refusé d’intervenir pour lui permettre de rencontrer H. F. en se fondant uniquement sur les affirmations d’O. F., le Comité note que l’auteure se réfère à un courrier électronique de l’Autorité centrale qui fait état d’échanges entre les avocats d’O. F. et elle-même. Le courrier électronique mentionne également la position du conseil de l’auteure. Le Comité ne voit aucune indication permettant d’étayer l’affirmation selon laquelle l’Autorité centrale n’aurait pas tenu compte de l’avis de l’auteure. Par ailleurs, il ne voit aucune indication que les droits de H. F. en vertu de la Convention ont été violés au motif que l’Autorité centrale est représentée par la même personne qui était le premier avocat général sur le banc de la Cour d’appel de Luxembourg dans son arrêt du 10 juillet 2019. En outre, en ce qui concerne le rapport du Service central d’assistance sociale du 24 mars 2020, le Comité considère qu’il n’est pas en mesure d’évaluer le désaccord de l’auteure sur la constatation dudit service qu’il n’avait pas réussi à la joindre malgré plusieurs essais. Le Comité note de plus que l’auteure a apporté ses commentaires dans les procédures judiciaires auxquelles elle était partie, ainsi que relativement aux rapports ultérieurs du Service central d’assistance sociale datés du 30 septembre 2020 et du 3 septembre 2021 et à l’expertise médicale du 12 novembre 2020, et qu’elle a également été entendue par l’avocate de H. F.

7.16Le Comité note que dans ses commentaires du 19 avril 2022, l’auteure fait valoir qu’elle est à nouveau, « depuis des mois », privée de contact avec H. F. Il note à cet égard, après examen du dossier, que cela serait dû au fait que H. F. a refusé de la voir. Le Comité note également, dans le même contexte, que l’auteure n’est pas d’accord avec la décision du juge aux affaires familiales du 28 mars 2022. Cependant, il considère que l’auteure n’a pas démontré que la décision du juge aux affaires familiales de ne pas faire droit à sa requête en référé revêtait un caractère arbitraire ou constituait un déni de justice, eu égard au raisonnement de la décision concernant l’accord de l’auteure sur les deux remises. Le Comité note en outre la référence de l’auteure au signalement du 19 janvier 2022 du service Treff‑Punkt et au rapport du Service central d’assistance sociale daté du 3 février 2022. L’auteure se plaint du fait que les autorités de l’État partie n’ont pas donné suite au contenu de ces rapports, dont le refus de H. F. de la voir à la suite de la reprise des visites, mais le Comité note que l’auteure n’a pas précisé si elle avait entrepris des démarches, au-delà de sa demande de décision en référé, pour obtenir une décision judiciaire à ce sujet. Le Comité considère donc que l’auteure n’a pas démontré de violation par l’État partie des droits de H. F. au titre de la Convention à cet égard.

7.17Au vu de ce qui précède, et notant en particulier que les décisions des autorités de l’État partie ont été fondées sur des évaluations détaillées de l’intérêt supérieur de H. F., le Comité ne peut pas conclure que l’auteure a démontré que les différentes décisions concernant les visites étaient contraires à l’article 9 (par. 1 à 3) ou à l’article 10 (par. 2) de la Convention.

7.18Le Comité, agissant en vertu de l’article10 (par. 5) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître de violation des articles 3(par. 1), 9(par. 1 à 3), 10(par. 2) et 12 de la Convention.