Nations Unies

CAT/C/PER/CO/7

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

20 novembre 2018

Français

Original : espagnol

Comité contre la torture

Observations finales concernant le septième rapport périodique du Pérou *

1.Le Comité contre la torture a examiné le septième rapport périodique du Pérou (CAT/C/PER/7) à ses 1683e et 1686e séances (voir CAT/C/SR.1683 et 1686), les 13 et 14 novembre 2018, et a adopté les présentes observations finales à sa 1707e séance, le 29 novembre 2018.

A.Introduction

2.Le Comité remercie l’État partie d’avoir accepté la procédure facultative pour l’établissement des rapports, qui permet de mieux structurer le dialogue entre l’État partie et le Comité. Il regrette cependant que le rapport périodique ait été soumis avec plus de six mois de retard.

3.Le Comité se félicite du dialogue constructif engagé avec la délégation de l’État partie et des informations complémentaires que celle-ci lui a communiquées pendant l’examen du rapport

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que depuis l’examen de son précédent rapport périodique, l’État partie a ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, le 6 janvier 2016.

5.Le Comité accueille également avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives ci-après dans des domaines intéressant la Convention :

a)L’adoption, le 21 juin 2016, de la loi no 30470 sur la recherche des personnes disparues pendant la période de violences entre 1980 et 2000 ;

b)L’adoption, le 24 novembre 2015, de la loi no 30394 attribuant au Bureau du Défenseur du peuple les fonctions de mécanisme national de prévention de la torture ;

c)L’adoption, le 6 novembre 2015, de la loi no 30364 sur la prévention, la répression et l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des membres de la famille ; le 12 juillet 2018, de la loi no 30819 portant modification du Code pénal et du Code de l’enfance et de l’adolescence et élargissement de la protection pénale dans les affaires de violences faites aux femmes ; le 11 juillet 2018, de la loi no 30838 portant modification du Code pénal et du Code d’exécution des peines aux fins de renforcer la prévention et la répression des atteintes à la liberté et l’intégrité sexuelles ; et, le 5 janvier 2017, du décret‑loi no 1323 portant renforcement de la lutte contre le féminicide, la violence familiale et la violence fondée sur le genre, qui prévoit de nouveaux délits et établit de nouvelles circonstances aggravantes ;

d)L’adoption, le 30 décembre 2015, de la loi no 30403 portant interdiction d’infliger des châtiments corporels ou des peines dégradantes aux enfants et aux adolescents et, en juin 2018, de son règlement d’application (décret suprême no 003‑2018‑MIMP).

6.Le Comité prend note avec satisfaction des initiatives que l’État partie a prises pour modifier ses politiques et procédures de manière à assurer une meilleure protection des droits de l’homme et à appliquer la Convention, et salue en particulier :

a)L’adoption des plans nationaux relatifs aux droits de l’homme pour 2014‑2016 et 2018-2021, en vertu des décrets suprêmes nos 005-2014-JUS du 5 juillet 2014 et 002-2018-JUS du 1er février 2018, respectivement. Le Comité constate avec satisfaction que le plan national relatif aux droits de l’homme pour 2018-2021 prévoit notamment la création d’un registre unique des cas de torture et de mauvais traitements, l’adoption d’une stratégie intersectorielle et de protocoles de traitement des affaires de torture et de mauvais traitements et la mise en place d’un groupe de travail chargé d’œuvrer au renforcement du mécanisme national de prévention ;

b)L’adoption de la Politique pénitentiaire nationale et du Plan national relatif à la politique pénitentiaire pour 2016-2020, en vertu du décret suprême no 005-2016-JUS du 15 juillet 2016 ;

c)L’adoption du Plan national de recherche des personnes disparues entre 1980 et 2000, le 25 décembre 2016, et l’établissement d’un groupe de travail spécialisé en juillet 2016 ;

d)L’adoption du Plan national de lutte contre la violence fondée sur le genre pour 2016-2021, en vertu du décret suprême no 008-2016-MIMP du 26 juillet 2016, et du Plan d’action conjoint visant à prévenir la violence à l’égard des femmes, en vertu du décret suprême no 008-2018-MIMP du 25 août 2018 ;

e)L’adoption du Protocole intersectoriel pour la prévention et la répression de la traite des personnes et la protection, la prise en charge et la réinsertion des victimes, en vertu du décret no 005-2016-IN du 12 mai 2016, et du Plan national de lutte contre la traite des personnes pour 2017-2021, en vertu du décret suprême no 017-2017-IN du 8 juin 2017 ;

f)L’adoption du Manuel des droits de l’homme à l’usage des forces de police, en vertu de l’arrêté ministériel no 952-2018-IN du 14 août 2018.

7.Le Comité se félicite que l’État partie ait demandé, le 12 juillet 2017, la publication du rapport que le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants avait établi à la suite de sa visite au Pérou du 10 au 20 décembre 2013 (CAT/OP/PER/1).

8.Enfin, le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adressé une invitation permanente aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, ce qui a permis à des experts indépendants d’effectuer des visites dans le pays au cours de la période considérée.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

9.Au paragraphe 26 de ses précédentes observations finales (CAT/C/PER/CO/5-6), le Comité avait demandé à l’État partie de lui faire parvenir des informations sur la suite qu’il aurait donnée à un certain nombre de recommandations concernant l’obligation d’enquêter sur les plaintes pour actes de torture et mauvais traitements et de poursuivre et punir les auteurs de tels actes (par. 8, al. a)), la santé et les droits liés à la procréation (par. 15, al. a)) et le Plan intégré de réparations (par. 17, al. b)), dont il jugeait l’application prioritaire. Le Comité prend note avec satisfaction des réponses envoyées par l’État partie le 17 janvier 2014 dans le cadre de la procédure de suivi (CAT/C/PER/CO/5-6/Add.1) mais, renvoyant à la lettre en date du 23 avril 2014 de la Rapporteuse du Comité chargée du suivi des observations finales, il considère que la recommandation formulée à l’alinéa b) du paragraphe 17 mentionnée ci-dessus n’a pas été mise en œuvre et que les recommandations formulées aux alinéas a) des paragraphes 8 et 15 n’ont été que partiellement mises en œuvre.

Incrimination et répression de la torture

10.Le Comité considère que la nouvelle définition de l’infraction de torture introduite par le décret-loi no 1351 du 7 janvier 2017 portant modification de l’article 321 du Code pénal est incomplète, car elle n’énonce pas expressément les fins précises auxquelles sont commis les actes de torture, notamment ceux fondés sur la discrimination quelle qu’elle soit (art. 1).

11. Le Comité engage l’État partie à modifier la définition figurant à l’article 321 du Code pénal afin qu’elle vise expressément les actes de torture commis aux fins d’obtenir de la victime ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou sur une tierce personne, ou pour tout motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit. À ce sujet, le Comité rappelle son observation générale n o  2 (200 8 ) sur l’application de l’article 2 par les États parties, dans laquelle il est dit que si la définition de la torture en droit interne est trop éloignée de celle énoncée dans la Convention, le vide juridique réel ou potentiel qui en découle peut ouvrir la voie à l’impunité (par. 9).

Garanties juridiques fondamentales

12.Le Comité regrette le peu d’informations disponibles sur les procédures en place visant à garantir le respect dans la pratique des garanties fondamentales applicables aux personnes privées de liberté reconnues par la législation de l’État partie, ainsi que l’absence de données officielles sur le nombre de plaintes déposées à ce sujet au cours de la période considérée (art. 2).

13. L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour garantir que tous les détenus bénéficient dans la pratique de toutes les garanties fondamentales dès le début de leur privation de liberté, conformément aux normes internationales, en particulier du droit de bénéficier sans délai de l’assistance d’un avocat ou, si nécessaire, d’une aide juridictionnelle gratuite  ; de demander à voir immédiatement un médecin indépendant et d’être examinés par lui, indépendamment de tout examen médical qui pourrait être réalisé à la demande des autorités ; d’être informés, dans une langue qu’ils comprennent, des motifs de leur arrestation et de la nature des faits qui leur sont reprochés  ; de voir leur détention enregistrée  ; d’informer rapidement un parent ou un tiers de leur placement en détention  ; et d’être présentés à un juge sans délai.

Mécanisme national de prévention

14.Le Comité se félicite que le Bureau du Défenseur du peuple ait été désigné pour remplir la fonction de mécanisme national de prévention de la torture, même si cette désignation aurait dû intervenir au plus tard un an après l’entrée en vigueur pour l’État partie du Protocole facultatif, en octobre 2006. Cependant, le Comité regrette que le mécanisme national de prévention ne jouisse pas de l’autonomie fonctionnelle nécessaire pour pouvoir exercer normalement ses fonctions, et qu’il ne dispose pas encore des ressources humaines, matérielles et techniques nécessaires à son bon fonctionnement (art. 2).

15. L’État partie devrait garantir l’autonomie fonctionnelle du mécanisme national de prévention de la torture et le doter des ressources nécessaires à son fonctionnement, conformément aux dispositions des paragraphes 1 et 3 de l’article 18 du Protocole facultatif (voir également les Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention, par. 11 et 12).

Mesures d’enquête, de poursuites et de répression concernant les actes de torture et les mauvais traitements

16.Le Comité regrette de n’avoir pas reçu de l’État partie des renseignements complets sur le nombre de plaintes pour acte de torture ou mauvais traitements enregistrées au cours de la période considérée. À cet égard, les données fournies par le Bureau du Défenseur du peuple indiquent qu’entre janvier 2012 et septembre 2018, celui-ci a enregistré un total de 1 518 plaintes relatives à des violations du droit à l’intégrité de la personne, dont 36 pour actes de torture, 129 pour traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1 093 pour mauvais traitements physiques ou psychologiques et 200 pour usage excessif de la force. Pour sa part, le mécanisme national de prévention a indiqué dans son deuxième rapport annuel, de juin 2018, avoir reçu des plaintes de mineurs pour des agressions dont ils avaient été victimes au cours de leur détention dans des centres de diagnostic et de réadaptation pour mineurs. Le Comité regrette également le peu d’informations disponibles sur les procédures judiciaires et les procédures disciplinaires engagées pour actes de torture ou mauvais traitements depuis l’examen du précédent rapport périodique. D’après les quelques informations disponibles, depuis 2006, deux affaires de torture ont donné lieu à une condamnation et deux autres, à un acquittement. Toutefois, le Comité ne dispose pas d’informations concernant les faits jugés, les peines appliquées aux personnes reconnues coupables ou les raisons qui ont motivé les acquittements. Le Comité note en outre avec préoccupation que, comme le lui a indiqué la délégation, le nombre réduit de condamnations pourrait s’expliquer notamment par le fait que la définition de l’infraction de torture a été modifiée récemment et par une possible confusion avec d’autres infractions de la part du personnel judiciaire. Enfin, le Comité est préoccupé par la disproportion entre le nombre de personnes accusées d’actes de torture dont la défense a été prise en charge gratuitement par la Direction de la défense pénale du Ministère de la justice et des droits de l’homme et le petit nombre de personnes ayant bénéficié d’une aide juridique de la Direction de l’aide juridictionnelle et de la défense des victimes de ce ministère (art. 2, 12, 13 et 16).

17. Le Comité engage l’État partie à :

a) Veiller à ce que toutes les plaintes pour torture ou mauvais traitements donnent rapidement lieu à une enquête impartiale menée par un organe indépendant et poursuivre les démarches entreprises en vue d’incriminer les peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) Veiller à ce que les autorités procèdent d’office à une enquête chaque fois qu’il existe des motifs raisonnables de croire que des actes de torture ont été commis ou que de mauvais traitements ont été infligés ;

c) Faire en sorte qu’en cas de torture ou de mauvais traitements, les auteurs présumés soient immédiatement suspendus de leurs fonctions pour toute la durée de l’enquête, en particulier lorsqu’ils sont susceptibles de réitérer les actes dont ils sont soupçonnés, d’exercer des représailles contre la victime présumée ou de faire obstruction à l’enquête ;

d) Faciliter l’accès des victimes à la justice grâce à l’aide juridique qui convient, notamment l’aide juridictionnelle gratuite lorsque la situation l’exige, et garantir que les auteurs présumés soient dûment jugés et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes ;

e) Veiller à ce que le personnel judiciaire reçoive la formation voulue pour être à même de déterminer correctement la qualification pénale applicable aux faits de torture et de mauvais traitements ;

f) Recueillir des données statistiques sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites, de déclarations de culpabilité et de peines auxquelles les cas de torture et de mauvais traitements ont donné lieu.

Aveux obtenus par la contrainte

18.Le Comité prend note des dispositions de l’article VIII du titre préliminaire du nouveau Code de procédure pénale relatives à l’irrecevabilité des éléments de preuve obtenus en violation des garanties fondamentales, mais s’inquiète de ce que, comme l’a indiqué la délégation de l’État partie, ni le ministère public ni le pouvoir judiciaire ne disposent de renseignements sur les décisions de justice dans lesquelles des aveux obtenus par la torture ont été jugés irrecevables à titre de preuve (art. 2, 11, 15 et 16).

19. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que soient adoptées, conformément aux dispositions du nouveau Code de procédure pénale, toutes les mesures voulues pour garantir que, dans la pratique, tout aveu ou déclaration obtenu(e) par la torture ou par des mauvais traitements soit irrecevable, sauf dans les cas où ces aveux ou déclarations sont utilisés contre une personne accusée de torture pour établir qu’une déclaration a été faite ;

b) Étoffer les programmes de formation professionnelle destinés aux juges et aux procureurs, afin que ceux-ci soient à même de repérer les cas de torture et de mauvais traitements et d’enquêter efficacement sur toutes les plaintes pour de tels faits et, en particulier, que leurs capacités institutionnelles soient renforcées pour leur permettre de rejeter les déclarations obtenues par la torture ;

c) Rassembler des informations sur les procédures pénales dans lesquelles les juges, d’office ou à la demande des parties, déclarent irrecevables des éléments de preuve obtenus par la torture ou par des mauvais traitements, et sur les mesures adoptées à ce sujet.

Usage excessif de la force

20.Le Comité est préoccupé par le nombre de personnes tuées et blessées à la suite des actions menées par les forces de sécurité en réponse aux manifestations parfois violentes qui ont eu lieu dans diverses régions du pays contre des projets miniers et les activités d’autres industries extractives. Il constate qu’il y a eu une nette diminution du nombre de cas de ce type ces dernières années, mais regrette que l’État partie n’ait pas fourni les renseignements demandés sur les enquêtes menées et les poursuites pénales engagées au sujet de tous les décès de manifestants consécutifs à des tirs de membres de la Police nationale et des forces armées au cours de la période considérée. En outre, le Comité prend note des explications données par la délégation sur la portée de la juridiction militaire et sur la législation d’exception applicable, mais demeure préoccupé par le recours abusif de l’État partie à l’état d’urgence, qui se traduit par la restriction et/ou la suspension de droits et libertés fondamentaux, pour étouffer, y compris de manière préventive, les mouvements de ce type (art. 2, 12, 13 et 16).

21. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que toutes les plaintes relatives à l’usage excessif de la force, en particulier de la force létale, par des membres de la police et du personnel militaire fassent rapidement l’objet d’une enquête impartiale, à ce que les auteurs présumés des faits soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes, et à ce que les victimes ou leurs proches soient dûment indemnisés ;

b) Garantir l’indépendance de l’organe chargé d’enquêter sur les plaintes déposées pour usage excessif de la force ou pour d’autres violences policières, et faire en sorte qu’il n’existe pas de lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs de cet organe et les auteurs présumés des faits ;

c) Veiller à ce que les fonctions de maintien de l’ordre public soient assurées, dans toute la mesure possible, par des autorités civiles et non militaires ;

d) Mettre en place davantage de programmes de formation continue à caractère obligatoire à l’intention de tous les membres des forces de l’ordre et des forces armées et une formation obligatoire et continue sur l’usage de la force, en particulier dans le contexte de manifestations, en tenant dûment compte des Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois ;

e) Recueillir des informations détaillées sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites, de condamnations et de peines auxquelles les cas d’usage excessif de la force ont donné lieu ;

f) Limiter le recours à l’état d’urgence aux situations dans lesquelles cette mesure est absolument nécessaire, et se conformer à cet égard aux obligations contractées au niveau international.

Violence policière et détention arbitraire motivées par l’orientation sexuelle ou l’identité de genre

22.Le Comité est préoccupé par les informations reçues selon lesquelles des femmes transgenres auraient fait l’objet de détentions arbitraires et de violences sexuelles de la part de membres de la Police nationale. S’agissant de ce type de situation, il prend note des dispositions applicables du Manuel des droits de l’homme à l’usage des forces de police, adopté en vertu de l’arrêté ministériel no 952-2018-IN, ainsi que de l’intégration de modules relatifs à la violence fondée sur le genre dans les programmes d’étude des centres de formation de la police. Il prend également note des informations fournies par la délégation concernant les affaires Azul Rojas Marín et Yefri Edgar Peña Tuanama, mais regrette que l’État partie n’ait pas fourni les données demandées sur les plaintes enregistrées pour ce type de violences au cours de la période considérée (art. 2, 12, 13 et 16).

23. L’État partie devrait veiller à ce que les violences policières motivées par l’orientation sexuelle ou l’identité de genre fassent l’objet d’enquêtes et à ce que les responsables soient traduits en justice. Il devrait également prendre toutes les mesures voulues pour garantir l’intégrité physique des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres dans tous les contextes, y compris dans les lieux de détention.

Conditions de détention

24.Comme l’a reconnu la délégation, la surpopulation carcérale reste l’un des principaux problèmes du système pénitentiaire. Le Comité salue donc les efforts déployés par l’État partie pour améliorer les conditions de détention, en particulier l’ouverture de quatre nouveaux établissements pénitentiaires et le projet de construction de deux autres établissements de grande capacité, ainsi que la réalisation de travaux d’agrandissement et de rénovation des installations existantes. Il se félicite également des initiatives législatives visant à promouvoir l’utilisation de mesures de substitution à la privation de liberté, mais estime que le recours à ces mesures est encore très limité. Il est préoccupé par le nombre élevé de personnes placées en détention provisoire, parfois pendant des périodes prolongées, et par le fait que ces personnes ne sont pas séparées des condamnés. De même, il prend note de la création, en 2015, d’une commission permanente chargée d’intégrer les questions concernant les femmes dans les politiques pénitentiaires, mais reste préoccupé par les informations selon lesquelles l’administration pénitentiaire ne tient pas suffisamment compte des besoins particuliers des femmes privées de liberté, en particulier des femmes enceintes et des femmes ayant des enfants de moins de 3 ans. Il dispose en outre d’informations faisant état de la mauvaise qualité de la nourriture donnée aux détenus, de problèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement, de l’insuffisance de la ventilation, de carences importantes dans les services médicaux et sanitaires, d’un manque de personnel spécialisé et d’actes de corruption commis par des agents pénitentiaires. Enfin, le Comité prend note des mesures actuellement mises en œuvre pour améliorer le dépistage et le traitement de la tuberculose dans les prisons et doter les établissements pénitentiaires de matériel de sécurité permettant d’empêcher l’introduction d’articles interdits tout en respectant la dignité des personnes lors des fouilles corporelles (art. 2, 11 et 16).

25.  L’État partie devrait :

a) Redoubler d’efforts pour réduire la surpopulation dans les centres de détention, principalement en recourant aux mesures de substitution aux peines privatives de liberté, et poursuivre les travaux d’amélioration des installations pénitentiaires existantes. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et sur les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) ;

b) Prendre d’urgence des mesures pour remédier aux insuffisances concernant les conditions de vie générales dans les prisons ;

c) Faire en sorte que la durée de la détention provisoire ne soit pas excessive ;

d) Garantir une séparation stricte entre les détenus en attente de jugement et les condamnés dans tous les lieux de détention ;

e) Garantir l’allocation des ressources humaines et matérielles nécessaires à une bonne prise en charge médicale et sanitaire des détenus, conformément aux dispositions des règles 24 à 35 des Règles Nelson Mandela ;

f) Veiller à ce que les besoins particuliers des femmes privées de liberté soient satisfaits, conformément aux Règles Nelson Mandela et aux Règles de Bangkok (voir en particulier les règles 48 à 52) ;

g) Veiller à ce que les fouilles corporelles soient pratiquées dans le respect de la dignité des personnes privées de liberté. Il ne doit être procédé à des fouilles corporelles invasives qu’en cas d’absolue nécessité, et celles-ci doivent être réalisées en privé par du personnel qualifié du même sexe que le détenu. Les fouilles et les formalités d’entrée auxquelles sont soumis les visiteurs ne doivent pas être dégradantes et doivent être au moins assujetties aux mêmes règles que celles qui s’appliquent aux détenus (règles 50 à 53 et 60 des Règles Nelson Mandela).

Régime disciplinaire

26.Le Comité constate avec préoccupation que d’après les explications fournies par la délégation, les détenus qui commettent une faute grave peuvent être placés à l’isolement pendant une période qui peut aller jusqu’à trente jours et être prolongée de quinze jours si le détenu commet une autre faute pendant l’exécution de cette mesure disciplinaire. Il relève également avec préoccupation que les sanctions disciplinaires sont appliquées de manière arbitraire et sans garanties judiciaires, et s’inquiète en outre des irrégularités dans l’enregistrement de ces mesures et de l’insalubrité totale des cellules disciplinaires qui ont été rapportées par le Sous-Comité pour la prévention de la torture (CAT/OP/PER/1, par. 69 à 75) (art. 2, 11 et 16).

27. L’État partie devrait veiller à ce que :

a) L’isolement cellulaire ne soit utilisé qu’en dernier ressort dans des cas exceptionnels, pour une durée aussi brève que possible (quinze jours au maximum), sous contrôle indépendant et uniquement avec l’autorisation de l’autorité compétente, conformément aux règles 43 à 46 des Règles Nelson Mandela ;

b) Conformément aux dispositions de la règle 42 des Règles Nelson Mandela, les conditions de vie en général prévues dans cet instrument international, notamment pour ce qui est de l’éclairage, de l’aération, de la température, des installations sanitaires, de la nourriture et de l’eau potable, soient appliquées à tous les détenus sans exception.

Décès en détention

28.Le Comité prend note avec préoccupation du nombre de décès survenus en détention entre 2012 et 2014 (639 cas, dont 30 concernent des femmes, d’après les données fournies par l’État partie), ainsi que des causes de ces décès, souvent des agressions violentes ou des maladies infectieuses, en particulier la tuberculose et le syndrome d’immunodéficience acquise (sida). Il regrette de ne pas avoir reçu de données statistiques complètes pour la période 2015-2018 ni d’informations détaillées sur les résultats des enquêtes menées sur ces décès, ainsi que sur les mesures concrètes qui ont été prises pour empêcher de nouveaux décès. Il note également avec préoccupation qu’en 2017, le mécanisme national de prévention a indiqué que la mort de personnes détenues dans les « salles de méditation » des commissariats de Lima était l’un des principaux problèmes qu’il avait constatés dans le cadre de ses activités de surveillance. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas non plus fourni d’informations détaillées sur les résultats des enquêtes menées sur ces décès. Il prend note par ailleurs des informations données par l’État partie sur l’ouverture du procès de 35 anciens marins pour le meurtre présumé de 133 prisonniers pendant une émeute survenue à la prison d’El Frontón en juin 1986 et sur le décès en juin 2016 de Walter Johnny Arrunátegui Gómez dans une cellule du commissariat de Barboncitos à San Martín de Porres (art. 2, 11 et 16).

29. Le Comité exhorte l’État partie à :

a) Veiller à ce que tous les décès survenus en détention donnent rapidement lieu à une enquête impartiale menée par un organe indépendant, compte dûment tenu du Protocole du Minnesota relatif aux enquêtes sur les homicides résultant potentiellement d’actes illégaux ;

b) Renforcer les mesures visant à prévenir la violence entre personnes privées de liberté et à la faire reculer, notamment en mettant en place des stratégies de prévention adaptées qui permettent de surveiller et de recenser les faits de ce genre, de façon que toutes les plaintes donnent lieu à des enquêtes et que tous les responsables aient à répondre de leurs actes ;

c) Enquêter sur toute responsabilité possible des membres de la police et des agents pénitentiaires dans des décès en détention et, s’il y a lieu, sanctionner dûment les responsables et indemniser équitablement et de manière adéquate les proches des victimes ;

d) Assurer la sécurité dans les prisons au moyen d’une formation adéquate du personnel pénitentiaire ;

e) Évaluer l’efficacité des programmes de prévention, de dépistage et de traitement des maladies infectieuses dans les prisons ;

f) Recueillir des données détaillées sur les suicides de personnes privées de liberté et évaluer l’efficacité des stratégies et programmes de prévention et de détection .

Formation

30.Le Comité prend acte des efforts faits par l’État partie pour élaborer et mettre en œuvre des programmes de formation aux droits de l’homme, notamment des modules de formation sur les dispositions de la Convention et l’emploi proportionnel de la force, à l’intention du personnel de la Police nationale péruvienne, des forces armées et de l’appareil judiciaire. Il regrette toutefois que l’État partie n’ait pas encore adopté de méthode pour évaluer l’efficacité des programmes de formation et leurs effets sur la réduction du nombre de cas de torture et de mauvais traitements. Il constate également avec préoccupation que l’État partie n’a pas fourni les informations requises sur les programmes de formation visant à apprendre aux juges, aux procureurs, aux médecins légistes et au personnel médical s’occupant de détenus à détecter les séquelles physiques et psychologiques de la torture et à en établir la réalité (art. 10).

31. L’État partie devrait :

a) Poursuivre l’élaboration et la mise en œuvre de programmes de formation obligatoires et dispenser l’instruction nécessaire pour que tous les agents de l’État, en particulier les membres de la Police nationale péruvienne et des forces armées, le personnel judiciaire, le personnel pénitentiaire et les autres personnes susceptibles de participer à la garde, à l’interrogatoire ou à la prise en charge de personnes faisant l’objet d’une arrestation, d’un placement en détention ou d’une peine d’emprisonnement aient une bonne connaissance des dispositions de la Convention et soient pleinement conscients que les infractions ne seront pas tolérées, qu’elles feront l’objet d’enquêtes et que leurs auteurs seront poursuivis ;

b) Veiller à ce que tous les personnels concernés, notamment le personnel médical, reçoivent une formation spécifique leur permettant de détecter les cas de torture et de mauvais traitements et d’en établir la réalité, conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) ;

c) Mettre au point une méthode permettant d’évaluer l’efficacité des programmes de formation et d’enseignement s’agissant de faire diminuer le nombre de cas de torture et de mauvais traitements ;

d) Veiller à ce que tous les membres des forces de l’ordre, les juges et les procureurs suivent une formation obligatoire mettant l’accent sur les techniques d’interrogatoire non coercitives, l’interdiction de la torture et des mauvais traitement s et l’obligation pour les organes judiciaires de déclarer irrecevables les aveux obtenus par la torture, qui vont de pair.

Violations graves des droits de l’homme commises entre 1980 et 2000 pendant la période de violence

32.Rappelant ses précédentes observations finales (CAT/C/PER/CO/5-6, par. 16), le Comité redit sa préoccupation face aux progrès limités qui ont été accomplis depuis l’examen du précédent rapport périodique dans les enquêtes et les poursuites concernant les violations graves des droits de l’homme commises dans le cadre du conflit armé interne entre 1980 et 2000, en particulier les actes de torture, notamment les violences sexuelles infligées à des femmes et des filles, et les disparitions forcées. Il regrette que l’État partie n’ait fourni des informations statistiques à cet égard que pour la période 2012-2015, même s’il prend note des informations demandées au sujet de l’affaire Cabitos 84. Il prend également note des informations fournies par la délégation sur la situation judiciaire de l’ancien Président Alberto Fujimori depuis la décision de justice du 3 octobre 2018 annulant la grâce présidentielle pour raisons humanitaires accordée le 14 décembre 2017, contre laquelle un appel était en instance (art. 2, 12, 13 et 16).

33. Le Comité exhorte l’État partie à :

a) Poursuivre les enquêtes et l’action pénale dans les affaires portant sur des violations des droits de l’homme commises entre 1980 et 2000, et veiller à ce que les auteurs de ces violations soient condamnés à des peines à la hauteur de la gravité de leurs actes et purgent effectivement la peine prononcée contre eux ;

b) Continuer de recueillir des données sur les progrès réalisés dans l’élucidation des cas de torture et autres violations graves des droits de l’homme commises par le passé.

Réparations

34.Le Comité note que, malgré ses demandes répétées, l’État partie n’a pas fourni les informations requises sur les mesures de réparation et d’indemnisation, y compris les mesures de réadaptation, ordonnées par les tribunaux et effectivement accordées aux victimes de torture ou à leurs proches depuis l’examen du précédent rapport périodique. Il n’a pas non plus donné les informations demandées par le Comité concernant les programmes de réparation en cours, y compris le traitement des traumatismes et d’autres formes de réadaptation des victimes de torture et de mauvais traitements, et sur l’affectation de ressources suffisantes pour assurer le bon fonctionnement de ces programmes. En ce qui concerne le Plan intégré de réparation pour les victimes des violences commises entre 1980 et 2000, malgré les explications fournies par la délégation, le Comité reste préoccupé par le fait que les membres d’organisations terroristes et les personnes poursuivies pour des crimes terroristes ou pour apologie du terrorisme ne sont pas reconnus comme victimes et ne peuvent bénéficier des programmes de réparation tant que leur statut juridique n’est pas établi, même s’il note que ces personnes ont la possibilité de saisir la justice pour obtenir réparation pour tout acte de torture dont elles pourraient avoir été victimes (art. 14).

35. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  3 (2012) sur l’ application de l’article 14 par les États parties, dans laquelle il traite en détail de la nature et de l’étendue des obligations qui incombent aux États parties en application de la Convention s’agissant d’assurer pleine réparation aux victimes d’actes de torture. En particulie r, il est indiqué au paragraphe 32 de l’observation générale que les États parties doivent garantir que la justice et les mécanismes permettant de demander et d’obtenir réparation soient aisément accessibles et prendre des mesures positives pour que la réparation soit accessible en toute égalité à toutes les personnes, y compris si elles sont accusées d’avoir commis des infractions politiques ou des actes de terrorisme. En conséquence, l’État partie devrait :

a) Faire en sorte que toutes les victimes d’actes de torture et de mauvais traitements obtiennent réparation, y compris qu’elles puissent faire valoir devant les tribunaux leur droit à une indemnisation équitable et adéquate, ainsi qu’aux moyens nécessaires à une réadaptation la plus complète possible ;

b) Assurer le suivi continu des programmes de réadaptation destinés aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements et évaluer leur efficacité ;

c) Mettre un terme aux discriminations empêchant certaines personnes d’être reconnues comme victimes d’actes de torture et de bénéficier des programmes de réparation destinés aux victimes des violences commises entre 1980 et 2000 ;

d) Veiller à ce que des ressources financières et humaines suffisantes soient allouées à la mise en œuvre du Plan intégré de réparation, au niveau tant individuel que collectif ;

e) Continuer de veiller à ce que soient respectés le droit à la vérité, le droit à réparation et le droit à des garanties de non-répétition, conformément aux dispositions de l’article 14 de la Convention.

Stérilisations forcées

36.Eu égard à ses précédentes observations finales (CAT/C/PER/CO/5-6, par. 15), le Comité salue l'annonce faite par la délégation selon laquelle le 12 novembre 2018, le ministère public aurait déposé plainte contre des médecins et de hautes autorités au moment des faits en cause pour responsabilité indirecte dans des atteintes à la vie, à l’intégrité physique et à la santé de plus de 2 000 femmes qui auraient fait l’objet d’une stérilisation forcée (art. 2, 12, 13 et 16).

37. Le Comité exhorte l’État partie à veiller à ce que cette affaire soit jugée et à ce que les auteurs des infractions en cause soient condamnés à des peines à la hauteur de la gravité de leurs actes et purgent effectivement celles-ci, et à ce que les victimes obtiennent réparation.

Protection contre la violence fondée sur le genre

38.Le Comité salue les mesures législatives et autres que l’État partie a prises récemment pour prévenir et réprimer la violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles. Il prend toutefois note avec préoccupation de l’ampleur du phénomène dans l’État partie, ainsi que de l’augmentation du nombre de cas de féminicide, de violence familiale et de violence sexuelle dont a fait état la délégation. Selon les chiffres officiels, entre janvier 2017 et septembre 2018, 755 affaires de féminicide, 33 064 affaires de coups et blessures, 8 157 affaires de violences sexuelles et 4 069 affaires d’attentat à la pudeur ont été instruites. Le Comité prend note en outre des explications de la délégation en ce qui concerne l’interdiction de la conciliation dans les affaires de violence familiale et la formation dispensée à ce sujet aux membres de la Police nationale et aux agents du ministère public et des différentes entités chargées de veiller sur les droits de la femme. Il demeure toutefois préoccupé par les résultats d’une étude menée récemment par le Bureau du Défenseur du peuple, qui font apparaître que 38,9 % des policiers interrogés étaient favorables à une conciliation dans les affaires de violences commises contre des femmes par leur conjoint et que 51 % des juges aux affaires familiales estimaient qu’il y avait des cas de violence qui pouvaient être résolus par le couple lui-même au moyen d’une convention de conciliation.

39. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que toutes les affaires de violence fondée sur le genre exercée contre des femmes ou des filles, en particulier en cas d’action ou d’omission d’autorités de l’État ou d’autres entités engageant la responsabilité internationale de l’État partie au titre de la Convention, donnent lieu à une enquête approfondie, à ce que les auteurs présumés des faits en cause soient jugés et, s’ils sont reconnus coupables, dûment sanctionnés, et à ce que les victimes obtiennent réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation adéquate ;

b) Veiller au respect de l’interdiction de la conciliation dans toutes les affaires de violence familiale ou conjugale ;

c) Dispenser aux juges, aux procureurs et aux membres des forces de l’ordre une formation obligatoire sur l’action pénale dans les affaires de violence fondée sur le genre, et mener des campagnes de sensibilisation sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes ;

d) Veiller à ce que les victimes de violences fondées sur le genre bénéficient de la prise en charge médicale, de l’accompagnement psychologique et de l’aide j uridique dont elles ont besoin.

Interruption volontaire de grossesse

40.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles, dans la pratique, l’accès à l’avortement thérapeutique continuerait de ne pas être garanti lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste, ou lorsque le fœtus présente une malformation grave, malgré la publication du Guide technique national pour la normalisation de la procédure de prise en charge intégrale des femmes enceintes de moins de 22 semaines ayant donné leur consentement éclairé en vue d’une interruption volontaire de grossesse, en application de l’article 119 du Code pénal. Il accueille cependant avec satisfaction la modification apportée à la loi no 30364 par le décret-loi no 1386 du 3 septembre 2018, qui reconnaît expressément l’obligation d’apporter une assistance spécialisée aux victimes de viol, et se félicite en outre du contenu de l’article 76.3 du règlement d’application de la loi no 30364 qui dispose que dans les cas de violences sexuelles, les établissements de santé publics sont tenus d’informer les victimes de leur droit de recevoir « un traitement contre les maladies sexuellement transmissibles, des antirétroviraux, une contraception orale d’urgence et d’autres traitements » (art. 2 et 16).

41. L’État partie devrait revoir sa législation de manière à étendre le droit à l’interruption volontaire de grossesse aux cas de viol, d’inceste et de malformation grave du fœtus. Il devrait également revoir sa législation afin de dépénaliser l’assistance médicale apportée par les professionnels de la santé aux femmes qui en ont besoin en raison d’affections résultant d’un avortement clandestin.

Personnes handicapées

42.Le Comité demeure préoccupé par la manière dont sont traitées les personnes handicapées internées dans des hôpitaux psychiatriques (CAT/C/PER/CO/5-6, par. 19). Il s’inquiète notamment des manquements et irrégularités qui ont été observés par le Bureau du Défenseur du peuple en ce qui concerne le recours aux électrochocs à l’hôpital national Hermilio Valdizán, bien qu’il croie comprendre que les autorités ont pris des mesures à cet égard (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

43. Le Comité exhorte l’État partie à mener sans délai des enquêtes impartiales sur toutes les plaintes pour mauvais traitements infligés à des personnes internées dans un établissement psychiatrique, et à veiller à ce que les responsables présumés soient jugés.

Violences commises dans les établissements de formation des forces armées et de la Police nationale

44.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des actes de violence pouvant aller jusqu’à entraîner la mort seraient commis contre des soldats dans le cadre du service militaire volontaire et contre d’autres militaires dans les écoles des forces armées (art. 2, 12, 13 et 16).

45. L’État partie devrait veiller à ce que toutes les plaintes portant sur des actes de violence commis contre des soldats accomplissant le service militaire volontaire ou d’autres militaires, et tous les décès survenant dans des casernes ou des écoles militaires donnent rapidement lieu à des enquêtes impartiales. Il devrait en outre veiller à ce que toutes les plaintes visant des membres de l’armée soient instruites par un organe indépendant. Enfin, le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour éviter de tels faits de violence à l’avenir.

Non-refoulement

46.Le Comité salue les efforts importants que l’État partie a déployés pour faire face à l’afflux sur son territoire de demandeurs d’asile, de personnes ayant besoin d’une protection internationale et de migrants en situation irrégulière, qui sont pour la majeure partie d’entre eux des ressortissants de la République bolivarienne du Venezuela. D’après les données communiquées par la délégation, plus de 550 000 Vénézuéliens sont arrivés au Pérou, principalement en passant par l’Équateur et la Colombie. Le Comité constate que si la législation en vigueur prévoit la possibilité de déposer les demandes d’asile auprès de la Commission spéciale des réfugiés ainsi qu’aux postes frontière et aux postes de contrôle de la police et de l’armée, dans la pratique, il n’existe pas de mécanisme de transmission qui permette à des entités autres que la Commission spéciale de recevoir de telles demandes. Il s’ensuit que l’introduction en août 2018 de l’obligation pour les ressortissants vénézuéliens de présenter un passeport contraindra la Commission spéciale à ouvrir un bureau dans le Centre binational de services frontaliers de Tumbes, principal point d’entrée des Vénézuéliens à la frontière avec l’Équateur (art. 3).

47. Le Comité exhorte l’État partie à prendre les mesures législatives et autres qui s’imposent pour :

a) Faire en sorte que nul ne puisse être expulsé, refoulé ou extradé vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’être soumis à la torture ;

b) Garantir que toutes les personnes se trouvant sur son territoire ou sous sa juridiction aient effectivement accès à la procédure de détermination du statut de réfugié. En particulier, l’État partie devrait établir un protocole qui permette de transmettre à la Commission spéciale des réfugiés les demandes d’asile déposées aux postes frontière ou aux postes de contrôle de la police et de l’armée, et de veiller à ce que le personnel concerné reçoive la formation voulue.

Défenseurs des droits de l’homme et journalistes

48.En ce qui concerne les mesures que l’État partie a prises pour protéger les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes contre les actes d’intimidation et de violence auxquels leurs activités pourraient les exposer, le Comité prend note des travaux réalisés par le groupe de travail chargé d’élaborer un protocole visant à garantir la protection de tous les défenseurs des droits de l’homme, conformément à l’arrêté ministériel no 0007-2016-JUS (art. 2, 12, 13 et 16).

49. L’État partie devrait prendre les mesures voulues, notamment en adoptant le protocole susmentionné, pour que les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes puissent accomplir leur travail et mener leurs activités librement dans l’État partie, sans craindre de représailles ou d’agressions. Il devrait en outre mener rapidement des enquêtes approfondies et impartiales sur toutes les violations commises contre des défenseurs des droits de l’homme ou des journalistes, veiller à ce que les auteurs présumés des faits en cause soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, dûment sanctionnés et assurer une réparation aux victimes.

Procédure de suivi

50.Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir au plus tard le 7 décembre 2019 des renseignements sur la suite qu’il aura donnée à ses recommandations concernant le mécanisme national de prévention, les stérilisations forcées et les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes (voir plus haut, par. 15, 37 et 49). Dans ce contexte, l’État partie est invité à informer le Comité des mesures qu’il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d’ici la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

51. L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, auprès de tous les organes concernés et autorités compétentes de l’État partie, ainsi que sur les sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales.

52. Le Comité prie l’État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le huitième, le 7 décembre 2022 au plus tard. À cette fin, et compte tenu du fait que l’État partie a accepté d’établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui adressera en temps voulu une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront le huitième rapport périodique qu’il soumettra en application de l’article 19 de la Convention.