CCPR

Pacte international relatif aux droits civilset politiquesDistr.

RESTREINTE

CCPR/C/72/D/790/1997

31 juillet 2001

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Soixante-douzième session

9‑27 juillet 2001

CONSTATATIONS

Communication no 790/1997

Présentée par:M. Sergei Anatolievich Cheban et consorts(représentés par un conseil, Mme Elena Kozlova)

Au nom de:Les auteurs

État partie:Fédération de Russie

Date de la communication:12 mars 1997 (date de la lettre initiale)

Décisions antérieures:Décision prise par le Rapporteur spécial conformément à l’article 91 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 21 janvier 1998 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:24 juillet 2001

Le 24 juillet 2001, le Comité des droits de l’homme a adopté ses constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, concernant la communication no 790/1997. Le texte est annexé au présent document.

[ANNEXE]

Annexe

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITREDU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIFSE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIFAUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES– Soixante‑douzième session –

concernant la

Communication no 790/1997**

Présentée par:M. Sergei Anatolievich Cheban et consorts(représentés par un conseil, Mme Elena Kozlova)

Au nom de:Les auteurs

État partie:Fédération de Russie

Date de la communication:12 mars 1997 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 24 juillet 2001,

Ayant achevé l’examen de la communication no 790/1997 présentée par M. Sergei Anatolievich Cheban et consorts en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par les auteurs de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.Les auteurs de la communication, datée du 12 mars 1997, sont SergeiAnatolievichCheban, né le 27 février 1977, Sergei Alexandrovich Mishketul, né le 20 février 1977, Vassili Ivanovich Philiptsevich, né le 14 avril 1978, et Stanislav Igoervich Timokhin, né le 22 novembre 1978. Ils disent être victimes de violations des paragraphes 1, 2 et 3 e ainsi que du paragraphe 4 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques par la Fédération de Russie. Ils affirment également qu’ils n’ont pas été jugés par un tribunal avec jury contrairement à d’autres accusés, ce qui soulève des questions au titre de l’article 26. Les auteurs sont représentés par un conseil.

Rappel des faits1

2.1Le 17 février 1995, les auteurs ont été reconnus coupables de viol de mineur (la victime était alors âgée de 13 ans), avec violences et menaces, agissant en groupe par entente préliminaire, par le tribunal de la ville de Moscou. Au moment des faits, les auteurs étaient âgés de 15 à 16 ans et pensionnaires dans un internat de Moscou. Le tribunal de la ville de Moscou a prononcé son jugement sur la base du témoignage de la victime; des dépositions écrites de témoins; des dépositions des auteurs; du rapport de police sur l’arrestation des auteurs; ainsi que de deux expertises médico-légales qui avaient conclu que la victime avait eu des rapports sexuels et que les auteurs étaient capables d’avoir des rapports sexuels.

2.2Pour fixer la peine infligée, le tribunal a tenu compte de l’âge des accusés et des témoignages positifs recueillis auprès de personnes les connaissant. Philiptsevich a été condamné à six ans d’emprisonnement et les trois autres accusés à cinq ans d’emprisonnement chacun. Lors du pourvoi en cassation, la Cour suprême a reconnu la validité de la décision du tribunal de la ville de Moscou et confirmé les peines prononcées. Par la suite, le Vice-Président de cette même cour a formé opposition devant le Présidium de la Cour suprême en application des règles relatives au contrôle du pouvoir judiciaire. Le 10 avril 1996, le Présidium de la Cour suprême a réduit les peines prononcées. Celle de Philiptsevich a été ramenée à quatre ans et demi d’emprisonnement et celle des trois autres accusés à quatre ans.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que le tribunal de la ville de Moscou est arrivé à ses conclusions de manière inéquitable en accordant davantage de crédit à la version de la victime. De plus, étant donné qu’il n’y avait pas eu de témoin oculaire ou de preuve directe du viol, le juge s’était fondé principalement sur la déposition de la victime. Or, le conseil des accusés avait demandé qu’une expertise psychiatrique et psychologique de la victime soit faite pour s’assurer de sa capacité à percevoir et comprendre les circonstances et les faits, mais une telle expertise n’a jamais eu lieu.

3.2Lors du procès, les accusés avaient aussi demandé que l’on procède à une reconstitution des faits et que l’on présente un État des lieux avec des schémas et des photos afin de pouvoir juger de leur culpabilité. Leurs demandes avaient été refusées. Les auteurs avancent que ce refus constitue une violation des paragraphes 1, 2 et 3 e de l’article 14 du Pacte.

3.3La version des faits présentée par les auteurs donne également à penser que l’État partie pourrait avoir violé le paragraphe 4 de l’article 14 et l’article 26 du Pacte. En ce qui concerne le paragraphe 4 de l’article 14, il ressort des faits décrits par les auteurs que le tribunal n’a pas tenu compte de leur âge. Les auteurs ont, à plusieurs reprises, demandé à bénéficier de l’article 20 de la Constitution russe de 1993, en vertu duquel les accusés qui encourent la peine de mort peuvent demander à être jugés par un tribunal comportant un jury. Le refus de faire comparaître les auteurs devant un tribunal avec jury peut soulever des questions au regard de l’article 26 à cause de la différence de traitement avec d’autres accusés qui avaient eux bénéficié d’un procès devant un jury.

Réponse de l’État partie

4.1L’État partie répond que les allégations selon lesquelles les droits constitutionnels des accusés auraient été violés, leur culpabilité n’aurait pas été suffisamment prouvée et les enquêtes et formalités faites avant le procès étaient incomplètes, avaient été examinées à plusieurs reprises par les autorités judiciaires compétentes et n’avaient pas été confirmées. L’État partie déclare que, lors du procès, l’accusation et la défense ont bénéficié des mêmes droits.

4.2L’État partie a aussi avancé que les accusés n’auraient pas pu être jugés par un tribunal comportant un jury car, à l’époque, la loi ne prévoyait pas la possibilité de tenir de tels procès à Moscou.

4.3Les auteurs avaient eu le droit de se faire représenter par un avocat dès leur mise en examen et les droits de la défense leur avaient été expliqués à maintes reprises en présence de leur conseil.

Commentaires des auteurs concernant la réponse de l’État partie

5.Les auteurs ont répété dans leurs commentaires sur la réponse de l’État partie que leur procès n’avait pas été équitable parce qu’ils n’avaient pas été en mesure de recueillir et présenter des éléments de preuve établissant leur innocence.

Délibération du Comité

6.1Avant de procéder à l’examen d’une plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit s’assurer, en vertu de l’article 87 de son règlement intérieur, que la communication est recevable conformément au Protocole facultatif relatif au Pacte.

6.2Le Comité note que l’affaire n’est pas en cours d’examen par une autre instance internationale et que les recours internes ont été épuisés. Les conditions fixées au paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif sont donc remplies.

6.3Le Comité note que l’État partie n’a soulevé aucune objection concernant la recevabilité de la communication.

6.4En ce qui concerne les déclarations des auteurs qui affirment être victimes d’une violation de la présomption d’innocence (par. 2 de l’article 14 du Pacte), le Comité estime que leurs allégations n’ont pas été suffisamment étayées aux fins de la recevabilité.

6.5En ce qui concerne les violations des paragraphes 1, 3 e et 4 de l’article 14, alléguées par les auteurs, le Comité note que les allégations concernent principalement l’appréciation des faits et des éléments de preuve ainsi que l’application du droit interne. Le Comité rappelle qu’il appartient généralement aux juridictions des États parties, et non au Comité, d’apprécier les faits dans un cas d’espèce et d’interpréter la législation interne. Les informations dont dispose le Comité et les arguments avancés par les auteurs ne montrent pas que l’appréciation de ces faits par les juridictions et leur interprétation du droit aient été manifestement arbitraires ou aient représenté un déni de justice. En conséquence, le Comité conclut que ces allégations sont irrecevables en vertu des articles 2 et 3 du Protocole facultatif.

6.6Les autres griefs sont recevables et le Comité procède à leur examen quant au fond.

Examen de la question quant au fond

7.1Bien que les auteurs n’invoquent pas l’article 26 du Pacte, le Comité estime qu’il doit examiner, compte tenu des éléments communiqués par les auteurs, la question de savoir s’il y a eu violation de cet article.

7.2La discrimination alléguée par les auteurs consiste dans le refus de les traduire devant un tribunal avec jury, alors que d’autres accusés jugés par des tribunaux de l’État partie avaient bénéficié de ce type de procès. Le Comité note que le Pacte ne prévoit certes aucune disposition garantissant le droit d’être jugé au pénal par un tribunal avec jury mais, si la législation interne de l’État partie protège ce droit et qu’il est accordé à certaines personnes accusées d’une infraction pénale, il doit être accordé dans des conditions d’égalité aux autres personnes dans la même situation. Toute distinction doit être fondée sur des motifs objectifs et raisonnables.

7.3Les auteurs affirment qu’ils auraient dû avoir le droit d’être jugés par un tribunal avec jury, droit reconnu à tous les accusés encourant la peine de mort. Le Comité note toutefois que, dans le cas d’espèce, les auteurs étaient mineurs au moment où les crimes ont été commis et que par conséquent, selon la législation de l’État partie, la peine de mort ne pouvait être prononcée à leur égard.

7.4Une violation de l’article 26 pourrait en outre être alléguée du fait qu’il était possible d’être jugé par un tribunal avec jury dans certaines régions du pays, mais pas à Moscou, où les auteurs ont été jugés et condamnés. Le Comité note qu’en vertu de la Constitution de l’État partie la question de savoir si l’accusé peut être jugé par un tribunal avec jury relève du droit fédéral, mais qu’il n’y a pas de loi fédérale sur cette question. Le fait qu’un État partie ayant une structure fédérale autorise des différences entre les divers éléments de la fédération en matière de procès avec jury ne constitue pas en soi une violation de l’article 262. Les auteurs n’ayant fourni aucune information sur les cas dans lesquels les procès ont eu lieu avec jury dans la ville de Moscou, s’agissant d’affaires où l’accusé n’encourait pas la peine de mort, le Comité ne peut conclure que l’État partie a commis une violation de l’article 26.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est saisi ne font apparaître aucune violation d’un article du Pacte.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]

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