Observations finales concernant les huitième et neuvième rapports périodiques du Portugal présentés en un seul document *

1.Le Comité a examiné les huitième et neuvième rapports périodiques du Portugal présentés en un seul document (CEDAW/C/PRT/8-9) à ses 1337e et 1338e séances, le 28 octobre 2015 (voir CEDAW/C/SR.1337 et 1338). On trouvera la liste des points et questions soulevés par le Comité dans le document CEDAW/C/PRT/Q/8-9 et les réponses de l’État partie dans le document CEDAW/C/PRT/Q/8-9/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite des huitième et neuvième rapports périodiques présentés en un seul document par l’État partie. Il accueille avec satisfaction les réponses écrites de l’État partie à la liste des points et questions soulevés par le Groupe de travail de présession et remercie la délégation pour son exposé oral et les précisions apportées en réponse aux questions que le Comité a posées pendant le dialogue.

3.Le Comité félicite la délégation de l’État partie, qui était dirigée par l’Ambassadeur et Représentant permanent du Portugal auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève. La délégation comprenait également des représentants de la Commission de la citoyenneté et de l’égalité des sexes, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère des finances, du Ministère de l’administration intérieure, du Ministère de la justice, du Ministère de l’agriculture et de la mer, du Ministère de la santé, du Ministère de l’éducation et de la science, du Ministère de la solidarité, de l’emploi et de la sécurité sociale, du Haut-Commissariat pour les migrations et du secrétariat régional de Madère pour l’inclusion et les affaires sociales, ainsi que d’autres représentants de la Mission permanente du Portugal auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

4.Le Comité prend note des progrès accomplis depuis l’examen en 2008 du septième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/PRT/7) dans la réalisation de réformes législatives, en particulier :

a)L’adoption de la loi no 26/2014 relative au droit d’asile qui prévoit un cadre de protection des réfugiés et des demandeurs d’asile tenant compte des différences entre les sexes, en 2014;

b)Les modifications apportées au Code pénal pour interdire la discrimination fondée sur l’identité sexuelle, en janvier 2013;

c)L’adoption de la loi no 7/2011 relative à l’identité sexuelle, le 15 mars 2010, et de modifications au Code civil reconnaissant diverses formes de relations familiales, le 31 mai 2010;

d)L’adoption dans le Code du travail de dispositions sur la protection de la parenté et la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, le 12 février 2009;

d)L’adoption de la loi no 112/2009 relative à la violence familiale, le 16 septembre 2009.

5.Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique de manière à accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité entre les sexes en adoptant notamment :

a)Le cinquième plan d’action national en faveur de l’égalité des sexes, de la citoyenneté et de la non-discrimination (2014-2017);

b)Le troisième programme d’action national en faveur de l’élimination des mutilations génitales féminines (2014-2017);

c)Le deuxième plan d’action national pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité (2014-2018);

d)La stratégie nationale en faveur des Roms (2013-2020).

6.Le Comité note avec satisfaction que depuis l’examen de son précèdent rapport, l’État partie a ratifié ou signé, entre autres, les instruments internationaux et régionaux suivants :

a)La Convention (no 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, de l’Organisation internationale du Travail (OIT), en 2015;

b)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2014;

c)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), en 2013;

d)La Convention (no 183) sur la protection de la maternité, 2000, de l’OIT, en 2012;

e)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2009.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlement

7.Le Comité souligne le rôle déterminant que joue le pouvoir législatif s ’ agissant d ’ assurer l ’ application intégrale de la Convention (voir la déclaration du Comité sur sa relation avec les parlementaires adoptée à la quarante-cinquième session en 2010). Il invite le Parlement à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires pour donner suite aux présentes observations finales d ’ ici à la prochaine période d ’ établissement d ’ un rapport au titre de la Convention.

Contexte général

8.Le Comité note avec inquiétude que les mesures d’austérité, dont beaucoup sont prises par l’État partie dans le cadre des accords de sauvetage conclus avec les institutions de l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI), ont un effet néfaste et disproportionné sur de nombreux aspects de la vie des femmes. Le Comité note également que peu d’études et d’évaluations ont été effectuées pour suivre les incidences particulières de ces mesures sur les femmes. Tout en soulignant que les préoccupations exprimées ci-dessous tiennent compte de la situation exceptionnelle dans laquelle l’État partie s’est trouvé au cours des dernières années et qu’il continue d’affronter, le Comité lui rappelle que même en temps de difficultés budgétaires et de crise économique, il convient de faire des efforts particuliers pour respecter les droits humains des femmes, maintenir et accroître l’investissement social et la protection sociale et adopter une démarche respectueuse des différences entre les sexes, en donnant la priorité aux femmes en situation vulnérable.

9.Le Comité recommande à l ’ État partie de réaliser une étude exhaustive des incidences des mesures d ’ austérité sur les femmes et de concevoir un plan d ’ action visant à atténuer les effets néfastes de ces mesures, tout en sollicitant l ’ aide et l ’ appui de l ’ Union européenne et du Fonds monétaire international pour la mise en œuvre de ce plan.

Application de la Convention dans les régions autonomes des Açores et de Madère

10.Tout en prenant note de l’adoption des plans municipaux d’égalité (loi no 75/2013) et du recrutement de conseillers de l’égalité des sexes dans les régions autonomes des Açores et de Madère, le Comité est préoccupé par le fait que l’application de la Convention est à la traîne dans ces régions. Il est préoccupé également au sujet de l’absence d’un plan d’action régional en matière d’égalité des sexes dans les Açores et d’un mécanisme dédié spécialement à la promotion de l’égalité entre hommes et femmes.

11.Le Comité rappelle à l ’ État partie l ’ obligation qui lui incombe d ’ appliquer la Convention sur l ’ ensemble de son territoire, y compris les régions autonomes des Açores et de Madère, et de prendre des mesures afin d ’ assurer l ’ adoption de programmes et de plans d ’ action concrets en faveur de la promotion des droits des femmes et de l ’ égalité entre les sexes. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ appuyer la création d ’ un mécanisme efficace de promotion de la femme dans les Açores et de faire en sorte que ce mécanisme soit doté de ressources humaines, techniques et financières suffisantes.

Visibilité de la Convention, de son Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité

12.Le Comité se félicite des activités de formation et des nombreux programmes de sensibilisation menés par l’État partie au sujet de la Convention et de son Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité, notamment dans le cadre du programme obligatoire des écoles de droit et de la formation professionnelle des juges et des procureurs. Il est néanmoins préoccupé par le manque d’informations communiquées au sujet des évaluations de ces activités et programmes, ainsi que par l’absence de données sur les affaires dans lesquelles la Convention a été évoquée par les tribunaux nationaux.

13.Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre les efforts visant à assurer une formation systématique et obligatoire aux juges, aux procureurs et aux avocats au sujet de la Convention et de son Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité. Il recommande également à l ’ État partie de procéder à l ’ évaluation de l ’ impact de ses activités de formation consacrées aux membres des professions juridiques. Il recommande en outre à l ’ État partie de promouvoir l ’ utilisation de la Convention dans les tribunaux nationaux et de la faire mieux connaître et de recueillir des données sur les procès au cours desquels la Convention a été évoquée et de les communiquer dans son prochain rapport périodique.

Mécanismes nationaux de promotion de la femme

14.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie faisant état d’une coordination efficace entre les divers organismes chargés de l’égalité des sexes, notamment la Commission pour la citoyenneté et l’égalité des sexes, les conseillers locaux en matière d’égalité et la Commission pour l’égalité dans le travail et l’emploi. Tout en reconnaissant les efforts déployés par l’État partie pour assurer le financement de certaines politiques à l’aide de ressources extrabudgétaires, le Comité est préoccupé par la réduction des allocations budgétaires, en particulier de celle qui est destinée à la Commission pour la citoyenneté et l’égalité des sexes, et du fait que le financement extrabudgétaire pourrait ne pas durer ou ne pas suffire à l’exécution des tâchesde la Commission devenues plus nombreuses.

15.Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que la Commission pour la citoyenneté et l ’ égalité des sexes soit dotée de ressources suffisantes et durables pour pouvoir s ’ acquitter efficacement de ses fonctions et de s ’ employer davantage à assurer une coordination efficace entre les divers organismes publics travaillant dans le domaine de l ’ égalité des sexes.

Organisations non gouvernementales

16.Le Comité est inquiet au sujet des rapports indiquant que les organisations non gouvernementales qui s’occupent des droits des femmes ont été particulièrement touchées par les mesures d’austérité, qui ont fortement compromis leurs activités. Il est inquiet également au sujet du manque de collaboration de l’État partie avec les organisations non gouvernementales féminines.

17.Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ employer à réduire les incidences négatives des mesures d ’ austérité sur les organisations non gouvernementales qui s ’ occupent des droits des femmes et de l ’ égalité des sexes. Il lui recommande en particulier d ’ apporter un appui suffisant, y compris une assistance financière, à ces organisations et de les consulter systématiquement sur toutes les questions concernant les droits des femmes et l ’ égalité entre les sexes.

Mesures temporaires spéciales

18.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie indiquant sa préférence pour des mesures propres à produire un changement à long terme dans le sens d’un « rééquilibrage » de la société et félicite l’État partie de vouloir effectuer cette transformation, notamment en adoptant des mesures à long terme dans le cadre des politiques sociales et celles qui concernent le travail et la famille et en procédant à des évaluations de l’impact sur les femmes. Il considère néanmoins qu’il est possible d’utiliser des mesures temporaires spéciales dans le cadre de cette stratégie à long terme, notamment pour aider rapidement à atténuer les effets des mesures d’austérité et éviter que ces mesures défavorisent ou marginalisent les femmes encore davantage, et d’accélérer ainsi l’instauration d’une égalité de fait entre les hommes et les femmes.

19.Le Comité recommande à l ’ État partie de faire figurer des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 (1992) du Comité dans sa législation, dans ses mesures budgétaires et ses politiques sociales et sanitaires afin de régler rapidement quelques-uns des problèmes les plus graves que les femmes rencontrent dans le contexte des mesures d ’ austérité prises par l ’ État partie. En adoptant des mesures temporaires spéciales, l ’ État partie devrait fixer des objectifs, des cibles et des calendriers concrets et mettre en place un système de suivi de l ’ application et des progrès réalisés.

Stéréotypes

20.Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre les stéréotypes sexistes grâce à l’éducation dans les écoles, à des supports promotionnels et à une législation interdisant la discrimination à l’égard des femmes et la discrimination sexiste dans les médias. Il note avec préoccupation toutefois que les stéréotypes sexistes persistent dans tous les domaines de la vie, ainsi que dans les médias, et que l’État partie ne dispose pas d’une stratégie globale pour faire face aux stéréotypes discriminatoires.

21.Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ effort s pour remédier aux comportements stéréotypés à l ’ égard des rôles et des responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et dans la société en adoptant une stratégie globale à ce sujet et en continuant à appliquer des mesures visant à éliminer les stéréotypes sexistes discriminatoires, à informer le public et à instaurer, dès que possible, un mécanisme qui règlemente le recours à des stéréotypes sexistes discriminatoires dans les médias.

Violence à l’égard des femmes

22.Le Comité se félicite de l’adoption du cinquième plan d’action national visant à prévenir et à combattre la violence familiale et la violence sexiste (2014-2017) et de l’utilisation des bracelets électroniques en prévention de la violence dans la famille. Il est toutefois préoccupé :

a)Par la prévalence de la violence sexiste à l’égard des femmes dans le milieu familial et le nombre extrêmement bas de poursuites et de condamnations (malgré son augmentation) en proportion du nombre élevé des cas de violence familiale signalés;

b)Par le recours insuffisant aux ordonnances de protection;

c)Par le manque de coordination entre les tribunaux familiaux et les tribunaux pénaux dans les affaires de violence familiale avec pour conséquence des possibilités restreintes pour les femmes qui ont besoin d’une ordonnance de protection immédiate qu’elles ne peuvent obtenir qu’après avoir intenté une action en justice contre leur agresseur.

23. Le Comité engage l ’ État partie :

a) À veiller à l ’ application rigoureuse des lois qui répriment la violence à l ’ égard des femmes et à prendre des mesures supplémentaires afin de prévenir la violence sexiste et de protéger les femmes et les filles contre ce type de violence au sein de la famille, notamment en poursuivant et en condamnant les auteurs de manière effective;

b) À rendre des ordonnances de protection contre les partenaires violents;

c)À instaurer un mécanisme de coordination et de coopération efficace entre les tribunaux familiaux et les tribunaux pénaux afin de faire en sorte que les femmes puissent recourir immédiatement à une ordonnance de protection et d ’ interdiction contre les partenaires violents, sans avoir besoin d ’ engager une action en justice.

24.Le Comité accueille avec satisfaction la loi no 83/2015 destinée à l’application des dispositions de la Convention d’Istanbul, mais demeure préoccupé par le fait que malgré les améliorations apportées, la législation de l’État partie n’est pas en totale harmonie avec ces dispositions puisqu’elle ne couvre pas tous les types d’actes sexuels non consensuels. Le Comité est également préoccupé au sujet de l’absence de centres de crise et de services d’urgence pour les victimes de viol, ainsi que de l’absence de protocoles types destinés au personnel des hôpitaux et aux agents de la police sur la manière non discriminatoire de traiter les femmes victimes de viol. De plus, le Comité est préoccupé par le fait que le viol conjugal est rarement poursuivi en tant qu’infraction spécifique, étant dans la plupart des cas considéré comme une forme de violence familiale.

25.Le Comité recommande à l ’ État partie : 

a) De prendre les mesures nécessaires pour lutter convenablement contre la violence sexuelle dans ses lois et politiques et de faire en sorte que tous les types d ’ actes sexuels non consensuels figurent dans la définition du viol au titre du Code pénal;

b) De créer des centres de crise et des services d ’ urgence pour les victimes de viol, de sensibiliser le personnel hospitalier et la police au sujet de l ’ assistance requise en cas de viol et de mettre en place des protocoles types pour la prise en charge des victimes de viol;

c) De revoir sa politique en ce qui concerne la condamnation des auteurs de viol conjugal pour faire en sorte que les peines soient proportionnées à la gravité de l ’ infraction.

26.Le Comité se félicite des modifications récemment apportées au Code pénal qui érigent expressément en infraction les mutilations génitales féminines. Il est toutefois préoccupé au sujet des rapports indiquant la commission de cette infraction à l’encontre de citoyennes ou de résidentes à l’étranger et regrettant l’absence d’informations concernant l’exercice de la compétence extraterritoriale de l’État partie contre le délit de mutilation génitale féminine. Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour faire connaître les incidences néfastes des mutilations génitales féminines sur la santé et la vie des femmes, aussi bien sur son territoire qu’à l’étranger, mais craint toutefois que ces efforts ne soient pas suffisants.

27.Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à l ’ application rigoureuse de la législation érigeant en infraction les mutilations génitales féminines, notamment en poursuivant et en punissant les auteurs comme il convient, et d ’ exercer une compétence extraterritoriale en ce qui concerne les actes de mutilation génitale féminine perpétrés en dehors de son territoire. Le Comité recommande également à l ’ État partie de renforcer les stratégies de prévention ciblées, notamment les programmes d ’ éducation et de sensibilisation, surtout en faveur des communautés où ces pratiques néfastes sont courantes. À cet égard, l ’ État partie devrait tenir compte de la recommandation générale n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et de l ’ observation générale n o 18 du Comité des droits de l ’ homme sur les pratiques préjudiciables (2014).

Traite et exploitation de la prostitution

28.Le Comité se félicite de la version mise à jour du système national d’orientation créé en 2014 et du troisième plan national de prévention et de lutte contre la traite des êtres humains (2014-2017). Il est toutefois préoccupé par ce qui suit :

a)La pauvreté et l’exclusion sociale des femmes, en particulier des groupes de femmes défavorisées et marginalisées, notamment de migrantes, de demandeuses d’asile et de Roms, les rendent plus susceptibles de devenir victimes de traite et d’exploitation de la prostitution;

b)Les mécanismes d’identification des victimes sont insuffisants;

c)La politique d’application des peines est trop clémente à l’égard des trafiquants qui seraient souvent condamnés pour proxénétisme et donc passibles d’une peine moins sévère;

d)Il n’existe pas d’informations au sujet des mesures mises en place pour la protection et le soutien des victimes de traite, y compris l’octroi de permis de séjour provisoires.

29.Le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) D ’ intensifier les efforts visant à lutter contre la traite des femmes et des enfants et à empêcher la traite des femmes qui vivent dans la pauvreté et sont particulièrement vulnérables à cet égard et de mettre en place des mécanismes d ’ identification des victimes;

b) De veiller à la poursuite et à la condamnation rapide et efficace des trafiquants conformément à l ’ article pertinent du Code pénal;

c)De renforcer la protection et la réadaptation des femmes victimes de traite en leur assurant l ’ accès à d ’ autres sources de revenu s et en munissant celles qui sont sans papiers d ’ un permis de séjour provisoire indépendamment de leur capacité ou de leur volonté de coopérer avec les autorités chargées des poursuites.

Participation à la vie politique et publique

30.Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour accroître la représentation des femmes dans la vie politique et publique qui ont constamment donné de bons résultats. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que la loi de 2006 relative à la parité fixe un quota minimal de 33,3 % pour les candidats de chaque sexe sur les listes relatives aux élections européennes, nationales et locales, alors que la parité requiert un quota de 50 % pour chaque sexe assurant une égale représentation. De plus, le Comité note que la loi relative à la parité n’a eu qu’un effet limité à l’échelle locale et que son efficacité a été compromise par la clémence des sanctions imposées en cas d’irrespect du quota. Le Comité est également préoccupé par le fait que, malgré les quelques améliorations apportées, le nombre de femmes aux postes de décision du pouvoir exécutif (8 % au poste de maire et 10 % à 30 % aux divers autres postes exécutifs) et du service diplomatique demeure peu élevé. Tout en se félicitant du très haut pourcentage de femmes dans le système judiciaire, le Comité regrette que seulement 8,2 % des juges de la Cour suprême soient des femmes et que plusieurs organismes publics comptent moins de 35 % de femmes. Enfin, le Comité note que Madère adoptera elle aussi un système de parité aux prochaines élections.

31.Le Comité appelle l ’ État partie à augmenter la représentation des femmes dans la vie politique en modifiant la loi relative à la parité de manière à atteindre une représentation de 50 % des deux sexes dans toutes les assemblées législatives à l ’ échelle européenne, nationale et locale. Il devrait aussi en faire autant dans les régions autonomes. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les sanctions imposées en cas d ’ enfreinte à la loi en prévoyant par exemple l ’ annulation automatique des listes concernées. Le Comité recommande également à l ’ État partie de prendre des mesures ciblées, y compris des mesures temporaires spéciales, en application du paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention, afin d ’ accroître la représentation des femmes aux postes de décision dans le pouvoir exécutif et le service diplomatique, à la Cour suprême et dans les autres organismes publics.

Éducation

32.Le Comité se félicite des progrès considérables accomplis par l’État partie quant à l’augmentation de la participation des femmes et des filles aux niveaux secondaire et tertiaire de l’enseignement. Il est toutefois inquiet au sujet de la ségrégation suivant les sexes des diverses disciplines et de la sous-représentation des filles dans la technologie et la formation et l’apprentissage professionnels au niveau du secondaire, ainsi que dans les domaines de l’ingénierie, de la manufacture et de la construction au niveau des études supérieures qui aboutit à une ségrégation analogue des professions sur le marché du travail et à un taux de chômage plus élevé chez les jeunes femmes, même lorsque celles-ci sont plus qualifiées que les hommes dotés d’un emploi. Tout en accueillant avec satisfaction la loi no 69/2009 qui rend l’éducation sexuelle obligatoire et le fait qu’elle était déjà appliquée dans 83 % des écoles, le Comité s’inquiète du fait que le programme d’éducation sexuelle est proposé essentiellement dans le cadre de l’enseignement des sciences naturelles en troisième année du primaire et de la biologie dans le secondaire et que les élèves non inscrits dans ces matières sont par conséquent exclus. Le Comité s’inquiète également du fait que l’accent est essentiellement mis sur la santé et la prévention des maladies sexuellement transmises et sur la grossesse précoce plutôt que sur les relations sociales entre hommes et femmes et les incidences des comportements et des stéréotypes patriarcaux.

33.Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre les efforts visant à faire participer davantage les femmes et les filles aux études secondaires et supérieures, y compris dans les domaines à forte dominance masculine tels que les mathématiques, la technologie de l ’ information, l ’ ingénierie et la construction, afin d ’ augmenter leurs chances d ’ emploi et de réduire ainsi les taux élevés de chômage qu ’ elles connaissent. Le Comité recommande également à l ’ État partie de changer le mode d ’ enseignement du programme d ’ éducation sexuelle en dispensant cet enseignement en tant que matière distin cte aux horaires bien définis, de sorte que tous les élèves y accèdent sur un pied d ’ égalité. Il faudrait également réexaminer la teneur du programme afin qu ’ il soit abordé d ’ une manière qui tienne dûment compte des questions relevant de l ’ égalité entre les sexes, y compris l ’ inégalité de pouvoir dans les relations entre garçons et filles, le comportement sexuel responsable et la prévention de la grossesse précoce.

Emploi

34.Le Comité se félicite de la résolution no 18/2014 concernant le salaire égal pour un travail de valeur égale et de la résolution no 19/2012 qui vise à accroître la représentation des femmes aux postes de décision dans les sociétés appartenant à l’État, toutes les deux adoptées par le Conseil des Ministres. Il se félicite également des diverses mesures adoptées pour accroître la représentation des femmes dans le secteur privé, y compris dans les grandes sociétés cotées en bourse. Le Comité est toutefois préoccupé par les faits suivants :

a)Jusqu’ici, les mesures prises n’ont eu qu’un impact limité sur la situation des femmes dans l’emploi, y compris les perspectives de carrière et les salaires, qui demeurent beaucoup plus bas que ceux des hommes;

b)Le taux de chômage chez les femmes, surtout chez celles qui ont moins de 25 ans, est très élevé et les femmes qui appartiennent à des groupes défavorisés ou marginalisés comme les Roms, les migrantes et les femmes âgées ont un accès très limité au marché du travail;

c)La discrimination à l’égard des femmes enceintes et des nouvelles mères dans l’emploi persiste.

35.Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre des mesures ciblées, y compris des mesures temporaires spéciales, notamment des incitations financières, en faveur de l ’ emploi des femmes;

b) D ’ améliorer l ’ accès des femmes, jeunes en particulier, au marché de l ’ emploi et d ’ appliquer le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale dans tous les secteurs économiques;

c) D ’ augmenter les chances d ’ emploi des groupes de femmes défavorisées et marginalisées telles que les Rom s , les migrantes et les femmes âgées, notamment en offrant des possibilités de formation et de création d ’ entreprises féminines;

d)De prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination dans l ’ emploi à l ’ égard des femmes enceintes et des nouvelles mères.

Santé

36.Le Comité se félicite des progrès considérables réalisés par l’État partie dans la réduction de la mortalité infantile et maternelle. Il est toutefois préoccupé au sujet du manque de liberté que connaissent les femmes dans la planification familiale et le choix des méthodes d’accouchement. Il est particulièrement préoccupé au sujet des informations indiquant que les femmes sont souvent soumises à des accouchements trop médicalisés et par césarienne sans avoir été consultées au préalable. Le Comité est préoccupé également au sujet des modifications apportées en 2015 à la loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse (2007) qui imposent des conditions très rigoureuses, à savoir quatre consultations obligatoires distinctes avant l’avortement et le versement de frais.

37.Le Comité recommande à l ’ État partie de prévoir des garanties suffisantes pour que les procédures d ’ accouchement trop médicalisées telles que les césariennes soient minutieusement évaluées et qu ’ elles soient effectuées seulement lorsqu ’ elles sont nécessaires et avec le consentement éclairé de la patiente. Le Comité recommande également à l ’ État partie de modifier la loi relative à l ’ interruption volontaire de la grossesse en annulant les conditions excessivement contraignantes ajoutées récemment, y compris les frais imposés, afin d ’ assurer aux femmes la liberté de faire un choix éclairé tout en respectant leur autonomie. L ’ État partie devrait organiser ses services de santé de sorte que l ’ exercice du droit à une objection consciencieuse dans ce type de situation n ’ empêche pas les femmes d ’ accéder effectivement aux services de soins de santé procréative, y compris l ’ avortement.

Prêts hypothécaires et crédits financiers

38.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour régler le problème des familles qui ont constamment du retard dans le remboursement de leurs prêts hypothécaires et le paiement de leur loyer, comme l’adoption d’un cadre juridique de prévention et de règlement des arriérés sur les accords de crédit avec les ménages et la création d’un fonds d’investissement dans la propriété des logements locatifs. Le Comité est néanmoins préoccupé au sujet des informations faisant état d’expulsions effectuées en raison de retards dans le remboursement des prêts hypothécaires et le paiement des loyers, ce qui, compte tenu des mesures d’austérité, peut avoir de graves conséquences pour les ménages dirigés par une femme.

39.Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer ses initiatives, y compris en matière de financement, afin de régler le problème des prêts hypothécaires non remboursés et des loyers impayés et d ’ assurer l ’ adoption d ’ une démarche respectueuse de l ’ égalité des sexes dans les décisions relatives au remboursement des dettes, surtout lorsqu ’ il s ’ agit de ménages dirigés par des femmes.

Femmes rurales

40.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie au sujet du nombre croissant de femmes rurales travaillant dans l’agriculture commerciale et des investissements considérables effectués par l’État partie en faveur de ce type d’initiatives. Cependant, le Comité est préoccupé par le fait que de nombreuses femmes rurales continuent de faire face à de grandes difficultés quant à l’accès à l’emploi et à l’éducation et doivent compter sur de maigres prestations sociales.

41.Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre les efforts visant à encourager les femmes à la création d ’ entreprises, y compris dans le commerce agricole, et de prendre les mesures nécessaires pour assurer aux femmes vivant dans les zones rurales de meilleures possibilités d ’ accès à l ’ éducation et à l ’ emploi.

Femmes roms

42.Le Comité prend note de la stratégie nationale d’inclusion des Roms pour la période 2013-2020 et s’inquiète du fait que les femmes roms, surtout celles qui vivent en milieu rural, sont confrontées à l’exclusion et à un manque d’accès à l’éducation, aux services de santé, à l’emploi et au logement. Il est particulièrement inquiet au sujet des taux élevés d’abandon scolaire parmi les filles roms à cause des mariages d’enfants et/ou des mariages forcés. Le Comité est également inquiet du fait que de nombreuses femmes roms continuent de vivre dans des conditions de logement déplorables, souvent dans des implantations sauvages constituées de baraques, de cabanes ou de tentes installées dans des zones reculées dont l’accès aux transports publics et aux services de base, y compris eau salubre, installations sanitaires, électricité et décharges, est limité ou inexistant.

43.Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ effort s , notamment dans le cadre de la stratégie nationale d ’ inclusion des Rom s pour la période 2013- 2020, afin d ’ assurer aux femmes rom s l ’ accès à un logement convenable et aux services de base, y compris en matière d ’ éducation, de santé et d ’ emploi. Le Comité recommande également à l ’ État partie de prendre des mesures pour prévenir la déscolarisation des filles roms en sensibilisant les familles et les collectivités aux conséquences néfastes des mariages d ’ enfants et des mariages forcés sur la santé et le développement des filles.

Mariage et relations familiales

44.Le Comité note avec préoccupation :

a)Que la législation de l’État partie pose aux hommes et aux femmes des conditions différentes en cas de divorce selon lesquelles les hommes ont le droit de se remarier 180 jours après le divorce, alors que les femmes doivent attendre 300 jours, sauf dans certaines situations qui ne sont pas également applicables aux hommes, compte tenu du principe de « la paternité présumée »;

b)Que l’âge minimum du mariage est fixé à 16 ans (avec l’approbation des parents) et non à 18 ans;

c)Que la législation de l’État partie ne prévoit pas l’accès de toutes les femmes aux services de procréation médicalement assistée.

45.Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De réviser sa législation de manière à assurer aux hommes et aux femmes un traitement égal quant aux conditions imposées à l ’ issue d ’ un divorce et d ’ éliminer tout délai concernant le remariage;

b) De porter à 18 ans l ’ âge minimum du mariage;

c)D ’ adopter des mesures législatives visant à faciliter et à élargir l ’ exercice par les femmes de leur droit de décider librement et en toute connaissance de cause du nombre des naissances, conformément à l ’ alinéa e) du paragraphe 1 de l ’ article 16 de la Convention, et d ’ assurer l ’ accès à des services de procréation médicalement assistée, y compris la fécondation in vitro, à toutes les femmes sans aucune restriction.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

46.Le Comité appelle l ’ État partie à utiliser la Déclaration et Programme d ’ action de Beijing dans ses efforts de mise en œuvre des dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

47.Le Comité appelle à la réalisation de l ’ égalité de fait entre les hommes et les femmes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Diffusion

48.Le Comité rappelle à l ’ État partie l ’ obligation qui lui incombe d ’ appliquer les dispositions de la Convention de manière systématique et continue. Il prie instamment l ’ État partie d ’ accorder une attention prioritaire à la mise en œuvre des présentes observations finales et recommandations d ’ ici à la présentation du prochain rapport périodique. Le Comité demande par conséquent que les présentes observations finales soient diffusées en temps opportun, dans la langue officielle de l ’ État partie, aux institutions d ’ État pertinentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et à l ’ appareil judiciaire, afin d ’ en assurer la mise en œuvre intégrale . Il encourage l ’ État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes concernées, dont les associations d ’ employeurs, les syndicats, les organisations des droits de l ’ homme et les organisations de femmes, les universités, les institutions de recherche et les médias. Il recommande en outre que ces observations finales soient diffusées sous une forme appropriée au niveau communautaire local, pour en permettre l ’ application. De plus, le Comité prie l ’ État partie de continuer à diffuser la Convention, son Protocole facultatif et la jurisprudence pertinente, ainsi que les recommandations générales du Comité, auprès de toutes les parties prenantes.

Assistance technique

49.Le Comité recommande à l ’ État partie de rattacher l ’ application de la Convention à ses initiatives de développement et de tirer parti de l ’ assistance technique régionale ou internationale à cet égard.

Ratification d’autres instruments

50.Le Comité note qu ’ en adhérant aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme , les États permettraient aux femmes de mieux jouir de leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Ainsi, le Comité encourage l ’ État partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, à laquelle il n ’ est pas encore partie.

Suivi des observations finales

51.Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre les recommandations énoncées aux paragraphes 23 c), 25 b) et 37 ci-dessus.

Élaboration du prochain rapport

52.Le Comité invite l ’ État partie à présenter son dixième rapport périodique en novembre 2019.

53.Le Comité prie l ’ État partie de suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap.  I).