Quarante-cinquième session

18 janvier-5 février 2010

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Panama

Le Comité a examiné le rapport unique (valant quatrième à septième rapports périodiques) du Panama (CEDAW/C/PAN/7) à ses 922e et 923e séances, tenues le 1er février 2010 (voir CEDAW/C/SR.922 et 923). La liste des questions suscitées par l’examen du rapport du Panama et les réponses données par ce pays figurent dans les documents CEDAW/C/PAN/Q/7 et CEDAW/C/PAN/Q/7/Add.1, respectivement.

Introduction

2.Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté un rapport unique (valant quatrième à septième rapports périodiques) tenant compte des orientations qu’il avait définies, mais regrette qu’il n’y soit tenu compte ni des observations finales ni des recommandations générales qu’il avait précédemment formulées. Il regrette également l’insuffisance des données statistiques ventilées par sexe sur la condition des femmes, en particulier des femmes d’ascendance africaine et autochtones, dans tous les domaines visés par la Convention. Le Comité apprécie la franchise avec laquelle le Panama a décrit, dans son rapport, les obstacles à l’application de la Convention. Il déplore toutefois que l’État partie n’ait pas présenté régulièrement de rapports pendant la période à l’examen, rendant plus difficile le suivi des progrès accomplis en vue de la réalisation de l’égalité des sexes.

Le Comité félicite l’État partie des réponses qu’il a données par écrit à la liste des questions soulevées par le Groupe de travail d’avant session, de l’exposé qu’il a présenté au Comité et des réponses qu’il a apportées oralement aux questions que ce dernier lui avait posées.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir envoyé une délégation dirigée par le Vice-Ministre du développement social et composée de représentants de l’Institut national de la femme et du Ministère de l’administration publique et de la justice et prend note avec satisfaction du dialogue ouvert et constructif entre les membres de la délégation et ceux du Comité.

Aspects positifs

Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie, en 2001, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité se félicite également de l’adoption de la loi no4 du 29 janvier 1999 établissant l’égalité des chances pour les femmes et fondée, entre autres, sur les principes de l’interdiction de la discrimination sexiste, de l’égalité devant la loi et de la condamnation de toutes les formes de violence à l’égard des femmes.

Le Comité se félicite en outre de l’adoption d’un certain nombre de mesures législatives visant à promouvoir l’amélioration de la condition de la femme et l’égalité des sexes, dont des modifications de textes législatifs portant sur la loi électorale, le droit pénal, l’emploi et l’éducation. Il se félicite aussi de l’élaboration de programmes, politiques et plans visant à améliorer la condition de la femme, et notamment du Plan national visant à prévenir la violence familiale et à y faire face et à promouvoir la coexistence civile.

Le Comité salue la création en 2009 de l’Institut national pour la promotion de la femme, qui est chargé de coordonner et de surveiller l’application des dispositions visant l’égalité des chances pour les femmes et de promouvoir, au niveau national, la prise de conscience des inégalités entre les hommes et les femmes.

Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie, en 2004, du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant à l ’ État partie qu ’ il est tenu d ’ appliquer rigoureusement et sans exception toutes les dispositions de la Convention, le Comité appelle en priorité son attention sur les sujets de préoccupation et les recommandations énoncés dans les présentes observations finales. Il invite donc l ’ État partie à faire porter l ’ essentiel de ses efforts sur ces points et à rendre compte, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu ’ il aura prises et des résultats qu ’ il aura obtenus. Il appelle également le Gouvernement de l ’ État partie à transmettre les présentes observations finales à l ’ ensemble des ministères et des administrations publiques concernés, à tous les niveaux, au Parlement et aux instances judiciaires, afin de s ’ assurer de leur application.

Parlement

Tout en réaffirmant que c ’ est au Gouvernement qu ’ il incombe au premier chef de faire en sorte que les obligations que la Convention impose à l ’ État partie soient pleinement observées et qu ’ il en est comptable, le Comité rappelle que la Convention lie tous les pouvoirs gouvernementaux et invite l ’ État partie à encourager son parlement à prendre, conformément à son mandat et à ses procédures, toute s mesure s nécessaire s aux fins de la prise en compte des présentes observations finales et de l ’ établissement du prochain rapport que le Panama doit présenter au titre de la Convention.

Cadre juridique pour l’égalité, la non-discrimination et la définition de la discrimination

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no4 (1999) et de l’incorporation dans la législation nationale d’une définition de la discrimination conforme à la Convention. Il se félicite également de la promulgation par l’État partie de nombreuses lois promouvant l’égalité des sexes et la non-discrimination. Le Comité regrette toutefois que, dans la pratique, nombre de ces lois ne soient pas réellement appliquées. Tout en accueillant avec satisfaction la poursuite du débat sur le femmicide, il déplore que la législation pénale, notamment, ne le sanctionne pas davantage et que l’État partie ne dispose pas de données fiables sur les actes de femmicide.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour mettre en œuvre l ’ ensemble d es dispositions juridiques qui ont été adoptées afin de garantir , en droit et dans les faits , l ’ égalité des sexes et la non - discrimination et d ’ y consacrer des ressources adéquates . Il demande à l ’ État partie de dégager des ressources financières et humaines suffisantes pour l ’ application d ’ une telle législation afin de surveiller et d ’ évaluer la mise en œuvre desdites dispositions . Le Comité exhorte également l ’ État partie à prendre toutes les mesures voulues pour que le femmicide soit incriminé dans le Code pénal et au tres lois pertinentes dans des délais bien précis et à recueillir des données fiables sur les actes de femmicide.

Importance accordée à la Convention et au Protocole facultatif

Tout en prenant note des progrès accomplis par l’État partie pour ce qui est de l’amélioration de l’égalité des sexes et des droits des femmes au Panama, notamment grâce à la promulgation d’une loi antidiscrimination, le Comité regrette que les informations concernant l’utilisation des mécanismes de recours existants soient insuffisantes et que la Convention et le Protocole facultatif à la Convention soient mal connus des autorités, de l’appareil judiciaire, des agents de la force publique et des femmes elles-mêmes.

Le Comité demande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que toutes les autorités publiques et l ’ appareil judiciaire aient une connaissance suffisante des dispositions de la Convention, les appliquent comme il convient et en fassent le fondement de toutes les lois, de la jurisprudence et des politiques relatives à l ’ égalité des sexes et à la promotion de la femme. Il recommande à l ’ État partie de sensibiliser les femmes, en particulier les femmes vivant en milieu rural et les femmes autochtones, aux dispositions de la Convention. Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ incorporer la Convention à la formation juridique des titulaires de fonctions officielles et de garantir ainsi que l ’ esprit, les objectifs et les dispositions de la Convention soient bien connus et invoqués régulièrement dans les procédures judiciaires. Il lui recommande également de prendre toutes les mesures voulues pour faire de la Convention et du Protocole facultatif des éléments à part entière des programmes d ’ enseignement à tous les niveaux et les traduire dans les différentes langues autochtones de façon à les rendre accessibles à to utes les femmes et les filles.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité déplore que l’État partie ne prenne pas systématiquement des mesures temporaires spéciales pour accélérer la réalisation de l’égalité de fait avec les hommes dans tous les domaines visés par la Convention. Il juge également préoccupant que les mesures temporaires spéciales restent mal connues, ainsi que l’objet de leur mise en œuvre conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, directement applicable dans l’État partie, car cela freine la réalisation de l’égalité effective entre les femmes et les hommes.

Le Comité encourage l ’ État partie à prendre des dispositions législatives spécifiques permettant l ’ adoption de mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la r ecommandation générale n o 25 du Comité, afin d ’ accélérer la réalisation de l ’ égalité de fait des femmes et d es hommes dans les domaines dans lesquels les femmes sont sous-représentées ou défavorisées. Il recommande à l ’ État partie de sensibiliser l ’ opinion publique au fait que les dispositions du paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention sont directement applicables et au rôle important que les mesures temporaires spéciales joue nt pour accélérer la réalisation de l ’ égalité des sexes.

Mécanismes chargés de la promotion de la femme

Le Comité se félicite de la création de nouveaux mécanismes et institutions chargés de la promotion de la femme, dont l’Institut national de la femme, la Direction nationale de la femme et le Conseil national de la femme, qui ont pour mission de promouvoir l’égalité des sexes et d’aborder les multiples formes de discrimination. Il s’interroge toutefois sur la portée de la coordination entre ces différents organes et sur un éventuel chevauchement de leurs travaux. Le Comité craint aussi que les mécanismes nationaux chargés de la promotion de la femme ne disposent pas de ressources financières ou humaines leur permettant d’œuvrer efficacement.

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les mécanismes existants de promotion de l ’ égalité des sexes en les faisant dûment connaître et en les dotant des pouvoirs et des moyens humains et financiers voulus à tous les niveaux, en vue d ’ accroître leur efficacité et d ’ améliorer leur capacité de coordination et de suivi des mesures prises aux échelons national et local en faveur de la promotion de la femme et de l ’ égalité des sexes. Il lui recommande également de définir clairement les fonctions de chacun de c es mécanismes et institutions.

Organisations non gouvernementales

Tout en se félicitant de la présence d’une société civile active dans l’État partie, le Comité juge préoccupant le peu de coopération des autorités avec les organisations non gouvernementales, en particulier les associations de femmes, pour ce qui est de l’application de la Convention. Il se déclare préoccupé par le fait que l’État partie ne semble pas comprendre le rôle essentiel que ces organisations ont à jouer dans la mise en œuvre de la Convention et la promotion de l’égalité des sexes.

Le Comité exhorte l ’ État partie à coopérer de manière plus effective et de façon systématique avec les organisations non gouvernementales, en particulier les associations de femmes, aux fins de l ’ application de la Convention. Il recommande en outre à l ’ État partie de consulter les organisations non gouver nementales lors de l ’ élaboration de son prochain rapport périodique.

Préjugés

Le Comité demeure préoccupé par la persistance de stéréotypes traditionnels concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société en général, qui constituent un obstacle de taille à l’application de la Convention et à l’exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux. Il est en outre vivement préoccupé par le fait que, comme l’a reconnu la délégation, certains groupes de femmes sont non seulement confrontés à des préjugés sexistes mais subissent aussi des formes multiples de discrimination et de violence, en raison notamment de leurs préférences ou de leur identité sexuelles. À cet égard, le Comité fait observer que les médias nationaux renforcent l’image de la femme en tant qu’objet sexuel et entretiennent divers préjugés concernant les groupes ethniques.

Le Comité exhorte l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour mettre au point des programmes de sensibilisation ambitieux et renforcer ceux qui existent afin que le principe de l ’ égalité des sexes soit mieux compris et que la mise en œuvre de ce principe à tous les niveaux de la société bénéficie d ’ un soutien renforcé . Il s ’ agit de modifier les attitudes fondées sur des stéréotypes et les normes culturelles concernant les responsabilités et les rôles des femmes et des hommes au sein de la famille, sur le lieu de travail , dans la sphère politique et dans la société, comme le demandent les articles 2 f) et 5 a) de la Convention. Le Comité engage également l ’ État partie à passer de l ’ observation du problème que constituent les multiples formes de discrimination à une stratégie globale visant à éliminer les préjugés concernant les femmes en général et, plus particulièrement, la discrimination à l ’ égard des femmes telle que décrite au paragraphe 22. Cette stratégie pourrait comprendre des programmes de sensibilisation dans les écoles, de formation de s enseignants et de sensibilisation des médias et du grand public, et notamment des activités visant spécialement les hommes et les garçons.

Femmes détenues

Le Comité déplore les conditions d’incarcération difficiles des femmes, en particulier leurs problèmes d’accès aux services de santé. Il note avec préoccupation que de nombreuses femmes privées de liberté subissent les effets néfastes de la surpopulation carcérale, ce qui restreint de fait l’exercice de leurs droits fondamentaux. Il est profondément préoccupé par la discrimination que subissent ces femmes et par les allégations de violences physiques, verbales et sexuelles qui seraient commises contre elles par des agents des forces de police.

Le Comité exhorte l ’ État partie à garantir la fourniture de services de santé adéquats à toutes les femmes incarcérées au Panama. Il lui demande aussi de prendre toutes les mesures voulues pour protéger les femmes des effets néfastes de la surpopulation carcérale et de renforcer l ’ action menée pour assurer la formation professionnelle et la sensibilisation de l ’ ensemble du personnel s ’ occupant d es femmes incarcérées. Le Comité demande également à l ’ État partie d ’ enquêter sur les violences commises par des agents de s forces de police et d ’ en sanctionner les auteurs.

Violence contre les femmes

Le Comité se félicite de la mise en place, en 2004, du Plan national visant à prévenir la lutte contre la violence familiale et à y faire face et à promouvoir la coexistence civile, qui vise à éliminer les obstacles juridiques, institutionnels et socioculturels et permet d’aborder de nombreux aspects de la violence familiale. Il se félicite également de la récente adoption des modifications du Code pénal et du Code de procédure pénale qui prévoient de nouvelles mesures de protection en cas de violences familiales et se félicite que les autorités actuelles soient résolues à prévenir le problème de la violence familiale ou y remédier. Le Comité juge toutefois préoccupant le grand nombre d’actes de violence visant des femmes dans l’État partie et l’absence de services et de mesures de protection adéquats pour les victimes de ces violences ainsi que de mécanismes de recours pour les victimes et le fait qu’aucune campagne n’ait été menée pour informer les femmes de leurs droits.

Le Comité engage l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour mettre effectivement en œuvre les mesures législatives existantes et à combattre toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes, notamment la violence familiale, en tenant compte de la r ecommandation générale n o 19 du Comité. Il exhorte également l ’ État partie à lancer dans les médias des programmes d ’ éducation et de sensibilisation du public soulignant que toutes les formes de violence contre les femmes sont inacceptables, y compris la violence familiale.

Le Comité note également avec préoccupation que les filles ne sont pas protégées des châtiments corporels et des violences physiques lorsque de tels actes sont considérés comme des mesures disciplinaires.

Dans le même esprit que les recommandations formulées par le Comité des droits de l’enfant, le Comité engage l’État partie à inclure dans sa législation l’interdiction de toutes les formes de châtiments corporels des enfants, en particulier des filles. Il recommande à l’État partie de mener des activités de sensibilisation aux conséquences néfastes des mesures disciplinaires sur le développement psychosocial des filles.

Trafic et exploitation sexuelle

Le Comité, tout en se félicitant des mesures prises par l’État partie pour analyser les facteurs favorisant le trafic des personnes et l’exploitation des femmes par la prostitution, leurs causes profondes et leurs répercussions, constate avec préoccupation qu’un nombre élevé de femmes et de filles sont victimes du trafic dans l’État partie mais que les auteurs de ce trafic sont peu nombreux à être poursuivis et punis. Il regrette que l’État partie n’ait pas fourni de données sur le trafic et l’exploitation sexuelle des femmes et des filles et craint que la portée et l’application de la nouvelle législation ne soient insuffisantes.

Le Comité demande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour combattre toutes les formes de trafic visant les femmes et les filles. Il lui demande aussi d ’ analyser les données recueillies par la police et des sources internationales, de poursuivre et de punir les trafiquants, de veiller à défendre les droits fondamentaux des femmes et des filles victimes du trafic et de prévoir leur réadaptation. Le Comité demande également à l ’ État partie de fournir le soutien voulu aux femmes et aux filles victimes du trafic afin qu ’ elles puissent témoigner sans crainte de représailles. Il encourage l ’ État partie à élaborer des programmes de sensibilisation, à approfondir l ’ analyse des causes profondes du trafic, à fournir aux juges, aux avocats, au personnel de l ’ appareil de justice criminelle, aux prestataires de soins de santé et aux responsables de l ’ application des lois, entre autres, une formation approfondie, portant sur toutes les questions relatives à l ’ exploitation sexuelle et au trafic et à intensifier la coopération bilatérale et multilatérale avec les pays voisins. Le Comité invite l ’ État partie à faire le point de l ’ application de la nouvelle législation contre le trafic, en particulier des poursuites lancées contre les trafiquants.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Tout en se félicitant de la promulgation de la loi nº 22 du 14 juillet 1997, qui a modifié le Code électoral et établi notamment que 30 % des postes électifs devaient revenir à des femmes, le Comité constate avec préoccupation que le Panama n’a pas pris les mesures voulues pour que les partis politiques respectent ce pourcentage minimum. Il juge également préoccupants l’apparent manque de conscience du problème de la part des partis politiques et le peu d’intérêt qu’ils semblent accorder au renforcement de la participation des femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour appliquer efficacement la loi nº 22 et fac iliter la participation des femmes à la vie politique. Il lui suggère également de proposer aux femmes des programmes de formation aux fonctions de direction et de mener des campagnes de sensibilisation à l ’ importance de la participation des femmes à la prise de décisions.

Éducation

Le Comité, tout en se félicitant de l’action menée par l’État partie pour éliminer l’analphabétisme, notamment dans le cadre de la campagne intitulée « Muévete por Panama », note avec préoccupation le taux élevé d’analphabétisme chez les femmes vivant en milieu rural et parlant des langues autochtones. Il note également avec inquiétude que les choix de filière dans l’enseignement supérieur continuent de correspondre aux préjugés concernant les domaines d’étude appropriés pour les femmes.

Le Comité encourage l ’ État partie à redoubler d’efforts pour éliminer l ’ analphabétisme, notamment des femmes vivant en milieu rural et parlant des langues autochtones, en respectant le pluralisme linguistique du pays . Il l ’ engage également à prendre des mesures et à mener des études permettant de remédier aux causes profondes de la discrimination et des préjugés sexistes dans le secteur éducatif et l ’ encourage à redoubler d ’ efforts pour favoriser l’ouverture aux femmes des carrières qui, traditionnellement, leur sont fermé es.

Le Comité estime qu’il est préoccupant qu’un grand nombre de filles abandonnent leur scolarité en raison de grossesses précoces et qu’aucune enquête ou étude n’ait été menée sur ce problème. Il regrette aussi que bien qu’il existe un texte législatif (la loi nº 29) obligeant les filles à poursuivre leurs études pendant leur grossesse et à les reprendre après, aucun mécanisme n’ait été mis en place pour en garantir l’application.

Le Comité recommande à l ’ État partie de mener des études ou des enquêtes sur les principal es causes de grossesse précoce dans le pays et de mettre en place des programmes ou des plans visant à encourager les filles qui tombent enceintes à poursuivre leur scolarité. Il recommande en outre de mettre en œuvre à brève échéance une stratégie permetta nt de surveiller l ’ application de la loi nº 29 afin d ’ aider les filles enceintes à terminer leurs études.

Emploi

Le Comité constate avec préoccupation que, malgré le niveau d’instruction élevé au Panama, les femmes continuent de souffrir davantage que les hommes du chômage et du sous-emploi, y compris dans les zones rurales, et qu’elles sont cantonnées dans des secteurs où les salaires sont bas. Il est également préoccupé par la persistance d’un écart important des salaires dans le secteur privé et par le fait que le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale reste mal connu en dépit des efforts menés par l’État partie pour développer les capacités institutionnelles de prise en compte de la problématique hommes-femmes. Le Comité constate également avec préoccupation que les travailleuses enceintes et celles qui sont victimes de harcèlement sexuel ne bénéficient pas d’une protection juridique suffisante et qu’il existe un pourcentage élevé de filles parmi les enfants qui travaillent.

Le Comité demande à l ’ État partie de prendre les mesures voulues pour éliminer la discrimination et la ségrégation en matière d ’ emploi. Il l ’ engage à mettre en place des lois et des mesures garantissant le respect du principe d e l’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, conformément à l ’ alinéa d) de l ’ article 11 de la Convention et à la Convention nº 100 de l ’ Organisation internationale du Travail. Le Comité prie l ’ État partie de présenter dans son prochain rapport périodique des données ventilées par sexe sur le travail des enfants, les salaires et les droits relatifs aux pensions de retraite et à la sécurité sociale. Il engage également l ’ État partie à prendre des mesures qui permettront de s ’ attaquer efficacement au harcèlement sexuel et de garantir l ’ exercice des droits liés à la maternité.

Santé

Le Comité regrette que l’État partie n’accorde pas davantage d’importance aux droits des femmes en matière de sexualité et de procréation et ne protège pas suffisamment ces droits, en particulier pour ce qui est du retard pris dans l’examen du projet de loi nº 442 sur la santé en matière de sexualité et de procréation. Il regrette que les adolescentes, en particulier celles des zones rurales, n’aient guère accès aux informations relatives aux services de santé, et juge inquiétant le nombre élevé de grossesses précoces. Il regrette en outre que l’État partie n’ait pas adopté une approche intégrée de la santé des femmes couvrant l’ensemble de leur cycle de vie.

Le Comité engage l ’ État partie à prendre les mesures voulues pour sortir de l ’ impasse dans laquelle se trouve le débat sur le projet de loi nº 442 et à promulguer cette loi au plus tôt. Il l ’ engage aussi à améliorer l es programmes et politiques de planification familiale et de santé en matière de procréation visant à faciliter l ’ accès des femmes et des adolescentes, en particulier celles qui vivent en milieu rural, à l ’ information relative aux services de santé, notamment en ce qui concerne la santé procréative et les moyens de contraception, conformément à la recommandation générale nº 24 du Comité relative à la santé et à la Déclaration et au Programme d ’ action de Beijing. Le Comité recommande également à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour intégrer dans les programmes scolaires des cours d ’ éducation sexuelle adaptés à l ’ âge des enfants concernés et d ’ organiser des campagnes d ’ information afin de prévenir les grossesses précoces. Il recommande aussi à l ’ État partie d ’ envisager la santé des femmes de façon intégrée tout au long de leur cycle de vie et de prendre en compte le multiculturalisme.

Le Comité constate avec préoccupation que le taux de mortalité maternelle est élevé dans l’État partie, principalement en raison du manque de soins médicaux adéquats, dont pâtissent particulièrement les femmes vivant en milieu rural, les femmes autochtones et les adolescentes. Il s’inquiète aussi de la difficulté d’accès à un avortement licite, due notamment au fait que les dispositions légales en vigueur ne sont pas appliquées, obligeant beaucoup de femmes à avorter dans des conditions dangereuses pour leur santé. Le Comité regrette également que l’État partie n’ait pas mis en place de programmes visant à sensibiliser les victimes au fait qu’il est important de recevoir des soins médicaux et de porter plainte en cas d’agression sexuelle.

Le Comité engage l ’ État partie à améliorer l ’ accès de toutes les femmes aux services de santé, en accordant une attention particulière aux groupes de femmes les plus vulnérables, notamment les femmes autochtones et les femmes d ’ origine africaine et asiatique. Il exhorte l ’ État partie à prendre sans tarder des mesures efficaces visant à résoudre le problème du taux élevé de mortalité maternelle, en garantissant des soins de santé appropriés avant, pendant et après l ’ accouchement, ainsi que l ’ accès de la population aux centres de santé et à des soins médicaux dispensés par un personnel qualifié dans toutes les régions, y compris en milieu rural. Il lui demande d ’ adopter des règlements portant application des lois existantes sur le droit des femmes à l ’ avortement et de faciliter l ’ accès des femmes à des services de qualité en cas de complications découlant d ’ avortements pratiqués dans de mauvaises conditions sanitaires. Il invite le Ministère de la santé publique à mener une enquête ou une étude approfondie sur la question des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions et leurs incidences sur la santé des femmes, en particulier la mortalité maternelle, qui servira de base à une action législative ou politique. Le Comité demande aussi à l ’ État partie de faciliter l ’ engagement d ’ un dialogue national sur les droits des femmes en matière de procréation, notamment les effets des lois restrictives en matière d’ avortement. Il lui recommande également de mettre en place des programmes visant notamment à sensibiliser les femmes au fait qu ’ il est important de recevoir des soins médicaux et de porter plainte en cas d ’ agression sexuelle .

Le Comité regrette l’absence d’informations sur le VIH/sida et la féminisation apparente de l’épidémie qui touche particulièrement les femmes et les filles vivant en milieu rural et la population autochtone.

Le Comité demande à l ’ État partie de s ’ intéresser à la propagation du VIH/sida, notamment du fait des rapports de force entre les hommes et les femmes, qui empêchent souvent ces dernières d ’ exiger des pratiques sexuelles responsables et sans risques. Il engage l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour faire connaître aux femmes et aux filles les moyens de se protéger contre le VIH/sida et les éduquer dans ce domaine, en particulier dans les zones rurales. Il l ’ exhorte à veiller à ce que les femmes et les filles aient les mêmes droits que les hommes et qu ’ elles aient accès sur un pied d ’ égalité avec eux aux services de dépistage du VIH/sida et aux soins et s ervices sociaux s ’ y rapportant. Le Comité prie l ’ État partie de lui fournir des informations et des données ventilées par sexe sur la question du VIH/sida dans s on prochain rapport périodique.

Groupes de femmes vulnérables

Tout en saluant les initiatives et les programmes sociaux lancés par l’État partie pour autonomiser les femmes vivant dans la pauvreté extrême, le Comité est préoccupé par la persistance de niveaux élevés de pauvreté et d’exclusion sociale chez les femmes du Panama, en particulier les femmes vivant en milieu rural et les femmes autochtones, ainsi que par les obstacles les empêchant d’exercer leurs droits fondamentaux.

Le Comité engage l ’ État partie à renforcer les initiatives visant à favoriser l ’ autonomisation économique des femmes en tenant compte de la condition particulière de chaque groupe de femmes. Il encourage aussi l ’ État partie à créer des mécanismes permettant de surveiller les incidences des politiques sociales et économiques sur les femmes.

Le Comité regrette l’absence d’informations détaillées sur les groupes de femmes vulnérables, tels que les réfugiées, les femmes vivant en milieu rural, les femmes âgées, les femmes handicapées et les autres femmes exposées à de multiples formes de discrimination.

Le Comité invite l ’ État partie à fournir dans son prochain rapport périodique des informations et des données statistiques complètes sur la situation des groupes de femmes vulnérables, notamment les réfugiées, les femmes vivant en milieu rural, les femmes âgées, les femmes handicapées et les autres femmes exposées à de multiples formes de discrimination.

Relations familiales

Le Comité est vivement préoccupé par le maintien dans le Code civil de dispositions discriminatoires à l’égard des femmes dans le cadre des relations familiales, en particulier pour ce qui est de l’âge minimum du mariage. Il regrette que l’État partie n’ait pas encore modifié l’âge minimum du mariage qui reste très bas (14 ans pour les filles, 16 ans pour les garçons), ce qui est contraire aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 16 de la Convention, à la recommandation générale nº 21 du Comité et à l’article 14 de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il regrette également qu’en cas de divorce, le partage des biens du ménage dans des conditions d’égalité se limite aux biens corporels (meubles et immeubles) et que les biens incorporels, dont les pensions et les fonds d’épargne, soient exclus.

Conformément aux recommandations formulées par le Comité des droits de l ’ enfant dans ses observations finales sur le Panama à sa trente-sixième session (CRC/C/15/Add.233), le Comité demande à l ’ État partie d ’ éliminer les dispositions légales discriminatoires concernant la famille et le mariage pour mettre sa législation en conformité avec la Convention. Il engage en particuli e r l ’ État partie à porter à 18 ans l ’ âge minimum du mariage , aussi bien pour les hommes que pour les femmes, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 16 de la Convention, à sa recommandation générale nº 21 et à l ’ article 14 de la Convention relative aux droits de l ’ enfant. Il recommande également à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires sur le plan législatif pour que les biens incorporels , tels que les pensions et les fonds d ’ épargne, soient considérés comme faisant partie des biens du ménage .

Recueil et analyse des données

Le Comité se félicite des efforts que le Panama a menés au niveau national pour améliorer le système de recueil de données et mettre à jour les indicateurs de la situation sur le plan de la problématique hommes-femmes. Il regrette toutefois que ces mesures ne soient pas intégrées pleinement au niveau institutionnel et qu’il reste des lacunes à combler pour ce qui est de l’analyse et de l’utilisation des statistiques sur les femmes au Panama. Le Comité regrette aussi qu’il n’existe pas de statistiques ventilées par sexe dans nombre de domaines visés par la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour établir un système complet et unifié de recueil de données ventilées par sexe dans tous les domaines visés par la Convention. Il prie également l ’ État partie de présenter dans son prochain rapport des données statistiques accompagnées d’une analyse et ventilées par sexe et entre zones rurales et urbaines, en indiquant l ’ impact des mesures prises et les résultats obtenus afin de décrire en détail la situation des femmes dans plusieurs domaines, notamment face au problème de la violence. Le Comité invite l ’ État partie à porter une attention toute particulière au recueil de données sur les groupes de femmes les plus vulnérables, à savoir les femmes vivant en milieu rural, les femmes autochtones, les migrantes et les d omestiq ues, en particulier les filles.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité exhorte l ’ État partie à tenir pleinement compte, dans le cadre de ses obligations au titre de la Convention, de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie d ’ inclure des renseignements à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

Le Comité souligne que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement passe par l ’ application intégrale et effective de la Convention. Il demande que le principe de l ’ égalité des sexes et les dispositions de la Convention soient expressément pris en considération dans toute action visant la réalisation des objectifs et prie l ’ État partie de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Ratification d’autres instruments

Le Comité fait observer que l ’ adhésion des États aux neuf grands instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme permet aux femmes d ’ exercer plus pleinement leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc l’État partie à ratifier les traités auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées .

Diffusion des observations finales

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées au Panama pour que la population du pays, en particulier les membres de l ’ administration et les responsables politiques, les parlementaires et les organisations de femmes et de défense des droits de l ’ homme soient au courant des mesures prises pour assurer l ’ égalité de droit et de fait entre les hommes et les femmes et des dispositions qui restent à prendre à cet égard. Il demande également à l ’ État partie de continuer de diffuser largement, surtout auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l ’ homme, les textes de la Convention, du Protocole facultatif s ’ y rapportant, de ses propres recommandations générales, de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing, ainsi que les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l ’ Assemblée générale, intitulée «  Les femmes en l ’ an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle  » .

Suivi des observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer, dans un délai de deux ans, des informations par écrit sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations figurant aux paragraphes 13 et 41 ci-dessus. Il demande en outre à l’État partie d’envisager de solliciter, en cas de besoin et en temps opportun, des services de coopération et d’assistance techniques, y compris des services consultatifs, en vue d’assurer la mise en œuvre des recommandations figurant ci-dessus.

Date du prochain rapport et directives concernant l’établissement des rapports

Le Comité prie l ’ État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il lui soumettra en application de l ’ article 18 de la Convention. Il l ’ invite à présenter son prochain rapport en février 2014.

Le Comité invite l ’ État partie à suivre les directives harmonisées concernant l ’ établissement des rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, notamment les directives concernant l ’ établissement de documents de base communs et de documents propres à chaque instrument, qui ont été approuvées à la cinquième réunion intercomités des organismes créés en vertu d ’ instruments relatifs aux droits de l ’ homme, tenue en juin 2006 (HRI/MC/2006/3). Les directives concernant l ’ établissement de documents propres à chaque instrument, qui ont été adoptées par le Comité à sa quarantième session tenue en janvier 2008, doivent être appliquées concurremment avec les directives harmonisées concernant l ’ établissement de documents de base communs. Prises ensemble, elles constituent les directives harmonisées concernant l ’ établissement de rapports au titre de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes. Le document propre à cet instrument ne devrait pas dépasser 40 pages et le document de base commun actualisé devrait comporter de 60 à 80 pages.