Nations Unies

CEDAW/C/PRY/CO/6

Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes

Distr. générale

8 novembre 2011

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes

Cinquantième session

3-21 octobre 2011

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Paraguay

1.Le Comité a examiné le sixième rapport périodique du Paraguay (CEDAW/C/PAR/6 et Corr.1) à ses 1000e et 1001e séances, le 5 octobre 2011 (voir CEDAW/C/SR.1000 et 1001). La liste des points à traiter et des questions posées par le Comité a été publiée sous la cote CEDAW/C/PRY/Q/6, et les réponses du Gouvernement paraguayen sous la cote CEDAW/C/PRY/Q/6/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité remercie l’État partie de son sixième rapport périodique, qui contient des informations détaillées sur la mise en œuvre de ses précédentes observations finales (CEDAW/CRC/PAR/CO/3-5), mais n’est pas strictement conforme aux directives concernant l’établissement des rapports. Le Comité félicite l’État partie de sa présentation orale, de ses réponses écrites à la liste des points à traiter et aux questions soulevées par le groupe de travail de présession, et de ses réponses franches et honnêtes aux questions qu’il lui a posées oralement.

3.Le Comité sait également gré à l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par la Secrétaire exécutive du Secrétariat d’État à la condition de la femme, organisme rattaché à la présidence de la République (Secretaría de la Mujer de la Presidencia de la República) et composée de la Ministre de la fonction publique et de représentants du Ministère de la fonction publique (Secretaría de la Función Pública), de la Cour suprême de justice (Corte Suprema de Justicia), du Ministère de la justice et du travail (Ministerio de Justicia y Trabajo), du Ministère de la santé publique et de la protection sociale (Ministerio de Salud Pública y Bienestar Social), du Ministère de l’industrie et du commerce (Ministerio de Industria y Comercio), du Ministère des relations extérieures (Ministerio de Relaciones Exteriores), de la présidence de la République (Presidencia de la República) et de la Mission permanente du Paraguay à Genève. Le Comité salue la volonté politique et l’engagement qu’a affichés l’État partie au cours du dialogue constructif tenu avec lui.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction l’adoption de la Politique publique de développement social (2010-2020) (Política Públca de Desarrollo Social), qui complète le Plan stratégique économique et social (2008-2013) (Plan Estratégico Económico y Social) selon lequel le droit de ne pas être soumis à la violence est une condition préalable au développement. Cette politique, qui vise notamment à «éliminer toutes les formes de violence contre les femmes et à leur assurer la protection de l’État», recouvre en outre d’autres droits de la femme en tant que questions transversales de la politique sociale. Le Comité note également avec satisfaction l’adoption du Plan national pour l’égalité des chances (2008-2017) (Plan nacional de Igualdad de Oportunidades).

5.Le Comité se félicite de la définition de lignes stratégiques pour la prévention, la répression et l’élimination de la violence contre les femmes. Il note avec satisfaction que cinq postes de police ont été spécialement équipés pour traiter les plaintes et qu’un groupe technique interinstitutions, chargé d’établir un registre conjoint des services publics fournis aux victimes de violences sexistes, domestiques ou interfamiliales, a été créé.

6.Le Comité salue l’augmentation du budget alloué au Secrétariat d’État à la condition de la femme. Il salue également la création d’entités chargées de la question des femmes et de leurs droits au sein du Ministère des relations extérieures, du Tribunal électoral suprême, de la Cour suprême de justice et du Ministère de la défense ainsi que le renforcement du Secrétariat d’État à la condition de la femme dans toutes les régions du pays et dans 134 de ses 237 municipalités.

7.Le Comité note avec satisfaction l’adoption entre les branches du pouvoir d’accords interinstitutions visant à faire avancer le débat sur des questions sensibles suscitant des résistances dans la société. Figurent au nombre de ces accords celui portant sur le Conseil interinstitutions de l’égalité entre hommes et femmes (Consejo Interinstitucional de igualdad de género) et son Comité de suivi (Comité de Acompañamiento), qui ont pour mandat d’évaluer la mise en œuvre du Plan national pour l’égalité des chances, d’y contribuer, de la superviser et de faire des recommandations à son propos.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

8. Rappelant l ’ obligation qui incombe à l ’ État partie d ’ appliquer, de manière systématique et constante, toutes les dispositions de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes, le Comité estime que les préoccupations et recommandations énoncées dans les présentes observations finales doivent faire l ’ objet d ’ une attention prioritaire de la part de l ’ État partie d ’ ici à l a présentation du prochain rapport périodique. Il lui demande donc de privilégier les domaines d ’ activité correspondants dans ses activités de mise en œuvre et de rendre compte, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu ’ il aura prises et des résultats qu ’ il aura obtenus. Le Comité lui demande également de soumettre les présentes observations finales à tous les ministères concernés, aux deux chambres du Parlement et aux instances judiciaires, de façon à en assurer l ’ application intégrale.

Parlement

9. Tout en réaffirmant que c ’ est au Gouvernement qu ’ il incombe au premier chef de s ’ acquitter pleinement des obligations qui incombent à l ’ État partie en vertu de la Convention, le Comité souligne que la Convention a force obligatoire pour toutes les branches du pouvoir, et invite l ’ État partie à encourager les deux chambres du Parlement , conformément à leurs procédures et, le cas échéant, à prendre les mesures nécessaires pour la mise en œuvre des présentes observations finales et l ’ établissement des prochains rapports au titre de la Convention.

Rayonnement de la Convention et du Protocole facultatif

10.Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie concernant les mesures prises telles que la diffusion de la Convention et du Protocole facultatif s’y rapportant, en espagnol et dans une traduction en guarani, parmi les fonctionnaires employés aux niveaux national, provincial et municipal. Il prend également note des enregistrements audio de la Convention auxquels a fait procéder l’État partie à l’intention des Paraguayens aveugles ou malvoyants. Le Comité s’inquiète toutefois de ce que ces mesures n’ont pas assez appelé l’attention sur les deux instruments, en particulier dans la société. Il est particulièrement préoccupé par le fait que les femmes elles-mêmes n’ont pas suffisamment connaissance de leurs droits au titre de la Convention et de la procédure de recours prévue dans le Protocole facultatif et qu’elles n’ont donc pas les moyens de revendiquer la promotion, la protection et l’exercice pleins et entiers de leurs droits sur un pied d’égalité avec les hommes.

11. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour mieux faire connaître et diffuser de façon adéquate la Convention, le Protocole facultatif s ’ y rapportant et les recommandations générales du Comité auprès de toutes les parties prenantes, y compris les ministères, les parlementaires, les autorités judiciaires et les agents des forces de l ’ ordre, de façon à faire prendre conscience des droits fondamentaux de la femme. Il l ’ engage en outre à entreprendre des campagnes de sensibilisation destinées aux femmes, aux magistrats et aux juristes, et à faire en sorte que les femmes puissent se prévaloir des procédures et des voies de recours en cas de violation des droits qui leur sont reconnus dans la Convention.

Principe de l’égalité

12.Le Comité note avec préoccupation qu’en dépit de l’interdiction énoncée à l’article 48 de la Constitution, la législation nationale ne contient pas de définition de la discrimination selon les dispositions de l’article premier de la Convention. Il s’inquiète en outre de ce que, malgré l’élaboration de projets de loi sur l’égalité hommes-femmes et la lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, avalisés par des organes ministériels, diverses commissions parlementaires et la société civile, ces textes n’aient toujours pas été votés par le Parlement. Ce sont principalement les femmes rurales, les femmes autochtones, les lesbiennes et les transsexuelles qui, parce qu’elles sont particulièrement exposées à la discrimination, souffrent le plus de l’absence d’une loi-cadre. Le Comité est également préoccupé par la persistance de dispositions discriminatoires dans la législation, qui montre combien il est nécessaire d’harmoniser davantage la législation nationale avec les instruments internationaux ratifiés par l’État partie.

13. Le Comité recommande de nouveau à l ’ État partie de prendre des mesures concrètes pour interdire la discrimination à l ’ égard des femmes, conformément à l ’ article premier de la Convention, par l ’ adoption de textes législatifs appropriés, tels que le projet de loi-cadre sur la discrimination dont est saisi le Parlement. Il lui recommande également de revoir sa législation nationale de façon à la rendre compatible avec la Convention.

Mécanisme national pour l’égalité hommes-femmes

14.Le Comité prend note des renseignements donnés par la délégation concernant le budget et les ressources humaines affectés au Secrétariat d’État à la condition de la femme et regrette que le statut de cette institution ne lui permette pas d’influer sur les décisions prises par le Gouvernement. Il relève également l’augmentation notable du budget de ce Secrétariat d’État, mais regrette que cette augmentation provienne principalement de sources extérieures qui risquent de ne pas s’inscrire dans la durée.

15. Le Comité recommande à l ’ État partie de songer à :

a) A méliorer le statut du Secrétariat d ’ État à la condition de la femme dans le processus actuel de modernisation de l ’ État;

b) À donner au Secrétariat d ’ État le rang de ministère; et

c) À consacrer, dans le budget de l ’ État, à ce Secrétariat d ’ État ainsi qu ’ aux autres organes t ravaillant dans le même domaine des ressources humaines, techniques et financières stables et suffisantes , et à assurer leur coordination ainsi que l ’ amélioration de la fiabilité des statistiques nécessaires.

Mesures temporaires spéciales

16.Le Comité est préoccupé par la méconnaissance de la contribution importante des mesures temporaires spéciales à l’accélération de la réalisation de l’égalité réelle entre hommes et femmes dans tous les domaines visés par la Convention. Il prend note de l’adoption de mesures spéciales concernant la participation des femmes à la vie politique, où un quota de 20 % est réservé aux candidates aux élections primaires, et de l’application de la loi agraire, qui accorde un traitement préférentiel aux ménages ayant à leur tête une femme. Néanmoins, le Comité est préoccupé par le fait que ces mesures ne sont pas parvenues à renforcer la participation égale des femmes à la vie politique ni à instaurer une égalité réelle pour toutes les femmes, au sens du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention.

17. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures complémentaires pour mieux faire accepter les mesures temporaires spéciales et les appliquer plus largement, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la Recommandation générale n o  25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales, dans le cadre de la stratégie à mettre en œuvre pour accélérer la réalisation d ’ une véritable égalité hommes-femmes, en particulier en ce qui concerne les groupes de femmes défavorisées, dans tous les domaines, comme la santé, l ’ éducation ou l ’ emploi.

Stéréotypes

18.Le Comité est préoccupé par la persistance des traditions discriminatoires et par l’influence négative, dans l’État partie, de certaines manifestations des croyances religieuses et de modèles culturels qui entravent la promotion des droits de la femme et la pleine mise en œuvre de la Convention, en particulier en ce qui concerne les droits des femmes dans le domaine de la santé sexuelle et génésique. Le Comité est préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de réglementation des médias, ce qui perpétue la diffusion d’une image stéréotypée de la femme. Ces mêmes stéréotypes sont reproduits dans le système éducatif, dans l’ensemble du pays.

19. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De renforcer son action par des campagnes de sensibilisation et d ’ éducation visant l ’ ensemble de la population et plus particulièrement les personnalités politiques et les autorités religieuses ainsi que les agents de l ’ État, afin de faire évoluer les attitudes traditionnelles à l ’ origine d ’ une conception discriminatoire de s rôles des femmes et des hommes dan s la famille et dans la société , conformément aux articles 2 f) et 5 a) de la Convention; et

b) D ’ encourager les médias à faire de l ’ autoréglementation et à adopter un code de conduite sur la publicité, de façon à éviter les stéréotypes et les pratiques sexistes.

Violence à l’égard des femmes

20.Le Comité note que l’État partie a pris différentes mesures pour protéger les femmes contre la violence au foyer, telles que le renforcement dans cinq postes de police des dispositifs de dépôt de plaintes, ce qui a permis d’enregistrer de février 2010 à mars 2011 un total de 7 066 plaintes, 64,6 % émanant de femmes. Néanmoins, le Comité est préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de système coordonné et cohérent de collecte des données sur la violence à l’égard des femmes. Il relève également l’existence du Programme national de prévention de la violence sexiste, conjugale et domestique et de prise en charge complète des femmes, enfants et adolescents qui en sont victimes, mis en place dans sept hôpitaux de différentes régions du pays, où la composition du personnel de santé a été normalisée. Il souligne toutefois qu’il faut assurer une formation plus poussée au personnel médical pour qu’il soit à même de recevoir correctement les femmes. Le Comité note également l’ouverture récente du premier foyer d’accueil pour des femmes victimes de violences. Malgré l’adoption de ces mesures, l’incidence de la violence à l’égard des femmes reste élevée et le Comité est toujours préoccupé de ce qu’il n’existe pas de loi générale sur la violence au foyer.

21. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ accélérer l ’ adoption d ’ une loi générale visant à prévenir, à sanctionner et à éliminer la violence à l ’ égard des femmes, conformément à la Convention et à la Recommandation générale n o  19 (1992) du Comité sur la violence à l ’ égard des femmes;

b) De lutter efficacement contre toutes les formes de violence, physique, psychologique et économique, à l ’ égard des femmes en veillant à ce que leurs auteurs soient poursuivis et punis et à ce qu ’ une protection efficace contre les représailles soit assurée aux femmes;

c) D ’ intensifier ses efforts pour sensibiliser les agents de l ’ État, en particulier les personnels des forces de l ’ ordre, de l ’ administration de la justice et des services de santé et de protection sociale, au fait que ces violences sont socialement et moralement inacceptables, constituent une discrimination à l ’ égard des femmes et une atteinte à leurs droits fondamentaux; et

d) D e renforcer la collaboration et la coordination avec les organisations de la société civile, en particulier les associations féminines, pour promouvoir l ’ application et le suivi des lois et programmes visant à éliminer la violence à l ’ égard des femmes.

Traite et exploitation de la prostitution

22.Le Comité salue les efforts consentis par l’État partie face au problème de la traite des femmes et des filles, mais il reste préoccupé par l’ampleur alarmante de la traite au Paraguay, à la fois pays de destination, d’origine et de transit. Il est également préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de loi générale relative à la traite pleinement conforme à l’article 6 de la Convention. Il relève la création de la Direction de la prévention de la traite et de la prise en charge des victimes (Dirección de Prevención y Atención a Víctimas de Trata de Personas) mais il est préoccupé par l’absence de ressources humaines et financières qui permettraient de lutter efficacement contre la traite et l’exploitation de la prostitution et de proposer un refuge et des services aux victimes. Le Comité note qu’une politique nationale de lutte contre la traite des êtres humains (Política Nacional de prevención y lucha contra la trata de personas) a été élaborée mais reste préoccupé par le fait qu’elle n’a toujours pas été adoptée par l’État partie et en ce qui concerne les ressources à affecter à sa mise en œuvre. Il constate aussi avec préoccupation qu’aucun trafiquant d’êtres humains n’a été condamné en 2010 et souligne qu’il est nécessaire de collaborer davantage avec les pays voisins pour s’occuper comme il convient de ce problème.

23. Le Comité engage l ’ État partie à:

a) Intensifier ses efforts de lutte contre la traite de façon à ne négliger aucun des éléments du problème complexe de la traite des femmes et des filles et de l ’ exploitation de la prostitution;

b) Adopter une loi sur la traite qui soit pleinement conforme à l ’ article 6 de la Convention;

c) Mettre en place des mécanismes d ’ identification et d ’ orientation efficaces pour les victimes de la traite;

d) Prendre les mesures nécessaires pour étudier l ’ ampleur et les causes de la traite d ’ enfants et de femmes à l’intérieur du pays afin d’élaborer et d ’ appliquer une stratégie globale de prévention et de répression;

e) Renforcer ses mécanismes pour enquêter sur les cas de traite et poursuivre et punir les trafiquants ; et

f) Intensifier ses efforts de coopération bilatérale, régionale et internationale avec les pays d ’ origine, de transit et de destination en vue d’une prévention de la traite grâce à l ’ échange d ’informations, et harmoniser les procédures visant à poursuivre et à punir les trafiquants.

Participation à la vie politique et publique

24.Le Comité est préoccupé par la faible participation des femmes à la vie politique et publique du pays malgré une légère augmentation du nombre de femmes dans le corps diplomatique. Il est préoccupé par la méconnaissance des mesures temporaires spéciales pour accélérer l’instauration de l’égalité des hommes et des femmes et le refus de celles-ci. Il est préoccupé aussi par l’absence de mécanismes de suivi de la mise en œuvre des mesures temporaires spéciales, timides et limitées, qui ont été adoptées à ce jour pour la participation des femmes à la vie politique et publique.

25. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ organiser des campagnes nationales de sensibilisation pour souligner l ’ importance que revêt la participation des femmes à la vie politique et publique, notamment dans les zones rurales;

b) D ’ accroître la représentation des femmes dans la vie politique et publique, notamment au niveau international;

c) De procéder à un examen du recours aux mesures temporaires spéciales à la lumière du paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et compte tenu des Recommandations générales n os 25 (2004) et 23 (1997) du Comité sur la vie politique et publique des femmes; et

d) D ’ accompagner ces mesures, qui visent à accroître la représentation politique des femmes, d ’ objectifs assortis de délais et d ’ une augmentation des quotas.

Éducation

26.Le Comité est préoccupé par le taux élevé de grossesses chez les adolescentes, qui a des répercussions négatives sur la poursuite et l’achèvement des études par les filles. Il est également préoccupé par l’absence de données appropriées et ventilées et d’informations sur les raisons de l’abandon scolaire en cas de grossesse. Il est préoccupé par ailleurs par la suspension de la mise en œuvre du Cadre pédagogique en faveur d’une éducation globale sur la sexualité (Marco Rector Pedagógico para la educación integral para la sexualidad) qui a été élaboré par le Ministère de l’éducation, en collaboration avec diverses institutions, et qui visait à fournir une éducation intégrée aux enfants et à prévenir les comportements à risque et la violence qui persistent dans la société. Le Comité est également préoccupé par les lacunes dans l’éducation des filles des communautés autochtones.

27. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De prendre des mesures concrètes pour appliquer la loi n o  4084/2010 afin de faciliter la scolarisation et le maintien à l ’école, de fournir un soutien scolaire dura nt la grossesse et la maternité et de mettre en place d ’ autres mesures spéciales pour encourager les jeunes filles enceintes à rester à l ’ école;

b) D ’ instaurer un système de collecte de données sur les raisons de l ’ abandon scolaire en cas de grossesse précoce ou lié à d ’ autres facteurs;

c) D’étudier l’opportunité du rétablissement du Cadre pédagogique en faveur d ’ une éducation globale sur la sexualité et d ’ adopter les mesures voulues pour le mettre en œuvre; et

d) De renforcer les efforts consentis pour garantir aux filles autochtones un accès égal à l ’ éducation.

Emploi

28.Le Comité se dit préoccupé par la fragilité des conditions de travail des femmes, tant dans le secteur officiel que dans le secteur non structuré de l’économie, par la persistance de la ségrégation dans le domaine de l’emploi, par le fait que les femmes occupent surtout des emplois peu rémunérés et informels et par le fait qu’il existe des disparités de rémunération entre les hommes et les femmes dans le secteur public comme dans le secteur privé. Le Comité est également préoccupé par la situation des travailleurs domestiques, secteur d’activité où les femmes sont largement prédominantes, et par les dispositions législatives qui autorisent des journées de travail allant jusqu’à douze heures, un salaire qui correspond à 40 % du salaire minimum légal, et une situation caractérisée par l’absence de stabilité d’emploi et de pension de retraite. Le Comité est profondément préoccupé par la persistance du travail domestique non rétribué des enfants (connu sous le nom de criadazgo), pourtant illégal; il constate que les mécanismes d’application de la loi ne sont pas efficaces et qu’aucune politique concrète, efficace et applicable n’a été mise en place. Le Comité est également préoccupé par le fait que le non-respect de la législation qui fixe l’obligation de fournir des services de garde d’enfants (guarderías) dans les entreprises de plus de 50 employés n’est pas sanctionné.

29. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De prendre toutes les mesures qui s ’ imposent pour garantir l ’ application de sa législation du travail, résoudre le problème des disparités de rémunération et inciter les femmes à occuper des emplois dans des domaines non traditionnels;

b) De modifier la législation afin d ’ améliorer les conditions de travail des travailleurs domestiques, y compris l ’ accès aux prestations de la sécurité sociale;

c) De renforcer le contrôle du travail domestique non rétribué des enfants ( criadazgo ), d ’ appliquer des politiques visant à éliminer cette pratique, et de mener, par le biais des médias et de programmes d ’ éducation du public, des campagnes de sensibilisation sur la situation des filles employées de maison et leurs droits;

d) De renforcer ses mécanismes d ’ inspection du travail et de prévoir des sanctions pour les entreprises de plus de 50 salariés qui ne respectent pas l ’ obligation légale de fournir des services de garde d ’ enfants; et

e) De ratifier la Convention n o 189 de l ’ Organisation internationale du Travail concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques .

Santé

30.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer l’accès aux services publics et leur utilisation, par le biais de l’adoption de mesures telles que la gratuité des soins de santé primaires, qui comprennent les soins de santé génésique. Néanmoins, il reste préoccupé par l’insuffisance du budget alloué à ce secteur et par l’absence de loi générale sur la santé sexuelle et génésique et les droits y afférents et de politiques précises intégrant une approche relative aux droits de l’homme et à l’égalité des sexes dans les programmes et les plans sanitaires. Le Comité s’inquiète de ce que le taux de mortalité maternelle demeure très élevé, en raison des décès dus aux avortements non médicalisés. Il s’inquiète également de ce que l’absence d’un code ou d’une politique de confidentialité dans les établissements médicaux bafoue le droit au respect de leur vie privée des patients, en particulier des femmes hospitalisées pour des complications dues à un avortement.

31. Répétant les recommandations qu ’ il avait formulées dans ses observations final es précédentes et rappelant sa R ecommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la sant é ainsi que la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing, le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ agir sans tarder pour mettre en œuvre des mesures efficaces visant à réduire le taux élevé de mortalité lié à la maternité , à empêcher que les femmes n ’ aient à avorter dans de mauvaises conditions et à abroger les dispositions punissant les femmes qui avortent ;

b) D ’ adopter une politique de respect de la vie privée des patients afin de garantir la confidentialité des rapports médecin-patient, en particulier s ’ agissant des femmes traitées pour des complications dues à un avortement;

c) De renforcer les capacités institutionnelles des services de santé et la mise en œuvre des programmes et politiques visant à permettre aux femmes d ’ avoir un accès effectif aux informations et services de santé, en particulier en ce qui concerne la santé génésique et les méthodes de contraception abordables, en vue de prévenir les avortements clandestins; et

d) D ’ adopter le règlement d ’ application de la loi n o 2907/06 afin de prévoir le budget nécessaire à la fourniture de moyens de contraception.

Femmes rurales

32.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer les services publics en faveur des femmes des régions rurales, et notamment l’élaboration de la politique en faveur des femmes rurales (Política Específica para Mujeres Rurales). Néanmoins, le Comité demeure préoccupé par la situation défavorisée de ces femmes, qui sont les plus touchées par la pauvreté, les difficultés d’accès aux services sanitaires et de protection sociale et le manque d’accès à la terre, non pas en raison d’entraves juridiques mais plutôt de pratiques traditionnelles et de schémas culturels plus tenaces dans les zones rurales et les communautés autochtones. Le Comité est également préoccupé par le fait que, malgré les mesures mises en œuvre pour réglementer l’utilisation de produits phytosanitaires toxiques, leur emploi excessif dans l’agriculture peut avoir des conséquences néfastes sur la santé des femmes des zones rurales.

33. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De mettre en œuvre des politiques précises pour faire progresser la réalisation des droits de la femme, notamment par des mesures temporaires spéciales visant à accélérer l ’ instauration d ’ une égalité réelle entre hommes et femmes ;

b) De redoubler d ’ efforts pour mettre en œuvre des programmes sanitaires et éducatifs intégrés à l ’ échelle du pays, y compris dans les domaines de l ’ alphabétisation fonctionnelle, de la création d ’ entreprises, du renforcement des qualifications et de la microfinance , afin de réduire la pauvreté; et

c) D ’ entreprendre une étude globale sur les causes négatives probables de l ’ utilisation abusive de produits phytosanitaires toxiques dans l ’ agriculture afin de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour éliminer leurs effets sur la santé des femmes et de leurs enfants.

Groupes de femmes défavorisées

34.Le Comité salue les efforts de l’État partie pour améliorer les conditions de vie des femmes autochtones, y compris celles qui ne parlent que le guarani. Néanmoins, il se dit à nouveau préoccupé par la persistance de l’analphabétisme, le faible niveau de scolarisation, l’insuffisance de l’accès aux soins de santé et les niveaux élevés de pauvreté. Il est profondément préoccupé par la forte vulnérabilité constatée en ce qui concerne le droit à une alimentation suffisante et à l’eau potable, en particulier dans la région du Chaco, qui a été frappée par des sécheresses à répétition. Le Comité est également préoccupé par le fait que les femmes autochtones reçoivent en général un salaire inférieur à la moyenne nationale.

35. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ adopter des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la Recommandation générale n o 25 (2004) du Comité afin d ’ accélérer la réalisation des droits des femmes autochtones;

b) De faire en sorte que les femmes autochtones aient facilement accès, physiquement et financièrement, à des écoles et à des services de santé fournissant des prestations bilingues et tenant compte des besoins particuliers des communautés autochtones monolingues; et

c) De renforcer l ’ action menée pour réaliser le droit à une alimentation suffisante et à l ’ eau de manière participative et consultative, en y associant les femmes autochtones afin d ’ obtenir des résultats adaptés à la réalité culturelle.

Discrimination à l’encontre des femmes dans le mariage et dans les relations familiales

36.Le Comité exprime à nouveau les inquiétudes qu’il avait déjà formulées au sujet de l’âge minimum légal du mariage, qui est toujours de 16 ans pour les garçons et les filles. Il constate que la loi (45/91) relative au divorce prévoit l’égalité dans le mariage; néanmoins, il est préoccupé par le fait que les trois régimes matrimoniaux existants ne sont pas suffisamment connus de la population et que les femmes, en particulier, ne connaissent guère les conséquences financières de leur choix. Il trouve également préoccupant que, dans le régime de la communauté de biens, la définition des biens à diviser en parts égales en cas de divorce ne comprenne pas les actifs incorporels, tels que les prestations liées au travail, et qu’il n’existe pas de mécanisme permettant de corriger les disparités financières entre époux. Le Comité est également préoccupé par l’insuffisance des mesures législatives et des ressources du système judiciaire pour faire respecter le principe de la paternité responsable.

37. Le Comité recommande à nouveau à l ’ État partie de prendre des mesures pour relever l ’ âge minimum légal du mariage des filles et des garçons. Rappelant sa Recommandation générale n o 21 (2004) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mener une campagne de sensibilisation à l ’ intention des femmes, au sujet du choix du régime matrimonial et des conséquences de ce choix pour leur sécurité économique et leur bien-être;

b) De faire en sorte que la notion des biens matrimoniaux communs englobe les actifs incorporels, y compris les pensions de retraite et les assurances ainsi que les autres revenus liés à la carrière, et de prendre toute autre mesure juridique nécessaire pour compenser le fait que les femmes assument une part plus importante du travail non rémunéré, telle que le versement d ’ une indemnisation après la séparation des conjoints; et

c) De continuer de renforcer les textes législatifs et les mesures administratives en vigueur relatifs aux actions en reconnaissance de paternité, notamment en prévoyant de subventionner les tests ADN, et de renforcer les mécanismes judiciaires chargés de traiter ce type d ’ affaires.

Amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

38. Le Comité encourage l’État partie à accélérer l’examen visant à l’amendement du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le nombre de jours de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

39. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de se conformer pleinement, dans le cadre de l ’ exécution de ses engagements au titre de la Convention, à la Déclaration et au Programme d ’ action de Beijing qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

40. Le Comité souligne que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement passe par une application pleine et effective de la Convention. Il préconise une prise en compte de la problématique hommes-femmes et des dispositions de la Convention dans tous les efforts en vue d ’ atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement et prie l ’ État partie de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Diffusion

41.Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées au Paraguay pour que la population, les agents de l ’ État, les hommes politiques, les parlementaires et les organisations féminines et de défense des droits de l ’ homme prennent conscience des mesures prises pour assurer l ’ égalité de jure et de facto entre les sexes et de ce qui reste à faire dans ce domaine. Le Comité recommande que cette diffusion se fasse aussi au niveau des collectivités locales. L ’ État partie est encouragé à organiser une série de réunions pour faire le point sur les progrès accomplis dans l ’ application des présentes observations finales. Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement, notamment auprès des organisations féminines et de défense des droits de l ’ homme, ses recommandations générales, la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et le document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l ’ Assemblée générale sur le thème: «Femmes en l ’ an 2000: égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle . ».

Suivi des observations finales

42. Le Comité prie l ’ État partie de fournir par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant aux paragraphes 23 et 31 ci-dessus.

Élaboration du prochain rapport

43. Le Comité prie l ’ État partie d ’ associer largement tous les ministères et les organismes publics à l ’ élaboration de son prochain rapport et de consulter un vaste éventail d ’ organisations féminines et des droits de l ’ homme pendant cette phase.

44. Le Comité demande à l ’ État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il présentera au titre de l ’ article 18 de la Convention. Il l ’ invite à soumettre son septième rapport périodique en octobre 2015.

45. Le Comité invite l ’ État partie à suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, approuvées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme en juin 2006 (HRI/MC/2006/3 et Corr.1). Les directives pour l ’ établissement des rapports propres à un instrument international, adoptées par le Comité à sa quarantième session en janvier 2008, doivent être appliquées de concert avec les directives harmonisées pour l ’ établissement du document de base commun. Ensemble, elles constituent les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes. Le document spécifique à la Convention ne devrait pas dépasser 40 pages.