Nations Unies

CMW/C/ALB/CO/2

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

8 mai 2019

Français

Original : anglais

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de l’Albanie *

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l’Albanie (CMW/C/ALB/2) à ses 411e et 412e séances (CMW/C/SR.411 et 412), les 1er et 2 avril 2019. À sa 429e séance, le 12 avril 2019, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de l’État partie (CMW/C/ALB/2), ainsi que ses réponses à la liste de points (CMW/C/ALB/Q/2/Add.1). Il se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, qui était dirigée par Ravesa Lleshi, Représentante permanente de l’Albanie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, ainsi qu’avec des représentants des Ministères de l’Europe et des affaires étrangères, de l’éducation, des sports et de la jeunesse, de la santé et de la protection sociale, de la Direction générale de la police d’État et de la Mission permanente de l’Albanie.

3.Le Comité reconnaît que l’Albanie est principalement connue pour être un pays d’origine de travailleurs migrants, et qu’elle demeure un pays de transit.

4.Le Comité note en outre que certains États dans lesquels sont employés des travailleurs migrants albanais ne sont pas parties à la Convention, ce qui peut empêcher ces travailleurs de jouir des droits qui leur sont garantis par la Convention.

B.Aspects positifs

5.Le Comité salue à nouveau les efforts déployés par l’État partie pour promouvoir et protéger les droits des travailleurs migrants à l’étranger, en particulier en matière de droit à la sécurité sociale. Il prend également note avec satisfaction de la création du Ministère de la diaspora en août 2017 pour soutenir les Albanais qui vivent à l’étranger, y compris les travailleurs migrants et les membres de leur famille.

6.Le Comité se félicite de la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 11 février 2013, et du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, le 29 mai 2013.

7.Le Comité salue l’adoption : de la loi no 108/2013 de mars 2013 sur les étrangers (telle que modifiée en 2016), qui régit les procédures d’immigration dans l’État partie et énonce les droits et obligations des ressortissants étrangers en Albanie ; et de la loi no 10389 de mars 2011, modifiant et complétant la loi no 9668 de décembre 2006 sur l’émigration de citoyens albanais aux fins d’emploi, qui régit l’émigration des travailleurs migrants albanais. Il accueille aussi avec satisfaction l’adoption de : la loi no 22/2018 sur le logement social, qui élargit le soutien accordé à certains groupes, notamment aux victimes de la traite, en matière de logement ; la loi no 121/2017 sur l’asile, qui régit les procédures d’asile et les droits des demandeurs d’asile et des réfugiés, notamment des travailleurs migrants demandeurs d’asile ; la loi no 18/2017 sur la protection de l’enfance, qui établit des mécanismes de protection des enfants ; la loi no 121/2016 sur les services sociaux en Albanie, qui définit les services spécialisés destinés à certains groupes, notamment les victimes de la traite des êtres humains.

8.Le Comité salue également les mesures institutionnelles et politiques suivantes : la Stratégie nationale pour la diaspora (2018-2024) et son plan d’action ; la Stratégie nationale contre la traite des êtres humains (2018-2020) et son plan d’action ; la Stratégie nationale en faveur de l’égalité des sexes (2016-2020) et son plan d’action ; la Stratégie pour le logement social (2016-2025) ; la Stratégie nationale pour l’emploi et l’habilitation (2014‑2020) et son plan d’action ; le Plan d’action pour la réinsertion socioéconomique des femmes victimes de la traite ; et la Stratégie commune de lutte contre la criminalité organisée, la traite et le terrorisme (2013-2020) et son plan d’action.

9.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a voté en faveur du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, adopté le 19 décembre 2018 par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 73/195, et il lui recommande d’œuvrer à son application en veillant au plein respect des dispositions de la Convention.

10.Par ailleurs, le Comité sait gré à l’État partie d’avoir adressé, en décembre 2009, une invitation permanente aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 73 et 84)

Législation et application

11.Le Comité prend note des initiatives prises par l’État partie pour améliorer son cadre juridique relatif aux droits des travailleurs migrants albanais et de leur famille, notamment dans les domaines de la sécurité sociale, l’aide à la réintégration et la fourniture d’informations, en créant des guichets de l’immigration. Il note en particulier que la loi no 10389 modifiant et complétant la loi no 9668 sur l’émigration de citoyens albanais aux fins d’emploi prévoit des services de réinsertion pour les travailleurs migrants albanais et les membres de leur famille de retour au pays, visant notamment à faciliter leur accès à l’emploi, à l’éducation, au logement et aux services sociaux. Toutefois, il est préoccupé par le fait que les dispositions de la Convention ne sont pas pleinement prises en compte dans l’ensemble de la législation nationale pertinente, notamment dans la loi sur l’émigration de citoyens albanais aux fins d’emploi.

12.Le Comité prend note des initiatives prises par l’État partie pour améliorer son cadre juridique concernant les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille en Albanie, avec en particulier la délivrance de permis de travail et de résidence. Toutefois, il est préoccupé par le fait que les dispositions de la Convention ne sont pas pleinement prises en compte dans l’ensemble de la législation nationale pertinente, en particulier dans la loi no 108/2013 de mars 2013 sur les étrangers, s’agissant : des délais de délivrance des permis de séjour aux membres des familles des travailleurs migrants ; du droit des membres de la famille d’un travailleur migrant de conserver leur permis de séjour en cas de divorce ou de décès dudit travailleur ; du droit des migrants en situation irrégulière de s’affilier à des syndicats ; de la protection des travailleurs migrants en situation irrégulière et de leurs enfants, ainsi que des travailleurs migrants demandeurs d’asile ; des garanties juridiques encadrant l’accès à la santé, à l’éducation, au marché du travail, à l’assistance sociale, à des services d’interprétation et à des services apparentés.

13. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour veiller à ce que toutes les lois pertinentes, y compris la loi sur la migration des ressortissants albanais aux fins d’emploi et la loi sur les étrangers, soient pleinement conformes aux dispositions de la Convention et des autres instruments internationaux pertinents. Il recommande également à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour appliquer toutes les lois pertinentes, assorties d’échéances précises, d’indicateurs et de critères de suivi et d’évaluation clairs, et de fournir des informations détaillées dans son prochain rapport périodique. Il recommande en outre à l’État partie de revoir ses lois afin d’utiliser les termes de « migrants sans papiers ou en situation irrégulière », c’est-à-dire la terminologie utilisée dans la Convention.

Articles 76 et 77

14. Le Comité réitère sa précédente recommandation (CMW/C/ALB/CO/1, par. 14), à savoir que l’État partie envisage de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention visant à reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant d’États parties et de particuliers concernant des atteintes aux droits établis par la Convention.

Ratification des instruments pertinents

15. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier, ou d’adhérer à, la Convention de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011 ( n o  189) dans les meilleurs délais, ainsi qu’au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Politique et stratégie globales

16.Le Comité recommande à l’État partie de mener à bien l’adoption de la Stratégie nationale sur la gouvernance des migrations (2019-2022) et son plan d’action, et de veiller à ce qu’ils respectent la Convention et prévoient une politique et une stratégie migratoires globales fondées sur les droits de la personne et soucieuses des questions de genre. Le Comité recommande également à l’État partie de prendre des mesures concrètes, assorties d’échéances précises, d’indicateurs et de critères de suivi et d’évaluation pour appliquer la stratégie nationale et son plan d’action, et de fournir des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour ce faire. Le Comité demande en outre à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations à jour, étayées par des statistiques, sur les mesures concrètes prises pour mettre en œuvre la stratégie et son plan d’action, les résultats obtenus et les difficultés rencontrées.

Coordination

17.Le Comité prend note de l’existence d’un comité interministériel chargé d’établir les rapports et de donner suite aux recommandations du Comité et des autres organes conventionnels. Il est cependant préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas mis en place de mécanisme mandaté et habilité pour coordonner toutes les activités relatives à l’application de la Convention à tous les niveaux.

18. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce qu’un c omité interministériel de haut niveau soit investi d’une autorité suffisante et mandaté pour coordonner l’ensemble des activités liées à la mise en œuvre de la Convention aussi bien au niveau intersectoriel qu’aux niveaux national, régional et local. L’État partie devrait veiller à ce que cet organe de coordination soit doté des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à son bon fonctionnement, avec la participation des acteurs de la société civile.

Collecte de données

19.Le Comité note que le Ministère de l’intérieur recueille, analyse et publie des données sur les migrations, mais il est préoccupé par l’absence de statistiques ventilées qui lui permettraient d’évaluer pleinement dans quelle mesure et de quelle manière les droits énoncés dans la Convention sont réalisés dans l’État partie, en particulier en ce qui concerne les travailleurs migrants à l’étranger et leurs conditions d’emploi, la situation des personnes de retour, des travailleurs migrants en transit, des travailleuses migrantes, des enfants migrants non accompagnés et des travailleurs migrants sans papiers.

20.Le Comité recommande à l’État partie d’améliorer son système de collecte de données, conformément à la cible 17.18 des objectifs de développement durable, pour couvrir tous les domaines de la Convention, et de veiller à ce que des données soient collectées sur la situation des travailleurs migrants, avec ou sans papiers, se trouvant dans l’État partie, des travailleurs migrants en transit et des ressortissants albanais travaillant à l’étranger. Il invite également l’État partie à compiler des informations et des statistiques ventilées par sexe, âge, nationalité, origine ethnique, raisons de l’entrée dans le pays ou du départ du pays et type de travail exercé, pour permettre au Comité d’évaluer utilement les effets des politiques dans ce domaine et l’application de la Convention. L’État partie devrait également mener des recherches approfondies tenant compte des questions de genre, renforcer la collecte, l’acquisition et l’analyse des données, ainsi que les mesures de responsabilisation, pour mettre en lumière la contribution des travailleuses migrantes et les facteurs de migration spécifiques parmi les femmes et les hommes.

Suivi indépendant

21.Le Comité note que l’Avocat du peuple, qui est l’institution de médiation et le mécanisme national de prévention prévu par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, a obtenu en 2014 le statut d’accréditation A auprès de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme. Il est cependant préoccupé par le fait que cette institution ne dispose pas de ressources financières et humaines suffisantes pour s’acquitter efficacement de son mandat relatif aux droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

22. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour doter le Bureau de l’Avocat du peuple de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour lui permettre de promouvoir et de protéger efficacement les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, y compris lorsqu’il s’agit de traiter leurs plaintes.

Formation et diffusion de l’information concernant la Convention

23.Le Comité prend note des renseignements sur la formation à la Convention dispensée à certains groupes d’agents publics, notamment aux responsables de l’application des lois et aux fonctionnaires du Service national de l’emploi, mais s’inquiète de l’insuffisance des efforts déployés par l’État partie pour proposer des formations à la Convention et diffuser l’information sur les droits qui y sont consacrés parmi toutes les parties prenantes.

24. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer des programmes de formation sur les droits que la Convention reconnaît aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, et de veiller à ce que ces programmes soient mis à la disposition de toutes les parties prenantes, en particulier des membres des forces de l’ordre, des juges, des procureurs, des travailleurs sociaux et des autres acteurs du domaine des migrations. Il recommande en outre à l’État partie d’établir des ponts avec les médias et la société civile dans le domaine de la formation et de la diffusion d’informations sur la Convention.

Corruption

25.Le Comité regrette l’absence de renseignements sur les mesures prises pour prévenir la corruption parmi les fonctionnaires qui ont des responsabilités liées à la Convention, notamment les gardes frontière et les membres de la police.

26. Le Comité invite l’État partie à fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures prises pour prévenir la corruption parmi les fonctionnaires qui ont des responsabilités relatives à la Convention, en incluant des informations statistiques sur les enquêtes et les sanctions. Il recommande aussi à l’État partie de mener des campagnes de sensibilisation visant à encourager les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui s’estiment victimes de la corruption à signaler les cas.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Principe de non‑discrimination

27.Le Comité prend note du cadre juridique de l’État partie visant à garantir la non‑discrimination, en particulier la loi no 10221 sur la protection contre la discrimination, mais s’inquiète de l’absence de disposition expresse interdisant clairement les formes croisées et multiples de discrimination auxquelles se heurtent les travailleurs migrants et les membres de leur famille, et du fait que la législation actuelle n’assure pas une protection particulière aux travailleuses migrantes, notamment aux travailleuses domestiques migrantes. Il regrette le manque de renseignements et d’exemples sur la façon dont le cadre législatif anti-discrimination de l’État partie est appliqué concrètement, lesquels permettraient d’apprécier la mesure dans laquelle les travailleurs migrants, en situation régulière ou non, et les membres de leur famille jouissent du droit à la non‑discrimination conformément à la Convention.

28. Le Comité recommande à l’État partie d’inscrire clairement dans sa législation une interdiction expresse des formes croisées et multiples de discrimination auxquelles se heurtent les travailleurs migrants et les membres de leur famille, et de prendre des mesures pour garantir que toutes les travailleuses migrantes, y compris les employées de maison, jouissent de leurs droits. Il demande aussi à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures prises pour appliquer sa législation anti-discrimination, ainsi que des exemples afférant spécifiquement aux droits dont les travailleurs migrants et les membres de leur famille sont titulaires, quel que soit leur statut.

Droit à un recours effectif

29.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles toute personne, quelle que soit sa nationalité, a accès aux tribunaux et jouit de la protection des droits garantis par la loi, mais s’inquiète de l’absence d’informations sur le nombre d’affaires et/ou de procédures engagées par des travailleurs migrants ou des membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, ce qui pourrait être le signe que les travailleurs migrants et les membres de leur famille ignorent l’existence des voies de recours qui leur sont ouvertes. Il s’inquiète également du manque d’informations telles que des statistiques et des exemples d’aide juridique fournie à des travailleurs migrants et aux membres de leur famille en cas d’atteinte aux droits qu’ils tiennent de la Convention.

30.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que, en droit comme en pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière, aient les mêmes possibilités que ses ressortissants de porter plainte et d’obtenir réparation devant les tribunaux lorsque les droits qu’ils tiennent de la Convention ont été enfreints. Il lui recommande aussi de prendre des mesures supplémentaires pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, des recours judiciaires et des réparations qui leur sont ouverts en cas d’atteinte aux droits portés par la Convention. Il recommande en outre à l’État partie de leur fournir une assistance judiciaire pour faciliter leur accès à la justice en cas d’atteinte à leurs droits issus de la Convention, et de fournir des statistiques et des exemples d’affaires de ce type dans son prochain rapport périodique.

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Gestion des frontières et migrants en transit

31.Le Comité observe que des flux migratoires transitent par l’Albanie, lesquels sont notamment constitués de travailleurs migrants et des membres de leur famille, de travailleurs migrants demandeurs d’asile, de victimes de la traite, d’enfants non accompagnés et séparés, de travailleurs migrants apatrides et de migrants sans papiers. Il est préoccupé par l’insuffisance des capacités de gestion des frontières, ainsi que des fonctionnaires en poste aux points de passage frontaliers, et par le manque d’infrastructures à ces points. En outre, le Comité est préoccupé par l’insuffisance des garanties pour faire en sorte que les mesures de gouvernance des frontières ne soient pas discriminatoires et soient conformes au principe de non‑refoulement et à l’interdiction des expulsions arbitraires et collectives.

32. Le Comité recommande à l’État partie, conformément aux principes et directives recommandés sur les droits de l’homme aux frontières internationales du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCR), de renforcer les capacités en matière de gestion des frontières, y compris celles des fonctionnaires en poste aux points de passage frontaliers, et de prendre des mesures pour améliorer les infrastructures à ces points afin de garantir le respect des droits de l’homme de tous les migrants, indépendamment de leur statut. L’État partie devrait faire en sorte que ses mesures de gestion des frontières permettent de s’attaquer et de remédier à toutes les formes de discrimination exercées par des agents de l’État et des acteurs privés aux frontières internationales et qu’elles respectent le principe de non ‑ refoulement et l’interdiction des expulsions arbitraires et collectives.

Régularité de la procédure, détention et égalité devant les tribunaux

33.Le Comité note que les articles 121 et 127 de la loi sur les étrangers prévoient certaines garanties procédurales pour les travailleurs migrants en cas de détention. Il est toutefois préoccupé par le manque d’informations sur les mesures prises pour faire en sorte que les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, bénéficient des garanties d’une procédure régulière, dans des conditions d’égalité avec les nationaux de l’État partie.

34. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que, dans toutes les procédures administratives et judiciaires, notamment celles relatives à la détention et à l’expulsion, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, bénéficient devant les tribunaux des garanties d’une procédure régulière, dans des conditions d’égalité avec les nationaux de l’État partie.

35.Le Comité prend note du fait que la loi sur les étrangers définit la détention comme étant une mesure administrative prise et appliquée en dernier recours, mais il est préoccupé par les points suivants :

a)Le placement de travailleurs migrants et de membres de leur famille en détention administrative pour des motifs liés à la migration illégale, mesure qui, dans la pratique, n’est donc pas utilisée qu’en dernier recours ;

b)Le placement d’enfants migrants sans papiers, tant non accompagnés et séparés qu’accompagnés de leur famille, dans des centres de détention pour migrants, souvent avec des adultes avec lesquels ils n’ont pas de lien de parenté ;

c)L’absence d’informations sur les mesures de substitution à la détention de migrants, notamment ceux en situation irrégulière ;

d)L’absence d’informations sur les conditions de détention administrative des travailleurs migrants en attente d’expulsion et sur la durée maximale de cette détention.

36. Compte tenu de son observation générale n o  2 (2013) sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille, et des observations générales conjointes n os  3 et 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n os  22 et 23 (2017) du Comité des droits de l’enfant, qui portent sur les droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales, le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que la détention administrative ne soit utilisée qu’en dernier ressort ;

b) De faire cesser totalement et sans délai la détention d’enfants au motif de leur statut migratoire ou de celui de leurs parents, et d’autoriser les enfants à rester avec les membres de leur famille ou leur tuteur dans un cadre non privatif de liberté, au sein de la communauté, le temps que leur statut migratoire soit déterminé, dans le respect de leur intérêt supérieur et des droits de l’enfant à la liberté et à une vie de famille ;

c) De prévoir des mesures de substitution à la détention qui soient non privatives de liberté et axées sur la communauté, avec notamment une prise en charge au cas par cas, un suivi et une supervision ;

d) De faire figurer dans son prochain rapport des renseignements sur l’efficacité des mesures prises pour garantir que tous les centres de détention pour migrants fournissent des services de base adéquats, notamment en matière d’alimentation, de soins de santé et d’hygiène, et assurent l’accès à des espaces extérieurs.

Expulsion

37.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie dans ses réponses à la liste des points à traiter (CMW/C/ALB/Q/2/Add.1) indiquant qu’il est possible de faire appel d’un arrêté d’expulsion. Cependant, il est préoccupé par l’absence d’informations sur la mesure dans laquelle les travailleurs migrants faisant l’objet d’une procédure d’expulsion se prévalent de ce droit et sur les dispositions juridiques qui garantissent le droit de demander la suspension d’un arrêté d’expulsion.

38. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que les travailleurs migrants faisant l’objet d’une procédure administrative d’éloignement ou d’expulsion soient informés de leur droit de faire appel de l’arrêté pris contre eux et aient la possibilité d’exercer ce droit. Il recommande à l’État partie de prendre les dispositions nécessaires pour que les procédures administratives d’éloignement et d’expulsion soient pleinement conformes aux articles 22 et 23 de la Convention.

Assistance consulaire

39.Le Comité note que l’État partie a lancé une plateforme de services consulaires en ligne en 2016 et qu’il a donné mandat au Ministre d’État chargé de la diaspora de renforcer la communication et les contacts entre les travailleurs migrants albanais et les membres de leur famille à l’étranger et les autorités consulaires de l’État partie. Il s’inquiète cependant du manque d’informations sur la protection et l’assistance offertes par les consulats de l’État partie aux travailleurs migrants albanais à l’étranger, en particulier dans les cas où une personne est privée de liberté et/ou fait l’objet d’un arrêté d’expulsion.

40. Le Comité recommande à l’État partie de prendre de nouvelles mesures pour renforcer ses services consulaires, afin de protéger et de promouvoir les droits des travailleurs migrants albanais et des membres de leur famille, s’il y a lieu, et d’être en mesure d’apporter, en particulier, l’assistance nécessaire à toute personne privée de liberté ou faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion.

Liberté d’adhérer à un syndicat et de participer aux réunions syndicales

41.Le Comité demeure préoccupé par le fait que les travailleurs migrants sans papiers ne peuvent pas adhérer à un syndicat, malgré les recommandations précédentes du Comité à cet égard (CMW/C/ALB/CO/1, par. 30).

42. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment de procéder à des modifications législatives, pour garantir à tous les travailleurs migrants, y compris ceux qui se trouvent en situation irrégulière, le droit de participer à des activités syndicales et d’adhérer librement à un syndicat, conformément à l’article 26 de la Convention de l’Organisation internationale du Travail (OIT) de 1948 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical ( n o 87).

Sécurité sociale

43.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a conclu des accords bilatéraux de sécurité sociale et adopté la loi sur les étrangers, qui porte notamment sur les travailleurs migrants et les membres de leur famille en Albanie, ainsi que la loi sur l’assurance sociale, qui porte notamment sur les travailleurs migrants albanais et les membres de leur famille dans d’autres pays, ces deux lois apportant des améliorations quant au droit de ces personnes à la sécurité sociale. Il regrette toutefois le manque d’informations sur les conditions imposées par la loi que les travailleurs migrants en situation irrégulière doivent remplir pour avoir accès à la sécurité sociale dans des conditions d’égalité avec les ressortissants albanais.

44. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, soient en mesure de souscrire à un régime de sécurité sociale et qu’ils soient informés de leurs droits à cet égard. L’État partie devrait continuer de conclure avec tous les États de destination des accords bilatéraux contraignants qui tiennent compte des questions de genre, ne soient pas discriminatoires, et qui garantissent la protection des droits de la personne des travailleurs migrants, y compris le droit à la sécurité sociale, et de conclure rapidement les accords qui sont en cours de négociation.

Soins médicaux

45.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures prises par l’État partie, dans le cadre de programmes de réintégration, pour assurer aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille qui sont revenus au pays l’accès aux services de santé. Cependant, s’il constate que les travailleurs migrants en situation régulière ont accès aux services de santé financés par le Gouvernement, il est préoccupé par le fait que les travailleurs migrants en situation irrégulière n’ont pas accès à ces soins, exception faite des soins d’urgence.

46. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes et efficaces pour garantir l’accès à des services de santé, notamment mais non exclusivement aux soins d’urgence, à tous les travailleurs migrants et aux membres de leur famille, sur la base de l’égalité de traitement avec les nationaux, conformément aux dispositions des articles 28 et 30 de la Convention.

Enregistrement des naissances et nationalité

47.Le Comité regrette l’absence d’informations précises sur les mesures prises pour garantir le droit des enfants des travailleurs migrants à la nationalité et à la citoyenneté. Le Comité constate avec préoccupation que l’obligation légale d’informer les autorités du statut migratoire des personnes fait obstacle à l’enregistrement à la naissance des enfants nés de travailleurs migrants en situation irrégulière.

48. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment de procéder à des modifications législatives, pour garantir que les enfants de travailleurs migrants, y compris ceux nés de travailleurs migrants en situation irrégulière, soient enregistrés à la naissance et se voient délivrer des documents d’identité personnels, conformément aux objectifs de développement durable (cible 16.9), et de sensibiliser les travailleurs migrants et les membres de leur famille à l’importance de l’enregistrement des naissances.

Éducation

49.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures prises pour assurer l’accès à l’éducation des enfants de travailleurs migrants albanais à l’étranger ou revenus au pays. Il est toutefois préoccupé par le fait que les enfants de travailleurs migrants en situation irrégulière en Albanie ne sont pas en mesure de s’inscrire dans les écoles publiques, parce qu’ils ne peuvent pas obtenir les documents nécessaires auprès des municipalités en raison de leur situation irrégulière et que les écoles et autres établissements scolaires ne sont pas légalement dispensés de l’obligation d’informer les autorités du statut migratoire des enfants.

50. Conformément aux observations générales conjointes n os 3 et 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n os 22 et 23 (2017) du Comité des droits de l’enfant sur les droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales, le Comité recommande à l’État partie de supprimer les obstacles législatifs et administratifs existants et d’adopter des mesures concrètes pour garantir à tous les enfants de travailleurs migrants, sans discrimination aucune, un accès universel à l’éducation, quel que soit le statut migratoire des parents, comme le prévoit l’article 30 de la Convention.

Transfert des gains et des économies

51.Le Comité est préoccupé par l’absence de renseignements sur les partenariats avec des institutions financières visant à faciliter le transfert des gains et des économies des travailleurs migrants albanais vers l’Albanie et des travailleurs migrants dans l’État partie vers leur État d’origine.

52. Le Comité recommande à l’État partie de faciliter le transfert de fonds par les travailleurs migrants albanais vers l’Albanie. Il lui recommande aussi de prendre des mesures pour faciliter le transfert des gains et des économies des travailleurs migrants vivant en Albanie vers leur pays d’origine à des taux de transfert et de réception préférentiels, conformément aux objectifs de développement durable (cible 10.c), et de rendre l’épargne plus accessible aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille.

Droit d’être informé et diffusion de l’information

53.Le Comité prend note de ce que l’article 8 de la loi no 9668 établit le droit des citoyens albanais d’être informés et conseillés gratuitement avant d’émigrer et après leur retour dans le pays, mais est préoccupé par le manque d’informations sur l’action menée par le Gouvernement pour informer régulièrement tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille des droits que leur confère la Convention et de leurs droits et obligations dans l’État partie.

54. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour diffuser des informations sur les droits reconnus aux travailleurs migrants par la Convention, sur les conditions d’admission et d’emploi et sur les droits et obligations énoncés par les lois de l’État d’emploi. Il lui recommande également de mettre en place davantage de programmes ciblés de préparation au départ et de sensibilisation, notamment en consultation avec les organisations non gouvernementales intéressées, les travailleurs migrants et les membres de leur famille et des agences de recrutement reconnues et fiables.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Droit d’élire et d’être élu dans l’État d’origine

55.Le Comité relève que la loi no 10221/2010 sur la protection contre la discrimination interdit toute discrimination dans l’exercice du droit d’élire, d’être élu ou d’être nommé à un poste public, y compris celle fondée sur la résidence et d’autres aspects de la situation de la personne, mais il juge préoccupant qu’il n’y ait pas de mesures en place pour permettre aux travailleurs migrants albanais qui vivent à l’étranger de prendre part aux affaires publiques, d’élire et d’être élus lors des élections organisées par l’État partie.

56. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour garantir que les travailleurs migrants albanais qui vivent à l’étranger puissent exercer, dans la pratique, leur droit de voter et d’être élus au cours d’élections, et qu’ils puissent prendre part aux affaires publiques, y compris en facilitant leur enregistrement et leur participation aux prochaines élections nationales.

Regroupement familial

57.Le Comité prend note de ce que les articles 55 et 56 de la loi sur les étrangers prévoient le regroupement familial, mais il trouve préoccupant que l’article 60 de cette même loi prévoie l’annulation du permis de séjour qui avait été accordé aux fins du regroupement familial lorsqu’il y a dissolution du mariage dans les cinq années qui suivent la délivrance du permis, ou décès de l’un des deux conjoints dans les trois années qui suivent la délivrance du permis, ou lorsqu’il est mis fin au droit de garde légale d’un enfant.

58. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir aux travailleurs migrants la protection de leur unité familiale, notamment en adoptant des lois pour faire en sorte que les permis de séjour délivrés aux membres de la famille d’un travailleur migrant ne soient pas supprimés en cas de changement de la situation sur la base de laquelle les permis ont été accordés.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Enfants en situation de migration internationale

59.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures prises pour garantir les droits et le bien-être des enfants en situation de migration internationale, notamment des mesures de protection particulières adoptées dans le cadre de la loi no 18/2017 sur les droits et la protection des enfants et de la loi no 121/2016 sur les services sociaux. Le Comité s’inquiète toutefois :

a)Que l’application de la procédure interinstitutions permettant de déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant, qui est prévue dans la loi sur les étrangers et la loi sur la protection de l’enfance, demeure insuffisante ;

b)Qu’en Albanie, des enfants de travailleurs migrants, en particulier ceux dont les parents sont en situation irrégulière, ne jouissent pas de leurs droits et libertés sur un pied d’égalité avec les enfants qui sont ressortissants de l’État partie ;

c)Que l’émigration de mineurs non accompagnés depuis l’Albanie, et vers l’Italie essentiellement, les expose à des risques d’exploitation, de violence, de sévices et de délaissement, entre autres ;

d)Qu’aucun mécanisme ne soit en place pour garantir la participation effective et le droit d’être entendu des enfants et des adolescents dans toutes les procédures les concernant, et veiller à ce que leur avis soit dûment pris en compte.

60. Compte tenu des observations générales conjointes n os 3 et 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n os 22 et 23 (2017) du Comité des droits de l’enfant, qui portent sur les droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales, le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures efficaces pour mettre en œuvre le processus interinstitutions pour déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant, y compris le droit à l’information et à une assistance juridique gratuite de la part de professionnels spécialisés dans les droits des enfants et, dans le cas des enfants non accompagnés, le droit à un tuteur, lequel doit garantir l’intérêt supérieur des enfants tout au long du processus ;

b) De faire en sorte que tous les enfants en situation de migration, ainsi que ceux qui sont touchés par la migration, puissent bénéficier des mêmes droits que tous les autres enfants, y compris les droits à l’enregistrement de la naissance, à la délivrance de pièces d’identité, à une nationalité, et le droit d’accès à l’éducation, aux soins de santé, au logement et à la protection sociale ;

c) De prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir l’émigration d’enfants migrants non accompagnés et garantir que tous les enfants migrants et ceux qui sont touchés par la migration, y compris ceux qui sont rentrés au pays, sont protégés contre l’exploitation, la violence, les sévices, le délaissement et autres crimes, et qu’ils bénéficient d’un appui dans le cadre de leur accueil et de leur réinsertion ;

d) De mettre en place des mécanismes pour garantir la participation effective et le droit d’être entendu des enfants et des adolescents dans toutes les procédures les concernant, et veiller à ce que leur avis soit dûment pris en compte.

Coopération internationale avec les pays de transit et les pays de destination

61.Le Comité note que l’État partie a signé plusieurs mémorandums d’accord et conclu plusieurs accords bilatéraux, mais il trouve préoccupant que certains d’entre eux ne couvrent pas de façon adéquate les dispositions énoncées dans la Convention.

62. Le Comité recommande à l’État partie de conclure des accords avec les pays d’emploi en vue de mieux protéger les droits des travailleurs migrants albanais, conformément à la Convention, et de faciliter l’offre de services consulaires et autres services appropriés.

Travailleurs domestiques migrants

63.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur le cadre juridique en vigueur qui s’applique aux travailleurs domestiques migrants et sur la question de savoir si les travailleurs domestiques migrants et les membres de leur famille peuvent jouir de leurs droits dans des conditions d’égalité avec les ressortissants de l’État partie.

64. À la lumière de son observation générale n o 1 (2011) sur les travailleurs domestiques migrants, le Comité recommande à l’État partie de coopérer avec les États d’emploi en ce qui concerne les cadres et accords relatifs à la protection des droits des travailleurs domestiques migrants et de faire part, dans son prochain rapport périodique, des mesures juridiques et politiques prises pour garantir que les travailleurs domestiques migrants peuvent jouir pleinement des droits que leur garantit la Convention.

Agences de recrutement

65.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour renforcer la réglementation et la surveillance des agences de recrutement privées, notamment des décisions nos 101 et 286 prises par le Conseil des ministres sur la base du Code du travail et de l’instruction no 286, en date du 21 mai 2018, du Ministre des finances et de l’économie. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence d’informations sur les mesures prises pour renforcer la réglementation applicable aux agences de recrutement privées et en surveiller les activités.

66. Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur les mesures prises pour renforcer la réglementation applicable aux agences de recrutement privées et intensifier la surveillance et les inspections portant sur le recrutement afin de garantir le respect des droits des travailleurs migrants conformément à l’article 66 de la Convention.

Retour volontaire, réadmission et réintégration

67.Le Comité prend note des mesures prises en vue d’améliorer le cadre législatif et institutionnel en place pour faciliter le retour volontaire des travailleurs migrants albanais et des membres de leur famille, mais il est préoccupé par l’absence de mesures stratégiques ayant spécialement trait à la réintégration. Le Comité est également préoccupé par le manque d’informations sur la question de savoir si les accords de réadmission, y compris ceux passés avec l’Union européenne, comportent toutes les garanties fondamentales et procédurales prévues par la Convention, notamment l’interdiction des expulsions collectives.

68. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces en vue de faciliter, conformément aux principes énoncés dans la Convention, la réintégration économique, sociale et culturelle durable des travailleurs migrants et des membres de leur famille de retour en Albanie. L’État partie devrait également veiller à ce que les accords et protocoles de réadmission existants et à venir qu’il conclut avec les pays hôtes garantissent durablement la réintégration économique, sociale et culturelle des migrants de retour dans l’État partie, comportent des garanties de base et procédurales en leur faveur et les protègent contre les mauvais traitements et toute atteinte à leurs droits dans le cas où ils sont expulsés.

Traite des personnes

69.Le Comité note que l’État partie a adopté un ensemble conséquent de mesures législatives, politiques et institutionnelles de lutte contre la traite des personnes et les pratiques y afférentes, au nombre desquelles la mise en place de l’Équipe spéciale nationale de lutte contre la traite des êtres humains, du Mécanisme national d’orientation des victimes, du Coordonnateur national de la lutte contre la traite et du Bureau d’assistance aux victimes, l’adoption de la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes et du Plan d’action correspondant pour la période 2018-2020, ainsi que du Plan d’action en faveur de la réintégration socioéconomique des femmes et des filles victimes de la traite, et l’ouverture du numéro d’appel national pour faciliter le signalement des cas présumés de traite. Le Comité est toutefois profondément préoccupé par le fait que l’État partie est un pays d’origine, de transit et de destination des victimes de la traite, notamment des femmes et des enfants qui y sont soumis à des fins d’exploitation sexuelle ou de travail forcé. Il constate également avec préoccupation :

a)L’insuffisance persistante des mesures prises par l’État partie pour mettre en œuvre son cadre législatif et administratif de lutte contre la traite, notamment dans les domaines du repérage des victimes de la traite et de leur protection, du soutien à leur apporter, de leur orientation, de leur réadaptation et de leur insertion dans la société ;

b)L’inadéquation des moyens humains, techniques et financiers alloués à la mise en œuvre des mesures de lutte contre la traite ;

c)L’absence de données sur la traite des personnes, notamment le nombre d’enquêtes et de poursuites engagées et de sanctions appliquées pour tous les actes de traite des personnes et autres infractions qui y sont liées.

70. Conformément aux «  Principes et directives concernant les droits de l’homme et la traite des êtres humains : recommandations  » établis par le HCR, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter des mesures concrètes, assorties d’échéances précises, d’indicateurs, de critères de référence, de suivi et d’évaluation, afin de mettre en œuvre son cadre législatif et administratif en vue de prévenir et de combattre la traite des personnes, y compris en renforçant les mécanismes d’identification précoce des victimes, d’appui et d’orientation, de réadaptation et de réinsertion sociale desdites victimes, par exemple en fournissant des refuges et une assistance juridique, médicale et psychosociale ;

b) D’allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour la mise en œuvre des mesures de lutte contre la traite, y compris aux institutions qui luttent contre ce fléau à tous les niveaux, notamment l’Équipe spéciale nationale de lutte contre la traite des êtres humains, le Mécanisme national d’orientation, le Coordonnateur national de la lutte contre la traite et le Bureau d’assistance aux victimes ;

c) De faire figurer dans son prochain rapport périodique des données sur ce problème, le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans les affaires de traite et d’exploitation sexuelle, ainsi que sur l’incidence des mesures prises pour lutter contre ces phénomènes.

Trafic de migrants et migration irrégulière

71.Le Comité prend note des mesures prises pour prévenir et éliminer les flux migratoires irréguliers, y compris par le renforcement de la coopération régionale, en particulier la signature de l’Accord, le 5 octobre 2018, avec l’Union européenne sur la coopération en matière de gestion des frontières. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence d’informations sur la question de savoir si ces accords sont conformes à toutes les garanties fondamentales et procédurales portées par la Convention et le droit international des droits de l’homme, notamment au principe de non‑refoulement et à l’interdiction des expulsions arbitraires et collectives. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie reste un pays d’origine et de transit de travailleurs migrants en situation irrégulière, et que nombre d’entre eux, y compris des enfants, font face à des conditions difficiles tout au long de leur parcours.

72. Le Comité recommande à l’État partie, conformément aux principes et directives recommandés sur les droits de l’homme aux frontières internationales (HCR), de prendre des mesures efficaces pour détecter, prévenir et freiner les flux de travailleurs migrants en situation irrégulière, et d’ouvrir des enquêtes, traduire en justice et punir les groupes criminels responsables du trafic illicite de migrants et autres infractions connexes. Ce faisant, l’État partie devrait : mettre au point des cadres fondés sur les droits de la personne concernant les migrations et la gestion des frontières en tenant compte des droits et des besoins des travailleurs migrants ; et veiller à ce que les travailleurs migrants en situation irrégulière ne soient pas traités comme des délinquants et que les mesures visant à lutter contre les migrations irrégulières et le trafic illicite de migrants ne nuisent pas aux droits fondamentaux des travailleurs migrants et des membres de leur famille, notamment en ce qui concerne le non ‑ refoulement et l’interdiction de la détention arbitraire et des expulsions collectives.

6.Diffusion et suivi

Diffusion

73. Le Comité demande à l’État partie de garantir la diffusion rapide des présentes observations finales, dans la langue officielle de l’État partie, aux institutions d’État pertinentes à tous les niveaux, notamment auprès des ministères, du Parlement, de l’appareil judiciaire et des autorités locales concernées, ainsi qu’aux organisations non gouvernementales et autres membres de la société civile.

Assistance technique

74. Le Comité recommande à l’État partie de faire appel à l’assistance internationale pour la mise en œuvre des recommandations contenues dans les présentes observations finales, conformément au Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il incite également l’État partie à poursuivre sa coopération avec les organismes spécialisés et les programmes des Nations Unies.

Suivi des observations finales

75.Le Comité invite l’État partie à lui fournir, dans les deux ans, c’est-à-dire le 1 er  mai 2021 au plus tard, des renseignements écrits sur la mise en œuvre des recommandations formulées aux paragraphes 34 et 36, concernant la régularité de la procédure, la détention et l’égalité devant les tribunaux ; au paragraphe 60, consacré aux enfants en situation de migration internationale ; et au paragraphe 72 sur le trafic illicite de migrants et la migration irrégulière.

Prochain rapport périodique

76. Le Comité prie l’État partie de soumettre son troisième rapport périodique d’ici au 1 er  mai 2024. Pour ce faire, l’État partie souhaitera peut-être suivre la procédure simplifiée. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur ses directives harmonisées (HRI/GEN/2/Rev.6).