Nations Unies

CCPR/C/LKA/CO/6

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

26 avril 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le sixième rapport périodique de Sri Lanka *

1.Le Comité a examiné le sixième rapport périodique de Sri Lanka à ses 3969e, 3970e et 3971e séances, les 8 et 9 mars 2023. À sa 3988e séance, le 21 mars 2023, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à Sri Lanka d’avoir soumis son sixième rapport périodique et accueille avec satisfaction les renseignements qui y sont donnés. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses écrites apportées à la liste de points, qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures législatives ci-après :

a)La loi no 14 de 2016 sur le Bureau des personnes disparues ;

b)La loi no 16 de 2017 portant modification de la loi sur les élections des autorités locales ;

c)La loi no 27 de 2017 portant modification de la loi sur l’assistance aux victimes et aux témoins de crimes et leur protection ;

d)La loi no 34 de 2018 sur le Bureau des réparations ;

e)La loi no 5 de 2018 sur la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ;

f)La loi no 11 de 2022 portant modification de la loi sur l’aménagement du territoire.

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 25 mai 2016 ;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 8 février 2016 ;

c)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 5 décembre 2017.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et juridique

5.Le Comité note que la réforme constitutionnelle est toujours en cours, mais il s’inquiète du retard important que ce processus a pris et de l’absence d’informations sur son état d’avancement. Il est préoccupé par le fait que, malgré les propositions faites en 2019 par la Sous-Commission sur les droits fondamentaux de Sri Lanka, la Constitution ne contienne ni garanties explicites des droits visés par le Pacte, dont le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à une disparition forcée, le droit à la vie privée et le droit à la sécurité de la personne, ni liste détaillée des motifs de discrimination interdits, parmi lesquels l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Le Comité se félicite de l’adoption, en octobre 2022, de la vingt et unième modification de la Constitution, qui vise à limiter le pouvoir de la présidence exécutive s’agissant de la nomination des membres des institutions de contrôle, mais il s’inquiète de ce que cette modification semble toujours permettre à la présidence exécutive d’exercer une influence indue sur ces institutions, dont le système judiciaire, qui perdent de ce fait en indépendance, étant donné que le Conseil constitutionnel reste dominé par des membres des partis politiques représentés au Parlement. Le Comité est en outre préoccupé par la fréquence des modifications de la Constitution, élargissant ou limitant les pouvoirs de la présidence exécutive, qui ont des incidences sur l’indépendance des institutions de contrôle chargées de protéger l’état de droit et les droits de l’homme, notamment de la Commission des droits de l’homme de Sri Lanka. Alors que le système actuel prévoit un contrôle juridictionnel de la législation uniquement avant l’adoption des textes, le Comité regrette qu’il ne soit apparemment pas prévu de mettre en place des mécanismes de contrôle juridictionnel qui permettraient de se prononcer sur la constitutionnalité des textes de loi adoptés (art. 2).

6.L’État partie devrait :

a) Accélérer et mener à terme sa réforme constitutionnelle en vue de rendre son cadre constitutionnel parfaitement conforme au Pacte et d’assurer le plein respect des principes de la séparation des pouvoirs et des contrôles et contrepoids entre les institutions exécutives et les institutions de contrôle, dont le système judiciaire, chargées de protéger les droits de l’homme, tout en empêchant que de futures modifications suppriment arbitrairement ces principes ;

b) Garantir, en droit et dans la pratique, l’indépendance et l’impartialité totales des membres du Conseil constitutionnel et des autres fonctionnaires chargés de faire respecter l’état de droit et les droits de l’homme, notamment en veillant à ce qu’ils soient nommés conformément au Pacte et aux normes internationales pertinentes ;

c) Prévoir des mécanismes de contrôle juridictionnel qui permettent de se prononcer sur la constitutionnalité non seulement des projets de loi mais aussi des lois adoptées.

Mise en œuvre du Pacte et du Protocole facultatif s’y rapportant

7.À la lumière de son observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte et, tout en notant que l’État partie a adopté en janvier 2016 une politique pour accuser réception des nouvelles communications présentées au Comité par des particuliers et les examiner, le Comité redit sa préoccupation quant à la décision rendue en 2006 par la Cour suprême dans l’affaire Singarasa, dans laquelle la Cour a estimé que l’adhésion de l’État partie au Protocole facultatif était inconstitutionnelle. Le Comité s’inquiète également de l’absence d’informations sur les suites données aux constatations adoptées au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte et sur la mise en place d’un mécanisme spécial chargé de donner effet à ces constatations (art. 2).

8.Compte tenu des précédentes recommandations du Comité , l’État partie devrait donner pleinement effet aux constatations du Comité et offrir des recours utiles en cas de violation du Pacte. À cette fin, il devrait mettre en place un mécanisme spécial qui sera chargé de donner effet aux constatations adoptées. Il devrait en outre fournir au Comité, en temps utile, les informations demandées sur les mesures prises pour donner suite à toutes les constatations adoptées, comme le prévoit la procédure de suivi des constatations du Comité.

Commission des droits de l’homme de Sri Lanka

9.Le Comité prend note de l’adoption de la vingt et unième modification de la Constitution, qui vise à restaurer l’indépendance de la Commission des droits de l’homme et à rendre son action plus efficace, mais il regrette que l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme ait rétrogradé la Commission au statut B en raison, entre autres choses, du manque de transparence des nominations et du manque de pluralisme de ses membres et de son personnel (art. 2).

10.L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que la Commission des droits de l’homme de Sri Lanka soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Il devrait garantir la transparence des nominations des membres de la Commission et allouer à celle-ci des ressources humaines et financières suffisantes pour lui permettre de s’acquitter de son mandat avec efficacité et en toute indépendance dans l’ensemble du pays.

Lutte contre l’impunité et violations des droits de l’homme commises dans le passé

11.Le Comité est profondément préoccupé par l’extrême lenteur avec laquelle les auteurs des violations des droits de l’homme commises pendant le conflit sont traduits en justice. Il regrette que le droit interne n’érige pas en infractions pénales le crime de guerre, le crime contre l’humanité et le génocide. Il s’inquiète de ce que, malgré l’existence d’éléments crédibles tendant à prouver que des crimes de guerre ont été commis, la commission d’enquête créée par l’armée sri-lankaise ait conclu que les opérations militaires menées entre 2006 et 2009 n’avaient fait aucune victime civile, et que les allégations de recours systématique à la torture et aux violences sexuelles au camp Joseph, à Vavuniya, aient été laissées sans suite. Le Comité s’inquiète des informations selon lesquelles des responsables politiques et des membres des forces de sécurité s’immisceraient dans la procédure judiciaire et les enquêtes et y feraient obstacle. Il est tout particulièrement préoccupé par les recommandations faites par la commission d’enquête d’enquêter sur les allégations de « victimisation politique », qui ont conduit à l’abandon des charges dans de nombreuses affaires emblématiques, dont l’enlèvement de 11 Tamouls par des membres de la marine en 2008 et en 2009 et le meurtre des députés tamouls NadarajaRaviraj et Joseph Pararajasingham. Il s’inquiète également de ce que des militaires accusés de crimes de guerre qui auraient été commis pendant le conflit continuent d’être nommés et promus, ce qui entretient un climat d’impunité.

12.Le Comité prend note de la modification de la loi de 2015 sur l’assistance aux victimes et aux témoins de crimes et leur protection, mais il reste préoccupé par le fait que les victimes, leurs familles et les témoins ne soient pas protégés efficacement et continuent de faire l’objet de menaces, d’actes d’intimidation et de harcèlement. Il prend acte de la création et du fonctionnement du Bureau des réparations et du Bureau des personnes disparues, mais se dit préoccupé par l’absence de progrès s’agissant de localiser les victimes de disparition forcée et de déterminer ce qui leur est arrivé, par le fait que des personnes impliquées dans des violations des droits de l’homme commises par le passé soient désignées pour siéger au sein de ces organes et par les ingérences dans les poursuites, qui empêchent les victimes et leurs proches de demander justice. Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie selon lesquels les anciens combattants peuvent demander réparation en vertu de la loi no 34 de 2018 sur le Bureau des réparations et bénéficier des services sociaux, mais il regrette que, selon certaines sources, ces personnes ne soient pas assez informées de leurs droits et n’aient pas accès correctement à d’autres services, par exemple les soins de santé (art. 6, 7, 9, 14 et 26).

13.L’État partie devrait redoubler d’efforts pour traduire en justice les responsables de toutes les violations des droits de l’homme commises dans le passé, parmi lesquelles les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, les actes de torture et les violences sexuelles commises pendant le conflit. À cette fin, il devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour  :

a)Mener rapidement des enquêtes indépendantes et approfondies sur toutes les violations des droits de l’homme commises par le passé, poursuivre leurs auteurs présumés et condamner ceux qui seront déclarés coupables à des peines qui soient à la mesure de la gravité des faits. Ce faisant, il devrait veiller à ce qu’aucun responsable politique ni aucun personnel militaire ne s’immisce dans les procédures judiciaires ou les enquêtes ni ne les entrave  ;

b)Apporter aux victimes de violations des droits de l’homme commises dans le passé ou à leurs proches une réparation intégrale, y compris sous la forme d’une indemnisation suffisante, et leur offrir des services juridiques, médicaux et psychologiques ainsi qu’une aide à la réadaptation, notamment par l’intermédiaire du Bureau des réparations, protéger, en droit et dans la pratique, les victimes, leurs proches et les témoins contre les menaces, les actes d’intimidation, le harcèlement et les représailles et veiller à ce que les victimes et leurs familles soient bien informées de leurs droits et des recours qui sont à leur disposition ;

c)S’abstenir de nommer ou de promouvoir des auteurs présumés de violations des droits de l’homme à des postes de haut niveau au sein du Gouvernement, du secteur de la sécurité et de toute autre institution œuvrant à la justice transitionnelle et à l’établissement des responsabilités ;

d) Mettre en place un mécanisme spécialement chargé de l’établissement des responsabilités et parfaitement indépendant, impartial et transparent pour enquêter sur les violations présumées du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, et renforcer sa coopération avec les organismes internationaux, parmi lesquels le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, pour offrir aux victimes des recours utiles et réaliser les objectifs que sont la justice transitionnelle et l’établissement des responsabilités.

État d’urgence

14.L’État partie déclarant souvent l’état d’urgence, le Comité s’inquiète de ce que le règlement no 25 de 1947 sur la sécurité publique dispose que les règlements pris dans ces contextes d’urgence priment toutes les lois, sauf la Constitution, que son article 8 empêche toute contestation de l’état d’urgence devant les tribunaux et que ses articles 9 et 23 offrent l’immunité aux fonctionnaires qui agissent « de bonne foi ». Il est également préoccupé par les graves violations des droits de l’homme, parmi lesquelles le meurtre, l’agression physique et l’arrestation et la détention arbitraires de manifestants ou encore des interdictions généralisées sur les médias sociaux, commises pendant l’état d’urgence déclaré après les attentats à la bombe du dimanche de Pâques 2019 et celui déclaré pendant les manifestations de grande ampleur d’avril à mai 2022 (art. 4 et 6).

15.L’État partie devrait veiller à ce que la législation nationale relative aux situations d’urgence, dont le règlement n o  25 de 1947 sur la sécurité publique, soit conforme au Pacte, en particulier à son article 4, tel que le Comité l’a interprété dans son observation générale n o  29 (2001) sur les dérogations aux dispositions du Pacte autorisées en période d’état d’urgence. Il devrait également s’assurer que les mesures prises sont absolument indispensables et proportionnées compte tenu de la situation, qu’elles sont de courte durée et que leur champ d’application géographique et matériel est limité. Si l’État partie use du droit de dérogation, il doit, par l’entremise du Secrétaire général, signaler aussitôt aux autres États parties au Pacte les dispositions auxquelles il a dérogé pendant l’état d’urgence et les motifs de cette dérogation, conformément à l’article 4 (par. 3) du Pacte.

Mesures de lutte contre le terrorisme

16.Le Comité prend note de la modification, en 2022, de la loi sur la prévention du terrorisme, mais il demeure préoccupé par le fait que cette loi permette toujours une longue détention provisoire, jusqu’à douze mois, sans inculpation, donne une définition large du terrorisme et soit utilisée pour légitimer des attaques contre des minorités, en particulier les musulmans et les Tamouls, des détracteurs du Gouvernement et des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, ainsi que pour obtenir des aveux par la torture. Il s’inquiète également des décès en détention de personnes détenues en application de cette loi qui lui ont été signalés et de ce que les responsables de ces décès demeurent impunis (art. 4, 7, 17, 19, 21 et 22).

17.L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour :

a)Abroger la loi sur la prévention du terrorisme et la remplacer par une loi qui donne une définition plus étroite du terrorisme et qui soit compatible avec le Pacte et les principes de sécurité juridique, de prévisibilité et de proportionnalité ;

b)Faire en sorte que le processus législatif devant aboutir à l’adoption d’une nouvelle loi sur la lutte contre le terrorisme ou la sécurité nationale soit inclusif et transparent et facilite la participation libre, ouverte et effective d’un large éventail de parties prenantes, parmi lesquelles la Commission des droits de l’homme de Sri Lanka, la société civile et la population ;

c)Veiller à ce que les personnes soupçonnées ou accusées d’infractions terroristes ou d’infractions connexes bénéficient, en droit et dans la pratique, de toutes les garanties juridiques appropriées, en particulier du droit d’être informées des accusations portées contre elles, d’être déférées sans délai devant un juge et de s’entretenir avec un avocat, conformément à l’article 9 du Pacte et à l’observation générale n o  35 (2014) du Comité sur la liberté et la sécurité de la personne ;

d)Permettre que tous les lieux de détention où se trouvent des personnes détenues en application de la loi sur la prévention du terrorisme fassent l’objet d’une surveillance indépendante, réelle et régulière, y compris par la Commission des droits de l’homme, et que les inspections soient menées sans préavis et sans supervision ;

e) Veiller à ce que tous les décès en détention fassent rapidement l’objet d’une enquête, indépendante et efficace, à ce que les auteurs soient traduits en justice et passibles de peines proportionnées à la gravité des faits, et à ce que les familles des victimes reçoivent une réparation intégrale.

Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre

18.Le Comité note que la Cour suprême a affirmé que les relations homosexuelles consenties ne devaient pas déboucher sur des peines privatives de liberté, mais il demeure préoccupé par le fait que les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres puissent toujours être poursuivies en application des articles 365, 365A et 399 du Code pénal et continuent de faire l’objet de discriminations au quotidien, par exemple dans l’accès aux soins de santé, à l’emploi et au logement. Il prend note aussi avec préoccupation des informations selon lesquelles des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres sont victimes d’arrestations et de détentions arbitraires et sont contraintes de subir des examens anaux visant à prouver les relations homosexuelles. Il regrette que les policiers chargés d’affaires de violence à l’égard de personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres traitent souvent les victimes comme des criminels (art. 2, 7, 9, 17 et 26).

19.Compte tenu des recommandations antérieures du Comité , l’État partie devrait redoubler d’efforts pour :

a)Abroger des dispositions du Code pénal, notamment les articles 365, 365A et 399 ;

b)Assurer une protection effective, en droit et dans la pratique, contre toutes les formes de discrimination et de violence fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, y compris les atteintes commises par des policiers, et faire en sorte que ces violations donnent lieu sans tarder à une enquête efficace, que leurs auteurs aient à rendre des comptes et soient passibles de peines proportionnées à la gravité des faits et que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

c) Lutter contre les stéréotypes et préjugés négatifs à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, y compris en organisant des formations et des campagnes de sensibilisation à l’intention des juges, des procureurs, des responsables de l’application des lois et du grand public.

Égalité entre hommes et femmes

20.Le Comité prend note de la modification du règlement de 1935 sur l’aménagement du territoire, qui a supprimé certaines dispositions discriminatoires, mais il est préoccupé par le fait que des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes en ce qui concerne le mariage, la succession et la propriété sont toujours en vigueur dans des lois sur le statut personnel, parmi lesquelles la loi de 1951 sur le mariage et le divorce musulmans et le règlement de Jaffna de 1911 sur les droits matrimoniaux et la succession. Le Comité relève l’effet positif des quotas de femmes pour les postes des autorités locales, mais il regrette la faible représentation politique des femmes aux niveaux national et provincial et les allégations de harcèlement et d’agressions verbales, par exemple des commentaires diffamatoires et sexistes de responsables politiques et de fonctionnaires de haut rang, que subiraient des députées et des candidates. Le Comité prend note avec préoccupation de la persistance d’attitudes patriarcales et de stéréotypes discriminatoires concernant les rôles des hommes et des femmes et l’image des femmes dans les médias (art. 2, 3, 25 et 26).

21.L’État partie devrait redoubler d’efforts pour garantir l’égalité des sexes en droit et dans la pratique. En particulier, il devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour  :

a)Abroger ou modifier les dispositions discriminatoires de son droit écrit et de son droit coutumier, en particulier des lois sur le statut personnel, dont la loi sur le mariage et le divorce musulmans et le règlement de Jaffna sur les droits matrimoniaux et la succession ;

b)Assurer la pleine et égale participation des femmes à la vie politique et publique, y compris dans les organes exécutifs, judiciaires et législatifs aux niveaux national et provincial, en particulier aux postes de décision, en prenant le cas échéant des mesures temporaires spéciales telles que des quotas ;

c)Protéger les candidates et les femmes politiques contre le harcèlement, les agressions verbales et la violence, notamment en dénonçant et en sanctionnant ces actes ;

d) Éliminer les stéréotypes sexistes concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, y compris au moyen de campagnes de sensibilisation, et encourager les médias à présenter les femmes comme participant activement à la vie publique et politique.

Violence à l’égard des femmes, y compris violence familiale

22.Le Comité est préoccupé par l’ampleur de la violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale et la violence sexuelle, qui prend parfois la forme de corruption sexuelle, en particulier à l’égard des veuves et des divorcées et des femmes qui cherchent à obtenir des informations sur des détenus ou des services publics. Il s’inquiète particulièrement de ce que les faits de violence à l’égard des femmes ne soient pas suffisamment signalés en raison des coutumes socioculturelles qui tolèrent ces actes, de la défiance à l’égard de la police et du système judiciaire et des obstacles qui entravent l’accès effectif à la justice, par exemple l’obligation qui est faite aux victimes de participer à une médiation. Il prend note avec préoccupation des témoignages qui font état de la lenteur des enquêtes sur les cas de violence à l’égard des femmes, du caractère arbitraire de leurs conclusions, du faible taux de déclarations de culpabilité et de l’inefficacité des sanctions. Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur la mise en œuvre partielle du plan d’action national pour lutter contre la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre (2016-2020), mais il regrette de n’avoir reçu aucun renseignement sur la réduction du nombre de faits de violence ou l’augmentation du nombre de poursuites qui en aurait découlé (art. 2, 3, 6, 7 et 26).

23.L’État partie devrait redoubler d’efforts pour :

a)Encourager le signalement des cas de violence à l’égard des femmes, notamment en veillant à ce que toutes les femmes aient accès à différents moyens de signalement, soient informées de leurs droits et disposent de recours et en s’employant à faire évoluer les mentalités négatives qui entravent le signalement, par exemple au moyen de campagnes de sensibilisation ;

b)Enquêter sur toutes les allégations de violence à l’égard des femmes, y compris de violence familiale, de violence sexuelle, de viol conjugal et de corruption sexuelle, engager des poursuites, condamner les personnes déclarées coupables à des peines proportionnées à la gravité des faits et offrir aux victimes une réparation intégrale, des services juridiques, médicaux et psychologiques et une aide à la réadaptation ainsi que des moyens de protection, par exemple des centres d’accueil d’urgence dotés de ressources suffisantes sur tout le territoire ;

c)Former les agents publics, notamment les juges, les avocats, les procureurs et les responsables de l’application des lois, à la façon de repérer et de traiter les cas de violence à l’égard des femmes, y compris de violence familiale et de violence sexuelle ;

d) Adopter une législation qui interdise expressément le viol conjugal.

Peine de mort

24.Tout en prenant note du moratoire que l’État partie observe de longue date sur l’application de la peine capitale, le Comité s’inquiète de ce que les condamnations à mort restent fréquentes. Il est également préoccupé par le fait que la peine de mort reste automatique pour certains crimes, que des infractions qui ne comptent pas parmi les « crimes les plus graves » au sens de l’article 6 (par. 2) du Pacte soient passibles de la peine capitale et que la possibilité d’une grâce ou d’une commutation de peine soit expressément exclue pour certains crimes passibles de la peine de mort. Il note avec préoccupation qu’il n’a pas reçu les informations qu’il avait demandées à propos des mesures prises pour abolir la peine capitale et ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort (art. 6).

25.Compte tenu de l’observation générale n o  36 (2018) sur le droit à la vie, l’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires, y compris des mesures d’ordre législatif, pour faire en sorte que la peine de mort soit réservée aux crimes les plus graves et qu’elle ne soit jamais automatique, et que la grâce ou la commutation de peine puissent dans tous les cas être accordées, indépendamment de l’infraction commise. L’État partie devrait également veiller à ce que, en tout état de cause, la peine de mort ne soit jamais imposée en violation du Pacte, notamment en violation des garanties d’un procès équitable. Le Comité engage l’État partie à dûment envisager d’abolir la peine de mort, de maintenir le moratoire et d’adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, visant à abolir la peine de mort.

Interdiction de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants

26.Le Comité est profondément préoccupé par le recours fréquent à la torture et aux mauvais traitements par la police et les forces de sécurité dans les lieux de détention, en particulier contre des personnes arrêtées et détenues en application de la loi sur la prévention du terrorisme, qui a provoqué des décès en détention. Il s’inquiète du fait que des aveux obtenus par la torture aient été admis comme preuves devant les tribunaux et que les magistrats n’aient pas l’obligation mais seulement le droit de faire transférer dans un lieu sûr les détenus qui signalent des faits de torture ou de mauvais traitements. Il regrette de ne pas avoir reçu les renseignements qu’il avait demandés sur le nombre d’allégations de torture et de mauvais traitements formulées au cours de la période considérée et sur la suite qui leur a été donnée (art. 2 et 7).

27.L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures en vue de faire cesser l’utilisation de la torture et des mauvais traitements, notamment en faisant en sorte :

a)Que tous les cas de torture, de mauvais traitements et de décès en détention fassent rapidement l’objet d’une enquête indépendante et approfondie, que les responsables soient traduits en justice et condamnés comme il se doit et que les victimes reçoivent une réparation intégrale ;

b)Que les plaignants soient protégés contre les représailles, que tous les cas de représailles fassent rapidement l’objet d’une enquête indépendante et approfondie et que les responsables soient poursuivis et, s’ils sont déclarés coupables, condamnés ;

c)Que les aveux obtenus par la torture et des mauvais traitements, en violation de l’article 7 du Pacte, ne soient en aucun cas admis par les tribunaux et que ce soit à l’accusation qu’il incombe de prouver que les aveux ont été volontaires ;

d)Que les salles d’interrogatoire des postes de police et autres lieux de privation de liberté soient équipées de dispositifs d’enregistrement audio et vidéo et que ces dispositifs soient utilisés pour prévenir la torture et les mauvais traitements ;

e) Que les juges, les procureurs, les avocats, les agents de sécurité et les responsables de l’application des lois bénéficient régulièrement de formations dans le domaine des droits de l’homme, notamment à propos du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) .

Liberté et sécurité de la personne

28.Le Comité est préoccupé par les cas signalés d’arrestations et de détentions arbitraires de manifestants détracteurs du Gouvernement, de syndicalistes, de Tamouls et de musulmans, y compris de musulmanes arrêtées parce qu’elles portaient le niqab. Il s’inquiète en outre de ce que les personnes arrêtées ou détenues ne bénéficient pas toujours de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur détention, par exemple le droit de consulter rapidement un avocat, d’être vues par un médecin de leur choix et d’être présentées rapidement à un juge. Il est également préoccupé par la durée, souvent longue, des détentions provisoires, par l’incohérence des dispositions relatives à la libération sous caution, par l’inaccessibilité, dans la pratique, des mesures de substitution à la détention et par le fait que les autorités ne tiennent pas compte de la durée de la détention provisoire lorsqu’elles fixent la peine définitive (art. 9 et 14).

29.L’État partie devrait redoubler d’efforts pour :

a)Que toutes les allégations d’arrestations et de détentions arbitraires, en particulier de détracteurs du Gouvernement, de manifestants, de syndicalistes et de membres de groupes minoritaires, fassent rapidement l’objet d’une enquête efficace et indépendante, que les responsables soient traduits en justice et que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

b)Que toutes les personnes privées de liberté jouissent, en droit et dans la pratique, dès le début de leur détention, de toutes les garanties juridiques et de procédure fondamentales, en particulier le droit de contacter rapidement un membre de leur famille ou toute autre personne de leur choix, le droit de s’entretenir dans les plus brefs délais et en toute confidentialité avec un avocat qualifié et indépendant ou, au besoin, un avocat commis d’office au titre de l’aide juridictionnelle, conformément aux Principes de base relatifs au rôle du barreau, le droit d’être examinées par un médecin indépendant et le droit d’être présentées devant un tribunal compétent, indépendant et impartial dans un délai de quarante-huit heures ;

c) Que la détention provisoire ne soit utilisée qu’à titre exceptionnel et pour une durée limitée, que des mesures autres que la détention provisoire, comme prévu dans les Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo), soient plus souvent appliquées et que la durée de la détention provisoire soit bien prise en compte lors de la fixation de la peine définitive.

Indépendance de la justice

30.Le Comité est préoccupé par le fait que le Conseil de la magistrature, compétent pour la nomination, la promotion et la mutation des juges des tribunaux de première instance, soit composé de trois juges de la Cour suprême nommés par le Président, ce qui permet au pouvoir exécutif d’exercer une influence indue. Il s’inquiète en outre des allégations de représailles ou de pressions que des juges de la Cour suprême et de la Cour d’appel auraient subies, au moyen de procédures de destitution reposant sur des motifs flous et politiques, et regrette de n’avoir reçu aucune information sur les mesures concrètes qui ont été prises pour protéger les juges d’une destitution arbitraire (art. 14).

31.L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la pleine indépendance et l’impartialité totale des magistrats du siège et du parquet et garantir leur liberté d’agir sans aucun type de pression ou d’interférence indues de la part du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif. À cette fin, il devrait  :

a)Veiller à ce que les procédures de sélection, de nomination, de suspension, de mutation, de destitution et de sanction des juges et des procureurs soient conformes au Pacte et aux normes internationales pertinentes, dont les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature et les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet, et à ce que les entités qui ont la responsabilité de ces procédures, parmi lesquelles le Conseil de la magistrature, puissent s’acquitter de leur charge en toute indépendance et impartialité sans ingérence du politique ;

b) Revoir et réviser les procédures en vigueur de destitution des juges pour s’assurer que la destitution n’est pas utilisée comme une mesure de représailles ou pour exercer une pression indue sur les magistrats.

Administration de la justice

32.Le Comité est préoccupé par les retards excessifs pris dans les procès et par l’arriéré judiciaire qui en découle, y compris s’agissant d’infractions graves contre des enfants. Il regrette en outre que les personnes de langue tamoule n’aient pas accès à la justice dans des conditions d’égalité en raison de l’utilisation limitée de leur langue dans les procédures judiciaires et de l’absence de services d’interprétation et de traduction (art. 14).

33.L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour :

a)Réduire efficacement l’arriéré judiciaire, notamment en allouant davantage de ressources financières à la justice et en augmentant le nombre de juges, de procureurs et d’avocats d’office formés ;

b) Offrir gratuitement des services de traduction et d’interprétation à tous les défendeurs qui ne comprennent pas ou ne parlent pas la langue utilisée au tribunal.

Personnes déplacées

34.Le Comité prend note des efforts que l’État partie déploie pour réinstaller des personnes déplacées et restituer à leurs propriétaires civils des terrains privés détenus par l’armée, mais il demeure préoccupé par les informations selon lesquelles de nouveaux terrains sont accaparés par l’armée, à coup de menaces et d’intimidations, et d’autres ne sont restitués que partiellement, l’armée gardant le contrôle des parcelles adjacentes aux terres restituées. Il s’inquiète également de la réinstallation forcée de Tamouls comme suite à l’annexion de leurs terres traditionnelles pour des projets d’irrigation et d’aménagement du territoire, et du fait que la communauté concernée n’ait obtenu aucune réparation. Il prend note avec inquiétude des informations selon lesquelles des différends fonciers surviendraient fréquemment à propos de la construction de sites de conservation du patrimoine archéologique bouddhiste et de conservation de forêts, en particulier dans les provinces essentiellement peuplées de Tamouls et de musulmans, différends qui entravent la réconciliation et engendrent de nouveaux conflits. Il se déclare préoccupé par l’expansion incessante et la multiplication des zones militaires, des infrastructures de sécurité et des entreprises militaires dans les provinces du Nord et de l’Est, alors que l’État partie s’était engagé à réduire la présence militaire dans ces provinces (art. 2, 7, 12 et 26).

35.L’État partie devrait redoubler d’efforts pour reconnaître et protéger les droits des personnes déplacées et leur apporter des solutions durables, telles qu’un logement convenable, en consultation avec elles et conformément au Pacte, aux Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays et aux autres normes internationales pertinentes. En particulier, il devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour  :

a)Que les terrains privés détenus par l’armée soient intégralement restitués à leurs propriétaires civils légitimes ;

b)Mettre fin à l’accaparement et à l’annexion de terres par l’armée, en particulier de terres tamoules, en vue de prévenir la réinstallation forcée de la communauté tamoule, et accorder une réparation intégrale aux membres de la communauté touchée ;

c)Que les différends fonciers soient tranchés de manière impartiale de sorte à ne pas perpétuer et aggraver les tensions et les conflits ethnoreligieux ;

d) Réduire les opérations et la présence militaires dans les provinces du Nord et de l’Est de sorte qu’elles aient aussi peu d’incidences que possible sur les moyens de subsistance des personnes déplacées à l’intérieur du pays et des rapatriés.

Traitement des réfugiés et des demandeurs d’asile

36.Le Comité prend note des renseignements communiqués par l’État partie sur les mesures de protection prises en faveur des réfugiés et des demandeurs d’asile immédiatement après les attentats à la bombe du dimanche de Pâques 2019, mais il reste préoccupé par les informations selon lesquelles les réfugiés et les demandeurs d’asile subissent une discrimination et une hostilité accrues, continuent de faire l’objet d’arrestations, de détentions et d’expulsions arbitraires et ne sont pas assez protégés (art. 2, 7, 12 et 26).

37.L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour mieux protéger les réfugiés et les demandeurs d’asile. À cette fin, il devrait  :

a)Adopter une loi qui définisse les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile et les procédures y afférentes, conformément au Pacte et aux autres normes internationales pertinentes, dont le principe de non-refoulement, et envisager de ratifier la Convention relative au statut des réfugiés et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie ;

b)Faire en sorte que toutes les allégations de discrimination et de violence à l’égard de réfugiés ou de demandeurs d’asile fassent sans délai l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales, que les responsables présumés soient poursuivis, et condamnés s’ils sont reconnus coupables, et que les victimes obtiennent réparation ;

c) Sensibiliser la population et les agents publics concernés, tels que les juges, les procureurs, les avocats, les responsables de l’application des lois et le personnel des services d’immigration, notamment par des campagnes d ’ information, pour lutter contre les stéréotypes et les opinions négatives à l’égard des réfugiés et des demandeurs d’asile, s’agissant en particulier de l’appartenance ethnique et de la religion.

Liberté de conscience et de croyance religieuse

38.Le Comité note que la Constitution reconnaît le bouddhisme, l’islam, l’hindouisme et le christianisme, mais constate avec préoccupation que son article 9 donne toujours la primauté au bouddhisme. Il est préoccupé par la persistance de l’hostilité ethnoreligieuse contre des groupes religieux minoritaires, de la discrimination, de la violence, des discours de haine et de la mésinformation, en ligne et hors ligne, ainsi que de l’incitation à la haine et à la violence à l’égard de ces groupes. Il s’inquiète également des allégations de discrimination visant des minorités religieuses et d’attaques contre leurs lieux de culte (art. 2, 19, 20 et 26).

39.L’État partie devrait redoubler d’efforts pour garantir le droit à la liberté de religion ou de conviction pour tous et régler les tensions entre les communautés ethniques et religieuses. À cette fin, il devrait  :

a)Lutter contre la discrimination, les discours de haine et l’incitation à la haine et à la violence, assimilables à une persécution, visant les minorités ethniques et religieuses, et veiller à ce que ces actes fassent rapidement l’objet d’une enquête indépendante et efficace, à ce que leurs auteurs soient traduits en justice et passibles de peines proportionnées à la gravité des faits et à ce que les victimes obtiennent une réparation intégrale ;

b) S’efforcer d’atténuer les tensions ethnoreligieuses, par exemple en favorisant un dialogue ouvert entre les différents groupes ethniques et religieux, en permettant des débats publics sur les tensions et les conflits existants, en promouvant l’harmonie et la tolérance interethniques et interconfessionnelles et en brisant les préjugés et les stéréotypes négatifs, notamment à l’école, à l’université et dans les médias.

Liberté d’expression

40.Le Comité est préoccupé par les allégations de graves restrictions de la liberté d’opinion et d’expression au sein de l’État partie, par exemple :

a)Le harcèlement, l’intimidation, la surveillance, les disparitions et le meurtre, en toute impunité, de journalistes, d’autres professionnels des médias et de défenseurs des droits de l’homme, par exemple la disparition du journaliste et militant Prageeth Ekneligoda en 2010, le meurtre du journaliste Lasantha Wickrematunge en 2009 et le meurtre de 17 employés de l’organisation non gouvernementale Action contre la faim en 2006 ;

b)L’utilisation à mauvais escient de la loi no 56 de 2007 sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques pour étouffer la liberté d’expression, et le fait que les autorités ne libèrent pas sous caution en temps voulu les personnes inculpées en application de cette loi ;

c)Le blocage de plateformes de médias sociaux avant et pendant les manifestations antigouvernementales en 2022, ainsi que les restrictions à la liberté d’expression en ligne envisagées dans la proposition, approuvée en avril 2021 par le Conseil des ministres, visant l’élaboration d’une loi sur les déclarations fausses et trompeuses sur Internet (art. 6, 9 et 19).

41.L’État partie devrait s’assurer immédiatement que chacun peut exercer librement son droit à la liberté d’expression, conformément à l’article 19 du Pacte et à l’observation générale n o  34 (2011) sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression, et que toute restriction à l’exercice de la liberté d’expression soit parfaitement conforme aux critères stricts énoncés à l’article 19 (par. 3) du Pacte. À cette fin, il devrait  :

a)Prévenir et combattre efficacement les actes de harcèlement, d’intimidation et de violence, y compris les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées, visant des journalistes, d’autres professionnels des médias, des défenseurs des droits de l’homme et d’autres acteurs de la société civile, pour que ces personnes puissent faire leur travail sans craindre de subir des violences ou des représailles ;

b)Mener rapidement des enquêtes efficaces et impartiales sur les allégations de menaces ou de violences à l’égard de journalistes, d’autres professionnels des médias, de défenseurs des droits de l’homme et d’autres acteurs de la société civile, traduire les auteurs en justice et offrir aux victimes des recours utiles et une indemnisation ;

c)S’abstenir de poursuivre en justice et de placer en détention, y compris en application de la loi sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, des journalistes, d’autres professionnels des médias, des défenseurs des droits de l’homme et d’autres acteurs de la société civile dans le but de les dissuader ou de les décourager d’exprimer librement leurs opinions ;

d) Veiller à ce que toutes les restrictions imposées en droit et dans la pratique à la liberté d’expression en ligne soient conformes au Pacte, en particulier à ses articles 19 (par. 3) et 20.

Liberté de réunion pacifique et d’association

42.Le Comité est préoccupé par le fait que la Constitution de l’État partie soumette le droit à la liberté de réunion pacifique et d’association à des restrictions supplémentaires au motif de l’harmonie raciale et religieuse, qui sont utilisées pour cibler les minorités ethniques et religieuses et restreindre leur liberté de réunion pacifique et d’association. Il prend note avec inquiétude du recours excessif à la force pour disperser des rassemblements pacifiques, de l’application de la législation antiterroriste à des manifestants et de l’absence d’enquêtes et de poursuites efficaces dans ces cas. Il est préoccupé par les obstacles à l’enregistrement des organisations non gouvernementales et par le fait que les demandes d’organisations travaillant sur des questions politiquement sensibles soient souvent rejetées. Il déplore également les allégations de harcèlement et de surveillance de membres de la société civile par la police et les services de renseignement (art. 21, 22 et 26).

43.L’État partie devrait :

a)Revoir et modifier sa législation et ses pratiques de sorte que chacun jouisse pleinement de son droit de réunion pacifique et d’association et que les organisations de la société civile et les autres parties prenantes soient véritablement consultées, en toute ouverture et transparence, dans le cadre de tous les processus de révision ;

b)Veiller à ce que toute restriction du droit de réunion pacifique et d’association, y compris par l’application de sanctions administratives et pénales à des personnes exerçant ce droit, soit conforme aux critères stricts fixés par les articles 21 et 22 du Pacte ;

c)Faire en sorte que les allégations d’usage excessif de la force pendant des manifestations pacifiques et de harcèlement, de violences et de surveillance à l’égard de membres de la société civile fassent sans délai l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales, que les responsables présumés soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés et que les victimes obtiennent réparation ;

d) Faire en sorte que les responsables de l’application des lois et les agents de sécurité bénéficient régulièrement de formations adéquates sur la liberté de réunion pacifique et d’association, les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et les Lignes directrices des Nations Unies basées sur les droits de l’homme portant sur l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois.

Participation à la conduite des affaires publiques

44.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la place centrale donnée au singhalais dans les institutions publiques empêche les musulmans et les tamouls de participer à la conduite des affaires publiques. Il s’inquiète également des allégations d’achats de voix, d’actes de corruption politique et de tentatives ayant visé à empêcher et à dissuader les membres des minorités de voter, y compris au moyen d’agressions violentes et de barrages routiers non autorisés, lors des élections présidentielles de 2015 et de 2019. Il relève avec préoccupation l’absence d’informations sur les mesures prises pour permettre à la Commission électorale d’exercer son mandat en toute indépendance et conformément à la loi. Il regrette que les élections locales, qui devaient se tenir le 9 mars 2023, n’aient pas eu lieu au motif d’un manque de ressources financières et aient été reportées à plusieurs reprises (art. 25 et 26).

45.L’État partie devrait garantir la pleine jouissance du droit de participer à la conduite des affaires publiques, en particulier aux membres des groupes ethniques, linguistiques et religieux minoritaires, et mettre ses règlements et pratiques électoraux en pleine conformité avec le Pacte, notamment son article 25. En particulier, il devrait veiller à ce que toutes les allégations d’irrégularités électorales fassent rapidement l’objet d’une enquête efficace et indépendante et à ce que les auteurs des faits soient traduits en justice. À cet égard, il devrait garantir l’efficacité et l’indépendance de la Commission électorale et veiller à ce que les élections locales prévues aient bien lieu.

D.Diffusion et suivi

46. L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, du premier Protocole facultatif s’y rapportant, de son sixième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait faire en sorte que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans ses autres langues officielles.

47. Conformément au paragraphe 1 de l’article 75 du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 24 mars 2026 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 10 (Commission des droits de l’homme de Sri Lanka), 17 (mesures de lutte contre le terrorisme) et 29 (liberté et sécurité de la personne).

48. Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 26 mars 2029 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations formulées dans les présentes observations finales et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Il demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots.