NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils et politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/C/LKA/2002/4

18 octobre 2002

FRANÇAIS

Original : ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES

EN VERTU DE L’ARTICLE 40 DU PACTE

Quatrième rapport périodique

SRI LANKA *

[18 septembre 2002]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

Page

Introduction

Article premier

Article 2

Article 3

Articles 4 et 5

Article 6

Article 7

Article 8

Article 9

Article 10

Article 11

Article 12

Article 13

Article 14

Article 15

Article 16

Article 17

Article 18

Article 19

Article 20

Article 21

Article 22

Article 23

Article 24

Article 25

Article 26

Article 27

Liste des annexes

1

2 - 4

5 - 85

86 - 127

128 - 141

142 - 170

171 - 196

197

198 - 232

233 - 248

249

250 - 256

257

258 - 334

335

336 - 338

339 - 340

341 - 350

351 - 364

365 - 366

367 - 368

369 - 282

383 - 412

413 - 475

476 - 518

519

520 - 548

3

3

4

23

31

35

40

46

46

55

58

58

60

61

77

78

78

78

81

84

85

85

88

93

107

115

115

128

Introduction

1.Le troisième rapport de Sri Lanka sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques a été présenté au Comité des droits de l’homme en 1994. Le présent rapport (qui regroupe les quatrième et cinquième rapports) met en relief les faits nouveaux survenus pendant la période comprise entre 1991 et avril 2002. En outre, il expose les initiatives prises par le gouvernement à la suite des recommandations formulées et des préoccupations exprimées par le Comité ainsi que d’autres événements qui ont contribué à améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays.

Article premier - Droit à l’autodétermination

2.Sri Lanka continue de reconnaître le droit à l’autodétermination consacré au paragraphe 2 de l’Article premier et à l’Article 55 de la Charte des Nations Unies, tel qu’il a été réaffirmé et développé dans la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux adoptée par l’Organisation des Nations Unies en 1960, la Déclaration de 1970 sur les principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États, la Déclaration des Nations Unies de 1992 relative aux droits des minorités et la Déclaration et le Programme d’action de Vienne de juin 1993. Néanmoins, cela ne signifie pas que Sri Lanka voit une norme internationale qui puisse justifier une sécession unilatérale débouchant sur la fragmentation d’États-nations existants. En fait, Sri Lanka a toujours suivi ce principe dans sa pratique touchant la reconnaissance des États. Cette position est conforme au droit d’autodétermination tel qu’il est prévu dans la Charte des Nations Unies.

3.Bien que le paragraphe 2 de l’Article premier et l’Article 55 de la Charte des Nations Unies reconnaissent le droit à l’autodétermination, le paragraphe 4 de l’Article 2 dispose que «les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies». La Charte considère par conséquent que ce droit ne doit être exercé que dans le cadre du principe d’intégrité territoriale.

4. De même, les principaux instruments internationaux qui ont été élaborés pour développer ce droit ne se sont jamais écartés du principe primordial de l’intégrité territoriale. La Déclaration de 1970 sur les principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États, instrument rédigé dans le but de renforcer et d’interpréter le droit à l’autodétermination tel qu’énoncé dans la Charte des Nations unies et dans d’autres instruments internationaux majeurs relatifs aux droits de l’homme, reconnaît clairement que le droit à l’autodétermination ne doit pas être interprété comme «autorisant ou encourageant une action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique de tout État souverain et indépendant se conduisant conformément au principe de l’égalité de droits et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes». Cette position a été réitérée à l’article II de la Déclaration de Vienne de 1993, qui dispose ce qui suit : «En application de la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, [droit à l’autodétermination] ne devra pas être interprété comme autorisant ou encourageant aucune mesure de nature à démembrer le territoire ou compromettre, en totalité ou en partie, l’intégrité territoriale ou l’unité politique d’États souverains et indépendants…».

Article 2 - Mécanismes de défense des droits de l’homme

5. Le Titre III de la Constitution de la République démocratique socialiste de Sri Lanka énumère les droits fondamentaux garantis par la Constitution afin de faire en sorte que les principes relatifs à la protection des droits fondamentaux ne soient pas enfreints pour des raisons de simple convenance. Les rédacteurs de la Constitution ont tenu à ce que ces principes soient consacrés comme normes fondamentales afin de les mettre hors de portée de majorités temporaires au Parlement ou d’agents publics.

6. Certains des droits fondamentaux consacrés dans la Constitution ne peuvent être revendiqués que par des nationaux, tandis que d’autres s’appliquent également aux étrangers. L’article 10 (droit à la liberté de religion, droit à la liberté de conscience et droit de changer de religion), l’article 11 (droit d’être à l’abri de traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants), le paragraphe1 de l’article 12 (droit à l’égalité et à une protection égale de la loi), le paragraphe 3 du même article (droit de ne pas faire l’objet de discrimination pour des motifs de race, de religion, de langue, de caste, de sexe ou de motifs semblables en ce qui concerne l’accès aux magasins, aux restaurants publics, aux hôtels, aux établissements de loisir et aux lieux du culte où est pratiquée sa religion ou de ne pas être soumis à des responsabilités ou à des restrictions pour de tels motifs), ainsi que l’article13 (droit d’être à l’abri d’arrestations, de détentions et de châtiments arbitraires et interdiction de l’application rétroactive de la législation pénale) n’établissent aucune distinction, dans leur application, entre nationaux et non-nationaux. Le paragraphe 2 de l’article 12 (qui interdit la discrimination pour des motifs de sexe, de caste, de religion, de langue, de race, d’opinion politique et de lieu de naissance) et l’article 14 (liberté d’expression, liberté de réunion pacifique, liberté d’association, liberté de manifester, individuellement ou en association avec d’autres et en public ou en privé, ses convictions religieuses dans l’observation, la pratique et l’enseignement du culte et droit de promouvoir, individuellement ou en association avec d’autres, sa propre culture et d’utiliser sa propre langue, droit de se livrer, individuellement ou en association avec d’autres, à une occupation, une profession, un commerce, un métier ou une entreprise licite, liberté de déplacement, droit de choisir sa propre résidence à Sri Lanka et droit de retourner à Sri Lanka) ne s’appliquent cependant qu’aux citoyens sri lankais et, pendant une période de dix ans suivant la date de promulgation de la Constitution, aux personnes qui avaient légalement leur résidence permanente à Sri Lanka immédiatement avant la promulgation de la Constitution et qui, à l’époque, n’étaient pas ressortissants d’un autre pays.

7. La raison d’être de cette distinction entre ressortissants et non-ressortissants en ce qui concerne la protection des droits individuels de la personne humaine est de sauvegarder la souveraineté économique et politique des citoyens sri lankais. De plus, les droits énumérés aux articles 10 et 11, au paragraphe 1 de l’article 12 et à l’article 13 peuvent être considérés comme des normes universelles en matière de droits de l’homme qui constituent des principes solidement établis du droit international et qui sont par conséquent d’applicabilité universelle, tandis que les droits énoncés au paragraphe 2 de l’article 12 et à l’article 14 ne sont pas considérés comme des préceptes universellement acceptés du droit international et sont relatifs selon le contexte dans lequel ils s’appliquent.

8. La Constitution de Sri Lanka, en prévoyant à son article 17 un mécanisme d’exécution, garantit que les droits fondamentaux qu’elle consacre ne soient pas simplement considérés comme des droits moraux et éthiques mais aussi comme des droits juridiquement exécutoires. L’article 17 de la Constitution prévoit le droit de recours devant la Cour suprême en cas de violation ou de violation imminente des droits fondamentaux par une mesure de l’exécutif ou une mesure administrative. Cet article se lit comme suit :

«Toute personne a le droit, comme prévu à l’article 126, de saisir la Cour suprême en cas de violation ou de violation imminente, par un acte de l’exécutif ou un acte administratif, d’un droit fondamental qu’elle peut revendiquer en vertu des dispositions du présent Titre.»

9. Étant donné que cet article fait lui-même partie du Titre III de la Constitution, qui est celui qui énumère les dispositions relatives à la protection des droits fondamentaux garantis dans la Constitution, le droit prévu à l’article 17 de saisir la Cour suprême en cas de violation ou de violation imminente d’un droit fondamental peut être considéré comme un droit fondamental ayant en soi un caractère exécutoire.

10. Les modalités selon lesquelles la Cour suprême peut exercer et invoquer la juridiction dont elle est investie par l’article 17 sont exposées à l’article 126 de la Constitution, comme suit :

- La Cour suprême a compétence exclusive pour connaître de toute question relative à la violation par un acte de l’exécutif ou un acte administratif de tout droit fondamental ou de tout droit linguistique proclamé et reconnu par les Titres III ou IV ainsi que de statuer à ce sujet.

- Toute personne qui allègue que l’un quelconque des droits susmentionnés a été enfreint ou est sur le point de l’être par un acte de l’exécutif ou un acte administratif peut, directement ou par l’entremise d’un avocat, dans un délai d’un mois, conformément au règlement judiciaire en vigueur, saisir par écrit la Cour suprême pour obtenir réparation. La requête n’est examinée que si elle est jugée recevable par deux juges au moins de la Cour suprême.

- Lorsque la Cour d’appel saisie d’une requête en promulgation d’une ordonnance d’ habeas corpus, de certiorari , d’interdiction, de procedendo , de mandamus ou de quo warranto , considère qu’une violation ou une violation imminente des dispositions des Titres III ou IV de la Constitution est à première vue établie par l’auteur de la requête, elle met immédiatement la question à la Cour suprême.

- Lorsqu’elle est saisie de la requête visée aux paragraphes 2 et 3 du présent article, la Cour suprême est habilitée à ordonner les mesures qui lui paraissent justes et équitables en l’occurrence ou, si elle considère qu’il n’y a pas violation de l’un des droits fondamentaux susmentionnés, elle renvoie l’affaire à la Cour d’appel.

- La Cour suprême statue sur toute requête présentée conformément au présent article dans les deux mois suivant la date à laquelle elle a été déposée.

Qualité pour agir

11. Dans les affaires Paliyawadana contre Ministre de la justice et al. et Somawathie contre Weerasinghe , la Cour suprême a décidé que seule la personne dont les droits fondamentaux ont été violés ou sont sur le point de l’être peut saisir la Cour suprême. Par conséquent, aucun recours ne peut être formé devant elle pour le motif que les droits fondamentaux d’une tierce partie auraient été violés ou seraient sur le point de l’être. La seule nuance apportée à cette jurisprudence tient aux règles régissant la procédure à suivre devant la Cour suprême en ce qui concerne les affaires touchant des droits fondamentaux. Le paragraphe 2 de l’article 44 du Règlement de 1990 de la Cour suprême, qui est actuellement applicable aux requêtes touchant la violation des droits fondamentaux, stipule que si, pour une raison quelconque, la personne dont les droits fondamentaux ou les droits linguistiques ont été violés ou sont sur le point de l’être ne peut pas signer une procuration désignant un avocat pour agir en son nom, toute autre personne autorisée par elle (que ce soit oralement ou de toute autre manière, directement ou indirectement) à retenir les services d’un avocat pour agir en son nom peut signer une procuration pour elle. De même, conformément au paragraphe 3 du même article, un avocat peut soumettre une requête pour le compte de toute personne lésée sans qu’une procuration ait été signée en sa faveur si :

a) La requête contient une déclaration sous serment selon laquelle elle est faite au nom de la personne désignée, et

b) La requête est signée par l’intéressé ou par son avocat ou encore par un autre avocat désigné par ce dernier.

12. Outre les règles susmentionnées, le paragraphe 7 de l’article 44 habilite la Cour suprême à se saisir elle-même d’une violation alléguée ou d’une violation imminente sans dépôt d’une requête formelle. Lorsqu’une telle violation est portée par écrit à l’attention de la Cour suprême ou de l’un de ses juges, le Président de la Cour peut renvoyer l’affaire à un juge unique siégeant comme Chambre de la cour. Si la plainte semble à première vue fondée, le juge peut ordonner que la plainte soit considérée comme une requête, même si celle-ci n’a pas été présentée conformément au Règlement de la Cour. Il doit néanmoins s’assurer que la personne dont les droits fondamentaux ont été lésés n’a pas ou n’a pas eu le moyen de former un recours conformément au Règlement et que l’intéressé a subi ou risque de subir un préjudice substantiel du fait de la violation de ces droits. Si ces conditions sont remplies, la plainte est communiquée à la Commission de l’assistance judiciaire ou à tout avocat membre d’un groupe ou d’une organisation constituée aux fins de déposer une requête formelle devant la Cour suprême. Si le plaignant n’est pas lui-même la personne lésée, le Greffier de la Cour suprême peut recevoir pour instruction de déterminer, en consultant la personne visée par la plainte, si celle-ci souhaite qu’il y soit donné suite. Si l’intéressé informe la Cour qu’il ne souhaite pas qu’une suite quelconque soit donnée à cette plainte, il est mis fin à la procédure.

Acte de l’exécutif ou acte administratif

13. L’article 17 de la Constitution de Sri Lanka mentionne la violation de droits fondamentaux par un «acte de l’exécutif ou acte administratif». Bien que la Constitution exclue spécifiquement les décisions judiciaires et les lois du champ d’application de l’article 17, elle ne contient pas de définition précise de ce qu’il faut entendre par «acte de l’exécutif ou acte administratif», et cette définition a été laissée à la jurisprudence.

14. Bien que les décisions judiciaires aient été exclues du champ d’application de l’article 17, les tribunaux ont considéré que cette immunité ne s’étend pas aux cas dans lesquels aucun pouvoir discrétionnaire n’ait laissé au magistrat. Dans l’affaire Joseph Perera contre Ministre de la justice , les requérants avaient été arrêtés en application du paragraphe 1 b) de l’article 24 du Règlement d’exception, qui stipulaient que «dans les cas où quiconque est soupçonné ou accusé d’homicide ou de tentative d’homicide, l’intéressé n’est pas libéré sous caution avant la fin du procès». Ainsi, le Règlement d’exception interdisait à un magistrat d’accorder la liberté sous caution à un suspect inculpé en vertu de leur position. Les requérants avaient été arrêtés le 26 juin1986 et étaient restés en garde à vue jusqu’au 15 juillet 1986, date à laquelle ils avaient comparu devant le magistrat qui avait ordonné leur détention provisoire. Ils n’avaient été libérés sous caution que le 7 août 1986 alors même que la police avait achevé son enquête le 15 juillet 1986 et n’avait trouvé aucun élément probant de nature à incriminer les requérants. La Cour suprême a considéré que la période de détention qui s’était écoulée entre le 15 juillet et le 7 août était illégale alors même qu’elle avait été ordonnée par le magistrat. Le Juge L.H. de Alwis a déclaré ce qui suit : «Alors même que la dernière ordonnance de mise en détention provisoire a été formulée par le magistrat, elle ne relevait pas de son pouvoir judiciaire discrétionnaire étant donné qu’il n’en avait aucun en application du Règlement d’exception».

15. Dans l’affaire Jayanetti contre Commission de réforme foncière , le requérant avait prétendu que l’expression «exécutif», à l’article 126, devait être interprétée conformément à l’article 4 et avoir la même signification. L’alinéa b) de l’article 4 stipule que «le pouvoir exécutif du peuple, y compris en ce qui concerne la défense de Sri Lanka, est exercé par le Président de la République de Sri Lanka élu par le peuple». Les cinq juges de la Cour suprême ont catégoriquement rejeté cette tentative d’imposer une interprétation étroite. Ainsi, le Juge Wanasundera a fait observer que l’article 126 utilisait l’expression «acte de l’exécutif ou acte administratif» tandis que l’article 4 employait les mots «pouvoir exécutif».

16. Se référant à l’expression «acte administratif», à l’article 126, le Juge Mark Fernando, dans l’affaire Parameswary Jayatheevan contre Ministre de la justice et al. a déclaré que cette expression ne pouvait pas être interprétée littéralement, faisant valoir qu’il existait des pouvoirs qui ne pouvaient pas être rangés dans la catégorie des pouvoirs législatifs, judiciaires ou exécutifs mais qui étaient néanmoins «administratifs» au sens du droit public. Le Juge Fernando a ajouté que les actes des institutions «législatives» ou «judiciaires», des fonctionnaires de l’État ou des agents publics n’étaient pas tous exclus du champ d’application de l’article 26. La pierre de touche, a-t-il souligné, devait toujours être de savoir si l’acte attaqué avait un caractère «exécutif ou administratif» et non pas si l’institution ou la personne en question pouvait être considérée comme relevant de l’«exécutif». En définitive, par conséquent, la décision devait dépendre de la question de savoir si l’acte attaqué avait un caractère «exécutif ou administratif» et non du statut de l’institution ou de l’agent public.

17. Dans l’affaire Mohomed Fiaz contre Ministre de la justice et al. , le Juge Fernando a expliqué que l’expression «acte administratif», à l’article 126, avait pour but d’élargir la catégorie d’actes relevant de cet article. Il se pouvait par conséquent qu’un acte d’un tribunal ou d’un organe législatif portant atteinte à un droit linguistique constitue un «acte administratif» aux fins de l’article 126 alors même qu’il avait été décidé dans le contexte d’une procédure judiciaire ou législative.

18. La question de savoir si les actes d’un agent de l’État constitueraient un «acte de l’exécutif ou acte administratif» a été soulevée dans l’affaire Thadchanamoothi contre Ministre de la justice et al. . Les faits de l’espèce étaient les suivants. Le requérant alléguait avoir été torturé par trois agents de police, mais leur supérieur hiérarchique avait expressément déclaré que lui-même ou ses propres supérieurs n’avaient jamais autorisé ces actes illicites. Il était soutenu au nom de l’État qu’un acte accompli par l’un de ses représentants ne pouvait constituer un acte de l’État lui-même que s’il était accompli dans les limites des pouvoirs accordés à l’intéressé. Un acte illicite ou un acte considéré comme ultra vires ne pouvait donc pas être considéré comme un acte de l’État.

19. Sur ce point, le Juge Wanasundera, avec les opinions concurrentes des Juges Thamotheram et Ismail, était enclin à adopter, avec les modifications appropriées, les principes énoncés par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Irlande contre Royaume-Uni et dans l’affaire grecque. Dans ces deux affaires, la responsabilité de l’État avait été subordonnée à l’existence d’une «pratique administrative» tolérant les violations des droits de l’homme. Autrement dit, l’existence d’une pratique qui, bien qu’illicite et réprimée par la loi a été adoptée ou tolérée par les représentants ou les agents de l’État et ne constitue pas un ou plusieurs actes isolés contraires à la Convention, était requise. Il fallait par conséquent qu’il y ait une répétition de l’acte en question à de nombreuses occasions de manière à refléter une situation générale.

20. Il n’est cependant pas essentiel d’établir l’existence de tels actes systématiques commis au même endroit ou imputables aux agents de la même autorité de police ou de l’armée ayant pour victimes les membres d’une même catégorie politique. Les incidents auraient pu se produire en plusieurs localités aux mains d’autorités distinctes ou, à défaut, les victimes auraient pu être des personnes ayant des appartenances politiques diverses.

21. Ce qui reflète l’existence d’une pratique administrative, c’est la tolérance par les autorités supérieures des actes illégaux commis par des agents subalternes, autrement dit les supérieurs des personnes immédiatement responsables de tels actes qui, en en ayant connaissance, ne font rien pour les réprimer ou empêcher leur répétition. Il se peut également que cette autorité supérieure, face à de nombreuses allégations, manifeste son indifférence en refusant d’ouvrir une enquête sérieuse ou que, lors d’une action en justice, le requérant se voie refuser le droit de se faire équitablement entendre.

22. En l’occurrence, le Juge Wanasundera a considéré qu’il n’existait à Sri Lanka aucune «pratique administrative» de ce type qui ait été adoptée ou tolérée par l’exécutif ou l’administration. Le fait que la police poursuivait son enquête sur l’incidence alléguée au moment du dépôt de la requête semble avoir contribué à la décision de la Cour selon laquelle il n’existait pas de «pratique administrative» de ce type.

23. Bien qu’une fois encore, la Cour suprême ait refusé d’affirmer l’existence d’une «pratique administrative» dans l’affaire Velmurugu contre Ministre de la justice et al. , le Juge Wanasundera, qui a rédigé l’avis de la majorité, semble être revenu sur l’avis qu’il avait exprimé dans l’affaire Thadchanamoorthy (voir ci-dessus), étant maintenant enclin à penser que si l’État devait être tenu pour objectivement responsable des actes commis par des agents de haut rang, il ne devrait, dans le cas des agents subalternes, être responsable que pour les actes commis dans l’exercice des fonctions de ce dernier, c’est-à-dire dans les limites de leurs pouvoirs exprès ou tacites, mais aussi d’actes qui pouvaient être ultra vires et même contraires à une interdiction ou à des instructions spéciales s’ils étaient commis dans l’exercice effectif ou prétendu de leurs pouvoirs ou tout au moins dans l’intention de servir l’État.

24. Une décision claire sur la question à l’examen a été prise dans l’affaire Maridas contre Ministre de la justice et al. . Le requérant se plaignait de ce que le deuxième défendeur l’ait illégalement arrêté, mais ce dernier a produit une déclaration sous serment de l’inspecteur adjoint Godagama selon laquelle c’était lui qui avait arrêté le requérant. La Cour a décidé que l’État était responsable de l’arrestation du requérant par Godagama alors même qu’il n’avait pas été cité comme défendeur, et l’État a en conséquence été condamné à réparation.

25. Le jugement a été rédigé par le Juge Sharvananda, avec les opinions concurrentes des juges Ranasinghe et Rodrigo. Sur la question de savoir si la requête devrait être rejetée au motif que la personne qui avait arrêté le requérant n’était pas citée comme défendeur dans l’affaire, le Juge Sharvananda a déclaré ce qui suit : «Ce dont se plaint le requérant, c’est une violation de ses droits fondamentaux par un ‘acte de l’exécutif ou acte administratif’, autrement dit une violation de ses droits constitutionnels par le biais d’un agent public autoritaire ou trop zélé. La protection accordée par l’article 26 concerne la violation des droits fondamentaux par l’État par une autorité publique investie par l’État des pouvoirs de coercition nécessaires. La réparation accordée est dirigée principalement contre l’État, alors même que l’agent public délinquant puisse lui aussi être condamné à réparation et/ou à un châtiment».

26. Pour ce qui est de la question de savoir si, en tout état de cause, l’acte de l’agent en question constituait un «acte de l’exécutif ou acte administratif», le Juge Sharvananda a fait observer que l’agent impliqué était un dépositaire du pouvoir de l’État chargé de faire appliquer la loi. Dans l’exercice de ses pouvoirs de police, il représentait l’ordre exécutif de l’État. Étant donné que la commission de l’acte illicite avait été rendue possible par l’exercice du pouvoir que l’État avait confié à l’agent de police en question, l’État ne pouvait pas se dégager de la responsabilité qui lui incombait en raison de la violation alléguée.

27. L’éminent Juge a cité, en l’approuvant, l’arrêt rendu par le Juge Brandeis dans l’affaire Iowa-Des Moines National Bank contre Bennet , dans laquelle la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique avait considéré que l’État est responsable non seulement lorsqu’un agent public outrepasse ses pouvoirs mais aussi lorsqu’il méconnaît les dispositions particulières de la loi.

28. De même, dans l’affaire Vivienne Goonewardena contre Perera et al. , l’État a été jugé responsable de l’arrestation du requérant par un agent de police qui n’avait pas été cité comme défendeur mais qui avait ultérieurement déclaré sous serment avoir arrêté le requérant. Chose plus importante, le Juge Soza, qui a rendu l’arrêt au nom de la Cour, a éliminé la distinction entre la responsabilité de l’État du fait d’actes d’agents de haut rang et d’agents subordonnés établie par le Juge Wanasunsera dans l’affaire Velmurugu.

29. Dans l’affaires Saman contre Leeladasa , le Juge M.D.H. Fernando a développé davantage le concept de responsabilité de l’État découlant d’un acte administratif ou d’un acte de l’exécutif. Le requérant, en détention provisoire lors de l’incident allégué, s’était plaint de ce que le premier défendeur, gardien de prison, l’ait roué de coups, lui ait cassé un bras et lui ait infligé d’autres blessures. Alors même que le défendeur n’avait été investi d’aucune fonction spécifique en ce qui concerne le requérant, la Cour a considéré que ses actes relevaient d’une façon générale, de son emploi ou de ses attributions étant donné que l’acte du défendeur, bien que non autorisé, n’était pas à tel point étranger à ses attributions qu’il aurait été sans aucun rapport avec ses pouvoirs légitimes. De plus, il a été considéré que l’acte allégué avait été accompli aux fins et pas seulement pendant l’accomplissement des fonctions qui lui avaient été confiées par son employeur. La Cour a considéré en outre que même en supposant que l’emploi d’une force excessive par les gardiens de prison ait été interdit, cela n’aurait pas limité la nature de son emploi. De ce fait, le Juge Fernando a considéré que l’État doit répondre, sur la base de sa responsabilité indirecte, des actes commis par ses mandataires. Il a même ajouté qu’un acte ultra vires ou même acte criminel commis par un mandataire «dans le cadre de son emploi» rendrait le principal responsable en Common Law et que ce principe était applicable à la responsabilité découlant de l’article 126 de la Constitution.

30. Dans l’affaire Mohamed Fiaz contre Ministre de la justice et al. , le concept de responsabilité de l’État en cas de violation des droits fondamentaux a été élargi de manière à englober les violations découlant de l’«inaction de l’État». La Cour a considéré en outre que la responsabilité découlant d’une violation des droits fondamentaux s’étendrait à un défendeur n’ayant aucune qualité au sein de l’exécutif mais coupable d’irrégularités, de complicité ou d’un comportement semblable en collaboration avec l’exécutif en accomplissement d’actes illicites constituant une violation des droits fondamentaux. Il a été considéré par ailleurs, dans cette affaire, que l’acte d’un particulier constituerait un acte de l’exécutif s’il était accompli dans l’exercice des pouvoirs de l’exécutif. Autrement dit, l’acquiescement par l’État d’un acte d’une tierce partie constituant une violation des droits fondamentaux relèverait de la définition d’un acte de l’exécutif ou d’un acte administratif. Par conséquent, si les autorités chargées de l’application des lois permettent que s’instaure un climat d’impunité si elles négligent leur devoir de protéger les droits fondamentaux d’une personne, la juridiction dans ce domaine de la Cour suprême pouvait être invoquée pour obtenir réparation.

31. L’arrêt rendu par la Cour suprême dans l’affaire Sumith Jayantha Dias contre Reggie Ranathunga, Vice-Ministre des transports et al. , illustre l’efficacité de ce recours.

32. Les faits de l’espèce sont les suivants. Le requérant dirigeait une équipe de reporters chargée par l’Independent Television Network (ITN) de filmer un programme intitulé «Vimasuma». L’équipe se déplaçait dans un camion appartenant à l’ITN et transportait le matériel nécessaire, y compris une caméra de grand prix. Le logo d’ITN était apposé de façon très visible sur le camion utilisé par l’équipe et sur la caméra. Pendant le retour de l’équipe à Colombo après le tournage du programme, le requérant a observé, au carrefour de Miriswatta, qu’il y avait sur la route un camion en flammes entouré de badauds. Le requérant et son équipe ont commencé à filmer cet événement avec la caméra et autre matériel lorsqu’ils ont été interrompus par le premier défendeur, le Vice-Ministre, qui était arrivé dans un véhicule Pajero accompagné de quelques autres véhicules et de plusieurs autres personnes, y compris le deuxième défendeur (un membre Pradeshiya Sabah de l’Alliance populaire), du quatrième défendeur (un militant de l’Alliance populaire) et du cinquième défendeur (un sergent de la police). Le premier défendeur a exigé du requérant qu’il lui remette la pellicule, alléguant que le requérant avait filmé le premier défendeur et son véhicule. Il est apparu par la suite que le premier défendeur pensait que l’équipe de télévision appartenait à TNL, chaîne de télévision privée considérée par le gouvernement comme en penchant en faveur de l’opposition. Le premier défendeur avait également pensé que le requérant essayait, par son film, de l’associer au camion en flammes.

33. Le défendeur a essayé de s’approprier la caméra mais le requérant a résisté, et l’enquête a établi que le premier défendeur, le cinquième défendeur et d’autres personnes l’ont jeté à terre et l’ont roué de coups, après quoi les deuxième, troisième et cinquième défendeurs l’ont relevé et conduit dans une jeep de la police. Il a de nouveau été frappé par le cinquième défendeur à l’intérieur de la jeep et lui a été intimé l’ordre de remettre sa chemise, sa carte d’identité ITN et son portefeuille, contenant 3 700 roupies, à un agent de police. Au poste de police de Gampha, la chemise et la carte d’identité du requérant lui ont été restituées mais lorsqu’il a demandé que son argent lui soit rendu, le sixième défendeur, sergent de la police, l’a agoni d’injures. Le premier défendeur, occupant le siège du commissaire, a interrogé le requérant à propos du film en présence d’un agent de police en uniforme. Le requérant a expliqué qu’il travaillait pour ITN, ce sur quoi le premier défendeur a suggéré un règlement à l’amiable. Le requérant a été libéré le lendemain après six heures et demie de détention. En outre, le requérant a été soigné à l’hôpital pour ses blessures, lesquelles, a-t-il allégué, avaient été subies pendant l’attaque dont il avait fait l’objet. La nature de ses blessures correspondait aux conséquences de voies de fait.

34. Considérant que les droits fondamentaux du requérant avaient été violés, le Juge A. de Z. Gunawardana, prononçant l’arrêt au nom de la Cour, a eu ce qui suit à dire : «Bien que le premier défendeur n’ait pas agi en sa qualité officielle de Vice-Ministre et alors même que les actes des deuxième et troisième défendeurs n’aient pas constitué, en soi, un ‘acte de l’exécutif’, le cinquième défendeur a participé à la tentative de s’approprier la caméra et le film du requérant ainsi qu’à l’attaque dont il a fait l’objet et à son arrestation. D’autres agents de police étaient présents et n’ont rien fait pour cesser les voies de fait, pour en arrêter les auteurs ou même pour consigner leurs déclarations, préférant plutôt aider à l’arrestation et même permettre au premier défendeur d’interroger le requérant alors qu’il occupait la place du commissaire. Ce qui aurait autrement été un acte purement privé des premier au troisième défendeurs a été transformé en acte de l’exécutif du fait de l’approbation, de la complicité, de l’assentiment, de la participation et de l’inaction du cinquième défendeur et des agents de police».

35. De même, dans l’affaire Bandara contre Wickremasinghe , les coups assenés par plusieurs enseignants à un élève de 17 ans dans l’exercice de leurs fonctions et de l’un de leurs pouvoirs disciplinaires a été considéré comme un acte de l’exécutif ou un acte administratif.

Actes des institutions publiques

36. Une autre question que la Cour suprême a eu à trancher est de savoir si les actes d’institutions publiques comme corporations et entreprises d’État relèvent de l’expression «acte de l’exécutif ou acte administratif» figurant à l’article 126 de la Constitution.

37. Dans l’affaire Perera contre Commission et subventions universitaires , la Cour suprême a été appelée à statuer sur une exception préliminaire selon laquelle les actes de ladite commission ne constituaient pas un acte administratif ou un acte de l’exécutif. La Cour a considéré qu’étant donné que la Commission avait été créée par acte du Législateur et était chargée de superviser et de planifier l’enseignement universitaire dans le pays et était en outre habilitée à allouer et contrôler les crédits ouverts par le Parlement pour les universités, «… il était futile de prétendre que la Commission n’était pas un organe ou une émanation de l’État.»

38. La Cour a néanmoins été encline à appliquer une approche beaucoup plus étroite dans l’affaire Wijetunge contre Insurance Corporation . Le Juge Sharavanda, qui a rédigé l’arrêt de la Cour, a déclaré : «La corporation ne peut pas être considérée comme un préposé ou un mandataire du gouvernement. Alors même que les membres de la corporation sont nommés par le Ministre et que la corporation soit sujette d’instructions générales ou spécifiques du Ministre, il n’en demeure pas moins que la loi a conféré à la corporation des pouvoirs que celle-ci est habilitée à exercer à son gré et en son propre nom».

39. Dans l’affaire Rajaratne contre Air Lanka Ltd. , la Cour suprême a finalement renversé cette approche restrictive et adopté une interprétation beaucoup plus libérale de l’expression «acte administratif ou acte de l’exécutif». La Cour a, en adoptant un critère fondé sur le statut d’«agence ou émanation de l’État», fait entrer les actes de sociétés à responsabilité limitée contrôlées par l’État dans la définition des actes de l’exécutif ou des actes administratifs. Le Juge Authukorale, rédigeant l’avis de la majorité, a déclaré ce qui suit :

«L’État peut agir par l’entremise de ses préposés. Il peut également agir par l’entremise de personnes morales créées par l’État au moyen ou en application d’une loi. Les exigences et les obligations de l’État-providence moderne se sont traduites par une expansion alarmante de l’ampleur et de la portée de l’activité étatique. Afin de garantir le développement rapide de l’ensemble du pays au moyen d’interventions dans l’économie, l’État est appelé à se livrer à une multitude d’entreprises commerciales et industrielles. En fait, l’on est maintenant parvenu au point qu’il est devenu difficile d’établir une distinction entre les attributions étatiques et non étatiques. Cette distinction est aujourd’hui presque inexistante. Les procédures rigides et lourdes communément associées aux services de l’État et la bureaucratie inhérente à ces procédures au ralenti ont obligé l’État à avoir recours à des entreprises d’État pour mener des activités commerciales et industrielles exigeant des compétences professionnelles hautement techniques et spécialisées. Mais, en ayant recours à ce type de sociétés, l’État ne peut pas se dégager de ses obligations constitutionnelles concernant le respect des droits fondamentaux, que lui-même et ses organes sont tenus de respecter, de garantir et de promouvoir.»

40. Face à cette réalité, le Juge Authukorale a été d’avis que l’expression «actes de l’exécutif ou actes administratifs» devait être interprétée largement. Il était par conséquence enclin à considérer que le concept d’organes ou d’émanations de l’État était plus rationnel que celui qui était fondé sur le pouvoir souverain (c’est-à-dire sur la question de savoir si l’entité dont il s’agit a été dotée par la loi d’une partie des pouvoirs de coercition ou des privilèges spéciaux dont jouit l’État).

41. Se fondant sur le critère d’organismes ou d’émanations de l’État, le juge a poursuivi en disant :

«En réalité, Air Lanka est une société constituée par l’État, appartenant à l’État et contrôlée par l’État. Le voile juridique de la personnalité morale dont se vêtit la société à certaines fins ne peut pas, aux fins de la jouissance et du respect des droits fondamentaux consacrés dans le Titre III de la Constitution, dissimuler la réalité derrière laquelle les activités de la société se manifestent clairement. En fait, tous ces éléments font d’Air Lanka un préposé ou un organe de l’État. Ses actes peuvent donc valablement être considérés comme des actes de l’exécutif ou des actes administratifs au sens des articles 17 et 126 de la Constitution.»

42. C’est ce même raisonnement qui a été adopté dans l’affaire Hemasiri Fernando contre l’Honoralbe Mangala Samaraweera, Ministre des postes, des télécommunications et des médias , dans laquelle la Cour a considéré que la société de télécommunications contrôlée par l’État pouvait être tenue pour responsable de la violation des droits fondamentaux consacrés au Titre III de la Constitution. L’important était que 35 % des actions de la société étaient détenues par une entité privée. Le Juge Dheeraratne, dans l’arrêt rendu au nom du reste de la Cour, a déclaré ce qui suit : «Derrière le vernis de la société commerciale se trouve l’État. Le pouvoir de l’État a été conféré au troisième défendeur (le Secrétaire au Trésor) dans l’intérêt du public.

Le délai d’un mois

43. Le paragraphe 3 de l’article 126 stipule que toute personne qui allègue que ses droits fondamentaux ou ses droits linguistiques ont été violés ou sont sur le point de l’être par un acte de l’exécutif ou un acte administratif doit saisir la Cour suprême dans le mois suivant la violation alléguée.

44. La Cour suprême, dans l’affaire Jayawardena contre Ministre de la justice , a décidé que lorsque l’allégation porte sur une violation imminente des droits fondamentaux, le délai commence à courir à partir du moment où le plaignant a eu connaissance de l’imminence de la violation.

45. Les tribunaux, cependant, ont interprété cette disposition avec souplesse. Dans les affaires Edirisuriya contre Navarathnam et Navasivayam contre Gunawardena , la Cour suprême a considéré que le délai imparti pour présenter la requête n’était pas impératif mais relevait du pouvoir discrétionnaire du juge, de sorte qu’il pouvait être écarté si le requérant pouvait présenter des raisons justifiant le retard intervenu dans le dépôt de la requête.

46. Le nombre de requêtes soumises à la Cour suprême pour des violations des droits fondamentaux entre 1994 et 2000 est le suivant :

Tableau 1

Requêtes motivées par des violations des droits fondamentaux

Année

Nombre de requêtes

Nombre de décisions

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

302

669

1 060

1 078

814

1 055

719

324

369

839

965

862

949

1 080

La Cour d’appel

47. La Cour d’appel est compétente pour connaître en appel de toutes les erreurs de fait ou de droit commises par un tribunal ou autre juridiction de première instance. La Cour d’appel peut, dans l’exercice de son pouvoir de révision, confirmer, inverser ou modifier l’ordonnance, le jugement, le décret ou la sentence attaqué. L’article 141 de la Constitution de Sri Lanka habilite la Cour d’appel à édicter des ordonnances d’ habeas corpus , ce qui permet à toute personne de contester la légalité de sa détention. Lorsque ce type de juridiction est invoqué, la Cour d’appel est habilitée à ordonner que la personne en question comparaisse devant elle et à ordonner à un tribunal de première instance de faire une enquête et de soumettre un rapport sur la détention alléguée.

Tableau 2

Informations statistiques sur les requêtes en habeas corpus

présentées depuis 1996

Année

Nombre de requêtes

1996

1997

1998

1999

2000

2001 (jusqu’en juin)

151

121

13

31

43

15

48. En outre, conformément à l’article 140 de la Constitution, la Cour d’appel est habilitée à édicter des ordonnances de certiorari , d’interdiction, de procedendo , de mandamus et de quo warranto à l’endroit du juge de tout tribunal de première instance ou autre juridiction ou de toute autre personne.

3. Commissaire parlementaire aux affaires administratives(Médiateur)

49. L’expansion rapide de l’activité de l’État ainsi que les pouvoirs accrus dont sont investis ses organes administratifs ont donné naissance à d’innombrables allégations d’abus de pouvoir de la part des autorités publiques : manquement à leur devoir de la part des fonctionnaires, inefficacité, parti-pris, discrimination et absence de réponse ou réponse tardive aux communications adressées aux autorités administratives. Il est apparu néanmoins que les recours constitutionnels, judiciaires et administratifs existants étaient défaillants et ne pouvaient manifestement pas garantir réparation de ces griefs. C’est pour cette raison qu’a été créé le poste de Commissaire parlementaire aux affaires administratives, autorité indépendante, informelle et accessible, chargée de réparer aux moindres frais les griefs des personnes lésées par une faute de l’administration.

Cadre juridique

50. L’article 156 de la Constitution stipule que le Parlement doit mettre en place par la voie législative le cadre juridique nécessaire à la création du poste de Médiateur. C’est ainsi que le Parlement a publié la loi No 17 de 1981 relative au Commissaire parlementaire aux affaires administratives, qui définit les pouvoirs, les attributions et les fonctions du titulaire de ce poste. Cette loi a par la suite été modifiée en 1994 afin d’élargir les pouvoirs du Médiateur.

Devoir de confidentialité

51. L’article 6 de la loi d’habilitation portant création du poste de Commissaire parlementaire aux affaires administratives fait à son titulaire l’obligation de maintenir confidentielles les informations dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions. En outre, le Médiateur doit s’engager par serment devant le Président à ne divulguer aucune information reçue par lui dans l’exercice de ses attributions.

Indépendance du Médiateur

52. Pour garantir l’indépendance du Médiateur, la loi d’habilitation comporte les dispositions suivantes :

a) Le Médiateur est «nommé par le Président après avis du Conseil constitutionnel et reste en fonction aussi longtemps qu’il n’est pas révoqué pour faute». Avant l’adoption du 17 e amendement à la Constitution, le Médiateur était nommé exclusivement par le Président;

b) La rémunération du Médiateur est déterminée par le Parlement et ne peut pas être réduite pendant qu’il demeure en fonction;

c) La rémunération du Médiateur est imputée au Fonds consolidé;

d) Le Médiateur ne peut être révoqué que pour les motifs spécifiés au paragraphe 3 de l’article 156 de la Constitution.

53. Le poste de Médiateur devient vacant par suite du décès de l’intéressé; si le titulaire du poste adresse sa démission par écrit au Président; lorsque l’intéressé atteint l’âge de 70 ans; si le titulaire du poste est relevé de ses fonctions par le Président pour des raisons de santé ou d’infirmité physique ou mentale; ou si l’intéressé est révoqué par le Président au moyen d’une déclaration adressée au Président.

Pouvoirs et attributions du Médiateur

54. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 156 de la Constitution, le Médiateur doit :

«… faire enquête et rapport sur les plaintes ou allégations de violations des droits fondamentaux et aux injustices causées par des agents publics et des agents de corporations publiques, d’autorités locales et d’autres institutions assimilées…».

55. Le paragraphe 3 de l’article 10 de la loi d’habilitation définit l’expression «injustices» dans les termes suivants :

«… l’on entend par injustices toute injustice dont il est allégué qu’elle a été ou risque d’être causée par toute décision ou recommandation (y compris une recommandation adressée à un ministre) ou par tout acte ou toute omission ainsi que la violation de l’un quelconque des droits reconnus par la Constitution».à

56. Bien que l’alinéa b) de l’article 11 de la loi d’habilitation impose des limites aux pouvoirs du Médiateur, ces restrictions ne s’appliquent pas lorsque la violation alléguée porte sur un droit fondamental.

Accès du public au Médiateur

57. Le Médiateur est censé être un moyen informel et aisément accessible d’obtenir réparation en cas d’abus de l’administration. C’est sa facilité d’accès qui distingue le poste de Médiateur des autres mécanismes établis pour garantir le respect des droits de l’homme. Conformément à ce concept, la loi d’habilitation a été modifiée en 1994 pour permettre au public de saisir le Médiateur de ses griefs au moyen d’une simple communication écrite. En outre, pour que le Médiateur soit encore plus accessible au grand public, le Médiateur a, de sa propre initiative, mené des enquêtes et organisé des réunions dans l’ensemble du pays sans s’en tenir à Colombo, comme précédemment.

Rapport annuel

58. Aux termes de la loi, le Médiateur est tenu de rédiger et de présenter au Parlement un rapport annuel contenant un exposé détaillé des activités menées au cours de l’année écoulée dans l’exercice des pouvoirs et des attributions qui lui sont conférés par la loi.

Pouvoirs de réparation du Médiateur

59. Le Médiateur peut soumettre ses conclusions motivées au Directeur de l’institution intéressée au Ministre de tutelle ou encore à la Commission de la fonction publique et demander au Directeur de l’institution intéressée de l’informer dans un délai spécifié des mesures qu’il envisage d’adopter pour donner suite à sa recommandation. Si la suite appropriée n’est pas donnée aux recommandations du Médiateur, celui-ci peut signaler le fait au Président ou au Parlement en formulant des recommandations appropriées touchant les mesures correctives à adopter.

Immunité du Médiateur

60. Le Médiateur et ses collaborateurs ne peuvent pas être poursuivis à raison des actes accomplis de bonne foi conformément à la loi. En outre, ils ne peuvent pas être cités à comparaître pour déposer devant un tribunal ou dans le contexte d’une procédure judiciaire à propos de tout rapport présenté par le Médiateur conformément à la loi ou de la publication d’informations essentiellement exactes quant à la nature dudit rapport.

61. Le Médiateur jouit de l’immunité de poursuite et de l’immunité de juridiction civile ou pénale à raison de tout rapport présenté conformément à la loi ou la publication d’informations essentiellement exactes quant à la nature dudit rapport.

4. Comité permanent interministériel sur les droits de l’homme

62. Il a été créé le 20 novembre 2000 un Comité permanent interministériel sur les droits de l’homme présidé par le Ministère des affaires étrangères. Outre le Président, le Comité est composé du Vice-Ministre des affaires étrangères, du Ministre de la justice, du Sollicitor General , des secrétaires généraux des Ministères de la défense, des affaires étrangères et de la justice, des Commandants en chef des trois forces armées et de l’Inspecteur général de la police. Il a reçu pour mandat d’examiner les problèmes et incidents liés à des violations des droits de l’homme et d’adopter des décisions de politique générale dans ce domaine. En outre, le Comité permanent a reçu pour mandat de superviser la collecte d’informations et d’éléments de preuve touchant les incidents et les cas en rapport avec le respect des droits de l’homme ainsi que de veiller à ce que l’État s’acquitte de ses obligations, notamment en matière de présentation de rapports, en sa qualité de partie à plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

63. Le Comité permanent se réunit une fois par mois pour suivre et surveiller la situation et adopter des décisions de politique générale. Pour accroître son efficacité, le Comité permanent a créé un Groupe de travail interministériel sur les droits de l’homme, coprésidé par le Secrétaire général du Ministère de la défense et le Secrétaire général du Ministère des affaires étrangères, afin de mettre en œuvre les décisions adoptées par le Comité permanent. Le Groupe de travail se réunit deux fois par mois. L’une des principales tâches du Groupe de travail est de superviser la conduite des enquêtes pénales sur les allégations de violation des droits de l’homme provenant des divers mécanismes de surveillance des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies.

Le Comité anti-harcèlement

64. Le Gouvernement sri lankais, conscient des risques de harcèlement et de violation des droits de l’homme aux postes de contrôle et barricades rendus nécessaires par la vulnérabilité de la vie humaine et des biens aux attaques terroristes, a renforcé les dispositions constitutionnelles et législatives existantes tendant à prévenir les arrestations et détentions arbitraires et à protéger la vie privée et la dignité de la personne humaine en créant des mécanismes administratifs qui doivent s’employer activement à prévenir les harcèlements et à protéger les droits de l’homme.

65. A la différence des recours en justice, qui sont exclusivement fondés sur des plaintes et dont l’effet de dissuasion est tributaire de la réaction que celles-ci entraîneront, les mécanismes institutionnels peuvent non seulement réparer les griefs causés mais aussi jouer un rôle de surveillance pour veiller à ce que les garanties aussi bien légales qu’institutionnelles tendant à protéger et à promouvoir les droits de l’homme ne soient pas enfreintes par les institutions et les agents publics dans l’exercice de leurs fonctions.

66. Avant l’élection de l’actuel gouvernement du Front national uni, le Comité anti-harcèlement et la Commission nationale des droits de l’homme étaient les principaux mécanismes administratifs mis en place par le gouvernement pour promouvoir et protéger les droits de l’homme. Afin de garantir leur efficacité, des points de vue aussi bien des résultats obtenus que de l’image projetée par ces deux mécanismes aux yeux du public, le nouveau gouvernement du Front national uni a décidé de modifier le titre et la composition de ces mécanismes, qui sont devenus le Comité présidentiel sur les arrestations illicites et les harcèlements. Il a été créé un nouveau Comité placé sous la présidence du Ministre de l’intérieur avec pour mandat spécifique d’examiner les allégations de harcèlements passés et présents de la population tamoule. Les autres membres du Comité sont les suivants : l’Honorable P. Chandrasekaran, Député et Ministre d’État à l’infrastructure; M. Mano Ganesh, Député de Colombo; M. R. Radhakrishan, Député de la Liste nationale; M. Austin Fernando, Secrétaire général du Ministère de la défense; M. M.N. Junaid, Secrétaire général du Ministère de l’intérieur; M. Bernard Goonethilleke, Directeur général du Secrétariat à la coordination du processus de paix et d’assistance spéciale du Premier Ministre; M. Jeyaratnam, Secrétaire général du Ministère du relèvement, de la réinstallation et des réfugiés; M. K. Parameswaran, Secrétaire général du Ministère des affaires hindoues; le Général Rohan Dalluwatte, Chef d’État major de la défense; le Général L.P. Balagalle, Commandant en chef de l’infanterie; le Général J. Weerakkody, Commandant en chef des forces aériennes; et M. K. Paramalingham, Premier Secrétaire général adjoint du Ministère des affaires hindoues.

67. Le Comité a tenu sa réunion inaugural le 11 janvier 2002 au Ministère de la défense. A cette occasion, les décisions ci-après ont été adoptées :

- Les postes de contrôle dans les collines sont limités à deux : l’un de la route principale Nuwara Eliya/Kandy et l’autre à Pitawala, Ginigathhena;

- Les règles concernant l’inscription aux postes de police des tamouls arrivés à Colombo en provenance des provinces du Nord et de l’Est ont été éliminées;

- La police a reçu pour instruction d’adopter les mesures nécessaires pour minimiser les délais dans lesquels étaient délivrées les autorisations de voyage entre Vavuniya et Colombo;

- Le Général Daluwatte a pris l’engagement que les bâtiments scolaires et les lieux du culte actuellement occupés par les forces de sécurité dans le Nord et dans l’Est seraient évacués avant fin février 2002;

- Le Secrétaire général du Ministère de l’intérieur a pris l’engagement de donner pour instruction au Directeur général des établissements pénitentiaires de permettre aux proches et aux parents de rendre périodiquement visite aux personnes détenues en vertu de la loi No 48 de 1979 portant dispositions temporaires relatives à la prévention du terrorisme; et

- Tous les détenus actuellement logés dans la prison de Magazine et le camp de Boosa seraient transférés à la prison de Kaluthara.

68. Le nouveau gouvernement a pris la décision de principe d’éliminer tous les postes de contrôle et barricades à Colombo et à réduire au minimum le nombre de postes de contrôle et de barrages routiers qui existent dans les autres régions du pays. En outre, il a été décidé d’éliminer progressivement le système des autorisations de voyage appliquées à Vavuniya pour faciliter le libre mouvement de personnes et de marchandises des zones non dégagées vers les zones dégagées. Le gouvernement a également assoupli les restrictions imposées à la pêche en mer au large du littoral des provinces du Nord et de l’Est et étudie la possibilité de rouvrir la principale route entre Jaffna et Kandy.

Le Comité présidentiel sur les arrestations illicites et les harcèlements

(juillet 1998-novembre 2001)

69. Ce Comité a été créé en juillet 1998 sous les auspices du Ministère de la justice, des affaires constitutionnelles et de l’intégration nationale conformément à une directive du Président. Il a été reconstitué sous l’égide du Ministère de la justice en février 2001.

Composition

70. Le Comité, qui se réunissait sous la présidence du Ministre de la justice, était composé de dix membres, particulièrement choisis de manière à ce que toutes les nationalités de la communauté sri lankaise soient représentées. Les membres du Comité était les suivants : l’Honorable G.L. Peiris, Ministre des affaires constitutionnelles et du développement industriel; l’Honorable Batty Weerakoone, Ministre de la justice (Président); l’Honorable S.B. Dissanayake, Ministre des affaires samurdhi, du développement rural, des affaires parlementaires et du développement des hautes-terres; l’Honorable Lakshman Kadirgamar, Ministre des affaires étrangères; l’Honorable Douglas Devananda, Ministre du développement, du relèvement et de la reconstruction du Nord et des affaires tamoules du Nord et de l’Est; M. Lakshman Jayakody, Vice-Président du Conseil national de développement; M. M.M. Zuhair, Consultant juridique du Ministère de l’aviation et du développement aéroportuaire; M. R. Sambanthan, Tamil United Liberation Front; M. R. Yogarajan, Ceylon Workers Congress; et M. R. Sidarathan, People’s Liberation Organisation for Tamil Ealam. Afin de renforcer le fonctionnement du Comité, M. Lakshman Jayakody a été désigné «coordonnateur».

Domaine d’activités

71. Le Comité examinait les plaintes déposées par des personnes ayant fait l’objet de harcèlements ou n’ayant pas reçu un traitement conforme à la loi et faisait le nécessaire pour remédier à la situation. Le Comité a notamment été saisi de plaintes et d’allégations de harcèlement comme les suivantes :

- L’arrestation illégale ou sans les garanties d’une procédure régulière en application de la loi relative à la prévention du terrorisme ou du règlement d’exception;

- Détention abusive de personnes en vertu des textes susmentionnés;

- Périodes prolongées de détention et les retards intervenus dans l’ouverture des procès; et

- Des harcèlements du personnel de la police et des forces armées lors de l’arrestation et/ou postes de contrôle ainsi que lors d’opérations spéciales. Le Comité, doté d’un large mandat, examinait tous les types de plaintes qu’il jugeait mériter une enquête.

Infrastructure

72. Il existait deux unités administratives relevant du Comité. La première, au Ministère de la justice, employait un juriste à plein temps afin de donner aux citoyens la possibilité de lui remettre personnellement leurs plaintes. Ce juriste était habilité à ordonner des mesures correctives immédiates si cela était possible.

73. La deuxième était l’unité de la police, composée d’officiers de police placés sous la supervision d’un inspecteur général adjoint de la police. Cette unité fonctionnait dans des locaux distincts et était dirigée par un surintendant principal assisté de huit autres officiers de police. Le rôle de cette unité était de mener les enquêtes jugées appropriées par le Comité.

Réunions

74. Pour pouvoir donner suite rapidement aux plaintes reçues, le Comité se réunissait une fois par semaine, le lundi, avec la participation de représentants du Ministère de la justice, du Département de la police (Division des enquêtes sur le terrorisme, Division de la police judiciaire) et des trois forces armées. En outre, le Comité est habilité à citer à comparaître devant lui tout agent public dont la présence lui paraissait nécessaire pour pouvoir s’acquitter de son mandat.

Rôle du Procureur général

75. S’il surgissait un problème quelconque pendant l’enquête, le Comité demandait l’aide des services du Procureur général. En pareil cas, un agent des services du Procureur général était chargé de passer en revue les mesures adoptées et de donner son avis sur les autres mesures à adopter pour que les délinquants puissent être poursuivis. En outre, le Comité suivait de près les cas dans lesquels la police avait communiqué des notes d’enquête aux services du Procureur général afin d’assurer le règlement rapide des affaires.

Mesures adoptées par le Comité pour atténuer les difficultés de circonstance

76. Le Comité ne s’est pas borné à donner suite aux plaintes déposées devant lui par les personnes lésées, mais a également adopté plusieurs mesures pour atténuer les problèmes rencontrés par le grand public du fait des opérations des forces armées. Parmi ces mesures, il y a lieu de citer les suivantes :

- Réunion avec la police et les forces armées, dans tous les cas où cela était nécessaire, pour passer en revue les mesures qu’elles appliquaient;

- Distribution de télécopieurs à toutes les divisions de la police de l’île pour leur permettre de fournir instamment des informations détaillées sur les personnes détenues en application du Règlement d’exception ou de la Loi sur la prévention du terrorisme;

- Adoption de mesures immédiates dans les cas de harcèlements massifs violents;

- Distributions aux départements de la police d’instructions selon lesquelles tous les postes de police devaient appliquer une approche uniforme simplifiée aux personnes venues se faire inscrire; et

- Visite des établissements pénitentiaires par le Président du Comité pour veiller au bien-être des détenus.

77. Le mandat du Comité ne mentionnait certes que les questions touchant les arrestations et les harcèlements, mais le Comité a élargi son champ d’activités pour s’occuper des autres types de difficultés auxquelles sont confrontés les civils dans l’actuelle situation d’insécurité.

Statistiques

78. L’on peut donner les chiffres suivants concernant les activités menées à bien par le Comité pendant sa période d’existence :

- Nombre total de plaintes reçues : 579;

- Nombre total de plaintes réglées : 438;

- Nombre total de plaintes en suspens : 141.

Commission des droits de l’homme de Sri Lanka

79. La Commission des droits de l’homme de Sri Lanka, créée par le gouvernement en mars 1997 , est chargée de pouvoirs surveillance, d’enquête et d’avis en matière de droits de l’homme. Elle a été créée par la loi en tant qu’institution nationale permanente chargée de faire enquête sur toute violation ou violation imminente d’un droit reconnu par la Constitution et d’adopter les mesures correctives appropriées. Les pouvoirs de la Commission sont plus larges que ceux de la Cour suprême et complètent le cadre national existant de protection des droits de l’homme. A la différence des recours prévus par la Constitution, aucun délai n’est imparti pour déposer une plainte devant la Commission. En outre, celle-ci n’insiste pas sur des conditions de forme quant à la présentation des plaintes ou pétitions, ce qui évite pour les personnes lésées d’avoir à retenir les services d’un avocat pour saisir la Commission.

80. La Commission se compose de cinq membres reflétant la configuration ethnique de la société sri lankaise. Aux termes de la Loi d’habilitation, la Commission doit se composer de trois Singalais, un Tamoul et d’un Musulman et la Commission présente les candidatures au Président sur recommandation du Premier Ministre, en consultation avec le Président du Parlement et le chef de l’opposition.

81. La Commission des droits de l’homme a un double mandat. D’une manière générale, elle a :

a) Un rôle de surveillance et d’enquête . La Commission fait enquête sur les griefs découlant d’actes de l’exécutif ou d’actes administratifs sur présentation de plaintes et elle a fait enquête également sur les plaintes d’atteinte aux droits fondamentaux qui lui sont renvoyées par la Cour suprême;

b) Un rôle consultatif . La Commission a à cet égard un large mandat, qui comprend :

i) L’examen des procédures pour s’assurer qu’elles sont conformes aux garanties constitutionnelles des droits fondamentaux.

ii) La fourniture de conseils au gouvernement en ce qui concerne la formulation des lois et procédures administratives tendant à promouvoir les droits fondamentaux et à faire en sorte que la législation existante et les projets de loi proposés soient conformes aux normes internationales touchant les droits de l’homme et aux obligations assumées par Sri Lanka en vertu de traités et d’autres instruments internationaux; et

iii) Diffuser des informations et dispenser une éducation en matière de droits de l’homme. Selon le paragraphe 3 de l’article 15 de la Loi d’habilitation, la Commission, si son enquête fait apparaître une violation d’un droit fondamental, peut recommander aux autorités pertinentes d’entamer des poursuites ou d’adopter d’autres mesures appropriées à l’endroit de la personne ou des personnes coupables de cette violation. A défaut, elle peut renvoyer la question à toute juridiction compétente pour qu’elle connaisse de l’affaire. Elle peut également ordonner le remboursement des dépenses encourues par le plaignant pour saisir la Commission. Enfin, cette dernière est habilitée à prendre des mesures préventives pour veiller à ce que de telles violations des droits fondamentaux ne se renouvellent pas.

82. En outre, la Commission des droits de l’homme a été expressément dotée du pouvoir de contrôler le bien-être des personnes détenues. Elle est par conséquent autorisée à visiter fréquemment les établissements pénitentiaires. Pour faciliter l’accomplissent de cette tâche, toutes les arrestations et détentions effectuées conformément au Règlement d’exception et à la Loi sur la prévention du terrorisme doivent être signalées à la Commission dans les 48 heures suivant l’arrestation. Tout refus délibéré de déclarer une arrestation ou une détention est passible de sanctions pénales conformément à la Loi portant création de la Commission. Cette règle a été renforcée par la directive que le Président a adressée aux forces armées le 7 septembre 1997, identique à celle publiée en application du règlement portant création du Groupe pour les droits de l’homme.

83. La Commission a dix bureaux régionaux dirigés par des coordonnateurs et deux bureaux auxiliaires dotés d’enquêteurs. En outre, elle a un service d’accueil téléphonique 24 heures sur 24 pour permettre au public d’appeler l’attention de la Commission sur toute violation des droits fondamentaux. La Commission se réunit une fois par mois avec les représentants des Commandants en chef des trois armes et avec l’Inspecteur général de la police ainsi qu’avec les agents désignés pour assurer la liaison avec la Commission afin de faciliter le fonctionnement de ce service d’accueil téléphonique.

84. On trouvera ci-après un résumé statistique des visites réalisées entre janvier 1998 et juin 2001 par les coordonnateurs régionaux de la Commission dans les établissements de détention et postes de police de leur ressort :

Tableau 3

Visites des postes de police et des centres de détention

réalisées par chaque bureau régional

Région

Poste de police

Centre de détention

Jaffna

Batticaloa

Kandy

Anuradhapura

Trincomalee

Vavuniya

Badulla

Ampara

Kalmunai

Matara

Colombo

80

182

793

513

278

108

301

377

831

763

907

158

154

24

81

43

177

21

21

1 093

7

30

Total

5 133

1 809

Protocole facultatif au Pacte

85. Le gouvernement a ratifié le Protocole facultatif au Pacte. Cette mesure, qui va dans la ligne de la politique d’ouverture et de responsabilité en matière de droits de l’homme, a permis aux citoyens sri lankais d’invoquer les recours internationaux, en dernier ressort, en cas de violation des droits de l’homme. L’instrument d’adhésion a été déposé le 3 octobre 1997 auprès du Secrétaire général de l’ONU. Sri Lanka est le deuxième pays de la région du Sud et du Sud-Est de l’Asie à ratifier le Protocole facultatif.

Article 3 - Droit à l’égalité

1. Mécanismes institutionnels pour la promotion de la femme

Garanties constitutionnelles

86. Afin de garantir devant la justice l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe, le paragraphe 2 de l’article 12 de la Constitution stipule que «nul citoyen ne peut être l’objet d’une discrimination pour des raisons de race, de caste, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique, de lieu de naissance ou des motifs semblables». En outre, le paragraphe 3 du même article, en stipulant que «nul ne peut être soumis pour des motifs de race, de religion, de langue, de caste, de sexe, ou de motifs semblables à une quelconque incapacité, interdiction, restriction ou condition en ce qui concerne l’accès aux magasins, restaurants publics, hôtels, établissements de loisir et lieux publics où est pratiqué le culte de sa religion» tend à élargir la protection contre la discrimination pour des motifs de sexe aux actes de particuliers. Ces dispositions sont renforcées par les Principes directeurs touchant la politique et les devoirs fondamentaux de l’État qui énoncent le devoir de l’État de garantir l’égalité des chances des citoyens sans considération de race, de religion, de langue, de caste, de sexe et d’opinion politique.

Charte des femmes

87. En mars 1993, le Gouvernement sri lankais a adopté la Charte des femmes, qui devait constituer le cadre normatif pour l’intégration de toutes les valeurs énoncées dans la Convention des Nations Unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La Charte des femmes a marqué l’aboutissement d’un long processus de concertation auquel ont participé non seulement le gouvernement mais aussi des organisations non gouvernementales. On s’est attaché tout particulièrement à veiller à ce que l’hétérogénéité de la société sri lankaise soit reflétée dans la participation au processus de rédaction de la charte.

88. La partie I de la Charte reflète les obligations spécifiques assumées par l’État lorsqu’il a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Ces obligations peuvent être classées en plusieurs grandes catégories : droits civils et politiques; droits à l’intérieur de la famille; droit à l’éducation et à la formation; droit aux soins de santé et à la nutrition; droit d’être à l’abri de la discrimination sociale; et droit d’être à l’abri de la violence sexospécifique.

89. Comme les dispositions de la Charte des femmes ne constituent pas des normes juridiques, des mesures ont été adoptées pour promulguer une loi reflétant ses dispositions. Le projet de loi rédigé à cette fin a déjà été approuvé par le Cabinet.

Commission nationale de la condition de la femme

90. La Commission nationale de la condition de la femme a été créée en août 1993 pour donner effet aux dispositions reflétées dans la deuxième partie de la Charte des femmes. La Commission se compose de quatre membres nommés pour un mandat de quatre ans. Les membres de la Commission sont restés en fonction jusqu’en août 1997, après quoi il a été désigné de nouveaux membres avec effet à compter du 20 novembre 1997. L’un des principaux objectifs du projet de loi susmentionné est de donner à la Commission nationale de la promotion de la femme un statut égal à celui d’autres institutions nationales comme la Commission des droits de l’homme, la Commission pour l’élimination du trafic d’influence ou de la corruption et le Commissaire parlementaire aux affaires administratives.

91. La Commission joue un rôle consultatif auprès du Ministère chargé des affaires féminines en ce qui concerne la formulation des politiques gouvernementales concernant les femmes. Elle joue également un rôle clé en passant en revue les textes de loi qui affectent les femmes. Elle se réunit régulièrement pour discuter des questions pertinentes avec le Ministre chargé des affaires féminines. Enfin, la Commission mène des programmes de sensibilisation à la parité entre les sexes dans l’ensemble du pays afin de faire mieux connaître la Charte des femmes.

Ministère chargé des affaires féminines

92. En 1997, il a été créé pour la première fois un ministère distinct exclusivement responsable des affaires féminines. Son rôle principal est de centraliser l’action nationale entreprise en faveur des femmes et de coordonner les mécanismes nationaux de promotion des droits des femmes. En même temps que la création de ce ministère, il a été désigné un vice-ministre. Les titulaires de ces deux postes sont des femmes.

93. Le Ministère des affaires féminines a mis en place un réseau d’agents publics sélectionnés parmi les différents ministères pour garantir et superviser la mise en œuvre de son programme de travail. Ces gens, appelés «points focaux» doivent se familiariser avec les questions féminines, sensibiliser les fonctionnaires de leurs ministères et départements respectifs à la parité entre les sexes et identifier les problèmes à régler. En outre, ils doivent intégrer des efforts de promotion de l’égalité entre les sexes aux activités de leurs départements et ministères respectifs et veiller au respect de la politique établie.

Le Bureau des affaires féminines

94. Les activités du Bureau des affaires féminines, créé en 1978, sont notamment les suivantes :

- Renforcement des capacités des femmes grâce à des programmes de mobilisation sociale et de préparation à la direction des affaires communautaires;

- Atténuation de la pauvreté grâce à des programmes de promotion des activités économiques; et

- Lutte contre la violence contre les femmes au moyen d’efforts de sensibilisation, de formation et de plaidoyer.

Plan national d’action en faveur des femmes

95. En 1996, le Ministère des affaires féminines, en collaboration avec la Commission nationale pour la promotion de la femme, a formulé un «Plan national d’action en faveur des femmes à Sri Lanka». Ce plan identifiait les principaux problèmes à résoudre pour éliminer les contraintes qui entravaient la promotion de la condition féminine. Ce plan a été formulé à la lumière des résultats de la Conférence de Beijing et du programme d’action élaboré par celle-ci. L’accent a été mis sur la nécessité de dégager un large consensus et, à cette fin, les rédacteurs du plan ont eu de larges consultations avec le secteur privé, le secteur non gouvernemental ainsi que le secteur étatique.

96. Ce plan a identifié les principaux problèmes à résoudre et les mesures à adopter à cette fin, dans une perspective à court, moyen et long terme. Après que le plan a été approuvé par le gouvernement, les autorités publiques ont considéré comme manquant de sensibilité à la problématique hommes-femmes dans leurs activités ont été invitées à faire le nécessaire pour remédier à la situation. En outre, les «points focaux» ont été chargés de mettre en œuvre le plan d’action dans leurs ministères respectifs. C’est ainsi que des discussions ont été entamées avec les «points focaux» pour assurer la mise en œuvre des activités spécifiées dans le plan.

97. Par ailleurs, le Ministère des affaires féminines a organisé des programmes de formation pour sensibiliser les décideurs et les planificateurs aux méthodes à suivre pour incorporer le plan d’action au programme de travail des différents ministères.

98. Compte tenu des mutations qui caractérisent actuellement la société, il a été entrepris de mettre à jour le plan national d’action dans 12 domaines critiques pour veiller à ce qu’il ne perde aucunement de sa pertinence.

Application du Programme d’action de Beijing

99. Outre le plan national d’action, le Ministère des affaires féminines et la Commission nationale de la promotion de la femme ont entrepris conjointement plusieurs mesures pour garantir la mise en œuvre du Programme d’action de Beiging. Ces mesures sont exposées ci-après :

1. Accès à la formation technique et à l’éducation

100. Récemment, les activités du Ministère des affaires féminines ont été axées sur le développement de l’esprit d’entreprise chez les femmes et la mobilisation sociale. A cette fin, le Bureau des affaires féminines du Ministère travaille au niveau communautaire par l’entremise de 22 centres de développement de la femme ainsi que des Conseils de province et autres institutions gouvernementales locales pour faciliter l’octroi de crédits à faible taux d’intérêt au moyen d’un fonds auto-renouvelable tendant à promouvoir l’emploi indépendant. En outre, le Bureau participe à la réalisation de programmes de formation technique des femmes chefs d’entreprises à la comptabilité et à la commercialisation. De plus, il aide à promouvoir les biens et les services produits par les femmes chefs d’entreprises en organisant des expositions et des foires commerciales. Enfin, l’emploi indépendant des femmes est encouragé grâce à la promotion de programmes d’horticulture familiale.

2. Habilitation

101. Le Bureau mène des programmes de sensibilisation aux affaires féminines, particulièrement à la radio et à la télévision. Les programmes portent principalement sur la diffusion d’informations sur les droits des femmes, la santé génésique, la nutrition et la violence au foyer. De même, la Commission nationale de la promotion de la femme organise des tables rondes, en anglais et dans les langues vernaculaires, sur les droits des femmes et l’égalité entre les sexes à l’occasion de la Journée internationale de la femme. Dans le même but, la Commission publie chaque année, en anglais et dans les langues vernaculaires, une revue consacrée aux affaires féminines.

102. Le Bureau organise également des programmes de préparation à la direction des affaires communautaires et administre sept centres de conseils, dont trois dans les zones franches. En outre, pour promouvoir une participation accrue des femmes à la vie politique, la Commission nationale de la condition de la femme a formulé à l’intention des partis politiques des recommandations spécifiques sur la nécessité d’intégrer les femmes à leurs activités ainsi que sur l’importance qu’il y a à présenter des candidates aux élections à tous les niveaux et sur la nécessité de nommer des femmes aux postes de responsabilité des partis.

3. Élimination de la discrimination à l’égard des femmes

103. La Commission nationale de la condition de la femme a participé à la formulation d’une série de directives sexospécifiques afin de remplacer les directives discriminatoires précédemment en vigueur en ce qui concerne la délivrance de visas aux conjoints étrangers. Elle a également joué un rôle de catalyseur dans la modification des textes législatifs discriminatoires à l’égard des femmes.

4. Violence contre les femmes

104. La Commission nationale de la condition de la femme a créé un centre pour la prévention de la violence à l’égard des femmes qui reçoit en moyenne une centaine de plaintes par mois. Le Centre s’efforce de faire adopter des mesures correctives en conseillant les parties intéressées, en donnant des avis juridiques ou en obtenant les services d’un avocat commis d’office. Dans le cadre de sa campagne de sensibilisation, la Commission a produit des publicités qui doivent être projetées à la télévision pour éliminer la pratique de harcèlement sexuel. Des publicités continueront de passer à la télévision de façon continue.

5. Les femmes et les conflits armés

105. La Commission nationale de la promotion de la femme a organisé deux tables rondes sur les femmes déplacées par les conflits armés dans le Nord et l’Est du pays, à la suite de quoi des recommandations ont été formulées à l’intention du Secrétariat général de la présidence en vue de l’adoption de mesures de secours et de relèvement. Ces recommandations ont également mis en relief les chevauchements inutiles et coûteux des activités réalisées dans ce domaine par le gouvernement ainsi que par les organismes internationaux d’assistance.

2. Les femmes et l’économie

106. Sur une population active totale d’environ 6 853 889 personnes, il n’y a qu’environ 2 307 902 travailleuses. Cependant, l’arrivée des femmes sur le marché du travail a augmenté de 36 % en 2000. Les taux les plus élevés de participation des femmes à la population active se trouvent parmi le groupe des femmes de 22 à 25 ans, suivi par le groupe des femmes de 28 à 29 ans.

107. La participation des femmes à la population active est la plus visible dans le secteur non structuré. Les femmes qui travaillent dans ce secteur, qui représentent 26,5 % du total de la population active féminine, sont employées comme travailleuses temporaires, ouvrières agricoles et travailleuses domestiques. Les programmes de promotion de l’emploi indépendant appuyés par l’État continuent d’être orientés vers ce segment de la population active féminine.

108. Les politiques de libéralisation de l’économie et de promotion des exportations et du secteur privé ont également contribué à élargir les possibilités d’emploi des femmes. Bien que le taux de participation des femmes à la main-d’œuvre agricole soit tombé de 58,4 % en 1994 à 50,4 % en 1998, l’activité des femmes dans le secteur industriel a considérablement augmenté. En fait, dans le secteur manufacturier et le secteur tertiaire, qui sont ceux qui prédominent en terme de contribution au produit intérieur brut, sont ceux où la participation de la population active féminine est la plus forte. Le pourcentage de femmes dans le secteur manufacturier est passé de 44,4 % en 1994 à 50,4 % en 1999. En outre, 90 % des travailleurs dans le secteur de l’habillement sont des femmes, pour la plupart des jeunes femmes de 18 à 30 ans.

109. Bien que le nombre de femmes employées dans le secteur privé ait augmenté en comparaison du nombre de travailleuses du secteur public, la plupart de ces emplois continuent d’être des travaux qualifiés à haute intensité de main-d’œuvre. Néanmoins, les gains de ces travailleuses contribuent beaucoup aux recettes en devises du pays et au revenu familial.

110. Le taux de chômage chez les femmes a diminué par rapport à celui des hommes. Il est tombé de 23,4 % en 1990 à 13 % en 1999 et à 11 % pendant les trois premiers trimestres de 2000, tandis que le taux de chômage des hommes, pendant la même période, est tombé de 11,8 % puis à 6,7 % et à 5,9 %. Il demeure néanmoins deux fois plus élevé que le taux de chômage de la population active de sexe masculin, qui est de 7,4 %. Les femmes de 15 à 19 ans et de 20 à 24 ans représentent un pourcentage élevé de ces chômeuses. Un phénomène intéressant, à cet égard, est que les femmes au chômage sont plus instruites que les chômeurs de sexe masculin.

111. Afin de combattre le chômage chez les femmes, le gouvernement a entrepris des programmes de promotion de l’emploi indépendant. Le Ministère du développement samurdhi, l’Office de formation professionnelle, le Bureau des affaires féminines et l’IRDP ont joué un rôle de catalyseur dans ce domaine en fournissant conjointement une enveloppe de services de promotion de l’emploi indépendant qui comporte une formation, des facilités de crédit et des informations sur les marchés. En cas de besoin, les institutions peuvent obtenir des lignes de crédit supplémentaires pour les bénéficiaires par le biais de sociétés coopératives et de banques commerciales des secteurs aussi bien public que privé.

Travailleurs migrants

112. Les politique relatives aux travailleurs migrants ont évolué dans un sens positif pendant la période considérée. Depuis la modification de la loi relative à l’emploi à l’étranger, en 1994, nombre de programmes bénéfiques ont été mis en route, parmi lesquels l’on peut citer les suivants :

- L’enregistrement obligatoire des travailleurs migrants au Bureau de l’emploi à l’étranger de Sri Lanka;

- L’introduction d’une formation obligatoire avant le départ dans 47 centres de formation administrés et gérés par le secteur privé et par l’État dans différentes régions du pays;

- La conclusion de contrats de travail dans dix pays;

- Des programmes d’assurance médicale gratuite;

- L’octroi aux migrants de prêts à faibles taux d’intérêt;

- La nomination de responsables de la protection des travailleurs au sein des missions sri lankaises à l’étranger;

- L’organisation d’un service d’ambulances pour le transport des rapatriés blessés à partir de l’aéroport; et

- L’octroi de bourses aux enfants des travailleurs migrants pour prévenir les abandons scolaires.

113. Apparemment, la décision de soumettre les agences d’emploi à l’obligation d’obtenir une licence et le resserrement de la surveillance exercée par les autorités ont permis de réduire l’immigration illégale.

114. En dépit de l’adoption de ces mesures de protection sociale, environ 10 % des travailleuses migrantes continuent de faire l’objet d’une exploitation économique et sexuelle. Le coût social que cela suppose préoccupe le Gouvernement sri lankais, et il espère que la Convention des Nations Unies sur la protection des travailleurs migrants, à laquelle Sri Lanka est récemment devenu partie, aura pour effet de renforcer la protection des droits de ces travailleurs.

115. La contribution des travailleuses migrantes à la réduction du déficit de la balance des paiements et du problème du chômage et à l’accroissement du revenu familial, appréciée dans les milieux officiels, n’est pas encore dûment reconnue par la société dans son ensemble. Bien que les femmes ayant travaillé à l’étranger en aient tiré une expérience utile, elles n’ont guère de perspectives d’ascension sociale à leur retour.

116. Les avantages qu’apporte aux autres membres de la famille le revenu rapatrié par les travailleurs migrants ne semblent jamais correspondre au coût d’opportunité de leur travail dans un autre pays. Comme elles n’ont guère accès à des services de puériculture et de garderie d’enfants, voire pas du tout, elles sont obligées de confier leurs enfants à leur famille élargie, généralement le mari, la grand-mère ou même, dans certains cas, un voisin. Les employeurs les exploitent souvent en les obligeant à travailler de longues heures, en les privant de sommeil et en les empêchant de sortir. En outre, comme elles ne jouissent d’aucune protection juridique adéquate, elles sont exposées aussi aux sévices physiques et sexuels.

117. La famille ne tire pas toujours de leur travail les avantages matériels qui lui permettrait d’améliorer la qualité de vie. Ignorantes du fonctionnement du secteur bancaire et du secteur des investissements, leurs proches s’approprient souvent ou utilisent à d’autres fins les économies et les fonds que rapatrient les travailleuses migrantes.

118. Dans ce contexte, l’État a eu pour politique de promouvoir en priorité l’emploi des hommes à l’étranger. Simultanément, alors qu’il subsiste un créneau pour les travailleuses domestiques en Asie et à Chypre, le nombre de travailleuses migrantes est tombé de 73,12 % en 1995 à 66,3 % en 1998. En outre, le pourcentage de travailleuses domestiques parmi les travailleuses migrantes a diminué lui aussi, tombant de 90,3 % à 80,5 %. Les femmes ne migrent plus à seule fin d’être employées comme domestiques, et le nombre de femmes qui cherchent d’autres formes d’emplois non qualifiés, comme dans des usines ou dans des entreprises de nettoyage, a considérablement augmenté.

3. Les femmes, l’éducation et la formation

119. Il est clair que l’égalité de chances en matière d’éducation a rehaussé la condition féminine au sein de la société sri lankaise. Le taux d’alphabétisation des femmes est de 89 %. Si le taux de scolarisation des filles aux niveaux primaire, secondaire et supérieur était de 48,4 %, 49,9 % et 57,9 %, respectivement du nombre total d’étudiants, elles constituent 50,9 % du nombre total d’étudiants de l’université. En outre, elles sont plus nombreuses que les jeunes gens dans les études de médecine, de droits et de beaux arts.

120. Aux termes de la législation en vigueur, la scolarité est maintenant obligatoire pour les enfants de 5 à 14 ans. En outre, le gouvernement a entrepris, par l’entremise de la Commission de l’éducation nationale, de réformer l’éducation. Certains des objectifs des programmes envisagés sont les suivants :

a) La création d’au moins une ou deux écoles secondaires bien équipée dans chaque district administratif;

b) Amélioration de la qualité de l’éducation et promotion d’une créativité accrue dans les écoles, les écoles normales et les universités;

c) Élargissement de l’accès à l’éducation en anglais, aux études techniques et aux conseils pédagogiques; et

d) Fourniture de services de formation professionnelle adéquats à ceux qui quittent l’école et établissement de liens entre les universités et les établissements de formation et les employeurs.

121. Ces réformes de l’éducation devraient bénéficier aux femmes en améliorant le niveau et la qualité de leur instruction et en perfectionnant leurs compétences techniques.

4. Les femmes, le pouvoir et la prise de décisions

1. Vie publique

122. Environ la moitié de la population active dans les catégories des professions libérales et assimilées et des cadres moyens est constituée de femmes. Ces dernières ont traditionnellement prédominé dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Si le nombre de femmes travaillant dans des professions libérales et des disciplines techniques représentait 43,9 % du total de la population active dans lesdits secteurs, le nombre de femmes employées dans l’administration et des postes de gestion était de 23,6 % du total. Dans les emplois de bureau, elles constituaient 48,3 % du nombre total d’employés dans ce secteur.

123. Les femmes occupant des postes élevés de décision demeurent peu nombreuses : 13,3 % seulement du cadre des secrétaires permanents, poste le plus élevé de la fonction publique. En outre, 8 % seulement des vice-recteurs et 13 % des recteurs d’université étaient des femmes.

124. Dans les professions juridiques, les statistiques sont semblables. Une seule femme est juge à la Cour suprême et une autre à la Cour d’appel, 21,9 % seulement des juges de première instance sont des femmes. Cependant, comme les promotions dans la magistrature sont fonction de l’ancienneté et comme les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans les professions juridiques, il est inévitable, qu’à terme, des femmes soient nommées aux échelons les plus élevés de la magistrature. En outre, parmi les principaux services gouvernementaux qui emploient des juristes, par exemple les services du Procureur général et les services de rédaction des lois, les femmes sont représentées principalement aux échelons moyens, ce qui laisse entrevoir une représentation plus équitable des femmes dans les professions juridiques dans un avenir très proche.

2. Vie politique

125. Bien que la conscience politique soit très développée chez les femmes et que la plupart d’entre elles exercent leur droit de vote, cette réalité n’est pas reflétée dans le nombre de femmes qui occupent des postes de responsabilité, que ce soit au sein des partis politiques ou dans l’appareil étatique. Les femmes ne représentent que 3,8 % des parlementaires et 13 % du Cabinet. Si ce chiffre est de 4 % dans les Conseils de province, elles ne représentent que 2 % des représentants élus aux conseils municipaux et communaux. De même, 2 % seulement des membres du Pradeshiya Saba sont des femmes, alors que cette proportion était de 3 % à la suite des élections précédentes.

126. Les femmes qui se destinent à la vie politique voient leur carrière entravée par la culture et les traditions du pays, des contraintes financières et les problèmes qu’elles ont à concilier leur rôle familial et les exigences d’une carrière politique.

127. Avant les élections d’octobre 2000, le gouvernement ainsi que les ONG préconisaient un quota de 30 % des sièges au Parlement et aux organes administratifs locaux pour les femmes afin d’accroître la participation de celles-ci à la politique électorale. Des demandes semblables ont été formulées pour qu’il soit réservé aux femmes le même pourcentage de sièges de candidats figurant sur la liste nationale (mécanisme qui permet aux partis politiques de proposer des candidats aux élections parlementaires). De plus, les partis politiques ont été invités à réorganiser leurs chapitres féminins pour accroître le nombre de candidates aux élections. De même, il est entrepris des programmes de préparation des femmes à des fonctions de direction, spécialement au niveau communautaire, pour qu’elles se présentent aux élections au Pradeshiya Saba, dans le but de redresser le déséquilibre entre hommes et femmes au niveau de la représentation politique. De plus, le nouveau gouvernement du Front national uni a lancé une initiative tendant à garantir que 20 % au moins de candidates se présentent aux élections aux administrations locales.

Articles 4 et 5. Les droits de l’homme en période d’urgence

128. Afin de concilier les droits de l’homme et les libertés individuelles et les intérêts de la société dans son ensemble, l’article 15 de la Constitution de Sri Lanka permet d’imposer des restrictions aux droits fondamentaux visés à l’article 12 (droit d’être à l’abri de la discrimination), au paragraphe1 de l’article 13 (droit d’être à l’abri d’arrestations arbitraires), au paragraphe 2 de l’article13 (droit de ne pas être privé de liberté si ce n’est à la suite d’une ordonnance rendue par un juge conformément à la procédure prévue par la loi) et à l’article 14 (liberté de parole et d’expression, liberté de réunion pacifique, droit de se syndiquer ou de constituer un syndicat, liberté du culte, droit d’utiliser sa propre langue et de promouvoir sa propre culture, droit de se livrer à toute profession ou tout métier licite et liberté de déplacement) de la Constitution. Aux termes du paragraphe 7 de l’article 15, ces dispositions peuvent «faire l’objet des restrictions prescrites par la loi dans l’intérêt de la sécurité nationale, de l’ordre public et de la protection de la santé publique ou des bonnes mœurs ou afin de garantir le respect des libertés d’autrui ou de répondre aux justes exigences du bien-être général dans une société démocratique». De même, si les droits visés au paragraphe 5 de l’article 13 (droit d’être présumé innocent jusqu’à ce que la preuve de sa culpabilité ait été apportée) et au paragraphe 6 de l’article13 (non-rétroactivité des lois pénales) peuvent limités par la loi dans l’intérêt de la sécurité nationale, les paragraphes 2 à 6 de l’article 15 permettent de restreindre les différentes libertés visées à l’article 14, comme prescrit par la loi, aux fins indiquées dans ledit article.

129. Par ailleurs, le paragraphe 8 de l’article 15 stipule que l’exercice des droits visés au paragraphe 1 de l’article 12 (droit à l’égalité devant la loi et à la protection égale de la loi), ainsi qu’au paragraphe 13 de l’article 14, peut faire l’objet des restrictions prescrites par la loi dans leur application aux membres des forces armées et de la police et des autres forces chargées du maintien de l’ordre public, et ce dans le souci d’assurer l’accomplissement approprié de leurs fonctions et le maintien de la discipline.

130. De plus, l’article 155 de la Constitution habilite l’exécutif à promulguer des règlements d’exception conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par l’Ordonnance sur la sécurité publique , qui ont juridiquement pour effet de prévaloir sur toute loi autre que la Constitution ou de la modifier ou d’en suspendre l’application. De même, le paragraphe 1 de l’article 5 de l’Ordonnance sur la sécurité publique habilite l’exécutif à promulguer des règlements d’exception qui :

a) Autorisent et réglementent la détention de personnes;

b) Autorisent la prise de possession ou de contrôle de tout bien ou de toute entreprise et l’acquisition de tout bien autre qu’un bien foncier;

c) Autorisent les forces de l’ordre à pénétrer dans tous locaux et à y perquisitionner;

d) Permettent de modifier toute loi, d’en suspendre l’application et d’appliquer toute loi, avec ou sans modification;

e) Permettent de percevoir des droits prescrits pour l’octroi ou la délivrance de licences, permis, certificats ou autres documents des règlements d’exception;

f) Prévoient le paiement d’une indemnisation et d’une rémunération aux personnes affectées par les règlements d’exception;

g) Permettent l’appréhension et le châtiment des délinquants et leur jugement par des juridictions autres que des cours martiales, conformément aux procédures stipulées par les règlements d’exception, prévoient la possibilité d’interjeter appel contre les ordonnances ou décisions rendues par lesdites juridictions et réglementent la procédure à suivre au sujet de tels recours.

131. L’expression «loi» utilisée à l’article 15 est définie par la Constitution comme comprenant «les règlements temporaires promulgués pour protéger la sécurité publique». Cette expression, rapprochée de l’article 155 de la Constitution et des dispositions de la Loi relative à la sécurité publique, habilite par conséquent le Président à promulguer par décret des règlements limitant la jouissance des droits susmentionnés. Toutefois, cela ne doit pas être interprété comme donnant à l’exécutif carte blanche pour restreindre les droits et libertés garantis au peuple.

132. La Constitution elle-même consacre la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 10), le droit d’être à l’abri de la torture (article11), le droit à un procès équitable (paragraphe 3 de l’article13) et le droit d’être à l’abri d’une peine d’emprisonnement ou de la peine capitale si ce n’est conformément à la loi (paragraphe 4 de l’article13) en tant que droits absolus. Lesdits droits ne peuvent par conséquent faire l’objet d’aucune restriction, quelles que soient les circonstances.

133. En outre, alors même que l’article 155 habilite le Président à suspendre ou modifier toute loi ou à promulguer des dispositions prévalant sur celle-ci, son intention n’est pas de priver le législateur de tout contrôle sur l’exercice de pouvoirs d’urgence par l’exécutif, mais en fait l’inverse. Son but est de constituer une sauvegarde contre tout abus des pouvoirs d’urgence et toute mesure arbitraire de l’exécutif en stipulant que toute loi ou tout règlement d’exception proclamé par l’exécutif doit être approuvé à la majorité des membres du Parlement dans les dix jours sa proclamation. Ledit article stipule en outre que ladite proclamation n’est valable que pour 30 jours, à moins qu’elle ne soit renouvelée par le Parlement au moyen d’une résolution adoptée à cet effet à la majorité de ses membres.

134. De plus, la magistrature, par son interprétation des dispositions constitutionnelles, s’est efforcée d’être un bastion contre tout abus des pouvoirs d’urgence par l’exécutif. Dans l’affaire Yasapala contre Wickramarsinghe , dans laquelle avait été attaqué un règlement d’exception limitant la liberté d’association dans l’intérêt de la sécurité nationale, le Juge Sharavanda a considéré qu’il devait exister une corrélation proche ou de cause à effet entre le règlement attaqué et son objet. De même, dans l’affaire Joseph Perera contre Ministre de la Justice , qui a fait jurisprudence, les cinq juges de la Cour suprême ont considéré à l’unanimité que le paragraphe 7 de l’article 15 n’autorisait que les restrictions ayant une corrélation «étroite, réelle et rationnelle» avec leur objet. L’affaire concernait la restriction de la liberté d’expression par un règlement d’exception. Le Juge Sharavanda a déclaré ce qui suit :

«Si les restrictions sont larges à tel point d’englober celles qui sont autorisées ainsi que celles qui ne le sont pas, elles doivent être annulées dans leur ensemble étant donné que la restriction imposée à la liberté d’expression n’est pas justifiable par le paragraphe 2 ou le paragraphe 7 de l’article 15… Le règlement doit répondre à cet objectif… Il appartient à la Cour d’apprécier la nécessité du règlement d’exception et de déterminer s’il existe un lien étroit ou rationnel entre la restriction imposée au droit fondamental d’un citoyen par un règlement d’exception et l’objet de celui-ci».

135. Le règlement spécifique doit par conséquent, selon l’appréciation de la Cour, avoir pour objectif la sécurité nationale, laquelle prévaut à juste titre sur une liberté d’expression sans restriction. Ce n’est qu’ainsi qu’un tel règlement peut être valable. La simple affirmation subjective du Président qu’il a considéré nécessaire de promulguer tel ou tel règlement ne confère en soi aucune validité à celui-ci.

136. Un amendement au règlement d’exception a été publié au Journal officiel du 6 avril 2001, selon lequel les suspects arrêtés en application dudit règlement devaient comparaître devant un magistrat au plus tard 14 jours suivant leur arrestation. Par la suite, le Gouvernement sri lankais a laissé le règlement d’exception expirer avec effet à compter de juillet 2001. Par conséquent, le règlement d’exception n’est pas en vigueur à l’heure actuelle.

Loi No 4 de 1979 sur la prévention du terrorisme (dispositions provisoires)

137. Cette loi avait pour but de promulguer des dispositions temporaires en vue de prévenir les actes de terrorisme à Sri Lanka ainsi que les activités illicites de tout individu, groupe d’individus, association, organisation ou ensemble de personnes à l’intérieur ou à l’extérieur de Sri Lanka. Son préambule se lit en partie comme suit :

«L’ordre public à Sri Lanka continue d’être menacé par des éléments ou des groupes ou associations qui préconisent le recours à la force ou la commission de crimes pour obtenir un changement de gouvernement à Sri Lanka et qui ont assassiné ou menacé d’assassiner des membres du Parlement et des autorités locales, des officiers de police et des témoins de leurs actes ainsi que d’autres citoyens innocents respectueux de la loi, et ont commis d’autres actes de terrorisme comme vol à main armée, sabotage de biens d’État et autres actes faisant intervenir des mesures ou des menaces de coercition, d’intimidation et de violence».

138. Le Titre I de la Loi expose les infractions visées et les sanctions dont elles sont passibles et le Titre II, consacré aux enquêtes, stipule à son article 6 que la police est habilitée à :

a) Arrêter toute personne;

b) Pénétrer dans tous locaux et y perquisitionner;

c) Arrêter et fouiller tout individu ou tout véhicule, navire, train ou aéronef; et

d) Saisir tout document ou objet lié ou dont il y a de bonnes raisons de penser qu’il est lié à une activités illicite quelle qu’elle soit.

139. Une personne arrêtée en application de l’article 6 ne peut être gardée à vue que pendant 72 heures au maximum à moins qu’une ordonnance de détention ait été prise à son égard en vertu dudit article et ait été présentée à un magistrat avant l’expiration du délai. Le magistrat doit, sur demande écrite à cet effet présentée à un officier de police, de rang au moins égal à surintendant, ordonner que l’intéressé soit maintenu en détention provisoire jusqu’à la fin de son procès (paragraphe 1 de l’article 7).

140. Le Titre III a trait aux mandats d’arrestation et de détention. Son article 9 stipule que le Ministre, lorsqu’il a des raisons de penser ou de soupçonner qu’une personne quelconque est liée à une activité illicite quelle qu’elle soit, peut ordonner que l’intéressé soit détenu pendant une période ne dépassant pas trois mois, au lieu et dans les conditions qu’il détermine. Ce mandat de détention peut être prorogé périodiquement pour des périodes ne dépassant pas trois mois à chaque occasion, étant entendu toutefois que la durée totale d’une telle détention ne peut dépasser 18 mois (paragraphe 1 de l’article 9). Ces mandats de détention ont un caractère définitif et ne peuvent pas être attaqués devant un tribunal ou une juridiction quelconque, que ce soit au moyen d’un recours ou de toute autre manière .

141. Le Titre IV de la Loi concerne la conduite du procès des suspects détenus en application de la Loi sur la prévention du terrorisme. L’article 15 de cette loi, tel que modifié par la Loi No 22 de 1988, stipule que une personne qui commet une infraction à la loi peut être jugée sans enquête préliminaire après mise en accusation par un juge de la Haute Cour, sans jury, ou devant la Haute Cour par trois juges sans jury, selon ce que décide le Président de la Cour.

Article 6 - Droit à la vie

1. Peine capitale

142. Selon le Code pénal actuellement en vigueur à Sri Lanka, trois crimes seulement sont passibles de la peine capitale. Si, dans le cas d’assassinat prémédité et de haute trahison, la peine de mort peut obligatoirement être prononcée, le juge des peines peut, dans le cas du trafic de drogues, imposer soit la peine capitale, soit l’emprisonnement à perpétuité. Cependant, l’imposition de cette peine n’est pas le résultat d’un acte arbitraire unique mais plutôt, comme on le verra ci-dessous, l’aboutissement d’un processus tendant essentiellement à garantir l’acquittement de l’accusé.

143. Lorsque l’on soupçonne qu’il a été commis un assassinat prémédité, la police ouvre une enquête et il est simultanément ouvert une enquête judiciaire afin de déterminer la cause du décès. Si aussi bien l’enquête de la police que l’enquête judiciaire parviennent à la conclusion que la morte n’a pas été due à des causes naturelles mais plutôt à un assassinat et si les enquêteurs découvrent des preuves suffisantes pour identifier et poursuivre le délinquant, il est ouvert alors devant un magistrat une enquête non sommaire tendant à déterminer s’il existe des éléments de preuve suffisants pour inculper l’accusé et le traduire devant la Haute Cour. Si la réponse à ce processus est affirmative, le dossier de l’affaire est alors communiqué au Procureur général.

144. Le Procureur général analyse les éléments de preuve contenus dans le dossier ainsi que les notes des enquêteurs pour déterminer si ces éléments sont recevables et sont suffisamment fiables pour traduire l’inculpé en justice. Le Procureur général, s’il considère que tel est le cas, soumet à la Haute Cour une demande de mise en accusation, laquelle, une fois prononcée, est communiquée à l’accusé. Ce dernier est alors invité à choisir s’il souhaite que le procès soit mené par un juge avec jury ou sans jury.

145. En outre, si l’accusé n’a pas les moyens de rémunérer un avocat, il lui est assigné un avocat commis d’office. En outre, un procès doit obligatoirement avoir lieu même si l’inculpé a reconnu sa culpabilité. Il n’y a donc aucune exception à la règle selon laquelle il incombe au Parquet de prouver la culpabilité de l’accusé au-delà de tout doute raisonnable pour que celui-ci puisse être condamné pour assassinat.

146. De plus, conformément au Code de procédure pénale de Sri Lanka, les aveux faits par un suspect devant un officier de police ne peuvent pas être présentés comme preuve contre lui. Dans l’intégralité du procès, l’accusé peut soit décider de conserver le silence, soit faire des déclarations pour sa défense. Il peut également faire à partir de la barre des accusés une déclaration qui ne peut donner lieu à contre-interrogatoire. Si la Haute Cour parvient alors à la conclusion que l’inculpé est coupable d’avoir commis le crime d’assassinat, elle peut prononcer la peine de mort, exécutée par pendaison.

147. Néanmoins, cela ne marque pas nécessairement la fin du processus pour l’accusé, lequel peut interjeter un recours devant la Cour d’appel par l’entremise soit d’un avocat, soit d’un responsable des services pénitentiaires, lequel doit soumettre le recours à la Cour d’appel. Si l’accusé n’est pas satisfait du verdict de la Cour d’appel, il peut également former un recours devant la Cour suprême.

148. La Loi relative à l’imposition de la peine capitale n’a pas changé depuis 1959 mais la peine de mort n’est pas exécutée depuis 1974, le Chef de l’État s’étant abstenu dans tous les cas de spécifier la date et l’heure de l’exécution de la peine, formalité obligatoire pour qu’elle soit exécutée. Les peines capitales qui ont été prononcées ont été commuées en emprisonnement à perpétuité. Il existe par conséquent un moratoire de fait sur l’application de la peine capitale.

149. L’incidence accrue de la criminalité organisée au cours des quelques dernières années a conduit certains milieux à réclamer à grands cris un changement de politique. De même, certains sociologues et criminologues ont imputé ce fait à l’impossibilité pour les sanctions pénales de jouer un rôle de dissuasion. Le gouvernement s’est donc trouvé obligé de revoir sa politique touchant l’exécution de la peine capitale.

150. En 1991, une Commission de hautes personnalités gouvernementales a recommandé au gouvernement de s’abstenir de commuer la peine capitale en emprisonnement à perpétuité dans les cas suivants :

a) Assassinat prémédité exécuté avec cruauté;

b) Assassinat commis à l’aide d’armes perfectionnées et commis dans le contexte de règlements de comptes en bandes de criminels organisés; et

c) Trafic de grandes quantités de stupéfiants.

151. A la suite de ces recommandations, le gouvernement a fait savoir que si le Procureur général, le juge du fait et le Ministre de la justice étaient d’accord avec l’exécution de la peine capitale, celle-ci serait exécutée dans les cas où les intéressés auraient été reconnus coupables d’avoir commis les crimes odieux susmentionnés. En décembre 2000, il y avait 23 individus appartenant à cette catégorie. Le gouvernement continue cependant d’observer un moratoire sur l’exécution de la peine capitale. A l’occasion du Festival de Vesak, le Président a commué la peine de tous les condamnés à mort en emprisonnement à perpétuité.

Mesures adoptées pour prévenir les disparitions involontaires ou les enlèvements forcés

152. Plusieurs initiatives ont été adoptées pour faire enquête sur les allégations de disparitions involontaires et d’enlèvements forcés. Il avait préalablement été désigné en 1991 une Commission présidentielle d’enquête sur les disparitions involontaires, qui n’avait cependant pour mandat que d’enquêter sur les plaintes de disparitions qui s’étaient prétendument produites après le 11 janvier 1991. Comme la plupart des allégations d’enlèvements formulées par les ONG locales et internationales portaient sur la période précédant 1991, particulièrement sur la période comprise entre 1988 et 1990, la création de cette commission est apparue comme un exercice spécieux.

153. C’est ainsi qu’en 1995, le gouvernement a constitué trois commissions régionales d’enquête pour faire rapport sur les disparitions qui s’étaient prétendument produite pendant la période comprise entre le 1 er  janvier 1988 et le 31 décembre 1990. Ces trois commissions, dont le ressort étaient les trois principales régions géographiques du Sud du pays, ont reçu pour mandat de faire enquête sur lesdites allégations afin :

a) De déterminer la véracité des allégations;

b) D’accorder réparation et indemnisation aux familles des victimes dans les cas où des disparitions étaient établies; et

c) D’identifier et de châtier les auteurs des disparitions.

154. A l’expiration de leur mandat (du 13 novembre 1994 au 3 octobre 1997), les commissions sont parvenues à la conclusion qu’environ 16 800 personnes avaient disparu pendant la période en question.

155. Regrettablement, les commissions n’ont pas pu faire enquête sur toutes les plaintes de disparitions forcées qu’elles avaient reçues. En fait, le gouvernement a créé en 1998 une commission d’enquête unique, appelée «Commission présidentielle nationale sur les disparitions» avec pour mandat d’analyser ces autres plaintes et de faire rapport à ce sujet.

156. Dans 1 681 des 16 800 affaires de disparitions, les commissions régionales sont parvenues à la conclusion qu’il existait des éléments de preuve suffisants pour identifier les responsables. Comme suite à la recommandation formulée par les commissions, le gouvernement a alors décidé d’entamer des poursuites pénales contre les intéressés.

157. Pour faciliter ce processus, il a été créé en novembre 1997 un service spécial de la police appelé «Unité d’enquête sur les disparitions» chargé de mener l’enquête sur ces 1 681 affaires. Parallèlement, il a été créé en juillet 1998 une unité distincte au sein des services du Procureur général appelée «Commission sur les personnes disparues» avec pour tâche d’entamer des poursuites pénales contre les auteurs des disparitions.

158. L’Unité d’enquête sur les disparitions avait, au 31 décembre 2000, achevé ses enquêtes sur 1 175 des 1 681 affaires qui lui avaient été soumises.

159. De même, la Commission sur les personnes disparues des services du Procureur général, qui avait reçu le dossier provenant du résultat des enquêtes sur ces 1 175 affaires, a adopté les mesures indiquées ci-après.

Tableau 4

Nature des mesures adoptées (au 31 décembre 2001)

1

2

3

4

5

Mise en accusation devant la Haute Cour (nombre d’affaires)

Procédure non sommaire instituée devant la Magisterial Court (nombre d’affaires)

Nombre total de membres des forces de sécurité qui ont fait l’objet de poursuites pénales

Nombre de personnes ayant fait l’objet d’un non-lieu ou d’un acquittement

Nombre d’affaires dans lesquelles la police a reçu pour instruction de poursuivre l’enquête

262   

86   

597   

423   

323   

160. A ce jour, des poursuites pénales ont été instituées contre 597 membres des forces de police et des forces armées. Une action a été introduite devant la Haute Cour et la Magisterial Court et ces affaires sont actuellement en instance.

161. La Commission nationale a également achevé ses enquêtes en août 2000 et a signalé que 10 400 autres personnes avaient disparu pendant la période considérée, à la suite de quoi les statistiques officielles concernant les disparitions involontaires ou enlèvements forcés ont été modifiées en conséquence. Ainsi, le nombre total de personnes qui ont disparu pendant la période 1988-90 est actuellement estimé à quelque 27 200. L’ensemble du processus d’enquête et de poursuites pénales se poursuit.

162. En outre, comme suite à la décision prise par le Groupe de travail interministériel sur les questions relatives aux droits de l’homme, l’Unité d’enquête sur les disparitions de la police a récemment été chargée d’entamer une enquête pénale sur les allégations plus récentes de disparitions. Cette unité s’est attachée en priorité à faire enquête sur 190 plaintes sur 378 disparitions déclarées au total. A l’issue des enquêtes, le dossier sera sans doute communiqué à la Commission sur les personnes disparues des services du Procureur général en vue de l’ouverture de poursuites.

Indemnisations versées aux familles des «disparus»

163. Afin de donner suite à l’une des recommandations formulées par les Commissions régionales, l’Autorité chargée de l’indemnisation des personnes et de la réparation des dommages causés aux biens et aux industries (REPPIA) a, depuis août 1995, versé une indemnisation aux familles des disparus et établi des certificats de décès. Au 30 mai 2001, les indemnisations versées aux familles de 16 324 victimes se sont montées au total à 555 517 200 roupies.

Cas de disparitions signalées par le Groupe de travail de l’ONU

164. Le Groupe de travail de l’ONU sur les disparitions forcées ou involontaires, à Genève, a demandé au Gouvernement sri lankais des éclaircissements sur quelque 12 000 cas de disparitions forcées ou involontaires. Conformément à une décision prise par le Cabinet le 24 février 1999, il a été créé au sein de la REPPIA une Unité spéciale temporaire, avec un mandat d’un an, pour faire enquête à ce sujet. Comme cette unité n’a pas pu s’acquitter de son mandat dans un délai d’un an, celui-ci a par la suite été reconduit pour deux ans de plus. En octobre 2001, l’Unité a achevé ses travaux en versant des indemnisations et en délivrant des certificats de décès aux familles des personnes considérées comme ayant été victimes de disparitions forcées ou involontaires. Sur les 11 881 cas signalés par le Groupe de travail de l’ONU, 267 étaient déjà mentionnés ailleurs. En ce qui concerne les autres cas sur lesquels la lumière a été faite, des poursuites pénales doivent être ouvertes contre les auteurs de ces crimes dès qu’ils auront été clairement identifiés.

165. Les efforts déployés par cette Unité pour s’acquitter de son mandat ont été applaudis par M. Diego Garcia-Sayan, Président du Groupe de travail de l’ONU sur les disparitions forcées ou involontaires.

Disparitions à Jaffna en 1996

166. En novembre 1996, le Ministère de la défense a créé une commission d’enquête à la suite des plaintes alléguant que des personnes avaient été portées disparues après avoir été arrêtées par le personnel des forces de sécurité dans le Nord du pays. La Commission d’enquête a mené ses investigations indépendamment, sans être soumise aux procédures normalement appliquées par les forces armées.

167. La Commission a mené ses enquêtes sur la base des listes des personnes prétendument disparues reçues de différentes sources comme le Secrétariat général à la présidence, Amnesty International, le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires, le CICR, des députés, le Président du RRAN, de l’Association de défense des personnes arrêtées puis disparues, du Gouvernement de Jaffna ainsi que directement des membres de la famille des personnes portées manquantes. La Commission est parvenue à la conclusion que 378 personnes avaient disparu dans la péninsule de Jaffna en 1996. L’Unité d’enquête sur les disparitions mène actuellement des investigations sur ces affaires. Dès que celles-ci seront achevées, la Commission sur les personnes disparues des services du Procureur général pourra prendre une décision sur l’ouverture de poursuites pénales.

168. Indépendamment des mesures susmentionnées, le Président a donné les instructions ci-après aux forces de sécurité pour empêcher qu’il y ait de nouvelles disparitions forcées ou involontaires :

- Nul ne doit être arrêté ou détenu en vertu d’un règlement d’exception ou de la loi sur la prévention du terrorisme si ce n’est conformément à la législation en vigueur et à la procédure appropriée, par une personne autorisée par la loi à procéder à une telle arrestation ou à ordonner une telle détention;

- Dès l’arrestation et, si cela n’est pas possible étant les circonstances, immédiatement après :

i) La personne qui procède à l’arrestation doit indiquer son identité à la personne arrêtée ou à tout parent ou ami en faisant la demande, en donnant son nom et son rang;

ii) La personne arrêtée ou détenue doit être informée de la raison de son arrestation;

iii) La personne procédant à l’arrestation ou à la détention doit remettre au conjoint, au père, à la mère ou à tout autre proche parent un document attestant l’arrestation établi sur un formulaire spécifié par le Secrétaire général du Ministère de la défense. Le nom et le rang de l’agent ayant procédé à l’arrestation, l’heure et la date de l’arrestation et l’endroit où la personne sera détenue doivent également être spécifiés. Le porteur de ce document a l’obligation de le produire ou de le restituer à l’autorité compétente lorsque la personne arrêtée est libérée.

169. Si une personne est détenue et s’il n’est pas possible d’établir le document susmentionné, l’agent qui procède à l’arrestation, s’il appartient à la police, doit porter une mention dans le Journal pour expliquer les raisons pour lesquelles il n’est pas possible d’établir ledit document. Si l’agent qui procède à l’arrestation appartient aux forces armées, il a l’obligation de rendre compte des raisons pour lesquelles cela n’est pas possible à l’officier responsable du poste de police, qui est tenu de mentionner le fait, en en indiquant les raisons, dans le Journal du poste.

170. La personne arrêtée doit se voir accorder le moyen de communiquer avec un parent ou avec un ami pour faire savoir à sa famille où elle se trouve :

- Si la personne qui doit être arrêtée ou détenue est un enfant de moins de 12 ans ou une femme, une personne de son choix doit être autorisée à l’accompagner jusqu’au lieu de l’interrogatoire. Dans toute la mesure du possible, l’intéressé, s’il s’agit d’un enfant ou d’une femme, doit être confié à une unité féminine des forces armées ou de la police ou à la garde d’un autre officier des forces armées ou de la police de sexe féminin;

- La déclaration de la personne arrêtée ou détenue doit être enregistrée dans la langue de son choix et l’intéressé doit par la suite être invité à signer la déclaration. Une personne qui souhaite faire une déclaration de sa propre main doit être autorisée à le faire;

- Les membres de la Commission des droits de l’homme doivent pouvoir avoir accès aux personnes arrêtées et détenues et doivent être autorisés à pénétrer à tout moment en tout lieu de détention ou dans tout poste de police où se trouvent détenues des personnes arrêtées ou gardées à vue;

- Tout agent qui procède à une arrestation ou à une détention, selon le cas, doit immédiatement, et en tout état de cause au plus tard 48 heures suivant ladite arrestation ou détention, informer la Commission des droits de l’homme ou toute personne spécialement autorisée par celle-ci de l’arrestation ou de la détention et de l’endroit où est gardée à vue la personne arrêtée ou détenue.

Article 7 - Prévention de la torture

Cour suprême de Sri Lanka

171. L’article 11 de la Constitution de Sri Lanka stipule que nul ne peut faire l’objet de traitements ou de châtiments cruels, inhumains ou dégradants. La Constitution, reflétant le principe selon lequel il ne peut en aucune circonstance être dérogé au droit d’être à l’abri de la torture qui est consacré à l’article 7 du Pacte, confère à ce droit un caractère absolu et n’autorise aucune restriction qui serait imposée par la loi, si ce n’est approbation par le peuple à la suite d’un référendum.

172. Lorsqu’elle a été appelée à définir la portée de l’article 11 de la Constitution, la Cour suprême a déclaré que les traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants ou la torture peuvent revêtir de multiples formes, aussi bien psychologiques que physiques. En outre, les actes ou le comportement attaqués doivent, selon l’appréciation de la Cour relever de l’article 11. En conséquence, compte tenu de la nature et de la gravité de la cause, un degré élevé de certitude est requis avant que l’on puisse dire que les probabilités conduisent à penser que le plaignant a effectivement été soumis à la torture ou a fait l’objet de traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants. Dans un arrêt récent, la Cour a considéré que le viol d’une personne en détention équivalait un cas de torture.

Loi No 22 de 1994 relative à la Convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants

173. Afin de réaffirmer sans équivoque son engagement de sauvegarder le droit d’être à l’abri de la torture, le Gouvernement sri lankais a déposé en 1994 son instrument de ratification de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants . Par la suite, le Parlement a promulgué une loi incorporant en droit interne les dispositions de la Convention, qui qualifie tout acte de torture comme une infraction pénale passible d’une peine d’emprisonnement de sept ans au minimum et de dix ans au plus, plus une amende comprise entre 10 000 et 50 000 roupies. L’article 12 de la Loi susmentionnée définit comme suit la torture :

«Tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, infligé à toute personne aux fins :

i) d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux;

ii) de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonné d’avoir commis;

iii) de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce partie.

174. La loi susmentionnée a également modifié la Loi relative à l’extradition pour appliquer le régime d’extradition ou de poursuites envisagé dans la Convention. A ce jour, dix personnes ont été condamnées pour avoir enfreint les dispositions de la Loi relative à la torture.

Établissement d’un mécanisme efficace pour les poursuites pénales des agents publics ayant commis des actes de torture

175. Le gouvernement, conscient de ce que seule l’existence d’un mécanisme d’enquête peut avoir un effet de dissuasion d’actes de torture, a confié les enquêtes sur les allégations de torture au Département des enquêtes criminelles de la police. Simultanément, le Service spécial appelé «Unité des poursuites contre les auteurs d’actes de torture (Unité PTP)» a été créé au sein des services du Procureur général pour collaborer étroitement avec la police. Le service compétent du Département des enquêtes pénales est dirigé par un surintendant adjoint de la police et relève directement de l’Inspecteur général adjoint chargé du Département, tandis que l’Unité PTP est dirigée par un substitut du Procureur général et un juriste principal du Ministère de la justice et relève directement du Procureur général et du Sollicitor General. Le PTP comprend sept juristes.

176. L’Unité PTP a principalement pour tâche de faire condamner les auteurs d’actes de torture. Les méthodes utilisées peuvent être décrites comme suit.

177. Une fois l’enquête criminelle achevée, la police soumet le dossier à l’Unité PTP, qui étudie alors s’il y a lieu d’entamer des poursuites pénales contre les personnes soupçonnées d’avoir commis un acte de torture. Ce faisant, elle examine la force probante des éléments relatifs à la commission de l’infraction, leur recevabilité et leur fiabilité. Lorsqu’il a été décidé d’inculper les suspects, la police reçoit pour instruction de procéder à leur arrestation et de les faire comparaître devant un magistrat. Ensuite, il est établi une demande de mise en accusation qui est transmise à la Haute Cour compétente. Les poursuites sont généralement dirigées par un juriste représentant le Procureur général.

178. En outre, l’Unité PTP suit le déroulement de l’affaire et donne des avis sur la conduite de l’enquête. Le Département des enquêtes criminelles de la police a l’obligation de rendre compte des enquêtes à l’Unité PTP pour que ces informations puissent être périodiquement entrées dans la base de données informatisée tenue par cette unité.

Instructions précises données aux membres des forces de sécurité pour éviter la commission d’actes de torture

179. Comme il s’est avéré nécessaire de donner de nouvelles instructions afin de préciser la politique du gouvernement concernant la protection du droit d’être à l’abri de la torture, l’Inspecteur général de la police a, le 14 janvier 2001, adressé sous sa signature une circulaire officielle à tous les officiers responsables des services de police ayant rang de Surintendant principal de l’ensemble du pays ainsi qu’aux responsables des divisions spécialisées (comme la Division d’enquête sur le terrorisme, le Département des enquêtes criminelles, le Bureau anti-stupéfiants de la police, etc.), pour appeler leur attention sur la nécessité de veiller à ce qu’aucun acte de torture ne soit perpétré en aucune circonstance et que de tels actes ne soient jamais tolérés. Aux termes de cette circulaire, les officiers responsables des divisions et unités spécialisées de la police ont reçu pour instruction de sensibiliser tous les officiers de police placés sous leurs ordres à la nécessité de prévenir la torture. Afin de manifester l’engagement inébranlable du gouvernement d’appliquer une politique de tolérance zéro en la matière, cette circulaire non seulement exposait en détail les sanctions pénales dont seraient passibles les auteurs d’actes de torture, mais mentionnait en outre le fait que le Procureur général avait déjà entamé des poursuites pénales contre des personnes reconnues responsables d’avoir commis de tels actes. En outre, la circulaire ajoutait que tous les officiers responsables des divisions devaient personnellement veiller à ce que leur subordonnés s’abstiennent de tout acte cruel, inhumain ou dégradant.

180. Par ailleurs, conformément à une instruction du Secrétaire général du Ministère de la défense, l’Inspecteur général de la police a désigné un Inspecteur général adjoint pour superviser et coordonner toutes les enquêtes sur les allégations de violation des droits de l’homme et la mise en œuvre des mesures adoptées pour les prévenir. L’Inspecteur général adjoint a fait une série de visites non annoncées de centres de détention, en accordant la priorité à ceux qui sont situés dans le Nord et l’Est du pays.

181. Après la publication de la circulaire de l’Inspecteur général adjoint, une vérification détaillée a été réalisée pour s’assurer que tous les officiers responsables des divisions des unités spécialisées de la police avaient effectivement donné les instructions appropriées à leurs subordonnés touchant la prévention des actes de torture. Selon les rapports officiels ainsi que les informations officieuses reçues desdites divisions et unités spécialisées, tous les agents relevant du Département de la police avaient, fin février 2001, reçus des instructions spécifiques touchant la nécessité de s’abstenir en toute circonstance de toute forme de torture. Le respect de ces règlements est continuellement suivi par l’Inspecteur général adjoint au moyen de visites non annoncées dans des postes de police. Les enquêtes et investigations sur les allégations de violation de ces règlements sont également menées sous la supervision de l’Inspecteur général adjoint.

182. En outre, l’armée sri lankaise a constitué des unités spéciales appelées «Cellules de protection des droits de l’homme» chargées de veiller à ce que les membres des forces armées, en particulier ceux qui servent dans des secteurs d’opération, respectent les normes internationales relatives aux droits de l’homme dans l’exercice de leurs fonctions. En outre, une direction spéciale placée sous le commandement d’un général de brigade a été constituée au quartier général des armées pour veiller à ce que les forces armées respectent ces normes internationales. En outre, le Commandant en chef de l’infanterie a publié des instructions stipulant les procédures à suivre lors de l’arrestation, de l’interrogatoire et de la détention des suspects, l’accent étant mis sur la nécessité de veiller à ce que ces procédures soient conformes aux normes en matière des droits de l’homme et aux stipulations du droit interne. Ainsi, ces procédures interdisent rigoureusement les actes de torture ou tous autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Établissement d’un processus garantissant une supervision judiciaire des établissements de détention

183. Comme suite à une recommandation formulée le 6 avril 2001 par le Groupe de travail interministériel sur les droits de l’homme, le Président a promulgué des amendements au Règlement d’exception pour, entre autres, habiliter les magistrats à rendre visite aux lieux de détention situés dans leur ressort. Ces visites peuvent être menées sans préavis. Aux termes du nouveau règlement, les magistrats ont l’obligation de procéder à de telles visites une fois par mois au moins. Afin de rendre plus transparent le processus de détention, le nouveau règlement stipule que les responsables des établissements pénitentiaires doivent soumettre aux magistrats, une fois tous les 14 jours, une liste des suspects détenus dans leurs établissements. La liste indiquée doit être apposée sur un panneau d’affichage des Magistrate’s Courts correspondantes. En outre, le nouveau règlement stipule que les suspects arrêtés en vertu du Règlement d’exception doivent comparaître devant un magistrat dès que possible, mais au plus tard 14 jours après leur arrestation.

Tenue d’un registre central des personnes détenues dans toutes les régions du pays

184. Il a été organisé une ligne téléphonique que les parents des détenus peuvent appeler 24 heures sur 24 pour obtenir des informations précises sur leurs conditions de détention, comme l’endroit où ils se trouvent, la nature et les circonstances de la détention, etc. Ce service téléphonique est assuré par des agents de police qui parlent couramment les trois langues : cinghalais, tamoul et anglais. Le numéro de cette ligne téléphone est le 01-386061. Cette ligne permet notamment aux membres de la famille qui pensent qu’une personne proche a été arrêtée de déterminer a) si cette personne a en fait été arrêtée et, dans l’affirmative, b) quelle est l’autorité ayant ordonné l’arrestation et c) quel est le lieu de détention.

185. Pour améliorer l’efficacité de cette ligne téléphonique d’information, il a été constitué un registre central informatisé de la police placé sous l’autorité de l’Inspecteur général de la police chargé des droits de l’homme. Il est tenu dans ce registre des informations à jour et exactes concernant toutes les personnes arrêtées et détenues en vertu du Règlement d’exception et de la Loi sur la prévention du terrorisme. Ce registre est tenu au quartier général de la police.

186. Aux termes des règlements internes du Département de la police, tous les agents qui procèdent à une arrestation sont tenus d’informer les personnes qui tiennent le registre central informatisé de l’arrestation des suspects dans les six heures suivantes.

Éducation des membres des forces armées en matière de droits de l’homme

187. La formation aux droits de l’homme fait partie de l’entraînement de tous les agents chargés de l’application des lois, membres des forces armées et membres du personnel pénitentiaire. Cette formation comprend des cours sur les droits fondamentaux garantis par la Constitution, sur les normes internationales relatives aux droits de l’homme, sur le code de procédure pénale, sur les droits des citoyens et sur les droits et obligations des agents chargés de l’application des lois. Ces cours sont accompagnés d’exercices et d’aides pédagogiques visuelles. Il est également organisé des séminaires et des discussions à différentes étapes de la carrière des intéressés.

188. Une éducation en matière des droits de l’homme a été introduite au programme de formation de la police au début des années 80. Elle constitue actuellement l’une des matières de l’école de formation de la police sri lankaise, qui dispense la formation de base aux nouvelles recrues, ainsi qu’à l’Institut supérieur de formation de la police, où sont organisés des cours de promotion et de recyclage, ainsi qu’au Centre de formation des divisions de la police, qui assurent une formation en cours d’emploi. Les membres des forces de police sont interrogés sur différents aspects des droits de l’homme lors de tous les examens. En 1997, tous les cadres supérieurs de la police ont suivi un programme spécial de formation de deux jours sur les normes internationales relatives aux droits de l’homme.

189. Le gouvernement a adopté pour politique de veiller à ce que tous les militaires reçoivent une instruction et une formation appropriées de manière qu’ils respectent et observent les normes relatives aux droits de l’homme et droit humanitaire et n’usent pas de leurs pouvoirs de manière arbitraire et excessive et ne fassent pas usage de leurs armes sans discrimination. Bien que le droit de la guerre et le droit militaire fassent partie depuis longtemps des programmes d’éducation et de formes des membres des forces armées, la portée et le contenu de ces programmes sont actuellement révisés pour mettre l’accent sur la compréhension et la pratique. Ces programmes ont été lancés pour faire bien comprendre aux forces de sécurité la nécessité de considérer le respect des lois et normes relatives aux droits de l’homme comme la meilleure expression de leurs attributions.

190. Il a été créé en 1997 au quartier général des forces armées une direction distincte chargée exclusivement de promouvoir le droit international humanitaire. Le rôle et les tâches de cette direction sont notamment de superviser le respect du droit international humanitaire et du droit de la guerre par les forces armées et de planifier et de mener périodiquement un programme de sensibilisation que doivent suivre les militaires de tout grade dans les secteurs opérationnels ainsi que dans les établissements de formation. En outre, la Direction doit préparer des programmes d’étude sur le droit international humanitaire et le droit de la guerre à l’intention des militaires entre les grades de deuxième classe et de capitaine, qui devront obligatoirement être interrogés sur ces sujets lors des examens de promotion. L’enseignement fait désormais partie de tous les programmes de formation de l’armée pour que tous les militaires soient tout à fait familiarisés avec les normes concernant les droits de l’homme. En 2001, le mandat de cette Direction a été élargi de manière à englober aussi la question des droits de l’homme.

191. En outre, les droits de l’homme et le droit humanitaire occupent une large place dans les programmes de formation organisés par l’armée de l’air et la marine aussi bien à l’étape du recrutement qu’à des niveaux plus avancés. En outre, le personnel de ces armes est tenu d’apporter la preuve qu’il connaît parfaitement les lois et normes nationales et internationales reliées aux droits de l’homme, condition préalable à toute promotion. En outre, tous les militaires de ces armes qui servent dans les secteurs opérationnels doivent suivre les programmes de formation organisés par la Commission des droits de l’homme touchant l’application dans la pratique des normes pertinentes.

192. Le gouvernement a également bénéficié de l’assistance fournie par différentes organisations non gouvernementales (ONG) pour organiser des programmes de sensibilisation aux droits de l’homme des membres des forces armées et de la police et des fonctionnaires.

193. Le CICR organise depuis 1986 des séminaires de sensibilisation au droit international et humanitaire à l’intention des forces armées sri lankaises. Depuis la création d’une délégation du CICR à Sri Lanka, en 1990, ces programmes se sont poursuivis et élargis de manière à englober tous les agents chargés de l’application des lois, les membres d’équipes spéciales, les unités paramilitaires, les fonctionnaires et les travailleurs de la Croix-Rouge sri lankaise. Des conférences et cours sont organisés régulièrement à l’intention des militaires de tout grade dans les centres de formation ainsi que dans les secteurs opérationnels. Environ 35 000 personnes, dont 25 000 militaires, ont participé à ces séminaires de sensibilisation depuis juin 1993. En mars 1997, le CICR a organisé un séminaire d’une semaine sur le droit humanitaire auquel ont participé 10 commandants et 15 capitaines d’infanterie. Ces officiers, à leur tour, diffuseront les connaissances qu’ils ont acquises dans les centres de formation et les secteurs opérationnels.

194. En outre, le CICR a imprimé des brochures sur le droit de la guerre et des manuels d’instruction, rédigés en anglais, en cinghalais et en tamoul, qui ont été distribués aux membres des forces armées. Il finance également la participation de membres des forces armées à des séminaires internationaux ou régionaux sur le droit humanitaire.

195. En juin 1993, le Centre d’étude des droits de l’homme de l’Université de Colombo a lancé un programme d’éducation des forces armées et de la police en matière de droits de l’homme pour les sensibiliser à l’importance du respect des droits de l’homme et aux limites de leurs pouvoirs. A la suite des discussions préliminaires qui ont eu lieu avec les directeurs des programmes de formation des forces armées et de la police, deux séminaires/ateliers liminaires ont été organisés à l’intention d’un groupe de 31 nouveaux officiers de l’armée et de sept officiers de marine respectivement.

196. En 1995, il a été décidé de compléter la formation de trois groupes cibles spécifiques, à savoir les décideurs, les formateurs et les nouvelles recrues des forces armées et de la police. Il a été rédigé à l’intention des formateurs un manuel de formation consacré aux normes relatives aux droits de l’homme et à la jurisprudence dans ce domaine, ainsi qu’un guide à l’intention des nouvelles recrues. Ce manuel de formation a été officiellement présenté aux responsables de la formation des forces armées et de la police en mars 1995 lors d’un séminaire d’une journée qui a eu lieu à Colombo.

Article 8 - Interdiction de l’esclavage

197. A Sri Lanka, l’esclavage a été aboli par l’Ordonnance No 20 de 1844. En outre, la Loi No 22 de 1995 portant modification du Code pénal réprime une nouvelle infraction, le trafic d’êtres humains, afin d’interdire, entre autres, l’achat, la vente ou le troc de tout être humain en échange d’une somme d’argent ou de toute autre contrepartie.

Article 9 - Droit à la liberté et droit d’être à l’abri d’une arrestation arbitraire

198. La Constitution de Sri Lanka, reconnaissant que des garanties de procédure sont une condition sine qua non si l’on veut éviter un gouvernement capricieux et constituent un moyen de prévenir l’abus du système judiciaire à des fins de gain individuel ou de commodité politique, considère les droits en question comme des droits fondamentaux. Le paragraphe 1 de l’article 13 de la Constitution dispose ce qui suit : «Nul ne peut être arrêté si ce n’est conformément à la procédure fixée par la loi. Toute personne arrêtée est informée de la raison de son arrestation». De même, le paragraphe 2 du même article dispose : «Toute personne gardée à vue, détenue ou faisant l’objet d’une autre mesure privative de liberté doit comparaître devant le juge du tribunal compétent le plus proche conformément à la procédure établie par la loi et sa garde à vue, sa détention ou sa privation de liberté ne peut se poursuivre que conformément aux conditions stipulées dans l’ordonnance rendue par ledit juge conformément à la procédure établie par la loi».

199. Reflétant les dispositions susmentionnées de la Constitution, le Code de procédure pénale prévoit pour l’arrestation et la détention d’une personne la procédure suivante :

Modalité de l’arrestation :

Article 23, paragraphe 1) – La personne qui procède à l’arrestation doit s’abstenir de toucher ou d’immobiliser la personne devant être arrêtée à moins que celle-ci ne se soumette à l’arrestation, par ses paroles ou par ses actes, et informe l’intéressé de la nature de l’inculpation ou de l’allégation motivant son arrestation.

200. Détention sur mandat d’arrestation . Conformément aux articles 53 et 54 du Code de procédure pénale, la personne qui exécute un mandat d’arrestation émis par un tribunal conformément au Code doit informer la personne arrêtée de sa nature et, sur demande, produire le mandat ou copie de celui-ci, signé par la personne l’ayant délivré. La personne arrêtée doit comparaître sans retard injustifié devant le tribunal compétent. En outre, lorsqu’il est établi un mandat d’arrestation à raison d’une infraction pouvant donner lieu à mise en liberté sous caution, ce fait doit être mentionné dans le mandat.

201. Détention sans mandat d’arrestation . Conformément à l’article 32 du Code de procédure pénale, tout officier de paix peut, sans l’ordonnance d’un magistrat et sans mandat, arrêter toute personne :

a) Qui commet une infraction en présence de l’officier procédant à l’arrestation;

b) Qui a été impliquée dans une infraction déterminée, contre qui une plainte raisonnable a été déposée à propos de laquelle des informations crédibles ont été reçues ou un soupçon raisonnable existe qu’elle a été impliquée dans une telle infraction;

c) Qui se trouve en possession sans justification (la charge de la preuve incombant à cet égard à l’intéressé) d’un instrument d’effraction;

d) Qui a été déclaré coupable d’une infraction;

e) Qui se trouve en possession d’un objet dont il y a des raisons de soupçonner qu’il de biens volés ou obtenus de manière frauduleuse et qui peut raisonnablement être soupçonnée d’avoir commis une infraction pour obtenir ledit objet;

f) Qui entrave l’action d’un officier de paix dans l’exercice de ses fonctions ou qui s’est soustrait ou tente de se soustraire à la justice;

g) Sur laquelle pèsent des soupçons raisonnables d’avoir déserté de l’infanterie, de la marine ou de l’armée de l’air;

h) Qui est découverte alors qu’elle essayait de dissimuler sa présence dans des circonstances donnant lieu de croire qu’elle prenait ses précautions en vue de commettre une infraction déterminée; et

i) Qui a été impliquée et dont il y a des raisons de soupçonner qu’elle a été impliquée dans une acte qualifié d’infraction et qui peut être appréhendée ou gardée à vue en vertu de toute loi relative à l’extradition ou à l’appréhension des personnes cherchant à se soustraire à la justice.

202. Le corollaire de ce pouvoir accordé à l’officier de paix est que la personne arrêtée doit être celle qui s’est trouvé impliquée dans une infraction déterminée, contre laquelle une plainte a été déposée ou à propos de laquelle des informations crédibles ont été reçues. Une personne ne peut pas être arrêtée sur la base de soupçons vagues et de caractère général, sans savoir quel est précisément le délit qu’elle est soupçonnée d’avoir commis, simplement dans l’espoir d’obtenir des éléments de preuve de la commission d’un tel délit en fouillant le suspect après l’avoir arrêté. Dans tous les cas où un agent de police arrête sans mandat une personne quelconque sur la base de simples soupçons, «la justice élémentaire et le bon sens» exigent qu’il informe le suspect de la nature de l’inculpation ou des motifs réels pour lesquels il est arrêté.

203. Bien que le Code de procédure pénale autorise tout particulier à arrêter toute personne prise en flagrant délit , déclarée coupable d’une infraction ou s’enfuit qu’il y a des raisons de soupçonner que l’intéressé a commis une infraction déterminée, il fait également à la personne qui procède à cette arrestation l’obligation correspondante de remettre les suspects sans retard injustifié à l’officier de paix le plus proche ou, en son absence, au poste de police le plus proche. Le Code de procédure pénale contient des dispositions semblables pour les cas où un officier de paix procède à une arrestation sans mandat. En pareil cas, l’officier de paix doit, sans retard injustifié et sous réserve des dispositions concernant la mise en liberté sous caution, faire comparaître la personne arrêtée devant un magistrat ayant compétence pour connaître de l’affaire . De même, le Code stipule que la période pendant laquelle une personne peut être détenue avant de comparaître devant un magistrat ne peut pas dépasser 24 heures, à l’exclusion des délais de route entre le lieu de détention et le Magistrate’s Court . De même, les articles 35 à 38 du Code de procédure pénale stipulent que les officiers responsables des postes de police doivent rendre compte à la Magistrate’s Court de leur ressort dans les cas dans lesquels des personnes ont été arrêtées sans mandat par un agent de police du poste ou par une autre personne qui les a confiées au poste, indiquant si lesdites personnes ont été libérées sous caution ou sur une autre base.

204. L’article 65 de l’Ordonnance relative à la police contient des dispositions semblables. Il stipule que «toute personne détenue sans mandat par un officier de police (à l’exception des personnes détenues simplement à des fins de vérification d’identité et de résident) doit immédiatement être remise à la garde de l’officier responsable du poste de police de sorte que l’intéressé puisse être gardé à vue jusqu’à ce qu’il puisse être traduit devant un magistrat conformément à la loi».

Restrictions imposées au droit d’être à l’abri d’arrestations arbitraires

205. Comme la jouissance des libertés suppose inévitablement des limitations, le paragraphe 7 de l’article 15 de la Constitution permet de limiter le droit d’être à l’abri d’arrestations arbitraires pour les motifs ci-après, à condition que lesdites restrictions soient prescrites par la loi :

a) Dans l’intérêt de la sécurité nationale;

b) Pour des raisons d’ordre public;

c) Pour protéger la santé publique ou les bonnes mœurs;

d) Afin de garantir dûment le respect des droits et libertés d’autrui; ou

e) Dans l’intérêts des justes exigences du bien général dans une société démocratique.

206. Ce même article définit l’expression «loi» comme englobant les règlements applicables en vertu de la législation relative à la sécurité publique en vigueur.

207. Confronté à une situation sécuritaire exceptionnelle constituant une menace pour la trame même de la société sri lankaise et pour l’État, le gouvernement s’est trouvé dans l’obligation de promulguer des dispositions limitant le droit d’être à l’abri d’arrestations arbitraires en invoquant les pouvoirs qui lui avaient été conférés par l’Ordonnance sur la sécurité publique de 1947. Néanmoins, aucune de ces dispositions ne pouvait affecter le devoir constitutionnel de la Cour suprême de protéger, de garantir et de promouvoir les droits fondamentaux. En fait, comme les affaires ci-après, l’activisme et le dynamisme dont a fait preuve la Cour pour défendre le droit d’être à l’abri d’arrestations arbitraires ont amené le grand public à prendre davantage conscience de ses droits.

Navavivayam contre Gunawadena

208. L’arrêt rendu dans cette affaire a fait jurisprudence en matière de libertés individuelles car il a élargi la définition de l’arrestation de manière à englober l’emploi de mesures coercitives pour restreindre la liberté de déplacement. Les faits peuvent être résumés comme suit :

209. Le requérant alléguait que le troisième défendeur l’avait arrêté à Ginigathena alors qu’il voyageait en autocar, et qu’il n’avait pas été informé des motifs de son arrestation. Le troisième défendeur niait avoir procédé à l’arrestation, déclarant qu’il faisait enquête sur le vol d’une arme à feu dans la ferme de Rozella et qu’il avait des raisons de croire que le requérant connaissait les faits et les circonstances du vol. Il avait par conséquent «demandé» au requérant de l’accompagner au poste de police de Ginigathena pour y être interrogé et l’avait «libéré» après avoir pris sa déclaration au poste de police.

210. Le Juge Sharvananda, avec les opinions concurrentes des Juges Authkorale et H.A.G. de Silva, a déclaré ce qui suit :

«A mon avis, lorsque le troisième défendeur a demandé au requérant de l’accompagner au poste de police, le requérant avait juridiquement été arrêté par le troisième défendeur. Ainsi, par ses actes, ce dernier a empêché le requérant de poursuivre son voyage en autocar. Le requérant a été privé de son droit de se rendre où l’entendait. Un recours effectif à la force n’était pas nécessaire, et la menace de l’emploi de la force utilisée à l’égard du requérant suffisait. Le requérant ne s’est pas rendu volontairement au poste de police, c’est le troisième défendeur qui l’y a emmené.»

211. Le Juge Sharvananda a ajouté ce qui suit :

«La liberté individuelle à laquelle la Constitution reconnaît une importance si considérable… ne doit faire l’objet d’aucune atteinte arbitraire et injustifiée, quelle que soit la condition de l’intéressé.»

Piyasiri contre Fernando A.S.P.

212. Cette affaire concernait les requêtes déposées par 14 agents des douanes alléguant avoir été arrêtés illégalement. Les requérants rentraient chez eux à la fin de leur journée de travail à l’aéroport de Katunayake lorsque A.S.P. Fernando, du Département de lutte contre la corruption, les a détenus à Seeduwa et les a interrogés au sujet des sommes d’argent, du whiskey, des devises et des articles importés que les intéressés avaient en leur possession. Ces derniers ont alors été invités à se rendre au poste de police de Seeduwa dans leurs propres automobiles. Au poste de police, les requérants ont été fouillés et il leur a été intimé l’ordre de se rendre au Département de la lutte contre la corruption à Colombo. Fernando s’est lui aussi rendu à Colombo. A Colombo, leurs déclarations ont été prises et ils ont été libérés, après s’être engagés par écrit à comparaître le lendemain matin devant la Magistrate’s Court. Fernando, niant avoir procédé à une arrestation, officielle ou autre, a déclaré que les requérants n’avaient à aucun moment été détenus ou incarcérés et qu’il n’avait été imposé de restrictions à leur liberté de déplacement qu’aux fins limitées de les fouiller et de prendre leurs déclarations.

213. Dans cette affaire, la Cour suprême a affiné la définition de l’arrestation qu’elle avait donnée dans l’affaire Navasivayam contre Gunawadena , saisissant en outre l’occasion, pour la première fois, de définir les pouvoirs d’arrestation d’un officier de police dans le contexte de sa juridiction en matière de droits fondamentaux. Le Juge H.A.G. de Silva (avec les opinions concurrentes des Juges Atukorale et L.H. de Alwis), rendant l’arrêt de la cour, a déclaré ce qui suit :

«Aujourd’hui, la détention ne suppose pas nécessairement l’incarcération, ce concept ayant été élargi de manière à dénoter l’absence de liberté de déplacement causée non seulement par une détention mais aussi par la menace de mesures coercitives, dont l’existence peut être déduite des circonstances du moment.»

214. En ce qui concerne la définition des pouvoirs d’arrestation de la police, le Juge de Silva a eu ceci à dire :

«Aucun officier de police n’a le droit d’arrêter une personne sur la base de soupçons vagues et généraux sans savoir avec précision quelle est l’infraction que ladite personne est soupçonnée avoir commise dans le seul espoir d’obtenir des éléments établissant la commission d’une infraction lui donnant un pouvoir d’arrestation. Même si de tels éléments de preuve apparaissent, l’arrestation demeure illégale car, au moment de l’arrestation, l’accusé n’a pas été informé comme il convient des raisons de son arrestation.»

Vivienne Goonewardena contre Perera

215. Dans cette affaire, la Cour suprême a déclaré qu’une arrestation n’est légale que si elle est manifestement autorisée par la loi. En l’occurrence, la requérante, vieille politicienne marxiste, s’était plainte de ce que le premier défendeur l’eut arrêtée au poste de police de Kollupitiya après qu’elle-même et ses camarades féminines s’y soient rendues pour demander la libération d’un caméraman qui avait photographié des agents de police leur arrachant leurs banderoles alors qu’elles rentraient d’une manifestation réalisée à l’intention de la Journée internationale de la femme. La version du défendeur était que l’Inspecteur adjoint Ganeshanathan, qui n’était pas au nombre des défendeurs, en présence d’un défilé d’une cinquantaine de personnes, avait demandé aux intéressées si elles étaient munies d’un permis et, aucun permis n’ayant été produit, et considérant qu’un défilé «sans permis régulier» constituait une infraction en vertu de l’article 77 de l’Ordonnance relative à la police, avait ordonné aux manifestantes de se disperser. La requérante l’ayant poussé de côté et ayant suivi le défilé, faisant ainsi obstacle à l’exercice de ses fonctions, il avait arrêté la requérante et quatre autres personnes après les avoir informées de la raison de leur arrestation. Faire obstruction à l’action d’un officier de police dans l’exercice de ses fonctions constitue une infraction déterminée.

216. Le Juge Soza, avec les opinions concurrentes des Juges Colin-Thome et Ratwatte, a relevé que le paragraphe 1 de l’article 77 de l’Ordonnance relative à la police ne considérait pas comme une infraction le fait de défiler sans permis valable. En fait, aucun permis n’est requis. La seule formalité exigée est une notification, même orale, l’ordonnance en question ne prescrivant pas un écrit. L’Inspecteur adjoint Ganeshanathan, dans sa déclaration sous serment, ne mentionne aucunement une notification quelconque. Le Juge Soza a considéré que l’ordre de se disperser que Ganeshanathan avait donné aux manifestantes était dépourvu de fondement juridique. L’absence de permis ne faisait pas de la poursuite du défilé une infraction, pas plus qu’elle n’exposait aucune des manifestantes à une arrestation. La requérante avait parfaitement le droit d’ignorer l’ordre qui avait été donné aux manifestantes de se disperser. De ce fait, Ganeshanathan n’était pas fondé à affirmer que la requérante avait fait obstacle à son action dans l’exercice de ses fonctions. Cela étant, l’arrestation de la requérante a été déclarée illégale.

Wijewardena contre Zain

217. Le Juge Kulatunge, qui a rendu l’arrêt au nom de la Cour dans son ensemble, a déclaré dans cette affaire que les plus larges pouvoirs discrétionnaires accordés aux officiers de police par un règlement d’exception sont limités par l’objectif de celui-ci, qui est de sauvegarder la sécurité de l’État, de protéger le public et de permettre à la police de s’acquitter comme il convient de ses fonctions dans le contexte d’une situation d’urgence. Comme l’a dit l’éminent Juge, «de ce fait, les officiers de police ne doivent pas perdre de vue la nécessité de ne pas invoquer un règlement d’exception pour faire enquête sur des infractions de droit commun, sauf si l’intérêt de la sécurité publique exige qu’un tel règlement soit invoqué».

Chandradasa contre Lal Fernando

218. Dans cette affaire, le Juge Atukorale a mis en relief le fait que la règle selon laquelle une arrestation fondée exclusivement sur l’appréciation subjective d’un officier de police serait arbitraire et contreviendrait au paragraphe 1 de l’article 13 de la Constitution s’appliquait dans le cas d’une arrestation motivée par une infraction au Règlement d’exception et constituait une «limitation légale» des pouvoirs d’arrestation conférés par ledit Règlement.

Sirisena et al. contre Ernest Perera et al.

219. Il s’agissait d’un incident à la suite duquel les requérants avaient été privés de liberté parce que les défendeurs voulaient les interroger mais pas parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir commis une infraction quelconque. La question principale que la Cour suprême avait à trancher était celle de savoir si la privation de liberté n’équivaudrait à une arrestation au sein du paragraphe 1 de l’article 13 de la Constitution que si elle avait pour but d’accomplir une formalité prévue par la loi.

220. En réponse à cette question, le Juge Mark Fernando a déclaré que le paragraphe 1 de l’article 13 interdisait clairement, sans aucune ambiguïté, toute privation arbitraire de liberté. Indiquant comment, en cas d’ambiguïté, cet article devait être interprété, il a ajouté : «Toute ambiguïté doit être réglée en faveur de la liberté du citoyen, toute interprétation renforçant son droit devant être préférée à toute interprétation le limitant».

Malinda Channa Peris contre Ministre de la justice et al.

221. Il s’agissait en l’occurrence d’un incident motivé par un appel téléphonique à la police de Wadduwa dont l’auteur, non identifié, avait dit qu’il devait y avoir ce jour-là une réunion du JVP, organisation qui avait été à l’origine de deux insurrections qui n’avaient pas abouti mais qui, au moment de l’incident, était un parti politique légitime. Il y avait dans le temple de Kawdudwa – où le prêtre précédent avait été assassiné par le JVP – une réunion du Ratawesi Peramuna, organisation opposée au JVP. La police, en dépit des protestations des intéressés, avaient arrêté les membres du Ratawesi Peramuna qui s’étaient réunis dans le temple pour être suspectés d’appartenir au Janatha Vimukthi Peramnua (JVP). La police a soutenu que les individus arrêtés projetaient de renverser le gouvernement du moment. Rejetant les allégations des défendeurs de la police, la Cour a considéré que l’action de la police avait violé les droits fondamentaux des requérants protégés par le paragraphe 1 de l’article 13 de la Constitution, ajoutant qu’il devait exister une probabilité raisonnable qu’une infraction soit commise et pas simplement des soupçons ou des espoirs de la part des officiers ayant effectué l’arrestation pour que celle-ci soit valable.

222. Le Juge Amerasinghe, rendant l’arrêt au nom de la Cour, a déclaré ce qui suit :

«L’officier qui procède à l’arrestation ne peut pas agir sur la base de soupçons simplement fondés sur des conjectures ou de vagues déductions. Les informations dont il dispose doivent raisonnablement permettre de penser que le suspect était impliqué dans la commission d’une infraction pour laquelle l’officier aurait pu arrêter la personne sans mandat. Ce soupçon ne doit pas être incertain et vague mais plutôt positif et défini et il faut qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner que la personne arrêtée était impliquée dans la commission d’une infraction.»

223. Il a ajouté que l’on ne pouvait «simplement pas justifier une arrestation en invoquant des soupçons vagues et généraux ou l’espoir, voire une certitude raisonnable, qu’il apparaîtra sans doute en définitive quelque chose qui justifiera l’arrestation».

224. Commentant le deuxième élément du paragraphe 1 de l’article 13 de la Constitution concernant le droit de toute personne d’être informée des raisons de son arrestation, le juge a déclaré : «Le droit d’être informé des raisons de l’arrestation n’est pas reflété à l’article17 ou 18 . Cette disposition se trouve au paragraphe 1 de l’article 13 de la Constitution. Cette disposition ne peut pas être abrogée par un Règlement d’exception, et encore moins par l’interprétation du juge. Bien que, dans le contexte du paragraphe 7 de l’article 15, la jouissance d’être informé des motifs de l’arrestation puisse faire l’objet des restrictions imposées par la loi, y compris par un Règlement d’exception, aucune loi de ce type n’existe. Si la pratique recommandée consistant à émettre des mandats d’arrestation dûment motivée ne peut pas être observée, la personne intéressée doit tout au moins être informée oralement des raisons de son arrestation, car ce droit reste entier aujourd’hui conformément au paragraphe 1 de l’article 13 de la Constitution».

Sunil Rodrigo (au nom de B. Sirisena Cooray) contre Chandananda de Silva et al.

225. Les principaux acteurs dans cette affaire étaient M. Sirisena Cooray, qui avait occupé un important poste ministériel dans l’ancien gouvernement UNP, et M. Chandananda de Silva, Secrétaire général du Ministère de la défense. M. Cooray lui-même n’avait pas saisi la Cour suprême. Comme l’y autorisait le règlement de la Cour, son avocat, M. Sunil Rodrigo, avait introduit un recours en son nom, alléguant une violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 13 de la Constitution. La chronologie des événements ayant débouché sur l’introduction de cette requête peut être décrite comme suit :

226. M. Sirisena Cooray avait été arrêté par des agents de police en 1997 conformément à un arrêté du même jour du premier défendeur, le Secrétaire général du Ministère de la défense. Ce dernier avait agi dans le cadre du pouvoir de détention préventive que lui conférait le paragraphe 1 de l’article17 du Règlement d’exception de 1994. Il avait pris cet arrêté sur la base de trois rapports ainsi que d’autres informations qu’il avait recueillies, selon lesquelles M. Cooray avait conspiré avec plusieurs membres notoires de la pègre en vue d’assassiner le Président. Les trois rapports en question provenaient d’officiers de police très haut placés : l’Inspecteur général de la police, le Directeur du Bureau national de renseignement et l’Inspecteur général adjoint de la police chargé du Département des enquêtes criminelles. Dans sa déclaration sous serment, M. Cooray avait nié être impliqué dans une conspiration quelconque ou avoir eu avec quiconque des discussions concernant l’assassinat du Président.

227. Le requérant alléguait que les modalités de l’arrestation avaient violé les droits fondamentaux de M. Cooray tels qu’ils étaient garantis par les paragraphes 1 et 2 de l’article 13 de la Constitution.

228. Le paragraphe 1 de l’article 17 du Règlement d’exception de 1994 accordait au Secrétaire général le pouvoir discrétionnaire d’ordonner l’arrestation et la détention de toute personne pendant une période ne dépassant pas trois mois s’il avait l’assurance que l’intéressé, entre autres, agissait ou risquait d’agir de manière qui pouvait compromettre la sécurité nationale ou le maintien de l’ordre public.

229. Le Juge A.R.B. Amerasinghe, rendant l’arrêt au nom de la Cour dans son ensemble, a déclaré que l’expression «assurance», au paragraphe 1 de l’article 17, limitait l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au Secrétaire général. Dans l’affaire Malindra Channa Peris contre Ministre de la justice et al. , le juge, définissant les pouvoirs qui étaient conférés au Secrétaire général par le paragraphe1 de l’article 17, avait déclaré que l’expressions «assurance» signifiait que le Secrétaire général devait pouvoir affirmer qu’il était lui-même en mesure de parvenir à cette conclusion. Il avait déclaré en outre que le Secrétaire général ne devait pas se borner à entériner sans autres les ordres de détention que lui soumettaient les membres du personnel chargé de l’application des lois et ne devait pas renoncer au pouvoir que lui conférait le paragraphe1 de l’article 17 ni permettre que d’autres l’usurpent. En l’occurrence, se fondant sur les principes posés dans l’affaire Associated Provincial Picture House Ltd contre Wenesbury Corporation , qui avait fait jurisprudence au Royaume-Uni, le juge a considéré qu’il fallait appliquer un critère objectif pour déterminer si le Secrétaire général avait agi de façon raisonnable eu égard aux faits qui lui avaient été présentés. Cela signifiait que la Cour devait déterminer si le Secrétaire général avait agi conformément à la loi lorsqu’il avait pris sa décision et s’il avait fait porter son attention sur les questions qu’il avait l’obligation de prendre en considération, en excluant tous les aspects dépourvus de pertinence, avant de parvenir à une conclusion. A la lumière des faits et du droit, le Juge Amerasinghe a déclaré que le Secrétaire général du Ministère de la défense n’avait pas, sur la base des informations dont il disposait, eu «une assurance» raisonnable et que la détention de M. Cooray n’était aucunement nécessaire pour écarter une menace pour la sécurité nationale ou l’ordre public. Il a ajouté que le Secrétaire général avait agi «de façon mécanique» sur la base des rapports de services de la police et, ce faisant, avait pris en compte des facteurs dépourvus de pertinence et méconnu des questions dont il aurait dû tenir compte, ce qui privait sa décision de validité juridique.

230. En ce qui concerne le deuxième élément du paragraphe 1 de l’article 13 de la Constitution, à savoir la règle selon laquelle toute personne arrêtée doit être informée des raisons de son arrestation, le juge a rejeté le motif de défense qu’avait implicitement soulevé le défendeur, à savoir que, juridiquement, il suffisait d’informer l’intéressé de «l’objet» de son arrestation, à savoir la préservation de la sécurité nationale et le maintien de l’ordre public, a déclaré ce qui suit : «Il ne suffit pas que la personne arrêtée se voit indiquer le but ou l’objet de son arrestation, comme ceux visés au paragraphe 1 de l’article 17 du Règlement d’exception [par exemple la sécurité nationale], tels que reflétés en l’occurrence dans l’arrêté de détention… La personne arrêtée doit être informée des raisons de son arrestation, c’est-à-dire de tous les éléments et faits pertinents qui ont été pris en considération par le Secrétaire général pour parvenir à sa conclusion, et pas simplement des déductions de ce dernier… Ce n’est qu’ainsi, en effet, que l’intéressé peut disposer d’informations lui permettant de faire le nécessaire pour recouvrer sa liberté, par exemple en établissant qu’il y avait eu une erreur, en réfutant un soupçon ou en expliquant un malentendu, seuls moyens d’être à l’abri des conséquences de fausses accusations.»

231. En ce qui concerne la question de la violation du droit consacré au paragraphe 2 de l’article 13 de la Constitution («Toute personne gardée à vue, détenue ou faisant l’objet d’une mesure de privation de liberté doit comparaître devant le juge du tribunal compétent le plus proche conformément à la procédure établie par la loi et sa garde à vue, sa détention ou sa privation de liberté ne peut se poursuivre que conformément aux conditions stipulées dans l’ordonnance rendue par le juge conformément à la procédure établie par la loi»), le juge était enclin à suivre la jurisprudence posée par le Juge Wanasundera dans l’affaire Edirisuriya contre Navaratnam . Le Juge Wanasundera avait déclaré dans ladite affaire que «si l’intention est de limiter le champ d’application du paragraphe 2 de l’article 13 – ce qui est indubitablement possible en rédigeant le Règlement de la manière appropriée de sorte qu’il ait un impact direct sur le paragraphe 2 de l’article 13 lui-même – lorsque la sécurité nationale et l’ordre public l’exigent, il faut que cette intention soit manifestée expressément. Aucune restriction ne peut être apportée au paragraphe 2 de l’article 13 en l’absence de référence expresse».

232. Appliquant ce principe, le Juge Amerasinghe a, après analyse du paragraphe 1 de l’article 17 du Règlement d’exception, est parvenu à la conclusion que cette disposition ne contenait aucune restriction touchant l’application du paragraphe 2 de l’article 13 de la Constitution (ni de toute autre disposition correspondante du droit commun, c’est-à-dire les articles 36 et 37 du Code de procédure pénale). De ce fait, M. Cooray était en droit d’exiger de comparaître devant un magistrat dans les 24 heures suivant son arrestation. Cependant, tel n’avait pas été le cas, de sorte que les défendeurs avaient violé les droits que garantissait à M. Cooray le paragraphe 2 de l’article 13 de la Constitution.

Article 10 - Les personnes privées de liberté doivent faire l’objet

d’un traitement humain

233. Bien que la Constitution actuellement en vigueur ne contienne aucune disposition spécifique, dans son Titre relatif aux droits fondamentaux, concernant le traitement humain qui doit être réservé aux personnes privées de liberté, l’article 11 garantit la protection contre les peines et traitements inhumains et dégradants. L’article 11 est par conséquent suffisamment large pour garantir un traitement humain aux personnes privées de liberté. (Les dispositions constitutionnelles et légales régissant le traitement des personnes privées de liberté ont été discutées en détail dans le troisième rapport périodique de Sri Lanka.)

234. L’Ordonnance relative aux prisons (telle qu’elle a été modifiée) et le Règlement pénitentiaire du Département des prisons sont les principales dispositions applicables aux personnes privées de liberté et sont inspirées de l’Ensemble des règles minima des Nations Unies concernant le traitement des détenus. Le nombre d’établissements chargés de la réinsertion dans la vie sociale des personnes privées de liberté est le suivant :

Tableau 5

Institutions de réinsertion des détenus

Catégorie

Nombre

Établissements fermés pour personnes condamnées

Établissements de détention provisoire

Camps de travail

Camps de prisonniers à ciel ouvert

École de formation pour délinquants juvéniles

Maisons de correction pour délinquant juvéniles

Centre de réinsertion des toxicomanes

Centre intermédiaire de détention et de travail

Établissements de réclusion

03

14

05

02

01

02

01

01

28

235. Toutes les institutions susmentionnées relèvent, du point de vue administratif, du Département des prisons. Un nouveau camp de prisonniers en plein air a récemment été aménagé à Kuruwita, dans le district de Ratnapura. En raison de la violence terroriste qui règne dans les provinces du Nord et de l’Est, plusieurs camps de prisonniers à ciel ouvert et établissements de détention provisoire ont été détruits. En outre, le camp de travail de Veeravila a été transformé en centre de détention des suspects d’actes de terrorisme. Après que le gouvernement, en mai 1996, a rétabli son contrôle sur la péninsule de Jaffna, le Département des prisons a aménagé un établissement pénitentiaire dans la région, dont les installations sont actuellement en voie de modernisation.

236. L’un des problèmes les plus pressants auquel se heurtent les autorités pénitentiaires est le surpeuplement des prisons. Plusieurs éléments ont contribué à ce problème : la destruction de plusieurs prisons dans les zones de conflit, la recrudescence de la délinquance, le nombre accru de personnes arrêtées en application du Règlement d’exception et de la Loi relative à la prévention du terrorisme pour des raisons de sécurité, les retards de la justice, etc. Le nombre de places étant insuffisant et les bâtiments étant anciens, le Directeur du Département des prisons a mis en route un projet de construction d’établissements pour régler le problème de surpeuplement carcéral. Indépendamment du lancement d’un vaste projet de construction d’établissements pénitentiaires et de la réinstallation des prisons en milieu rural, où elles peuvent être agrandies, il a été adopté d’autres mesures comme les libérations conditionnelles et des programmes de congés dans les foyers (on trouvera à l’annexe 3 des statistiques concernant la population carcérale).

237. En dépit du surpeuplement des prisons et des difficultés financières qui en résultent, des mesures ont été prises pour veiller à ce que les prisonniers reçoivent des repas équilibrés, conformément à un régime élaboré par un diététicien et approuvé par l’Institut de recherches médicales de Sri Lanka.

238. La journée normale de travail d’un détenu, qui commence à 6 h 45, est précédée d’un petit déjeuner et de prières. Cette période de travail dure jusqu’à 11 heures, et les prisonniers reprennent le travail après le déjeune, à midi, jusqu’à 16 heures. Pendant la journée, ils se livrent à différentes activités comme fabrication de savon, imprimerie, couture, buanderie, ferronnerie, agriculture, etc. Les détenus sont censés accomplir au minimum 47 heures de travail par semaine.

239. Une heure par jour, de 16 heures à 17 heures, est allouée aux loisirs. Les prisonniers peuvent alors lire la presse et emprunter des livres à la bibliothèque de la prison. Les détenus peuvent également écouter pendant les périodes de loisir les programmes de radio de leur choix. En outre, ils sont encouragés à développer les aptitudes particulières qu’ils peuvent posséder en participant à des activités de loisir comme peinture, menuiserie, sculpture, danse Kandyan, etc. Ils publient également un journal intitulé «Sannivedana». En outre, les prisonniers ont accès à la télévision, et des films sont projetés à leur intention une fois par semaine. Chaque prison est équipée de lieux du culte, de sorte que chaque prisonnier peut pratiquer sa religion sans aucune ingérence. Certains bouddhistes se livrent à la méditation et observent les pratiques religieuses chaque Poya, tandis que les Chrétiens vont à la messe le dimanche et les Hindous peuvent accomplir leur poojah’s le vendredi. L’Association des jeunes musulmans de Central Tennekumbura fournit des services spirituels aux détenus musulmans dans la prison de Bogambara, dans l’établissement de détention provisoire et le camp de prisonnier à ciel ouvert de Pallekele pendant le Ramadan. La nouvelle année cinghalaise et tamoule est célébrée, avec tous ses rituels et jeux, par tous les prisonniers de l’île.

240. Les détenus achèvent leur journée de travail à 18 heures après avoir dîné à 17 heures.

241. Tous les détenus condamnés à des peines de longue durée reçoivent une formation professionnelle sous la supervision d’instructeurs du Département dans des métiers comme la menuiserie, la maçonnerie, la couture, la boulangerie et l’élevage. En outre, l’Autorité nationale d’apprentissage et de formation industrielle (NAITA) a organisé des programmes de formation professionnelle à l’intention des détenus. Ainsi, il est prévu, pour chaque programme, de former plus d’une centaine de détenus à des métiers comme la menuiserie, la soudure, la ferronnerie, la chaudronnerie, la peinture et la couture industrielle. L’objectif de ce programme est de développer les aptitudes professionnelles des détenus pour leur permettre de trouver un emploi rémunérateur dans la société. A la fin du programme de formation, les participants reçoivent un certificat.

242. Périodiquement, conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par le paragraphe1 de l’article 34 de la Constitution, le Président accorde des amnisties générales à des catégories sélectionnées de délinquants. La pratique a été d’accorder de telles amnisties pour commémorer des occasions nationales, religieuses ou culturelles spéciales.

243. Les Règlements d’exception et la Loi sur la prévention du terrorisme comprennent des garanties afin d’assurer le respect des droits des détenus. Aux termes du paragraphe 4 de l’article 19 du Règlement d’exception, tous les lieux de détention autorisés par le Secrétaire général du Ministère de la défense doivent être publiés au Journal officiel, avec leur adresse. Le nombre de places disponibles dans les établissements pénitentiaires a beaucoup diminué ces dernières années. Les lieux de détention publiés au Journal officiel sont surtout des postes de police, les prisons, et dans les zones de conflit, un petit nombre de camps de détention placés sous la supervision de l’armée. Dès l’arrestation et la détention d’un suspect (pour interrogatoire par les forces de sécurité en application des Règlements d’exception ou de la Loi sur la prévention du terrorisme), le suspect doit être remis à la police locale dans les deux à trois jours suivant son arrestation. En conséquence, les personnes arrêtées ne sont gardées à vue dans les camps militaires de détention que pendant une durée minimum. La législation en vigueur réglemente par conséquent aussi bien les prisons que les centres de détention.

244. Le Règlement pénitentiaire s’applique aux détenus dans les mêmes conditions qu’aux autres prisonniers. La seule exception est que les détenus ne peuvent recevoir de visites que de leurs proches et de leurs avocats. Ainsi, le Règlement pénitentiaire n’est suspendu, pour des raisons de sécurité, qu’en ce qui concerne les visites. Toutefois, le Directeur du Département des prisons peut autoriser les visites de personnes qui ne représentent pas une menace pour la sécurité.

245. Conformément à l’Ordonnance sur les prisons, tout officier de justice, qu’il ait rang de magistrat ou soit juge à la Cour suprême, a le droit de visiter n’importe quelle prison à tout moment, sans préavis, pour s’assurer que les autorités pénitentiaires respectent les normes internationales convenues régissant l’administration des établissements pénitentiaires et des centres de détention. La Loi No15 de 1990 relative à la libération des prévenus en détention provisoire stipule qu’un magistrat autorisé à ordonner la libération des détenus dans les cas appropriés doit effectuer des visites des prisons au moins une fois par mois. En outre, lorsque les Règlements d’exception étaient en vigueur, le magistrat dans le ressort duquel se trouvaient des lieux de détention devait les visiter au moins une fois par mois.

246. Conformément à l’Ordonnance sur les prisons, il est constitué pour l’ensemble du pays un Conseil de visite des établissements pénitentiaires chargé de superviser toutes les prisons. Le Conseil se compose de sept membres n’appartenant pas à la fonction publique et est chargé de donner des avis au Directeur du Département des prisons. Le Conseil se réunit avec ce dernier au moins une fois tous les deux mois. Le Conseil a déjà soumis au Directeur du Département des prisons son rapport pour 1996, qui est actuellement à l’examen. Les recommandations formulées par le Conseil seront prises en considération lors de l’élaboration des projets de construction de nouvelles prisons. Le Comité local de visite des prisons, composé de personnalités locales n’appartenant pas à l’administration, visite les prisons de la localité et formule périodiquement des recommandations à ce sujet au Directeur du Département des prisons. En outre, les Associations pour la défense du bien-être des détenus (PWA) de chaque prison étudie tous les aspects de la vie quotidienne des prisonniers. Récemment, la PWA de la prison de Welikada a acheté pour les prisonniers sept postes de télévision. Les détenus qui ont des plaintes à formuler peuvent demander à comparaître devant l’Association. En outre, la PWA fournit une assistance aux personnes à charge lorsque le soutien de famille est en prison.

247. Des ONG comme le club Lions, les JayCees et les clubs Rotary visitent les prisons et mènent des programmes d’assistance sociale. C’est ainsi, par exemple, que le club Lions a aménagé une crèche dans la prison pour femmes de Welikada. Comme il se trouve également dans les prisons des étrangers condamnés pour différentes infractions, ils reçoivent également des visites du personnel consulaire de leurs pays respectifs.

248. Les centres d’accueil, de protection et de réinsertion, où certaines des personnes détenues en application des Règlements d’exception ou s’étant volontairement rendues pour suivre des programmes de réinsertion, relèvent du Département du Commissaire général à la réinsertion des détenus. Il en existe deux, l’un à Weeravila et l’autre à Gangodawila où se trouvent 35 personnes s’étant rendues aux autorités. Les programmes réalisés dans ces centres comprennent une formation à des métiers comme la maçonnerie, la menuiserie, la coiffure, la couture ou l’agriculture ou permettent aux détenus d’apprendre à conduire des poids lourds, apprendre des langues, de se livrer à des activités religieuses ou de loisir, etc. Des services de conseils et d’orientation sont fournis à ces personnes depuis 1997. Les détenus reçoivent des repas nutritifs, des vêtements et d’autres articles de première nécessité. Un détenu peut recevoir une fois par semaine la visite de cinq proches nommément désignés. Les détenus sont suivis après leur libération par les agents du Département du Commissaire général à la réinsertion. Dans les zones de conflit, toutefois, ils sont suivis par des autorités gouvernementales comme conseils de province, armée, police, etc.

Article 11 - Nul ne peut être emprisonné du seul fait qu’il ne peut honorer

une obligation contractuelle

249. Aux termes du droit civil sri lankais, qui régit les obligations contractuelles, nul ne peut être détenu pour ne pas avoir honoré des obligations contractées en vertu d’un contrat.

Article 12 - Liberté de déplacement

250. Le Titre de la Constitution relatif aux droits fondamentaux garantit la liberté de déplacement et le droit de chacun de choisir son lieu de résidence à Sri Lanka [par. 1 h) de l’article 14] ainsi que le droit de rentrer dans le pays [par. 1 I) de l’article 14]. Les non-ressortissants peuvent également se prévaloir desdits droits. Le paragraphe 2 de l’article 14 stipule ce qui suit : «Toute personne n’ayant pas la nationalité d’un autre État qui avait légalement sa résidence permanente à Sri Lanka immédiatement avant l’entrée en vigueur de la Constitution et continue d’avoir sa résidence à Sri Lanka peut, pendant une période de dix ans suivant la date d’entrée en vigueur de la Constitution, se prévaloir des droits reconnus au paragraphe 1 du présent article». Cependant, ces droits peuvent faire l’objet de restrictions fixées par la loi dans l’intérêt de l’économie nationale, de la sécurité nationale, de l’ordre public et de la protection de la santé publique ou des bonnes mœurs ou pour garantir la reconnaissance ou le respect des droits et des libertés d’autrui ou satisfaire aux exigences d’une société démocratique.

251. Plus de 1,5 million de Sri Lankais travaillent ou résident à l’étranger. La difficulté causée aux voyageurs qui devaient, pour obtenir un passeport sri lankais valable pour tous les pays, obtenir que deux garants signent un cautionnement a été éliminée en 1989 et remplacée par l’introduction de droits standard. Cette nouvelle procédure a facilité le dépouillement rapide des demandes de passeport.

252. Le gouvernement a introduit un système selon lequel quiconque peut se procurer un formulaire de demande de passeport gratuitement auprès de tout Secrétariat de division de l’île. L’on peut également se procurer un formulaire de demande par la poste en envoyant la demande accompagnée d’une enveloppe affranchie au Département de l’immigration et de l’émigration ou en déchargeant le formulaire sur le site Internet de ce département. Sauf en cas d’urgence, les formulaires dûment remplis peuvent être présentés au Secrétariat de division lui-même sans devoir se rendre à Colombo. Le Département de l’immigration et de l’émigration fait délivrer le passeport et l’envoie par courrier recommandé au demandeur. S’il souhaite l’obtenir dans un délai de 24 heures, toutefois, le demandeur doit s’adresser directement au Département de l’immigration et de l’émigration.

253. Les statistiques concernant le nombre de demandes de passeport reçues entre 1996 et 2000, ainsi que le nombre de demandes refusées, sont les suivantes :

Tableau 6

Demandes de passeport

Année

Nombre total de demandes reçues

Nombre de demandes refusées

Nombre de passeports délivrés

1996

1997

1998

1999

2000

290 652

315 473

333 653

337 607

327 071

310   

511   

4 087   

1 878   

6 044   

290 342

314 962

329 548

335 607

321 027

Total

1 603 838

12 830

1 591 686

254. Même si la demande de document de voyage est refusée, cela n’empêche pas nécessairement l’intéressé de présenter une nouvelle demande accompagnée des documents demandés. Le refus de la demande préjuge aucunement la suite donnée à la seconde. En outre, en cas de suspension temporaire de l’examen du dossier, l’intéressé peut fournir toutes autres pièces justificatives supplémentaires à l’autorité compétente (l’on trouvera à l’annexe 4 un document contenant des informations touchant la politique de Sri Lanka en matière de délivrance de visas).

255. L’amendement de 1987 à la Loi sur la citoyenneté autorise les émigrants à conserver la nationalité sri lankaise même s’ils acquièrent celle d’un autre pays. En 1995, plus de 2 000 Sri Lankais avaient une double nationalité.

256. Avant la signature en février 2002 de l’accord de cessez-le-feu entre le LTTE et le gouvernement, la violence terroriste avait sérieusement limité la liberté de déplacement et le droit de s’établir dans les zones affectées. Le LTTE qui avait miné la principale route d’accès (la route A-9) et détruit la voie ferrée menant jusqu’au Nord, avait empêché les civils du Sud de se rendre à Jaffna par voie terrestre. Ainsi, les civils ne pouvaient se rendre dans la péninsule de Jaffna que par mer ou par avion. Le gouvernement avait affrété des navires pour assurer tous les deux jours un service de transport de passagers entre Trincomalee et Point Pedro ainsi qu’entre Trincomalee et Karainagar via Kankasanthurai. Les lignes aériennes nationales assuraient deux fois par jour la liaison aller-retour entre Colombo et Palaly. Les tarifs pratiqués étaient de 1 400 roupies par personne par mer et 3 550 roupies par avion pour un adulte et 1 750 roupies pour un enfant de moins de 12 ans. Étant donné les multiples tentatives du LTTE de perturber ce service, le gouvernement a, malgré lui, été obligé d’avoir recours à un système de contrôle des passagers pour garantir leur sécurité. Cependant, le nécessaire a été fait pour que ce contrôle soit effectué sans causer de peines inutiles ou ne donne pas lieu à des abus, comme l’application d’un «profil racial».

Article 13 - Un étranger ne peut être expulsé qu’en exécution d’une décision

prise conformément à la loi

257. En application de la loi de Sri Lanka sur les immigrants et les émigrants, un étranger qui s’introduit illicitement à Sri Lanka sans visa ou qui y séjourne après l’expiration de son visa peut être expulsé par l’exécution d’un arrêt d’expulsion. Auparavant, le Contrôleur de l’immigration et de l’émigration doit permettre à l’intéressé d’exposer les raisons qu’il peut avoir de s’opposer à l’exécution de cet arrêté. Aux termes de la loi susmentionnée, un arrêté d’expulsion doit émaner du Ministre de la défense et peut être contesté devant la Cour d’appel en invoquant sa compétence en matière de garantie des droits fondamentaux. De même, la Cour d’appel peut également être saisie pour ordonner le sursis à l’exécution de l’arrêté jusqu’à ce qu’il soit finalement statué sur la requête. Les dispositions des traités d’extradition sont également soumises aux procédures légales définies dans la Loi No 1977 sur l’extradition. Toute personne internée en instance d’extradition peut soumettre une requête à la Cour d’appel pour que celle-ci prononce une ordonnance d’ habeas corpus (pour plus amples détails, prière de se référer au troisième rapport périodique de Sri Lanka).

Article 14 - Égalité de tous devant les tribunaux et les cours de justice

L’administration de la justice et le système judiciaire

1. Création des tribunaux

258. Le paragraphe 1 de l’article 105 de la Constitution stipule que, sous réserve des dispositions constitutionnelles, les institutions chargées de l’administration de la justice pour protéger, faire valoir et faire respecter les droits des citoyens sont les suivantes :

a) La Cour suprême de Sri Lanka;

b) La Cour d’appel de la République de Sri Lanka;

c) La Haute-Cour de la République de Sri Lanka ; et

d) Tous autres tribunaux de première instance, juridictions ou institutions que le Parlement peut créer à tout moment.

259. De même, le paragraphe 2 de cet article stipule que «le Parlement peut remplacer, modifier ou abolir les pouvoirs, les obligations, la compétence et la procédure de tous les tribunaux, cours de justice et institutions à l’exception de la Cour suprême.

a) La Cour suprême de Sri Lanka

260. Conformément à l’article 118 de la Constitution, la Cour suprême est l’organe judiciaire suprême à Sri Lanka. En outre, la Constitution a confié à la Cour suprême compétence en matière constitutionnelle et matière de protection des droits fondamentaux, et la Cour peut donner des avis, statuer sur les contestations portant sur les élections présidentielles et exercer sa compétence en cas de violation d’un quelconque des privilèges du Parlement ainsi qu’au sujet de toute autre question que le Parlement peut lui soumettre en promulguant une loi à cet effet.

261. La Cour suprême a exclusivement compétence pour déterminer si un projet de loi ou une disposition d’un tel projet est contraire à la Constitution . Lorsqu’elle statue sur des questions de ce type, sa décision doit être motivée. La Cour suprême peut être saisie d’une telle question par le Président par communication écrite adressée au Président de la Cour ou par tout citoyen moyennant le dépôt d’une requête écrite devant la Cour. Cette communication ou cette requête doit être présentée dans la semaine suivant l’inscription du projet de loi à l’ordre du jour du Parlement. Simultanément, copie doit être remise au Président du Parlement. Lorsque la Cour suprême est ainsi saisie, la procédure parlementaire touchant le projet de loi est suspendue soit jusqu’à ce que la Cour suprême ait statué, soit à l’expiration d’un délai de trois semaines à compter de la date de la communication ou de la requête. En outre, la Cour suprême est tenue de statuer et de rendre publique sa décision dans les trois semaines de la communication ou du dépôt de la requête. Conformément à l’article 123 de la Constitution, la Cour suprême est tenue de motiver sa décision. Si le Cabinet considère que l’approbation d’un projet de loi est dans l’intérêt national, la Cour doit statuer sur la constitutionnalité du projet dans un délai de 24 heures.

262. Conformément à l’article 125 de la Constitution, la Cour suprême a également compétence exclusive pour connaître de toute question liée à l’interprétation de la Constitution. Par conséquent, dans tous les cas où il surgit une telle question dans le cadre d’une procédure intentée devant toute autre cour ou tout autre tribunal ou devant une autre institution habilitée par la loi à administrer la justice ou à exercer des fonctions judiciaires ou quasi-judiciaires, la question doit immédiatement être renvoyée à la Cour suprême pour décision. Celle-ci doit statuer dans les deux mois suivant la date du renvoi et rendre en conséquence la décision qu’exigent les circonstances.

263. Le paragraphe 1 de l’article 126 confère à la Cour suprême compétence exclusive pour statuer sur toute question liée à la violation ou à la violation imminente par un acte de l’exécutif ou un acte administratif de tout droit fondamental ou droit linguistique consacré par les Titres III ou IV de la Constitution.

264. La Cour suprême est également la juridiction en dernier ressort, en matière civile ou pénale, aux fins de la rectification de toute erreur de fait ou de droit commise par la Cour d’appel, par un tribunal de première instance ou par une autre juridiction. Dans l’exercice de cette compétence, la Cour suprême est seule habilitée à connaître des recours formés contre toute décision de la Cour d’appel lorsque sa compétence est invoquée en dernier ressort. Elle peut également réformer la décision d’un tribunal de première instance, ordonner un nouveau procès ou ordonner la reprise de l’instance dans l’intérêt de l’administration de la justice. Dans l’exercice de sa compétence en appel, la Cour suprême peut demander et déclarer recevables tous nouveaux éléments de preuve si cela est nécessaire dans l’intérêt de l’administration de la justice et peut ordonner à la Cour d’appel ou au tribunal de première instance intéressé d’incorporer au dossier ces nouveaux éléments de preuve. Les dispositions touchant les modalités de l’exercice par la Cour suprême de sa juridiction en appel figurent au paragraphe 2 de l’article 127 de la Constitution.

265. Le paragraphe 1 de l’article 128 de la Constitution stipule qu’un recours peut être intenté devant la Cour suprême contre toute décision de la Cour d’appel si celle-ci autorise le recours, ou bien sur requête de toute partie lésée. Toutefois, le paragraphe 2 du même article dispose que même si la Cour d’appel refuse de l’autoriser, le recours peut être intenté s’il est spécialement autorisé par la Cour suprême. En outre, le même article dispose que la Cour suprême peut déclarer recevable tout recours concernant une question d’intérêt public ou de principe.

266. La Cour suprême est également investie d’une compétence consultative. Si le Président de la République considère qu’une question de fait ou de droit revêt une importance suffisante pour l’intérêt public, il peut solliciter l’avis de la Cour suprême, laquelle, après les débats qu’elle juge nécessaires, rend son avis consultatif au Président dans les délais impartis.

267. En matière électorale, la compétence de la Cour suprême est limitée aux actions en justice liées à l’élection du Président ainsi qu’aux recours interjetés contre une décision rendue par la Cour d’appel sur une contestation touchant le scrutin.

268. La Cour suprême se compose du Président et d’autres juges – six au minimum et dix au maximum – nommés par le Président sur la recommandation du Conseil constitutionnel. Elle peut statuer malgré la vacance d’un poste de juge et la procédure devant la Cour et les arrêts ne peuvent être considérés comme dépourvus de validité du fait d’une vacance ou d’un vice quelconque dans la procédure de nomination d’un juge.

b) Cour d’appel

269. La Cour d’appel est l’autre juridiction supérieure créée par la Constitution. Selon le paragraphe 1 de son article 138, la nouvelle Cour d’appel est compétente pour connaître des recours tendant à rectifier toute erreur de fait ou de droit commise par un tribunal de première instance ou autre juridiction. En outre, cet article confère à la Cour d’appel compétence exclusive de connaître des requêtes en appel, en révision et en rétablissement du statu quo concernant toutes affaires, instances et poursuites, étant entendu qu’elle ne peut annuler ou réformer la décision d’une cour ou d’un tribunal que si les droits des parties ont été lésées ou s’il y a eu déni de justice.

270. Dans l’exercice des pouvoirs de statuer en appel que lui confère la loi, la Cour peut confirmer, annuler, modifier ou réformer l’arrêté, jugement ou sentence. Elle peut également donner des instructions à un tribunal ou à une juridiction inférieure, ordonner un nouveau procès ou déclarer recevables des éléments de preuve supplémentaire si elle juge que cela est essentiel pour statuer sur la question en cause. Selon l’article 140 de la Constitution, la Cour d’appel a également plein pouvoir pour inspecter et examiner les minutes des dossiers de tout tribunal de première instance ou autre juridiction ainsi que de prononcer des ordonnances certiorari , d’interdiction, de procedendo , de mandamus et de quo warranto à l’égard de toute autre personne.

271. Cependant l’article 140 stipule que ces pouvoirs sont subordonnés aux dispositions de la Constitution. Depuis que cet article a été modifié par le premier amendement à la Constitution, le Parlement est habilité, dans certaines circonstances, à transférer à la Cour suprême la compétence de prononcer les ordonnances susmentionnées.

272. La Cour d’appel est également habilitée à prononcer des ordonnances d’ habeas corpus , à faire comparaître des détenus devant elle et d’ordonner des interdictions. L’article 144 de la Constitution confie à la Cour d’appel le soin de statuer sur les différends concernant les élections au Parlement.

c) Tribunaux de première instance

273. C’est la Loi relative à la magistrature qui a créé les tribunaux de première instance, défini leurs compétences et réglementer la procédure à suivre devant ces juridictions. La section 2 de ladite loi dispose que les tribunaux de première instance sont les suivants :

I) Haute Cour

274. Le paragraphe 1 de l’article 111 de la Constitution stipule que la Haute Cour est la juridiction pénale hiérarchiquement la plus élevée. Il existe une disposition dans la Constitution qui définit les procédures de nomination, de révocation et de sanction des juges de la Haute Cour par la Commission de la magistrature. Selon la Constitution, la Haute Cour se compose de 10 juges au minimum et de 20 juges au maximum. La Loi relative à la magistrature stipule que l’âge de la retraite, pour un juge de la Haute Cour, est de 61 ans. La Haute Cour a principalement pour attributions d’exercer une juridiction originelle en matière pénale. Selon le paragraphe 1 de l’article 9 de la Loi sur la magistrature, toute infraction commise dans l’espace aérien de Sri Lanka relève de la juridiction de la Haut Cour. La Haute Cour est également compétente en matière de droit maritime. De même, les juges de la Haute Cour sont habilités à imposer toute peine ou autre sanction prescrite par la loi.

275. A la Haut Cour, l’accusé, s’il choisit cette option, est jugé par un jury devant un juge lorsqu’un au moins un chef d’accusation concerne une infraction visée dans la deuxième annexe de la Loi No 2 de 1968 sur la magistrature. Tous les autres procès se déroulent devant un juge de la Haute Cour, siégeant seul, sans jury. Les procès devant la Haute Cour se déroulent conformément à la législation applicable aux infractions réprimées par le Code pénal et les autres lois.

276. Aux termes du paragraphe 3 de l’article 154 P de la Constitution, les Hautes Cours provinciales sont compétences pour exercer, conformément à la loi la juridiction pénale originelle de la Haute Cour de la République de Sri Lanka en ce qui concerne les infractions commises dans la province. Elles sont habilitées :

a) A exercer, nonobstant toute autre disposition de l’article 138 de la Constitution relatif à la juridiction de la Cour d’appel et sous réserve des dispositions de toute loi, compétence en appel et en révision des condamnations, sentences et ordonnances des Magistrate’s Courts et des Primary Courts de la province;

b) A exercer tous autres pouvoirs et compétences qui leur sont conférés par une loi du Parlement;

c) A prononcer des ordonnances d’ habeas corpus à l’égard des personnes illégalement détenues dans la province; et

d) A prononcer contre toute personne des ordonnances de certiorari , d’interdiction, de procendo , de mandamus et de quo warranto.

II) Les Magistrate’s Courts

277. La Loi No 2 de 1978 sur la magistrature dispose que la Magistrate’s Court exerce tous les pouvoirs et attributions qui lui sont conférés par les dispositions du Code pénal, du Code de procédure pénal ou par toute autre loi. Le Code de procédure pénale autorise la Magistrate’s Court à connaître, pour statuer à l’issue d’une procédure sommaire, de toutes actions et poursuites se rapportant à des infractions commises en tout ou en partie à l’intérieur de son ressort et relevant, conformément à la loi, de sa juridiction. La première annexe de la Loi portant Code de procédure pénale spécifie quelles sont les infractions réprimées par le Code pénal qui relèvent de la compétence d’une Magistrate’s Court.

278. Les peines que peut imposer une Magistrate’s Court sont les suivantes :

a) Emprisonnement de deux ans au maximum;

b) Amende de 1 500 roupies au maximum; et

c) Toute sanction spéciale prévue par les dispositions de la loi applicable.

279. Les Magistrate’s Courts peuvent délivrer des perquisitions en tout lieu dont il y a des raisons de penser qu’ils contiennent des articles volés ou d’autres articles ayant donné lieu à une infraction ainsi que d’ordonner à quiconque de verser un cautionnement pour garantir la tranquillité publique ou leur bonne conduite conformément à la loi. Une Magistrate’s Court a également compétence pour faire enquête sur tous les cas de décès survenus dans un établissement pénitentiaire ou un hôpital psychiatrique ou un hôpital pour les lépreux, sur tous les cas de décès à la suite d’un acte de violence ou d’un accident ou les décès soudains ou de cause inconnue.

280. A toute étape de l’enquête ou du procès, selon le cas, le Magistrate peut, à son gré, libérer sous caution toute personne accusée d’une infraction ne donnant normalement pas lieu à une telle mesure. Cependant, une personne accusée ou soupçonnée d’avoir commis l’une des infractions visées aux articles 114, 191 ou 296 du Code pénal ou d’avoir été impliquée dans une telle infraction ne peut être remise en liberté, à quelque étape de l’enquête ou du procès que ce soit, que par un juge de la Haute Cour.

Les forces armées et la loi

1) Discipline

281. Les militaires de tout rang de l’armée de terre et de la marine sont soumis respectivement au droit militaire et au naval, tels qu’ils sont traités dans les lois relatives à l’armée de terre et à la marine et aux textes législatifs. De même, les militaires de tout rang des forces aériennes sont soumis à la loi de l’armée de l’air. En outre, ils restent soumis au droit commun. Tout membre de l’armée de terre, de la marine ou de l’armée de l’air qui commet une infraction aux lois correspondantes ou une infraction civile peut être arrêté et détenu par un officier de la catégorie décrite dans la loi applicable.

282. Les infractions aux règles du service militaire visées par les lois relatives à l’armée de terre et l’armée de l’air sont notamment les suivantes :

a) Mutinerie et insubordination, désertion, engagement frauduleux, et congé sans permission;

b) Conduite de nature à jeter l’opprobre sur les forces armées;

c) Ivresse;

d) Infractions de personnes gardées à vue; et

e) Infractions contre les biens.

283. Les infractions visées par la Loi relative à la marine sont les suivantes :

a) Comportement répréhensible en présence de l’ennemi et communication avec l’ennemi;

b) Abandon de poste;

c) Mutinerie;

d) Insubordination;

e) Désertion;

f) Infractions à l’égard de personnes gardées à vue.

284. Indépendamment des infractions définies dans la Loi sur la marine, une infraction visée par d’autres lois de Sri Lanka peut être jugée par une cour martiale.

2) Cours martiales

285. Les cours martiales, qui sont des juridictions militaires, ont été constituées par les lois relatives à l’armée de terre, à l’armée de l’air et à la marine pour juger les personnes soumises au droit militaires. Les cours martiales, dans le cas de l’armée de terre et de l’armée de l’air, peuvent être constituées par le Président ou par l’officier habilité par son grade conformément aux lois pertinentes. Elles doivent se composer d’au moins trois et de neuf membres au plus. Lorsqu’elle est convoquée pour juger une personne accusée de trahison, d’assassinat ou de viol, la cour martiale doit se composer de cinq membres au moins. Lorsqu’elle a été convoquée pour juger un militaire accusé d’une infraction civile, elle doit comprendre trois membres au moins. Afin de garantir l’impartialité des membres de la cour martiale, les lois relatives à l’armée de l’air et à l’armée de terre interdisent aux personnes ci-après d’en faire partie :

a) Le représentant du Parquet;

b) Tout témoin à charge;

c) Le supérieur hiérarchique de l’accusé; et

d) L’officier qui a fait enquête sur le chef d’accusation imputé à l’accusé.

286. En outre, l’accusé peut, pour des motifs justifiés, récuser tout membre de la cour martiale. En ce qui concerne la recevabilité des éléments de preuve et les contre-interrogatoires, les lois concernant aussi bien l’armée de terre que l’armée de l’air stipulent que c’est l’ordonnance pertinente de droit commun qui s’applique. De même, la cour martiale doit tenir compte de la procédure prévue dans le Code de procédure pénale et dans le Code pénal ainsi que de toutes autres lois jugées nécessaires pour parvenir à une décision équitable.

287. L’accusé traduit devant une cour martiale a le droit d’obtenir au moins 24 heures avant le procès, pour pouvoir préparer sa défense, copie du dossier et de l’inculpation. En outre, il peut retenir les services de la personne de son choix pour le conseiller lors du procès. Si faute de moyens, l’accuse en est incapable, l’armée de terre ou l’armée de l’air doit, selon le choix de l’accusé, soit désigner un officier pour le défendre, soit nommer un ami de l’accusé qui agira en son nom. En outre, elles doivent accorder à l’accusé toutes les facilités nécessaires pour préparer sa défense, et notamment l’autoriser à communiquer avec son avocat et avec les témoins.

288. Conformément aux lois sur l’armée de terre et l’armée de l’air, les cours martiales peuvent imposer les sanctions pénales ci-après aux personnes reconnues coupables d’avoir enfreint leurs dispositions :

a) Capitale ;

b) Arrêts de rigueur;

c) Arrêt simple;

d) Caution;

e) Renvoi de l’armée de l’air;

f) Perte de l’ancienneté de l’intéressé des forces aériennes ou du corps auquel il appartient, selon les modalités prescrites, ou, dans le cas d’un officier dont la promotion dépend de l’ancienneté, de tout ou partie de l’ancienneté prise en compte aux fins des promotions;

g) Réprimande grave; et

h) Retenues pénales sur la solde autorisées par les lois respectives.

289. Conformément à l’article 140 du Règlement applicable aux cours martiales, l’accusé a le droit d’interjeter appel de la décision rendue devant l’autorité ayant convoqué la cour.

290. De même, l’article 120 de la Loi relative à la marine définit les peines que prononcer une cour martiale navale. Si l’infraction commise est visée non pas par la Loi sur la marine mais plutôt par une autre loi, c’est celle-ci qui régit les peines que peut imposer la cour martiale.

291. Que la personne sujette à la juridiction navale qui est jugée ait commis une infraction à la législation militaire ou une infraction civile, une cour martiale peut être convoquée par le Président ou par l’officier de grade au moins égal à celui de Capitaine de corvette autorisé par lui. La cour comprend entre trois et neuf membres. Lorsqu’elle est convoquée pour juger une personne accusée de trahison, d’assassinat ou de viol, elle doit comprendre cinq membres au minimum, trois sont suffisants dans les autres cas. Comme dans le cas des cours martiales constituées en application des lois sur l’armée de terre et l’armée de l’air, l’accusé peut, pour tout motif justifié, récuser tout membre de la cour martiale. Pour déterminer si les faits justifient à première vue des poursuites, un résumé des éléments de preuve doit obligatoirement être établi avant la convocation de la cour martiale. Conformément aux principes de la justice naturelle, copie du dossier est remise à l’accusé et celui-ci se voit également communiquer les documents ci-après pour qu’il puisse préparer sa défense :

a) Chef d’accusation;

b) Liste des officiers membres de la cour martiale;

c) Liste des témoins;

d) Liste des documents;

e) Ordonnance de constitution de la cour martiale; et

f) Lettre explicative.

292. L’accusé a également le droit de retenir les services d’un avocat pour présenter sa défense devant la cour. S’il est incapable de le faire, un officier peut, à sa demande, être désigné pour le représenter et le défendre du procès.

3) Officier de justice militaire

293. L’autorité qui ordonne la convocation d’une cour martiale conformément aux lois relatives à l’armée de terre, à l’armée de l’air et à la marine doit désigner une personne suffisamment familiarisée avec la pratique, la procédure et les principes généraux du fonctionnement d’une cour martiale ainsi qu’avec les principes du droit et des règles relatives à la recevabilité des preuves en tant qu’officier de justice militaire . Ce dernier a le devoir, avant ou pendant l’audience, de donner des avis au Parquet et à l’accusé sur les points de droit ou de procédure liés au chef d’accusation ou au procès. Les membres du Parquet comme l’accusé ont le droit, conformément à la loi, d’obtenir de tels avis à tout moment après la désignation de l’officier de justice militaire, lequel, pendant l’audience, ne peut donner d’avis qu’avec l’autorisation préalable de la cour. L’officier de justice militaire a également l’obligation d’appeler l’attention de la cour sur toute irrégularité de procédure. Qu’il soit consulté ou non, il doit informer la cour martiale et l’autorité l’ayant convoquée de tout vice du chef d’accusation ou de la constitution de la cour et doit donner son avis sur toute question dont celle-ci est saisie.

294. L’officier de justice militaire doit faire tout ce qu’il juge nécessaire pour que l’accusé ne soit pas placé dans une situation désavantagée et ne soit pas dans l’impossibilité d’interroger les témoins ou de procéder à leur contre-interrogatoire ou de déposer. A cette fin, il peut, avec l’autorisation de la cour, interroger tout témoin sur toute question pertinente. A l’issue de la procédure, il doit, à moins que lui-même et la cour martiale ne le jugent inutile, résumer les éléments de preuve présentés et informer la cour martiale de la teneur de la législation applicable à l’affaire avant que la cour commence à délibérer. Le manque de résumé par l’officier de justice militaire des éléments de preuve soumis à la cour avant que celle-ci ne délibère est un vice résolutoire.

4) Les juridictions civiles et les forces armées

295. Les lois relatives à l’armée de terre, à la marine et à l’armée de l’air n’affectent aucunement la compétence de toute juridiction civile de juger ou de sanctionner en raison d’une infraction civile quelle qu’elle soit toute personne sujette au droit militaire. Sur une ordonnance d’une juridiction civile, les chefs de corps ont l’obligation de lui livrer tout officier ou soldat sous son commandement accusé ou condamné d’une infraction civile devant la juridiction dont il s’agit. Il a également le devoir d’aider tout agent de police ou autre officier chargé de l’administration de la justice à arrêter tout militaire qui fait l’objet d’une telle accusation ou condamnation.

296. L’article 140 de la Constitution, qui a trait aux ordonnances de mandamus , de ceriorari et d’interdiction, s’applique à toute cour martiale ou autorité militaire qui exerce des fonctions judiciaires. Les dispositions de l’article 141 de la Constitution concernant les ordonnances d’ habeas corpus sont également applicables à toute personne illégalement détenue sur ordre d’une cour martiale ou d’une autre autorité militaire.

297. Les membres des forces armées, comme tous autres citoyens, sont tenus de respecter le droit commun. Ils sont donc justifiables devant les tribunaux civils de tout acte illégal même si celui-ci est commis sur l’ordre d’un supérieur.

Lois régissant la publicité des débats

298. Reconnaissant que la publicité est un élément essentiel de toute procédure judiciaire militaire, l’article 106 de la Constitution stipule que les audiences de toute juridiction ou autre institution constituée en application de la Convention ou d’une loi du Parlement sont publiques et ouvertes à tous. Un juge ou le Président d’une juridiction ou autre institution peut à son gré, lorsqu’il le juge souhaitable, exclure de l’audience les personnes qui ne sont pas directement intéressées par l’affaire :

a) Dans les actions concernant les relations familiales;

b) Dans les actions concernant des questions sexuelles;

c) Dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de la sécurité publique; et

d) Dans l’intérêt de l’ordre et de la sécurité dans les locaux de cette juridiction ou institution.

Indépendance de la magistrature

299. L’article 107 de la Constitution stipule que le Président et tous les autres juges de la Cour suprême et de la Cour d’appel sont nommés par le Président et sont inamovibles sous réserve de révocation pour faute grave par ordre du Président, après déclaration à cet effet devant le Parlement appuyée par la majorité du nombre de ses membres (y compris les absents) sur pétition présentée par le Président pour faute grave ou incapacité établie. Cependant, le Président du Parlement ne peut inscrire cette déclaration à l’ordre du jour que si la demande d’inscription est signée par un tiers au moins du nombre total de ses membres et expose en détail la faute grave ou l’incapacité alléguée. Conformément à la loi et au Règlement, le Parlement est tenu de déterminer tous les aspects d’une telle déclaration, y compris la procédure à suivre l’inscription à l’ordre du jour, l’enquête sur la faute grave ou l’incapacité alléguée et la preuve de celle-ci et le droit du juge intéressé de comparaître et d’être entendu en personne ou par l’entremise de son représentant.

300. L’article 78 A du Règlement stipule que lorsqu’il est proposé une déclaration du Président en vue de la révocation d’un juge conformément à l’article 107, le Président du Parlement opte d’inscrire la question à l’ordre du jour de ce dernier, étant entendu que la question ne peut être débattue qu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la date de constitution de la Commission d’enquête. Le paragraphe 2 du Règlement régissant la constitution d’une telle Commission d’enquête stipule que le Président du Parlement doit désigner à cette fin sept députés. La Commission d’enquête doit communiquer au juge intéressé copie des allégations de faute grave ou d’incapacité formulées à son endroit. Le Règlement régissant le fonctionnement de la Commission d’enquête stipule que le juge est tenu de présenter sa défense par écrit dans un délai déterminé. En outre, il a le droit de comparaître devant la Commission d’enquête pour être entendu personnellement ou par l’intermédiaire d’un représentant et doit présenter des preuves orales ou documentaires pour réfuter les allégations formulées à son sujet.

301. A la fin de son enquête, la Commission doit, dans le mois suivant le début ses audiences, rendre compte au Parlement de ses conclusions, ainsi que des dépositions faites devant elle. Elle peut également présenter un rapport spécial sur toute question qu’elle juge devoir porter à l’attention du Parlement. Toutefois, si la Commission n’est pas à même de rendre compte de ses conclusions au Parlement dans le délai imparti, elle doit demander au Parlement, avec motifs à l’appui, une prolongation de ce délai. Lorsque le Parlement adopte la résolution autorisant le Président à faire une déclaration, le Président du Parlement soumet la résolution au Président.

302. La dernière fois que le Comité des droits de l’homme a examiné le rapport périodique de Sri Lanka, a douté de la compatibilité entre le processus de révocation et le champ d’application et l’esprit de l’article 14, faisant valoir que cette procédure risquait de compromettre l’indépendance de la magistrature. Comme indiqué ci-dessus, aux termes de l’article 107, un juge ne peut être révoqué que pour «faute lourde ou incapacité établie» et le Règlement autorise l’intéressé à se défendre personnellement ou par l’entremise d’un avocat, et l’inobservation par la Commission d’enquête des règles de la justice naturelle attirerait l’attention du juge. En fait, ni les dispositions pertinentes de la Constitution, ni le Règlement, excluent les décisions de la Commission d’enquête de l’appréciation du juge. Ainsi, si la Commission d’enquête devait commettre une erreur de droit ou enfreindre les règles de la justice naturelle, sa décision serait soumise à l’appréciation d’un tribunal.

303. En outre, Sri Lanka considère qu’un processus de révocation dans lequel c’est le législateur qui joue le rôle principal n’est pas contraire, en soi, aux dispositions de l’article 14 du Pacte. En fait, les Règles de base des Nations Unies sur l’indépendance de la magistrature semblent approuver ce type de mécanisme étant donné que les dispositions relatives aux procédures disciplinaires dont les juges peuvent faire l’objet stipulent que les décisions concernant l’application de mesures disciplinaires, la suspension ou la révocation doivent faire l’objet d’une appréciation indépendante. Ce principe peut ne pas s’appliquer aux décisions de la juridiction suprême ou du législateur concernant une procédure de révocation ou une procédure semblable.

304. La rémunération des juges de la Cour suprême ou de la Cour d’appel est déterminée par le Parlement et imputée au Fonds consolidé. Le traitement et les droits à pension d’un juge de la Cour suprême et de la Cour d’appel ne peuvent pas être réduits après sa nomination .

305. Les juges de la Cour suprême et de la Cour d’appel ne sont pas autorisés à s’acquitter d’autres fonctions (qu’elles soient rémunérées ou non) ni à accepter de bénéfices ou d’émoluments si ce n’est dans les cas autorisés par la Constitution ou une loi écrite ou avec l’autorisation écrite du Président de la République. Cependant, le Président peut demander à un juge de la Cour suprême ou de la Cour d’appel de s’acquitter de toutes autres attributions ou fonctions appropriées conformément à une loi écrite. Aucune personne ayant occupé de le poste de juge permanent de la Cour suprême ou de la Cour d’appel ne peut paraître, plaider, agir ou pratique comme avocat devant une juridiction ou institution quelconque.

306. Aux termes de la Constitution, les Greffes de la Cour suprême et de la Cour d’appel relèvent de la responsabilité de leurs greffiers respectifs, qui sont soumis dans leurs activités à la supervision, aux instructions et au contrôle du Président de la Cour suprême et du Président de la Cour d’appel respectivement.

307. Pour ce qui est de l’indépendance et de l’inamovibilité des juges de la Haute Cour, ces derniers sont nommés par le Président de la République, qui doit suivre la recommandation de la Commission de la magistrature, et ils sont soumis au contrôle disciplinaire de cette dernière. L’indépendance des autres magistrats est assurée par le fait que leur nomination, leur mutation, leur révocation et les mesures disciplinaires qui peuvent leur être applicables relèvent de la Commission de la magistrature. En outre, cette dernière est habilitée à formuler les règles applicables à la formation des juges de la Haute Cour et à organiser des programmes de recrutement, de formation, de nomination et de transfert des magistrats et d’officiers de justice déterminés . La Commission de la magistrature se compose du Président de la Cour suprême qui en est le Président ainsi que de la Cour suprême désignés par le Président de la République sur la recommandation du Conseil constitutionnel. Les rémunérations et indemnités dues aux membres de la Commission sont imputées au Fonds consolidé et ne peuvent pas être réduites pendant qu’ils exercent leur mandat. Cette rémunération est en sus des émoluments attachés à leurs fonctions permanentes.

308. Pour garantir l’impartialité de la Commission, la Constitution stipule que «toute personne qui, autrement que dans l’exercice de ses fonctions, influence ou essaie d’influencer directement ou indirectement, personnellement ou par l’entremise de toutes autres personnes et de quelque manière que ce soit, toute décision de la Commission ou de l’un quelconque de ses membres se rend coupable d’une infraction et est passible, après condamnation par la Haute Cour sans jury, d’une amende ne dépassant pas 1 000 roupies ou d’une peine de prison d’un an au maximum, ou de l’une et l’autre peines».

309. L’indépendance des personnes chargées de l’administration de la justice est également garantie par l’article 116 de la Constitution, qui dispose ce qui suit :

a) Les juges et présidents de toute juridiction ainsi que les agents publics et autres personnes investies par la loi de pouvoirs ou de fonctions judiciaires sont tenus de les exercer sans accepter d’instructions ni d’ingérence de toute autre personne autre qu’un tribunal, juridiction ou institution de rang plus élevé ou de toute autre personne habilitée par la loi à leur donner des instructions ou à superviser l’exercice de leurs fonctions;

b) Quiconque s’immisce ou essaie de s’immiscer sans y être autorisé par la loi dans l’exercice des pouvoirs ou fonctions judiciaires d’un juge ou du Président de toute juridiction, d’un agent public ou de toute autre personne se rend coupable d’une infraction passible, après condamnation par la Haute Cour à l’issue d’un procès sans jury, d’une peine de prison d’un an au maximum et de la déchéance, pendant une période de sept ans au maximum suivant la date de sa condamnation, du droit de participer aux référendums ainsi qu’aux élections à la présidence de la République, au Parlement ou à toute autorité locale ainsi que du droit d’exercer des fonctions publiques et d’être employé dans la fonction publique.

310. Une autre disposition qui garantit l’indépendance de la magistrature est la règle reflétée dans le Règlement du Parlement selon laquelle le comportement des juges et des autres personnes chargées de l’administration de la justice est une question qui ne peut être évoquée que sur présentation d’une motion de fond. En outre, le Parlement ne peut évoquer aucune question dont est saisie une juridiction quelconque ni aucune question en attente de jugement.

Commission présidentielle (spéciale) d’enquête

311. Le Comité des droits de l’homme a exprimé l’avis que les dispositions de la Loi relative aux commissions présidentielles spéciales n’étaient pas conformes aux articles 14 et 15 du Pacte étant donné que ladite loi contenait une clause selon laquelle les conclusions de la Commission ne pouvaient pas être soumises à l’appréciation d’une juridiction d’appel et aussi parce que les conclusions de la Commission pouvaient donner lieu à des sanctions pénales, à savoir la déchéance des droits civils. En fait, la préoccupation exprimée par le Comité des droits de l’homme est probablement motivée par l’arrêt rendu par la Cour suprême dans l’affaire Weeraratne contre Percy Colin Thome , qui a limité les motifs permettant d’attaquer les conclusions de ces commissions à ceux qui sont visés dans l’amendement de 1972 à la Loi relative aux règles d’interprétation . Pendant la période couverte par le présent rapport, cependant, la Cour suprême, dans l’affaire Cooray contre Banadaranaike , a élargi les motifs pour lesquels les conclusions des commissions présidentielles spéciales pouvaient être soumises à l’appréciation du tribunal, considérant que l’amendement de 1972 avait été implicitement abrogé par la Constitution de 1978. On trouvera ci-après une liste détaillée de cette affaire ainsi que des décisions de justice rendues pendant la période considérée en ce qui concerne les pouvoirs des commissions présidentielles spéciales.

a) Affaire Sirisena Cooray contre Tissa Bandaranayake

312. Une Commission présidentielle spéciale avait été constituée pour faire enquête sur la conduite du requérant et en particulier sur les allégations selon lesquelles il était responsable de l’assassinat de l’ancien Ministre de la défense, M. Athulathmudali. La Commission d’enquête a recommandé que le requérant soit, pour le motif d’outrage à la justice, déchu de sa qualité de membre du Parlement. La Commission a fondé cette recommandation sur le fait que le requérant avait refusé de se conformer aux citations à comparaître qui lui avaient été adressées par elle. En outre, elle a considéré que le requérant était responsable dudit assassinat.

313. Cependant, le requérant a cherché à attaquer cette décision devant la Cour suprême, faisant valoir qu’elle reposait sur des éléments de preuve ex parte et qu’il n’avait en fait pas reçu les notifications que la Commission alléguait lui avoir adressées. Le requérant soutenait par conséquent que la Commission n’avait pas respecté les règles de la justice naturelle dans la conduite de son enquête. Sur cette base, le requérant demandait à la Cour suprême de prononcer une ordonnance de certiorari pour annuler les conclusions de la Commission.

314. Les défendeurs ont répliqué que le requérant avait dépassé le délai imparti pour présenter un recours en révision devant la Cour. Cependant, la Cour suprême a rejeté cette exception, considérant que le requérant avait contesté les conclusions de la Commission peu après la publication de son rapport. En outre, les défendeurs contestaient la compétence de la Cour en invoquant la clause de non-révision figurant à l’article 81 de la Constitution et au paragraphe 1 de l’article 9 de la No 7 e 1978 relative aux commissions présidentielles spéciales. La Cour a répondu en déclarant, se fondant sur l’article140 de la Constitution que des clauses de non-révision ne peuvent pas limiter sa compétence de revoir les décisions d’une commission présidentielle. Pour parvenir à cette conclusion, la Cour suprême a cité l’opinion incidente du Juge M.D.H. Fernando dans l’affaire Attapattu contre Peoples Bank , dans laquelle le Juge Fernando avait cherché à réintroduire dans une certaine mesure le droit émanant de l’arrêt rendu par la Chambre des Lords dans l’affaire Anisminic contre Foreign Compensation Commission Ltd. , qui avait fait jurisprudence. Dans cette affaire, la Chambre des Lords s’était écartée de son approche restrictive consistant à ne revoir que les erreurs commises sur des points de droit «relevant de leur juridiction» par des tribunaux protégés par des clauses de non-révision. De ce fait, les erreurs de droit commises dans les limites de leur juridiction par de tels tribunaux étaient également soumises à l’appréciation judiciaire. Cette décision a par la suite été incorporée au droit sri lankais . Cependant, l’amendement de 1972 à la Loi relative aux règles d’interprétation a cherché à limiter les pouvoirs des tribunaux de revoir les décisions de juridiction protégées par des clauses de non-révision en revenant à la situation qui existait avant l’arrêt Anisminic. Dans l’affaire Attapattu contre Peoples Bank , le Juge Fernando a déclaré que les tribunaux ne sont plus tenus par cette loi étant donné que l’article 140 de la Constitution accorde expressément aux tribunaux le pouvoir de prononcer une ordonnance de certiorari contre les décisions judiciaires.

315. Les défendeurs faisaient valoir en outre que la décision de la Commission ne constituait qu’une recommandation et n’était donc pas soumise à appréciation judiciaire. La Cour suprême a néanmoins rejeté cet argument, faisant observer que la recommandation risquait d’affecter les droits civils du requérant.

b) Affaire Paskaralingam contre Perera

316. Dans cette affaire, il avait été nommé une commission présidentielle spéciale pour faire enquête sur certains abus qu’aurait commis le requérant, haut fonctionnaire sous le gouvernement précédent. La Cour suprême, constatant que l’un des membres de la Commission n’avait pas participé à l’étape ultérieure de la procédure, a annulé la décision de la Commission. En outre, l’intéressé n’avait pas signé le rapport de cette dernière.

c) Affaire Wijepala Mendis contre Perera

317. En l’occurrence, une commission présidentielle spéciale avait rendu visite au requérant et à plusieurs autres personnes pour enquêter sur le comportement du requérant, qui aurait frauduleusement encouragé certaines personnes de céder à l’État à un terrain et à obtenir de l’État, grâce à la position officielle du requérant, un terrain d’une valeur supérieure, ce qui avait causé une perte pour l’État et un enrichissement indu pour le requérant. La Cour suprême a annulé les conclusions de la Commission pour les motifs suivants :

a) La Commission n’avait pas formulé de conclusions en ce qui concerne l’intention frauduleuse du requérant;

b) Des trois personnes désignées pour faire enquête sur la question, l’une n’était plus en fonction lors de la publication du rapport de la Commission;

c) La Commission avait fondé ses conclusions non pas sur un échange de terrain mais plutôt sur la vente de terrains et les baux immobiliers; et

d) La Commission, répondant à une proposition de règlement à l’amiable, s’était aventurée dans un domaine dans lequel elle n’avait pas compétence.

318. La Cour suprême a également saisi l’occasion de réaffirmer la décision qu’elle avait rendue dans l’affaire Cooray contre Bandaranayake (voir plus haut).

TRIBUNAUX DU TRAVAIL

319. Les tribunaux du travail ont été créés en 1957 à la suite d’un amendement à l’article 31 de la Loi relative aux différends industriels, selon lequel un travailleur ou un syndicat agissant en son nom, pouvait intenter un recours devant un tribunal du travail pour contester une décision de licenciement d’un employeur, une décision concernant des questions de rémunérations ou d’indemnités ou toutes autres questions liées à l’emploi ou aux conditions de travail telles que définies par le Ministre. Le but de cet amendement était de permettre à un travailleur n’ayant pas le même pouvoir de négociation que son employeur d’obtenir satisfaction. La congruence entre cet amendement et les règles de l’article14 ressort de l’analyse ci-dessous de la jurisprudence de ces tribunaux et des droits des plaignants.

320. Le principe «de justice et d’équité» joue un rôle vital dans le règlement des différends industriels à Sri Lanka. Ce principe, de même l’inapplicabilité des règles de preuve de droit commun, consacrent à l’évidence le concept de droit naturel en opposition au droit positif. En outre, le droit naturel englobe un concept de justice naturelle, c’est-à-dire le droit d’être entendu et l’interdiction du parti-pris, cette procédure devant garantir l’impartialité.

321. Le principe de justice et d’équité, à l’intérieur du concept général de justice naturelle, est illustré par plusieurs affaires, dont les suivantes :

- Dans l’affaire United Engineering Workers Union contre Devanayagam (69 NLR 289) , il a été décidé que les tribunaux d’arbitrage industriel et les tribunaux du travail peuvent statuer sans que leur action soit limitée par les dispositions du contrat de travail et peuvent rendre des sentences et des décisions fondées sur la justice et l’équité;

- Dans l’affaire Peris contre Podisingho (78L W, p. 46) , il a été décidé que le critère de justice et d’équité était au nombre des qualités qui apparaîtraient clairement à toute personne impartiale;

- Dans l’affaire Richard Peris contre Wijesiriwardena (62 NLR, p. 233) , il a été considéré que, conformément aux directives positives, une ordonnance fondée sur la justice et l’équité devait relever du cadre du droit; et

- Dans Hayleys contre Crossette Thambiyah (63 NLR, p. 248) , le tribunal a fait observer qu’il était étrange d’affirmer qu’alors même que l’article 24 de la Loi relative aux différends industriels conférait au tribunal d’arbitrage industriel la compétence de rendre une sentence fondée sur la justice et l’équité, le tribunal pouvait totalement méconnaître le droit commun et agir de façon arbitraire. Ce principe a été suivi dans l’affaire Superintendent, High Forest Estate contre Malapene Sri Lanka Watu Kamkaru Sangamaya (66 NLR 14) , dans laquelle il a été déclaré qu’un tribunal du travail ne pouvait pas, en se fondant sur l’équité, accorder réparation au conjoint d’un travailleur lorsqu’un contrat de travail avait été résilié par ce dernier en application du paragraphe1 de l’article 23 de l’Ordonnance indienne relative au travail dans les plantations. Il a été décidé que, lorsqu’il fondait sa décision sur la justice et l’équité, un tribunal devait agir dans l’exercice de ses fonctions judiciaires. En 1970, dans l’affaire B. contre Gunasinghe (72 NLR 76), le juge a considéré que la décision rendue dans l’affaire Devanayagam ne devait pas être interprétée comme signifiant que les tribunaux du travail n’agissent pas et ne sont pas tenus d’agir dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires. Il a souligné que la question de savoir si un fonctionnaire avait l’obligation d’agir dans l’exercice de ses fonctions judiciaires ne pourrait pas se ramener à celle de savoir si l’intéressé détenait un poste judiciaire. En outre, les tribunaux de travail étaient tenus de suivre les principes de la justice naturelle, de sorte qu’ils devaient tenir compte de tous les éléments de preuve importants pour parvenir à une décision fondée sur la justice et l’équité. Dans l’affaire Nakiyakanda Group contre Lanka Estate Workers Union (1969-7LW 52), il a été décidé que, pour déterminer si une décision repose sur la justice et l’équité, il fallait tenir compte non seulement des intérêts de l’employé mais aussi de ceux de l’employeur et, d’une manière plus générale du pays, l’objet du droit social étant de protéger aussi bien les travailleurs que leurs employeurs.

322. En bref, les cours d’appel de Sri Lanka ont dégagé les directives ci-après en ce qui concerne le principe de justice et d’équité :

a) La législature en vigueur doit être respectée;

b) Les tribunaux du travail et les arbitres doivent agir dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires en suivant les principes de la justice naturelle;

c) Tous les éléments de preuve importants doivent être pris en considération;

d) Toute question importante en cause doit être prise en considération;

e) Les décisions ou sentences doivent être motivées;

f) Les tribunaux du travail et arbitres ne doivent pas agir de manière arbitraire; et

g) L’intérêt public doit être pris en compte.

a) Applicabilité de l’Ordonnance relative aux preuves

323. Le paragraphe 4 de l’article 36 de la Loi sur les différends industriels stipule que dans toute procédure introduite en application de celle-ci, les tribunaux industriels, les tribunaux du travail, l’arbitre ou une personne autorisée ou le Commissaire ne sont pas tenus par les dispositions de l’Ordonnance relative aux preuves. Bien que ces dispositions stipulent que les institutions chargées de connaître des différends industriels ne sont pas liées par l’Ordonnance, les juridictions d’appel ont dégagé certaines directives touchant leur applicabilité aux procédures menées devant ces institutions. Dans l’affaire Ceylon University Clerical and Technical Association contre The University of Ceylon (170 NLR 84), la Cour suprême a déclaré qu’alors même que les tribunaux du travail ne sont pas liés par l’Ordonnance, ils ont intérêt à prendre en considération la sagesse que celle-ci reflète et la considérer comme une protection. Dans l’affaire Somawathie contre Baksons Textiles Industries Limited (1979 NLR, p. 204), le Juge Rajaratnam a déclaré que le paragraphe 4 de l’article 36, en ne soumettant pas les tribunaux du travail aux règles de preuve, met en relief la distinction entre le rôle des tribunaux liés par l’Ordonnance, qui doivent statuer en se fondant sur le droit, et celui des tribunaux du travail, qui sont autorisés à fonder leurs décisions sur la justice et l’équité. Ainsi, «c’est pour cette raison que les tribunaux du travail ne sont pas liés par les règles de preuve. Ils peuvent adopter leurs propres procédures. Ils peuvent agir sur la base d’aveux et du témoignage de complices pour pouvoir ainsi librement rendre une décision équitable.»

324. Bien qu’un tribunal du travail statuant sur un différend industriel ne soit pas une instance judiciaire qui serait rigoureusement tenue par les règles de preuve, cela ne signifie pas qu’il puisse agir sur la base de simples conjectures et de sa propre idée de la justice sociale. Au contraire, il a l’obligation d’agir conformément à sa compétence et au droit applicable à la question en litige.

325. En 1999, l’affaire Colombage contre Ceylon Petroleum Corporation 38 Sri LR 150) a donné lieu à une décision qui a fait jurisprudence qui peut être résumée comme suit :

a) Les dispositions de l’Ordonnance relative aux preuves ne lient pas un tribunal du travail;

b) Toutefois, le paragraphe 4 de l’article 36 de la Loi sur les différends industriels n’autorise pas un tribunal du travail à agir en méconnaissance totale de l’un des principes fondamentaux qui sous-tendent les dispositions de l’Ordonnance; et

c) Les oui-dire ne sont pas recevables, pour des simples considérations de justice et d’équité, et il n’est pas possible de faire fond sur leur teneur. Un tribunal du travail a manifestement l’obligation d’évaluer dans une optique judiciaire les éléments de preuve qui lui sont soumis.

326. Dans l’affaire All Ceylon Commercial and Industrial Workers Union contre Nestle Lanka Ltd. (1999 – 1 Sri LR, 343), il a été considéré qu’une décision sur les faits totalement injustifiée par les éléments de preuve ou fondée sur une déduction totalement injustifiée par les faits constitue une erreur sur un point de droit. La règle selon laquelle une juridiction du travail n’est pas liée par les règles de preuve ne signifie pas qu’elle peut décider en l’absence totale de preuves. Ce principe est également applicable lorsque, dans leur ensemble, les preuves présentées ne peuvent pas raisonnablement étayer une conclusion ou une décision.

327. Dans l’affaire David Anderson contre Ahamed Husny (SC 14/1000 SC minutes 11.01.1001), le Juge Fernando a dit que «s’il est vrai que le tribunal n’est pas lié par l’Ordonnance sur les preuves, celle-ci contient néanmoins certains principes fondamentaux de justice et d’équité qui doivent intervenir dans la décision de tout tribunal. Un principe de bon sens se trouve à l’article 102, qui stipule que la charge de la preuve incombe à la personne qui serait déboutée s’il n’était pas présenté de preuves du tout par les deux parties. Il n’y avait aucune raison valable de s’écarter de ce principe». Par conséquent, alors même que le paragraphe 4 de l’article 36 de la Loi stipule que les tribunaux du travail ne sont pas liés par les dispositions de l’Ordonnance relative aux preuves, les décisions des juridictions supérieures mettent en relief le danger qu’il y a à rejeter totalement ses dispositions dans les procédures intentées devant les tribunaux du travail. En bref, ces dispositions constitueraient le meilleur guide à suivre pour dispenser une justice sociale.

b) Droits des parties devant un tribunal du travail

328. Les droits des parties devant les tribunaux du travail découlent de la compétence de ces derniers. L’article 318 définit comme suit la compétence desdits tribunaux :

a) Licenciement d’un employé par son employeur;

b) Question de savoir si l’employeur doit à l’employé licencié des indemnités ou autres prestations, et montant desdites indemnités, sauf dans les cas où s’applique la Loi de 1983 sur les indemnités;

c) Question de savoir si un non-paiement des indemnités conformément à la Loi de 1983 est conformité avec celle-ci; et

d) Toutes autres questions prescrites par la loi concernant les conditions d’emploi ou de travail d’un ouvrier.

329. Cela étant, un tribunal du travail ne peut être saisi que par l’employé. Tel est l’élément qui distingue les tribunaux du travail des autres instances judiciaires, qui peuvent être saisies par l’une ou l’autre des parties à un différend.

330. Selon la règle bien établie, le demandeur ou le défendeur peut déposer sa requête ou sa réplique dans une quelconque des langues du pays, c’est-à-dire en cinghalais, en tamoul ou en anglais.

331. Un autre caractère distinctif de cette institution est que les parties peuvent être représentées par des dirigeants syndicaux, un mandataire ou un avocat. Cela permet aux plaideurs de faire valoir leurs revendications même par des profanes qui sont familiarisés avec la législation du travail.

332. Un autre trait distinctif est que les ordonnances rendues par un tribunal du travail ne peuvent faire l’objet d’un recours que pour une question de droit.

333. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article susmentionné, toute ordonnance rendue par un tribunal du travail est définitive ne peut être contestée devant aucune juridiction.

334. Lorsque le travailleur ou le syndicat qui présente une requête à un tribunal du travail ou l’employeur visé par la requête n’est pas satisfait de l’ordonnance rendue par le tribunal, les intéressés peuvent faire appel de cette décision devant la Haute Cour. (Une liste des organisations qui fournissent une assistance juridique gratuite est jointe à l’annexe 5.)

Article 15 - Application rétroactive du droit pénal

335. Le paragraphe 6 de l’article 13 de la Constitution de Sri Lanka interdit expressément l’application rétroactive des lois, sauf lorsque celles-ci ont pour objet de réprimer un acte qui était criminel en vertu des principes généraux du droit reconnu par la communauté des nations. Il s’agit là d’une exception bien établie qui est reconnue dans la Constitution et qui a pour but de donner effet aux obligations internationales contractées par l’État. En outre, selon le paragraphe1 de l’article15 de la Constitution, cet article peut faire l’objet des restrictions prescrites par la loi dans l’intérêt de la sécurité nationale.

Article 16 - Droit de chacun à la reconnaissance de sa personnalité juridique

336. Pendant la période coloniale, le droit de chacun à la reconnaissance de sa personnalité juridique a constitué la base même du système juridique de Sri Lanka. Les tribunaux du pays protègent jalousement ce droit, qui est la pierre angulaire du système judiciaire. Le paragraphe 1 de l’article 12 de la Constitution réitère ce principe en stipulant que toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit à une protection égale de la loi.

337. Dans une société moderne, toutefois, il est impossible, du fait des exigences de la société elle-même et de l’intérêt public, de garantir une égalité absolue entre tous les secteurs de la société. Il y a également eu des exceptions, conformément au droit international.

338. C’est ainsi par exemple que les souverains et diplomates étranges ont droit certaines immunités et en particulier à l’immunité de juridiction. A Sri Lanka, le Président jouit lui aussi de l’immunité de juridiction . Les chefs d’État de la plupart des pays jouissent de cette immunité. Les juges jouissent de l’immunité pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Les députés ne peuvent pas être arrêtés pendant les sessions du Parlement. A Sri Lanka, aucun député ne peut être arrêté sans l’autorisation préalable du Président du Parlement. Les députés jouissent également de l’immunité de toute action en diffamation intentée sur la base des propos qu’ils ont tenus au Parlement. Dans la plupart des pays, y compris à Sri Lanka, les autorités et agents publics jouissent d’un pouvoir et de privilèges spéciaux.

Article 17 - Droit à la non-immixtion dans la vie privée et la vie familiale

339. Les règles concernant la non-immixtion dans la vie privée ou la vie familiale sont régies par la Common Law du pays, qui est le droit néerlandais de tradition romaniste. Aussi bien le Code de procédure civile que le Code de procédure pénale de Sri Lanka stipulent que nul ne peut être arrêté et qu’aucune perquisition domiciliaire ne peut être entreprise si ce n’est conformément à la loi.

340. Le programme de formation de la police met l’accent sur le respect des lieux du crime, les procédures à suivre pour rassembler les éléments de preuve, l’irrecevabilité des preuves obtenues de façon illégale, etc., afin de protéger ainsi le droit à la vie privée et à la vie familiale.

Article 18 - Liberté de pensée, de conscience et de religion

341. L’article 10 de la Constitution de Sri Lanka garantit le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, y compris la liberté d’avoir ou de professer une religion ou une croyance de son choix. Ce droit ne peut faire l’objet de restrictions en aucune circonstance. L’article 10 est renforcé par l’alinéa a) de l’article 83 de l’actuelle Constitution, qui dispose que toute modification de cet article exigerait non seulement un vote au Parlement à la majorité des deux tiers mais aussi un référendum. Le paragraphe 1 e) de l’article 14 de la Constitution garantit la liberté de manifester sa religion ou sa croyance par le culte, l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement. Si les droits consacrés à l’article10 ne peuvent faire l’objet d’aucune restriction, certaines peuvent être apportées à ceux visés au paragraphe 1 e) de l’article 14. En conséquence, le paragraphe 7 de l’article 15 de la Constitution indique quelles sont les restrictions qui peuvent être prescrites par la loi dans l’intérêt de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la protection de la santé publique ou des bonnes mœurs ou pour garantir la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui.

342. La Cour suprême, dans l’affaire Athukorale et al. contre Ministre de la justice (affaire Sri Lanka Broadcasting Authority) analysée ci-dessous, a mis l’accent sur le lien qui existait entre le droit à la liberté de l’information et le droit à la liberté de pensée et de conscience. La Cour a qualifié l’information d’«aliment de tous les jours» de la pensée et comme un élément dont chacun a besoin sans aucune restriction inutile. Le droit à la liberté de l’information a par conséquent le statut d’un droit consacré par la Constitution.

Affaire Athukorale et al. contre Ministre de la justice (affaire Sri Lanka Broadcasting Authority)

343. Dans cette affaire, les 15 requérants avaient saisi la Cour suprême pour qu’elle statue sur la constitutionnalité du projet de loi sur la Sri Lanka Broadcasting Authority (SLBA) publié au Journal officiel du 21 mars 1997 et inscrit à l’ordre du jour du Parlement le 10 avril de la même année.

344. Les 15 requérants venaient de milieux très divers : représentants de parti politique, particuliers, personnes physiques, personnes morales et organisations non gouvernementales. Essentiellement, l’argument était que si le projet de loi sur la SLBA était adopté, son application porterait atteinte à leur droit à l’égalité consacré à l’article 12 de la Constitution. Les divers requérants présentaient aussi d’autres arguments, non seulement au titre des droits fondamentaux visés dans la Constitution mais aussi l’application des principes généraux du droit administratif.

345. Le projet de loi avait pour objet de constituer une autorité publique chargée de réglementer la radiodiffusion et la télévision à Sri Lanka. Cette autorité non seulement réglementerait la création et le fonctionnement de stations d’émissions aussi bien de radio que de télévision mais était également habilitée à délivrer les licences de ces stations devant être renouvelées chaque année. Elle était habilitée à soumettre l’octroi de licences à des conditions, à donner des directives quant au contenu des programmes et, qui plus est, d’imposer des sanctions en cas d’inobservation des conditions fixées. Le projet loi envisageait également la création d’une infraction pénale pour ceux qui contreviendraient aux conditions des licences. Pour récapituler, la SLBA réglementerait non seulement les aspects techniques de la radiodiffusion et de la télévision (par exemple en allouant des fréquences au moyen des licences) mais aurait également le pouvoir de contrôler et de réglementer le contenu des programmes diffusés.

346. Au moment où le gouvernement a déposé ce projet de loi devant le Parlement, l’industrie sri lankaise des médias électroniques avait dépassé le stade auquel les ondes relevaient du domaine exclusif de l’État. Ainsi, la majorité des requérants dans cette affaire étaient des personnes physiques ou morales qui exploitaient des stations privées de radiodiffusion et de télévision. Leur principale plainte était que le projet de loi sur la SLBA, s’il était adopté, violerait le principe de l’égalité devant la loi et que la Sri Lanka Broadcasting Corporation (SLBC), appartenant à l’État, et la Sri Lanka Rupavahini Corporation (SLRC) ne seraient pas soumises au même régime que celui que pourrait leur imposer la SLBA. Actuellement, la SLBC, créée et régie par la Loi No 37 de 1966 relative à la radiodiffusion à Ceylan et la SLRC, créée et régie par la Loi No 6 de 1982 sur la Sri Lanka Rupavahini, étaient autonomes pour ce qui était du contenu des programmes, des sponsors, du financement, de la programmation, etc. Le projet de loi sur la SLBA n’abrogeait pas expressément les dispositions desdites lois, ce qui aurait soumis la SLBC et la SLRC au nouveau régime réglementaire. C’était sur cette base que les requérants alléguaient une inégalité potentielle devant la loi (et par conséquent la négation à la protection égale de la loi) garantie par l’article 12 de la Constitution. Ce qui importe de noter ici, c’est que si le projet de loi sur la SLBA envisageait certains amendements des deux autres lois pour ce qui était de la question spécifique de la supervision et du contrôle des programmes diffusés, elle ne contenait aucune disposition expresse concernant l’abrogation des dispositions de ces textes. La façon dont la Cour a interprété les deux lois dans le contexte du projet revêt par conséquent la plus haute importance.

347. L’arrêt rendu dans l’affaire Athukorale peut être analysé de deux points de vue. Le premier aspect était la question de savoir si les dispositions du projet de loi sur la SLBA (telles qu’interprétées ci-dessus), s’il était adopté, violeraient divers droits fondamentaux des requérants, notamment ceux consacrés à l’article 12 (droit à l’égalité), au paragraphe I a) et I g) de l’article 14 (liberté de parole et d’expression, y compris de publication et droit de se livrer à toute occupation, profession, affaire ou entreprise licite) et l’article 10 (liberté de pensée).

348. La question de savoir si la liberté d’expression englobait le droit de voir et d’entendre des nouvelles indépendantes du type envisagé par la Cour avait été soumise à la Cour suprême presque jour pour jour un an avant l’affaire Athukorale, dans l’affaire Wimal Fernando contre SLBC. Dans ladite affaire, le Juge Fernando avait fait un long exposé sur le droit d’entendre et sur la liberté d’information, considérant que celle-ci, en l’absence de disposition constitutionnelle expresse, n’était pas couverte par la liberté d’expression. Le Juge Fernando était plutôt d’avis que le droit direct à l’information pouvait facilement découler de la liberté de pensée garantie à l’article 10. En effet, il fallait avoir accès à l’information sans entraves injustifiées pour pouvoir véritablement exercer la liberté de pensée reflétée à l’article10 de la Constitution. Le juge avait qualifié l’information d’«aliment de tous les jours de la pensée».

349. Il y a lieu de noter que l’appréciation du Juge Fernando dans cette affaire ne liait pas la Cour pour l’avenir étant donné que l’arrêt rendu dans l’affaire Fernando contre SLBC ne reposait pas sur l’article10. Malgré tout, dans l’affaire Athukorale , la Cour suprême a affirmé que les observations du Juge Fernando touchant la liberté de l’information et l’article 10 reflétaient correctement le droit.

350.  Dans cette affaire, la Cour a considéré que les dispositions du projet de Loi sur la SBLA auraient pour effet de créer une autorité qui échapperait aux principes du droit administratif concernant l’obligation redditionnelle et l’indépendance, et ce à tel point que le régime de réglementation risquait en fait d’étouffer des vues dissidentes et de rendre illusoire le conflit souhaitable d’idées opposées. Ainsi, la Cour a considéré que le droit des requérants de recevoir une information indépendante serait affecté, et que tel serait le cas aussi, par conséquent, de leur liberté de pensée. Or, la Constitution n’autorisait absolument aucune restriction ou atteinte à l’article 10 relatif à la liberté de pensée. Si le projet de loi sur la SBLA avait pour effet de porter atteinte au libre exercice du droit fondamental consacré à l’article 10, cela équivaudrait à modifier la Constitution. En pareil, a considéré la Cour, la procédure correcte à suivre était d’obtenir un vote à la majorité des deux tiers du nombre total des membres du Parlement (y compris les absents) ainsi que l’assentiment du peuple au moyen d’un référendum, conformément à l’article 83 de la Constitution.

Article 19 - Liberté d’expression

Garanties constitutionnelles

351. La Constitution de Sri Lanka garantit au paragraphe 1 de son article 14 la liberté de parole et d’expression, y compris de publication . La Constitution stipule que ces droits peuvent faire l’objet des restrictions stipulées par la loi dans l’intérêt de l’harmonie raciale et religieuse, de la sécurité nationale et de l’ordre public ou pour garantir la reconnaissance et le respect des droits et liberté d’autrui (paragraphes 2 et 7 de l’article 15). De même, le sixième amendement à la Constitution interdit également à toute personne ou groupe de personnes d’appuyer, de promouvoir, d’encourager ou de préconiser la création d’un État séparé à l’intérieur du territoire de Sri Lanka.

352. Dans un arrêt récent, rendu dans l’affaire Wimal Fernando contre Sri Lanka Broadcasting Corporation [(1995) SC Appn. 81], la Cour suprême a confirmé le droit à la liberté d’expression, considérant que la décision de la radio d’État, en février 1995, de supprimer son programme d’éducation non formelle constituait en fait une atteinte au droit fondamental du requérant à la liberté de parole et d’expression garantie par le paragraphe 1 a) de l’article 14 de la Constitution de 1978.

353. Dans l’affaire Asoka Gunawardena et Ponnamperuma Aarachchige contre S.C.W. Pathirana et al. (SC Appn. 519/95), la Cour suprême a, en février1997, confirmé en termes énergiques le droit fondamental de tous les sri lankais d’être différents, de penser différemment (article 10) et d’exprimer des opinions différentes en public (paragraphe1 a) de l’article 14). La Cour suprême a statué en faveur de deux partisans du United National Party (UNP) qui avaient été arrêtés et détenus pour avoir été trouvés en possession et pour avoir distribué un opuscule critiquant le gouvernement et a en outre ordonné à l’État de verser à chacun des requérants la somme sans précédent de 70 000 roupies, y compris les dépens. Dans l’affaire Ekanayake contre Herath Banda [SC Appn. 25/91, SCM 18.12.91)], la Cour suprême a déclaré ce qui suit :

«L’expression de vues qui peuvent être impopulaires, gênantes, d’un mauvais goût ou erronées relève néanmoins de la liberté de parole et d’expression, à condition bien entendu qu’il ne s’agisse pas de pousser ou d’encourager à la violence ou à tout autre comportement illégal… étant donné que le désaccord est indiscutablement lié à la trame de la démocratie.»

[ Ekanayake contre Herath Banda (SC Appn. 2591, SCM 18.1291)]

Informations empiriques concernant la liberté des médias

354. Le gouvernement a constitué un comité chargé d’étudier la possibilité de créer un Centre d’excellence consacré à la profession de journaliste. Le Cabinet a entériné le rapport du Comité sur la création d’un Institut national des médias, et l’avis a été exprimé que l’organisation de programmes de perfectionnement des compétences à l’intention de l’industrie des médias ne devrait pas attendre la création de l’Institut national des médias proposé. L’Institut de formation des médias a ouvert ses portes en 1996 et a commencé à mettre au point et à organiser des programmes de perfectionnement des journalistes. En réponse aux recommandations formulées par le Comité pour l’amélioration de la situation économique et de la condition des journalistes, la Sri Lanka Insurance Corporation a lancé en novembre1996 un nouveau programme d’assurances pour les journalistes.

355. A Sri Lanka, le secteur privé joue un rôle prépondérant dans l’industrie des médias et il existe plusieurs sociétés privées qui jouent un rôle très important dans la presse écrite ou électronique. Des médias de pointe qui ne sont soumis à aucune réglementation comme Internet, se propagent rapidement. Bien qu’il existe encore un secteur public de la télévision, de la radio et de la presse, le rôle du gouvernement se borne à nommer les membres des conseils d’administration de ces organes, et leurs directeurs agissent en toute autonomie et préparent leurs programmes et présentent leurs nouvelles sans aucune ingérence du gouvernement. Au cours des quelques dernières années, le nombre de stations privées de télévision et de radio à Sri Lanka a considérablement augmenté : il existe 10 chaînes privées de télévision et un grand nombre de stations de radio à modulation de fréquence, qui gèrent toutes elles-mêmes, souvent en collaboration, leurs propres programmes d’information et d’actualités.

356. Des programmes très divers reflétant des perspectives différentes sont offerts aux téléspectateurs et aux auditeurs. Les médias imprimés, les plus populaires et les plus utilisés, parviennent dans tous les coins de l’île sous forme de journaux, de revues, de bulletins, de brochures, etc. Comme la presse aussi bien électronique qu’imprimée est publiée en cinghalais, en tamoul et en anglais, elle constitue une source d’information et de distraction pour la communauté tout entière. Le gouvernement est ouvertement critiqué dans les médias aussi imprimées qu’électroniques. Le gouvernement, qui avait jadis le monopole de la diffusion des nouvelles, a autorisé les stations privées de radio et de télévision à diffuser leurs propres programmes d’information et d’actualités. Les stations privées diffusent des discussions et commentaires sur les questions d’actualité. En outre, les stations locales de télévision et de radio diffusent les programmes internationaux d’information de chaînes comme la BBC, CNN, VOA, SKY, etc., ainsi que d’autres programmes, discussions et documentaires.

357. Le 15 juillet 2001, le gouvernement a éliminé les restrictions imposées aux médias en ce qui concerne les nouvelles de la guerre en vertu de l’Ordonnance sur la sécurité publique. A l’heure actuelle, les médias aussi bien locaux qu’étrangers jouissent d’une liberté totale de la presse.

Privilèges parlementaires

358. Lorsque le Comité des droits de l’homme a examiné pour la dernière fois le rapport périodique présenté par Sri Lanka à propos de l’application du Pacte, il s’est dit préoccupé par les dispositions de la Loi relative aux pouvoirs et aux privilèges du Parlement, qui habilitaient le Parlement, entre autres, à réprimer en tant qu’atteinte aux privilèges parlementaires, «la publication délibérée d’un compte-rendu faux ou altéré des débats du Parlement ou de l’une de ses commissions, d’une déclaration faite par un député au Parlement ou devant l’une de ses commissions ainsi que la publication de propos diffamatoires touchant les débats et le caractère du Parlement ou concernant le comportement de tout député».

359. La raison d’être de cette disposition légale est de veiller à ce que des éléments partisans et peu scrupuleux ne faussent pas à leur profit les propos tenus par les députés au Parlement. Comme les politiciens sont à couteau tiré, le risque d’un tel incident est très sérieux. Comme le public élit les députés au Parlement et comme les députés sont en définitive responsables devant le peuple, il n’est que juste que l’État promulgue une loi qui protège le droit des électeurs de lire et d’entendre une version authentique des actes et des déclarations de leurs représentants au Parlement, faute de quoi l’électeur n’aurait aucun point de référence pour pouvoir apprécier les performances du député qu’il a élu. Ce droit est important, spécialement en cas de réélection. Il existe par conséquent une corrélation directe entre les privilèges parlementaires et le droit de vote du citoyen. En outre, dans l’affaire Ministre de la justice contre Nadesan , la Cour suprême a considéré que la Loi relative aux pouvoirs et aux privilèges du Parlement ne peut être invoquée en aucune façon pour étouffer une critique objective de la conduite des députés et des débats parlementaires.

Abrogation des dispositions du Code pénal relatives à la diffamation criminelle

360. Conformément à l’engagement qu’il a pris dans son programme électoral, le gouvernement a fait savoir qu’il déposerait devant le Parlement un amendement du Code pénal abrogeant son Titre 9, qui contient les dispositions relatives à la diffamation criminelle. Toutefois, le gouvernement a également déclaré devant les organes représentatifs de la presse qu’il ne le ferait qu’après avoir sollicité leurs vues au sujet du projet de loi. En abolissant ces dispositions, qui sont essentiellement une relique du colonialisme, Sri Lanka s’associerait au consensus international croissant, qui paraît être que de telles dispositions sont inutiles et répressives.

Projet de loi sur la liberté de l’information

361. Le gouvernement, résolu à promouvoir une culture de transparence et d’obligation redditionnelle au sein des organismes publics, a accepté la proposition des rédacteurs en chef de la presse de préparer un projet de loi sur la liberté de l’information. A cette fin, le Premier Ministre a désigné un comité composé de M. K.N. Chosky, M. Imtiaz Bakeer-Markar et M. Bradman Weerakoon, pour étudier le projet soumis par l’Association des rédacteurs en chef.

362. Ce projet de loi a pour but de codifier le droit à l’information dégagé par la Cour suprême en tant que droit accessoire à la liberté d’expression garanti par la Constitution. En minimisant les restrictions administratives et les procédures bureaucratiques touchant l’accès du public aux informations détenues par le gouvernement, ce projet mettrait le public mieux à même de participer efficacement au processus de prise de décisions tout en renforçant l’obligation redditionnelle des agents publics. En outre, il renforcerait la protection que la loi accorde aux sources d’information des journalistes. La portée des restrictions imposées au droit à la liberté de l’information conformément à ce projet serait rigoureusement limitée, même en période d’urgence, à celle que justifient les exigences de la situation et qui sont raisonnablement justifiables dans une société ouverte et démocratique fondée sur la dignité humaine, l’égalité et la liberté.

Création d’une école de journalisme

363. La création d’une école de journalisme mettant l’accent sur la formation professionnelle plutôt sur la formation théorique est depuis longtemps jugée nécessaire. Conscient de ce besoin, le gouvernement a entrepris de mettre en place l’infrastructure nécessaire pour créer un tel établissement. L’école proposée serait dirigée par un conseil autonome représentant uniquement les professions du journalisme, sans aucun contrôle du gouvernement.

Création d’une commission des plaintes contre la presse

364. Le gouvernement a entériné la proposition de l’Association des rédacteurs en chef et de la Société sri lankaise de la presse écrite, organisation qui représente les intérêts des éditeurs privés de journaux, tendant à supprimer le Conseil de la presse et à le remplacer par une Commission volontaire des plaintes contre la presse, inspirée de l’institution britannique du même intitulé. Cette institution serait un mécanisme d’autoréglementation géré et financé par les différentes organisations et associations professionnelles du secteur de la presse écrite. Elle aurait principalement pour but de veiller à ce que les médias sri lankais soient libres et responsables, c’est-à-dire soient sensibles aux besoins et à l’attente des lecteurs tout en respectant les normes les plus élevées de la profession. Les méthodes de règlement des conflits utilisées par cette institution seraient l’arbitrage et la médiation. La Commission serait constituée de personnes désignées par les organisations représentant les intérêts des directeurs et rédacteurs en chef de journaux et des journalistes. A la différence du Conseil de la presse, dont les membres étaient désignés exclusivement par le Président, l’avantage de ce mécanisme d’auto-réglementation est qu’il est peu probable qu’il puisse être accusé d’un parti-pris favorable au gouvernement dans l’exercice de ses fonctions. Un code de conduite volontaire signé par les directeurs et rédacteurs en chef de journaux serait le point de référence utilisé par cette institution pour régler les différends. Le rôle du gouvernement se bornerait à fournir l’infrastructure et les capitaux de démarrage nécessaires pour la création de la Commission.

Article 20 - Interdiction de la propagande en faveur de la guerre

365. Les Principes directeurs de la politique et des obligations fondamentales de l’État en vertu de la Constitution stipulent que chacun a le devoir de défendre la Constitution et la loi, de servir l’intérêt national et de favoriser l’unité nationale (article 28).

366. En vertu du Code pénal de Sri Lanka, de la Loi sur la prévention du terrorisme (Dispositions provisoires) et des Règlements d’exception (Dispositions diverses et pouvoirs), tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est un délit. De même, l’article 26 des Règlements d’exception réprime le fait de susciter ou de promouvoir des sentiments de haine ou d’hostilité entre différents milieux, classes ou groupes de citoyens.

Article 21 - Liberté de réunion

367. Le droit à la liberté de réunion pacifique est garanti par le paragraphe 1 b) de l’article 14 de la Constitution de Sri Lanka, aux termes duquel toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique. Il stipule en outre que des restrictions peuvent être apportées à ce droit, conformément à la loi, dans l’intérêt de l’harmonie raciale et religieuse (paragraphe 3 de l’article 15) et de la sécurité nationale, de l’ordre public, etc. (paragraphe 7 de l’article 15).

368. Le droit de réunion pacifique est librement et fréquemment utilisé non seulement par les travailleurs mais aussi le public à l’occasion de grèves, de rassemblements, de manifestations ou de protestations, de réunions politiques ou religieuses, etc.

Article 22 - Liberté d’association et droit de constituer des syndicats et d’y adhérer

369. La première législation du travail remonte à 1865 et tendait à garantir par la loi la protection des personnes ayant conclu des contrats de louage de services. Par la suite, de nombreuses lois ont été promulguées pour étendre cette protection aux travailleurs en général, y compris les femmes et les enfants. Le droit du travail en vigueur s’applique avec la même force partout dans le pays, aucune exception n’étant faite pour les zones franches ou les zones de traitement des exportations.

370. C’est pendant les années 1890 qu’a commencé à apparaître à Sri Lanka un mouvement ouvrier et la première action collective date de 1893. Avec le temps, il s’est formé dans le pays une solide tradition de syndicalisme qui est indissociablement liée au rôle important qu’ont joué les syndicats dans le mouvement pour l’indépendance de Sri Lanka.

371. Au début du XXe siècle, la Ceylon Workers’ Welfare League et le Ceylon National Congress ont adopté des résolutions exigeant, entre autres, le droit d’association des travailleurs, la fixation et la réglementation du salaire minimum et des horaires de travail, l’abolition du travail des enfants et la garantie de conditions de travail et de vie satisfaisantes pour les travailleurs. Certains des premiers syndicats ont été constitués entre 1923 et 1928, et c’est cette dernière année qu’a été fondé l’All Ceylon Trade Union Congress. A partir de 1923 à peu près, les partis socialistes de gauche sont apparus sur la scène politique et ont fait leur la cause des droits des travailleurs.

372. Ce mouvement a débouché sur la promulgation de plusieurs lois importantes, dont l’Ordonnance de 1935 relative aux syndicats, qui a reconnu le droit des travailleurs de s’associer et de fonder un syndicat de leur choix. Ce texte a été suivi de plusieurs lois comme l’Ordonnance de 1935 relative à l’indemnisation des ouvriers ayant eu un accident du travail, l’Ordonnance de 1937 relative à l’emploi des femmes dans les mines, la Loi de 1956 relative à l’emploi des femmes et des jeunes, l’Ordonnance de 1939 relative aux indemnités de maternité, qui a fait aux employeurs l’obligation de verser des indemnités en espèces et de donner des congés aux travailleuses à l’occasion de l’accouchement et de veiller à la santé et à la sécurité de la mère et de l’enfant avant et après l’accouchement, l’Ordonnance de 1941 portant création d’un Conseil des salaires qui réglemente les conditions d’emploi et fixe le salaire minimum, la Loi de 1954 réglementant l’emploi et la rémunération des employés de magasins et de bureaux ou l’Ordonnance de 1942 sur la protection de la sécurité et de la santé des ouvriers d’usines.

373. La Loi de 1950 sur les différends industriels a représenté un jalon dans la promotion des relations du travail et la paix industrielle dans le pays. Cette loi réglemente la prévention, l’analyse et le règlement des différends industriels et a pour but d’encourager les négociations collectives afin d’entretenir de meilleurs rapports entre travailleurs et employeurs. L’efficacité de cette loi a été renforcée par un amendement de 1999 visant à protéger les travailleurs contre des représailles de la part de leurs employeurs en raison de leurs activités syndicales. Sri Lanka est également partie à deux Conventions fondamentales de l’OIT, à savoir la Convention No 98 de 1949 concernant l’application du droit d’organisation et de négociation collective et la Convention No 87 de 1948 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical. Sri Lanka a ratifié ces deux instruments les 13 décembre 1972 et 15 novembre 1995 respectivement.

374. La première Constitution républicaine de Sri Lanka (1972) comportait un Titre consacré aux libertés et aux droits fondamentaux qui permettait aux syndicats de fonctionner efficacement. Aux termes du paragraphe 1 f) et g) de l’article 18 de la Constitution de 1972, tous les citoyens ont le droit de réunion pacifique et d’association et tout citoyen à le droit à la liberté de parole et d’expression, y compris de publication.

375. La liberté d’association et le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer sont des droits fondamentaux consacrés par la deuxième Constitution républicaine de 1978. Le paragraphe 1 c) et d) de l’article 14 garantit la liberté d’association et le droit constituer des syndicats et d’y adhérer à tout citoyen de Sri Lanka. Aux termes de l’article15, toutefois, la liberté d’association peut être limitée par la loi dans l’intérêt de l’harmonie raciale et religieuse ou de la sécurité nationale.

376. Les tribunaux sri lankais n’ont pas hésité à affirmer le droit à la liberté d’association visé dans la Constitution. Dans l’affaire K.A.D.A. Goonaratne contre Peoples’ Bank , présentée en application de la Constitution de 1972, la Cour suprême a considéré que l’injonction d’un employeur tendant à ce qu’un travailleur cesse d’appartenir à un syndicat spécifique avant de pouvoir être promu et s’abstienne de se syndiquer aussi longtemps qu’il occuperait un poste d’un rang déterminé violait le droit fondamental de la liberté d’association garanti par la Constitution. La Cour suprême a formulé les informations ci-après à propos du droit de s’affilier à un syndicat :

«Le droit de tous les employés (hormis quelques catégories déterminées) de constituer volontairement des syndicats fait partie intégrante du droit en vigueur. Il est reconnu aussi bien par la Constitution que par la loi. Aucun employeur ne peut porter atteinte à ce droit en imposant une condition contraire dans un contrat de travail. Il va de soi, cependant, que lorsque l’État considère qu’une restriction de ce droit est nécessaire et justifiée, il est autorisé à le faire par le paragraphe 2 de l’article18 de la Constitution de 1972. Une telle restriction ne peut être imposée que par la loi et que pour les motifs visés dans ladite disposition, à l’exclusion de toute autre.»

377. La Cour suprême, interprétant les dispositions qui garantissent la liberté d’association conformément à la Constitution en vigueur, les a qualifiées de «moyen indispensable de sauvegarder les libertés en question à d’innombrables fins politiques, sociales, économiques, éducatives, religieuses et culturelles». De plus, dans l’affaire Bandara contre Premachandra , le Juge M.D.H. Fernando a déclaré : «… Le paragraphe 1 c) de l’article 14 est généralement applicable à toutes les formes d’association, y compris les syndicats, et pas seulement à l’acte initial de constitution d’une association ou d’affiliation à celle-ci, mais aussi à l’appartenance continue à cette association et à la participation à ses activités licites».

378. L’Ordonnance No 14 de 1935 sur les syndicats, telle qu’elle a été modifiée, définit un syndicat comme toute association ou combinaison temporaire ou permanente de travailleurs ou d’employeurs ayant notamment pour objet :

- De réglementer les relations entre travailleurs et employeurs ou entre travailleurs et entre travailleurs ou entre employeurs;

- D’imposer des conditions restreignant l’exercice de métiers ou la conduite de toute affaire;

- De représenter les travailleurs ou les employeurs à l’occasion de différends du travail;

- De promouvoir, d’organiser ou de financer des grèves ou lockouts dans tout métier ou secteur ou de verser une rémunération et d’autres prestations à ses membres en cas de grève ou de lockout. Cette expression comprend également toute fédération de deux ou plusieurs syndicats.

379. L’Ordonnance définit un travailleur en termes très larges comme étant une personne qui a conclu un contrat ou travaille sous contrat pour un employeur, à quelque titre que ce soit et que le contrat soit exprès ou implicite, oral ou écrit et qu’il s’agisse d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage ou d’un contrat prévoyant l’exécution personnelle de toute tâche ou de tout travail. Cette expression comprend toute personne habituellement employée en vertu d’un tel contrat, qu’elle soit ou non effectivement employée au moment considéré. En outre, l’Ordonnance contient des dispositions tendant à permettre aux syndicats de fonctionner librement dans la recherche de leurs objectifs.

380. Cependant, l’Ordonnance exclut la possibilité de constituer des syndicats par les officiers de justice, les membres des forces armées et de la police, les membres du personnel pénitentiaire et les membres du Corps agricole établi en application de l’Ordonnance portant création de ce corps.

381. Comme indiqué ci-dessus, le droit du travail s’applique généralement à l’ensemble de l’île, et par conséquent aussi aux zones de traitement des exportations, et il n’existe aucune disposition interdisant aux travailleurs de ces zones de s’affilier à un syndicat. Toutefois, le taux de syndicalisation est très faible. Cela n’est pas dû au fait que les travailleurs sont empêchés de s’affilier à des syndicats mais plutôt à d’autres facteurs comme la prédominance des employés de sexe féminin (environ 80 %) dans ces zones et à leur répugnance à se syndiquer, et la capacité des syndicats de s’implanter dans de telles zones. Cependant, il existe des cas dans lesquels certains des travailleurs des zones de traitement des exportations se sont affiliés à des syndicats et à d’autres organisations de travailleurs opérant à l’extérieur de ces zones.

382. Dans les zones de traitement des exportations, les Conseils d’employés jouent le rôle de syndicats. Il en existe actuellement environ 125. Chacun d’eux se compose de cinq à 15 travailleurs élus. Les élections aux Conseils d’employés sont organisées par le Conseil des investissements et par le Ministère du travail. Le Conseil des investissements supervise les activités des conseils, qui ont principalement pour tâche de redresser les griefs et de promouvoir le bien-être des travailleurs. Lorsqu’il s’agit d’un différend qui est à régler par l’employeur, les représentants du Conseil des investissements s’efforcent de faciliter un règlement à l’amiable. L’actuel processus de concertation entre les travailleurs, les employeurs et le Conseil des investissements s’est avéré extrêmement efficace. S’il n’est pas possible de parvenir à un règlement à l’amiable, le litige est soumis pour décision au Ministère du travail. Un différend peut également être soumis directement à ce dernier, en pareil cas celui-ci s’efforce de régler le litige par la voie de la conciliation. Les travailleurs peuvent également saisir les tribunaux de travail en cas de licenciement.

Article 23 - Égalité au sein de la famille

383. Le paragraphe 12 de l’article 27 de la Constitution dispose que l’État a le devoir fondamental de protéger la famille en tant qu’élément de base de la société.

384. Il n’existe aucune discrimination entre hommes et femmes en ce qui concerne les aspects comme le droit de contracter des emprunts et le droit de participer à toutes activités culturelles et sportives. Les deux conjoints ont des droits égaux en matière d’allocations familiales et de pensions. Dans des conditions spécifiées, il peut être versé des indemnités d’un fonds de prévoyance qui sont également applicables aux hommes et aux femmes, sauf dans un cas particulier, à savoir une femme qui cesse d’être employée par suite de son mariage peut prétendre à de telles prestations du Fonds. [Voir le paragraphe 1 de l’article 3 de la Loi No 15 de 1958 sur le Fonds de prévoyance des employés]. Des bons d’alimentation sont également distribués aux personnes qui remplissent les conditions requises, quel que soit leur sexe. Les hommes et les femmes ont les mêmes droits de contracter des emprunts à la banque et de recevoir d’autres formes d’assistance financière.

385. Toutefois, comme Sri Lanka est une société multiraciale et multireligieuse, le statut de certaines femmes continue d’être régi non pas par le droit commun mais par leur propre droit coutumier ou religieux, qui déterminent leurs droits et obligations en matière de relations familiales et en matière patrimoniale.

Questions civiles

386. Sous l’empire du droit néerlandais de tradition romaniste, les femmes souffraient d’incapacités en matière civile, mais celles-ci ont été éliminées par les réformes du droit introduites par les Britanniques au XXe siècle.

387. En Common Law , une femme célibataire est considérée comme une femme seule et ne souffre d’aucune restriction de quelque nature que ce soit en ce qui concerne les droits en matière de contrats, de transactions commerciales et d’administration patrimoniale. Les femmes célibataires, dans tous les systèmes de droit, ont des droits semblables. Tous les systèmes de droit reconnaissent également le droit d’une femme adulte célibataire de jouir intégralement de ses gains.

388. Dans le cas des femmes mariées, les principes généraux du droit reflétés dans l’Ordonnance de 1923 sur les droits patrimoniaux des femmes mariées, le droit kandyan et le droit musulman, les femmes mariées jouissent d’une liberté totale en ce qui concerne les contrats, les transactions commerciales, les biens et les gains. Depuis une date assez récente, les revenus de l’épouse sont calculés séparément aux fins de l’impôt. En ce qui concerne les femmes mariées soumises au régime des thesawalamai, et encore l’Ordonnance de Jaffna de 1911 sur les droits matrimoniaux et les successions accorde à une femme mariée pleins pouvoirs de disposition de ses biens mobiliers et de ses gains, aucune aliénation des biens immobiliers n’est possible sans le consentement du mari. Toutefois, dans le cas de refus injustifié du mari ou dans des circonstances exceptionnelles, cette aliénation peut être autorisée par le juge.

389. Le droit civil contient également des dispositions de protection stipulant qu’une femme ne peut pas être emprisonnée pour l’inexécution d’une condamnation au civil.

390. Aux termes du droit commun concernant les droits matrimoniaux et les successions, le conjoint survivant a des droits égaux d’hériter des biens du conjoint décédé intestat. Il existe néanmoins d’importantes différences pour ce qui est des successions sans testament entre le droit commun, d’une part, et le régime thesawalamai et le droit kandyan, de l’autre. Le droit musulman, en revanche privilégie les hommes.

391. Alors que jadis l’âge de la capacité testamentaire était à 18 ans pour les femmes et de 21 ans pour les hommes, les unes comme les autres peuvent aujourd’hui aux termes de la Loi No 5 de 1993 portant modification du régime testamentaire, tester à partir de l’âge de 18 ans (la Loi No 17 de 1989 ramenait l’âge de la majorité de 21 ans à 18 ans). Comme indiqué ci-dessus, les femmes soumises au régime thesawalamai, cependant, ne peuvent aliéner leurs biens immeubles qu’avec le consentement du mari.

Mariage

392. Conformément au droit commun, l’âge minimum du mariage était de 12 ans pour les filles et de 16 ans pour les garçons, mais l’Ordonnance de 1995 relative à l’amendement du régime d’enregistrement des mariages a éliminé cette différence, et l’âge minimum du mariage a été porté à 18 ans pour les deux sexes. En droit kandyan, l’âge minimum du mariage a également été porté à 18 ans par la Loi de 1995 portant modification du droit kandyan relatif au mariage et au divorce. Le droit commun s’applique aux Tamouls en matière de mariage mais, pour toutes les questions patrimoniales, c’est le régime thesawalamai qui s’applique. Le droit musulman ne prévoit pas d’âge minimum du mariage mais confère simplement à un Quazi le droit d’exercer un certain contrôle sur les mariages à célébrer lorsque la mariée a moins de 12 ans. En droit musulman, toute modification de l’âge du mariage doit répondre à une initiative de la communauté musulmane elle-même.

393. La décision de porter l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les hommes comme pour les femmes, eu égard à la législation à laquelle ils peuvent être sujets (sauf le droit musulman), a été motivée par l’intérêt de la nation pour des raisons de santé et d’eugénisme, afin de réduire les taux de mortalité maternelle et de natalité, conformément à l’actuelle politique démographique de l’État. Sri Lanka est également signataire de la Convention des Nations Unies sur le consentement au mariage et l’âge minimum du mariage.

394. Du fait du relèvement de l’âge du mariage et d’autres facteurs socio-économiques, les femmes se marient de plus en tard. Les mariages d’enfants, même chez les Musulmans, sont très rares.

395. Quel que soit le droit applicable, le consentement exprès de la femme à un contrat de mariage est une condition préalablement nécessaire de validité, bien qu’en droit musulman, ce consentement soit communiqué par le père ou le tuteur de la mariée. Dans un mariage musulman, le consentement de la mariée n’est pas consigné dans le formulaire d’enregistrement. Différentes commissions, y compris la Commission de recherche sur le droit musulman, ont recommandé qu’il soit promulgué disposition à cet effet. Les femmes musulmanes étant de plus instruites, les conditions sociales qui motivaient l’exclusion de la signature de la mariée n’existent plus au sein de la communauté musulmane.

396. Toutes les personnes qui remplissent les conditions légales requises pour conclure un contrat de mariage peuvent se marier comme elles l’entendent. Dans les secteurs les plus conservateurs de la société, les mariages organisés sont fréquents aussi mais sont subordonnés au consentement de la mariée. Les annonces matrimoniales parues dans les journaux locaux montrent que les mariages sont organisés par les parents et les anciens non seulement pour les femmes mais aussi pour les hommes. Environ 30 % des annonces recherchent un conjoint pour des hommes.

Relations familiales

397. Pendant l’existence du mariage, le concept de l’homme en tant que chef de famille prévaut encore aujourd’hui. La législation applicable aux enfants et aux adolescents ainsi qu’au mariage de droit commun et au mariage kandyan stipule qu’aussi longtemps que subsiste le mariage, le père est privilégié comme détenteur naturel de la puissance parentale. Le droit musulman confère également au père des droits significatifs sur les enfants mineurs.

398. Bien que le droit préférentiel du père ait traditionnellement été reconnu en matière de garde des enfants lors du divorce des parents, la tendance récente de la jurisprudence a été de mettre l’accent sur les «intérêts supérieurs de l’enfant», principe qui s’applique même aux différends relatifs à la garde des enfants en vertu du droit musulman.

399. La question des droits patrimoniaux des femmes mariées et de leur capacité juridique a déjà été évoquée.

400. En ce qui concerne la dissolution du mariage, les motifs du divorce, en droit commun, sont les mêmes pour les hommes et pour les femmes : adultère après le mariage, abandon délibéré et impuissance incurable lors du mariage. La séparation de corps peut être convertie en divorce à l’expiration d’un délai de deux ans.

401. Les différentes législations relatives au régime personnel prévoient des motifs de divorce plus larges que le droit commun. En droit kandyan, les motifs de divorce sont l’adultère de la femme après le mariage, l’adultère du mari accompagné d’inceste ou de cruauté manifeste, l’abandon du foyer du foyer conjugal par l’un ou l’autre conjoint pendant deux ans, l’incapacité de vivre ensemble et le consentement mutuel.

402. En droit musulman, le divorce peut être prononcé par consentement mutuel des deux parties. Faute de consentement mutuel, la femme peut demander le divorce pour mauvais traitements ou cruauté de la part du mari pour tout acte ou omission représentant une faute lourde. Aucun motif spécifique n’est prévu pour le mari qui souhaite divorcer. Si un mari souhaite divorcer, il doit notifier son intention au Quazi de l’endroit où réside sa femme. Si le Quazi ne peut pas produire une réconciliation dans un délai de 30 jours, le mari peut obtenir le divorce en suivant la procédure prescrite dans la deuxième annexe de la Loi No 13 de 1951 sur le mariage et le divorce musulman, telle que modifiée.

403. La loi portant modification des dispositions relatives à l’administration de la justice réglemente l’obligation alimentaire dans les actions matrimoniales introduites par l’un ou l’autre conjoint, et la situation n’a pas été modifiée par les dispositions actuellement en vigueur du Code de procédure civile. Le concept d’obligation alimentaire, qui s’appliquait précédemment à l’homme seulement, s’étend aujourd’hui aussi à la femme. La législation en vigueur en matière d’obligation alimentaire est actuellement en cours de révision, l’intention étant de publier une loi séparée à ce sujet.

404. Bien que les lois cinghalaises traditionnelles aient reconnu aussi bien la polygamie que la polyandrie, les Britanniques les ont interdites au XIXe siècle. Aujourd’hui, la bigamie est une infraction pénale, sauf dans le cas des Musulmans, qui en fait ne la pratiquent que très rarement à Sri Lanka. En outre, la Loi de 1954 contient des dispositions selon lesquelles l’homme qui souhaite contracter un deuxième mariage doit le notifier à sa première femme. Il ressort des statistiques que 1,5 % seulement des mariages musulmans enregistrés sont polygames. Dans les rares cas où des non-musulmans se sont convertis à l’Islam simplement pour pouvoir contracter un mariage polygame, il a été proposé d’annuler tout mariage ultérieur conclu avant que le mariage précédent ait été juridiquement dissout.

405. L’Ordonnance relative à l’obligation alimentaire stipule expressément qu’en cas de dissolution du mariage, c’est le père qui doit subvenir aux besoins de l’enfant.

406. En droit commun, le père a l’obligation égale de subvenir aux besoins de ses enfants naturels et, bien qu’en droit islamique traditionnel, cela ne soit pas le cas, cette obligation a été imposée par la loi aux Musulmans à Sri Lanka. Cette obligation découle de l’Ordonnance relative à l’obligation alimentaire.

Représentation des mineurs

407. Selon le Code de procédure civil actuellement en vigueur, les hommes et les femmes ont les mêmes droits, en tant que parents les plus proches, d’introduire des actions en justice au nom des mineurs. Cependant, les femmes mariées ne pouvaient être désignées tuteur pour des défendeurs mineurs. Cette interdiction a été éliminée en 1975 par la Loi portant modification des dispositions relatives à l’administration de la justice, qui a abrogé le Code alors en vigueur. Toutefois, le Code de procédure civile précédent ayant été intégralement rétabli en 1977, cette interdiction est elle aussi réapparue systématiquement, bien que pas de manière délibérée. Une proposition de modification du Code de procédure civile tendant à rectifier cette anomalie a été approuvée par le Cabinet et est sur le point d’être déposée devant le Parlement.

408. En ce qui concerne la représentation en justice d’une personne considérée comme handicapée mentale, les dispositions applicables sont identiques au régime appliqué au mineur.

Adoption

409. Conformément à l’Ordonnance de 1941 sur l’adoption, quiconque peut présenter une requête à un tribunal pour adopter un enfant. Cependant, l’adoption ne peut pas être accordée lorsque le demandeur unique est un homme et que l’enfant dont l’adoption est demandée est du sexe féminin, à moins que le tribunal considère qu’il existe des circonstances spéciales justifiant l’adoption.

Citoyenneté

410. Le droit sri lankais ne reconnaît pas le concept de jus soli et la citoyenneté est conférée par filiation. Dans le cas des enfants légitimes, la citoyenneté est accordée aux enfants issus d’hommes nés à Sri Lanka. Par conséquent, une Sri Lankaise qui épouse un étranger ne peut obtenir la citoyenneté sri lankaise par filiation pour son enfant . Dans le cas d’enfants naturels, toutefois, la citoyenneté est accordée par filiation exclusivement sur la base de la nationalité de la mère.

Violence contre les femmes

411. La Charte de la femme met en relief l’engagement de l’État de garantir le «droit d’être à l’abri de la violence motivée par des considérations de sexe». La Charte affirme que l’État doit prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir le phénomène de la violence contre les femmes, les enfants et les adolescents au sein de la société, sur les lieux de travail, au sein de la famille ainsi que dans les lieux de détention, et en particulier pour garantir le droit d’être à l’abri de viols, d’incestes, de harcèlements sexuels et de sévices physiques et mentaux, de la torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants.

412. La législation applicable assure une protection aux femmes victimes de violences. Le gouvernement a tenu dûment compte de ce problème en modifiant la Loi relative aux infractions sexuelles en 1995, date depuis laquelle le Code pénal a redéfini les violences sexuelles et réprime les harcèlements sexuels et le trafic d’êtres humains. La définition du viol a été renforcée de manière à englober le viol conjugal lorsque les conjoints sont séparés de corps, le viol dans un établissement pénitentiaire, le viol d’une femme enceinte, le viol d’une jeune femme de moins de 18 ans, le viol d’une femme mentalement ou physiquement handicapée et le viol collectif. Les sanctions dont sont passibles le viol, l’inceste, le proxénétisme, les sévices sexuels graves et les blessures intentionnelles ont été alourdies et il a été introduit des peines minimums obligatoires, tandis que le châtiment du fouet pour la partie coupable a été éliminé, conformément aux normes internationales acceptées par le gouvernement. La violence au foyer, en tant que telle, n’est pas identifiée comme une infraction répréhensible mais, conformément aux nouveaux amendements apportés à la loi, son auteur peut faire l’objet de poursuites du chef de coups et blessures conformément au Code pénal. Le gouvernement a entrepris un processus de concertation pour élaborer une loi expressément consacrée à la question de la violence au foyer. L’un des principaux objectifs de ce projet de loi serait de permettre à toute victime d’actes de violence au foyer d’obtenir une ordonnance de protection, recours plus complet que les injonctions existantes.

Article 24 - Droits de l’enfant

413. Le paragraphe 13 de l’article 27 de la Constitution de Sri Lanka exige que l’État défende tout particulièrement les intérêts des enfants et des jeunes afin d’assurer leur plein épanouissement et de les protéger contre toute exploitation ou discrimination.

414. Le Comité de surveillance de l’application de la Charte des enfants (Comité de l’enfant) a étudié les conclusions formulées par le Comité des droits de l’enfant et des mesures sont actuellement adoptées à propos des questions soulevées. Le Comité de l’enfant se réunit une fois par mois pour passer en revue les progrès accomplis. La priorité accordée à la protection des enfants et des jeunes est reflétée dans les allocations budgétaires, et les crédits prévus pour la mise en œuvre du plan d’action en faveur de l’enfance du Ministère de la santé et des services sociaux ont été maintenus inchangés alors que ceux de la plupart des ministères et départements ont été réduits.

Certificats de naissance

415. Conformément aux lois relatives à l’enregistrement des naissances, la naissance de tout enfant doit être enregistrée. Tout enfant né à Sri Lanka a la citoyenneté sri lankaise si son père était lui-même citoyen au moment de la naissance. Dans le cas des enfants naturels, la citoyenneté est transmise par la mère.

Soins de santé

416. Le gouvernement accorde une très grande importance aux soins de santé et à la nutrition. Il est résolu à réduire la malnutrition chez les enfants et a adopté des mesures à cette fin. Ainsi, un Comité directeur national pour la nutrition a été mis sur pied pour surveiller et coordonner les programmes d’amélioration de la nutrition. Les Services de santé de l’État ont également entrepris les programmes ci-après pour améliorer l’état de santé des enfants : vaccination universelle des enfants, lutte contre les maladies diarrhéiques, lutte contre les infections respiratoires aiguës, suivi et promotion de la croissance, initiative «hôpitaux amis des nouveau-nés», développement psychosocial, santé scolaire, planification de la famille et suivi de la mise en œuvre du Code commercialisation des substituts du lait maternel. Le récent programme de vaccination contre la poliomyélite a été mené à bien dans toute l’île, y compris les zones affectées par le conflit. Il n’y a apparemment pas eu de cas confirmé de poliomyélite à Sri Lanka depuis 1994. De plus, le taux de mortalité infantile (16 p. 1000 naissances vivantes) et le taux de mortalité maternelle (30 p. 100 000 naissances) ne cessent de diminuer. Par ailleurs, des bons d’alimentation sont distribués par l’État aux familles pauvres pour compléter leur régime nutritionnel, particulièrement pour les enfants. La valeur totale des bons d’alimentation distribués en 1996 a représenté 420 millions de roupies.

Éducation

417. Les principales causes des abandons scolaires et de la non-fréquentation de l’école sont les difficultés économiques des familles. Du fait de la pauvreté, les enfants sont obligés de participer aux tâches ménagères ou à des activités génératrices de revenu, ce qui les empêche de fréquenter l’école. Les enfants sont généralement appelés à travailler en période de pointe, par exemple pendant la saison des semis et celle de la récolte, particulièrement en milieu rural. Pour faciliter la fréquentation scolaire dans l’ensemble de l’île, le gouvernement distribue gratuitement des manuels, des uniformes scolaires, des repas de midi et des transports subventionnés pour les élèves des écoles. Pour aider ceux qui ne poursuivent pas leurs études formelles du fait de difficultés économiques, les centres d’alphabétisation relevant du Ministère de l’éducation dispensent des programmes d’éducation non formelle, d’alphabétisation de base et de formation professionnelle. Une éducation spéciale est dispensée aux enfants handicapés dans le cadre d’un programme spécial dirigé par des enseignants spécialement formés.

418. Bien que l’Ordonnance de 1939 sur l’éducation ait prévu la promulgation de dispositions instituant la scolarité obligatoire pour les enfants de groupes d’âge déterminés, les dispositions en question n’ont jamais été appliquées. Le gouvernement a néanmoins promulgué des arrêtés et des lois pour garantir la scolarité obligatoire des enfants de 5 à 14 ans. L’on espère que ces mesures élimineront les abandons scolaires précoces et réduiront l’incidence du travail des enfants.

419. Le Ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur, conjointement avec l’Institut national d’éducation, a entrepris de réviser la politique de l’éducation et les programmes d’étude et recherche de nouveaux moyens de rendre l’éducation plus utile pour les élèves et les étudiants. Des efforts ont été entrepris dans de multiples domaines pour améliorer la qualité de l’éducation et de l’enseignement dans l’ensemble du pays. Dans ce contexte, le gouvernement a également accordé la priorité à l’affectation d’enseignants dans les régions reculées. Une éducation concernant le règlement des conflits et les droits de l’homme a déjà été intégrée aux programmes scolaires aux niveaux primaire et secondaire. Des programmes d’éducation concernant le Sida et les maladies sexuellement transmissibles sont également réalisés au niveau secondaire.

420. En outre, pour faire participer les enseignants à la lutte contre les mauvais traitements dont les enfants sont victimes, il a été décidé d’incorporer la défense des droits de l’enfant aux programmes d’étude des écoles normales.

Adoption

421. Conformément à l’Ordonnance de 1941 relative à l’adoption des enfants, un enfant ne peut être adopté que si cela est dans son intérêt. Ce principe général s’applique indépendamment des dispositions de toute loi écrite ou autre concernant l’adoption des enfants par les personnes sujettes au droit thesawalamai ou au droit kandyan. Cela est conforme au principe fondamental consacré aux articles 3 et 21 de la Convention relative aux droits de l’enfant et aux articles 3 et 22 de la Charte de l’enfant. Cette ordonnance stipule en outre qu’il faut tenir compte des souhaits de l’enfant, eu égard à son âge et à son degré de maturité. Les principes du droit thesawalamai touchant les relations entre parents et enfants ont, pour l’essentiel, été remplacés par ceux qui sont énoncés dans la Convention relative aux droits de l’enfant. Le droit musulman exige la consanguinité pour pouvoir bénéficier d’une succession ab intestat. L’Ordonnance relative à l’adoption, étant une loi de caractère général, n’a pas pour effet d’abroger les dispositions spéciales énoncées dans l’Ordonnance relative à la succession musulmane ab intestat, qui stipule que la succession de tout Musulman décédé domicilié à Sri Lanka est régie par le droit musulman applicable à la secte à laquelle appartenait le de cujus . L’applicabilité de cette règle du droit musulman a été confirmée par la Cour suprême dans l’arrêt rendu dans l’affaire Ghouse contre Ghouse (1988 ISLR 25), dans laquelle la Cour suprême a considéré que les Musulmans qui auraient adopté un enfant conformément à l’Ordonnance sur l’adoption pouvaient néanmoins invoquer les principes islamiques de succession et refuser à l’enfant adopté le droit d’hériter des biens de ses parents adoptifs si ceux-ci étaient décédés sans faire de testament. Il apparaît par conséquent qu’en droit musulman, il est fait une distinction entre l’enfant biologique et l’enfant adopté.

422. L’adoption au plan international est régie par l’Ordonnance sur l’adoption, telle que modifiée en 1992. Ver la fin des années 80, la demande croissante d’adoptions d’enfants par des parents de pays développés a entraîné de graves abus. Ainsi, des intermédiaires se chargeaient, à titre d’activité commerciale, de trouver des nouveau-nés et des enfants en bas âge pouvant être adoptés par des parents étrangers. Le gouvernement n’a pas tardé à réagir pour mettre fin à ces abus en modifiant l’Ordonnance sur l’adoption en 1992. Les dispositions de cet amendement sont résumées ci-après :

- Les enfants pouvant être adoptés par des parents étrangers doivent être sélectionnés par le Directeur de la Commission des services en faveur de l’enfance uniquement parmi les enfants accueillis par des foyers d’État ou bénévoles enregistrés depuis au moins cinq ans auprès du Département des services en faveur de l’enfance.

- La priorité doit être accordée aux demandeurs locaux, et un enfant ne peut être adopté par une famille étrangère que s’il n’est demandé par aucune famille locale;

- Le nombre maximum d’ordonnances d’adoptions que peuvent rendre tous les tribunaux en faveur de demandeurs étrangers pendant une année civile quelconque est prescrit par arrêté et ce plafond ne doit pas être dépassé;

- Les femmes enceintes ou les enfants, qu’ils aient ou non leur mère, ne peuvent séjourner, en vue d’une adoption, que dans un foyer d’État ou un foyer bénévole;

- Le fait de donner ou de recevoir une somme d’argent ou une récompense en contrepartie de l’adoption d’un enfant constitue une infraction;

- Les sanctions dont sont passibles toutes violations de la loi ont été renforcées; et

- Les parents adoptifs doivent soumettre tous les trois mois des rapports sur la situation de l’enfant jusqu’à ce que l’adoption de celui-ci ait été confirmée dans leur pays d’origine et, par la suite, tous les six mois pendant deux ans, puis une fois par an jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de 10 ans.

423. Il y a lieu de noter que les mesures de sauvegarde spécifiées en détail dans cet amendement en ce qui concerne les adoptions à l’étranger ne s’appliquent pas de la même manière dans le cas des adoptions locales. Dans ce dernier cas, la loi stipule que le principe général applicable est que l’adoption doit être dans l’intérêt de l’enfant et que ses souhaits doivent être pris dûment en considération.

424. Le trafic d’êtres humains est réprimé par la Loi No 22 de 1995 portant modification du Code pénal, qui interdit une série d’actes qui comprennent entre autres, le recrutement de femmes ou de couples pour procréer un enfant, le fait de se livrer à des actes d’intimidation pour obtenir à des fins d’adoption des enfants d’hôpitaux, de foyers, etc., la falsification de tout extrait de naissance ou du registre de l’état civil, et le fait de se présenter faussement comme étant la mère de l’enfant ou de fournir une assistance à cette fin. Des sanctions rigoureuses, y compris des peines de prison minimums obligatoires, sont prescrites pour châtier de telles infractions.

Programmes d’adoption «à distance»

425. Le gouvernement a lancé le Programme Sevana Sarana d’adoption «à distance» dans le cadre duquel des bienfaiteurs locaux et étrangers s’engagent à fournir une assistance financière pour subvenir aux enfants de familles désavantagées. Les ONG et les Églises ont également appuyé de tels programmes en jouant un rôle d’intermédiaire. Le Département des services en faveur de l’enfance exécute un programme semblable, dans le cadre duquel les enfants nécessiteux de familles pauvres reçoivent une allocation mensuelle de 200 roupies. A l’heure actuelle, quelque 450 enfants seulement bénéficient de ce programme, mais le gouvernement a l’intention de l’élargir.

Travail des enfants

426. La Loi de 1956 sur l’emploi, des jeunes et des enfants contient des dispositions détaillées sur des questions comme le nombre d’heures de travail, l’âge minimum de l’emploi dans des métiers spécifiés, les conditions d’emploi, etc. Selon lesdites dispositions, les enfants de plus de 14 ans peuvent être employés mais seulement dans des conditions propres à garantir que les mesures de protection prévues par la loi ne soient pas violées. Les enfants de moins de 14 ans ne peuvent être employés que pour aider leurs parents ou leurs tuteurs, et uniquement à des travaux horticoles ou agricoles légers. Même en pareille circonstance, les enfants de moins de 14 ans ne peuvent pas être employés pendant les heures de classe normales.

427. En outre, une interdiction absolue s’applique à certaines tâches spécifiées. Les règlements concernant l’emploi des enfants conformément à la Loi sur le travail des femmes, des jeunes et des enfants et à l’Ordonnance indienne sur le salaire minimum ont été révisés par le Ministère du travail sur la base de recommandations formulées par le Comité de l’enfant afin d’interdire l’emploi des enfants pour quelque que raison que ce soit. La nouvelle réglementation habilite les tribunaux à ordonner à l’employeur de verser des dommages-intérêts aux victimes du travail des enfants.

428. Bien que la loi ait été modifiée, le travail des enfants demeure un problème significatif. Une proportion considérable de ceux qui sont employés hors du foyer travaillent comme domestiques. Cependant, l’on ne dispose pas d’estimations exactes qui sont ainsi employés, les employeurs répugnant à fournir des informations sur les enfants qui travaillent pour eux. Dans les circonstances actuelles, par conséquent, il est difficile de faire respecter la loi. En mars 1996, le Ministère du travail et de la formation professionnelle a autorisé le Département des services en faveur de l’enfance à enquêter au sujet du travail des enfants au moyen de l’inspection des ménages conformément au paragraphe 1 d) ii) de l’article 34 de la Loi sur le travail des femmes, des jeunes et des enfants. Pour que ces enfants puissent être retirés de la garde de leurs employeurs, les agents du Département doivent être accompagnés d’agents de police. Le Département a lancé un programme de sensibilisation pour informer les ménages des dispositions légales en vigueur en matière de travail des enfants et au coût humain du travail des enfants. A la suite de ces programmes, il a été reçu 104 plaintes en 1995. A Sri Lanka, les familles qui vivent dans une pauvreté extrême veulent souvent que leurs enfants travaillent comme domestiques, ce qui leur apporte différents avantages. Certains parents envoient leurs enfants travailler comme domestiques dans des ménages riches sur la base de relations complexes patron à client. Il est difficile de modifier par la loi des structures sociales aussi complexes qui favorisent le travail des enfants en pareille situation.

429. Un Séminaire national sur le travail des enfants financé par l’OIT a été organisé en coordination avec le Ministère du travail en septembre 1996. A cette occasion, il a été décidé de mettre en œuvre en 1997 plusieurs programmes d’action pour éliminer le travail des enfants, et ces programmes ont été lancés conjointement par le Ministère du travail et de la formation professionnelle et par l’OIT. Le Programme international de l’OIT pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) a mis sur pied en mars 1997 un Comité directeur national pour l’élimination du travail des enfants qui a rédigé un plan d’action national à cette fin .

Prostitution des enfants

430. L’incidence de la prostitution des enfants, qui s’est aggravée ces dernières années, suscite une grave préoccupation aussi bien pour le gouvernement que pour le public. Les victimes ont été principalement des garçons et, apparemment, il y a de plus en plus de pédophiles de pays occidentaux qui viennent à Sri Lanka pour abuser sexuellement des enfants.

431. Le Département des services en faveur de l’enfance, en collaboration avec le Ministère de l’éducation et le Conseil du tourisme, a diffusé des informations sur la prostitution des enfants et a mené des programmes de sensibilisation pour la combattre. Les ONG ont elles aussi joué un rôle positif dans la lutte menée contre ce problème.

432. Les amendements apportés au Code pénal en octobre 1995 ont eu pour effet de renforcer les sanctions dont sont passibles les infractions sexuelles commises sur des enfants. De nouvelles infractions ont été qualifiées, comme le trafic d’enfants et les sévices sexuels graves, les infractions existantes ont été redéfinies et les peines dont elles sont passibles alourdies. Les infractions sexuelles réprimées par le droit pénal sont l’utilisation d’enfants pour représentation dans des publications obscènes, la cruauté à l’égard des enfants, le proxénétisme, l’exploitation sexuelle des enfants, le trafic d’êtres humains, le viol, l’inceste, les infractions contre nature, les outrages aux mœurs et les sévices sexuels graves.

433. Le Département de la police a créé dans 31 postes de police des services spéciaux de même que des unités séparées afin de réprimer les délits commis à l’égard de femmes et d’enfants. Ces services spéciaux sont chargés de faire enquête sur les infractions dont sont victimes des enfants, par exemple mauvais traitements, exploitation sexuelle ou pornographie faisant intervenir des enfants. Le Département des services en faveur de l’enfance a réussi, grâce à ses programmes de sensibilisation, à mobiliser le concours du public. Aujourd’hui, de plus en plus de cas sont déclarés à la police par le public. Le Département de la police, le Département des services en faveur de l’enfance et les ONG ont conjugué leurs efforts pour combattre les infractions perpétrées à l’égard d’enfants.

434. Le gouvernement sri lankais coordonne actuellement ses efforts avec différents pays étrangers pour combattre la menace que représentent la prostitution et le trafic des enfants. Au début de 1997, il a accordé une entraide judiciaire aux Gouvernements néerlandais et suisse, qui ont été autorisés à envoyer dans le pays des équipes spéciales d’enquêteurs pour rassembler les éléments de preuve nécessaires pour condamner les pédophiles accusés dans ces pays. A l’heure actuelle, deux ressortissants étrangers, l’un néerlandais et l’autre suisse, ont été arrêtés dans leur pays d’origine et sont en détention provisoire en attente d’être jugés.

435. En décembre 1996, le Président a donné pour instruction à la Commission présidentielle pour la prévention des mauvais traitements des enfants d’élaborer immédiatement un plan d’action afin de combattre énergiquement les infractions dont sont victimes les enfants, y compris l’exploitation sexuelle et le travail des enfants. Cette Commission spéciale doit étudier en profondeur des questions comme les procédures juridiques à mettre en place, les mesures législatives à promulguer, les conseils et le traitement à dispenser aux victimes et la sensibilisation. L’accent a été mis aussi sur la nécessité de renforcer les activités de protection de l’enfance au niveau des districts. Le plan d’action pour la prévention du mauvais traitement des enfants met l’accent sur les points suivants :

- Création d’une Autorité nationale pour la protection de l’enfant (NCPA) relevant de la présidence, conformément au paragraphe 2 de l’article 44 de la Constitution, avec pour tâches de formuler les politiques à ce sujet et d’en suivre l’application ainsi que de coordonner toutes les activités dans ce domaine;

- Modification de la législation pertinente en vigueur et mise en place de nouvelles procédures afin de pouvoir poursuivre efficacement les délinquants;

- Mise en route d’un processus tendant à faire des mauvais traitements des enfants une infraction ne pouvant donner lieu à la liberté sous caution;

- Création dans chaque poste de police d’un service spéciale doté d’agents qualifiés de sexe féminin, pour faire enquête sur les infractions commises contre les enfants;

- Création d’un service d’appel téléphonique pouvant être utilisé par le public pour signaler les infractions commises contre des enfants;

- Organisation de programmes complets de formation pour les agents des services de liberté surveillée des services en faveur de l’enfance; et

- Introduction dans les programmes d’étude des écoles de matière consacrées aux droits des enfants, aux maladies sexuellement transmissibles et à la préparation à la vie.

Autorité nationale pour la protection de l’enfant (NCPA)

436. L’une des principales recommandations du Groupe de travail sur la protection de l’enfance créé par le Président concernait la création d’une Autorité nationale pour la protection de l’enfant. Le projet de loi portant création de cette autorité a été déposé devant le Parlement par le Ministre de la justice en août 1998 et a été adopté à l’unanimité en novembre 1998 . Cette loi a été publiée au Journal officiel en janvier 1999 et, en juin de la même année, un conseil directeur a été désigné et placé sous la présidence du Professeur Harendra de Silva, qui avait également été Président du Groupe de travail sur la protection de l’enfance.

Composition de la NCPA

437. La NCPA est composée de pédiatres, de médecins légistes, de psychiatres, de psychologues, de hauts gradés de la police, d’un juriste des services du Procureur général et de cinq autres membres représentant les ONG qui militent en faveur de la protection de l’enfance. Les membres de droit sont le Directeur de la Division du travail, le Directeur des services en faveur de l’enfance et le Président du Comité de surveillance de la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant. Sont également membres de droit de hauts fonctionnaires des Ministères de la justice, de l’éducation, de la défense, de la santé, des services sociaux, des administrations provinciales, des affaires féminines, du travail, du tourisme et des médias. La présence de ces fonctionnaires de haut rang facilite également la coordination des mécanismes d’action suggérés lors des réunions de la NCPA. En outre, celle-ci a pour avantage de relever directement du Président. S’il a été décidé d’inclure des représentants aussi bien du gouvernement que du secteur non gouvernemental, c’est pour assurer une coordination efficace des efforts déployés par les divers secteurs sont s’emploient à protéger les droits des enfants. Ainsi, le principe des «intérêts supérieurs de l’enfant» est appliqué même au niveau de la formulation et de l’application de la politique gouvernementale de protection des droits des enfants.

Mandat de la NCPA

438. Les pouvoirs, objectifs et attributions assignés à la NCPA sont très divers et l’on peut citer notamment les suivants :

a) Conseiller le gouvernement sur la politique et les mesures à appliquer au plan national pour prévenir les mauvais traitements des enfants, aider les victimes et protéger les enfants;

b) Consulter les ministères intéressés, les autorités locales et les autorités des secteurs public et privé et coordonner leur action, et recommander les mesures à prendre pour prévenir les mauvais traitements des enfants et protéger les victimes;

c) Recommander les réformes juridiques, administratives et autres à introduire pour mettre en œuvre efficacement la politique nationale;

d) Suivre et appliquer les autres réformes tendant à mettre en œuvre efficacement la politique nationale;

e) Suivre l’application de la loi et suivre l’avancement de toutes les enquêtes et actions pénales concernant les mauvais traitements infligés à des enfants;

f) Recommander les mesures à prendre concernant la protection, la réadaptation et la réinsertion dans les sociétés des enfants affectés par le conflit armé;

g) Adopter des mesures appropriées pour garantir la sécurité et la protection des enfants en conflit avec la loi;

h) Veiller et assister les organismes locaux et les ONG pour les aider à coordonner leur campagne contre les mauvais traitements des enfants;

i) Coordonner, promouvoir et réaliser des recherches sur les mauvais traitements infligés aux enfants;

j) Organiser et faciliter la tenue d’ateliers, séminaires, etc.;

k) Coordonner l’action du secteur du tourisme et l’aider à prévenir les abus dont font l’objet des enfants;

l) Préparer et tenir une base de données nationale sur les abus dont sont victimes les enfants;

m) Suivre l’action des organisations qui fournissent des services aux enfants;

n) Assurer la liaison et échanger des informations avec les gouvernements de pays étrangers et les organisations internationales.

Programmes de sensibilisation menés par la NCPA

439. La NCPA mène actuellement au moyen de publicité placée dans la presse imprimée et électronique ainsi qu’au moyen d’affiches, de cartes de vœux et d’autocollants, une campagne de sensibilisation qui est appuyée par le secteur des entreprises privées. En outre, l’un des traits distinctifs de ces programmes de sensibilisation est la participation de clubs d’élèves des écoles, qui visent à encourager les élèves à promouvoir et à protéger les droits des enfants. La NCPA a créé dans toutes les écoles, au nombre de 10 800, des «comités de protection des enfants» à participation tripartite (élèves, parents et enseignants) pour s’attaquer aux problèmes que pose la défense des droits de l’enfant . La NCPA a publié et distribué aux enseignants un manuel exposant en détail la politique du gouvernement en ce qui concerne les châtiments corporels, pratique qui demeure très fréquente dans les écoles.

440. Le succès tangible de ces programmes de sensibilisation se reflète dans la place accrue que les médias font aux cas de mauvais traitements infligés à des enfants. Regrettablement, cependant, les médias, tout en apportant une contribution extrêmement positive à la campagne de sensibilisation, se sont parfois laissés aller aussi au sensationnalisme dans leurs nouvelles touchant les allégations de sévices contre des enfants. En outre, comme le «sommet de l’iceberg», les mauvais traitements dont sont victimes les enfants sont souvent interprétés comme un phénomène nouveau. Par conséquent, pour éclairer les médias quant aux principes à appliquer lorsqu’ils rendent compte d’allégations de ce type, la NCPA a entamé un dialogue continu avec tous les secteurs de la presse écrite et électronique.

Perfectionnement des compétences des spécialistes

441. Des programmes de formation multidisciplinaires, ainsi qu’un recours à la magistrature, ont été entrepris avec le parrainage de l’UNICEF et du Gouvernement britannique et de la Société internationale pour la prévention des mauvais traitements et négligence envers les enfants (ISPCAN) .

442. L’AUSAID (Organisme d’assistance du Gouvernement australien) a financé le processus de mise sur pied de comités de district pour la protection des enfants dont les tâches au plan local sont semblables à celles de la NCPA. Leurs principales attributions sont de susciter une prise de conscience pour prévenir les mauvais traitements à l’égard des enfants et de suivre la situation à cet égard. La NCPA a rédigé le mandat des comités provinciaux et des comités des communes et des villages, et il est actuellement appliqué.

443. L’ASDI (Agence suédoise de développement international) a accordé des fonds pour l’acquisition de moyens d’enregistrement vidéo des dépositions (méthode qui a été introduite par la loi à la demande de la NCPA), et la formation du personnel a commencé.

444. La promulgation de nouvelles politiques n’a pas encore eu d’effet sur l’application de la législation, mais la NCPA a demandé au Procureur général d’entamer de nouvelles poursuites dans tous les cas où il considère que les jugements rendus sont «inappropriés». Comme la NCPA est chargée de suivre les enquêtes et l’application de la loi en cas de mauvais traitements infligés à des enfants, plusieurs ONG saisissent actuellement la NCPA de plaintes touchant les mesures jugées inappropriées appliquées par des agents publics.

Amendements apportés à la loi sur l’initiative du Groupe de travail et de la NCPA

445. Le Groupe de travail constitué par le Président a recommandé d’apporter à la législation en vigueur un certain nombre d’amendements qui y ont maintenant été introduits. Précédemment, en cas de viol, le magistrat menait une enquête préliminaire (non sommaire) qui était souvent longue et qui représentait pour l’enfant un traumatisme psychologique. La modification apportée à la loi sur la magistrature a éliminé cette enquête non sommaire en cas de viol d’enfant de moins de 16 ans, ce qui a réduit la longueur de la procédure judiciaire.

446. En outre, le Groupe de travail a recommandé d’autres amendements qui sont actuellement en cours d’application. L’un des principaux amendements envisagés a trait à l’Ordonnance sur les preuves, qui permettrait de considérer comme recevables les preuves enregistrées sur bande vidéo lors de l’interrogatoire préliminaire d’un témoin mineur . Le Ministère du travail a porté l’âge minimum du travail domestique de 12 à 14 ans à la demande de la NCPA.

447. Une autre des recommandations qui est sur le point d’être promulguée pour modifier la législation existante tend à éliminer, lorsqu’il s’agit d’enfants, la règle selon laquelle le témoignage doit être fait sous serment ainsi qu’à considérer que l’indication de l’âge de l’enfant figurant dans le certificat d’un médecin est considérée, jusqu’à ce que le contraire soit établi, comme preuve de l’âge de l’enfant lorsque cette considération est pertinente en l’occurrence et qu’il n’existe d’éléments ayant une meilleure force probante.

448. Les amendements que la NCPA a proposé d’apporter aux lois relatives à la justice pour mineurs ont été approuvés par le Cabinet et la rédaction des lois correspondantes est en cours. La NCPA a également formulé des recommandations à propos des lois applicables aux publications obscènes.

449. En outre, la NCPA travaille à l’élaboration d’un nouveau formulaire d’examen médico-légal pour documenter les sévices infligés à des enfants étant donné qu’il n’existe à l’heure actuelle que des formulaires pour adultes. Le nouveau formulaire comporterait également des fiches détachables qui seraient communiquées à la NCPA, au médecin légiste et à la police pour assurer le suivi des mesures adoptées.

450. La NCPA a désigné un sous-comité juridique chargé d’étudier la possibilité d’introduire un système judiciaire «inquisitoire» pour les enfants, plutôt que le système «accusatoire» actuellement appliqué. En outre, des mesures ont été adoptées sur l’initiative de la NCPA pour modifier les dispositions de la Loi relative à la mise en liberté sous caution dans le cas des pédophiles.

Protection et réadaptation des enfants

451. Il s’agit d’un «maillon défaillant» étant donné le manque de ressources, de personnel et de compétences. A l’heure actuelle, les enfants restent souvent à l’hôpital ou à l’orphelinat s’ils ne peuvent pas être renvoyés dans leur foyer. Parfois, ils sont placés chez des proches mais cette formule est difficilement praticable à l’heure actuelle étant donné le manque de ressources financières, outre qu’il faudrait disposer d’un personnel nombreux ayant reçu une formation appropriée dans les domaines des services sociaux et des services en faveur de l’enfance.

452. La NCPA a entrepris d’élaborer des directives concernant les établissements d’accueil des enfants qui prévoient l’application d’une approche plus professionnelle et l’organisation de programmes de formation. Un travailleur social britannique du Service des volontaires d’outre-mer s’emploie actuellement avec la NCPA à former des moniteurs qui, à leur tour formeraient les personnes qui travaillent dans les établissements qui s’occupent des enfants.

453. La NCPA a formulé une proposition de projet tendant à améliorer les soins actuellement fournis en établissement à l’intention des enfants qui travaillent comme domestiques, des enfants des rues et des enfants soldats, mais ce projet n’a pas encore pu être mis en œuvre, faute de ressources.

454. De plus, il n’existe dans l’ensemble du pays que cinq ou six psychologues cliniques, mais aucun d’entre eux n’a atteint le niveau du doctorat, de sorte qu’il est impossible de former de tels psychologues au niveau pré-universitaire. Un financement, sous forme de bourses d’études supérieures et d’études du troisième cycle contribueraient énormément à améliorer les soins dispensés aux enfants en établissement.

Enfants victimes d’actes de violence et enfants déplacés

455. La politique de terrorisme violent pratiquée par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) a affecté directement et indirectement la vie d’un grand nombre d’enfants : enfants de familles déplacées, enfants qui ont vu et vécu la violence, enfants de militaires tués en service, enfants soldats de 9 à 18 ans recrutés de force par les LTTE, etc. Les enfants qui vivent dans les provinces du Nord et de l’Est ainsi dans les villages menacés des districts de Puttalam, Anuradhapura et Polonnaruwa sont parmi ceux qui sont les plus durement touchés. Même ceux qui vivent dans les autres districts ont également été affectés par les attentats à la bombe lancés contre des civils. L’on estime que quelque 2 millions d’habitants souffrent de cette campagne terroriste. Beaucoup d’enfants ont été tués ou sont maintenant handicapés ou orphelins, beaucoup d’entre eux ont été les témoins de formes extrêmes de brutalité et de violence, y compris la mort d’un proche ou d’un être cher, et les activités des LTTE ont affecté les enfants de toutes les communautés - cinghalaises, tamoules et musulmanes.

456. Si certaines des personnes déplacées ont été logées dans 373 centres d’accueil de différentes régions du pays, d’autres vivent avec des amis ou des proches. La plupart des enfants orphelins vivent avec leur famille élargie ou ont été placés dans des familles. Les enfants déplacés souffrent tous, sous une forme ou une autre, de privations et de traumatismes.

457. Le gouvernement a adopté différentes mesures pour améliorer les conditions de vie de ces enfants et travaille en étroite collaboration avec les ONG et institutions internationales comme le CICR, le Save the Children Fund, Oxfam et le HCR. La situation actuelle a mis les enfants qui vivent dans les régions affectées par le conflit dans une situation extrêmement difficile. L’État a fourni tout l’appui possible aux réfugiés et aux enfants déplacés pour garantir le droit à la vie, à la survie et au développement.

458. Des efforts particuliers sont déployés pour satisfaire les besoins des enfants se trouvant dans différentes situations. Comme une proportion importante des familles affectées ne seront pas à même de regagner les localités ou foyers dont elles ont été déplacées, la tâche consistant à faciliter leur réinsertion et à leur fournir les articles les plus essentiels a constitué un problème majeur. Dans le cas des enfants, il faut faire face à plusieurs besoins urgents, comme la santé et la nutrition des nouveau-nés et des enfants en bas âge, l’éducation des enfants en âge de fréquenter l’école, la fourniture de soins aux enfants traumatisés par la violence et la perte de leurs parents et leur réadaptation et le retour dans leurs foyers et leurs familles dans le cas des enfants qui ont été séparés de leurs parents.

459. Le Ministère du relèvement et de la reconstitution est chargé des secours aux réfugiés et de leur réinsertion. Des vivres, des vêtements, des services d’éducation et des terrains de jeux ont été fournis aux enfants réfugiés, et le gouvernement a garanti un approvisionnement régulier en articles essentiels, y compris aliments et produits pharmaceutiques. Les enfants déplacés fréquentaient l’école de la localité où ils ont cherché refuge. Lorsque les élèves sont très nombreux, des classes d’après-midi, de 14 heures à 17 heures sont organisées à l’intention des élèves déplacés en tant que mesure temporaire en attendant de disposer de ressources adéquates pour l’éducation. En janvier 1996, le gouvernement a lancé à l’intention des enfants déplacés un programme de bourses d’études pour les aider à surmonter les difficultés et contraintes auxquelles ils se heurtent : une allocation mensuelle de 500 roupies est versée aux élèves sur la base de leurs résultats scolaires. Des conseils sont fournis également pour aider les enfants à faire face aux traumatismes mentaux qu’ils ont vécus. Plusieurs programmes ont été lancés pour s’attaquer aux problèmes des enfants traumatisés et de ceux qui ont été séparés de leurs parents. Des programmes de vaccination ont été dispensés ou ont été mis sur pied pour fournir à ces enfants les soins de santé dont ils ont besoin. Le gouvernement collabore étroitement avec des ONG pour satisfaire les besoins essentiels de ces enfants et de leurs familles, mais l’ampleur et la complexité des problèmes sont telles qu’il faudra mener des efforts soutenus de longue haleine pour les résoudre efficacement.

Enfants soldats

460. Le paragraphe 2 de l’article 38 de la Convention relative aux droits de l’enfant stipule que les États parties doivent prendre toutes les mesures possibles pour veiller à ce que les jeunes de moins de 15 ans ne prennent aucune part directe à des hostilités. Sri Lanka est allé au-delà des dispositions de cet article et exige que toutes les nouvelles recrues des forces armées aient au moins 18 ans révolus. Sri Lanka a réitéré son ferme engagement d’éliminer le problème des enfants soldats en ratifiant, le 8 octobre 2000, le Protocole facultatif sur la participation des enfants aux conflits armés à la Convention relative aux droits de l’enfant. En outre, le Gouvernement sri lankais a élaboré un plan d’action pour s’attaquer au problème des enfants soldats .

461. La Direction du renseignement militaire de Sri Lanka estime qu’au moins 60 % des combattants des LTTE ont moins de 18 ans. Même s’il s’agit d’une exagération, il ressort des statistiques concernant les combattants des LTTE morts au combat que 40 % au moins de leurs forces se composent de filles et de garçons de 9 à 18 ans. Si les LTTE ont recruté des enfants, c’est parce qu’ils peuvent facilement, étant donné leur degré de maturité psychologique, être endoctrinés, sont disposés à participer à des opérations très risquées, sont obéissants et peuvent facilement utiliser des armes comme des fusils M16, AK-47 et T-56, qui sont légères, faciles à utiliser et à entretenir et n’appellent qu’un entraînement minimum. Des enfants sont utilisés à la fois pour des activités de renseignement et dans les hostilités. Ils constituent la première vague d’attaques suicides réalisées par les LTTE contre leurs objectifs. Des enfants sont utilisés pour tous les aspects des combats armés, sauf le commandement.

462. L’on dispose aujourd’hui d’informations plus détaillées sur les enfants soldats qu’en 1994. Le noyau de la «baby brigade» des LTTE a constitué au début de 1984 et une vaste campagne de recrutement d’enfants a été lancée en octobre 1987 pour grossir les rangs de ceux qui combattaient les 100 000 hommes de la Force indienne de maintien de la paix.

463. En outre, on estime qu’un tiers des nouvelles recrues des LTTE sont des femmes, qui servent dans toutes les unités. Au cours des quelques dernières années, presque tous les attentats suicides organisés par les LTTE ont été menés à bien par des femmes.

464. Initialement, la majorité des enfants soldats de 10 à 16 ans provenaient de Batticaloa, dans la province orientale. Aujourd’hui, toutefois, il y a plus d’enfants de Jaffna et Wanni, dans la province du Nord. Les familles des enfants soldats sont appelées «familles héroïques» et jouissent d’un statut spécial dans toutes les régions contrôlées par les LTTE. Ces familles ne paient pas d’impôts, reçoivent un traitement privilégié pour ce qui est de l’accès à l’emploi et reçoivent des places spéciales pour toutes les manifestations publiques organisées par les LTTE dans les régions qu’ils contrôlent. La règle non écrite des LTTE est que chaque famille devrait donner un fils ou une fille à la cause.

465. Actuellement, les enfants soldats reçoivent quatre mois d’entraînement dans la jungle et leurs cheveux sont coupés courts pour que l’on puisse facilement identifier les déserteurs. Pendant cette période d’entraînement, les parents n’ont pas le droit de rendre visite à leurs enfants.

466. Les jeunes combattants une fois entraînés sont préparés aux combats en attaquant des villages frontaliers sans protection ou peu protégés. Lors de ces attaques, des combattants expérimentés guident les enfants soldats des LTTE, munis d’armes automatiques. Ces objectifs civils ne sont pas protégés par la police ou des lignes de défense avancées. Ces groupes sont particulièrement utilisés pour les attaques contre les camps de l’armée. Pour renforcer les attaquants et jouir d’un effet de surprise, les LTTE utilisent des «tigres noirs», enfants, psychologiquement mûrs et bien équipés, et l’armée «Baby Brigade».

467. Entre la fin de 1995 et la mi-1996, les LTTE ont recruté et entraîné au moins 2 000 personnes provenant principalement des populations déplacées du Nord. L’on estime qu’environ la moitié avait de 12 à 18 ans et ont depuis lors été dispersées entre les différentes unités combattantes. Les LTTE ont constitué une «Brigade léopard» composée d’enfants sélectionnés parmi les orphelinats administrés par le mouvement. Les LTTE considèrent ce groupe comme celui qui leur procure les combattants les plus féroces.

468. Bien que les LTTE envoient leurs troupes se battre avec des capsules de cyanure autour du cou pour se suicider s’ils sont faits prisonniers ou blessés, la majorité des jeunes ne se suicident pas lorsqu’ils sont vaincus par les forces armées.

Rapport Graça Machel

469. Dans son rapport de 1996 sur l’impact des conflits armés sur les enfants Graça Machel a évoqué le sort des enfants soldats et il a été l’une des voix qui se sont élevées de la façon la plus éloquente au plan international pour combattre cette pratique. Le gouvernement s’est attaché en priorité à appliquer les recommandations formulées dans ce rapport. Il a pris des mesures, aussi bien dans le pays même qu’au plan international, pour promouvoir l’élimination du recrutement d’enfants comme combattants. Cette question a été évoquée par le Ministre des affaires étrangères de Sri Lanka en septembre 1997 lors de la cinquante-deuxième session de l’Assemblée générale des Nations Unies.

470. Le gouvernement envisage de mettre sur pied un vaste programme tendant non seulement à prévenir le recrutement mais aussi à faciliter la réadaptation et la réinsertion sociale des enfants soldats. Il est également prévu de fournir une aide psychologique professionnelle aux anciens enfants soldats qui se sont rendus aux forces armées ou ont été capturés par celles-ci. Le gouvernement s’emploie à mobiliser une assistance extérieure pour ce programme. A l’heure actuelle, les anciens enfants soldats sont logés dans des centres administrés par le Conseil national des services à la jeunesse.

Intervention de l’Organisation des Nations Unies

471. Le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, M. Olara Otunnu, qui s’est rendu à Sri Lanka en mai 1998, a pu observer le sort des enfants affectés par les conflits armés lors de sa tournée de la province septentrionale. Le Gouvernement sri lankais a déclaré qu’il était disposé à entreprendre un programme national pour tous les enfants traumatisés, invalides ou handicapés du fait de la guerre. M. Otunnu s’est entretenu avec des dirigeants des LTTE dans la région de Vanni et a évoqué plusieurs questions concernant la protection, les droits et le bien-être des enfants affectés par les hostilités en cours. Lors des pourparlers qu’ils ont eus avec lui, les LTTE ont pris les engagements suivants en ce qui concerne les enfants affectés par le conflit armé :

a) Participation et recrutement d’enfants. Les LTTE se sont engagés à ne faire participer aux combats d’enfants de moins de 18 ans et de ne pas recruter d’enfants de moins de 17 ans. Les dirigeants des LTTE ont accepté la mise en place d’un cadre de surveillance de ces engagements;

b) Liberté de mouvement pour les personnes déplacées. Les LTTE se sont engagés à ne pas entraver les mouvements des personnes déplacées dans les régions contrôlées par le gouvernement, et de ne pas empêcher les populations musulmanes déplacées de regagner leurs foyers; en outre, ils ont accepté la mise en place d’un cadre afin de surveiller ce processus;

c) Distributions des secours humanitaires. Les LTTE se sont engagés à ne pas s’ingérer dans la distribution de secours humanitaires destinés aux populations civiles affectées et ont accepté la mise en place d’un cadre pour surveiller ce processus;

d) Observation de la Convention relative aux droits de l’enfant. M. Otunnu a souligné qu’il importait que toutes les parties, y compris le secteur non étatique, respectent la Convention relative aux droits de l’enfant et a instamment demandé aux LTTE de s’engager publiquement à en respecter les principes et les dispositions. Les LTTE ont fait savoir qu’ils étaient disposés à ce que leurs cadres reçoivent des informations et des instructions touchant l’application des dispositions de la Convention; et

e) Ciblage des civils. Les LTTE se sont engagés à revoir leurs stratégies et leurs tactiques et ont fait savoir qu’ils étaient disposés à permettre à leurs cadres de recevoir des informations et des instructions touchant les dispositions de la Convention.

472. Les LTTE, en dépit des assurances données au Représentant spécial, continuent de recruter comme combattants des enfants de moins de 18 ans, comme cela est apparu clairement à plusieurs occasions lorsque les combattants se sont rendus ou ont été tués lors des affrontements avec les forces de sécurité. Le Gouvernement sri lankais a porté cette situation à l’attention de M. Olara Otunnu à plusieurs reprises depuis sa dernière visite dans le pays . En fait, le peu de cas que les LTTE semblent faire de leurs engagements envers M. Olara Otunnu a conduit M. Kofi Annan, Secrétaire général de l’ONU, à saisir le Conseil de sécurité de l’Organisation de la question .

Enfants en conflit avec la loi

473. Les dispositions applicables à l’administration de la justice pour mineurs se trouvent principalement dans l’Ordonnance pour les enfants et les jeunes promulguée en 1939, qui régit à cet égard la situation des jeunes de moins de 16 ans. Les dispositions applicables à la détention des délinquants juvéniles (de 16 à 22 ans) figurent dans l’Ordonnance de 1939 relative aux écoles de formation des délinquants juvéniles. La mise à l’épreuve des délinquants, y compris des délinquants juvéniles, est régie par l’Ordonnance du même titre de 1944. Le Code pénal, la Loi portant Code de procédure pénale et l’Ordonnance sur les prisons contiennent également quelques dispositions spéciales applicables aux délinquants juvéniles.

474. Les enfants et les jeunes doivent être détenus dans des locaux autres que ceux utilisés pour les délinquants adultes. Les jeunes suspects qui ne sont pas libérés sous caution sont confiés à des foyers de détention provisoire, et ne peuvent pas être emprisonnés. Dans tous les cas où cela est possible, les parents des délinquants juvéniles sont tenus d’assister à tous les actes judiciaires et audiences les concernant. Avant de faire comparaître un délinquant juvénile devant le tribunal, la police est tenue de demander à un assistance social de mener les enquêtes nécessaires touchant les antécédents familiaux, les résultats scolaires, la santé et le caractère du délinquant et de porter ces informations à la connaissance du tribunal.

475. Le gouvernement a mis en route un processus de modification des lois relatives à la justice pour mineurs à la lumière des recommandations formulées par le Comité pour l’enfance. La Commission des lois a entrepris de passer en revue toutes les dispositions pertinentes.

Article 25 - Droit de prendre part à la direction des affaires publiques

Affaire Karunathilaka et Deshapriya contre Dissanavaka et al. (affaire des conseils provinciaux)

476. L’arrêt rendu dans l’affaire Karunathilaka et Deshapriya a fait jurisprudence étant donné qu’il a confirmé l’indépendance des hautes fonctions constitutionnelles du Commissaire aux élections. La Cour a considéré en effet que l’indépendance du Commissaire était un pouvoir proche d’une obligation dont l’exercice discrétionnaire équivaudrait en droit à un acte arbitraire.

477. Il s’est avéré important, aussi, en raison des considérations de la Cour touchant le statut constitutionnel du droit de vote. L’avocat des défendeurs a fait valoir que ce droit primordial dans une société démocratique ne constituait pas un droit fondamental étant donné n’était pas expressément consacré au Titre III de la Constitution. La Cour, à justice, a rejeté cet argument, faisant valoir que «l’expression silencieuse et secrète de la préférence d’un citoyen entre un candidat et un autre, telle que manifestée par son vote, n’est pas moins un exercice de liberté de parole et d’expression que le discours le plus éloquent d’un candidat à des fonctions électives».

478. Cette requête avait été introduite par deux journalistes, Varuna Karunathilaka et Sunanda Deshapriya, ce dernier ayant également été l’un des requérants dont l’action avait abouti dans l’affaire précédente Nuwara Eliya Mayor . En janvier 1999, trois juges, G.P.S. de Silva, Président de la Cour et les juges Fernando et Gunasekera, ont statué sur cette requête en défense des droits fondamentaux. Le Juge Fernando a rendu l’arrêt unanime de la Cour dans une affaire qui, pour de multiples raisons, est venue compléter la jurisprudence administrative et constitutionnelle.

479. La requête avait été introduite contre Dayananda Dissanayake, Commissaire aux élections, et les 12 scrutateurs de district des provinces du centre, du centre-nord, de Sabaragamuwa, d’Uva et de l’Ouest et, comme prévu par la loi, le Ministère de la justice.

480. Cette affaire est importante en ce sens que l’action introduite par deux requérants seulement en tant qu’électeurs inscrits a affecté les droits de tous les électeurs des provinces en question. Comme on le verra, cette affaire a pour toile de fond des tentatives faites par le gouvernement d’employer des méthodes dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles sont contraires à l’esprit de la démocratie pour fausser les résultats des élections aux cinq conseils provinciaux en question.

481. Les cinq conseils provinciaux avaient été dissous par effet de la loi conformément à l’article 154E de la Constitution, leur mandat ayant expiré. Le Commissaire aux élections avait invité les partis et groupes en présence à présenter des candidats, et les listes et symboles électoraux avaient été dûment publiés au Journal officiel.

482. Conformément au paragraphe 1 de l’article 22 de la Loi de 1988 relative aux élections aux conseils provinciaux, le Commissaire avait fixé la date du scrutin au 28 août 1998. Les bulletins de vote par correspondance devaient être envoyés le 4 août 1998. En outre, le Commissaire aux élections, l’Inspecteur général de la police et des représentants des partis politiques se sont alors réunis à ce sujet ainsi que pour arrêter les autres dispositions à prendre, notamment pour assurer la sécurité du scrutin. Lors de cette réunion, l’Inspecteur général de la police s’est engagé à préparer un plan approprié pour maintenir l’ordre et, à ce stade, aucune considération de sécurité n’a été invoquée qui pourrait empêcher le déroulement du scrutin.

483. C’est alors que, le 3 août 1998, par un télégramme daté du même jour, le Commissaire aux élections a soudainement suspendu l’envoi de bulletins de vote par correspondance par les scrutateurs, initialement prévu pour le 4 août 1998. Le lendemain, le 4 août, le Président, invoquant les pouvoirs qui lui avaient été conférés par le paragraphe 1 de l’article 2 de l’Ordonnance sur la sécurité publique, a publié un décret proclamant l’état d’urgence dans l’ensemble de l’île. Immédiatement après, il a été édicté un Règlement d’exception annulant l’avis publié par le Commissaire aux élections conformément au paragraphe 1 de l’article 22 de la Loi de 1998 relative aux élections aux conseils provinciaux, différant au 28 août 1998 la date du scrutin.

484. Le principal argument des requérants était que le décret en question constituait un exercice injustifié et irrégulier des pouvoirs conférés au Président par l’Ordonnance sur la sécurité publique étant donné que rien ne montrait que la situation sécuritaire dans le pays se fut dégradée entre la date de la dissolution des cinq conseils et celle du décret. En fait, comme l’avocat des requérants l’a souligné, c’était précisément pendant cette période que s’était tenu à Colombo le Sommet pour la coopération régionale de l’Association des nations du Sud de l’Asie, manifestation qui avait également donné lieu à l’application de mesures de sécurité rigoureuses.

485. En outre, les requérants faisaient valoir qu’aucun règlement d’exception autre le Règlement attaqué n’avait été édicté en vertu dudit décret, ce qui portait à conclure que l’un et l’autre le Règlement d’exception attaqué et le décret, faisaient partie intégrante d’un seul et même plan systématique ayant pour seul but d’ajourner les élections aux cinq conseils provinciaux. L’avocat des requérants a cité des articles de presse dont il ressortait que telle était effectivement l’intention du gouvernement même avant la promulgation du décret. Si tel était effectivement le cas, aussi bien le décret que le Règlement d’exception devaient être considérés comme ayant un but autre que celui envisagé ou sanctionné par l’Ordonnance sur la sécurité publique et devait par conséquent être considérés comme nuls.

486. La Cour a répondu à cet argument sans statuer sur la validité du décret, pour le motif qu’il n’y avait pas eu de débat approfondi sur ce point. Pour contester l’argumentation des requérants, le défendeur avait essayé d’invoquer les dispositions de l’article 35 de la Constitution relatives à l’immunité de juridiction du Président. Ce recours à l’immunité, depuis longtemps l’un des aspects les plus controversés de la Constitution de Sri Lanka, a permis à la Cour de formuler des observations détaillées sur la portée et les limites de l’article 35. C’est ainsi que le Juge Fernando a déclaré ce qui suit : «L’article 35 interdit seulement l’introduction (ou la poursuite) d’une procédure judiciaire contre le Président aussi longtemps qu’il est en fonction mais n’impose aucune interdiction de quelque nature que ce soit concernant les procédures a) dirigées contre lui lorsqu’il n’est plus en fonction ou b) dirigées contre d’autres personnes (agents publics, etc.) à quelque moment que ce soit. Telle est la nature même de l’immunité. L’immunité protège l’auteur et non l’acte… L’article 35, par conséquent, n’a pour effet ni de transformer un acte illicite en un acte licite ni d’en faire un acte qui ne puisse être mis en question par aucun tribunal». Il apparaît par conséquent que les considérations exposées par la Cour suprême en ce qui concerne l’immunité du Président ont incontestablement dissipé certaines idées reçues, et en particulier l’idée erronée selon laquelle cette immunité, sans être absolue, l’était presque.

487. Ainsi, la Cour a décidé que la décision des défendeurs d’annuler l’envoi de bulletins de vote par correspondance le 3 août 1998, ainsi que sa décision de ne pas avoir pris d’autres dispositions pour organiser le scrutin après la date initialement fixée au 28 août 1998, constituaient en droit des décisions plus qu’irrégulières. La Cour a considéré par conséquent que ces actes et omissions de l’administration constituaient une violation du libre exercice du droit de représentation consacré à l’alinéa e) de l’article 4, du droit des requérants à l’égalité en vertu du paragraphe 1 de l’article 12 et de leur droit de vote conformément au paragraphe 1 a) de l’article 14 de la Constitution.

Projet de loi sur les élections aux conseils provinciaux (dispositions spéciales)

488. En novembre 1998, le Gouvernement de l’Alliance populaire a déposé devant le Parlement un projet intitulé «Projet de loi sur les élections aux conseils provinciaux (dispositions spéciales)» dont le préambule se lit comme suit : «Loi tendant à permettre au Commissaire aux élections de fixer une nouvelle date pour les élections aux Conseils des provinces occidentales, d’Uva, de Sabarargamuwa, du centre et du centre-nord».

489. Le projet de loi avait un double objectif :

a) Imposer au Commissaire aux élections l’obligation, dans un délai de quatre semaines suivant la date d’entrée en vigueur de la loi, de fixer une nouvelle date pour les élections aux cinq provinces, en remplacement de la date déjà annoncée dans son avis (clause 2); et

b) Autoriser le Secrétaire de tout parti politique ou de dirigeant de tout groupe indépendant à remplacer le nom de tout candidat figurant sur un bulletin de candidature (le processus de présentation des candidats aux élections des conseils provinciaux avait été achevé à la date du décret ajournant le scrutin) par le nom d’une autre personne, même en l’absence de toute notification (clause 3).

490. Les 10 et 11 novembre 1998, six requêtes ont été déposées devant la Cour suprême pour contester la validité de ce projet de loi, pour le motif que ses clauses 2 et 3 étaient incompatibles avec les articles 3, 4 et 12, le paragraphe 2 de l’article 154 et l’article 154Q a) de la Constitution.

491. S’agissant de la clause 2, on a fait observer que la Loi No 2 de 1998 relative aux élections aux conseils provinciaux contenait déjà une disposition – le paragraphe 6 de l’article 22 – habilitant le Commissaire aux élections à fixer une nouvelle date lorsque le scrutin ne pouvait pas avoir lieu à la date prévue en raison d’une situation d’urgence ou de circonstances imprévues. Aux termes dudit article, le Commissaire était invité à fixer la date du scrutin pour chaque province, sous réserve seulement que le délai entre la date de publication de l’avis correspondant au Journal officiel et la date du scrutin soit inférieur à 114 jours.

492. Les requérants faisaient valoir que le projet de loi constituait un empiétement du législateur sur le pouvoir de fixer une nouvelle date du scrutin pour un processus électoral en cours, domaine qui, constitutionnellement, relevait des prérogatives exclusives du Commissaire aux élections.

493. L’audience pour l’examen de la requête a été fixée au 16 novembre 1998 et l’arrêt a été rendu le 30 novembre de la même année.

494. La Cour suprême, composée en l’occurrence des Juges Fernando, Gunawardana et Weersekera, a fait observer qu’étant donné que le Règlement d’exception avait suspendu les avis que le Commissaire aux élections avait précédemment fait publier au Journal officiel pour annoncer la date du scrutin, le Commissaire aurait dû invoquer les pouvoirs qui lui étaient conférés par le paragraphe 6 de l’article 22. De ce fait, il aurait pu publier un avis fixant une nouvelle date pour le scrutin qui, s’il avait été promulgué en application dudit article, n’aurait pas été affecté par le Règlement d’exception édicté le 4 août.

495. En outre, la Cour a considéré que la clause 2 dudit projet de loi avait pour but de forcer le Commissaire aux élections à exercer son pouvoir discrétionnaire d’une manière différente que pour les élections à tous les autres conseils provinciaux passées et futures, ce qui constituait une ingérence dans les pouvoirs dont le Commissaire était investi en application de l’article 104 de la Constitution. La situation aurait certes été différente si la clause 2 du projet de loi avait été une disposition de caractère général portant modification du paragraphe 6 de l’article 22, mais elle ne devait s’appliquer qu’aux cinq élections en suspens aux cinq conseils provinciaux. La Cour a considéré par conséquent que le motif invoqué pour justifier ce traitement particulier dans le cas de cinq élections seulement était irrégulier.

496. La Cour a fait observer que si le Commissaire avait été autorisé à fixer pour le scrutin une nouvelle date conformément au paragraphe 6 de l’article 22, les élections se seraient déroulées sur la base de candidatures déjà reçues de sorte que seuls les candidats dont le nom figurait déjà sur les listes correspondantes auraient en présence.

497. Le but de la clause 2 était d’autoriser une élection d’un type tout à fait différent, tandis que la clause 3 avait pour objet d’autoriser le remplacement des candidats existants par de nouveaux candidats, même contre leur volonté. De ce fait, le scrutin aurait fort bien pu être contesté par des candidats tout à fait différents, résultat qui aurait pu être obtenu par application du paragraphe 6 de l’article 22.

498. La Cour a décidé que le projet de loi, sous le prétexte de donner au Commissaire aux élections le pouvoir «nécessaire» de fixer une nouvelle date pour le scrutin, avait pour but de permettre un processus nouveau de présentation de candidatures mais seulement pour ces cinq élections.

499. Si le pouvoir du Commissaire de fixer une nouvelle date pour les élections dépendait de la promulgation du projet de loi, le scrutin pourrait également être retardé. Il était clair toutefois que le treizième amendement à la Constitution portant création des conseils provinciaux n’envisageait pas une telle situation dans la mesure où il stipulait qu’un conseil était automatiquement dissout à la fin de son mandat et ne comportait aucune disposition prévoyant un conseil qui serait chargé de la gestion des affaires courantes.

500. Par ailleurs, la Cour suprême a décidé que la clause 2 du projet de loi était une ingérence dans le droit de représentation garanti par l’article 4 e) de la Constitution. L’importance de cette disposition est que le texte de l’article 4 e) ne concerne que l’exercice du droit de vote lors des élections présidentielles et des élections parlementaires et les référendums. L’on pouvait par conséquent s’interroger sur le point de savoir si l’article 4 e) protégeait l’exercice du droit de vote lors des élections aux conseils provinciaux. La Cour a néanmoins considéré que l’article 4 e) ne mentionnait pas spécifiquement les élections aux conseils provinciaux simplement parce que ces derniers avaient été créés par la suite aux termes du treizième amendement. L’article 4 e) devait par conséquent être interprété désormais comme s’appliquant également aux élections aux conseils provinciaux.

501. La clause 3 du projet de loi, autorisant le remplacement de candidats, a été considérée par la Cour comme contraire au paragraphe 1 de l’article 12 ainsi que comme une ingérence dans le droit de vote garanti par l’article 4 e) de la Constitution. Cette clause conférait au secrétaire d’un parti politique et aux dirigeants d’un groupe indépendant le pouvoir de supprimer le nom d’un candidat d’un bulletin de candidature valable sans son consentement, sans raison valable et même sans notification. La Cour a considéré qu’il s’agissait là d’une violation flagrante du droit des candidats à une élection à un traitement égal.

502. Dans sa décision finale, la Cour a décidé que les clauses 2 et 3 du projet de loi étaient incompatibles, entre autres, avec le paragraphe 1 de l’article 12 de la Constitution.

503. La Cour, considérant que le Commissaire était habilité à fixer une nouvelle date pour le scrutin, a ordonné que la clause 2 du projet de loi soit modifiée de manière à ne pas constituer une immixtion dans le pouvoir discrétionnaire dont le Commissaire aux élections était investi en application du paragraphe 6 de l’article 22 de la Loi relative aux élections aux conseils provinciaux.

Dix-septième amendement à la Constitution

504. La promulgation du dix-septième amendement à la Constitution, a été l’aboutissement d’un processus lancé par la société civile et appuyé par le principal parti d’opposition d’alors, le Parti d’union nationale, puis adopté par le gouvernement d’alors après que ce fut dégagé un consensus avec tous les partis politiques représentés au Parlement quant au contenu de la loi d’habilitation. L’amendement a un double objectif : mettre en place un système de gouvernance ouvert et transparent exempt de corruption et de victimisation politique, c’est-à-dire exempt de clientélisme, et la promotion d’une gouvernance consensuelle plutôt que d’une politique d’affrontement. Ce double objectif doit être atteint en confiant le pouvoir de nommer, de muter et de licencier les fonctionnaires et les magistrats, qui appartenait jadis exclusivement à l’exécutif, à trois commissions indépendantes, à savoir la Commission électorale, la Commission de la magistrature et la Commission de la police, désignées par le Président sur la recommandation d’un conseil constitutionnel de dix membres constitué de manière à refléter la pluralité non seulement des ethnies mais aussi des affiliations politiques. Ces pouvoirs de recommandation du Conseil constitutionnelle s’étendent également aux nominations par le Président des membres de la Commission des droits de l’homme, de la Commission permanente d’enquête sur les allégations de corruption, de la Commission des finances et de la Commission de délimitation. La Loi d’habilitation ne laisse au Président aucun pouvoir discrétionnaire de rejeter les recommandations formulées par le Conseil constitutionnel à propos de ces nominations.

505. Indépendamment de ces pouvoirs de recommandation, le Conseil constitutionnel est également investi de pouvoirs de ratification des nominations faites par le Président à la Cour suprême et à la Cour d’appel ainsi que les nominations aux postes de Président de la Cour suprême, de Président de la Cour d’appel, de Procureur général, d’Inspecteur général de la police, de Vérificateur général des comptes, de Commissaire parlementaire pour les questions administratives et de Secrétaire général du Parlement.

506. Des dix membres du Conseil constitutionnel, seuls le Premier Ministre, le Chef de l’opposition et le Président du Parlement, qui est également Président du Conseil, sont autorisés à être membre d’un parti politique. Les autres doivent être des personnalités éminentes et intègres qui se sont distinguées dans la vie publique et qui n’appartiennent à aucun parti. De ces sept membres, cinq sont nommés conjointement par le Premier Ministre et le Chef de l’opposition en consultation avec les dirigeants des partis politiques et les groupes indépendants représentés au Parlement, tandis que le Président nomme un autre membre et les partis politiques et groupes indépendants représentés au Parlement autres que ceux auxquels appartient le Premier Ministre et le Chef de l’opposition, le dernier. Bien que le Premier Ministre et le Chef de l’opposition soient habilités à désigner cinq membres, trois d’entre eux doivent être nommés en consultation avec les dirigeants des partis ethniques minoritaires représentés au Parlement, c’est-à-dire les partis musulmans, les partis tamouls de l’intérieur et les partis représentant les intérêts des Tamouls du Nord et de l’Est, afin que les principaux groupes ethniques minoritaires du pays soient représentés au Conseil.

507. S’il est stipulé que la majorité des membres du Conseil constitutionnel doivent être des personnalités éminentes et intègres non partisanes considérées par la société dans son ensemble comme s’étant distinguées dans la voie qu’elles ont choisie, c’est pour que les pouvoirs de nomination aux postes les plus élevés de l’État ne relèvent pas du monopole exclusif du Président et du Cabinet. Tel est le principal objectif du dix-septième amendement, à savoir dépolitiser la gouvernance. L’inclusion parmi les membres du Conseil aussi bien du Premier Ministre que du Chef de l’opposition, sous la présidence d’une personne non dotée d’un vote originel et tenue par la Constitution d’agir de façon non partisane a pour but de réaliser le deuxième objectif du dix-septième amendement, à savoir une gouvernance consensuelle. Une telle intention est encore renforcée non seulement par la diversité que reflète la composition du Conseil en termes d’ethnies et d’affiliations politiques, mais aussi par la stipulation selon laquelle «le Conseil s’efforce de prendre toutes ses décisions à l’unanimité» et par le fait que cinq des membres du Conseil doivent être nommés conjointement par le Premier Ministre et le Chef de l’opposition. Cet objectif se reflète également dans le processus de révocation des membres du Conseil : les membres du Conseil constitutionnel ne peuvent être révoqués pour incapacité physique ou mentale que si à la fois le Chef de l’opposition et le Premier Ministre sont d’accord sur l’incapacité de l’intéressé de s’acquitter de ses fonctions. S’il n’y a pas unanimité parmi les membres du Conseil au sujet d’une question spécifique, la décision à ce sujet doit être appuyée par cinq de ses membres au moins pour qu’elle puisse être adoptée. Comme le quorum est de six membres, il faut toujours que les membres du Conseil parviennent à un large consensus avant qu’une décision sur la question à l’examen puisse être adoptée. Il n’y a donc aucun danger que le Conseil constitutionnel devienne un instrument aux mains d’une majorité en termes aussi bien d’ethnies que d’affiliations politiques.

Commission de la fonction publique

Composition de la Commission

509. La Commission se compose de neuf membres nommés par le Président sur la recommandation du Conseil constitutionnel pour un mandat de trois ans renouvelable une fois. Trois de ses neuf membres doivent avoir au moins 15 ans d’expérience de la fonction publique. Lors de sa nomination à la Commission, tout nouveau membre qui était immédiatement auparavant fonctionnaire ou officier de justice non seulement perd cette qualité mais encore ne peut plus être nommé à de telles fonctions. De même, l’élection au Parlement, à un Conseil provincial ou à une autorité locale confère automatiquement le droit d’être membre de la Commission de la fonction publique.

Pouvoirs de la Commission

509. La Commission de la fonction publique est investie du pouvoir de nomination, de promotion, de mutation et de licenciement des fonctionnaires ainsi que des pouvoirs disciplinaires qui leur sont applicables. Le Cabinet conserve néanmoins lesdits pouvoirs à l’égard des chefs de département, bien qu’il soit tenu de solliciter l’avis de la Commission avant de les exercer. La Commission de la fonction publique est habilitée à déléguer ses pouvoirs à un comité ad hoc de trois membres ou à un agent public, dont aucun ne peut être membre de la Commission. Aussi longtemps que dure cette délégation de pouvoirs, il est interdit à la Commission d’exercer l’un quelconque des pouvoirs délégués. Elle conserve cependant compétence en appel au sujet de toute mesure adoptée par ce comité ou cet agent public. Un tribunal administratif d’appel spécial de trois membres désignés par la Commission de la magistrature est habilité à connaître des recours formés contre les décisions de la Commission. En outre, la Cour suprême conserve, en vertu de sa compétence en matière de droits fondamentaux, le pouvoir de connaître des affaires relatives à des abus de pouvoir.

Commission électorale

Composition de la Commission

510. La Commission électorale est composée de cinq personnalités non partisanes nommées par le Président sur la recommandation du Conseil constitutionnel pour un mandat de cinq ans. Lesdites personnalités doivent s’être distinguées dans leur profession ou dans les domaines de l’administration ou de l’éducation. En outre, elles ne peuvent cumuler aucune fonction élective ni faire partie de la magistrature ou de la fonction publique à quelque autre titre pendant leur mandat. La procédure de révocation des membres de la Commission électorale est la même que celle qui s’applique à la révocation des membres des juridictions d’appel .

Pouvoirs de la Commission

511. La principale attribution de la Commission consiste à veiller à ce que les élections et les référendums se déroulent de façon libre et équitable et exempte de violence. C’est dans ce contexte que la Commission doit exercer tous ses autres pouvoirs. En fait, la loi d’habilitation stipule qu’il incombe aussi bien à la Commission qu’au Commissaire général aux élections de veiller au respect de toute la série de lois tendant à garantir le déroulement d’élections libres et équitables et assurer le droit de vote de chaque individu. La même disposition stipule également que toutes les autorités de l’État ont l’obligation correspondante de coopérer à l’application de ces lois. Pour éviter que les ressources de l’État soient irrégulièrement utilisées à des fins électorales, la Commission est habilitée à promulguer par arrêté, par l’entremise de son Président ou du Commissaire général aux élections, interdisant l’utilisation de tout bien meuble ou immeuble appartenant à l’État ou à une corporation publique pour promouvoir ou empêcher l’élection de tout candidat, parti politique ou groupe indépendant en présence. Toute personne investie de la garde d’un tel bien peut être tenue pour responsable de la violation d’une telle directive.

512. Il est généralement admis que la publication par les médias de nouvelles impartiales non partisanes, aussi bien immédiatement avant que pendant le déroulement du scrutin est une condition sine qua non si l’on veut que son issue reflète la volonté et l’aspiration du peuple. En fait, c’est à cette fin que la Commission a reçu le pouvoir, pendant la campagne électorale, de donner des instructions aux médias pour que ceux-ci rendent compte de façon impartiale des questions pouvant jouer sur l’issue du scrutin. Si la Sri Broadcasting Corporation (SLBC) ou la Sri Lanka Rupavahini Corporation (SLRC), qui sont les principaux médias électroniques appartenant à l’État, sont reconnus coupables d’avoir violé lesdites directives dans leurs programmes d’information, la Commission est habilitée à désigner une autorité compétente pour assumer la direction de l’institution dont il s’agit jusqu’à la fin du scrutin.

513. C’est la Commission électorale qui, sous réserve de l’approbation du Conseil constitutionnel, désigne le Commissaire général aux élections. Bien que ce dernier n’ait pas le droit de vote à la Commission, il est autorisé à assister à ses réunions, sauf lorsqu’elle examine une question le concernant. Outre le Commissaire général, la Commission peut désigner tout agent qu’elle juge nécessaire pour surveiller le déroulement d’élections et de référendums libres et équitables. Les activités de ces agents sont supervisées par le Commissaire général, sous réserve de la direction et du contrôle d’ensemble de la Commission. Les pouvoirs du Commissaire général et des autres agents chargés du déroulement du scrutin dérivent des pouvoirs délégués par la Commission. Les intéressés sont sous la direction de cette dernière et sont responsables devant elle de l’exercice des pouvoirs qui leur sont conférés. La nomination des scrutateurs relève également des pouvoirs confiés à la Commission. Les scrutateurs travaillent également sous la direction de la Commission et sont responsables devant elle.

514. La Commission a le pouvoir de déployer les forces de police nécessaires au déroulement d’élections libres et équitables. Elle peut par conséquent à l’Inspecteur général de la police de mettre à sa disposition les moyens et les forces de police nécessaires à cette fin. Ces forces de police sont tenues de travailler sous la direction de la Commission et sont également responsables devant elle de leur action. En outre, la Commission peut formuler à l’intention du Président des recommandations touchant le déploiement de forces armées pour prévenir ou maîtriser tout acte ou incident pouvant compromettre le déroulement d’élections libres et équitables.

515. La Commission est responsable aussi bien devant le Parlement que devant la Cour suprême, dans ce dernier cas dans le contexte de la juridiction touchant les droits fondamentaux dont la Cour est investie par l’article 126 de la Constitution, ou bien dans le contexte de la compétence qu’a la Cour suprême d’ordonner des mesures conservatoires conformément au dix-septième amendement.

Commission de la police

Composition de la Commission

516. La Commission de la police se compose de sept membres désignés par le Président sur la recommandation du Conseil constitutionnel pour un mandat de trois ans. Les personnes nommées à la Commission ne peuvent pas appartenir à la fonction publique ou à la magistrature. De même, l’élection au Parlement, à un Conseil provincial ou une autorité locale entraîne automatiquement la perte du droit d’être membre de la Commission de la police.

Pouvoirs de la Commission

517. La Commission exerce les pouvoirs de nomination, de promotion, de mutation et de licenciement des agents de police autres que l’Inspecteur général de la police et exerce les pouvoirs disciplinaires à leur égard, sous réserve toutefois de consulter l’Inspecteur général de la police. L’une des principales tâches de la Commission est de donner suite aux plaintes du public concernant l’action de la police. A cette fin, elle est chargée de mettre en place des procédures pour permettre aux membres du public de porter plainte contre la police ainsi qu’un mécanisme transparent et indépendant d’enquête, conformément au concept selon lequel la police doit protéger le public plutôt que de faire appliquer la volonté du gouvernement.

518. De plus, la loi d’habilitation a confié à la Commission un rôle de formulation des politiques afin d’améliorer l’efficacité et l’indépendance des forces de police. Comme dans le cas de la Commission de la fonction publique et de la Commission électorale, les décisions de la Commission de la police sont sujettes à l’appréciation de la Cour suprême dans le cadre de la juridiction conférée à celle-ci en matière de droits fondamentaux par le paragraphe 1 de l’article 126 de la Constitution. La Commission est également responsable devant le Parlement.

Article 26 - Égalité de tous devant la loi

519. Le paragraphe 1 de l’article 12 de la Constitution garantit l’égalité de tous devant la loi et le droit de tous à une protection égale de la loi. La Cour suprême a interprété cet article comme signifiant que toutes les personnes se trouvant dans une situation semblable doivent être traitées de la même façon, tout en permettant de tenir compte des inégalités et incapacités naturelles, sociales et économiques dans l’intérêt de la justice et de l’équité. Autrement dit, la Cour suprême a considéré que le concept de protection égale repose sur une méthode de classification fondée sur des bases claires et intelligibles ayant un rapport rationnel avec l’objectif visé. En outre, la Cour a déterminé que le concept d’égalité présuppose l’honnêteté, l’ouverture et la transparence des actes de l’exécutif et des actes administratifs. De même, la Cour a considéré que le paragraphe 1 de l’article 12 présupposait l’existence de garanties égales interdisant un exercice arbitraire et injustifié des pouvoirs discrétionnaires de l’État.

Article 27 - Droits des minorités

520. Aux termes des articles 10 et 14 de la Constitution, chacun a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, à la liberté de pratiquer sa religion ou de manifester ses convictions dans la pratique ainsi qu’à la liberté de promouvoir sa langue et sa culture. En outre, les groupes minoritaires sont protégés par les Principes directeurs de la politique de l’État consacrés dans la Constitution, qui stipulent que l’État doit renforcer l’unité nationale en encourageant la coopération et la confiance mutuelle entre tous les secteurs de la population, y compris les groupes raciaux, religieux, ethniques et autres, afin d’éliminer la discrimination et les préjugés (paragraphe 5 de l’article 27).

521. A Sri Lanka, les communauté minoritaires tamoules et musulmanes ont le droit de défendre et de promouvoir leur propre culture. Les jours importants, pour des raisons culturelles ou religieuses, pour les Tamouls et les Musulmans, sont fériés et chômés et sont célébrés au plan national sous le haut patronage de l’État. Les médias encouragent et reflètent le pluralisme de la culture sri lankaise. La Sri Lanka Broadcasting Corporation a trois services distincts pour les auditeurs cinghalais, tamouls et musulmans. La Sri Lanka Rupavahini Corporation diffuse ses programmes de télévision en cinghalais, tamoul et anglais. L’État et la presse privée publient des quotidiens et des hebdomadaires dans les trois langues.

522. Aucun effort n’est négligé pour protéger l’identité des divers groupes ethniques. Les programmes de radio et de télévision et la presse sont largement utilisés pour défendre les intérêts d’une société pluraliste. Le tamoul, langue des Tamouls ainsi que de la majorité des Musulmans, a été reconnu langue officielle en 1987 pour bien manifester que la langue constitue un symbole important de la culture. Tous les efforts possibles sont faits pour promouvoir le trilinguisme à Sri Lanka de sorte que la langue devienne un moyen de promotion de la paix, de la coexistence et de la prospérité.

Droits linguistiques

523. Les paragraphes 1 et 2 de l’article 18 de la Constitution stipulent que cinghalais et le tamoul sont les langues officielles du pays et l’anglais la langue véhiculaire (paragraphe 3). En outre, l’article 19 stipule expressément que le cinghalais et le tamoul sont les langues nationales du pays.

524. La Constitution actuellement en vigueur, telle que modifiée par les treizième et seizième amendements, reconnaît l’égalité de statut de la langue de la majorité et des minorités. Le cinghalais et le tamoul sont l’une et l’autre les langues officielles et nationales de Sri Lanka tandis que l’anglais continue d’être la langue véhiculaire.

525. Aux termes des dispositions constitutionnelles, aussi bien le cinghalais que le tamoul sont les langues de l’administration et des tribunaux. Le cinghalais est la langue de l’administration et des tribunaux dans toutes les provinces autres que celles du Nord et de l’Est, où c’est le tamoul qui est utilisé. Ainsi, le tamoul est utilisé pour la tenue des registres publics et pour toutes les formalités officielles dans ces deux provinces. Néanmoins, la Constitution garantit le droit de chacun, dans toutes les provinces du pays, de recevoir et d’envoyer des communications et de traiter avec l’administration en cinghalais, en tamoul ou en anglais ainsi que de consulter et d’obtenir une copie ou un extrait de tous registres, circulaires, actes, publications ou autres documents officiels ou de leur traduction en cinghalais, en tamoul ou en anglais, selon le cas.

526. De même, quiconque a le droit d’introduire une action devant un tribunal, de déposer des conclusions et autres documents et de participer à la procédure judiciaire en cinghalais ou en tamoul. Quiconque ne parle pas la langue utilisée par le tribunal a le droit à ce que les débats soient interprétés en cinghalais ou en tamoul et à obtenir tout élément du dossier en cinghalais ou en tamoul, selon le cas.

527. Par ailleurs, la loi reconnaître le droit de chacun d’être éduqué en cinghalais ou en tamoul et impose à l’État l’obligation de publier toutes les lois et tous les règlements d’application dans les trois langues. En outre, l’État est tenu de promulguer les lois et de fournir les services nécessaires pour que soient appliquées les dispositions pertinentes de la Constitution.

528. La Loi No 18 de 1991 sur les langues officielles a créé une Commission des langues officielles qui, entre autres, exerce les pouvoirs suivants :

a) Entreprendre la revue des règlements, directives ou pratiques administratives qui affectent ou peuvent affecter le statut ou l’utilisation de l’une quelconque des langues pertinentes;

b) Publier ou faire entreprendre les études ou rédiger des documents directifs qu’elle peut juger nécessaires ou souhaitables au sujet du statut ou de l’emploi des langues pertinentes; et

c) Entreprendre des activités d’éducation du public, y compris au moyen de publications ou de campagnes dans les médias, qu’elle juge nécessaire au sujet du statut ou de l’emploi des langues pertinentes.

529. Toute personne dont les droits linguistiques ont été violés peut saisir la Commission des langues officielles pour qu’elle ouvre une enquête (article 18). A l’issue de son enquête, la Commission est tenue de présenter un rapport et de soumettre ses recommandations au Directeur de l’institution publique intéressée (article 23). Si celle-ci ne donne pas suite à ces recommandations dans le délai prescrit, la Commission est autorisée à saisir la Haute Cour de la province (article 25). Dans de telles circonstances, la Cour suprême (sur la requête du Procureur général ou de la Commission) peut ordonner à la Haute Cour provinciale de se dessaisir à son profit (article 26). Aussi bien la Haute Cour provinciale que la Cour suprême ordonnent les mesures qu’elles jugent justes et équitables (article 27).

530. Si un agent public refuse ou néglige délibérément d’instruire une affaire ou de délivrer une copie ou un extrait d’un acte dans la langue demandée, il se rend coupable d’une infraction et est passible, à l’issue d’une procédure sommaire devant un Magistrate, d’une amende de 1 000 roupies au maximum ou d’une peine de prison de trois mois au maximum, ou de l’une et l’autre peines (paragraphe 1 de l’article 28).

531. Bien qu’il ait été adopté une politique de trilinguisme pour que le public puisse utiliser l’une quelconque des trois langues, il existe à l’heure actuelle certaines difficultés qui empêchent d’appliquer intégralement cette politique.

532. Ces difficultés sont imputables aux facteurs ci-après :

a) Les bureaux de l’administration ne sont pas suffisamment trilingues ou bilingues, ce qui est dû au fait que la plupart des diplômés de l’enseignement sont monolingues et que, de ce fait, la plupart des nouvelles recrues de l’administration le sont aussi;

b) L’insuffisance du personnel technique comme traducteurs et interprètes et sténographes.

533. Le gouvernement, agissant par l’entremise du Département des langues officielles, qui est responsable de la mise en œuvre et du suivi de l’application de la Loi sur les langues, s’emploie à surmonter ces problèmes au moyen d’une action concertée. Le programme de plaidoyer mené par le Département dans l’ensemble de l’île repose sur différentes stratégies comme campagnes d’affiches, distribution de tractes et de brochures, séminaires, ateliers, expositions de livres, réunions publiques et publication d’articles dans la presse pour sensibiliser les fonctionnaires à leurs obligations et pour informer le public sur la façon dont la loi sur les langues l’affecte.

534. Le Département des langues officielles a adopté différentes mesures pour mettre en œuvre la politique linguistique qui est à la base des efforts déployés par le gouvernement pour éliminer les difficultés qui empêchent les minorités de jouir de leurs droits linguistiques. Il s’est attaché à élargir les connaissances linguistiques des bureaux de l’administration en organisant dans tout le pays des cours d’enseignement du cinghalais, du tamoul et de l’anglais pour que de plus en plus de fonctionnaires soient bilingues ou trilingues. Ces cours sont réalisés par les Secrétariats de division, Départements des ministères du gouvernement et autres institutions de l’État. Ces cours sont également dispensés au personnel des forces armées. De plus, il a été organisé des séminaires et ateliers à l’intention des agents publics pour leur faire bien comprendre les obligations qui leur incombent à l’égard du public.

535. La Fonction publique sri lankaise comprend quelque 300 000 personnes et, chaque année, quelque 10 000 fonctionnaires suivent les cours de langue organisés par le Département. A l’heure actuelle, le Département s’emploie à mettre en place un laboratoire de langues pour faciliter ses activités de formation et pour organiser des cours de recyclage et de perfectionnement.

536. En outre le Département réalise d’autres activités et a maintenant publié plusieurs brochures pour informer le public de la Loi sur les langues et des droits des citoyens à cet égard. En outre, il a publié des glossaires pour faciliter la traduction des documents, a recruté et formé des traducteurs, a publié tous les formulaires de l’administration dans les langues officielles, traduit dans les trois langues les panneaux affichés en ville et à l’extérieur, publié les circulaires administratives dans les trois langues et mené des programmes de sensibilisation du public touchant la Loi sur la langue.

Discrimination inverse

537. La Cour suprême, dans l’affaire Ramupillai contre Ministre de l’administration publique, des conseils provinciaux et de l’intérieur et al. , a déclaré qu’une discrimination inverse sur la base de l’origine ethnique est légale dans les conditions ci-après :

a) La discrimination doit objectivement justifiée par les faits ou par les conclusions d’organes compétents, une simple apparence ou un simple avis ne suffisant pas. L’action positive a pour objet de remédier aux effets actuels de la discrimination passée et non de perpétuer des contingents fixes. Un traitement privilégié des victimes est préférable à des contingents rigides. Les mesures correctives doivent être de courte durée et être assorties de mécanismes d’examen appropriés;

b) Des contingents raciaux ne peuvent pas être imposés simplement dans le but «corriger» un déséquilibre racial existant, sauf peut-être lorsqu’il existe une sous-représentation ou une sur-représentation grave, chronique et généralisée pouvant donner lieu à une présomption de discrimination passée; et

c) Le remède proposé doit être apprécié de manière rigoureuse à la lumière d’autres intérêts et exigences majeures comme l’efficacité, le statut attaché aux promotion et le droit légitime des employés que de bons et loyaux services seront récompensés.

LE PROCESSUS DE PAIX (statut en avril 2002)

538. Étant donné le clair mandat qu’il a reçu lors du dernier scrutin de régler le conflit ethnique, l’actuel gouvernement a lancé un processus de paix, avec l’aide du Gouvernement norvégien, pour parvenir à un règlement durable au moyen de négociations avec les LTTE.

539. En faisant sien le cessez-le-feu unilatéral annoncé par les LTTE le 24 décembre 2001 et en assouplissant les restrictions imposées au transport d’articles essentiels vers les régions contestées, le gouvernement a manifesté sa ferme volonté de secourir les populations civiles affectées par le conflit.

540. Les deux cessez-le-feu unilatéraux ont été officialisés par un cessez-le-feu mutuellement convenu le 22 février 2002 (copie de l’Accord est jointe). L’Accord envisage une série de mesures progressives pour résoudre les problèmes humanitaires pressants que connaissent les populations dans les régions affectées par le conflit ainsi que différentes mesures de rétablissement de la confiance. Les principales dispositions de l’Accord sont les suivantes :

a) Le gouvernement doit s’abstenir de lancer des opérations offensives contre les LTTE (paragraphe 2 de l’article premier);

b) L’abolition des restrictions concernant le transport d’aliments, de médicaments et d’autres articles essentiels vers les régions contestées à l’exception de sept articles qui peuvent être utilisés à des fins militaires (Annexe A);

c) Relâchement des restrictions imposées à la pêche dans le Nord et dans l’Est (paragraphe 11 de l’article 2);

d) Relâchement des restrictions imposées aux mouvements de populations entre les régions contestées et non contestées et révision des postes de contrôle existants et des mesures de sécurité en vue de prévenir les harcèlements de la population civile (paragraphe 1 de l’article 2);

e) Examen du cas des personnes détenues en vertu de la Loi sur la prévention du terrorisme en vue de libérer celles qui n’ont pas fait l’objet d’une mise en accusation. Le gouvernement s’est également engagé à suspendre les opérations de perquisition et les arrestations en application de cette loi. Cependant, cela n’écartera pas la possibilité d’arrêter et de détenir des personnes conformément à la procédure stipulée par le Code de procédure pénale (paragraphe 12 de l’article 2);

f) Accès sans entraves à la route A9 Jaffna-Kandy pour les civils et les troupes sans armes du gouvernement dans un délai de 60 jours à compter de la signature de l’Accord (paragraphe 10 de l’article premier). En outre, il a été convenu de maintenir ouverte 24 heures sur 24 la route Trincomalle-Habarana (paragraphe 8 de l’article 2) ainsi que de faciliter l’extension du service ferroviaire sur la ligne Batticaloa-Welikanda (paragraphe 9 de l’article 2);

g) Retrait des forces de sécurité des bâtiments pouvant être utilisés à des fins civiles (paragraphes 2 et 3 de l’article 2); et

h) Aux termes de l’Accord, le gouvernement a autorisé les cadres non armés des LTTE, munis de pièces d’identité de pénétrer dans les régions contrôlées par le gouvernement pour y mener une action politique (paragraphe 13 de l’article premier). Lesdits cadres sont également autorisés à rendre immédiatement visite à leurs familles lors de mariages et d’enterrements (paragraphe 3 de l’article premier). Les autres visites ne sont pas autorisées que pour rendre visite à des membres de la famille et à des amis (paragraphe 11 de l’article premier).

541. Simultanément, le gouvernement a décidé de créer un nouveau tribunal pour statuer rapidement sur le cas des personnes détenues en application de la Loi sur la prévention du terrorisme, conformément aux dispositions pertinentes de l’Accord de cessez-le-feu. Le Ministère de la défense a également levé les restrictions imposées aux étrangers, y compris les journalistes, désirant se rendre dans les régions contestées. Des dispositions ont été prises aussi pour ouvrir au trafic civil la route A9 qui relie la péninsule de Jaffna au reste de l’île.

542. Parallèlement aux négociations, il a été entrepris avec l’assistance de partenaires nationaux et internationaux aux échelons aussi bilatéral que multilatéral un programme soigneusement coordonné de relèvement et de reconstruction des régions affectées par le conflit. Les programmes de relèvement ont été formulés de manière à autonomiser les populations affectées pour qu’elles puissent participer au processus démocratique dans le respect des droits de toutes les communautés.

Intégration des droits de l’homme au processus de paix

543. Aux termes de l’Accord de cessez-le-feu, les parties au conflit sont liées par le droit international qui interdit les actes hostiles dirigés contre la population civile, comme les actes de torture et les enlèvements et les harcèlements. De même, les parties sont convenues d’autoriser le libre mouvement des marchandises et des personnes des régions contrôlées par les LTTE vers les autres régions du pays. En outre, dans l’Accord de cessez-le-feu, le gouvernement s’est engagé à observer un moratoire sur l’exercice du pouvoir de perquisition et d’arrestation qui lui a été conféré par la Loi sur la prévention du terrorisme. L’Accord prévoit que c’est le droit commun du pays qui prévaudra et que les infractions pénales seront sanctionnées conformément au Code de procédure pénale.

544. De plus, depuis la signature de l’Accord de cessez-le-feu, la situation en ce qui concerne les droits de l’homme s’est nettement améliorée. En outre, le cessez-le-feu a sauvé des milliers de vies humaines.

545. Le droit international visé au paragraphe 1 de l’article 2 de l’Accord comprend aussi bien les principes généraux du droit international que les dispositions d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et du droit humanitaire. Comme ces dispositions visent essentiellement à prévenir les «actes hostiles contre la population civile», il importe de souligner que des définitions très diverses des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme s’appliquent dans le contexte de l’Accord.

546. Aux termes de l’article 3 de l’Accord de cessez-le-feu, le Chef de la Mission de surveillance à Sri Lanka (Sri Lanka Monitoring Mission – SLMM) est habilité à interpréter les clauses et conditions de l’Accord ainsi que de faire enquête sur les allégations spécifiques de violations qu’auraient commises les parties. Dans l’exercice de ce pouvoir, le Chef de la SLMM est censé, en interprétant largement les dispositions applicables en matière de droits de l’homme et de droit humanitaire, de renforcer le processus de surveillance du cessez-le-feu. La SLMM a un rôle capital à jouer en s’acquittant des responsabilités qui lui sont confiées par l’Accord de manière propre à promouvoir les droits de l’homme et les principes humanitaires. Cela étant, tout acte qui n’est pas expressément prévu par l’Accord comme étant interdit mais est considéré comme une violation des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, par exemple la conscription d’enfants par les LTTE, pourrait être considéré comme une violation de l’Accord.

547. Le respect des droits de l’homme dans le Nord-Est est une question qui est suivie de près par les communautés locales et la communauté international depuis la conclusion de l’Accord de cessez-le-feu entre les LTTE et le gouvernement. Ce dernier a accepté de recevoir une mission d’Amnesty International dans but d’intégrer une composante droits de l’homme dans le processus de paix. Le gouvernement a également accepté d’accueillir une visite de M. Olara Otunnu, Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU chargé de la question des enfants dans les conflits armés. Les recommandations formulées par cette mission auront certainement pour effet de renforcer la composante droits de l’homme du processus de paix.

548. Les négociations directes qui doivent commencer en Thaïlande entre le gouvernement et les LTTE comprendront sans doute deux phases. La première portera, entre autres, sur la nécessité de parvenir à un arrangement intérimaire et la seconde sera consacrée à la recherche d’une solution politique mutuellement acceptable. L’impératif est que tout arrangement, final ou intérimaire, prévoit des garanties démocratiques et assure la protection et la promotion des droits de l’homme sur lesquelles insistent de plus en plus le gouvernement et la société civile. Ce processus constituera également un aspect essentiel d’une démocratie participative qui puisse englober tous les secteurs de la population habitant dans le Nord-Est dans un climat de coexistence pacifique et de pluralisme de nature à protéger les droits civils, politiques, culturels et économiques.