Nations Unies

CERD/C/POL/CO/22-24

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

24 septembre 2019

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de la Pologne valant vingt-deuxième à vingt-quatrième rapports périodiques

1.Le Comité a examiné le rapport de la Pologne valant vingt-deuxième à vingt‑quatrième rapports périodiques (CERD/C/POL/22-24), à ses 2741e et 2742e séances (voir CERD/C/SR.2741 et 2742), les 6 et 7 août 2019. À sa 2758e séance, le 20 août 2019, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction les vingt-deuxième à vingt-quatrième rapports périodiques de l’État partie et se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie. Il tient à remercier la délégation pour les informations qu’elle lui a fournies durant l’examen du rapport et pour les renseignements complémentaires qu’elle lui a communiqués par écrit après le dialogue. Le Comité salue également la participation active des représentants du Commissaire aux droits de l’homme de la Pologne lors de l’examen du rapport de l’État partie valant vingt-deuxième à vingt-quatrième rapports périodiques. Le Comité encourage l’État partie à renforcer sa coopération avec le Commissaire aux droits de l’homme de la Pologne.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ci-après, ou y a adhéré :

a)Le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques, le 20 février 2015 ;

b)Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le 25 avril 2014.

4.Le Comité accueille également avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives, institutionnelles et gouvernementales ci-après :

a)Les modifications apportées à la loi sur la protection des étrangers sur le territoire de la République de Pologne et à d’autres lois, en 2014 et 2015 ;

b)L’adoption du nouveau Plan national d’action contre la traite des êtres humains (2019-2021) ;

c)La création de l’Équipe interministérielle pour la prévention de la promotion du fascisme et d’autres systèmes totalitaires et des crimes d’incitation à la haine fondés sur les différences nationales, ethniques, raciales ou religieuses ou sur l’absence de confession religieuse, en 2018 ;

d)La création du Bureau de la Direction générale de la Police nationale chargé de la lutte contre la cybercriminalité et la nomination de coordonnateurs pour la lutte contre les crimes de haine dans le cyberespace, en 2016 ;

e)L’adoption de la Stratégie nationale de réglementation du secteur audiovisuel (2014-2016).

C.Préoccupations et recommandations

Statistiques

5.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni de renseignements actualisés sur la composition ethnique de la population depuis le recensement national de 2011 et regrette l’absence de statistiques sur les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. Il regrette également l’absence de statistiques et d’informations complètes sur la politique de collecte d’indicateurs socioéconomiques concernant les différents groupes ethniques résidant sur le territoire de l’État partie (art. 2).

6. Rappelant ses directives pour l’établissement des rapports (CERD/C/2007/1) et sa recommandation générale n o  8 (1990) concernant l’interprétation et l’application des paragraphes 1 et 4 de l’article premier de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de rassembler et de lui communiquer des statistiques à jour sur la composition ethnique de sa population, ventilées par appartenance ethnique, origine nationale et langues parlées, compte tenu du principe de l’identification volontaire, et des statistiques sur les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. Il lui recommande également d’élaborer des indicateurs socioéconomiques sur la jouissance des droits protégés par la Convention par les divers groupes ethniques résidant sur le territoire de l’État partie, ventilés par sexe, âge et appartenance ethnique, notamment au moyen d’un dialogue avec les minorités ethniques.

Législation interdisant la discrimination

7.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que la loi de 2010 sur l’égalité de traitement n’interdit pas expressément la discrimination fondée sur l’« origine nationale », la « couleur » et l’« ascendance » et n’est donc pas pleinement conforme à l’article premier de la Convention ;

b)Que les dispositions juridiques existantes interdisant la discrimination raciale ne sont pas appliquées de façon cohérente, pleine et effective ;

c)Que l’État partie n’a pas donné d’exemples détaillés concernant l’invocation des dispositions de la législation devant les tribunaux et d’autres mécanismes de plainte pertinents (art. 1 et 2).

8. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De modifier la loi sur l’égalité de traitement en y inscrivant l’ «  origine nationale », la «  couleur » et l’ «  ascendance » parmi les motifs de discrimination interdits, afin de mettre ce texte en conformité avec le paragraphe 1 de l’article premier de la Convention  ;

b) De garantir l’application pleine et effective des dispositions législatives existantes interdisant la discrimination raciale et de faciliter l’accès effectif de toutes les victimes de discrimination raciale à la justice  ;

c) De renforcer la formation des magistrats aux dispositions de la Convention et de donner des exemples détaillés d’affaires de discrimination raciale jugées par des mécanismes judiciaires et autres mécanismes de plainte compétents.

Institution nationale des droits de l’homme

9.Le Comité note avec satisfaction que le bureau du Commissaire aux droits de l’homme de la Pologne a été de nouveau doté du statut A en 2017 par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme, mais il demeure préoccupé par l’insuffisance des ressources humaines et financières allouées au bureau du Commissaire, en particulier à son Département chargé de l’égalité de traitement, ce qui compromet sa capacité de s’acquitter de ses mandats. Il note toujours avec préoccupation que le Commissaire n’est pas compétent pour examiner les plaintes déposées par des victimes de discrimination raciale concernant des faits relevant de la sphère privée.

10. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De doter le bureau du Commissaire aux droits de l’homme de la Pologne , en particulier son Département chargé de l’égalité de traitement, des ressources humaines et financières nécessaires pour lui permettre de s’acquitter pleinement de ses mandats de manière indépendante et impartiale, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris)  ;

b) De modifier sa législation pour habiliter le Commissaire à enquêter sur les affaires de discrimination raciale relevant de la sphère publique et privée  ;

c) De veiller à ce que les compétences du Commissaire soient pleinement reconnues et respectées et, plus particulièrement, que les demandes formulées par le Commissaire pour engager des poursuites dans des affaires devant faire l’objet d’une mise en accusation publique, y compris les infractions à motivation raciale, donnent lieu immédiatement à une enquête de la part du ministère public national ou des procureurs subordonnés compétents, conformément au paragraphe 5 de l’article 14 de la loi relative au Commissaire aux droits de l’homme.

Cadre institutionnel

11.Le Comité note que le plénipotentiaire du Gouvernement pour l’égalité de traitement, en collaboration avec les plénipotentiaires pour l’égalité de traitement dans les voïvodies et les coordonnateurs pour l’égalité de traitement dans tous les ministères, exerce les fonctions de mécanisme national pour l’égalité de traitement et l’élimination de la discrimination raciale. Il est toutefois préoccupé par :

a)Les ressources insuffisantes et les pouvoirs limités dont le plénipotentiaire disposerait pour coordonner l’action du Gouvernement contre la discrimination raciale ;

b)La dissolution, en 2016, du Conseil pour la prévention de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, qui n’a pas été remplacé par une autre institution ayant un mandat analogue ;

c)Les changements apportés au cadre institutionnel depuis 2015, qui risquent de compromettre l’indépendance du pouvoir judiciaire et du ministère public national, et qui suscitent des inquiétudes quant à l’intégrité de l’application légale des garanties d’égalité.

12. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De renforcer le mandat et les pouvoirs du plénipotentiaire du Gouvernement pour l’égalité de traitement et d’accroître ses ressources financières et humaines afin qu’il puisse assurer une coordination efficace des politiques gouvernementales de lutte contre la discrimination raciale  ;

b) De rétablir le Conseil pour la prévention de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, ou de créer une autre institution multipartite ayant un mandat analogue  ;

c) De prendre des mesures efficaces pour garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire et du ministère public national face aux ingérences politiques.

Cadre d’action

13.Le Comité constate avec inquiétude que les études d’impact du Programme national d’action pour l’égalité de traitement (2013-2016) n’ont pas été rendues publiques, que le Programme d’action n’a pas été reconduit pour les années suivantes et qu’il a été élaboré sans la participation du public ni même la consultation des différents secteurs de l’État, à l’exception du parti au pouvoir.

14. Le Comité recommande à l’État partie de fournir des renseignements détaillés sur les études d’impact et les résultats obtenus dans la mise en œuvre du précédent Programme national d’action pour l’égalité de traitement (2013 - 2016) et d’adopter un nouveau Programme d’action, en consultation avec les organisations de la société civile et le Commissaire aux droits de l’homme.

Discours et crimes de haine à caractère raciste

15.Le Comité constate que les articles 119, 256 et 257 du Code pénal érigent en infraction pénale les discours et les crimes de haine, mais il relève avec une vive préoccupation :

a)Que « la couleur » et « l’ascendance » ne sont pas définis comme motifs d’incitation à la haine ;

b)Que des discours de haine à caractère raciste sont tenus envers des groupes minoritaires, en particulier les musulmans, les Roms, les Ukrainiens, les personnes d’ascendance africaine et asiatique, les juifs et les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, ce qui alimente la haine et l’intolérance et incite à la violence envers ces groupes ;

c)Que des personnalités publiques de premier plan, y compris des personnalités politiques et des responsables des médias, sont souvent à l’origine de ces déclarations offensantes ou manquent à leur responsabilité de dénoncer fermement les discours de haine ;

d)Que le Code pénal ne comporte pas de disposition érigeant expressément en circonstance aggravante la motivation raciste d’une infraction (art. 4 et 6).

16. Rappelant ses recommandations générales n o  15 (1993) sur l’article 4 de la Convention et n o  35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciste, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De veiller à ce que la définition des discours de haine inscrite dans le Code pénal soit pleinement conforme à l’article 4 de la Convention et englobe tous les motifs de discrimination reconnus à l’article premier de la Convention et dans la recommandation n o  R 97 (20) du Comité des ministres du Conseil de l’Europe  ;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter fermement contre les discours de haine raciste et l’incitation à la violence, y compris sur Internet, et de condamner publiquement les discours de haine raciste tenus par des personnalités publiques, y compris des personnalités politiques et des responsables des médias, et de prendre ses distances avec eux  ;

c) D’intensifier ses campagnes publiques afin de combattre les discours de haine, l’incitation à la haine et les crimes de haine, de lutter contre les préjugés et les sentiments négatifs à l’égard des minorités nationales et ethniques, des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, et de promouvoir la tolérance et la compréhension envers ces groupes  ;

d) D’adresser des messages forts aux journalistes et aux responsables du secteur de l’audiovisuel pour leur faire comprendre qu’ils ont la responsabilité d’éviter les discours de haine et les stéréotypes dans la description des communautés minoritaires, de prendre des mesures contre les sites Web faisant la promotion de la haine raciale, en particulier dans le cadre de campagnes électorales, et de surveiller de près le secteur de l’audiovisuel pour supprimer tout contenu qui incite à la haine ou renforce les attitudes xénophobes  ;

e) De modifier le paragraphe 2 de l’article 53 du Code pénal, en faisant expressément de la motivation raciste d’une infraction une circonstance aggravante et en prévoyant des peines plus lourdes pour lutter contre de tels actes.

Interdiction des organisations qui incitent à la discrimination raciale

17.Le Comité prend note de l’interdiction, énoncée à l’article 13 de la Constitution, de « partis politiques et autres organisations […] dont les programmes ou activités cautionnent la haine raciale ou nationale ». Il constate toutefois avec préoccupation que la participation à ces organisations n’est pas encore interdite par la loi. Le Comité est alarmé de constater que des organisations qui incitent à la haine raciale, en particulier celles qui épousent ouvertement l’idéologie nazie et affichent publiquement les symboles du nazisme, du fascisme ou du totalitarisme, continuent d’exister et d’opérer en toute transparence dans l’État partie (art. 4).

18. Le Comité invite instamment l’État partie à  :

a) Veiller à l’application effective des lois déclarant illégaux les partis ou organisations qui incitent à la discrimination raciale ou en font la promotion, tels que le Mouvement national, le Camp national ‑radical, la Jeunesse polonaise, Falanga , Szturmowcy , Niklot , le Congrès national et social, les Nationalistes autonomes, l’association « Fierté et modernité » et la section locale du groupe « Sang et honneur »  ;

b) Modifier le Code pénal pour ériger en infraction la participation à ces organisations, conformément à l’article 4 b) de la Convention et à la recommandation générale n o  35.

Poursuite des infractions à motivation raciale

19.Le Comité salue les efforts que l’État partie a déployés pour former les agents de la force publique, les procureurs et les magistrats aux questions relatives à la discrimination raciale et aux discours et crimes de haine. Il prend note également de la publication, en 2014, des directives du Procureur général sur la conduite des procureurs dans les affaires de discours et de crimes de haine. Il reste toutefois préoccupé par les points suivants :

a)Le pourcentage extrêmement faible de signalements concernant des discours et des crimes de haine, malgré l’augmentation enregistrée du nombre de ces infractions ;

b)Le fait que certaines des infractions à motivation raciale signalées ne sont toujours pas enregistrées et ne font pas l’objet d’une enquête en tant que telles ;

c)Le fait que l’augmentation du nombre de procédures préparatoires et d’inculpations concernant des infractions racistes n’a pas entraîné une augmentation significative du nombre de condamnations ;

d)Le manque de renseignements détaillés sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations relatives à des discours et des crimes de haine à caractère raciste, en particulier de la part de personnalités publiques et de responsables politiques (art. 4, 6 et 7).

20. Le Comité rappelle que, conformément à sa recommandation générale n o  31 (2005) sur la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le faible nombre de plaintes peut indiquer l’existence d’obstacles qui empêchent les victimes d’exercer leurs droits, comme le manque de confiance des victimes dans les institutions et autorités judiciaires de l’État partie. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De prendre des mesures pour encourager et faciliter le signalement des discours et des crimes de haine, notamment en informant davantage le public de l’accès à l’aide juridictionnelle et des recours en justice disponibles, et en veillant à ce que tous les cas soient signalés, à ce que des enquêtes efficaces soient menées et à ce que les auteurs des faits soient dûment poursuivis et sanctionnés  ;

b) De demander à un organisme de recherche indépendant de procéder à une estimation annuelle du nombre de crimes de haine non signalés, avec une analyse des causes et des recommandations pour régler le problème  ;

c) De recruter des personnes appartenant à des groupes minoritaires dans les forces de police et dans l’appareil judiciaire, y compris pour exercer les fonctions de procureurs et d’avocats, et de continuer à dispenser une formation sur le recensement, l’enregistrement, les enquêtes et les poursuites appropriés concernant les discours et les crimes de haine à caractère raciste  ;

d) De donner des renseignements détaillés sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations relatives à des discours et des crimes de haine à caractère raciste, en particulier de la part de personnalités publiques et de responsables politiques.

Situation des Roms

21.Le Comité prend note des renseignements fournis sur les mesures prises pour améliorer la situation des Roms, notamment dans le cadre du Programme pour l’intégration de la communauté rom en Pologne (2014-2020), mais il demeure vivement préoccupé par :

a)La persistance de la discrimination structurelle à l’égard des Roms ;

b)La faiblesse des taux de fréquentation scolaire des enfants roms dans le primaire, leur taux élevé d’abandon scolaire, leur surreprésentation dans les écoles spéciales et leur sous-représentation dans le secondaire et le postsecondaire ;

c)L’extrême pauvreté et les conditions de vie médiocres que les Roms subissent dans des quartiers soumis à la ségrégation et dépourvus d’infrastructures et de services de base appropriés, ainsi que les menaces d’expulsion dont ils font l’objet ;

d)Les taux de chômage élevés parmi les Roms et les écarts de salaires importants entre les Roms et le reste de la société ;

e)Les informations selon lesquelles les Roms sont fréquemment victimes de discours et de crimes de haine et ne bénéficient souvent d’aucune protection adéquate ;

f)Les informations selon lesquelles les forces de l’ordre ont recours au profilage ethnique des Roms.

22. Rappelant sa recommandation générale n o  27 (2000) sur la discrimination à l’égard des Roms, le Comité demande instamment à l’État partie d’améliorer la situation des Roms, y compris en veillant à une coordination à tous les niveaux de l’administration et en associant les communautés roms à l’élaboration, à l’application et à l’évaluation des mesures et des plans d’action en faveur de leur intégration. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination structurelle à l’égard des Roms  ;

b) De poursuivre ses efforts pour mettre fin à toute ségrégation dans l’éducation des enfants roms et de prendre des mesures efficaces, y compris des mesures spéciales, pour améliorer les taux de fréquentation scolaire, y compris dans les établissements d’enseignement supérieur, et les taux de réussite scolaire des enfants roms  ;

c) De prendre des mesures pour mettre fin à l’extrême pauvreté parmi les Roms, d’apporter de véritables solutions aux problèmes de logement, notamment en améliorant les infrastructures et les services de base dans les campements roms avec la participation des communautés roms, et de mettre fin aux expulsions forcées de Roms et aux démolitions de logements  ;

d) De prendre des mesures efficaces pour mettre fin au chômage des Roms et combler les écarts de salaires  ;

e) D’agir pour mettre fin aux discours et crimes de haine dont les Roms sont victimes, de protéger ceux-ci contre les crimes et les violences motivés par la haine, et de veiller à ce que les plaintes pour discours et crimes de haine soient enregistrées et fassent l’objet d’enquêtes et que les auteurs soient poursuivis et condamnés comme il se doit  ;

f) D’empêcher tout profilage ethnique par les forces de l’ordre et d’organiser des formations pour veiller à ce que de telles pratiques soient abandonnées.

Situation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile

23.Le Comité prend note des mesures prises pour faciliter l’accès des enfants étrangers, y compris les enfants réfugiés et demandeurs d’asile, à l’enseignement public gratuit et à des services de soutien scolaire. Le Comité demeure cependant préoccupé par :

a)La persistance de la pratique consistant à détenir des enfants avec leurs parents et des enfants non accompagnés ou séparés dans des centres surveillés de type carcéral pour étrangers, qui soumet les enfants à une expérience traumatisante et les empêche d’avoir accès à une éducation à plein temps ;

b)Les informations selon lesquelles des demandeurs d’asile se sont vu refuser l’entrée sur le territoire de l’État partie ou l’accès aux procédures d’asile par des gardes frontière ;

c)L’insuffisance des programmes individualisés en faveur de l’intégration des réfugiés et des bénéficiaires d’une protection subsidiaire ;

d)Les formes multiples et croisées de discrimination auxquelles se heurtent les femmes migrantes sans papiers qui tentent d’avoir accès à des soins de santé maternelle ;

e)Les informations concernant les discours et les crimes de haine dont continueraient d’être victimes les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile.

24. Rappelant ses recommandations générales n o  22 (1996) sur les réfugiés et personnes déplacées dans le contexte de l’article 5 de la Convention et n o  30 (2004) sur la discrimination à l’égard des non-ressortissants, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De s’abstenir de placer en détention les enfants et les familles avec enfants migrants et demandeurs d’asile, et de prévoir d’autres solutions que la détention, conformément à la loi sur les étrangers  ;

b) De veiller à ce que les demandeurs d’asile soient dûment enregistrés par les gardes frontière , qu’ils soient rapidement orientés vers les services compétents en matière d’asile et qu’ils aient accès à un avocat s’ils le demandent  ;

c) D’augmenter la durée et le montant de l’aide financière accordée aux réfugiés et aux bénéficiaires de la protection subsidiaire afin de faciliter leur pleine intégration dans la société  ;

d) De supprimer tous les obstacles financiers, ainsi que tous les obstacles juridiques, administratifs, linguistiques ou culturels qui entravent l’accès des femmes migrantes sans papiers à des soins de santé maternelle abordables tout au long de la grossesse, notamment en interdisant aux établissements de soins de santé et aux professionnels de la santé de demander aux patients des informations sur leur statut migratoire  ;

e) De prévenir les discours et les crimes de haine visant les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, y compris en menant des campagnes d’éducation sur la tolérance et l’élimination des préjugés et des stéréotypes sociaux, et en veillant à ce que les plaintes pour discours et crimes de haine soient dûment enregistrées et fassent l’objet d’enquêtes et que les auteurs soient poursuivis et condamnés comme il se doit.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

25. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, comme la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention ( n o 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Le Comité encourage l’État partie à adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

26. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

27. À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme adapté de mesures et de politiques, en collaboration avec les personnes d’ascendance africaine et les organisations qui les représentent. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

28. Le Comité recommande à l’État partie d’engager un dialogue avec un large éventail d’organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Diffusion d’information

29. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent auprès de tous les organes de l’État chargés de la mise en œuvre de la Convention, y compris les municipalités, dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra.

Document de base commun

30. Le Comité encourage l’État partie à mettre à jour son document de base commun, qui date du 19 septembre 2014, conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme tenue en juin 2006 (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I). À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 42 400 mots fixée pour ce document.

Suite donnée aux présentes observations finales

31. Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant à l’alinéa a) du paragraphe 10 (institution nationale des droits de l’homme), au paragraphe 12 (cadre institutionnel), aux alinéas b), c) et d) du paragraphe 16 (discours et crimes de haine à caractère raciste) et à l’alinéa a) du paragraphe 18 (interdiction des organisations qui incitent à la discrimination raciale).

Paragraphes d’importance particulière

32. Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 8 (législation interdisant la discrimination), 14 (cadre institutionnel), 20 (poursuite des infractions à motivation raciale) et 24 (situation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile), et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

33. Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant vingt-cinquième à vingt-septième rapports périodiques, d’ici au 4 janvier 2022, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.