Nations Unies

CMW/C/BFA/CO/2

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

19 mai 2022

Original : français

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Burkina Faso *

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Burkina Faso à ses 478e et 479e séances, les 30 et 31 mars 2022. À sa 492e séance, le 8 avril 2022, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir soumis son deuxième rapport périodique, qui a été élaboré en réponse à la liste de points établie avant la soumission du rapport. Il accueille également avec satisfaction les renseignements complémentaires que la délégation, dirigée par le Ministre de la justice et des droits humains chargé des relations avec les institutions, Barthélémy Kéré, lui a communiqués pendant le dialogue.

3.Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de haut niveau, et remercie les représentants de l’État partie pour les informations qu’ils lui ont fournies et pour leur attitude constructive, qui a permis de mener une analyse et une réflexion communes. Il remercie également l’État partie pour ses réponses et renseignements complémentaires soumis dans les vingt-quatre heures qui ont suivi le dialogue.

4.Le Comité constate que le Burkina Faso, en tant que pays d’origine de travailleurs migrants, a fait des progrès dans la protection des droits de ses ressortissants travaillant à l’étranger. Il fait observer cependant que le pays rencontre, en tant que pays d’origine, de transit et de destination, des difficultés en ce qui concerne la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

B.Aspects positifs

5.Le Comité note avec satisfaction la ratification par l’État partie des traités internationaux suivants ou l’adhésion à ceux-ci :

a)La Convention de 2006 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail (no 187) de l’Organisation internationale du Travail (OIT), en juillet 2016 ;

b)L’Accord de coopération entre le Nigéria et le Burkina Faso visant à prévenir et à punir la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, le 12 décembre 2021 ;

c)L’Accord tripartite de coopération en matière de protection des enfants victimes de traite ou en situation de mobilité transfrontalière avec le Bénin et le Togo, en décembre 2019 ;

d)L’Accord de coopération avec le Gouvernement de la Côte d’Ivoire en matière de protection des enfants en situation de mobilité transfrontalière, le 31 juillet 2019.

6.Le Comité salue l’adoption des textes de loi suivants :

a)Le décret no 2022-0065/PRES/PM/MAECBE/MEFP sur les attributions, la composition, l’organisation et le fonctionnement de la Commission nationale pour les réfugiés, le 21 janvier 2022 ;

b)La loi instituant un régime applicable à tous les travailleurs salariés et assimilés, au sein de laquelle le principe de non-discrimination sur la base de la nationalité est réitéré, en 2021 ;

c)La loi no 001-2016/AN portant création d’une commission nationale des droits humains, qui élargit son mandat en matière de promotion, de protection et de défense des droits humains et de traitement des plaintes, adoptée le 24 mars 2016, suivie par l’adoption du décret no 2017-0209/PRES/PM/MJDHPC/MINEFID portant organisation et fonctionnement de la Commission, le 9 mars 2017 ;

d)Le décret no2016-504/PRES/PM/MFPTPS/MS/MFSNF portant détermination de la liste des travaux dangereux interdits aux enfants, le 9 juin 2016.

7.Le Comité note avec satisfaction l’adoption des mesures institutionnelles et politiques suivantes :

a)La Stratégie nationale de migration pour la période 2014-2025, qui offre un cadre politique de référence ainsi que la protection des migrants et la garantie de leurs droits, le 8 février 2017, et son plan d’action pour la période 2019-2023, le 27 novembre 2020 ;

b)Le mécanisme national de référencement des migrants vulnérables au Burkina Faso, pour leur protection et leur assistance, en octobre 2019 ;

c)La création du Ministère de l’intégration africaine et des Burkinabé de l’extérieur, qui traite de toutes les questions relatives à la protection et à la valorisation des Burkinabé de l’extérieur, en janvier 2018.

C.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

8.Le Comité mesure la complexité de la crise politique actuelle dans l’État partie, et les graves violations des droits humains qu’elle induit, commises en particulier par divers groupes terroristes armés. Il mesure également la menace persistante des dérèglements climatiques qui peut nuire à la survie du pays, ainsi que l’effet de cette menace sur la mise en œuvre de la législation, des politiques et des programmes pertinents pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille. Le Comité reconnaît l’instabilité politique, l’insécurité ainsi que les contraintes financières, humaines et de capacité auxquelles l’État partie est confronté. Il rappelle cependant à l’État partie que les droits énoncés dans la Convention s’appliquent à tout moment et qu’il incombe au premier chef à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour les respecter et les garantir, indépendamment des troubles politiques.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générale (art. 73 et 84)

Contexte actuel

9. Le Comité recommande à l ’ État partie de protéger les droits des migrants et des membres de leur famille, en particulier leur droit à la santé, et d ’ atténuer dans le cadre de la coopération internationale les conséquences néfastes de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) en s ’ appuyant sur la note conjointe d ’ orientation sur les impacts de la pandémie de COVID-19 sur les droits humains des migrants , établie par le Comité et le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants. Il recommande en particulier à l ’ État partie de garantir à tous les migrants et aux membres de leur famille un accès équitable à la vaccination contre la COVID-19, indépendamment de leur nationalité, de leur statut migratoire ou de tout autre motif de discrimination interdit, conformément aux recommandations formulées dans ladite note par le Comité et d ’ autres mécanismes régionaux de protection des droits humains .

Législation et application

10.Le Comité prend note de l’élaboration en 2020 d’un avant-projet de loi et de la mise en place en 2021 d’un comité de révision de l’ordonnance no 84-49 du 4 août 1984 relative au droit d’entrée et de sortie du territoire national. Il reste toutefois préoccupé de constater que le projet de loi nouveau n’a pas encore pu être introduit en Conseil des ministres.

11. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ axer d ’ urgence ses efforts sur l ’ élaboration d ’ une loi sur les migrations conforme aux dispositions de la Convention et des autres instruments internationaux pertinents.

Articles 76 et 77

12.Le Comité se réjouit des déclarations faites par la délégation au cours du dialogue indiquant qu’un atelier national de concertation a fait des recommandations en faveur de l’acceptation des déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention, à l’effet de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir des communications émanant d’États parties ou de particuliers. Il fait cependant observer que l’État partie n’a pas encore fait ces déclarations.

13. Le Comité renouvelle sa recommandation formulée dans ses précédentes observations finales et encourage l ’ État partie à faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

Ratification des instruments pertinents

14. Le Comité réitère sa recommandation à l ’ État partie de ratifier dans les meilleurs délais la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o  189) de l ’ OIT.

Politique et stratégie globales

15.Le Comité salue l’adoption de la Stratégie nationale de migration pour la période 2014-2025 et de ses plans d’action pour les périodes 2016-2018 et 2019-2023, et la création du Ministère de l’intégration africaine et des Burkinabé de l’extérieur en 2018. Il regrette toutefois que le Commissariat général à la migration, chargé de suivre et d’évaluer la mise en œuvre de la politique nationale de migration n’ait toujours pas vu le jour. Il s’inquiète également de la multitude de structures qui travaillent sur les migrations et de leur coordination.

16. Le Comité encourage l ’ État partie à mettre en place un mécanisme d ’ évaluation indépendant pour mesurer l ’ impact de sa politique sur les migrations, à l ’ informer des résultats obtenus dans son prochain rapport périodique, et à assurer une coordination efficace de tous les acteurs. Il l ’ invite également à renforcer la visibilité du Ministère de l ’i ntégration africaine et des Burkinab é de l ’ extérieur au sein de tous les pays d ’ accueil, en particulier à l ’ égard de sa diaspora . Le C omité constate l ’ existence d ’ un certain nombre de structures dans le domaine de la migration et recommande la mise en place d ’ un mécanisme de coordination entre elles.

Collecte de données

17.Le Comité se réjouit de la déclaration faite par la délégation au cours du dialogue indiquant que l’État partie prévoit l’établissement d’un observatoire national de la migration. Il est toutefois préoccupé par le manque de données et de statistiques ventilées, en particulier sur les conditions d’emploi des travailleurs migrants et sur les migrants en situation irrégulière en général, car celles-ci pourraient éclairer les mesures de politique migratoire de l’État partie.

18. Renvoyant à ses précédentes observations finales , le Comité recommande à l ’ État partie, dans le cadre de sa S tratégie nationale de migration, de créer une base de données centralisée, incluant des statistiques ventilée s par sexe, âge et origine, en vue de mieux appréhender le contexte migratoire et la situation des travailleurs migrants au sein du pays, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, de permettre une mise en œuvre efficace de sa politique migratoire et de surveiller l ’ application des dispositions de la Convention.

Mécanisme de suivi indépendant

19.Le Comité note avec intérêt l’adoption, le 24 mars 2016, de la loi no 001-2016/AN portant création d’une commission nationale des droits humains, qui élargit son mandat, et l’information donnée par la délégation au cours du dialogue selon laquelle les démarches sont en cours en vue d’obtenir son accréditation auprès de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme. Cependant, il est préoccupé par l’absence d’information sur les activités de sensibilisation menées auprès des travailleurs migrants pour les informer des services offerts par cette institution, sur le nombre de plaintes reçues de la part de travailleurs migrants et sur le traitement qu’elles ont obtenu.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie de permettre à la Commission nationale des droits humains de s ’ acquitter de son mandat dans le plein respect des P rincipes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), d ’ assurer la diffusion d ’ information sur cette institution auprès des travailleurs migrants, et de fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur le nombre de plaintes reçues de la part de travailleurs migrants et le traitement qu ’ elles ont obtenu.

Formation et diffusion de l’information sur la Convention

21.Le Comité note avec intérêt les efforts déployés par l’État partie en matière de formation et de sensibilisation aux droits des migrants décrits dans son deuxième rapport périodique, en particulier la formation de formateurs sur la protection des migrants en situation de vulnérabilité. Il constate néanmoins que ces formations ne sont pas proposées de manière systématique à tous les fonctionnaires qui s’occupent des travailleurs migrants.

22. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que ces programmes soient dispensés systématiquement à l ’ ensemble des fonctionnaires et du personnel s ’ occupant de questions relatives aux migrations, en particulier aux membres des forces de l ’ ordre et des services chargés de la surveillance des frontières, aux juges, aux procureurs, aux agents consulaires, aux membres du Parlement, aux fonctionnaires nationaux, régionaux et locaux, aux agents de l ’ immigration, aux inspecteurs du travail, aux travailleurs sociaux et aux membres des organisations de la société civile.

Participation de la société civile

23.Le Comité est préoccupé par le fait que la société civile participe peu à la mise en œuvre de la Convention.

24. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De fournir aux organisations de la société civile qui s ’ occupent des travailleurs migrants et des membres de leur famille les outils et les moyens nécessaires pour leur permettre de participer véritablement à la mise en œuvre de la Convention et à l ’ application des recommandations formulées dans les présentes observations finales ;

b) De renforcer le dialogue avec les organisations de la société civile.

Corruption

25.Le Comité est préoccupé par l’information parcellaire concernant les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui seraient victimes de harcèlement, de corruption ou d’abus de pouvoir par des agents de la force publique, ou encore d’extorsion et de détention arbitraire.

26. Le Comité recommande à l ’ État partie de recueillir des informations sur ces phénomènes, notamment sur le nombre et le type de plaintes reçues et les sanctions imposées, et de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique. Il recommande également la création de mécanismes sûrs et tenant compte des disparités entre les sexes pour protéger les plaignants contre des représailles.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Principe de non-discrimination

27.Le Comité relève que le principe de l’égalité et de la non-discrimination est posé par la Constitution, et que le Code du travail dispose que toute discrimination en matière d’emploi et de profession est interdite et accorde la même protection aux travailleurs en situation régulière qu’aux travailleurs en situation irrégulière. Toutefois, il regrette de n’avoir pas reçu d’informations sur les pratiques réelles et d’exemples qui permettraient d’évaluer le degré de réalisation du droit à la non-discrimination consacré par la Convention pour tous les travailleurs migrants, qu’ils soient en situation régulière ou non.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur le nombre de plaintes reçues et traitées, ainsi que sur les mesures prises pour appliquer son cadre législatif relatif à la non-discrimination en ce qui concerne les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, quel que soit leur statut.

Droit à un recours utile

29.Le Comité constate que les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, ont le droit de porter plainte en cas de violation de leurs droits et qu’ils peuvent saisir les tribunaux et la Commission nationale des droits humains. Il s’inquiète toutefois de l’absence de données ventilées sur les plaintes enregistrées auprès des inspections du travail émanant de travailleurs migrants, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, et de l’absence d’information sur des affaires ou des procédures engagées par des travailleurs migrants ou des membres de leur famille pour violation des droits reconnus par la Convention.

30. Le Comité recommande à l ’ État partie de ventiler les données au niveau des inspections du travail en vue de prendre en compte celles relatives aux travailleurs migrants, et de prendre des mesures pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille des voies de recours qui leur sont ouvertes en cas de violation des droits reconnus par la Convention. Il invite également l ’ État partie à faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur l ’ application de la Convention et des observations générales du Comité par les juridictions internes et la Commission nationale des droits humains.

3.Droits humains de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Exploitation par le travail et autres formes de mauvais traitements

31.Le Comité prend note du cadre juridique destiné à prévenir et à combattre toute forme d’exploitation ou d’abus des travailleurs migrants, ainsi que le travail forcé, mais il est préoccupé par le manque d’informations sur ces phénomènes.

32. Le Comité recommande à l ’ État partie de recueillir des informations sur les phénomènes d ’ exploitation de travailleurs migrants et de membres de leur famille, en situation tant régulière qu ’ irrégulière, en particulier dans les secteurs de l ’ agriculture, de l ’ exploitation minière, du travail domestique et du tourisme. Il invite également l ’ État partie à faire figurer ces informations dans son prochain rapport périodique.

33.Le Comité relève les efforts déployés par l’État partie pour prévenir et combattre le travail des enfants, et les missions d’identification, de prise en charge et de réinsertion des enfants en situation de rue. Il note particulièrement la signature d’accords de coopération en matière de protection des enfants victimes de traite ou en situation de mobilité transfrontalière avec le Bénin, le Togo, la Côte d’Ivoire et le Nigéria. Il reste néanmoins préoccupé par la persistance du phénomène du travail des enfants migrants, y compris les pires formes de travail des enfants.

34. Le Comité recommande à l ’ État partie, conformément à la cible 16.2 des objectifs de développement durable :

a) D ’ a ugmenter les inspections du travail et de poursuivre, de punir et de sanctionner les personnes ou les groupes qui exploitent les enfants migrants ou les soumettent au travail forcé et à des abus, en particulier dans l ’ économie informelle ;

b) D e d évelopper une stratégie nationale et un programme d ’ action sur l ’ élimination des pires formes de travail des enfants parmi les enfants migrants ;

c) De m aintenir ses actions d ’ assistance, de protection et de réadaptation des enfants migrants qui ont été victimes d ’ exploitation par le travail.

Régularité de la procédure, détention et égalité devant les tribunaux

35.Le Comité prend note des déclarations de l’État partie selon lesquelles il n’applique pas la détention pour infraction à la législation sur l’immigration, il n’existe pas de lieu de détention de migrants, et aucune mesure de renvoi ou d’expulsion de migrants ou de demandeurs d’asile n’a été prise par les autorités. Il note également que le principe de non‑refoulement est réaffirmé par la législation nationale à travers la loi no 042-2008/AN du 23 octobre 2008 portant statut des réfugiés au Burkina Faso, et que l’État partie travaille à maintenir l’espace d’asile. Le Comité note en outre qu’aucune mesure d’expulsion ou de reconduite à la frontière contre un requérant d’asile ne peut être mise en exécution avant que la Commission nationale pour les réfugiés se soit prononcée sur son cas, et que dans tous les cas, ces mesures d’expulsion ou de reconduite à la frontière ne pourraient avoir pour effet de contraindre un demandeur d’asile à retourner ou à demeurer dans un pays où sa liberté serait menacée. Il est toutefois préoccupé par le fait que les activités de suivi de la surveillance des frontières n’ont pas été conduites au cours de l’année 2021 par la Commission nationale pour les réfugiés.

36. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts, par l ’ intermédiaire de la Commission n ationale pour les r éfugiés, pour assurer les activités de suivi de la surveillance des frontières.

Assistance consulaire

37.Le Comité note que les représentations diplomatiques et consulaires burkinabé ont l’obligation de procurer aux Burkinabé de l’étranger une assistance consulaire, et que le Code de procédure pénale oblige les autorités judiciaires qui arrêtent un étranger à informer la représentation diplomatique ou consulaire de son pays d’origine. Il note avec intérêt l’information présente dans le deuxième rapport périodique de l’État partie faisant état de l’organisation régulière de missions consulaires dans les pays accueillant des travailleurs burkinabé et visant à les informer des droits que leur confère la Convention.

38. Le Comité recommande à l’État partie de continuer de renforcer la capacité de ses consulats et ambassades à fournir des services de conseil, d’assistance et de protection aux travailleurs burkinabé et aux membres de leur famille résidant à l’étranger.

Rémunération et conditions d’emploi

39.Le Comité prend note du Code du travail, qui interdit toute discrimination en matière de travail et protège les travailleurs migrants, et s’applique non seulement aux travailleurs du secteur formel mais aussi à ceux du secteur informel. Il relève que les responsabilités et pouvoirs des inspecteurs du travail s’appliquent également au secteur informel mais que ceux-ci ne bénéficient pas d’un statut particulier en accord avec la Convention de 1947 sur l’inspection du travail (no 81) de l’OIT, garantissant leur indépendance. Il est par ailleurs préoccupé par le fait que l’emploi informel demeure très répandu dans les secteurs de l’exploitation minière, de l’agriculture et du travail domestique.

40. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De v eiller à la stricte application du Code du travail en procédant à des inspections régulières et inopinées dans les secteurs où des travailleurs migrants sont employés, que ces secteurs soient structurés ou informels, et de s’assurer que les travailleurs migrants eux-mêmes soient consultés lors de ces inspections et que ces consultations se fassent de manière confidentielle ;

b) De r enforcer la capacité des services d ’ inspection du travail à surveiller de manière efficace les conditions d ’ exécution du travail dans les mines formelles ou informelles, du travail agricole et du travail domestique des travailleurs migrants , et à recevoir, à instruire et à traiter les plaintes concernant des violations présumées ;

c) D’a ccorder au personnel de l ’ inspection du travail un statut et des conditions de service qui le rendent indépendant de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue, en accord avec la Convention de 1947 sur l ’ inspection du travail (no 81) de l ’ OIT, ratifiée par l ’ État partie le 21 mai 1974.

Sécurité sociale

41.Le Comité prend note des accords de coopération passés avec la Côte d’Ivoire le 25 avril 2017 et le Togo le 8 octobre 2019, dans le domaine du travail et de la sécurité sociale, ainsi que des accords de paiement conclus entre la Caisse nationale de sécurité sociale du Burkina Faso et celle du Gabon le 5 février 2019. Tout en notant que l’État partie a signé des accords bilatéraux de sécurité sociale avec plusieurs pays frontaliers qui facilitent le transfert des pensions, le Comité relève avec préoccupation l’absence d’information sur la possibilité pour les migrants de pays avec lesquels il n’y a pas d’accords de transférer leurs prestations de retraite.

42. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les travailleurs migrants qui ont cotisé au système de sécurité sociale puissent transférer leurs prestations de retraite vers le pays de leur choix , et d’inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Soins médicaux

43.Le Comité note qu’aucune distinction n’est faite entre travailleurs nationaux et migrants en matière d’accès aux soins de santé en général et aux soins d’urgence en particulier. Il est cependant préoccupé par le manque d’informations sur l’accès aux soins médicaux des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont en situation irrégulière.

44. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui sont en situation irrégulière, aient accès au système de soins de santé, et de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Enregistrement des naissances et nationalité

45.Le Comité note avec satisfaction le rapprochement des services d’état civil des populations à travers la création de 967 centres secondaires d’état civil depuis 2019. Il note également que les enfants nés dans l’État partie sont enregistrés indépendamment du statut de leurs parents. Le Comité regrette toutefois l’absence d’informations précises sur les mesures prises pour garantir le droit à la nationalité burkinabé des enfants de travailleurs migrants nés à l’étranger et sur la prévention de l’apatridie. Il relève également qu’il n’existe pas de procédure claire pour la détermination du statut d’apatride des travailleurs migrants, procédure que la Convention relative au statut des apatrides recommande d’adopter.

46. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que tous les enfants de travailleurs migrants burkinab é nés à l ’ étranger soient enregistrés à la naissance et reçoivent des services consulaires des documents d ’ identité, et que l ’ enregistrement des naissances soit facilité et gratuit partout et en toutes circonstances, conformément à la cible 16.9 des objectifs de développement durable ;

b) De sensibiliser les travailleurs migrants et les membres de leur famille, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière, à l ’ importance de l ’ enregistrement des naissances ;

c) De mettre en place des procédures claires de détermination du statut d ’ apatride et de faciliter l ’ accès à la citoyenneté, étant donné le rôle essentiel que joue la nationalité dans la façon dont sont traités les individus, en particulier les travailleurs migrants.

Éducation

47.Le Comité note avec préoccupation le faible taux de scolarisation des enfants de travailleurs migrants, en particulier ceux qui sont en situation irrégulière.

48. Eu égard aux observations générales conjointes n o s  3 et 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n o s  22 et 23 (2017) du Comité des droits de l ’ enfant, et ayant à l ’ esprit la cible 4.1 des o bjectifs de développement durable, le Comité recommande à l ’ État partie :

  a) De veiller à ce que tous les enfants de travailleurs migrants, quel que soit leur statut, aient accès à l ’ enseignement préscolaire, primaire et secondaire sur la base de l ’ égalité de traitement avec les citoyens de l ’ État partie, conformément à l ’ article 30 de la Convention ;

b) D ’ inclure dans son prochain rapport périodique des informations complètes sur les mesures prises à cet effet, ainsi que des statistiques sur les taux de scolarisation des enfants de travailleurs migrants en situation irrégulière.

Droit d’être informé et diffusion de l’information

49.Le Comité relève l’élaboration de modules de formation sur la migration, la production d’un dépliant sur les possibilités ouvertes par la migration régulière et l’organisation de séances de sensibilisation dans les principaux foyers de départ des migrants. Il constate néanmoins le manque d’information destinée aux Burkinabé qui ont l’intention de partir travailler à l’étranger.

50. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre sur pied un « guichet migration » dans les grandes villes du pays, afin de fournir aux Burkinab é qui ont l ’ intention de partir travailler à l ’ étranger des informations sur les droits des travailleurs migrants en vertu de la Convention, les conditions d ’ admission et d ’ emploi, et les droits et obligations en vertu de la législation de l ’ État d ’ emploi.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Droit de créer des syndicats

51.Le Comité note avec préoccupation que l’article 281 du Code du travail dispose que les membres chargés de la direction et de l’administration d’un syndicat doivent être de nationalité burkinabé ou ressortissants d’un État avec lequel sont passés des accords de réciprocité en matière de droit syndical, et que les travailleurs non nationaux peuvent accéder aux fonctions de dirigeants syndicaux après avoir résidé de façon continue pendant cinq ans au moins au Burkina Faso.

52. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment de procéder à des modifications législatives, pour garantir à tous les travailleurs migrants le droit de former des syndicats et d ’ être membre s de leur organe exécutif en vue de favoriser et de protéger leurs intérêts économiques, sociaux, culturels et autres, conformément à l ’ article 40 de la Convention et à la Convention de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (n o  87) de l’OIT .

Droit d’élire et d’être élu dans l’État d’origine

53.Le Comité accueille avec satisfaction les révisions du Code électoral intervenues en 2015 et en 2018, garantissant l’exercice effectif du droit de vote des Burkinabé résidant à l’étranger. Il regrette cependant que les Burkinabé de l’extérieur ne puissent être élus à une charge publique dans l’État partie.

54. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures, y compris de nature législative, pour assurer le plein exercice des droits des travailleurs migrants burkinab é résidant à l ’ étranger, notamment celui d ’ être élu dans l ’ État partie conformément à la Convention. Il invite également l ’ État partie à fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations concernant le taux de participation aux élections présidentielle et législatives des Burkinab é vivant à l ’ étranger.

Transfert des revenus et économies

55.Le Comité note avec intérêt les informations données par la délégation lors du dialogue faisant état, d’une part, de politiques incitatives pour les envois de fonds de la diaspora et, d’autre part, de la création, au sein du Ministère des affaires étrangères, de la Direction de la promotion économique et des investissements de la diaspora. Il regrette cependant l’inexistence d’un mécanisme d’encouragement aux investissements dans les domaines productifs de l’État partie, ainsi que de partenariats spécifiques avec des institutions financières destinés à faciliter les envois de fonds vers le Burkina Faso par les travailleurs burkinabé expatriés, et vers leur pays d’origine par les migrants travaillant au Burkina Faso. Il prend note à ce propos des informations fournies par l’État partie concernant les mécanismes de transfert de fonds de la diaspora.

56.Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De s ensibiliser les diasporas migrantes pour qu ’ elles contribuent au processus de développement national grâce à leurs investissements, et de développer une politique spécifique visant à faciliter le transfert de fonds et les conditions d ’ investissement, et à les attirer vers des domaines productifs susceptibles d ’ améliorer la situation économique ;

b) De p rendre rapidement des mesures pour faciliter les envois de fonds vers leur pays d ’ origine par les migrants travaillant au Burkina Faso, en appliquant des frais de transfert et de réception préférentiels, conformément à la cible 10.3 des o bjectifs de développement durable, et de rendre l ’ épargne à l ’ étranger plus accessible aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille dans l ’ État partie.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Services et politiques migratoires

57.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour remédier aux migrations irrégulières des nationaux de l’État partie, comme la mise en place de fonds nationaux de développement afin de soutenir la création d’emplois au profit des jeunes, l’appui à la création d’entreprises par les jeunes ou encore l’organisation de campagnes de sensibilisation à l’endroit de la jeunesse afin de montrer la dangerosité des migrations irrégulières. Il note la signature, le 18 décembre 2017, de l’Initiative conjointe entre le Burkina Faso, l’Union européenne et l’Organisation internationale pour les migrations pour la protection et la réintégration des migrants au Burkina Faso, visant la protection, le retour et la réintégration durable des migrants en situation irrégulière. Le Comité note également que la Stratégie nationale de migration pour la période 2014-2025 prévoit un mécanisme de réinsertion des migrants rapatriés de force ou volontairement ainsi qu’un mécanisme de référencement et des coordonnateurs dans tous les ministères concernés.Le Comité est toutefois préoccupé par le manque d’informations concrètes concernant les mécanismes de réinsertion des migrants.

58. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ assurer la réinsertion durable des travailleurs migrants rapatriés de force ou volontairement, et de l ’ informer des mesures prises à cet égard dans son prochain rapport périodique.

Agences de recrutement

59.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie dans son deuxième rapport périodique concernant le cadre réglementaire et le système d’agrément des agences de recrutement privées opérant dans l’État partie. Il s’inquiète toutefois du très grand nombre de plaintes de travailleurs enregistrées par les services de l’inspection du travail, et dont on ne sait quelle part est à l’encontre des agences de placement. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les organes de contrôle compétents n’interviennent que s’ils reçoivent des plaintes pour violation.

60. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer le cadre réglementaire applicable aux agences de recrutement privées, de consolider le système en place d ’ agrément des agences de recrutement , et d ’ intensifier la surveillance et l ’ inspection de ces agences pour garantir les droits des travailleurs migrants, conformément à la Convention. Il lui recommande également d ’ enquêter sur les pratiques illégales des agences de recrutement et de les sanctionner, le cas échéant .

Traite des êtres humains

61.Le Comité note avec satisfaction la création des brigades régionales de protection de l’enfance, qui luttent contre la traite des personnes, notamment des enfants. Il relève les efforts que l’État partie a déployés pour combattre la traite des personnes en menant, d’une part, des actions de prévention qui ont permis d’enregistrer 240 signalements ou dénonciations de cas de traite en 2016, et, d’autre part, des actions de protection qui ont concerné 1 099 victimes présumées en 2015, 1 442 victimes présumées dont 127 étrangers en 2016, et 1 739 victimes présumées dont 121 de nationalité étrangère en 2017. Il note également avec intérêt que les victimes de la traite et les victimes présumées sont accueillies dans des centres de transit implantés dans 34 localités du pays, en vue de leur retour en famille. Le Comité est néanmoins préoccupé par le nombre réduit de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans les affaires de traite de personnes, ainsi que par l’absence d’information concernant l’élaboration d’un nouveau plan d’action national contre la traite des personnes.

62. À la lumière de son observation générale n o  2 (2013) et des Principes et directives concernant les droits de l ’ homme et la traite des êtres humains du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme, le Comité réitère les recommandations suivantes à l ’ État partie :

a) É laborer et mettre en œuvre un nouveau plan d ’ action national de lutte contre la traite des personnes, en particulier celle des femmes et des enfants, assorti d ’ indicateurs et d ’ objectifs mesurables, et comprenant notamment la collecte systématique de données ventilées sur le trafic et la traite des personnes ;

b) Intensifier les campagnes de prévention, en particulier dans les zones frontalières où les victimes de traite sont les plus nombreuses , et doter le Comité national de vigilance et de surveillance de s ressources financières et humaines suffisantes pour assurer son mandat ;

c) Renforcer les mesures législatives ou autres existantes et en prendre de nouvelles aux fins de poursuites judiciaires par la stricte application de son cadre juridique , afin que les responsables de trafic et de traite soient traduits en justice et dûment punis, dans l’objectif de garantir la lutte contre la traite d ’ êtres humains et de rendre les poursuites plus efficaces contre les auteurs de la traite  ;

d) Développer une formation sensible au genre et adaptée aux enfants pour les responsables de l ’ application des lois, les juges, les procureurs, les inspecteurs du travail, les enseignants, les agents de santé ainsi que le personnel des ambassades et des consulats de l ’ État partie ;

e) Renforcer sa coopération internationale, régionale et bilatérale en adoptant de nouveaux accords et en donnant pleinement effet aux accords existants, avec les pays d ’ origine, de transit et de destination , afin de prévenir le trafic et la traite des personnes.

Mesures en faveur des travailleurs migrants en situation irrégulière

63.Le Comité s’inquiète de l’absence d’informations concernant les mécanismes de régularisation et de données relatives aux migrants en situation irrégulière.

64. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De communiquer des données sur les travailleurs migrants en situation irrégulière, ainsi que des informations sur les procédures de régularisation qui leur sont ouvertes ;

b) De veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille en situation irrégulière aient effectivement accès à des informations sur les procédures en vigueur pour la régularisation de leur situation.

6.Diffusion et suivi

Diffusion

65. Le Comité demande à l ’ État partie de garantir la diffusion rapide des présentes observations finales, dans les langues officielles de l ’ État partie, aux institutions d’ État p ertinentes , notamment auprès des ministères, du Parlement, de l ’ appareil judiciaire et des autorités locales, ainsi qu ’aux organisations non gouvernementales et autres membres de la société civile.

66. Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ entretenir de la mise en œuvre de la Convention et, en particulier, des présentes observations finales avec les organisations de la société civile et de tenir compte des propositions que ces organisations, qui connaissent bien la vie quotidienne des migrants, pourront lui faire au sujet des problèmes spécifiques posés par les migrations au Burkina Faso. À cette fin, le Comité́ recommande à l ’ État partie de créer, en coordination avec les organismes compétents et la société civile, un mécanisme de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des recommandations émanant des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits humains , en particulier celles du Comité, qui permette une évaluation régulière de leur mise en œuvre et associe les organismes des Nations Unies et l ’ institution nationale des droits humains .

Suivi des observations finales

67. Le Comité invite l ’ État partie à lui fournir, dans les deux ans (c ’ est-à-dire le 1 er  mai 2024 au plus tard), des informations écrites sur la mise en œuvre des recommandations figurant aux paragraphes 11 (législation et application) , 26 (corruption) , 32 (exploitation) et 40 (rémunération et conditions d’emploi ) ci-dessus .

Prochain rapport périodique

68. Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son troisième rapport périodique d’ici au 1 er  mai 2027. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur ses directives harmonisées .