NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/92/D/1528/200623 avril 2008

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑douzième session17 mars‑4 avril 2008

DÉCISION

Communication n o 1528/2006

Présentée par:

Pedro José Fernández Murcia (représenté par un conseil, José Luis Mazón Costa)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

26 juillet 2006 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision:

1er avril 2008

Objet:

Décision du Tribunal suprême déclarant irrecevable un pourvoi en cassation

Questions de procédure:

Réévaluation de l’application de la législation nationale

Question de fond:

Égalité devant les tribunaux

Articles du Pacte:

14 (par. 1), 26

Article du Protocole facultatif:

2

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

quatre ‑vingt ‑douzième session

concernant la

Communication n o 1528/2006 *

Présentée par:

Pedro José Fernández Murcia (représenté par un conseil, José Luis Mazón Costa)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

26 juillet 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 1er avril 2008,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication, datée du 26 juillet 2006, est Pedro José Fernández Murcia, de nationalité espagnole, né en 1952. Il se dit victime d’une violation par l’Espagne du paragraphe 1 de l’article 14 et de l’article 26 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Espagne le 25 avril 1985. L’auteur est représenté par un conseil, M. José Luis Mazón Costa.

Exposé des faits

2.1L’auteur de la communication et son épouse étaient défendeurs dans une procédure civile visant à faire annuler l’enregistrement de la propriété d’un terrain acquis en 1987. Les propriétaires initiaux (M. R. M. et F. I. D.) étaient également défendeurs dans la même procédure. La plainte avait été déposée par M. José Torrico, qui alléguait avoir précédemment acheté le même bien à une société dans le cadre d’un contrat privé, sans enregistrer l’acquisition auprès des autorités.

2.2Cette procédure civile découlait d’une action antérieure engagée devant le même juge et dans laquelle M. Torrico avait obtenu la reconnaissance de la validité d’un contrat privé concernant l’acquisition de plusieurs terrains, dont certains avaient été vendus à l’auteur.

2.3Le 8 février 2000, le Tribunal de première instance no2 (Juzgado de Primera Instancia) de Murcie a classé l’affaire. M. Torrico a fait appel devant l’Audiencia Provincial de Murcie qui a annulé la décision le 23 mai 2000. L’Audiencia Provincial a considéré que l’auteur n’avait pas acheté le terrain de bonne foi, de nombreuses preuves attestant qu’il savait que le bien appartenait à M. Torrico. Elle a donc ordonné que l’enregistrement du bien aux noms de l’auteur et de son épouse soit déclaré nul et non avenu. La décision de l’Audiencia Provincial spécifiait que le jugement n’était pas susceptible de cassation.

2.4L’auteur s’est néanmoins pourvu en cassation. Toutefois, le 10 juin 2003, le Tribunal suprême a déclaré que le jugement rendu par l’Audiencia Provincial ne relevait d’aucune des catégories de jugements susceptibles de recours en cassation en vertu de l’article 1687 de la loi de procédure civile. Le Tribunal a estimé que, même si le jugement, dans une mention incidente, requalifiait l’affaire en «demande mineure» (juicio de menor cuantía), catégorie visée par l’article 1687, l’affaire relevait en réalité de l’article 198 de la loi sur les biens fonciers (Reglamento Hipotecario), qui ne prévoit pas la possibilité d’un pourvoi en cassation.

2.5L’auteur n’a pas formé de recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel. En revanche, ses codéfendeurs dans la procédure initiale l’ont fait, en faisant valoir que le refus du Tribunal suprême d’examiner au fond le recours en cassation constituait une violation du droit à une procédure régulière garanti par la Constitution. Le Tribunal constitutionnel a rejeté le recours le 17 janvier 2005, concluant que la décision du Tribunal suprême n’était pas arbitraire ni manifestement erronée. Selon l’auteur, cette décision prouve que le recours en amparo ne constituait pas un recours utile et que, conformément à la jurisprudence du Comité dans les affaires Gómez Vásquezet Joseph Semey, contre l’Espagne, il n’était pas nécessaire d’épuiser des recours qui n’avaient aucune chance d’aboutir.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que le refus du Tribunal suprême d’accueillir son pourvoi constitue une violation du droit à l’égalité devant les tribunaux, garanti au paragraphe 1 de l’article 14 et à l’article 26 du Pacte, parce qu’il est discriminatoire et arbitraire.

3.2L’article 1687 de la loi de procédure civile dispose qu’il est possible de se pourvoir en cassation contre les décisions concernant des questions incidentes (autos) prises en appel par les tribunaux pour l’exécution de jugements qui sont eux-mêmes susceptibles de cassation, lorsque les décisions rendues donnent des éclaircissements sur les questions de fond non controversées dans la procédure principale, ou sur lesquelles il n’a pas été statué dans le jugement, ou qui allaient à l’encontre de ce jugement.

3.3Dans l’affaire à l’examen, bien que l’auteur se soit pourvu en cassation, non pas contre une décision (auto) mais contre un jugement, le jugement en question avait néanmoins été prononcé dans le contexte de la procédure antérieure, dans laquelle M. Torrico avait obtenu la reconnaissance de la validité d’un contrat privé concernant l’acquisition de plusieurs biens. Le jugement concernait une question qui n’avait pas été tranchée dans la procédure principale et par conséquent le Tribunal suprême aurait dû interpréter l’article 1687 de façon à faire droit au pourvoi. Une telle interprétation aurait empêché la discrimination tenant au fait que les décisions (autos) sont susceptibles de cassation mais non les jugements.

3.4L’auteur demande au Comité de constater une violation du paragraphe 1 de l’article 14 et de l’article 26. Il devrait également demander à l’État partie de respecter le droit à un recours utile énoncé au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte en déclarant que l’auteur a le droit de se pourvoir en cassation et de recevoir une indemnisation.

Délibérations du Comité

4.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

4.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

4.3Le Comité doit déterminer si l’État partie a porté atteinte aux droits de l’auteur en vertu du Pacte parce que le Tribunal suprême n’a pas accueilli le pourvoi en cassation de ce dernier. Le Comité rappelle sa jurisprudence constante et réaffirme qu’il n’est pas une dernière instance compétente pour examiner les conclusions de fait ou l’application de la législation nationale, sauf s’il peut être établi que les procédures suivies par les juridictions nationales ont été arbitraires ou ont représenté un déni de justice1. L’auteur n’a pas montré, aux fins de la recevabilité, que la conduite du Tribunal avait été arbitraire ou avait constitué un déni de justice. La communication est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.4En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie, à l’auteur et à son conseil.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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