Nations Unies

CRC/C/SYR/CO/5

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

6 mars 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la République arabe syrienne *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique de la République arabe syrienne (CRC/C/SYR/5) à ses 2344e et 2345e séances (voir CRC/C/SR.2344 et 2345), les 15 et 16 janvier 2019, et a adopté les présentes observations finales à sa 2370e séance, le 1er février 2019.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de la République arabe syrienne ainsi que les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/SYR/Q/5/Add.1), qui lui ont permis de mieux appréhender la situation des droits de l’enfant dans l’État partie. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

II.Mesures de suivi adoptées et progrès réalisés par l’État partie

3.Le Comité prend note des progrès réalisés par l’État partie dans certains domaines, notamment de l’adoption de la nouvelle Constitution, en 2012, et d’un plan d’action national pour l’application de la Convention, ainsi que de la création en 2013 du comité (national/régional) de suivi de l’application des droits de l’enfant dans le cadre de la crise syrienne.

III.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

4.Le Comité a conscience des effets particulièrement délétères du conflit armé en cours, de l’instabilité politique et de la présence de groupes armés − dont certains sont considérés comme des groupes terroristes − ainsi que de la montée de l’extrémisme religieux dans l’État partie, qui conduisent à la commission de graves violations des droits de l’enfant par toutes les parties au conflit, et constituent un obstacle majeur à la mise en œuvre des droits consacrés par la Convention. Le Comité rappelle à l’État partie que les obligations internationales en matière de droits de l’homme ont un caractère continu, que les droits visés par la Convention s’appliquent à tous les enfants et en tout temps et que c’est à l’État partie qu’incombe au premier chef de protéger les enfants et qu’il doit par conséquent prendre des mesures immédiates pour prévenir de nouvelles violences. Le Comité note qu’il est difficile de veiller au respect des droits de l’enfant dans les territoires qui échappent au contrôle de l’État partie, tels que le Golan syrien occupé. Il rappelle à l’État partie que tout au long des efforts de reconstruction, quels qu’ils soient, il a l’obligation de garantir l’intégralité des droits consacrés par la Convention à tous les enfants se trouvant sur son territoire, sans discrimination, où qu’ils vivent, et de promouvoir une culture de tolérance, de paix et de réconciliation dans toutes les communautés.

IV.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Le Comité rappelle à l’État partie le caractère indivisible et interdépendant de tous les droits consacrés par la Convention et souligne l’importance de toutes les recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il appelle l’attention de l’État partie sur les recommandations concernant les domaines ci-après, dans lesquels il est urgent de prendre des mesures : le droit à la vie, à la survie et au développement (par. 21), l’enregistrement des naissances et la nationalité (par. 24), la torture et les mauvais traitements (par. 28), la santé mentale (par. 39), l’éducation (par. 44) et les enfants dans les conflits armés (par. 51).

6.Le Comité recommande à l’État partie d’assurer la réalisation des droits de l’enfant conformément à la Convention, au Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et au Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants à toutes les étapes de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il engage l’État partie à faire en sorte que les enfants participent véritablement à la conception et à l’application des politiques et programmes visant à atteindre les 17 objectifs de développement durables dans la mesure où ils concernent les enfants.

A.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44 (par. 6))

Réserves

7. Le Comité r appelle sa recomm a ndation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 11) et encourage l ’ État partie à envisager de lever sa réserve générale à la Convention et sa réserve à l’article 14 . Il souligne que le droit de l’enfant à la liberté de religion ne devrait pas être vu comme une menace pour la stabilité de la famille ou les devoirs des parents mais bien comme la reconnaissance de l’enfant en tant que sujet de droits dont les capacités évoluent dans le temps .

Législation

8. Le Comité r appelle sa recomm a ndation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 13) et demande instamment à l ’ État partie de  :

a) Adopter rapidement le projet de loi sur les droits de l’enfant, en attente d’adoption depuis 2006, et veiller à ce que cette loi prime les autres lois et garantisse tous les droits à tous les enfants, indépendamment de leurs particularités religieuses ou culturelles  ;

b) Modifier le Code pénal, la loi sur la nationalité et le Code du statut personnel de manière à les mettre en conformité avec le paragraph e 3 de l’art icle 33 de la Constitution .

Politique et stratégie globales

9.Le Comité regret te de ne pas avoir davantage d’i nformation s concernant le plan d ’ action national pour l ’ application de la Convention (CRC/C/SYR/5, par . 15) . Il r appelle sa recomm a ndation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 17) et encourage l ’ État partie à élaborer une politique globale en faveur de l’enfance qui couvre tous les domaines visés par la Convention ainsi qu’une stratégie relative aux droits de l’enfant dotées des ressources huma i n es , techni ques et financi ères n é cessa ires à sa mise en œuvre .

Coordination

10.Le Comité prend note de la création, e n 2014 , de la Commission syrienne des affaires de la f amil le et de la p opulation , chargée de superviser et de coordonner les mesures d’application de la Convention . R appelant sa recomm andation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 15), il recomma nd e à l ’État partie de définir cl a i r ement le mandat et les pouvoirs de cette Commission en ce qui concerne les droits de l’enfant et de la doter des moyens humains, techniques et financiers dont elle a besoin pour être opérationnelle dans les 14 gouvernorats .

Allocation de ressources

11. à la lumière de son observation générale n o 19 (2016) sur l ’ élaboration des budgets publics aux fins de la réalisation des droits de l ’ enfant , l e Comité r appelle sa recomm a ndation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, para . 21) et recomma nd e à l ’ État partie  :

a) D’évaluer de manière exhaustive les crédits budgétaires nécessaires pour répondre aux besoins des enfants, d’allouer des ressources budgétaires suffisante s à la réalisation des droits de l’enfant dans tous les gouvernorats, et de veiller à ce que ces postes budgétaires soient protégés même dans des situations telles que le conflit armé en cours  ;

b) D’ad opter une démarche fondée sur les droits de l’enfant pour l’établissement du budget de l ’ État , en appliquant un système de suivi de l ’ affectation et de l ’ emploi des ressources destinées aux enfants .

Collecte de données

12. Le Comité prend note des efforts que fait l ’ État partie pour que l’unité de l’Office central de s tatisti que chargée des données concernant les enfants reste opérationnelle . R appelant sa recomm a ndation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 23), i l recomma nd e à l ’ État partie  :

a) De faire en sorte que les données recueillies soient ventilées par âge, sexe, handicap, zone géographique, origine ethnique et nationalité, pour faciliter l’analyse de la situation de tous les enfants, en particulier au regard du conflit armé en cours  ;

b) De veiller à ce que les données et les indicateurs soient communiqués à tous les ministères concernés et utilisés pour définir, superviser et évaluer les politiques, programmes et projets adoptés pour mettre la Convention effectivement en œuvre .

Mécanisme de suivi indépendant

13.Rappelant sa recomm a ndation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 19), l e Comité recommande à l ’ État partie de mettre sur pied un mécanisme indépendant de surveillance de la situation des droits de l’enfant qui soit à même de recevoir des plaintes déposées par des enfants, leur donner la suite voulue et mener des enquêtes, dans le respect des besoins des enfants et en garantissant le respect de la vie privée et la protection des enfants victim e s, et qui devrait mener de manière indépendante et dans le respect de la confidentialité des activités de surveillance, de suivi et de vérification , y compris dans toutes les structures où des enfants sont privés de leur liberté ou susceptibles de l’être .

Diffusion, sensibilisation et formation

14. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les mesures qu’il prend pour faire connaître les droits consacrés par la Convention et ses Protocol e s facultatifs , ainsi que pour former aux droits de l’enfant les membres de l’appareil judicia i r e, d e la police, de l’ arm ée et des autres forces de l’ordre, ainsi que les professionnels de l’éducation, les professionnels de santé et les travailleurs socia ux .

Coopération avec la société civile

15.Le Comité salue le fait que l ’ État partie coopère avec des organisations qui apportent un soutien psychologique et social aux enfants victimes du conflit armé, ainsi qu ’ avec des organisations qui facilitent les regroupements familiaux et l ’ accès à des documents d ’ identité . Il rappelle sa recommandation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 29) et recommande à l ’ État partie  :

a) D’associer systématiquement des organisations non gouvernementales et des organisations représentant les enfants à la planification, à la mise en œuvre , au suivi et à l’évaluation des politiques, plans et programmes liés aux droits de l’enfant  ;

b) De veiller à ce que les actes d’intimidation ou de harcèlement, les agressions physiques et les arrestation s arbitraire s dont sont victimes des défenseurs des droits de l ’ homme ou de s militants de la société civile œuvr ant en faveur des droits de l ’ enfant et qui sont signalés donnent lieu à des enquêtes rapides et indépendantes et à ce que les personnes qui en sont responsables aient à répondre de leurs actes .

B.Définition de l’enfant (art. 1er)

16. Le Comité r appelle sa recomm a ndation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 31) et exhorte l ’ État partie à modifier sans délai sa lé gislation de manière à porter l’âge minimum du mariage à 18 an s pour les filles et à supprimer toutes les exceptions à cette règle .

C.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12)

Non-discrimination

17. Le Comité demeure préoccupé par les dispositions discriminatoires figurant dans le Code pénal, le Code du statut personnel et la loi sur la nationalité, qui ont des répercussions sur les enfants en ce qui concerne , notamment, l’ accès à la nationalité, la succession , la reconnaissance de la filiation ou l ’ âge maximal de la garde par la mère . Compte tenu du conflit armé, il est également préoccupé par la discrimination dont des enfants sont victimes en raison du lieu où ils vivent, en particulier en ce qui concerne l ’ accès à l ’ éducation, aux services de santé et à l ’ eau potable . Le Comité demande instamment à l ’ État partie  :

a) D’abroger toutes les dispositions légales discriminatoires à l’égard des filles, comme celles qui instaurent des règles successorales inégales, qui empêchent les enfants d’acquérir la nationalité de leur mère, qui n’autorisent pas l’inscription du nom du père dans les registres d’état civil lorsque l’enfant est né hors mariage ou qui fixent des âges différents pour la garde des filles et celle des garçons  ;

b) De veiller à ce que tous les enfants , sur l’ensemble du territoire aient un accès équitable à l ’ éducation, aux services médicaux et aux services essentiels comme l ’ eau potable, sans discrimination et indépendamment de l ’ endroit où ils vivent .

Intérêt supérieur de l’enfant

18. Renvoyant à son observation générale n o 14 (2013) sur le droit de l ’ enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, l e Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que ce droit soit dûment pris en considération dans les procédures judiciaires relatives au divorc e et à la garde ainsi que dans le contexte du placement d’enfants en institution publique , des opérations milita i r es ou de sécurité et des efforts de reconstruction .

Droit à la vie, à la survie et au développement

19.Le Comité est vivement préoccupé par les effets du conflit armé sur le droit à la vie, à la survie et au développement des enfants en République arabe syrienne, et en particulier par les informations crédibles et corroborées concernant :

a)Les milliers d’enfants tués ou blessés dans des attaques menées par les forces armées syriennes et par d’autres parties au conflit, y compris des frappes aériennes, dans lesquelles sont employées des armes frappant sans discrimination, ayant des effets disproportionnés ou illégales, telles que des barils explosifs, des armes à sous-munitions et des agents chimiques toxiques ;

b)Les centaines d’enfants tués ou blessés par des engins explosifs dans des zones reprises par l’État partie ;

c)Les effets des bombardements et autres attaques sur le bien-être psychologique des enfants ;

d)Les milliers d’enfants privés de liberté par toutes les parties au conflit ;

e)Les filles, les filles yézidies, vendues et réduites à l’état d’esclaves sexuelles par des groupes armés non étatiques ;

f)L’utilisation de la privation d’accès à l’eau comme arme de guerre par toutes les parties au conflit, comme la fermeture de la station de pompage d’al-Khafsa, principale source d’approvisionnement en eau de la ville d’Alep, par des groupes armés, ou encore la coupure de la principale source d’eau de la Ghouta orientale, en périphérie de Damas, une fois celle-ci revenue aux mains de l’État ;

g)Les millions d’enfants privés d’accès à l’alimentation, à l’éducation, aux soins de santé, à l’eau, à l’assainissement et à un niveau de vie minimum, en raison de l’utilisation de la tactique du siège.

20.Le Comité regrette de ne disposer d’aucune information sur ce qui est fait pour que l’armée et les forces de sécurité aient clairement pour instruction de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que des enfants ne soient tués ou blessés et de coopérer avec les mécanismes internationaux des droits de l’homme.

21. Le Comité exhorte l ’ État partie à  :

a) Respecter les principes de légalité, de distinction et de proportionnalité dans la conduite des opérations militaires, s’abstenir de toute action illégale, comme des attaques aveugles délibérées ou l’utilisation d’armes illégales, et prendre toutes les précautions qui s’imposent pour protéger les enfants des conséquences des hostilités  ;

b) Prendre davantage de mesures pour mieux évaluer et comprendre les menaces que peuvent représenter les engins explosifs, en menant par exemple des enquêtes techniques sur les risques d’explosion, dans le souci de préserver le droit des enfants à la vie, à la survie et au développement  ;

c) Prendre des mesures pour répondre aux besoins psychologiques des enfants dont la survie et le développement sont mis en péril par les bombardements et les frappes  ;

d) Prendre rapidement des mesures pour libérer tous les enfants privés de liberté en raison du conflit armé et veiller à ce qu’ils soient traités comme des victimes  ;

e) Faire en sorte que les allégations de violations commises contre des enfants par l’une quelconque des parties au conflit, tout particulièrement celles susceptibles de constituer des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité, donnent rapidement lieu à des enquêtes transparentes et indépendantes  ;

f) Veiller à ce que les filles retenues captives par des groupes armés non étatiques soient libérées en toute sécurité, et mettre un protocole en place pour leur assurer les soins et traitements nécessaires  ;

g) Prendre toutes les mesures voulues pour assurer aux enfants et à leur famille sécurité et protection, et leur permettre de quitter les zones touchées par le conflit pour se mettre en sécurité et accéder à l’aide humanitaire de base  ;

h) Coopérer pleinement avec la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne et avec le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables, en leur laissant libre accès au territoire  ;

i) Enquêter sur les crimes de droit interne et les crimes de droit international commis en République arabe syrienne depuis mars 2011 et en poursuivre les auteurs .

Respect de l’opinion de l’enfant

22. Le Comité rappelle sa recomm andation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 40) et, à la lumière de son observation générale n o 12 (2009) sur le droit de l ’ enfant d ’ être entendu , recommande à l ’ État partie d ’ adopter des textes législatifs reconnaissant le droit de l ’ enfant d ’ être entendu dans les procédures judiciaires et administratives qui le concernent et de mettre au point des outils pour l’organisation de consultations publiques avec les enfants au sujet de l ’ élaboration des politiques nationales .

D.Libertés et droits civils (art. 7, 8 et 13 à 17)

Enregistrement des naissances et nationalité

23.Le Comité note avec une vive préoccupation :

a)Qu’en raison du conflit armé, des enfants, en particulier ceux qui se sont déplacés ou qui vivent dans des zones assiégées ou difficiles d’accès, ne sont pas enregistrés et n’ont pas d’acte de naissance ;

b)Qu’en application de la loi no 4 de 2017, le montant des amendes encourues en cas d’enregistrement tardif d’une naissance a augmenté, ce qui fait que des enfants risquent de ne pas être enregistrés, en particulier dans les zones qui ne sont pas ou qui n’ont pas toujours été contrôlées par l’État ;

c)Que les Syriennes ne peuvent toujours pas transmettre leur nationalité à leurs enfants, ce qui, dans le contexte du conflit armé, risque d’entraîner une augmentation exponentielle du nombre d’enfants apatrides ;

d)Que l’État n’a pas fourni d’informations sur les mesures prises pour que les enfants de mère musulmane et de père non musulman, les enfants nés hors mariage et les enfants nés à la suite de violences sexuelles puissent être enregistrés sans difficultés indues.

24. Rappelant la cible 16 . 9 des objectifs de développement durable et ses recommandations précédentes (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 42 et 44), le Comité demande instamment à l ’ État partie  :

a) De redoubler d’efforts pour rétablir les services de l’état civil sur l’ensemble du territoire, de prendre en considération les difficultés qu’ont les familles vivant ou ayant vécu dans des zones contrôlées par des acteurs non étatiques à obtenir des documents officiels et d’envisager de reconnaître les documents délivrés localement par le mukhtar ou par le cheikh afin de faciliter la délivrance des actes de naissance  ;

b) D’envisager de supprimer les frais perçus en cas de retard dans l’enregistrement des naissances, en particulier pour les familles déplacées et celles vivant dans les zones revenues récemment sous le contrôle de l’État , et d’envisager d’adopter des mesures provisoires visant à promouvoir et faciliter l’enregistrement des naissances, comme la mise en place d’équipes mobiles destinées à aider les familles des zones difficiles d’accès  ;

c) De réviser sa législation afin d’introduire des mesures d’égalité des sexes en ce qui concerne les documents d’état civil, de sorte que les femmes puissent être le responsable légal de leurs enfants, et d’adopter dans les plus brefs délais le projet de modification de l’article 3 de la loi sur la nationalité, qui permet aux femmes syriennes de transmettre la nationalité syrienne à leurs enfants au même titre que les hommes  ;

d) De modifier le Code du statut personnel de sorte que les enfants nés de mère musulmane et de père non musulman, les enfants nés hors mariage et les enfants nés à la suite de violences sexuelles soient reconnus et enregistrés et obtiennent des actes de naissance  ;

e) D ’ envisager de ratifier la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d ’ apatridie .

Liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique

25. Le Comité rappelle sa recommandation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 47) et recommande à l ’ État partie de veiller au respect plein et entier du droit de l ’ enfant à la liberté d ’ expression et à la liberté d ’ association et de réunion pacifique .

Accès à une information appropriée

26. Le Comité prend acte des efforts entrepris pour protéger les enfants des contenus néfastes , mais recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les enfants aient accès à des information s et à des contenus de diverses sources na tional es et international es sous toutes les form e s, y compris sur Internet, afin qu’ils soient exposés à une pluralit é d’ opinions .

E.Violence à l’égard des enfants (art. 19, 24 (par. 3), 28 (par. 2), 34, 37 a) et 39)

Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

27.Le Comité est profondément préoccupé par les informations détaillées et concordantes selon lesquelles des enfants détenus par les forces gouvernementales et par des groupes armés non étatiques seraient victimes d’actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et regrette le manque d’informations sur les mesures prises par l’État partie pour abroger les décrets législatifs no 14/1969 et no 69/2008, qui accordent l’immunité de poursuites aux forces de sécurité et de renseignement, ce qui peut faire obstacle à l’ouverture d’enquêtes indépendantes sur les cas de violences à enfants et entraver l’accès à la justice et à une réparation. Le Comité prend note avec satisfaction de l’ordonnance administrative no 11047/N du 16 août 2011 portant création d’une commission d’enquête militaire conjointe (Ministère de la défense et Ministère de l’intérieur), chargée de mener des enquêtes comme suite aux plaintes mettant en cause des membres des forces de sécurité et de renseignement, mais regrette de ne pas disposer d’informations sur les enquêtes menées dans des affaires de violences à enfants, les affaires de ce type qui ont été portées devant la justice, les peines imposées à leurs auteurs et les réparations accordées aux victimes.

28. Rappelant son observation générale n o 13 (2011) sur le droit de l ’ enfant d ’ être protégé contre toutes les formes de violence , et la cible 16 . 2 des objectifs de développement durable, le Comité engage l ’ État partie à  :

a) Prendre rapidement des mesures pour que tous les enfants détenus dans le contexte du conflit armé soient traités avant tout comme des victimes et ne soient pas exposés au risque d’être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels , inhumains ou dégradants , pour qu’ils soient transférés vers un mécanisme civil approprié de protection de l’enfance et pour que, s’ils sont placés en détention, ce ne soit qu’en dernier ressort et pour la durée la plus brève possible  ;

b) Abroger sans délai les décrets législatifs n o 14/1969 et n o 69/2008, qui accordent l’immunité aux forces de sécurité et de renseignement, mener rapidement des enquêtes indépendantes et transparentes sur toutes les allégations selon lesquelles des enfants auraient subi des actes de torture ou autres peines ou traitements cruels , inhumains ou dégradants , et faire en sorte que les auteurs de tels actes soient dûment poursuivis et sanctionnés et à ce que les victimes obtiennent réparation  ;

c) Accorder à l’Organisation des Nations Unies et au Comité international de la Croix-Rouge un accès sans conditions à tous les lieux dans lesquels des enfants sont détenus ou pourraient l ’ être et de coopérer avec ces instances à la mise en application de leurs recommandations .

Châtiments corporels

29. Le Comité note avec préoccupation que l ’ interprétation de l ’ article 170 du Code du statut personnel n’est pas claire , que les châtiments corporels sont toujours autorisés par la loi et que , dans les familles, l’application de moyens de discipline violents et la violence en général sont répandues . Rappelant son observation générale n o 8 (2006) sur le droit de l ’ enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments et sa recommanda tion précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 54), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D’interdire expressément les châtiments corporels dans tous les contextes et d’abroger sans plus attendre l’article 170 du Code du statut personnel et les dispositions du Code pénal qui autorisent l’administration de châtiments corporels aux enfants  ;

b) De renforcer les programmes d ’ éducation et de sensibilisation du grand public et de mobilisation sociale autour des effets, tant physiques que psychologiques, des châtiments corporels, et de promouvoir des méthodes d ’ éducation des enfants qui soient constructives, non violentes et participatives .

Maltraitance et négligence

30. Le Comité rappelle sa recommandation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 60) et recommande à l ’ État partie d ’ interdire expressément les violences au sein de la famille , de créer une base de données nationale recensant tous les cas de violence familiale , et de promouvoir, avec la participation d ’ enfants, des programmes de proximité visant à prévenir et combattre les violences familiales, la maltraitance à enfant et la négligence .

Exploitation sexuelle et violences sexuelles

31. Le Comité note avec une vive préoccupation que le conflit armé expose filles et garçons au risque d ’ être soumis , tant par les forces de sécurité de l ’ État que par des groupes armés non étatiques , à une exploitation sexuelle et à des violences sexuelles, y compris le viol et, pour les filles, le mariage forcé . Il demande instamment à l ’ État partie  :

a) D’établir les mécanismes, procédures et lignes directrices voulus pour rendre obligatoire le signalement de tout cas d’ exploitation sexuelle d’un enfant ou de violences sexuelles commises sur un enfant  ;

b) De faire en sorte que les membres des forces de sécurité de l’État ou de groupes armés non étatiques ayant violé ou agressé sexuellement un enfant ou s’étant rendu coupables de mariage forcé fassent rapidement l’objet d’une enquête et soient poursuivis et sanctionnés  ;

c) De faire en sorte que tous les enfants soumis à une exploitation sexuelle, sous quelque forme que ce soit, soient traités en victimes et non soumis à des sanctions  ;

d) De redoubler d’efforts pour mettre en place des unités de protection des familles de manière à offrir un abri et des services spécialisés aux enfants victimes sur l’ensemble du territoire .

Violence fondée sur le genre

32. Rappelant la cible 5 . 2 des objectifs de développement durable, le Comité demande instamment à l ’ État partie de faire en sorte que des enquêtes approfondies soient menées, en toute indépendance, sur toute allégation d ’ infraction relevant de la violence fondée sur le genre , comme l ’ imposition de codes vestimentaires religieux et l’administration de coups de fouets aux filles, parfois âgées de 10 ans seulement, qui ne les respectent pas , l’interdiction faite aux filles de se déplacer sans être accompagnées d’un homme de la famille, la lapidation des filles pour adultère ou encore le mariage forcé de filles à des combattants de l ’ État islamique en Ira q et au Levant , et de veiller à ce que les auteurs de ces infractions soient traduits en justice et à ce que les victimes obtiennent réparation . L’ État partie devrait mettre en place à l’intention des juges, des avocats, des procureurs, des policiers et des autres professionnels concernés des formations régulières et approfondies portant sur des procédures normalisées de prise en charge des victimes qui soient adaptées aux enfants et tiennent compte des questions de genre .

Pratiques préjudiciables

33.Le Comité est vivement préoccupé par la hausse du nombre de mariages de filles de moins de 18 ans enregistrée depuis le début du conflit armé et, notant que ces mariages relèvent d’une stratégie inadaptée visant à faire face à l ’ insécurité et à la précarité , prie instamment l ’ État partie  :

a) De créer un mécanisme pour le signalement des mariages d’enfant s et de mettre des services de protection à la disposition des enfants victimes, y compris des filles ayant contracté un mariage non enregistré ou temporaire  ;

b) À la lumière de la recommandation générale n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes/observation générale n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques préjudiciables (2014), d e concevoir des campagnes et des programmes de sensibilisation pour faire connaître les effets néfastes des mariages d’enfants sur la santé physique et mentale et le bien-être des filles comme des garç o ns .

F.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 20, 21, 25 et 27 (par. 4))

Milieu familial

34. Le Comité regrette les effets dévastateur s qu’a le conflit armé sur les familles syriennes et encourage l ’ État partie à renforcer ses mesures visant à soutenir les familles, sans discrimination, en prêtant une attention toute particulière aux familles dirigées par une femme et aux familles vivant dans des zones précédemment contrôlées par des groupes armés non étatiques . Il rappelle sa recommandation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 56) et recommande à l ’ État partie de veiller à ce que , conformément au paragraphe 3 de l’ article 33 de la Constitution syrienne , les mères et les pères partagent dans des conditions d’égalité la responsabilité de leurs enfants dans tous les domaines .

Enfants privés de milieu familial

35.Le Comité prend note des mesures adoptées pour prendre en charge les enfants privés de milieu familial , y compris via les institutions d ’ aide sociale, et recommande à l ’ État partie d’intensifier ses efforts en faveur des enfants qui ont été séparés de force de leur famille ou l’ont perdue au cours du conflit armé, y compris ceux qui vivent dans les zones que l ’ État partie a reconquises . Il regrette le manque de renseignements concernant la situation des enfants placés et , r appelant sa recomma ndation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 58), recommande à l ’ État partie  :

a) De soutenir et privilégier chaque fois que possible l’accueil des enfants en structure de type familial, et de renforcer le système des familles d’accueil, en vue de faire diminuer la proportion d’enfants placés en institution  ;

b) De mettre un terme au placement des orphelins de parents connus et des orphelins de parents inconnus dans des institutions différentes, qui a pour effet d’aggraver la stigmatisation dont ces enfants font l’objet et de réduire leurs perspectives d’avenir  ;

c) D’examiner périodiquement le placement des enfants en famille d’accueil ou en institution et de surveiller la qualité de leur prise en charge  ;

d) De prendre en considération les Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants (résolution 64/142 de l ’ Assemblée générale en date du 18 décembre 2009, annexe) .

G.Handicap, santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) et 33)

Enfants handicapés

36. Le Comité prend note des mesures prises par le Ministère des affaires sociales et du travail pour soutenir les enfants handicapés, mais relève avec inquiétude que le placement en institution continue à prime r . Il est également préoccupé par les effets du conflit armé sur les enfants handicapés, notamment en ce qui concerne l’ accès aux services de santé et à l ’ éducation . Il engage l ’ État partie à adopter une approche du handicap fondée sur les droits de l ’ homme, à mettre au point une stratégie globale d’ inclusion des enfants handicapés et à  :

a) Organiser la collecte de données concernant les enfants handicapés et mettre au point un système performant pour diagnostiquer les handicaps, et renforcer les mécanismes d’orientation et les procédures de gestion des cas  ;

b) Soutenir et encourager la prise en charge des enfants handicapés dans le cadre familial, accélérer la désinstitutionnalisation et encourager le placement en famille d’accueil lorsque le maintien de l’enfant dans sa famille d’origine n’est pas envisageable  ;

c) Définir des politiques et programmes appropriés pour les enfants handicapés, avec leur participation et en prêtant toute l’attention voulue aux enfants dont le handicap résulte du conflit armé  ;

d) Veiller à ce que les enfants handicapés aient accès aux soins de santé et aux services médicaux de réadaptation, y compris un dépistage précoce, un soutien psychosocial et l’accès à des appareils orthopédiques  ;

e) Faire en sorte que, progressivement, tous les enfants handicapés aient accès à une é ducation inclusive .

Santé et services de santé

37. Le Comité est profondément préoccupé par les effets dévastateur s du conflit armé sur les services de santé, et condamne les attaques menées contre des établissements de santé et le personnel médical . Eu égard à son observation générale n o 15 (2013) sur le droit de l ’ enfant de jouir du meilleur état de santé possible , il engage l ’ État partie à  :

a) S’employer sans délai à faire cesser les attaques commises par toutes les parties au conflit contre les établissements de santé et le personnel médical, ainsi qu ’ à enquêter sur ces attaques illégales au regard du droit international humanitaire et du droit international des droits de l ’ homme et à en poursuivre et sanctionner les responsables  ;

b) Relever les budgets alloués à la santé, en accordant la priorité voulue aux infrastructures de santé et au rétablissement des services, et redoubler d’efforts pour reconstruire, remettre en état et équiper les établissements de santé accueillant des enfants  ;

c) Redoubler d’efforts pour garantir l’accès aux services de santé à tous les enfants sans discrimination, dans les zones contrôlées par l ’État mais aussi dans celles contrôlées par des groupes armés non étatiques, et ne pas retirer de matériel médical ni de médicaments des convois à destination de zones assiégées  ;

d) Redoubler d’efforts pour garantir la livraison de vaccins et de médicaments afin de contenir les épidémies de maladies évitables telles que la fièvre typhoïde, la diarrhée aiguë ou le choléra  ;

e) Prendre les mesures qui s ’ imposent pour lutter contre la malnutrition chez les enfants, en particulier les retards de croissance .

Santé mentale

38.S’il prend note des mesures prises par l’État partie pour proposer des services de santé mentale destinés aux enfants dans ses centres de santé, le Comité note avec une profonde préoccupation que les enfants souffrent de diverses maladies mentales en raison du conflit armé et parce qu’ils ont subi des actes de torture, des mauvais traitements, des violences et des sévices sexuels ou des violences fondées sur le genre, ont été mariés, ont été déplacés ou ont été enrôlés par les parties au conflit et ont participé aux hostilités.

39. Le Comité demande instamment à l ’ État partie  :

a) De redoubler d’efforts pour proposer des services de santé mentale aux enfants dans le cadre des soins primaires et secondaires sur l’ensemble du territoire, sans discrimination, en prêtant une attention particulière aux enfants vivant dans des zones qui ont été reprises par l’État ou qui ont connu une période de siège  ;

b) D’augmenter le nombre de médecins et de travailleurs de santé formés à l’utilisation du Guide d’intervention mhGAP, publié par l’Organisation mondiale de la S anté dans le cadre du Programme d’action Combler les lacunes en santé mentale, en mettant l’accent sur la prise en charge des enfants  ;

c) De privilégier l’accompagnement psychologique et les thérapies par rapport à la médication  ;

d) D’encourager et de faciliter l’accès des enfants à des services de santé mentale dans les zones contrôlées par des groupes armés non étatiques  ;

e) De continuer à coopérer à cet égard avec l ’ Organisation mondiale de la S anté, entre autres .

Santé des adolescents

40.Rappelant ses observations générales n o 4 (2003) sur l a santé et le développement de l ’ adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l ’ enfant et n o 20 (2016) sur la mise en œuvre des droits de l ’ enfant pendant l ’ adolescence , ainsi que la cible 3 . 7 des objectifs de développement durable, le Comité rappelle sa recommandation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 66) et recommande à l ’ État partie  :

a) D’adopter une politique globale en matière de santé sexuelle et procréative pour les adolescents, et de veiller à ce que la santé sexuelle et procréative fasse partie des programmes scolaires obligatoires et que des informations sur ce sujet soient disponibles dans les centres de santé et les autres espaces fréquentés par des adolescents  ;

b) De définir et d’appliquer une politique de prévention des grossesses chez les adolescentes, de protéger les droits des jeunes filles enceintes et des mères adolescentes et de leurs enfants, et de combattre la discrimination dont ces filles et leurs enfants sont l ’ objet, en prêtant une attention particulière aux filles mariées de force à des combattants depuis le début du conflit armé .

Salubrité de l’environnement

41. Préoccupé par les atteintes à l ’ environnement causées et exacerbées par la contamination liée aux armes, la détérioration d ’ infrastructures essentielles comme les installations de traitement des eaux et les systèmes d ’ évacuation des eaux usées, et la mise à mal des services environnementaux dans le contexte du conflit armé, par les risques qu’elles représente nt pour la santé des enfants , immédiatement et à long terme, et par les conséquences à long terme pour l ’ environnement, le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un système d’intervention et d ’ assistance de nature à renforcer la protection de la population, en particulier des enfants, et de l ’ environnement .

Niveau de vie

42. Le Comité s ’ inquiète du nombre élevé d ’ enfants souffrant de la pauvreté et n ’ ayant pas accès à un niveau de vie minimum en raison du conflit armé . Il recommande à l ’ État partie d ’ augmenter de manière substantielle ses investissements dans les politiques de protection sociale, de sorte que les enfants en situation de pauvreté perçoivent une aide financière suffisante et aient accès sans discrimination à des services gratuits , et de donner la priorité à l ’ accès à l ’ eau potable, à l ’ assainissement et au logement ainsi qu ’ à l ’ accessibilité, y compris financière, de la nourriture .

H.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28 à 31)

Éducation, y compris la formation et l’orientation professionnelles

43.Le Comité est extrêmement préoccupé par les répercussions catastrophiques du conflit armé sur l’accès à l’éducation des enfants, et plus particulièrement :

a)La détérioration de la qualité de l’éducation, la pénurie d’enseignants qualifiés et les dégâts très importants subis par les bâtiments scolaires, qui sont tels qu’un grand nombre d’établissements ne sont plus en état de fonctionnement ;

b)Les attaques répétées et délibérées perpétrées par les parties au conflit contre des bâtiments scolaires et des membres du personnel, et l’utilisation d’écoles à des fins militaires ou à d’autres fins ;

c)Le nombre d’enfants et de membres du personnel scolaire tués et blessés dans des attaques contre des écoles ;

d)Les millions d’enfants qui seraient non scolarisés ou risqueraient de quitter l’école, souvent en raison des déplacements ;

e)Les problèmes d’accréditation des apprentissages auxquels se heurtent les enfants inscrits dans les écoles des zones contrôlées par des groupes armés non étatiques et les difficultés qu’ont ces enfants à se présenter aux examens nationaux ;

f)La situation dans le nord-est du pays, où les autorités kurdes ont mis en place un programme scolaire distinct, ce qui selon les estimations empêche quelque 800 000 élèves de poursuivre leur scolarité.

44. Le Comité engage vivement l ’ État partie à  :

a) Redoubler d’efforts pour améliorer la qualité de l’éducation, veiller à ce que les enseignants soient en nombre suffisant et leur assurer une formation solide, et donner dans ses efforts de reconstruction un rang de priorité élevé à la remise en état des écoles  ;

b) Cesser immédiatement toutes les attaques contre les écoles, prendre rapidement des mesures pour que toutes les parties au conflit respectent le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme et respectent les écoles en tant que sites protégés, et adopter des textes de loi et des directives interdisant et réprimant les attaques contre les écoles et l’utilisation des bâtiments scolaires à des fins militaires  ;

c) Prendre des mesures pour réparer les dommages causés aux enfants par les attaques menées contre des écoles  ;

d) Continuer à prendre des mesures pour garantir l’accès des enfants à l’enseignement primaire et secondaire et pour maintenir les élèves dans le système scolaire, y compris la mise en place de possibilités d’apprentissage temporaires et de transition destinées aux enfants qui ont manqué plusieurs années d’école, en prêtant une attention particulière aux enfants déplacés par le conflit armé et à ceux qui vivent dans les zones reprises par l’État  ;

e) Aider les enfants des zones contrôlées par des groupes armés non étatiques à se présenter aux examens nationaux et à faire reconnaître leur niveau d’instruction  ;

f) Prendre les mesures nécessaires, y compris la promotion du dialogue et l’adoption de mesures de consolidation de la paix, pour que les enfants vivant dans les zones gérées par les autorités kurde s puissent suivre les programmes scolaires nationaux et retourner à l ’ école .

Buts de l’éducation

45. À la lumière de son observation générale n o 1 (2001) sur les buts de l ’ éducation, le Comité rappelle à l ’ État partie la nécessité d ’ une approche équilibrée de l ’ éducation, qui permette de concilier diverses valeurs grâce au dialogue et au respect de la différence, et lui recommande de veiller à ce que les programmes scolaires et les autres outils pédagogiques favorisent le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et prépare nt l ’ enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance et d ’ égalité entre les sexes .

Repos, loisirs et activités récréatives, culturelles et artistiques

46. Rappelant son observation générale n o 17 (2013) sur le droit de l ’ enfant au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives et de participer à la vie culturelle et artistique , le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accorder dans ses efforts de reconstruction toute l ’ attention voulue à la mise en place pour les enfants d ’ espaces sûrs, accessibles et inclusifs qui soient propices au jeu et à la socialisation, en particulier dans les zones reprises par l ’ État , et d ’ associer pleinement les enfants à la définition des politiques et activités en faveur du jeu et des loisirs à l ’ échelon communautaire .

I.Mesures de protection spéciales (art. 22, 30, 32, 33, 35, 36, 37 b) à d) et 38 à 40)

Enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou rapatriés

47. Le Comité, rappelant les observations générales conjointes n o s 3 et 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n o s 22 et 23 (2017) du Comité des droits de l ’ enfant sur les droits de l ’ homme des enfants dans le contexte des migrations internationales , recommande à l ’ État partie d ’ adopter une loi concernant les demandeurs d ’ asile et les réfugiés, de faire en sorte que les enfants aient accès à des documents d ’ identité, aux services de santé, à l ’ éducation et à un niveau de vie minimum, de prendre des mesures pour faciliter le retour volontaire et digne, dans des conditions de sécurité, des enfants syriens, et d ’ envisager d ’ adhérer à la Convention relative au statut des réfugiés .

Enfants déplacés à l’intérieur du pays

48. Le Comité prie instamment l ’ État partie d’accroître sensiblement les ressources allouées aux personnes déplacées à l ’ intérieur du pays et de mettre en place des programmes ciblés en faveur des enfants de manière à garantir un niveau de vie suffisant aux enfants et à intégrer les enfants et les familles déplacés dans les dispositifs d ’ assistance sociale, et de faire en sorte que tous les services et programmes publics leur soient accessibles, y compris en simplifiant les procédures d’enregistrement .

Enfants dans les conflits armés

49.Le Comité est gravement préoccupé par les informations crédibles et corroborées concernant d’innombrables violations graves commises contre des enfants par toutes les parties au conflit, en particulier :

a)Des attaques aveugles, dont des frappes aériennes, l’utilisation d’armes chimiques, de barils explosifs et d’engins explosifs improvisés, et le recours à des tactiques de siège, en violation flagrante des droits de l’enfant et au mépris des principes de distinction, de précaution et de proportionnalité qu’impose le droit international humanitaire ;

b)L’enrôlement d’enfants et leur utilisation dans les hostilités, y compris des enfants de moins de 15 ans, dont certains d’à peine 4 ans, et des enfants d’origine étrangère, par des groupes armés et, parfois, par les forces armées et les milices affiliées à l’État ;

c)La privation de liberté imposée à des enfants en raison de leur association réelle ou supposée aux forces de sécurité ou aux groupes armés non étatiques ;

d)L’enlèvement d’enfants, dont certains n’ont que 3 mois, pour divers motifs, y compris aux fins d’échanges de prisonniers, en représailles d’une supposée affiliation de membres de la famille à une partie au conflit ou aux fins de l’obtention d’une rançon ;

e)Le nombre élevé d’enfants qui vivent dans des zones où se trouvent des dispositifs explosifs, y compris des munitions larguées par avion, des armes terrestres, des engins explosifs improvisés et des mines antipersonnel, et le retour de populations dans des zones où elles risquent d’être victimes d’engins explosifs, comme à Alep et à Raqqa ;

f)La situation des enfants nés de mères non syriennes qui se trouvent actuellement dans des camps pour personnes déplacées en territoire contrôlé par l’administration kurde.

50.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les travaux du comité national/régional de suivi de l’application des droits de l’enfant dans le cadre de la crise syrienne et de la commission judiciaire spécialisée présidée par le Procureur général.

51. Le Comité exhorte l ’ État partie à  :

a) Prendre rapidement des mesures pour empêcher que des enfants soient victimes d’attaques aveugles ou de l’utilisation d’armes ou de tactiques de guerre illégales, et publier en ce sens des directives militaires qui établissent clairement les procédures et les sanctions applicables en cas de non-respect  ;

b) Appliquer pleinement la loi n o 11 de 2013 qui interdit l’enrôlement d’enfants et leur utilisation dans des hostilités, et prendre rapidement des mesures pour enquêter sur les cas d’enrôlement d’enfants, et poursuivre et sanctionner les responsables  ;

c) Redoubler d’efforts pour mettre en œuvre le plan de travail national visant à prévenir et réprimer l’enrôlement d’enfants, et élaborer une stratégie nationale pour la réadaptation et la réinsertion des enfants enrôlés par les forces de sécurité et par des groupes armés non étatiques  ;

d) Veiller à ce qu’aucun enfant ne soit privé de liberté en raison d’une association réelle ou supposée avec une partie au conflit et à ce que les enfants concernés soient traités avant tout comme des victimes et soient, selon qu’il convient, orientés vers des services de réadaptation ou vers le système de justice pour mineurs  ;

e) Prendre rapidement les mesures nécessaires pour prévenir les enlèvements d’enfants par les groupes armés non étatiques comme par les forces armées et assurer la libération sans condition des enfants concernés et leur retour dans leur famille  ;

f) Intensifier son action de sensibilisation pour réduire les risques liés à la présence de mines, augmenter sensiblement les ressources allouées au déminage, prendre des mesures d’atténuation dans les zones en cours ou en attente de déminage, et offrir des services d’appui spécialisés aux enfants victimes de l’explosions d’engins  ;

g) Se mettre en relation avec les autorités kurdes afin de réaliser une analyse individuelle de la situation de chacun des enfants nés de mère non syrienne se trouvant dans un camp, en vue de déterminer les mesures à prendre pour lui assurer les meilleurs soins, le meilleur développement et la meilleure réadaptation possibles  ;

h) Rendre régulièrement compte publiquement des travaux du comité national/régional de suivi de l ’ application des droits de l ’ enfant dans le cadre de la crise syrienne .

Exploitation économique, notamment le travail des enfants

52. Le Comité est préoccupé par le nombre croissant d ’ enfants qui travaillent , y compris dans des conditions dangereuses ou dans des conditions de vulnérabilité et, notant que le travail des enfants est une façon de faire face aux difficultés causées par le conflit armé, il recommande à l ’ État partie d ’ adopter le projet de plan national d ’ action contre les pires formes de travail des enfants et de redoubler d ’ efforts pour appliquer dans les faits le mémorandum d ’ accord qu ’ il a signé à ce sujet avec l ’ Organisation internationale du Travail .

Enfants en situation de rue

53. Le Comité est préoccupé par la hausse du nombre d ’ enfants qui sont en situation de rue et mendient . Rappelant sa recommandation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 79), il recommande à l ’ État partie de dépénaliser la mendicité, d ’évit e r le placement de ces enfants en institution et d’élaborer , avec la participation de ces enfants , des mesures en faveur de leur réadaptation et de leur insertion sociale .

Vente et traite d’enfants

54. Le Comité prend note avec un profond regret des cas de trafic et de vente d ’ enfants, essentiellement à des fins de participation aux hostilités pour les garçons et d ’ exploitation sexuelle pour les filles, et enjoint l ’ État partie à accroître ses efforts pour mettre pleinement en œuvre le plan national de lutte contre la traite des êtres humains , pour mener des enquêtes sur ces faits poursuivre et sanctionner leurs auteurs, et soutenir les enfants victimes .

Administration de la justice pour mineurs

55. Se référant à son observation générale n o 10 (2007) sur les droits de l ’ enfant dans le système de justice pour mineurs et rappelant sa recommandation précédente (CRC/C/SYR/CO/3-4, par . 86), le Comité recommande à l ’ État partie de relever l ’ âge légal de la responsabilité pénale , d’élargir la loi sur les mineurs (loi n o 18) à tous les moins de 18 ans , de veiller à ce que les enfants placés en détention soient détenus séparément des adultes , d’enquêter sur tous les cas de maltraitance et de violence et d ’ en punir les auteurs , de donner accès à l’aide juridique aux enfants en conflit et de faire en s orte que les enfants aient accès à un mécanisme confidentiel, sûr et adapté à leur âge pour déposer plainte concernant leur privation de liberté .

Enfants victimes ou témoins d’infractions

56. Le Comité exhorte l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour que les enfants victimes d ’ infractions −  notamment de torture ou autres peines ou traitements cruels ou dégradants, d ’ exploitation sexuelle ou de violences sexuelles, de mariage d ’ enfant, d ’ enrôlement et d ’ utilisation dans les hostilités, de vente et de traite  − bénéficient de programmes spécialisés de protection de l ’ enfance en vue de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion, en tenant compte des besoins différents des garçons et des filles, à leu r accorder réparation selon qu’il convient .

J.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

57. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications , afin de renforcer encore le respect des droits des enfants .

K.Ratification d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

58. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées , à laquelle il n ’ est pas encore partie, afin de renforcer encore le respect des droits de l ’ enfant .

L.Coopération avec les organismes régionaux et internationaux

59. Le Comité recommande à l ’ État partie de coopérer avec les organisations régionales et internationales, notamment la Commission d ’ enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne et le Mécanisme international, impartial et indépendant, pour la bonne mise en œuvre des droits de l ’ enfant .

V.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

60. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre . Il recommande également que le cinquième rapport périodique, les réponses écrites de l ’ État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés dans les langues du pays .

B.Mécanisme national d’établissement des rapports et de suivi

61. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place un mécanisme national d ’ établissement des rapports et de suivi, en tant qu ’ organisme permanent de l ’ État, qui soit chargé de coordonner et d ’ élaborer les rapports devant être présentés aux mécanismes internationaux et régionaux des droits de l ’ homme et de nouer un dialogue avec ces mécanismes, et de coordonner et suivre l ’ exécution des obligations conventionnelles et la mise en œuvre des recommandations et des décisions émanant desdits mécanismes . Le Comité souligne que cette structure devrait bénéficier de l ’ appui adéquat et permanent d’ un personnel qui lui soit spécialement affecté et devrait être à même de consulter systématiquement la société civile .

C.Prochain rapport

62. Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son rapport valant sixième et septième rapports périodiques le 13 février 2024 au plus tard et à y faire figurer des renseignements sur la suite donnée aux présentes observations finales . Ce rapport devra être conforme aux directives spécifiques à l ’ instrument adoptées le 31 janvier 2014 (CRC/C/58/Rev . 3) et ne pas dépasser 21 200 mots (voir la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, par .  16) . Si l ’ État partie soumet un rapport dont le nombre de mots excède la limite fixée, il sera invité à en réduire la longueur de manière à se conformer à la résolution susmentionnée . S ’ il n ’ est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins d ’ examen par le Comité ne pourra pas être garantie .

63. Le Comité invite en outre l ’ État partie à soumettre un document de base actualisé qui ne dépasse pas 42 400 mots et soit conforme aux prescriptions applicables aux documents de base figurant dans les directives harmonisées concernant l ’ éta blissement des rapports à présenter en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (HRI/GEN/2/Rev . 6, chap .  I), et au paragraphe 16 de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale .