Nations Unies

CAT/C/MNG/CO/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

5 septembre 2016

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de la Mongolie *

Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique de la Mongolie (CAT/C/MNG/2) à ses 1443e et 1445e séances, tenues les 2 et 3 août 2016 (CAT/C/SR.1443 et CAT/C/SR.1445), et a adopté, à sa 1453e séance, le 9 août 2016, les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité prend note avec satisfaction du rapport soumis par l’État partie en vertu de la procédure simplifiée pour l’établissement des rapports. Il se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, et la remercie des réponses qu’elle a apportées oralement.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adhéré aux instruments internationaux suivants ou les a ratifiés :

a)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 11 décembre 2014 ;

b)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 9 octobre 2014 ;

c)Le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le 5 janvier 2012.

Le Comité salue les mesures importantes prises par l’État partie pour réviser sa législation dans des domaines intéressant la Convention, notamment :

a)L’adoption de la loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains et la création de la Sous-Commission de la prévention et de l’élimination de la traite chargée de coordonner l’application de la loi, le 19 janvier 2012 ;

b)L’adoption, en 2013, de la loi relative à la protection des victimes et des témoins ;

c)L’adoption, le 5 juillet 2013, de la loi relative à la police, qui prévoit, en son article 40.5, que la Commission nationale des droits de l’homme assure, dans les limites de son mandat, une surveillance des activités des services et des fonctionnaires de police ;

d)L’adoption, en 2013, de la loi relative à l’aide juridictionnelle pour les défendeurs indigents ;

e)L’adoption, en 2015, de la loi relative au maintien de l’ordre ;

f)L’adoption, le 3 décembre 2015, d’une version révisée du Code pénal, qui, entre autres nouveautés, contient une définition de la torture, abolit la peine de mort, érige la violence intrafamiliale en infraction, interdit la discrimination fondée sur différents motifs et proscrit les crimes de haine et les discours incitant à la haine ;

g)L’adoption, le 13 mai 2016, d’une version révisée du Code de procédure pénale, qui, notamment, interdit expressément la torture et l’utilisation de déclarations obtenues par la torture comme éléments de preuve dans une procédure judiciaire.

Le Comité salue également les initiatives prises par l’État partie pour modifier ses politiques, programmes et mesures administratives afin de donner effet à la Convention, notamment :

a)L’instauration en 2010, par le Président de la Mongolie, d’un moratoire sur toutes les exécutions ;

b)La mise en œuvre du plan national d’action pour l’élimination des pires formes de travail des enfants lancé en 2011 ;

c)L’adoption, le 11 décembre 2011, conformément à la résolution no 214, des directives relatives au contrôle, par le procureur, de l’exécution des peines, qui portent notamment sur la surveillance des conditions de détention et la procédure de dépôt des plaintes ;

d)L’adoption, le 5 février 2013, de la résolution no A/14 du Procureur général de Mongolie sur les procédures régissant les mesures relatives à la détention provisoire, qui prévoit notamment que l’agent chargé de proposer le placement en détention provisoire doit agir avec diligence et informer la personne concernée, les membres de sa famille et son avocat de la décision de la placer en détention dans un délai de vingt-quatre heures ;

e)Le plan d’action du Gouvernement pour la période 2012-2016, qui définit des mesures visant à limiter les cas où des restrictions des droits de l’homme sont imposées en dehors du cadre juridictionnel ;

f)L’élaboration d’un plan national d’action pour la période 2015-2020 en vertu de la loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains ;

g)La diffusion des recommandations no 3/207 et no 3/1788 de la Commission nationale des droits de l’homme à tous les agents de police et au personnel pénitentiaire dans le but de prévenir la torture et les mauvais traitements ;

h)La mise en place de groupes d’experts des droits de l’homme dans tous les centres de détention.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions relevant du suivi restées en suspens depuis le précédent cycle de présentation des rapports

Le Comité regrette de ne pas avoir obtenu les renseignements qu’il avait demandés sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 9, 11, 16 et 19 de ses précédentes observations finales, qui portaient respectivement sur : a) l’impunité des auteurs d’actes de torture ; b) les plaintes pour torture et les enquêtes ouvertes sur les allégations de torture ; c) les conditions de détention ; et d) les condamnés à mort et la peine capitale.

Entrée en vigueur de la législation révisée

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par le Parlement des versions révisées du Code pénal et du Code de procédure pénale, respectivement le 3 décembre 2015 et le 13 mai 2016, mais il est préoccupé par les informations indiquant que l’entrée en vigueur de ces textes pourrait être retardée (art. 2).

L’État partie devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour que la législation révisée entre en vigueur sans délai.

Définition de la torture et peines applicables

Le Comité note avec satisfaction qu’une définition de la torture a été incorporée dans le nouveau Code pénal, mais il est préoccupé par le fait que, contrairement à ce que prévoit l’article premier de la Convention, cette définition ne vise pas les actes de torture commis pour des motifs fondés sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit ni ne cite la volonté d’intimider ou de faire pression, y compris sur une tierce personne, parmi les éléments intentionnels constitutifs d’un acte de torture. En outre, le Comité relève avec inquiétude que les peines prévues pour les actes de torture, qui vont d’une amende à une peine maximale d’emprisonnement de seulement cinq ans, ne sont pas à la hauteur de la gravité de ces actes (art. 1er, 2 et 4).

L’État partie devrait  :

a) Adopter une définition de la torture qui reprend tous les éléments de la définition énoncée à l’article premier de la Convention et qui, notamment, mentionne expressément, parmi les éléments intentionnels constitutifs d’un acte de torture, la discrimination quelle qu’elle soit ainsi que la volonté d’intimider ou de faire pression, y compris sur une tierce personne  ;

b) Veiller, pour combattre l’impunité, à ce que les actes de torture soient érigés en infractions pénales punissables de peines à la hauteur de leur gravité, ains i que le prescrit le paragraphe  2 de l’ article  4 de la Convention  ;

c) Garantir l’imprescriptibilité des actes de torture.

Garanties juridiques fondamentales

Le Comité prend note des récentes modifications apportées à la législation, mais il est préoccupé par les informations suivantes :

a)Le nombre d’arrestations effectuées sans mandat est élevé ;

b)De nombreuses personnes privées de liberté ne bénéficient pas de l’assistance d’un avocat dès le début de leur détention, et il arrive que les avocats n’assistent pas aux interrogatoires menés aux fins d’enquête ;

c)Les détenus ne sont pas informés de leurs droits, en particulier de leur droit d’être assisté par un avocat, de porter plainte devant un tribunal et de recevoir la visite des membres de leur famille ;

d)Les défendeurs indigents sont privés de la possibilité de bénéficier de l’aide juridictionnelle dès le début de leur détention du fait que celle-ci ne peut être accordée qu’après que l’Association des avocats de Mongolie et le Barreau de Mongolie ont été notifiés officiellement d’une demande dans ce sens ;

e)Dans plusieurs cas portés à la connaissance du Comité, les enquêteurs et les procureurs ont subordonné le droit des détenus de recevoir la visite de membres de leur famille à la condition que ceux-ci reconnaissent avoir commis les infractions dont ils étaient accusés ;

f)Les détenus sont parfois placés dans des lieux très éloignés du lieu de résidence de leur famille, ce qui rend les visites difficiles (art. 2 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour faire en sorte que tous les détenus bénéficient dans la pratique de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur privation de liberté, conformément aux normes internationales, notamment en faisant le nécessaire pour qu’il ne soit plus procédé à des arrestations sans mandat . Entre autres garanties, les détenus devraient en outre  :

a) Être informés, oralement et par écrit, des charges portées contre eux et de tous les droits que leur confère la loi  ;

b) Bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de leur privation de liberté, celui-ci devant être présent pendant les interrogatoires menés aux fins d’enquête, et, pour ceux qui sont indigents, avoir accès sans délai à l’aide juridictionnelle  ;

c) Pouvoir informer un membre de leur famille ou toute autre personne de leur choix de leur détention immédiatement après leur arrestation  ;

d) Pouvoir recevoir des visites sans que l’exercice de ce droit soit soumis à condition, par exemple sans qu’il soit utilisé comme moyen de pression pour obtenir des aveux  ;

e) Être placés dans des établissements pénitentiaires situés à une distance raisonnable de leur famille pour faciliter les visites de leurs proches .

Durée de la détention provisoire

Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la détention provisoire serait couramment utilisée comme une mesure de contrainte, y compris pour des périodes excédant la durée fixée par la loi, de préférence à des mesures de substitution à la détention telles que les mesures non privatives de liberté. Il note également avec inquiétude que, selon les informations dont il dispose, plus de 12 % des personnes arrêtées auraient été maintenues en détention provisoire pendant plus de douze mois, et 3 % pendant plus de trente mois. Enfin, le Comité est préoccupé par le fait que le temps passé en détention provisoire n’est pas comptabilisé par le tribunal au moment de déterminer la durée totale de la peine d’emprisonnement (art. 2 et 11).

L’État partie devrait  :

a) Modifier sa législation en vue de réduire la durée de la détention provisoire, laquelle devrait être une mesure appliquée à titre exceptionnel et pour des périodes limitées, et être clairement réglementée et systématiquement soumise à un contrôle judiciaire afin que soient respectées les garanties juridiques et procédurales fondamentales  ;

b) Faire en sorte que nul ne soit maintenu en détention provisoire pendant une période excédant la durée fixée par la loi et que le temps passé en détention provisoire soit comptabilisé dans la durée de la peine d’emprisonnement prononcée  ;

c) Envisager de remplacer la détention provisoire par des mesures non privatives de liberté, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo)  ;

d) Veiller à ce que des mesures de réparation et une indemnisation soient assurées aux personnes ayant été maintenues en détention provisoire de manière prolongée et injustifiée.

Impunité des auteurs d’actes de torture

Le Comité note avec préoccupation :

a)Que les articles 10 et 45 de la loi relative au Bureau du procureur ont été abrogés le 24 janvier 2014, ce qui entraîné la dissolution de l’unité spéciale d’enquête (qui avait été adjointe au Bureau du Procureur général), dont la mission consistait à enquêter sur les actes de torture et les mauvais traitements imputés à des agents de l’État, y compris au sein de la police, et à poursuivre les agents mis en cause ; que les fonctions auparavant exercées par l’unité spéciale d’enquête ont été confiées à l’Autorité indépendante de lutte contre la corruption et à la Division des enquêtes du Département général de la police, ce qui pourrait créer des conflits d’intérêt, nuire à l’efficacité des enquêtes et faire obstacle à l’ouverture de poursuites pénales ; et qu’aucune information n’a été diffusée concernant le résultat de l’enquête menée par le Bureau des enquêtes du Département général de la police sur trois plaintes relatives à des faits de torture. En outre, l’Autorité indépendante de lutte contre la corruption n’est pas compétente pour enquêter sur les infractions visées par l’article 251 du Code pénal ;

b)Qu’en vertu de l’article 27 du Code de procédure pénale, ce sont désormais les unités d’enquête des services de police locaux qui sont compétentes pour enquêter sur les actes de torture commis par des agents de police ;

c)Que les salles d’interrogatoire des centres de détention ne sont pas toutes équipées d’un système de télésurveillance et d’enregistrement audio et vidéo et que, dans certains cas, le coût des enregistrements est à la charge du défendeur (art.2, 12, 13, 15 et 16).

Rappelant sa recommandation p récédente (CAT/C/MNG/CO/1, par.  9), le Comité invite l’État partie à  :

a) Veiller à ce que tous les actes de torture et les mauvais traitements imputés à des agents de l’État, y compris au sein de la police, donnent lieu sans délai à une enquête efficace et impartiale par un mécanisme indépendant et à ce qu’il n’y ait aucun lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs et les auteurs présumés  ;

b) Faire en sorte que toutes les personnes soupçonnées d’actes de torture ou de mauvais traitements soient immédiatement suspendues de leurs fonctions et le restent pendant toute la durée de l’enquête, tout en veillant à ce que le principe de la présomption d’innocence soit respecté  ;

c) Faire en sorte que, dans tout le pays, les salles d’interrogatoire des centres de détention soient équipées d’un système de télésurveillance et de dispositifs permettant l’enregistrement audio et vidéo des interrogatoires  ; que les enregistrements vidéos soient visionnés en vue de détecter les cas de torture et d’autres violations et qu’il soit procédé à des enquêtes  ; que ces enregistrements soient mis gratuitement à la disposition des défendeurs et de leur conseil et qu’ils puissent être utilisés comme éléments de preuve devant un tribunal  ;

d) Informer le Comité du résultat des enquêtes actuellement menées par le Bureau des enquêtes du Département général de la police sur les trois plaintes relatives à des actes de torture dont il est question dans les renseignements supplémentaires fournis par l’État partie en juillet 2016.

Plaintes et enquêtes immédiates, impartiales et efficaces

Rappelant ses précédentes observations finales (CAT/C/MNG/CO/1, par. 11), le Comité note avec inquiétude qu’aucune mesure n’a été prise à la suite des événements survenus le 1er juillet 2008. Il craint en outre que la réattribution des compétences en matière d’enquête sur les actes de torture n’entraîne une baisse du nombre de plaintes émanant des personnes privées de liberté (art. 2, 12 et 13).

Le Comité rappelle sa précédente recom mandation (CAT/C/MNG/CO/1, par.  11) selon laquelle l’État partie devrait  :

a) F aire le nécessaire pour que soient mis en place des mécanismes indépendants et efficaces chargés de recevoir des plaintes et de mener sans délai des enquêtes impartiales et efficaces sur les allégations de torture et de mauvais traitements  ;

b) C ombattre l ’ impunité et veiller à ce que les personnes reconnues coupables d ’ actes de torture et de mauvais traitements , y compris dans le contexte des événements survenus le 1 er juillet 2008, so ie nt condamnées dans les meilleurs délais  ;

c) P rendre des mesures afin de protéger les plaignants, les défenseurs et les témoins contre les tentatives d ’ intimidation et les représailles , conformément aux dispositions de l ’ article  13 de la Convention.

Conditions de détention

Le Comité note que le régime d’isolement spécial a été aboli et que le régime des quartiers ouverts et des quartiers fermés a été adopté, mais il est préoccupé par la persistance du surpeuplement carcéral et des mauvaises conditions de vie en détention, en particulier au centre de détention de la police de Denjiin Myanga. Il est également préoccupé par l’absence de mécanisme de contrôle à même d’assurer une surveillance dans les établissements accueillant des personnes présentant un handicap psychosocial ou dans les établissements de protection sociale (art. 11).

Le Comité rappelle ses précédentes recomm andations (CAT/C/MNG/CO/1, par.  16) et invite instamment l’État partie à prendre les mesures nécessaires pour rendre les conditions carcérales conformes aux normes internationales pertinentes concernant les droits de l’homme, notamment à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). Le Comité engage notamment l’État partie à  :

a) Prendre les mesures nécessaires pour réduire le surpeuplement et allouer les ressources voulues pour améliorer les conditions de vie, en particulier au centre de détention de la police de Denjiin Myanga, et donner des informations actualisées sur l’état d’avancement de la construction de quatre nouveaux centres de détention devant s’achever en 2016  ;

b) Envisager l’application de mesures non privatives de liberté et d’autres solutions de substitution à la détention, conformément aux Règles de Tokyo  ;

c) Renforcer la surveillance indépendante et régulière, par la Commission nationale des droits de l’homme, qui vient d’être désignée mécanisme national de prévention et dont l’indépendance doit être renforcée, ainsi que par d’autres mécanismes indépendants et impartiaux, de tous les lieux de privation de liberté, y compris les établissements accueillant des personnes présentant un handicap psychosocial et les établissements de protection sociale, et donner à ces mécanismes les moyens de recueillir les plaintes des détenus relatives à leurs conditions de détention et à la manière dont ils sont traités et de leur donner la suite voulue.

Condamnés à mort

Le Comité note que la peine de mort sera abolie avec l’entrée en vigueur, le 1er septembre 2016, du nouveau Code pénal et se réjouit du moratoire sur l’application de la peine de mort, mais il reste préoccupé par la situation actuelle des prisonniers qui se trouvaient dans le quartier des condamnés à mort au moment de l’examen du rapport initial de l’État partie, ainsi que par la situation des deux individus qui ont été condamnés à la peine capitale en 2015 (art. 2, 11 et 16).

Rappelant sa précédente recom mandation (CAT/C/MNG/CO/1, par.  19), sur la mise en œuvre de laquelle il avait demandé que des renseignements lui soient communiqués dans le cadre de la procédure de suivi, le Comité réaffirme que l’État partie devrait  :

a) Commuer toutes les condamnations à mort en peines d’emprisonnement et faire en sorte que les prisonniers qui se trouvaient dans le quartier des condamnés à mort bénéficient désormais du même régime que les autres détenus  ;

b) Veiller à ce que les personnes qui se trouvaient dans le quartier des condamnés à mort bénéficient désormais de toutes les garanties prévues par la Convention, notamment des garanties juridiques fondamentales  ;

c) Veiller à ce que les prisonniers qui se trouvaient dans le quartier des condamnés à mort bénéficient désormais de conditions de détention qui répondent à leurs besoins essentiels et soient respectueuses de leurs droits , ainsi que l’exigent les normes internationales  ;

d) Communiquer au Comité des informations actualisées sur la situation de toute autre personne qui était détenue dans le quartier des condamnés à mort au moment de l’examen du rapport initial de l’État partie, y compris les deux personnes qui ont été condamnées à mort en 2015, ainsi que sur le régime carcéral qui leur est appliqué.

Justice pour mineurs

Le Comité prend note des réponses constructives données par la délégation de l’État partie au cours du dialogue mais il demeure préoccupé par le fait qu’il n’existe pas dans l’État partie de véritable système de justice pour mineurs, notamment de tribunaux spécialisés pour mineurs. Il juge en outre préoccupantes les informations selon lesquelles, en détention, les mineurs ne sont pas toujours séparés des adultes (art. 2, 10, 11 et 16).

L’État partie devrait  :

a) Envisager de mettre en place un véritable système de justice pour mineurs , spécialisé et efficace , conformément aux normes internationales, notamment à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l ’ administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) et aux Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad)  ;

b) Veiller à ce que les mineurs ne soient placés en détention qu’en dernier ressort, dans le strict respect de la loi et pour la durée la plus courte possible  ;

c) Mettre en place, à l’intention des juges et des procureurs, un programme de formation spécialement consacré à la justice pour mineurs, qui porte notamment sur l’application des mesures non privatives de liberté, et faire en sorte que les tribunaux qui ont à juger des mineurs en conflit avec la loi intègrent ces mesures dans leur pratique  ;

d) Veiller à ce que les mineurs privés de liberté soient séparés des adultes  ;

e) Veiller à ce que les conditions de détention des mineurs fassent l ’ objet d ’ une surveillance régulière et indépendante  ;

f) Accélérer la construction du centre spécial de formation et d’éducation pour les mineurs délinquants dans le district de Bayanzürkh, qui doit être terminée en 2017.

Châtiments corporels à l’égard des enfants

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi relative aux droits de l’enfant et de la loi relative à la protection de l’enfance, qui érigent en infraction pénale le fait d’infliger des châtiments corporels à des enfants quel que soit le contexte, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles environ 42 % des enfants subissent des châtiments physiques ou psychologiques dans leur famille (art. 16).

L’État partie devrait  :

a) Prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la stricte application de l’interdiction des châtiments corporels dans tous les contextes, sans exception  ;

b) Mener à l’intention des professionnels et du grand public des campagnes de sensibilisation aux effets néfastes des châtiments corporels et promouvoir des formes de discipline positives et non violentes permettant d’éduquer et d’élever les enfants tout en veillant à leur bien-être  ;

c) Enquêter sur tous les cas signalés de châtiments corporels, poursuivre les responsables et les sanctionner.

Violence à l’égard des femmes et violence intrafamiliale

Le Comité se réjouit de l’entrée en vigueur, le 1erseptembre 2016, de la version modifiée du Code pénal, qui érige en infraction la violence intrafamiliale et d’autres formes de violence à l’égard des femmes et des filles, y compris celles issues de minorités sexuelles, ainsi que de la révision de la loi relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes et de la construction de quatre foyers d’accueil pour les victimes de violence intrafamiliale. Il est néanmoins préoccupé par l’incidence élevée de la violence à l’égard des femmes, notamment de la violence intrafamiliale et de la violence sexuelle, le faible nombre de signalements, l’absence de données statistiques sur la violence à l’égard des femmes et le fait que le viol conjugal ne constitue pas une infraction pénale (art. 2, 12 à 14 et 16).

L’État partie devrait  :

a) Veiller à ce que les articles pertinents du Code pénal modifié et de la loi révisée sur la lutte contre la violence intrafamiliale soient rigoureusement appliqués dans les faits  ;

b) Modifier la législation de façon à ériger le viol conjugal en infraction  ;

c) Mettre à la disposition des victimes de violence intrafamiliale un mécanisme de plainte efficace et indépendant  ;

d) Veiller à ce que toutes les allégations de violence intrafamiliale, notamment de violence sexuelle et de violence à l’égard des enfants, soient enregistrées par la police et donnent rapidement lieu à des enquêtes efficaces et impartiales et à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et condamnés  ;

e) Assurer une protection aux victimes de violence intrafamiliale, notamment au moyen de mesures d’éloignement, et garantir leur accès à des services médicaux et juridiques, y compris des services de soutien psychologique  ; accroître le nombre de foyers sûrs et allouer à ces structures des ressources suffisantes, et donner des informations sur la capacité d’accueil des foyers existants et les services qu’ils proposent ainsi que sur les mesures de réparation, y compris aux fins de réadaptation, offertes aux victimes  ;

f) Mettre en place, à l’intention des policiers et des autres personnels chargés de faire appliquer la loi, des travailleurs sociaux, des juges, des procureurs et des professionnels de la santé, des cours de formation obligatoires portant sur les textes législatifs qui érigent la violence à l’égard des femmes en infraction ainsi que sur la vulnérabilité des victimes de violence fondée sur le sexe et de violence intrafamiliale  ;

g) Fournir des données statistiques sur la violence intrafamiliale, la violence sexuelle et d’autres formes de violence à l’égard des femmes, y compris le viol conjugal, ventilées en fonction de l’âge et de l’origine ethnique des victimes et de leur lien avec l’auteur des violences, ainsi que sur le nombre de plaintes relatives à ce type de violences, sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations auxquelles elles ont donné lieu et sur les peines prononcées.

Discrimination et violence à l’égard des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués

Le Comité note que le Code pénal révisé interdit la discrimination fondée sur des motifs divers et proscrit les crimes de haine et les discours incitant à la haine, mais il reste préoccupé par les violences, notamment les agressions physiques et d’autres mauvais traitements, dont seraient fréquemment victimes les personnes appartenant à des populations vulnérables, en particulier les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués, y compris de la part de la police, ce qui dissuade les victimes de porter plainte. Le Comité est en outre gravement préoccupé par les informations selon lesquelles les plaintes ne sont pas enregistrées par la police et ne font pas l’objet d’enquêtes, et sont classées sans suite par le Bureau du procureur (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait  :

a) Faire appliquer rigoureusement les dispositions pertinentes du Code pénal dès l’entrée en vigueur de celui-ci le 1 er septembre 2016  ;

b) Mettre en place un mécanisme efficace de surveillance, de sanction et de plainte afin de garantir que les allégations relatives à des agressions fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre des victimes donnent lieu sans délai à des enquêtes approfondies et impartiales, conformément aux Principes de Jogjakarta sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre  ;

c) Veiller à ce que toutes les plaintes pour agressions et mauvais traitements à l’égard des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués, y compris celles mettant en cause des policiers, donnent lieu à des enquêtes et à des poursuites, et à ce que toutes les personnes mises en cause soient immédiatement suspendues de leurs fonctions et le restent pendant toute la durée de l’enquête  ;

d) Prendre toutes les mesures voulues pour que les auteurs d’actes de violence à l’égard de personnes issues de groupes vulnérables, en particulier les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués, soient traduits en justice  ;

e) Assurer une réparation aux victimes, y compris sous la forme d’une indemnisation et de moyens de réadaptation.

Traite des êtres humains

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains et des modifications du Code pénal, notamment en ce qui concerne son article 113, mais il note avec préoccupation que l’État partie reste un pays d’origine et de destination de la traite, en particulier à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle forcée, que ces pratiques concernent notamment des mineurs et que la police serait parfois impliquée. Il est en outre préoccupé par la confusion dont semblent faire l’objet les articles 113 et 124 du Code pénal en raison d’un manque de formation des membres du parquet, des agents de l’immigration et des policiers, ainsi que par l’absence de cadre d’action intégré et coordonné pour combattre la traite, ce qui empêche d’assurer protection et assistance aux victimes (art. 2, 10, 12 à 14 et 16).

L’État partie devrait  :

a) Appliquer rigoureusement la législation nationale et internationale contre la traite des êtres humains, allouer des fonds suffisants à la lutte contre la traite et mettre en place un cadre d’action intégré et coordonné pour combattre la traite  ;

b) Prendre des mesures efficaces pour prévenir et éliminer la traite des êtres humains, notamment en assurant aux agents de la fonction publique, en particulier aux policiers, aux agents de l’immigration et aux membres du parquet, une formation spécialisée concernant les méthodes d’identification des victimes de la traite, les enquêtes sur les faits de traite, la poursuite des auteurs et les peines applicables  ;

c) Garantir la mise en œuvre effective du Plan national d’action 2015-2020 élaboré en vertu de la loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains et mener des campagnes nationales de prévention mettant l’accent sur la nature criminelle de cette pratique  ;

d) Procéder sans délai à des enquêtes efficaces et impartiales sur les faits de traite et les pratiques connexes, traduire les coupables en justice et les condamner à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes, y compris s’il s’agit de policiers  ;

e) Renforcer la protection des victimes de la traite, en particulier des mineurs, et assurer leur accès à des moyens d’obtenir réparation, notamment à l’assistance gratuite d’un conseil, à une aide médicale et psychologique et à des moyens de réadaptation  ; mettre à leur disposition des foyers d’accueil appropriés et les aider à signaler des cas de traite à la police  ;

f) Continuer de coopérer au niveau international, conformément aux obligations découlant de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des protocoles s’y rapportant, ratifiés par l’État partie en 2008, afin de prévenir la traite et de punir les responsables, et empêcher le retour des victimes de la traite dans leur pays d’origine lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’elles risquent d’être soumises à la torture  ;

g) Fournir au Comité des données ventilées complètes sur le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées dans des affaires de traite ainsi que sur les mesures de réparat ion effectivement accordées aux  victimes.

Institution nationale des droits de l’homme et mécanisme national de prévention

Le Comité prend note du projet de loi qui prévoit un élargissement du mandat de la Commission nationale des droits de l’homme, compte tenu notamment de la désignation de celle-ci en tant que mécanisme national de prévention au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, mais il relève avec préoccupation que le budget de la Commission diminue chaque année et que celle-ci pourrait ne pas disposer des ressources humaines nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions (art. 2).

L’État partie devrait  :

a) Renforcer le mandat de la Commission nationale des droits de l’homme, y compris sa compétence pour superviser les activités des services et des fonctionnaires de police, conformément aux modifications apportées à la législation, notamment à la désignation de la Commission en tant que mécanisme national de prévention, rôle dont elle doit s’acquitter d’une manière pleinement conforme au Protocole facultatif se rapportant à la Convention et aux Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants  ;

b) Prendre des mesures pour garantir l’allocation de ressources humaines et financières suffisantes et la mise en place d’une structure appropriée pour permettre à la Commission de s’acquitter de ses fonctions de manière indépendante et efficace, notamment au moyen d’un processus de sélection et de nomination officiel, clair, transparent et participatif, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Non-refoulement

Le Comité note avec préoccupation que, si les chapitres 46 et 47 du Code de procédure pénale régissant l’extradition des étrangers ou des apatrides ayant commis des infractions ou ayant été condamnés sur le territoire d’un pays étranger prévoient des motifs pour lesquels une demande d’extradition peut être rejetée, ils ne prennent pas en considération les cas dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que la personne réclamée risque d’être soumise à la torture. Le Comité craint que le principe de non‑refoulement ne soit pas respecté dans le cadre des accords bilatéraux et multilatéraux que l’État partie a conclus en matière d’extradition (art. 2, 3 et 16).

L’État partie devrait  :

a) Prendre des mesures législatives, judiciaires et administratives efficaces pour s’acquitter des obligations en matière de non-refoulement qui lui incombent en vertu de l’article  3 de la Convention  ;

b) Veiller à ce que les textes qui régissent l’expulsion des étrangers confèrent un effet suspensif aux recours judiciaires contre les arrêtés d’expulsion  ;

c) Veiller à ce qu’aucune personne ne puisse être expulsée, renvoyée ou extradée vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture  ;

d) S’assurer que les accords bilatéraux et multilatéraux qu’il a conclus en matière d’extradition respectent le principe de non-refoulement  ;

e) Envisager d’adhérer à la Convention relative au statut des réfugiés et au Protocole s’y rapportant.

Formation

Le Comité note la formation dispensée au personnel de police mais il est préoccupé par le fait que d’autres agents de la fonction publique ne reçoivent pas de formation suffisante en ce qui concerne les dispositions de la Convention, notamment l’interdiction absolue de la torture, la violence à l’égard des femmes et la traite des êtres humains. Il note également avec inquiétude que les professionnels de la santé qui travaillent auprès de personnes privées de liberté ne sont pas tous formés à l’application du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) (art. 10).

L’État partie devrait  :

a) Mettre en place à l’intention des juges, des procureurs, des avocats et du personnel des forces de l’ordre une formation obligatoire concernant les dispositions de la Convention et l’interdiction absolue de la torture ainsi que la violence à l’égard des femmes et la traite des êtres humains  ;

b) Veiller à ce que le Protocole d’Istanbul constitue un élément central de la formation dispensée à tous les professionnels de la santé et autres agents de la fonction publique qui travaillent auprès de personnes privées de liberté  ;

c) Élaborer et appliquer des méthodes spécifiques pour évaluer l’efficacité des programmes de formation et d’enseignement relatifs aux dispositions de la Convention qui sont mis en œuvre à l’intention des agents des forces de l’ordre et d’autres agents de la fonction publique et déterminer dans quelle mesure ces programmes contribuent à réduire le nombre de cas de torture.

Réparation, y compris indemnisation et réadaptation

Le Comité note que la loi relative à l’indemnisation pour dommage moral a été modifiée et que le Code de procédure pénale prévoit que tant les dommages corporels que les dommages moraux ouvrent droit à indemnisation, mais il relève avec préoccupation qu’aucune loi ne garantit aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements les moyens d’obtenir réparation, y compris sous la forme d’une indemnisation adéquate (art. 2 et 14).

L’État partie devrait adopter une loi garantissant aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements le droit d’obtenir réparation, y compris sous la forme d’une indemnisation adéquate et équitable et de moyens de réadaptation, et créer un fonds à cet effet. Il devrait indiquer combien de demandes de réparation et d’indemnisation ont été déposées, à combien d’entre elles les tribunaux ont fait droit, et quels montants ont été ordonnés et versés dans chaque cas. En outre, l’État partie devrait fournir des informations sur les programmes de réparation, y compris les traitements des traumatismes et d’autres formes de réadaptation, qui ont été mis en œuvre en faveur des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements pendant la période visée par le rapport.

Procédure de suivi

Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, d’ici au 12  août 2017, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations relatives aux garanties juridiques fondamentales et à l’impunité qui sont formulé es aux paragraphes 12 a) à d) et 16  a) à d) des présentes observations finales. L’État partie est en outre invité à informer le Comité des mesures qu’il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d ’ ici à la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans le présent document.

Autres questions

Le Comité rappelle sa précédente recom mandation (CAT/C/MNG/CO/1, par.  29) visant à ce que l’État partie envisage de faire les dé clarations prévues aux articles  21 et 22 de la Convention, ce qu’il s’est engagé à faire dans le cadre de l’Examen périodique universel.

Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie  : la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodiqu e, qui sera le troisième, le 12  août 2020 au plus tard.