Nations Unies

CERD/C/FRA/CO/22-23

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

14 décembre 2022

Original : français

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de la France valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport de la France valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques à ses 2929e et 2930e séances, les 15 et 16 novembre 2022. À ses 2948e et 2949e séances, le 29 novembre 2022, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques, et se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie. Il remercie l’État partie pour les informations fournies lors du dialogue et après celui-ci.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, le 7 janvier 2016.

4.Le Comité salue, en outre, les mesures législatives et institutionnelles ci-après prises par l’État partie :

a)L’abrogation, en janvier 2017, de la loi no 69-3 du 3janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, qui contenait les obligations relatives aux titres de circulation et à la commune de rattachement ;

b)L’élaboration et la mise en œuvre du Plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (2018-2020) ;

c)L’adoption de la Stratégie française 2020-2030 en réponse à la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 12 mars2021 pour « l’égalité, l’inclusion et la participation des Roms », en 2022 ;

d)La création du Pôle national de lutte contre la haine en ligne.

C.Préoccupations et recommandations

Statistiques

5.Le Comité prend note des explications fournies par l’État partie concernant la collecte de données ventilées par origine raciale ou ethnique, et salue les efforts déployés visant à recueillir des informations sur la discrimination, tels que les enquêtes « Cadre de vie et sécurité », dites de « victimation », et l’enquête « Trajectoires et origines ». Cependant, il regrette que les outils développés pour la collecte des données soient encore limités et ne permettent pas d’avoir une vision complète de la situation de discrimination raciale à laquelle font face les différents groupes ethniques dans l’ensemble de l’État partie, y compris dans les territoires d’outre-mer. Le Comité constate que l’absence de données ventilées par origine ethnique constitue une limitation pour l’élaboration et la mise en œuvre de politiques publiques efficaces qui prennent en compte les besoins spécifiques des différents groupes.

6. Rappelant le paragraphe 5 de ses précédentes observations finales et sa recommandation générale n o 24 (1999) concernant l’article premier de la Convention, et soulignant qu ’ il importe de disposer de données ventilées pour pouvoir détecter la discrimination racia le et la combattre efficacement, le Comité recommande à l ’ État partie de continuer ses efforts pour concevoir des outils efficaces, sur la base du principe de l ’ auto-identification et de l’anonymat, pour recueillir des données et des informations sur la composition démographique de sa population dans l’ensemble de son territoire, y compris les territoires d’outre-mer . Le Comité recommande également à l’État partie de s’appuyer sur ces données pour élaborer ses politiques de lutte contre la discrimination raciale.

Application de la Convention

7.Le Comité regrette de n’avoir pas reçu d’informations concernant des décisions dans lesquelles les dispositions de la Convention ont été appliquées par les juges, de l’ordre judiciaire ou administratif, ou des cas dans lesquels la Convention a été invoquée par les parties ou par leurs avocats devant les juridictions ou les instances administratives de l’État partie. Le Comité est également préoccupé par l’absence de politique intégrale de formation et de sensibilisation des agents et des acteurs concernés par l’application de la Convention (art. 2).

8. Le Comité demande à l’État partie de fournir des renseignements sur l’application de la Convention. Il lui recommande de renforcer ses efforts pour fournir des formations régulières, en particulier aux juges, aux procureurs, aux avocats, aux membres des forces de l ’ ordre, aux membres de l ’ Assemblée nationale et du Sénat, et à d ’ autres acteurs concernés , sur les dispositions de la Convention. Le Comité recommande également à l’État partie de mener des campagnes de sensibilisation auprès de la population générale, en particulier les groupes les plus vulnérables à la discrimination, sur les dispositions de la Convention et sur les recours ouverts.

Lutte contre la discrimination raciale

9.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la discrimination raciale, y compris la mise en œuvre de plans nationaux contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Il est préoccupé par le fait que la discrimination raciale systémique, ainsi que la stigmatisation et l’utilisation de stéréotypes négatifs à l’égard de certaines minorités, notamment les Roms, les gens du voyage, les personnes africaines et d’ascendance africaine, les personnes d’origine arabe et les non-ressortissants demeurent fortement ancrées dans la société française, ce qui se reflète souvent dans leur exclusion sociale et les limitations dans la jouissance de leurs droits, notamment économiques, sociaux et culturels (art. 2).

10. Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ attaquer de manière prioritaire aux causes structurelles et systémiques de la discrimination raciale présente dans l’État partie. Il lui recommande également la mise en œuvre effective du nouveau Plan national contre le racisme, l ’ antisémitisme et les discriminations fondées sur l ’ origine 2023-2026 , notamment par une dotation suffisante en ressources huma ines, techniques et financières et la création de mécanismes efficaces de coordination entre les différen tes autorités chargées de sa mise en œuvr e aux niveaux national et local, y compris dans les territoires d’outre-mer. Le Comité encourage l’État partie à assurer la pleine participation des populations concernées dans la mise en œuvre de ce plan , notamment les Roms, les g ens du voyage, les personnes africaines et d ’ ascendance africaine, les personnes d ’ origine arabe et les non-ressortissants.

Discours de haine raciale

11.Malgré les efforts déployés par l’État partie dans la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité demeure préoccupé par la persistance et l’ampleur des discours à caractère raciste et discriminatoire, notamment dans les médias et sur Internet. Il est également préoccupé par le discours politique raciste tenu par des responsables politiques à l’égard de certaines minorités ethniques, en particulier les Roms, les gens du voyage, les personnes africaines ou d’ascendance africaine, les personnes d’origine arabe et les non-ressortissants (art. 2 et 4).

12. Conformément à sa recommandation générale n o 35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De redoubler d’efforts pour prévenir et combattre efficacement les discours de haine raciale, y compris par l’application effective de la législation relative à la diffusion d’idées de supériorité ou de haine raciale afin de prévenir, de sanctionner et de décourager toute manifestation de racisme et de haine raciale dans les espaces publics , notamment dans les médias et sur Internet ;

b) De veiller à ce que tous les cas de discours de haine raciale donnent lieu à une enquête, à des poursuites, s’il y a lieu, ou à d’autres mesures adéquates, selon les circonstances, que les auteurs soient punis, indépendamment de leur statut public, et que les victimes aient accès aux voies de recours utiles et à des réparations adéquates, le cas échéant ;

c) D’évaluer et de poursuivre les formations des personnels chargés de l’application de la loi, ainsi que les campagnes de sensibilisation ciblées afin de prévenir et de combattre les crimes et discours de haine à caractère raciste, y compris parmi les acteurs du débat démocratique ;

d) De poursuivre ses efforts pour surveiller la prolifération des discours de haine raciale sur Internet et les médias sociaux, en étroite coopération avec les fournisseurs d’accès à Internet, les plateformes de réseaux sociaux et les populations les plus concernées par les discours de haine raciale.

Situation des Roms et des gens du voyage

13.Le Comité reste préoccupé par l’exclusion sociale et la pauvreté persistante que subissent les personnes roms et les gens du voyage, en particulier en ce qui concerne :

a)Leur accès au logement et la précarité de leurs conditions de vie ;

b)L’insuffisance du nombre d’aires d’accueil, notamment pour les gens du voyage, et l’application excessive d’amendes forfaitaires délictuelles lors des installations non autorisées ;

c)Les expulsions forcées des lieux de vie informels auxquelles font face les Roms et gens de voyage, souvent menées sans proposer de solutions de logement de substitution ni tenir compte des besoins spécifiques des personnes concernées, notamment des enfants ;

d)Le faible taux de scolarisation des enfants roms et appartenant aux gens du voyage ;

e)Le taux de chômage élevé parmi les Roms et les gens du voyage par rapport au reste de la population, en particulier chez les femmes (art. 5).

14. Rappelant sa recommandation générale n o 27 (2000) sur la discrimination à l ’ égard des Roms ainsi que les recommandations formulées dans ses précédentes observations finales , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective de la stratégie nationale pour l ’ égalité, l ’ inclusion et la participation des Roms pour la période de 2020 à 2030, y compris par l ’ allocation des ressources financières et techniques nécessaires et la création d ’ un mécanisme de suivi ;

b) De prendre des mesures efficaces pour garantir aux Roms et aux g ens du voyage des logements adéquats et améliorer leurs conditions de vie, en fonction de leurs besoins particuliers, y compris par la reconnaissance de la caravane comme un logement et la mise à disposition d ’ un nombre d ’ aires d ’ accueil suffisant et offrant des conditions adéquates ;

c) De veiller à ce que les expulsions n ’ aient pas pour conséquence que des personnes se retrouvent sans abri et à ce qu ’ une solution d ’ hébergement adéquate leur soit proposée , et d ’ assurer l ’ application effective de la circulaire du 26 août 2012 relative à l ’ anticipation et à l ’ accompagnement des opérations d ’ évacuation des campements illicites, ainsi que de l ’i nstruction du 25 janvier 2018 visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles  ;

d) De garantir, dans la pratique, l ’ accès à l ’ éducation des enfants r oms et du voyage, sans discrimination ;

e) De poursuivre les efforts pour faciliter l ’ accès des Roms et des gens du voyage, en particulier les femmes, au marché de l ’ emploi.

Peuples autochtones dans les territoires d’outre-mer

15.Le Comité réitère sa préoccupation concernant la discrimination à l’égard des peuples autochtones dans les territoires d’outre-mer et le fait que leurs droits, notamment à la terre et au consentement libre, préalable et éclairé, ne soient pas pleinement respectés. Le Comité est également préoccupé par les obstacles auxquels les peuples autochtones font face dans la jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels, notamment leurs droits à la santé et à l’éducation. Il reste, en outre, préoccupé par les nombreuses difficultés d’accès à l’éducation, auxquelles font face les enfants en Guyane et en Nouvelle-Calédonie, du fait notamment de l’éloignement des centres scolaires, du manque d’enseignants titulaires et de l’absence de programmes scolaires qui prennent en compte la diversité culturelle et linguistique. Par ailleurs, le Comité constate avec préoccupation l’impact négatif des activités extractives sur la santé et l’environnement, notamment en Guyane et en Nouvelle-Calédonie. Enfin, il note avec préoccupation les effets négatifs que le changement climatique a sur les modes traditionnels de vie des populations autochtones (art. 5).

16. À la lumière de sa recommandation générale n o  23 (1997) sur les droits des populations autochtones et des recommandations formulées dans ses précédentes observations finales , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De reconnaître l es droits collectifs aux peuples autochtones, en particulier leur droit aux terres ancestrales, possédées et utilisées par ces communautés, ainsi que leur droit aux ressources traditionnellement utilisées par eux ;

b) D ’ intensifier ses efforts afin de garantir une égalité de traitement avec le reste de la population en ce qui concerne l ’ accès aux droits économiques, sociaux et culturels, notamment l ’ accès à la santé et à l ’ éducation, en tenant compte des besoins particuliers de chaque territoire, ainsi que de la diversité culturelle et linguistique des peuples autochtones ;

c) D ’ assurer que les peuples autochtones soient consultés au sujet de toute mesure législative ou administrative susceptible d ’ avoir une incidence sur leurs droits, en vue d ’ obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé, notamment avant l ’ approbation de tout projet ayant des incidences sur l ’ utilisation de leurs terres ou territoires et autres ressources ;

d) De prendre les mesures nécessaires pour garantir la protection du droit des peuples autochtones à posséder et à utiliser leurs terres, territoires et ressources, y compris par la reconnaissance légale et la protection juridique nécessaires ;

e) D ’ adopter, en consultation avec les peuples autochtones concernés, des mesures pour remédier aux conséquences des activités extractives sur la santé et l ’ environnement de ces populations et atténuer ces conséquences , ainsi que des mesures d ’ atténuation des effets de la crise climatique sur leurs terres, territoires et ressources afin de protéger leurs modes de vie et moyens de subsistance.

Situation à Mayotte

17.Le Comité reste préoccupé par le fait que certains Mahorais continuent à faire face à des difficultés dans l’accès à leurs droits économiques, sociaux et culturels, notamment leurs droits à la santé, au logement social et à l’éducation (art. 5).

18. Le Comité réitère sa recommandation antérieure et prie l ’ État partie d’accroître ses efforts pour que les Mahorais jouissent pleinement, et à égalité avec le reste de la population de l ’ État partie, de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité recommande à l’État partie d’assurer la mise en œuvre effective du plan de développement pour Mayotte dénommé « Mayotte 2025 ».

Situation des migrants, des réfugiés, des demandeurs d’asile et des apatrides

19.Le Comité constate avec préoccupation l’introduction de certaines dispositions dans la loi no 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, qui pourraient limiter l’accès au droit à l’asile, y compris par la suppression du caractère suspensif du recours devant la Cour nationale du droit d’asile. Malgré les efforts déployés par l’État partie, le Comité est toujours préoccupé par les insuffisances du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile, notamment concernant les difficultés pour accéder à des lieux d’hébergement et les mauvaises conditions de ceux‑ci. Le Comité est également préoccupé par la situation déplorable des conditions de vie et les mauvais traitements auxquels font face les personnes migrantes, notamment à la frontière franco-britannique. Le Comité réitère qu’il est important de poursuivre une politique d’immigration et d’asile fondée sur les principes de dignité humaine et de non-discrimination, afin de ne pas saper les valeurs de la Convention. Enfin, le Comité constate avec préoccupation l’application d’un régime dérogatoire en matière d’asile et d’immigration dans les territoires d’outre-mer, notamment à Mayotte et en Guyane (art. 2 et 5).

20. Conformément à sa recommandation générale n o  30 (2004) concernant la discrimination contre les non-ressortissants, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que les lois relatives à l ’ asile, à l ’ immigration et à l ’ intégration soient en conformité avec les principes internationaux des droits de l ’ homme, et que les procédures de détermination du statut de réfugié prennent en considération, sans discrimination, les personnes ayant besoin d ’ une protection internationale et offrent des garanties suffisantes du respect du principe de non ‑ refoulement ;

b) De prendre des mesures concrètes pour garantir que les requérants d ’ asile et les migrants en situation irrégulière ont effectivement accès à des lieux d ’ hébergement  ;

c) De renforcer ses efforts visant à garantir l ’ accès à un logement convenable dans de s conditions dignes et à mettre fin aux mauvais traitements auxquels font face les demandeurs d ’ asile et migrants en situation irrégulière dans les zones frontalières , notamment à la frontière franco-britannique ;

d) De mettre fin à l ’ application d ’ un régime dérogatoire en matière d ’ asile et d ’ immigration dans les territoires d ’ outre-mer.

Enfants non accompagnés

21.Le Comité est préoccupé par les informations concernant le traitement des enfants migrants et demandeurs d’asile non accompagnés, qui seraient souvent placés en rétention en attente de l’évaluation judiciaire relative à leurs conditions de mineurs. Ceux-ci feraient également face à des obstacles pour accéder à la procédure d’asile et à la réunification familiale, notamment ceux qui veulent rejoindre leur famille au Royaume-Uni (art. 2 et 5).

22. Le Comité recommande à l ’ État partie de déployer de manière urgente tous les efforts nécessaires pour ga rantir une protection effective des enfants migrants et demandeurs d ’ asile non accompagnés , en prêtant la plus grande attention à l eur accueil et à l ’ examen de l eur situation particulière, en mettant en place tous les moyens pour leur faciliter l’accès à la procédure d ’ asile et à la réunification familiale , et en évitant leur renvoi du territoire.

Profilage racial et ethnique

23.Le Comité est préoccupé par le recours fréquent aux contrôles d’identité, à des interpellations discriminatoires ainsi qu’à l’application d’amendes forfaitaires délictuelles imposées par la police ou les forces de l’ordre, ciblant de manière disproportionnée les membres de certains groupes minoritaires, en particulier les personnes africaines, d’ascendance africaine ou d’origine arabe, les Roms, les gens du voyage et les non‑ressortissants. Il est préoccupé particulièrement par l’absence de contrôle judiciaire et de traçabilité de tels contrôles d’identité, lesquels sont souvent accompagnés de propos et d’actes racistes et discriminatoires (art. 5 et 6).

24. Conformément à sa recommandation générale n o 36 (2020) sur la prévention et l ’ élimination du recours au profilage racial par les représentants de la loi , l e Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour que les agents de police n’imposent plus, de manière discriminatoire à l’égard de certains groupes minoritaires, le paiement d’amendes forfaitaires délictuelles et pour assurer aux personnes issues de ces groupes la faculté de contester ces amendes devant le juge avant tout paiement ;

b) D ’ inclure dans sa législation la définition et l ’ interdiction du profilage racial ou ethnique, et de veiller à ce que soient mises à disposition de la police et des autres agents des forces de l ’ ordre des directives claires tendant à prévenir le profilage racial ou ethnique lors des contrôles de police, des contrôles d ’ identité et d ’ autres activités de la police ;

c) De mettre en place un mécanisme effectif de contrôle judiciaire et de traçabilité des contrôles d ’ identité, ainsi que d ’ autres activités de la police et des forces de l ’ ordre, permettant d ’ identifier des cas de profilage racial ou ethnique, tout en veillant à ce qu ’ aucune règle relative à la protection des données ne soit violée ;

d) De surveiller l ’ évolution du nombre de plaintes pour profilage racial ou ethnique déposées contre la police et d ’ autres organes chargés de faire respecter les lois , et d ’ assurer un suivi efficace de ces plaintes ;

e) De veiller à ce que des agents de police appartenant aux groupes minoritaires ciblés puissent travailler en première ligne afin de gagner en visibilité et de contribuer à réduire les pratiques potentielles de profilage racial ou ethnique .

Usage excessif de la force

25.Le Comité est vivement préoccupé par le nombre de cas signalés d’usage excessif de la force et de mauvais traitements, y compris de violences physiques et verbales infligées par des agents des forces de l’ordre aux membres de certains groupes minoritaires, en particulier les personnes africaines, d’ascendance africaine ou d’origine arabe, les Roms, les gens du voyage et les étrangers. Le Comité relève avec préoccupation l’affaire portant sur le décès d’Adama Traoré, un jeune homme d’ascendance africaine décédé en 2016 à la suite de son interpellation par les gendarmes, décès dont la cause est toujours en cours de détermination (art. 5 et 6).

26. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre des mesures pour garantir que des enquêtes promptes, complètes et impartiales , par des organes externes à la police, sont menées sur tous les cas d ’ incidents racistes provoqués par des policiers ou impliquant des policiers, et de s ’ assurer que les responsables de ces actes soient poursuivis et sanctionnés de manière appropriée ;

b) De conclure l ’ enquête dans l ’ affaire portant sur le décès d’ Adama Traoré, afin que les responsables soient traduits en justice et sanctionnés de manière appropriée ;

c) De veiller à ce que les membres de groupes ciblés par le racisme et la discrimination raciale , et qui sont victimes d ’ un usage excessif de la force de la part d ’ agents des forces de l ’ ordre , aient accès à des recours utiles et à une indemnisation , et ne subissent pas de représailles pour avoir signalé ces actes ;

d) D ’ améliorer son système de collecte des données et d ’ enregistrement des plaintes relatives aux violences policières à caractère raciste, en employant des indicateurs adaptés qui permettent de relever le motif raciste et d ’ identifier la couleur de peau, l ’ ascendance ou l ’ origine nationale ou ethnique des victimes ;

e) De promouvoir la diversité ethnique au sein de la police et de renforcer les mesures prises pour prévenir les actes de racisme entre policiers, enquêter sur de tels actes et les sanctionner ;

f) De prendre des mesures efficaces pour prévenir l ’ usage excessif de la force, les mauvais traitements et les abus d ’ autorité par la police à l ’ égard des membres de groupes minoritaires, notamment en veillant à ce qu ’ une formation appropriée aux droits de l ’ homme soit fournie aux agents des forces de l ’ ordre dans l ’ ensemble du pays, conformément à la recommandation générale n o 13 (1993) du Comité concernant la formation des responsables de l ’ application des lois à la protection des droits de l ’ homme.

Protection des défenseurs des droits de l’homme

27.Le Comité est préoccupé par le fait que les défenseurs des droits de l’homme font l’objet d’intimidations et de menaces, en particulier lorsqu’ils coopèrent avec le Comité, ce qui constitue une entrave à son bon fonctionnement. Dans ce cadre, il est gravement préoccupé par les renseignements selon lesquels Assa Traoré, qui a fourni des informations concernant son frère, a été victime de messages diffamatoires et de menaces en ligne, en particulier sur des comptes de réseaux sociaux de syndicats de la police (art. 2 et 5).

28. Le Comité exhorte l’ État partie à prendre des mesures immédiates et efficaces pour garantir la sécurité d’ Assa Traoré , et à prendre des mesures disciplinaires , à diligenter les enquêtes nécessaires et, le cas échéant, à engager des poursuites pénales contre les agents de l’ État associés à ces messages d’intimidation et de menaces. Il lui recommande également de prendre les mesures nécessaires pour p rotéger les défenseurs des droits de l’homme contre les menaces et les représailles.

Lutte contre le terrorisme

29.Le Comité est préoccupé par les informations concernant le contenu et l’application de la loi no 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés et la loino 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui peuvent donner lieu à des discriminations et à un environnement d’insécurité à l’encontre de certaines minorités ethnoreligieuses, telles que les personnes musulmanes arabes, africaines, tchétchènes et autres, entraînant des privations de leurs droits et libertés fondamentales sans le respect des garanties de procédures établies (art. 2, 5 et 6).

30. Le Comité recommande à l ’ État partie de réviser sa législation relative à la sécurité globale et celle confortant le respect des principes de la République , et de s’assurer que leur contenu et leur application soient en conformité avec les principes internationaux des droits de l ’ homme , notamment les principes contenus dans la Convention. Il lui recommande également de mettre en place des garanties suffisantes afin de s ’ assurer que, dans la pratique, l ’ application des mesures de lutte contre le terrorisme n ’ ait pas un effet négatif contraire aux droits protégés par la Convention , notamment à l’égard de certaines minorités ethnoreligieuse s .

Accès à la justice

31.Le Comité constate avec préoccupation que, selon les informations fournies par l’État partie, il existe un « chiffre noir » d’agressions à caractère raciste qui ne donnent pas lieu à des plaintes, ce qui révèle la sous-déclaration des actes de racisme et de discrimination raciale. Le Comité est préoccupé par les informations qui font état d’un recours excessif aux mains courantes lors de signalement d’actes racistes, ce qui a des incidences négatives sur l’accès effectif des victimes de discrimination raciale à la justice (art. 2 et 6).

32. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter des mesures appropriées et efficaces pour que toutes les parties victimes de discrimination raciale aient accès à des voies de recours effectives et à des réparations adéquates , y compris par l’exclusion des infractions à caractère raciste de la procédure de la main courante ;

b) De renforcer la formation des responsables de l ’ application des lois aux fins d ’ examiner dûment les plaintes pour discrimination raciale et d ’ enquêter efficacement à leur sujet, et de prévenir et punir toute mesure de représailles visant quiconque dénonce des actes de discrimination raciale ;

c) De mener des campagnes pour faire connaître aux titulaires de droits les dispositions de la Convention et le régime juridique de protection contre la discrimination raciale.

Lutte contre les stéréotypes raciaux

33.Le Comité constate avec préoccupation que des préjugés et stéréotypes raciaux et xénophobes, en partie hérités du passé et liés au colonialisme et à l’esclavage, sont toujours présents dans la société française et sont souvent renforcés par les médias et les discours politiques. Cet état de fait favorise la perpétuation de la discrimination raciale et d’un climat d’intolérance envers certains groupes minoritaires comme les personnes africaines, d’ascendance africaine ou d’origine arabe, ainsi que les Roms et les gens du voyage (art. 7).

34. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place des programmes d’éducation sur les droits de l’homme, en s’assurant que l a lutte contre la discrimination raciale et le racisme ainsi que le respect de la diversité et la promotion de l ’ égalité de traitement soient inclus dans les programmes d ’ étude à tous les niveaux scolaires et que tous les enseignants soient formés sur ces sujets . Il lui recommande également d’ inclure dans ces programmes l ’ histoire du colonialisme, de l ’ esclavage et de leurs conséquences.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

35. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, comme la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (n o  169) de l’Organisation internationale du Travail. Le Comité encourage par ailleurs l’État partie à adhérer à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, de 1961.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

36. À la lumière de sa recommandation générale n o  33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

37. À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme adapté de mesures et de politiques en collaboration avec des organisations et des personnes d ’ ascendance africaine . Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o  34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

38. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Diffusion d’information

39. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent auprès de tous les organes de l’État chargés de la mise en œuvre de la Convention, y compris les collectivités territoriales, notamment dans les territoires d’outre-mer, ainsi que de les publier sur le site Web du Ministère des affaires étrangères dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra.

Document de base commun

40. Le Comité encourage l’État partie à mettre à jour son document de base commun , qui date de 2017, conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme tenue en juin 2006 . À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 42 400 mots fixée pour ce document .

Suite donnée aux présentes observations finales

41.Conformément à l’article 9 (par. 1) de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 14 a), c) et d) ( s ituation des Roms et des g ens du voyage) , 20 b) et c) ( s ituation des migrants, des réfugiés, des demandeurs d’asile et des apatrides) , et 28 (p rotection des défenseurs des droits de l’homme) ci-dessus .

Paragraphes d’importance particulière

42. Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 16 a) et b) ( p euples autochtones dans les territoires d’outre-mer) , 20 a) ( s ituation des migrants, des réfugiés, des demandeurs d’asile et des apatrides) , 22 ( e nfants non accompagnés) et 26 ( u sage excessif de la force ) ci-dessus , et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

43. Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant vingt ‑ quatri ème et vingt-cinqui ème rapports périodiques d’ici au 27 août 2026 , en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.